Cinquième journée
Lundi 26 novembre 1945.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Je désirerais présenter une requête. Je suis le Dr Sauter, défenseur de l’accusé von Ribbentrop. Le 30 octobre, l’accusé Ribbentrop a demandé que son ancienne secrétaire, Margareta Blank, qui se trouvait à cette époque en détention préventive à Nuremberg, soit mise à sa disposition pour dicter un mémoire en réponse à l’Acte d’accusation et pour prendre une vue d’ensemble des tâches officielles qu’il assuma pendant les sept ou huit dernières années.
Par décision du 11 novembre 1945, le Tribunal y avait consenti. L’accusé von Ribbentrop a donc pu dicter pendant quelques heures, mais cette possibilité lui a été ôtée pour des raisons qui lui sont inconnues. L’accusé von Ribbentrop n’a encore reçu ni les notes sténographiées, ni un exemplaire dactylographié du texte dicté à mademoiselle Blank. Le 15 novembre, il a demandé, mais sans résultat, que sa secrétaire soit remise à sa disposition. En conséquence, l’accusé von Ribbentrop, par requête adressée au Tribunal, demande à Monsieur le Président de bien vouloir ordonner que son ancienne secrétaire, Margareta Blank, soit remise à sa disposition pour noter sous sa dictée les détails nécessaires. Cette autorisation paraît être indispensable à la préparation du témoignage de l’accusé Ribbentrop, aussi bien qu’à la préparation des témoignages à décharge. Particulièrement dans le cas de l’accusé von Ribbentrop, le nombre des preuves à examiner est si considérable qu’il nous paraît impossible de le faire d’une autre façon.
L’accusé von Ribbentrop a une autre requête à présenter. Il a demandé à plusieurs reprises que quelques-uns de ses anciens collaborateurs, particulièrement l’ambassadeur Gaus, l’ambassadeur von Rintelen, le ministre von Sonnleitner, le professeur Fritz Berber et le sous-secrétaire d’État Henke, soient amenés à Nuremberg en qualité de témoins et qu’il puisse leur parler en présence de son avocat. Cette requête a été partiellement rejetée le 10 novembre, mais le Tribunal n’a pas encore, en ce qui concerne le reste de la requête, pris de décision. Il est tout à fait impossible à l’accusé von Ribbentrop de donner un compte rendu clair et complet de toute la politique extérieure de l’Allemagne au cours des sept ou huit dernières années, si l’on ne met à sa disposition qu’un crayon et un bloc-notes. Les Livres Blancs du ministère des Affaires étrangères, dont il a demandé la communication ne lui ont même pas été remis. Étant donné que la documentation nécessaire à l’examen de la politique étrangère allemande au cours des sept ou huit dernières années est très étendue, il est impossible à l’accusé von Ribbentrop de se rappeler par le menu, les dates, les événements, les documents ou autres faits, à moins que sa mémoire ne soit rafraîchie par des conversations avec ses anciens collaborateurs.
En outre, l’accusé von Ribbentrop a fait usage, au cours des quatre dernières années, d’une grande quantité de somnifères, en particulier de bromure, et sa mémoire en a subi le contrecoup.
En ce qui concerne la pleine mise en lumière de la vérité historique, dans un domaine qui intéresse non seulement le Tribunal, mais aussi l’opinion publique mondiale, le résultat atteint serait décevant si l’accusé von Ribbentrop, au cours de son interrogatoire, déclarait à plusieurs reprises qu’il ne peut plus se rappeler tel détail. En conséquence, l’accusé von Ribbentrop prie le Tribunal de faire venir ici ceux de ses collaborateurs que j’ai nommés tout à l’heure, et de l’autoriser à s’entretenir avec eux des questions intéressant le Procès, afin d’être à même de se préparer pour les phases ultérieures des débats.
Le Tribunal a déjà indiqué à la Défense que toutes les requêtes devraient, autant que possible, être faites par écrit, et il considère que celles qui viennent d’être présentées oralement, auraient dû l’être sous la forme écrite. Il examinera les faits relatifs à la requête concernant la secrétaire de l’accusé von Ribbentrop. Les autres requêtes, qui concernent les témoins et les documents et qui ont été présentées par écrit, ont été examinées par le Tribunal ou le seront.
Monsieur le Président, puis-je vous faire remarquer à ce sujet, que les requêtes que j’ai présentées aujourd’hui ont déjà été présentées par écrit au Tribunal à plusieurs reprises, mais mon client craint sérieusement d’éprouver des difficultés dans la préparation de son témoignage et des témoignages à décharge ?
Comme il l’a été annoncé à l’audience de vendredi, le Ministère Public et les avocats devaient essayer d’en venir à des accords satisfaisants sur la production de documents en langue allemande. Conformément à cette déclaration, les représentants du Ministère Public et de la Défense se sont entretenus, puis sont venus devant le Tribunal, qui a provisoirement pris les mesures suivantes :
1. À l’avenir, seules les parties de documents qui sont lues à l’audience par le Ministère Public, feront partie intégrante du procès-verbal. De cette façon, le texte de ces parties de documents sera transmis en allemand aux avocats au moyen des écouteurs.
2. Afin que les accusés et leurs avocats aient la possibilité d’étudier de tels documents dans leur totalité en allemand, deux copies de l’original, dont une copie photostatique, seront déposées à la salle de documentation de la Défense au moment où les documents seront présentés au Tribunal.
3. La Défense peut, à n’importe quel moment, se référer à n’importe quelle partie de ces documents.
4. Le Ministère Public remettra à la Défense, dix exemplaires de ses dossiers d’audience en anglais et cinq exemplaires de ses livres de documents en anglais, au moment où ces dossiers et ces livres de documents seront remis au Tribunal.
5. Chaque avocat recevra un exemplaire des procès-verbaux des débats.
C’est tout.
Je demande au représentant du Ministère Public américain de prendre la parole.
Plaise au Tribunal. Puis-je poser une question, Monsieur le Président, au sujet des dossiers d’audience ? Dans la partie de l’exposé des faits que je dois présenter, je n’ai pas l’intention de remettre au Tribunal des dossiers d’audience. Je dirai au microphone tout ce qui pourrait être inclus dans ce dossier. Je me demande si cette solution est satisfaisante.
Je pense que ce que j’ai dit répond à cette question.
Oui, je le pense également.
En effet, j’ai dit que la Défense devrait recevoir dix exemplaires en anglais des dossiers d’audience en même temps qu’ils seraient remis au Tribunal. Donc, si vous ne remettez pas de dossiers au Tribunal, il ne sera pas nécessaire d’en remettre à la Défense.
Très bien. Lorsque l’audience fut levée vendredi, je venais de terminer une déclaration préliminaire à la présentation des preuves relatives à la partie de l’exposé des faits qui traite de la guerre d’agression. Dans cette déclaration introductive, j’avais attiré l’attention sur les parties du Statut et les parties de l’Acte d’accusation qui se rapportent à cet aspect du Procès. J’avais également débattu la question des rapports qui existent entre les données de l’Histoire et les preuves qui seront produites, en indiquant les apports qui seraient faits à ces données par les preuves contenues dans les documents saisis.
J’ai indiqué alors au Tribunal que je commencerais tout d’abord par présenter un à un, une série de documents saisis qui, à notre sens, prouvent le fait de la guerre d’agression et ne laissent subsister aucun doute sur le caractère agressif de la guerre nazie et sur sa préméditation concertée.
