Onzième journée
Lundi 3 décembre 1945.

Audience du matin.

LE PRÉSIDENT

La parole est au Ministère Public américain.

M. SIDNEY S. ALDERMAN (Procureur adjoint américain)

Plaise au Tribunal. Il me semble que peut-être le Tribunal pourrait être intéressé par un très bref aperçu du déroulement probable de ce Procès dans les semaines à venir.

Je vais traiter immédiatement la question des guerres d’agression et la violation de la Tchécoslovaquie.

Peut-être cet exposé ne pourra-t-il pas être terminé aujourd’hui. Sir Hartley Shawcross, Procureur Général britannique, a demandé qu’il lui soit permis de faire demain son discours d’ouverture sur le chef d’accusation n° 2 et je lui laisserai volontiers la place, étant entendu que je puis reparler ensuite de la Tchécoslovaquie.

Ensuite, le Procureur britannique présentera la question de la guerre d’agression contre la Pologne, qui entraîna la France et l’Angleterre dans la guerre. Puis il parlera de l’extension des guerres d’agression en Europe : agression contre la Norvège, le Danemark, la Hollande, la Belgique, le Luxembourg, la Yougoslavie et la Grèce. Et, à propos de ces agressions, le Procureur britannique présentera au Tribunal les différents traités et les différentes violations de traités qui ont précédé ces agressions. Ceci, à mon avis, finira la présentation anglaise du chef d’accusation n° 2 et prendra sans doute la fin de la semaine.

Puis le Ministère Public américain devra revenir au chef d’accusation n° 1, afin de traiter certains points qui n’ont pas été examinés, particulièrement les persécutions contre les Juifs, les camps de concentration, les spoliations en territoire occupé, le Haut Commandement et autres organisations inculpées et spécialement les preuves relatives à la responsabilité individuelle de chacun des accusés.

Je pense que ces exposés prendront une ou deux semaines. Toutefois, ce n’est qu’une évaluation très approximative.

Ensuite, le Procureur Général français tiendra son discours d’ouverture et présentera les preuves concernant les crimes contre l’Humanité et les crimes de guerre, figurant dans les chefs d’accusation n° 3 et 4 pour les pays occupés de l’Ouest.

Puis le Procureur Général soviétique prononcera son discours d’ouverture et présentera les preuves correspondantes aux crimes de guerre et aux crimes contre l’Humanité dans les pays de l’Est.

Voici donc les grandes lignes de ce que nous avons l’intention de présenter.

J’en arrive maintenant à la troisième partie de l’exposé chronologique et détaillé, de la question de la guerre d’agression contre la Tchécoslovaquie. Les parties de l’Acte d’accusation qui s’y rapportent sont au paragraphe 3 de la section IV, F.

Ce passage de l’Acte d’accusation est divisé en trois parties :

a) La phase du plan comprise entre 1936 et 1938, c’est-à-dire la préparation du plan d’attaque à la fois de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie ;

b) L’exécution du plan d’invasion de l’Autriche : novembre 1937 à mars 1938 ;

c) L’exécution du plan d’invasion de la Tchécoslovaquie : avril 1938 à mars 1939.

Jeudi dernier, j’ai terminé la présentation des documents relatifs à l’exécution du plan d’invasion de l’Autriche ; ils sont rassemblés en un seul livre de documents qui a été remis au Tribunal au début de l’exposé du cas de l’Autriche.

Les pièces concernant l’agression contre la Tchécoslovaquie ont été rassemblées dans un livre de documents séparé que je présente maintenant au Tribunal sous la désignation de « Livre de documents O ».

Le Tribunal se souviendra qu’au cours de la période allant de 1933 à 1936, les accusés avaient établi un programme de réarmement, destiné à donner au IIIe Reich la puissance militaire et les moyens politiques de pression permettant de tenir tête aux autres nations. Vous vous rappellerez aussi qu’à dater de 1936, l’Allemagne s’était engagée dans un programme préliminaire d’expansion qui, tel qu’il se présentait, devait s’étendre jusqu’au mois de mars 1939.

Ce programme était établi dans le but de raccourcir les frontières, d’augmenter les réserves industrielles alimentaires et de mettre le pays dans une situation à la fois industrielle et stratégique telle qu’il pourrait se lancer dans une campagne d’agression encore plus ambitieuse et dévastatrice.

À ce moment – au début du printemps de 1938 – lorsque les conspirateurs nazis commencèrent à établir des plans concrets pour la conquête de la Tchécoslovaquie, ils avaient atteint à peu près la moitié de leur programme préliminaire.

L’automne précédent, lors de la conférence tenue à la chancellerie du Reich le 5 novembre 1937, rapportée par les notes de Hossbach, Hitler avait fixé le programme que l’Allemagne devait suivre. Ces notes de Hossbach, vous vous le rappellerez, sont contenues dans le document PS-386 (USA-25), que j’ai lu au Tribunal il y a une semaine dans mon discours d’introduction.

« La question qui se pose pour l’Allemagne – avait déclaré le Führer à ses chefs militaires au cours de cette réunion – est de savoir dans quelle direction nous pouvons faire la plus grande conquête au prix le moins élevé. »

En tête de son programme figuraient deux nations : Autriche et Tchécoslovaquie.

