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COUTUME est en France un Droit par écrit, qui par la volonté & l’autorité du Roi, fait Loi dans la Province où elle a été reçûë ; car il n’y a que le Prince qui puisse donner la force & le caractére de Loi à une Coutume.

En general toutes les Coûtumes ont été formées par la nature & la raison, qui enseignent aux hommes à se procurer une maniere de vivre & une regle ordinaire, qui soit la plus convenable à leur état, & qui leur serve de guide dans ce qui est juste & dans ce qui est injuste.

Toutes les Nations ont eu de tout temps leurs Usages & leurs Coûtumes ; ce n’est pas un droit particulier aux François ; chaque Peuple s’est toujours porté à ce qui avoit plus de rapport & de conformité à son état, à ses moeurs & à ses inclinations ; mais il fait observer que les François ont toujours eu plus agréable le nom de COUTUME que celui de Loy, parce que l’un témoigne la liberté & une sujetion volontaire, & l’autre marque une servitude.

Auparavant les rédactions des Coûtumes de France, les Juges étoient obligez de juger conformément aux Usaces reçûs, comme il paroit par une Ordonnance de Sains Loüis de l’an 1278, raportée par Belleforêt ; & ces Usages se prouvoient par Enquêtes faites par Turbes lorsqu’il y avoit du doute & de l’incertitude sur un Usage.

Pour obvier à cet embarras & aux inconveniens que cette preuve causoit, & afin de rendre la Jurisprudence plus certaine, on trouva à propos de rédiger les Coûtumes par écrit.

Ce fut pour cette raison que les Etats Generaux, assemblez à Tours en 1453, demanderent au Roy Charles VII. que les Coûtumes de chaque Ville fussent rédigées par écrit par l’avis des trois Etats de chaque Province, assemblez pour cet effet sous son autorité, afin que s’il survenoit quelque difficulté sur une Coûtume, on en fit preuve au Juge par l’exhibition de l’original avec la copie portée au Greffe.

Charles VII. accorda cette demande par Lettres Patentes du 28 Janvier 1453 portant que toutes les Coûtumes seroient écrites & rédigées par les Praticiens de chaque Province de son Royaume, & qu’elles seroient observées comme Loix, abrogeant à cet effet tout autre Usage contraire à ce qui seroit écrit dans les Coûtumes après qu’elles auroient été rédigées.

On ne travailla cependant à cette rédaction qu’aprés la mort de Charles VII. c’est-à-dire sous Charles VIII. Ce travail fut conduit & dura jusques sous Charles IX.

Depuis cette redaction on s’apperçut qu’il y avoit dans la plûpart des Coûtumes des omissions, même des erreurs considérables ; c’est ce qui donna lieu à la réformation de plusieurs Coûtumes.

Les Peuples du Nord, après avoir chassé les Romains des Gaules, ne voulurent point se servir des Loix que les Romains y avoient établies ; ils conserverent les anciennes Coûtumes du Pays, & se firent de nouvelles Loix, dont suivant toutes les apparences, Raoul, premier Duc de Normandie, a été l’Auteur.

La Coûtume de Normandie n’a été rédigée par autorité du Roy qu’en 1583. suivant les Lettres Patentes de Henry III. des 17 Juillet 1577, 21 Février 1578, & s’Août 1582.

Les Députez & Commissaires du Roy n’ayant pû s’accorder sur plusieurs Questions importantes, & particulierement au sujet des biens du Pays de Caux sur les successions, ordonnerent à cet égard une surséance qui dura jusqu’à la fin de l’année 1586, que le Roy Henry III. par Lettres Patentes du 14.

Octobre 1586, nomma tout de nouveau des Commissaires pour arrêter ces difficultez, & rédiger plusieurs Usages locaux ou Articles de Coûtumes ; ce qui fut fait & achevé par les Commissaires au mois de NoVembre 1586. ou selon quelques Auteurs en 1587.

Cette Coûtume a vingt-quatre Titres, composez de six cens vingt-trois Articles, sans parler des Usages locaux, aussi rédigez par écrit & qui ont force de Loy.