J’ai indiqué au Tribunal qu’après avoir, de cette manière, prouvé le fait criminel, je ferai suivre la présentation de ces preuves d’une présentation plus ou moins chronologique de l’exposé de la guerre d’agression, en fournissant des preuves très détaillées sur les activités des conspirateurs dans ce domaine, de 1933 à 1941.
Comme les membres du Tribunal peuvent le comprendre, il est plus facile d’établir le plan d’une présentation que de le suivre. Il y a eu nécessairement quelques changements dans nos prévisions. J’ai indiqué vendredi que, jusqu’à un certain point, l’exposé américain traitant du chef d’accusation nº 1 et l’exposé anglais, traitant du chef d’accusation nº 2, empiéteraient l’un sur l’autre. Le Procureur Général britannique, Sir Hartley Shawcross, a été contraint par les circonstances de se rendre à Londres cette semaine. Il espère être de retour la semaine prochaine. Il a l’intention de prononcer son discours d’ouverture à son retour, lundi prochain, sur le chef d’accusation nº 2 de l’Acte d’accusation et sur les parties du chef d’accusation nº 1 qui s’en rapprochent et qui n’ont pas encore été traitées. De sorte que nous envisageons maintenant, si cela agrée au Tribunal, de poursuivre autant que possible, pendant deux jours cette semaine, le récit détaillé de la guerre d’agression et ensuite nous changerons le plan de notre exposé et nous traiterons un certain nombre de sujets rattachés au chef d’accusation nº 1.
Puis, après l’exposé introductif du Procureur Général britannique, lundi prochain, nous traiterons ensemble les chapitres sur la Pologne, la Russie et le Japon, comme faisant partie à la fois des chefs d’accusation nº 1 et nº 2. Bien que cette méthode manque en apparence de logique, elle nous semble cependant la meilleure étant donné les circonstances.
Je passe maintenant à la période 1933-1936, période caractérisée par une suite systématique et ordonnée de préparatifs de guerre. C’est la période envisagée par les paragraphes 1 et 2 de la section IV, F de l’Acte d’accusation.
Le caractère essentiel de cette période, fut la préparation et l’exécution du plan de réarmement, de réoccupation et de fortification de la Rhénanie, en violation du Traité de Versailles et d’autres traités, afin d’acquérir une puissance militaire et un pouvoir de marchandage politique que l’on utiliserait contre d’autres nations.
Les termes employés par Hitler, dans un discours secret prononcé devant tous les Commandants suprêmes, le 23 novembre 1939 à midi, suffisent à donner son caractère à cette phase de la conspiration nazie. Le document qui le contient figure au nombre des documents saisis dans les archives de l’OKW, c’est-à-dire de l’Oberkommando der Wehrmacht ou Haut Commandement des Forces armées ; il a été trouvé à Flensburg, et porte le numéro PS-789 dans notre série numérotée de documents.
Plaise au Tribunal. J’ai en mains l’original allemand de ce document déposé par le Ministère Public américain, dans l’état où il se trouvait lors de sa saisie. Le numéro de dépôt est, USA-23. Je demanderai que le texte original allemand soit remis aux interprètes d’allemand.
Si j’ai bien compris la règle qui vient d’être édictée par M. le Président, bien que j’aie déposé la totalité du document constitué par un très long discours, je ne ferai pas figurer au procès-verbal tout le contenu de ce discours. Il est bien entendu que M. le Président a déclaré que les avocats pourraient faire entrer au procès-verbal, toute partie du document qu’ils désireraient y introduire. Je lirai à partir du début et je poursuivrai ma lecture un peu plus avant que le milieu de la première page du texte anglais. On me signale que l’original allemand est marqué au crayon bleu à l’endroit où j’interromprai ma lecture.
Je lis la traduction anglaise :
« 23 novembre 1939, 12 heures, conférence avec le Führer, à laquelle ont été convoqués tous les Commandants suprêmes. Le Führer prononce le discours suivant :
« Le but de cette conférence est de vous donner une idée du monde de pensées qui s’emparent de moi en face des événements imminents et de vous faire connaître mes décisions. La reconstruction de la Wehrmacht n’a été possible, qu’en liaison avec l’éducation idéologique – le mot allemand est “weltanschaulich” – du peuple allemand par le Parti. »
Qu’il me soit permis de faire ici un commentaire sur cet intéressant mot allemand « weltanschaulich ». J’admets qu’« idéologique » est une traduction aussi exacte que possible, mais le mot signifie davantage. Il indique toute une attitude en face du monde, une conception du monde.
« Lorsque j’ai entrepris ma tâche politique – je cite encore – en 1919, ma ferme croyance dans le succès final était fondée sur une observation méticuleuse des événements du jour et l’étude de leur raison d’être ; c’est pourquoi je n’ai jamais perdu la foi au milieu des revers qui ne me furent pas épargnés pendant ma longue période de lutte. La Providence a eu le dernier mot et m’a apporté le succès. En outre, j’avais une notion claire du cours probable des événements historiques et la ferme volonté de prendre des décisions brutales. La première décision fut prise en 1919, lorsque, après un long conflit intérieur, je devins politicien et entrepris la lutte contre mes ennemis. Ce fut la plus dure de toutes les décisions. J’étais cependant convaincu que j’atteindrais mon but. Je désirais d’abord un nouveau système de sélection ; je voulais éduquer une minorité qui prendrait le commandement. Quinze ans plus tard, j’atteignais mon but après des luttes exténuantes et bien des revers. Lorsque j’arrivai au pouvoir en 1933, une période de lutte des plus difficiles se trouvait derrière moi. Tout ce qui existait auparavant s’était écroulé.
« Il me fallut tout réorganiser, depuis la masse du peuple jusqu’à la Wehrmacht ; d’abord la réorganisation de l’intérieur, abolition des manifestations de décadence et de l’esprit défaitiste, entraînement à l’héroïsme. Tandis que je réorganisais l’intérieur, j’entrepris la deuxième tâche : libérer l’Allemagne de ses entraves internationales.
« Deux démarches caractéristiques sont à signaler : le retrait de la Société des Nations et de la Conférence du Désarmement. Ce fut une dure décision. Le nombre des prophètes qui prédirent que cela mènerait à l’occupation de la Rhénanie par les Puissances de l’Ouest fut très grand, le nombre des vrais fidèles fut très faible ; je fus soutenu par la nation, qui se tint fermement derrière moi, lorsque je mis mes intentions à exécution.
« En 1935 vint l’introduction du service militaire obligatoire, puis la remilitarisation de la Rhénanie, encore une opération que l’on croyait impossible à l’époque. Le nombre des gens qui mirent leur confiance en moi fut très faible. Puis nous commençâmes à fortifier tout le pays, en particulier à l’Ouest.