Le 12 mars 1938, l’Autriche fut occupée par l’Armée allemande et, le jour suivant, annexée au Reich. Le moment était venu de définir à nouveau les intentions allemandes à l’égard de la Tchécoslovaquie. Un peu plus d’un mois après, deux des conspirateurs, Hitler et Keitel, se rencontrèrent pour discuter des plans d’encerclement et de conquête de l’État tchécoslovaque.

Parmi les quelques documents sélectionnés que j’ai lus devant le Tribunal il y a une semaine dans mon introduction, pour établir l’existence du crime de guerre d’agression, se trouvait le compte rendu de cette réunion du 21 avril 1938. Ce compte rendu est la deuxième pièce de notre document PS-388 (USA-26).

Le Tribunal se rappellera que Hitler et Keitel discutèrent sur le prétexte que l’Allemagne pourrait créer comme excuse à une attaque soudaine et irrésistible. Ils s’entendirent pour susciter des querelles diplomatiques qui, devenant de plus en plus sérieuses, arriveraient à constituer un prétexte à la guerre.

Dans l’alternative – et c’est cette solution qu’ils trouvèrent préférable – ils projetèrent de lancer une attaque-éclair qui viendrait à la suite d’un événement inventé par eux-mêmes.

Pour créer l’incident requis, ils s’arrêtèrent donc, comme nous le prétendons dans l’Acte d’accusation et comme le document l’a prouvé, à l’assassinat de l’ambassadeur allemand à Prague.

On reconnut la nécessité d’une propagande destinée à indiquer aux Allemands la conduite à tenir en Tchécoslovaquie et à intimider les Tchèques. Les problèmes de transport et de tactique furent discutés en vue d’anéantir toute résistance tchécoslovaque en quatre jours, présentant ainsi au monde un fait accompli et empêchant toute intervention venant de l’extérieur.

Ainsi, vers la mi-avril 1938, les intentions des conspirateurs nazis de conquérir la Tchécoslovaquie avaient déjà atteint le stade des plans établis.

Plaise au Tribunal. Tous ces événements eurent pour toile de fond des relations diplomatiques amicales. C’est par rapport à cet arrière-plan qu’il faut envisager la conspiration. Bien qu’à l’automne de 1937 les Allemands aient été décidés à détruire l’État tchécoslovaque, les chefs du Gouvernement allemand étaient liés par un traité d’arbitrage et par les assurances qu’il avait librement données d’observer la souveraineté de la Tchécoslovaquie. Par un traité formel signé à Locarno le 16 octobre 1925 – document TC-14, qui sera présenté par le Procureur britannique – l’Allemagne et la Tchécoslovaquie étaient d’accord, à certaines exceptions près, pour soumettre à un Tribunal d’arbitrage ou à la Cour permanente de Justice internationale les sujets de différends. Je cite : elles soumettraient « … toutes contestations entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie de quelque nature qu’elles soient, au sujet desquelles les Parties se contesteraient réciproquement un droit, et qui n’auraient pu être réglées à l’amiable par les procédés diplomatiques ordinaires… »

Et le préambule de ce traité établissait :

« Le Président de l’Empire allemand et le Président de la République tchécoslovaque,

« Également résolus à maintenir la Paix entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie en assurant le règlement pacifique des différends qui viendraient à surgir entre les deux pays ;

« Constatant que le respect des droits établis par les traités ou résultant du droit des gens est obligatoire pour les tribunaux internationaux ;

« D’accord pour reconnaître que les droits d’un État ne sauraient être modifiés que de son consentement ;

« Et considérant que la sincère observation des procédés de règlement pacifique des différends internationaux permet de résoudre sans recourir à la force les questions qui viendraient à diviser les États,

« Ont décidé de réaliser dans un traité leurs intentions communes à cet égard … »

Ceci termine la citation.

Des assurances formelles et catégoriques de la bonne volonté des Allemands à l’égard de la Tchécoslovaquie ont été données par les conspirateurs nazis jusqu’au mois de mars 1938. Les 11 et 12 mars 1938, au moment de l’annexion de l’Autriche, l’Allemagne avait un intérêt considérable à détourner la Tchécoslovaquie d’une mobilisation. À ce moment, au nom du Gouvernement allemand, l’accusé Göring assurait M. Masaryk, ministre de Tchécoslovaquie à Berlin, que l’évolution de la situation en Autriche n’avait pas une influence malheureuse sur les relations germano-tchèques et que l’Allemagne n’avait pas d’intentions hostiles vis-à-vis de la Tchécoslovaquie. Comme preuve de sa sincérité, l’accusé Göring accompagna ses assurances de la déclaration : « Ich gebe Ihnen mein Ehrenwort. » (Je vous donne ma parole d’honneur.)

Au même moment, l’accusé von Neurath qui s’occupait du ministère des Affaires étrangères pendant le séjour de Ribbentrop à Londres, assurait M. Masaryk, au nom de Hitler et du Gouvernement allemand, que l’Allemagne se considérait toujours comme liée par la conférence d’arbitrage de 1925.