En 1600 le Titre DES DECRETs fut réformé par Lettres Patentes du Roy Henry IV. du dernier Decembre 1599.

Le 6 Avril 1666. le Parlement de Normandie fit un Reglement, composé de cent cinquante-deux Articles, en interprétation de la Coûtume generale ; on appelle ce Reglement ARTICLES PLACITEZ.

Le 7 Mars 1678, le même Parlement fit un autre Reglement sur les Tutelles ; il contient quatre-vingts Articles.

Et voilà les Loix generales de la Province de Normandie, mais toûjours subordonnées aux Ordonnances de nos Rois, par la maxime que les Coûtumes, les Usages locaux & la Jurisprudence des Arrêts, cedent aux Ordonnances.

On convient que la Coûtume de Normandie est remplie de dispositions également sages & justes ; aussi l’appelle-t-on la sage Coûtume ; mais d’un autre côté il faut avoüer qu’il y en a de bien singulieres.

Chaque Coûtume est bornée à l’étenduë de la Province ou du lieu qui est soûmis à son autorité.

Les droits réels se reglent par la Coûtume du lieu où ils se trouvent ; & à l’égard des droits ou dispositions personnelles, il faut suivre la Coûtume du domicile de celui qui contracte & qui dispose de ses biens.

Le Droit Romain n’est reçû en Normandie que comme raison écrite, non plus que dans les autres Provinces du Royaume.

La preuve d’un Usage contraire incertain, se fait aujourd’hui par un ou plusieurs Actes de Notorieté, qui s’obtient du Juge sur une Requête qu’on lui presente à cet effet ; car les Enquêtes par Turbes ont été abrogées par l’Ordonnance de 1667. titre 3. On y fait souvent signer les Gens du Roy, & quel quefois les Avocats, Procureurs & Praticiens du Siege.

NORMANDIE ; Cesar est le premier des anciens, qui ait parlé de cette Province ; il a lui-même fait le dénombrement des Peuples qui l’habitoient ; le Roy Clovis conquit tout ce Pays sur les Romains.

Dans la suite les Normands, Peuples du Nord, c’est-à-dire de Dannemarc & de Norvege, étant passez en France sous la conduite de Raoul, Charles-leSimple leur ceda en 912 tout ce Pays, qui porta alors le nom de NORMANDIE.

Raoul en fut Duc, & la tint en Fief de la Couronne de France.

Il épousa la Princesse Giselle, fille du Roy, & embrassa la Religion Chrétienne.

Ses successeurs jouirent paisiblement de la Normandie jusques à Guillaume, frère de Robert, lequel étant mort sans enfans, sa succession donna lieu à une guerre entre Henry Il Roy d’Angleterre, & Etienne de Blois, Comte de Boulogne ; mais la mort d’Etienne assuré la Normandie aux Rois d’Angleterre, qui la possederent jusques au Roy Jean, surnommé Jean sans Terre, qui ayant été cité à la Cour des Pairs pour se justifier du meurtre de son neveu Artus, Duc de Bretagne, & n’ayant point comparu, il fut par Arrét de la Cour des Pairs de 1202 déclaré convaincu de parricide & de felonie, & condamné à perdre toutes les Terres qu’il avoit en France, qui demeurerent confisquées à la Couronne de France.

En vertu de cet Arrét Philippe Auguste se mit en possession de la Normandie. Henry III. Roy d’Angleterre, en demanda la restitution ; & par le Traité conclu à Paris en 1259. S. Loüis ceda le Limousin, le Quercy & quelques Pays de la Guienne à Henry, qui renonça à toutes ses prétentions sur la Normandie. Ce Traité fut confirmé par les Rois Philippe III. en 1269. & par Philippe-leBel en 1286.

Les Anglois reprirent cette Province sur Charles VI. mais Charles VII. les chassa de la France, & Loüis XII. réunit la Normandie à la Couronne.

Depuis ce tems là nos Rois ont toujours possedé la Normandie paisiblement & incommutablement.

C’est cette grande Province, qui est regie par la Coûtume sur laquelle nous donnons cet Ouvrage par forme de Décisions sur chaque Article.