« Un an plus tard vint l’Autriche. – Je suppose qu’il voulait dire que l’Autriche disparut. – Cette opération, elle aussi, fut considérée comme douteuse. Elle amena un considérable renforcement du Reich. Le pas suivant fut la Bohême, la Moravie et la Pologne ; il ne fut pas possible de l’accomplir en une seule campagne. Il n’était pas possible d’atteindre le but par un seul effort. Il me parut clair, dès le début, que je ne pourrais me satisfaire du territoire allemand des Sudètes ; ce n’était qu’une solution partielle. La décision d’entrer en Bohême fut prise ; puis suivit l’établissement du Protectorat, qui forma le tremplin de l’action contre la Pologne, mais je ne savais pas très bien à ce moment-là, si je commencerais par l’Est pour continuer par l’Ouest ou vice versa. »
Il y a dans ce discours, comme dans la plupart des discours d’Adolf Hitler, de curieuses oppositions de pensées. Dans une phrase, il associe l’intervention de la Providence et la prise de résolutions brutales. Il parle constamment du petit nombre des gens qui le soutenaient et cependant la masse du peuple allemand était derrière lui ; mais il fournit un bref résumé des points essentiels contenus dans l’Acte d’accusation, sur lesquels j’ai attiré votre attention : l’organisation de la masse du peuple, s’étendant jusqu’à la Wehrmacht, et diverses décisions brutales qu’il prit, et que l’Histoire connaît.
Ce long document contient d’autres points d’un grand intérêt. Peut-être nous reporterons-nous à d’autres parties de ce discours plus tard. Ici, cependant, je me contente de prier le Tribunal de concentrer son attention sur ce que je viens de lire et sur sa portée par rapport au développement du complot au cours de la période 1933-1936.
Un autre document saisi, suffit à démontrer les préparatifs de guerre que les conspirateurs nazis avaient entrepris durant cette période. Je fais allusion à une lettre très secrète, datée du 24 juin 1935, adressée par le général von Brauchitsch aux Commandants en chef de l’Armée de terre, de la Marine et de l’Aviation. À cette lettre est jointe une copie d’une loi secrète sur la Défense du Reich, du 21 mai 1935, et une copie d’une décision du Cabinet du Reich du 21 mai 1935, relative au Conseil de Défense du Reich. Ces documents furent saisis dans les dossiers de l’OKW à Fechenheim. Ce groupe de documents porte le nº PS-2261 dans notre série numérotée de documents. Ils nous semblent constituer les preuves les plus significatives des préparatifs secrets et directs en vue d’une guerre d’agression.
Je voudrais relever une erreur typographique : c’est le général von Blomberg, et non le général von Brauchitsch.
J’ai l’original de ce document. Je demande qu’il soit accepté comme preuve sous le nº USA-24.
Le début de la première page sera lu entièrement. C’est la lettre signée : « Von Blomberg, Berlin, 24 juin 1935. Très secret », ayant pour en-tête « Le ministre de la Guerre du Reich et Commandant suprême de la Wehrmacht, nº 1820/35. Très secret. L-11-a ».
« Aux : Commandant en chef de l’Armée de terre, Commandant en chef de la Marine, Commandant en chef de l’Aviation.
« Je transmets ci-joint, une copie pour chacun, de la loi sur la Défense du Reich du 21 mai 1935, et d’une décision du Cabinet du Reich du 21 mai 1935, concernant le Conseil de Défense du Reich. La publication de la loi de Défense du Reich est temporairement suspendue par ordre du Führer et Chancelier du Reich.
« Le Führer et Chancelier du Reich a nommé le Dr Schacht président du Comité de Direction de la Reichsbank, plénipotentiaire général à l’Économie de guerre.
« J’exige que les exemplaires de la loi pour la Défense du Reich, nécessaires dans les unités de la Wehrmacht soient demandés avant le 1er juillet 1935, au Service de la Wehrmacht (L) où ils doivent être établis, sous la réserve que la distribution s’arrêtera aux Quartiers Généraux de corps, en dehors du ministère de la Guerre du Reich.
« J’insiste une fois de plus sur la nécessité d’observer le secret le plus absolu. »
Ce document est signé : « Von Blomberg ». Plus bas il y a : « Berlin, le 3 septembre 1935, nº 1820/35 L. Très secret. 11-a. Au groupe de la Défense économique I-a, copie transmise, (signé) Jodl ».
Puis viennent les dispositions concernant la loi de Défense du Reich ou plutôt le texte publié sous ce nom par le Cabinet du Reich, et qui commence par la déclaration suivante :
« Le Cabinet du Reich a adopté la loi suivante qui est rendue publique par les présentes. »
Suit le texte détaillé de la loi, qui traite des préparatifs pour la défense, la mobilisation, la nomination du plénipotentiaire général à l’Économie de guerre, avec pleins pouvoirs pour la préparation économique de la guerre, et comporte une troisième partie qui fixe les pénalités.
La loi est signée : « Le Führer et Chancelier du Reich, Adolf Hitler ; le ministre de la Guerre du Reich, von Blomberg ; le ministre de l’Intérieur du Reich, Frick », l’un des accusés. À la fin se trouve une note. C’est au quatrième feuillet de l’original allemand, je crois :
« Note sur la loi de Défense du Reich du 21 mai 1935.
« La publication de la loi de Défense du Reich du 21 mai 1935 reste suspendue. La loi est effective à compter du 21 mai 1935.
« Le Führer et Chancelier du Reich, Adolf Hitler. »
Quoique le texte lui-même indiquât que la loi avait été publiée, Adolf Hitler suspendit cette publication, alors que la loi entrait immédiatement en vigueur.
Au même document est jointe une copie de la décision du Cabinet du Reich du 21 mai 1935, relative au Conseil de Défense du Reich qui traite en grande partie de l’organisation des préparatifs économiques de la guerre. Mon collègue M. Dodd en a discuté, je crois, la semaine dernière.
On ne peut douter que cette loi du 21 mai 1935 ait constitué la pierre angulaire des préparatifs de guerre des conspirateurs nazis. Les rapports de l’accusé Schacht avec cette préparation sont tout à fait clairs, comme le montre le document saisi.
Je n’en dirai pour le moment pas davantage sur la phase préparatoire du complot, de 1933 à 1936.
Comme on l’a indiqué précédemment, la phase suivante de l’agression fut l’établissement et l’exécution des plans en vue d’attaquer successivement l’Autriche et la Tchécoslovaquie. C’est la phase de l’agression qui est prévue par les paragraphes 3, a), b) et c) de la section IV, F de l’Acte d’accusation.
L’un des plus frappants et des plus révélateurs parmi les documents saisis, est celui qui est connu sous le nom de notes de Hossbach et qui a trait à une conférence tenue à la Chancellerie du Reich le 5 novembre 1937, de 16 h. 15 à 20 h. 30, au cours de laquelle Hitler esquissa devant ses auditeurs les possibilités et la nécessité d’une expansion de la politique étrangère et demanda – je cite – « que ses déclarations fussent considérées, au cas où il mourrait, comme son testament ». Et c’est ainsi qu’avec ce document nous présentons au Tribunal et au public, le testament d’Adolf Hitler, tel qu’il le concevait le 5 novembre 1937. Le document qui nous vient du Département d’État, est certifié par le sceau du secrétaire d’État aux Affaires étrangères des États-Unis. Il porte le numéro PS-386 de notre série de documents. Je le dépose comme preuve sous le numéro USA-25.
Avant de le lire, je signale que c’est le colonel Hossbach, aide de camp du Führer, qui a établi les procès-verbaux de cette réunion. Je note aussi la présence à cette réunion de conspirateurs de l’accusé Erich Raeder. L’accusé Constantin von Neurath et l’accusé Hermann Wilhelm Göring étaient également présents.
Le compte rendu de cette réunion révèle une clarification, vers la fin de 1937, de la politique du gouvernement nazi. L’Autriche et la Tchécoslovaquie devaient être acquises par la force. Elles devaient fournir le « Lebensraum » (espace vital) et améliorer la position militaire de l’Allemagne, en vue d’opérations futures. Bien qu’en réalité les événements se soient déroulés d’une façon un peu différente de celle qui fut esquissée lors de cette réunion, les buts définis furent réellement atteints. Le document ne laisse subsister aucun doute au sujet de la préméditation des crimes nazis contre la Paix. Il est d’une importance si considérable que je me sens obligé de le lire in extenso, pour qu’il figure au procès-verbal.
« Berlin, le 10 novembre 1937. Note sur la conférence tenue à la Chancellerie du Reich le 5 novembre 1937, de 16 h. 15 à 20 h. 30.
« Présents : Le Führer et Chancelier du Reich.
« Le ministre de la Guerre du Reich, Generalfeldmarschall von Blomberg ; le Commandant en chef de l’Armée de terre, Generaloberst Baron von Fritsch ; le Commandant en chef de la Marine, Generaladmiral Dr. h. c. Raeder ; le Commandant en chef de la Luftwaffe, Generaloberst Göring ; le ministre des Affaires étrangères du Reich, Baron von Neurath ; le colonel Hossbach » (l’aide de camp qui fit le compte rendu).
« Le Führer déclara tout d’abord que le sujet de la présente conférence était d’une importance telle que, dans d’autres états, il aurait certainement fait l’objet d’une discussion détaillée devant l’ensemble du Cabinet. Toutefois, le Führer avait décidé, en raison de leur importance même, de ne pas discuter ces questions devant l’ensemble du Cabinet du Reich. Il présenta ses déclarations comme le résultat de minutieuses délibérations et des expériences faites en ses quatre ans et demi de gouvernement. Il désirait expliquer à ceux qui étaient présents ses idées fondamentales sur les possibilités et les nécessités d’une expansion de la politique étrangère allemande et sur les intérêts d’une politique à longue vue ; il demandait que ses déclarations fussent considérées – dans l’éventualité de sa mort – comme son testament et ses dernières volontés. »
Le Führer déclara ensuite :
« Le but de la politique allemande est la sécurité et la sauvegarde de la nation et de son expansion. Par conséquent, c’est un problème d’espace. La nation allemande comprend 85.000.000 de personnes qui, en raison du nombre des individus et de leur densité, forment un noyau racial européen homogène, dont on ne peut trouver l’égal dans aucun autre pays. D’autre part, nous sommes ainsi justifiés, plus que toute autre nation, à exiger un plus grand espace vital. S’il n’y a pas eu de conséquences politiques répondant aux exigences de ce noyau racial en matière d’espace vital, c’est le résultat d’une évolution historique qui s’étend sur plusieurs siècles, et si cette condition politique devait persister, elle constituerait une menace extrêmement grave pour le maintien de la nation allemande (le mot allemand, utilisé ici, n’est pas “nation”, c’est “Volkstum”) à son niveau actuel très élevé. Il est aussi peu réalisable d’arrêter l’affaiblissement de l’élément allemand en Autriche et en Tchécoslovaquie que de maintenir la situation actuelle en Allemagne même. Au lieu d’un accroissement, ce sera la stérilité, et, en conséquence, des tensions dans l’ordre social apparaîtront dans quelques années, parce que les idées politiques et philosophiques ne sont de nature permanente que tant qu’elles peuvent fournir une base de réalisation des exigences vitales d’une nation. L’avenir de l’Allemagne dépend donc exclusivement de la solution du problème de l’espace vital. Une telle solution ne vaut naturellement que pour une période limitée d’environ une à trois générations.
« Avant d’aborder la solution du problème de l’espace vital, il faut décider si l’on peut parvenir à un règlement viable de la situation allemande, soit par l’autarcie, soit par une participation accrue à l’industrie et au commerce internationaux.
« Autarcie. – L’application n’en sera possible qu’au moyen d’une politique nationale-socialiste constituant la base de l’autarcie, et, si l’on admet qu’elle est réalisable, les résultats en seront les suivants :
« A. Dans le domaine des matières premières, autarcie limitée, mais non totale :
« 1º Tant que l’extraction des matières premières se fait à base de charbon, l’autarcie est réalisable.
« 2º Dans le cas des minerais, la position est beaucoup plus difficile. Les besoins en fer et en métaux légers peuvent être satisfaits par nous-mêmes ; il n’en est pas de même pour le cuivre et l’étain.
« 3º Les matières cellulosiques peuvent être fournies par nous-mêmes, dans la mesure où les stocks de bois seront suffisants. Une solution permanente n’est pas possible.
« 4º Graisses alimentaires. Possible.
« B. En ce qui concerne les denrées alimentaires, la question de l’autarcie doit être écartée avec un « non » catégorique.
« L’accroissement général du niveau de vie par rapport à celui d’il y a trente ou quarante ans a amené un accroissement simultané de la demande et de la consommation individuelle parmi les producteurs et les fermiers eux-mêmes. Les excédents résultant de l’accroissement de la production agricole ont été utilisés pour satisfaire une demande accrue et, par conséquent, ne représentent pas un accroissement correspondant de la production. Il n’est pas possible d’obtenir une nouvelle augmentation de la production en demandant toujours plus à la terre, parce qu’elle montre déjà des signes d’appauvrissement dus à l’utilisation d’engrais artificiels, et il est certain, par conséquent, que même avec le plus grand accroissement possible de la production, nous ne pourrions éviter d’avoir recours au marché mondial. »
J’interromps ici ma lecture. Si je comprends bien, l’orateur veut dire par là : pas d’autarcie, nous devons participer au marché et au commerce mondiaux.
« La dépense considérable en devises étrangères nécessaires pour se procurer des denrées alimentaires d’importation, même dans les périodes de bonnes récoltes, s’accroît d’une façon catastrophique quand les récoltes sont vraiment mauvaises. La possibilité d’une catastrophe augmente en fonction de l’accroissement de la population, et l’excédent annuel de cinq cent soixante mille naissances amènerait une consommation accrue de pain, parce que l’enfant est plus grand mangeur de pain que l’adulte.
« Il est impossible de faire face de façon permanente aux difficultés de ravitaillement en abaissant le standard de vie et en ayant recours au rationnement, dans un continent qui a acquis un certain standard de vie. Comme la solution du problème du chômage a élevé au maximum le pouvoir de consommation, il sera possible d’apporter quelques petits perfectionnements dans notre production agricole, mais non pas d’effectuer une transformation totale du standard de consommation alimentaire.
« Par conséquent, l’autarcie devient impossible, particulièrement dans le domaine du ravitaillement, comme en général d’ailleurs.
« Participation à l’économie mondiale. – Elle présente des limites que nous ne pouvons franchir. Les fluctuations du marché empêcheraient d’asseoir solidement la position allemande ; les accords commerciaux internationaux n’offrent aucune garantie pour une exécution pratique. On doit considérer en principe que, depuis la guerre mondiale de 1914-1918, des pays qui autrefois exportaient des produits alimentaires se sont industrialisés. Nous vivons dans une période d’impérialisme économique et les tendances colonisatrices sont sensiblement les mêmes qu’aux premiers temps de la colonisation. Au Japon et en Italie, les motifs économiques sont à la base de la volonté d’expansion, et c’est également le besoin économique qui poussera l’Allemagne à agir de la même manière. Les pays qui se trouvent en dehors des grands empires économiques ont une difficulté particulière à réaliser leur expansion économique.
« L’ascension provoquée dans l’économie mondiale par la course aux armements ne peut aucunement servir de base permanente à un règlement économique déjà entravé, d’ailleurs, par la débâcle économique due au bolchevisme. Il y a une faiblesse militaire caractérisée chez les États qui basent leur existence sur l’exportation. Comme nos exportations et importations s’effectuent par les routes maritimes contrôlées par la Grande-Bretagne, c’est une question de sécurité des transports qui se pose, plus qu’une question de devises étrangères, ce qui explique la grande faiblesse de notre situation alimentaire en temps de guerre. La seule issue qui s’offre peut sembler imaginaire : c’est d’acquérir un plus grand espace vital, effort qui de tout temps a déterminé la formation des États et la migration des peuples. On peut expliquer que cette tendance ne trouve pas d’écho à Genève et dans les États satisfaits. Si la sécurité de notre situation alimentaire devait être notre première pensée, l’espace nécessaire ne pourrait être cherché qu’en Europe, et non en imitant la politique capitaliste libérale qui s’appuie sur l’exploitation des colonies. Il n’est pas question de conquérir des peuples, mais un espace utile à l’agriculture. Il serait également davantage dans nos vues de chercher un territoire producteur de matières premières en Europe, dans le voisinage immédiat du Reich, et non pas au-delà des mers ; cette solution devrait être atteinte en l’espace d’une ou deux générations. Ce qu’on pourrait exiger de plus dans l’avenir sera laissé aux générations suivantes. Le développement de grandes unités nationales d’échelle mondiale est, naturellement, un processus lent, et le peuple allemand avec son fort noyau racial – j’ouvre une parenthèse : on trouve encore ici le mot allemand : “Rassekern” (noyau racial) – est placé, à cet égard, dans les conditions les plus favorables, au cœur du continent européen. L’histoire de tous les temps – celle de l’Empire romain, celle de l’Empire britannique – a prouvé que toute expansion ne peut être effectuée qu’en brisant une résistance et en acceptant certains risques. Même des revers sont inévitables ; ni autrefois, ni aujourd’hui, on n’a trouvé d’espace sans possesseur. L’attaquant se trouve toujours en face du propriétaire. »
Plaise au Tribunal. Après la discussion assez confuse sur la théorie de la géopolitique économique et sur le besoin d’expansion et d’espace vital que je viens de lire, Adolf Hitler, d’après ces notes d’Hossbach, pose la question suivante, et je cite :
« Pour l’Allemagne, il s’agit de savoir où elle pourra accomplir la plus grande conquête possible au moindre prix. La politique allemande doit compter avec ses deux ennemis acharnés, l’Angleterre et la France, pour qui un colosse allemand au centre de l’Europe serait une gêne intolérable. Ces deux États s’opposeront à un nouveau renforcement de l’Allemagne, en Europe comme au-delà des mers, et dans cette opposition ils auront l’appui de tous les partis. Les deux pays considèrent la constitution de bases militaires allemandes transocéaniques comme une mesure de sécurité pour le commerce allemand et par contrecoup comme un renforcement de la position allemande en Europe.
« L’Angleterre n’est en état de nous céder aucune de ses possessions coloniales, en raison de la résistance qu’elle rencontre dans ses Dominions. Après la perte de prestige que l’Angleterre a subie par suite du transfert de l’Abyssinie à l’Italie, la restitution de l’Afrique Orientale ne peut plus être envisagée. L’Angleterre, dans l’hypothèse où elle nous aiderait, sera disposée, au plus, à satisfaire nos revendications coloniales, en détachant des colonies qui pour le moment ne sont pas aux mains des Anglais, par exemple, l’Angola. Les faveurs de la France seront probablement du même ordre. On ne pourra envisager de discuter sérieusement la question du retour des colonies, qu’à un moment où l’Angleterre se trouvera dans une situation critique et où le Reich allemand sera fort et bien armé. Le Führer ne partage pas l’opinion selon laquelle l’Empire est inébranlable. » – Je pense qu’il veut parler de l’Empire britannique.
« Les résistances contre l’Empire se manifestent moins dans les territoires conquis que parmi ses concurrents. L’Empire britannique n’est pas comparable à l’Empire romain, relativement à la durée. Après les guerres puniques, ce dernier n’eut plus un seul ennemi politique sérieux. Ce furent uniquement les influences dissolvantes nées du christianisme et les signes de vieillesse qui apparaissent dans tous les États, qui permirent aux Germains de soumettre la Rome antique.
« À côté de l’Empire britannique, il existe aujourd’hui un certain nombre d’États plus forts que lui. La métropole anglaise ne peut défendre ses possessions coloniales que grâce à une alliance avec d’autres États et non par sa propre puissance. Comment l’Angleterre seule pourrait-elle, par exemple, défendre le Canada contre une agression de l’Amérique, ou protéger ses intérêts d’Extrême-Orient contre une attaque japonaise ?
« Le choix de la Couronne britannique, comme support de l’unité de l’Empire, constitue en lui-même l’aveu que l’Empire universel ne peut être maintenu de façon permanente par une politique de puissance. Les indices suivants sont significatifs à cet égard :
« a) La lutte de l’Irlande pour son indépendance.
« b) Les querelles constitutionnelles dans l’Inde, où l’Angleterre, par ses demi-mesures, a laissé aux Hindous la possibilité d’utiliser plus tard la non-réalisation de ses promesses constitutionnelles comme une arme contre la Grande-Bretagne.
« c) L’affaiblissement par le Japon de la position britannique en Extrême-Orient.
« d) En Méditerranée, l’opposition anglaise à l’Italie, qui, en raison de son histoire, poussée par la nécessité et menée par un génie, est en train d’étendre sa position et sa puissance et empiète par conséquent toujours plus sur les intérêts britanniques. L’issue de la guerre d’Abyssinie représente une perte de prestige pour la Grande-Bretagne, que l’Italie essaie d’aggraver en créant du mécontentement dans le monde musulman.
« Il y a lieu de conclure que 45.000.000 d’Anglais ne peuvent conserver l’Empire de façon durable par une politique de puissance, quelle que soit par ailleurs la fermeté de leur idéal. La proportion des populations de l’Empire par rapport à celle de la métropole est de neuf à un, ce qui devrait nous servir d’avertissement. Si nous nous étendons dans l’espace, nous ne devons pas permettre un trop grand abaissement du niveau de notre population. » Je crois qu’il veut dire par là : maintenir les populations des territoires occupés à un niveau très bas par rapport à la nôtre.
« La France se trouve dans une position plus favorable que l’Angleterre. L’Empire français a une meilleure situation géographique et la population de ses possessions coloniales représente un accroissement du potentiel de guerre. Mais la France doit faire face à des difficultés d’ordre intérieur. Les gouvernements parlementaires occupent approximativement dix pour cent de la vie des peuples ; les gouvernements totalitaires quatre-vingt-dix pour cent. Quoi qu’il en soit, notre politique doit tenir compte des facteurs de puissance suivants : Grande-Bretagne, France, Russie et petits États voisins.
« La question allemande ne peut être résolue que par la force, ce qui ne va jamais sans risque. Les batailles de Frédéric le Grand pour la Silésie, et les guerres de Bismarck contre l’Autriche et la France, ont représenté un risque immense et ce fut la rapidité de l’action prussienne en 1870 qui empêcha l’Autriche de participer à la guerre. Si nous plaçons la décision de recourir à la force avec le risque que cela comporte en exergue des explications suivantes, il nous reste à répondre aux questions : “Quand” et “Comment” ? À cet égard il faut se décider sur trois cas différents. »
J’interromps ; le Tribunal se souviendra que l’Acte d’accusation affirme expressément que trois plans différents ont été dégagés au cours de cette réunion, dont l’un quelconque pouvait être adopté.
« Premier cas : période 1943-1945. Au-delà nous ne pouvons nous attendre qu’à un changement vers le pire. Le réarmement de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation, ainsi que la constitution du corps des officiers, sont pratiquement terminés. »
Je rappelle au Tribunal que cette réunion eut lieu le 5 novembre 1937, mais que l’on envisage ici la période 1943-1945.
« Notre équipement matériel et nos armements sont modernes. Si nous tardons davantage, nous augmentons le danger de les voir devenir archaïques. En particulier, on ne peut garder indéfiniment le secret des armes spéciales. La mobilisation des réserves serait limitée au recrutement ordinaire par classes et une adjonction de groupes plus âgés et non entraînés ne serait plus possible.
« Notre puissance relative baissera par rapport au réarmement que les autres pays auront effectué d’ici là. Si nous n’agissons pas avant 1943-1945, étant donné le manque de réserves, chaque année pourra amener une crise alimentaire et nous n’aurons pas les devises étrangères nécessaires pour y faire face. C’est ce qu’il faut considérer comme un point faible du régime. Au surplus, le monde aura prévu nos actions, et multipliera ses contre-mesures, d’année en année. Tandis que d’autres nations s’isoleront, nous serons forcés de prendre l’offensive. Ce que sera la situation en 1943-1945, nul ne le sait aujourd’hui. Il est toutefois certain que nous ne pouvons attendre davantage.
« D’une part, l’importance des Forces armées et la nécessité de subvenir à leurs besoins, le vieillissement du mouvement nazi et de ses chefs ; d’autre part, la prévision d’une diminution de notre standard de vie et d’une baisse de la natalité ne nous laissent pas d’autre choix que l’action. Si le Führer est toujours en vie, il prendra la décision irrévocable de résoudre le problème de l’espace vital allemand au plus tard en 1943-1945. La nécessité d’entreprendre une action avant 1943-1945 sera envisagée dans les deuxième et troisième cas.
« Deuxième cas. Si les tensions sociales en France aboutissent à une crise politique intérieure telle qu’elle absorbe l’Armée française, l’empêchant ainsi d’être disponible pour une guerre contre l’Allemagne, le moment sera alors venu d’entreprendre une action contre la Tchécoslovaquie.
« Troisième cas. Il serait également possible d’agir contre la Tchécoslovaquie, si la France était tellement engagée dans une guerre contre un autre État, qu’elle ne pût se retourner contre l’Allemagne.
« Pour améliorer notre position militaire et politique, notre premier but, dans l’éventualité d’une guerre quelle qu’elle soit, doit être de conquérir en même temps la Tchécoslovaquie et l’Autriche, afin d’éliminer toute menace sur les flancs, dans le cas d’une avance possible vers l’Ouest. Au cas d’un conflit avec la France, il est à peine nécessaire de supposer que la Tchécoslovaquie nous déclarerait la guerre le même jour que la France. Cependant, le désir de la Tchécoslovaquie de participer à la guerre, augmentera en proportion de notre affaiblissement. Sa participation effective pourrait se manifester par une attaque contre la Silésie, soit au Nord, soit à l’Ouest.
« Une fois la Tchécoslovaquie conquise et une frontière commune germano-hongroise établie, il sera plus facile de compter sur une attitude neutre de la Pologne dans un conflit franco-allemand. Nos accords avec la Pologne resteront valides tant que la force allemande restera inébranlable. Si l’Allemagne avait des revers, il y aurait lieu d’envisager une attaque de la Prusse orientale par la Pologne et peut-être même de la Poméranie et de la Silésie.
« En supposant que le cours des événements mène à une attaque systématique de notre part en 1943-1945, la conduite de la France, de l’Angleterre, de la Pologne et de la Russie devra probablement être considérée de la façon suivante :
« Le Führer croit personnellement qu’en toute vraisemblance, l’Angleterre, et probablement aussi la France, ont déjà tacitement abandonné la Tchécoslovaquie et qu’elles se sont habituées à l’idée que cette question sera un jour réglée par l’Allemagne.
« Les difficultés rencontrées par l’Angleterre dans son Empire et sa crainte d’être entraînée dans une longue guerre européenne pourraient être des facteurs décisifs empêchant l’Angleterre de participer à une guerre contre l’Allemagne. L’attitude britannique ne manquerait certainement pas d’exercer une influence sur celle de la France. Une intervention de la France, sans l’appui de l’Angleterre, avec la perspective de l’Ouest est assez peu vraisemblable. Sans l’intervention de l’Angleterre, il est inutile d’envisager le passage des troupes françaises à travers la Belgique et la Hollande, et nous n’aurions pas davantage à l’envisager pour nous au cas d’un conflit avec la France, étant donné que cela provoquerait infailliblement l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Bien entendu il y aurait lieu, de toute façon, de renforcer la protection de nos frontières pendant le développement des opérations contre la Tchécoslovaquie et l’Autriche. Sur ce point, il faut tenir compte du fait que les mesures de défense de la Tchécoslovaquie se renforcent d’année en année et qu’une amélioration de la valeur interne de l’Armée autrichienne se fera également avec le temps. Bien que la densité de la population soit assez forte, particulièrement en Tchécoslovaquie, l’incorporation de la Tchécoslovaquie à l’Autriche permettrait de réaliser un gain de cinq à six millions de rations alimentaires, à condition qu’une émigration forcée de 2.000.000 de Tchèques et de 1.000.000 d’Autrichiens soit possible.
« L’annexion de ces deux États à l’Allemagne, apporterait sur les plans militaire et politique un soulagement considérable, en la faisant bénéficier de frontières plus courtes et mieux tracées, en libérant des effectifs combattants pour d’autres buts et en permettant de mettre sur pied jusqu’à douze divisions nouvelles, soit une division par million d’habitants.
« De la part de l’Italie, on ne doit attendre aucune opposition à la suppression de la Tchécoslovaquie ; par contre, on ne peut préjuger de son attitude dans la question autrichienne, étant donné qu’elle dépendrait en grande partie du fait que le Duce serait en vie ou non à ce moment-là.
« La rapidité et l’ampleur de notre intervention détermineraient l’attitude de la Pologne. Celle-ci, avec la Russie sur ses arrières, n’aurait guère envie d’entrer en lutte avec une Allemagne victorieuse.
« Il faut faire échec à une intervention militaire de la Russie par la rapidité de nos opérations. On peut même se demander s’il y a lieu d’envisager cette éventualité, étant donné l’attitude du Japon.
« Dans le deuxième cas – immobilisation de la France par une guerre civile – il faudrait, quel que soit le moment, exploiter la situation pour porter un coup à la Tchécoslovaquie étant donné l’élimination de notre adversaire le plus dangereux.
« Le Führer considère le troisième cas, comme assez rapproché. Il pourrait naître des tensions qui règnent actuellement dans la Méditerranée et, s’il se présente, le Führer est fermement décidé à en profiter à n’importe quelle époque, peut-être même dès 1938.
« Étant donné les enseignements fournis jusqu’à présent par la guerre d’Espagne, le Führer ne prévoit pas la fin rapide des hostilités dans ce pays. Si l’on considère la lenteur des précédentes offensives de Franco, il est possible que cette guerre dure encore environ trois ans. D’autre part, une victoire totale de Franco n’est pas souhaitable du point de vue allemand et nous avons plutôt intérêt à ce que la guerre continue, et que la tension persiste en Méditerranée. Le fait que Franco reste le seul maître de la Péninsule ibérique signifierait l’exclusion de l’ingérence italienne et de la présence de l’Italie dans les îles Baléares. Étant donné que nos intérêts tendent à la continuation de la guerre en Espagne, notre politique aura pour tâche future d’aider l’Italie à se maintenir dans les Baléares. Cependant, un renforcement de la position italienne dans les Baléares ne serait toléré ni par la France, ni par l’Angleterre et pourrait mener à une guerre de la France et de l’Angleterre contre l’Italie, auquel cas l’Espagne, si elle est entièrement aux mains des blancs (c’est-à-dire de Franco), pourrait se ranger aux côtés des ennemis de l’Italie. Une défaite de l’Italie dans une telle guerre paraît peu probable. Une voie lui est ouverte à travers l’Allemagne pour son approvisionnement en matières premières. Le Führer suppose que l’Italie mènerait les opérations militaires en restant sur la défensive à l’égard de la France sur sa frontière occidentale et en attaquant depuis la Libye les positions françaises d’Afrique du Nord.
« Étant donné qu’on peut exclure la possibilité d’un débarquement de troupes françaises et anglaises sur la côte italienne et que, d’autre part, une offensive française dirigée des Alpes sur l’Italie du Nord serait extrêmement difficile et s’arrêterait probablement devant les puissantes fortifications italiennes, le centre de gravité des opérations se trouverait probablement en Afrique du Nord. La menace que ferait peser la flotte italienne sur les lignes de communication françaises paralyserait, dans une large mesure le transport de troupes d’Afrique du Nord en France, de sorte que la France ne pourrait disposer à ses frontières, en face de l’Italie et de l’Allemagne, que des troupes de la Métropole.
« Si l’Allemagne tirait profit de cette guerre pour régler les questions tchécoslovaque et autrichienne, il est à présumer que l’Angleterre, déjà en guerre avec l’Italie, ne se déciderait pas à entreprendre des opérations contre l’Allemagne. Sans l’aide de l’Angleterre, une attaque française contre l’Allemagne n’est pas à envisager.
« Le moment de notre attaque contre la Tchécoslovaquie et l’Autriche devra dépendre du cours de la guerre italo-franco-anglaise et ne coïncidera pas avec le début des opérations militaires de ces trois pays. Le Führer ne pense pas non plus conclure d’accords militaires avec l’Italie, mais désire, en toute indépendance, et en mettant à profit cette occasion unique, mener une campagne contre la Tchécoslovaquie. Cette attaque devra se faire avec la rapidité de l’éclair, “blitzartig schnell”.
« À l’examen de la situation, le Feldmarschall von Blomberg et le Generaloberst von Fritsch font remarquer à nouveau que la difficulté résidera dans le fait que l’Angleterre et la France ne se considéreront pas comme nos ennemis, et ils déclarent que la guerre avec l’Italie n’absorbera pas l’Armée française au point de l’empêcher d’intervenir sur notre frontière de l’Ouest avec des forces supérieures aux nôtres. Le Generaloberst von Fritsch estime à vingt divisions les Forces françaises qui seraient, dès le début, opposées à l’Italie sur la frontière des Alpes, effectif qui permettrait à la France de conserver une forte supériorité numérique sur notre frontière de l’Ouest. Les Français tenteront probablement d’avancer en Rhénanie. Il faudra également tenir compte de l’avance que possède la France, en matière de mobilisation et du fait que, sans parler de la très faible valeur de nos fortifications dans leur état actuel – point sur lequel le Feldmarschall von Blomberg a particulièrement insisté – les quatre divisions motorisées prévues pour l’Ouest seront plus ou moins incapables de se mouvoir. En ce qui concerne notre offensive en direction du Sud-Est, le Feldmarschall von Blomberg a particulièrement insisté sur la puissance des fortifications tchèques, dont la construction a pris le caractère d’une ligne Maginot et qui rendrait notre attaque particulièrement difficile.
« Le Generaloberst von Fritsch fit remarquer qu’il avait précisément pris pour objet d’une étude prévue pour cet hiver, de rechercher s’il était possible de conduire les opérations contre la Tchécoslovaquie en s’attachant à la conquête de son système de fortifications ; le Generaloberst déclara d’autre part, qu’étant donné les circonstances présentes, il se proposait de renoncer à la permission qu’il devait prendre à l’étranger à partir du 10 novembre. Le Führer l’en dissuada en déclarant que la possibilité de ce conflit ne devait pas être considérée comme aussi rapprochée. En réponse aux considérations du Feldmarschall von Blomberg et du Generaloberst von Fritsch, relatives à l’attitude de l’Angleterre et de la France, le Führer réitéra ses précédentes déclarations disant qu’il était convaincu de la non-participation de la Grande-Bretagne, et que, par conséquent, il ne croyait pas à une action militaire de la France contre l’Allemagne. Si le conflit méditerranéen dont il est question amenait une mobilisation générale en Europe, il nous faudrait alors déclencher immédiatement les opérations contre la Tchécoslovaquie. Si, toutefois, les Puissances qui ne participeraient pas à la guerre déclaraient se désintéresser de la question, l’Allemagne devrait adopter la même attitude.
« En raison des déclarations faites par le Führer, le Generaloberst Göring déclara qu’il était opportun d’envisager de réduire l’envergure de notre intervention militaire en Espagne. Le Führer fut de cet avis, en faisant toutefois la réserve qu’il croyait que cette décision devait être remise à une date plus opportune.
« La seconde partie de la discussion eut trait à des questions techniques d’armement.
« Signé : Hossbach ».
Suivent encore d’autres notes.
À ce propos, j’attire l’attention du Tribunal sur le contenu du paragraphe 3, a, section IV, F de l’Acte d’accusation, qui fait allusion à une réunion d’un groupe influent de conspirateurs nazis, le 5 novembre 1937. Le document qui vient d’être déposé et lu à l’audience fournit la preuve spécifique de cette affirmation.
Le récit de ce qui s’est passé ensuite est bien connu de l’Histoire. L’Anschluss de l’Autriche, sous la pression militaire des nazis, eut lieu en mars 1938. Nous vous donnerons les preuves détaillées de cette agression en temps voulu, ainsi que celles qui concernent l’agression contre la Tchécoslovaquie, y compris la pression exercée sur cet État, qui aboutit au Pacte de Munich, en septembre 1938, et à la violation de ce même Pacte par l’Allemagne le 15 mars 1939. Les documents secrets relatifs à ces agressions présentent beaucoup d’intérêt.
Cependant, je désire attirer l’attention du Tribunal sur un autre document saisi, qui révèle dans toute sa nudité la vérité sur l’agression préméditée contre la Tchécoslovaquie. Ce document consiste en un dossier constitué par le colonel Schmundt, aide de camp de Hitler. Ce dossier fut trouvé par une unité aéroportée du 327e régiment d’infanterie, dans une cave du Platterhof, à Obersalzberg près de Berchtesgaden. Le dossier est constitué par un ensemble d’originaux et de doubles se rapportant aux préparatifs de l’annexion de la Tchécoslovaquie. Je voudrais prier le Tribunal d’examiner particulièrement la photographie de l’original allemand de ce dossier. Nous en avons des exemplaires. Quelques-uns des traits caractéristiques du document se perdent dans la traduction. La photographie du dossier original, comprenant les reproductions des télégrammes, fait saisir la valeur probatoire du document, qui se perd dans la traduction recopiée. Ce dossier porte le numéro PS-388, dans notre série numérotée de documents. J’ai ici l’original, tel qu’il a été trouvé. Je me permets de lire le titre allemand qui est « Chefsache Fall Grün », c’est-à-dire plan général du « Cas Vert », Vert étant le mot-code désignant l’agression contre la Tchécoslovaquie. Je dépose tout le dossier sous le numéro USA-26 et vais demander que des photocopies soient remises au Tribunal.
Plaise au Tribunal. Je produis ce document, étant bien entendu que seuls les extraits que je vais lire, prendront immédiatement valeur probatoire. Cependant, nous aurons à citer d’autres parties de ce document lors de la présentation de notre exposé. Dans la suite de mes explications, je reviendrai sur les détails de ce document. Toutefois, actuellement, je désire attirer l’attention du Tribunal sur la pièce cotée 2 dans le dossier. Cette pièce est datée du 22 avril 1938, page 2 de la traduction anglaise. C’est un résumé, préparé par Schmundt, l’aide de camp de Hitler, de la discussion du 21 avril 1938 entre Hitler et l’accusé Wilhelm Keitel. Ce document, comme les autres pièces du dossier, se rapporte au « Cas Vert ». Comme je l’ai dit, le « Cas Vert » est le mot-code désignant les opérations envisagées contre la Tchécoslovaquie. Cette réunion eut lieu environ un mois après la réussite de l’annexion de l’Autriche. Au cours de l’exécution du complot, il devint nécessaire de revoir le « Cas Vert », afin de tenir compte de la situation qui avait évolué à la suite de la conquête sans effusion de sang de l’Autriche. Je vais lire maintenant la pièce numéro 2 de ce dossier :
« Berlin, 22 avril 1938. Bases de la discussion du “Cas Vert”. Résumé de l’entretien du 21 avril entre le Führer et le général Keitel.
« A. Aspect politique.
« 1º Une attaque stratégique, effectuée par surprise dans un monde pacifique, sans aucune cause ni justification possible, a été écartée. Le résultat serait : une opinion mondiale hostile qui pourrait amener une situation critique. Une telle mesure n’est justifiée que pour éliminer le dernier adversaire sur le continent.
« 2º Action après une période de tensions diplomatiques qui conduisent progressivement à une crise et finissent par la guerre.
« 3º Action-éclair, à la suite d’un incident (par exemple assassinat d’un ministre allemand en corrélation avec une démonstration anti-allemande).
« B. Conclusions militaires.
« 1º Les préparatifs devront être faits pour les conjonctures politiques 2 et 3. Le cas 2 n’est pas souhaitable, étant donné que “Grün” aura pris des mesures de sécurité.
« 2º L’attaque-éclair, qui sera déclenchée au moment de l’action, ne devra pas être gênée par la perte de temps, inévitable, mais à réduire le plus possible, résultant de ce que le gros des troupes sera transporté par chemin de fer.
« 3º Des “coups isolés” doivent être portés immédiatement, en vue d’enfoncer les lignes de fortifications ennemies en de nombreux points et dans une direction stratégique favorable. Les coups doivent être préparés jusque dans les moindres détails (connaissance des routes, des objectifs, composition des colonnes selon la tâche de chacune. Attaques simultanées par l’Armée et l’Aviation).
« L’aviation devra aider les différentes colonnes (par exemple les bombardiers : couper les installations aux points de pénétration, empêcher l’arrivée des réserves, détruire les transmissions, isolant ainsi les garnisons).
« 4º Politiquement, les quatre premiers jours de l’action militaire sont décisifs. S’il n’y a pas de succès militaires effectifs, il se produira certainement une crise européenne. Les faits accomplis doivent prouver l’inutilité de l’intervention militaire étrangère, associer les Alliés à nos projets (partage du butin) et démoraliser “Grün”.
« Par conséquent, il faut occuper la période entre la première pénétration et la mise en œuvre des forces qui doivent être amenées ensuite, par l’action impitoyable et énergique d’une Armée motorisée (par exemple via Pilsen, et au-delà de Prague).
« 5º Si possible, séparation du mouvement de transport “Rot” de “Grün”. (“Rot” était le mot-code du plan d’alors contre l’Ouest.) Une concentration stratégique simultanée “Rot” peut conduire “Rot” à des mesures fâcheuses. D’autre part, il faut que le cas « Rot » puisse être exécuté à n’importe quel moment.
« C. Propagande.
« 1º Tracts sur la conduite des Allemands en Tchécoslovaquie (Grünland).
« 2º Tracts menaçants pour intimider les Tchèques, (Grünen). » Le paraphe est de Schmundt.
Pendant la lecture de ce document, le Tribunal aura, sans aucun doute, particulièrement remarqué le paragraphe 3 intitulé « Aspect politique », qui dispose : « Action-éclair à la suite d’un incident (par exemple l’assassinat d’un ministre allemand au cours d’une manifestation anti-allemande) ». Le document, pris dans son ensemble, établit que les conspirateurs projetaient d’organiser un incident, pour justifier aux yeux de l’opinion publique leur propre agression contre la Tchécoslovaquie. Je prétends qu’il établit que l’on envisageait d’assassiner l’ambassadeur d’Allemagne à Prague pour créer l’incident voulu. C’est ce qui est affirmé au paragraphe 3, c de la section IV, F de l’Acte d’accusation.
Lorsqu’on a lu l’Acte d’accusation, au début du Procès, et que l’on est arrivé à cette assertion, l’accusé Göring a lentement et solennellement secoué la tête en signe de dénégation. Je comprends qu’il ait secoué la tête, s’il estimait que cette allégation contenue dans l’Acte d’accusation était fausse. Au cours de l’exposé introductif de M. Justice Jackson, l’accusé Göring a de nouveau secoué gravement la tête, quand il a été fait allusion à cette même question. Le Ministère Public maintient le fait allégué, avec l’appui des preuves qui viennent d’être produites, malgré les dénégations de l’accusé Göring.
Le Tribunal juge-t-il bon de suspendre l’audience maintenant ?
Le Tribunal reprendra l’audience à 2 heures.