Ces assurances figurent au document TC-27, document appartenant aussi à la série qui sera présentée au Tribunal par le Procureur britannique à propos du chef n° 2 de l’Acte d’accusation.

Derrière l’écran de ces assurances, les conspirateurs nazis continuèrent à forger leur plan politique et militaire en vue d’une agression. Depuis l’automne précédent déjà, ils avaient décidé que la politique allemande aurait comme but l’élimination à la fois de l’Autriche et de la Tchécoslovaquie. Dans ces deux pays, les conspirateurs avaient décidé de miner la volonté de résistance par la propagande et par l’activité de la Cinquième colonne, tandis que les préparatifs militaires réels étaient en cours.

Les opérations d’Autriche, les premières pour des raisons politiques et stratégiques, furent menées en février et mars 1938. Depuis ce moment-là, les plans de la Wehrmacht traitèrent du « Fall Grün » (Cas Vert), appellation donnée aux opérations projetées contre la Tchécoslovaquie.

Les plans militaires pour le Cas Vert avaient été ébauchés dès juin 1937. Les instructions très secrètes de l’OKW concernant la préparation d’ensemble des Forces armées à la guerre signées par von Blomberg, le 24 juin 1937 et données à l’Armée de terre, à la Marine et à l’Aviation pour un an à partir du 1er juillet 1937, mentionnaient comme une éventualité de guerre vraisemblable et pour laquelle un plan concerté devait être établi, le Cas Vert, « Guerre sur deux fronts, avec foyer principal de lutte dans le Sud-Est ».

Ce document, C-175 de notre documentation, pièce USA-69, fut déposé comme preuve lors de l’exposé sur l’Autriche ; c’est une copie originale au carbone, signée à l’encre par von Blomberg. La partie de ces instructions traitant primitivement de la guerre probable contre la Tchécoslovaquie, – elle fut révisée plus tard – commence par cette supposition. Je lis, au bas de la page 3 de la traduction anglaise, au chapitre II, sous-paragraphe 1, sous la mention « Suppositions » :

« Afin de parer à l’attaque imminente d’une coalition ennemie supérieure, la guerre à l’Est peut commencer par une opération de surprise effectuée par les Allemands contre la Tchécoslovaquie. Les conditions nécessaires pour justifier une telle action du point de vue politique et aux yeux de la loi internationale doivent être créées auparavant. »

Après avoir mentionné les ennemis et les neutres possibles dans l’éventualité d’une telle action, la directive poursuit : « 2. La tâche de l’Armée allemande – et ceci est fortement souligné – est de se préparer de telle façon que le gros des forces puisse entrer rapidement en Tchécoslovaquie, par surprise et avec l’effectif maximum, pendant qu’à l’Ouest un contingent minimum protégerait nos arrières pour l’attaque. »

« L’objectif de cette attaque par surprise effectuée par l’Armée allemande serait d’éliminer dès le début et pour toute la durée de la guerre la menace tchécoslovaque sur l’arrière dans les opérations de l’Ouest, et d’enlever à l’aviation russe la plupart de ses bases d’opérations en Tchécoslovaquie. Ce but doit être atteint par la défaite de l’Armée ennemie et par l’occupation de la Bohême et de la Moravie. »

Cette directive est introduite, entre autres principes directeurs, par la déclaration suivante – et je lis maintenant la page 1 de la traduction anglaise, c’est-à-dire le 3e paragraphe après le chiffre 1 :

« Cependant, l’incertitude de la situation politique mondiale, qui ne rend pas impossible des incidents surprenants, exige que l’Armée allemande soit toujours prête pour la guerre. »

Et ensuite :

« a) Contre-attaquer à n’importe quel moment » ;

« b) Rendre possible l’exploitation militaire des occasions politiques favorables qui se présenteraient. »

Cette directive ordonnait, en outre, de travailler sans publicité officielle au plan de mobilisation. Je cite : « … pour mettre les Forces armées à même d’entreprendre brusquement une guerre qui prenne l’ennemi par surprise, en raison des moyens et du moment choisis. » Cette directive, évidemment, concerne les plans d’État-Major, mais la nature de ces plans et le résultat très tangible et menaçant qu’ils eurent dans la suite lui donnent un sens qu’elle n’aurait pas dans un autre cas.

Le plan conforme à ces instructions fut exécuté pendant l’automne 1937 et l’hiver 1937-1938. Dans le domaine politique, ce plan de conquête de la Tchécoslovaquie reçut l’approbation et l’appui de Hitler dans la conférence qu’il eut avec ses chefs militaires le 5 novembre 1937, conférence consignée dans les notes Hossbach auxquelles je me suis fréquemment reporté jusqu’à maintenant.

Au début de mars 1938, avant l’entrée en Autriche, nous trouvons les accusés Ribbentrop et Keitel chargés de la diffusion à la Hongrie des buts de guerre contre la Tchécoslovaquie.

Le 4 mars 1938, Ribbentrop écrivit à Keitel et joignit pour l’information personnelle et secrète du général Keitel le procès-verbal d’une conférence avec Sztojay, l’ambassadeur de Hongrie à Berlin, qui voulait procéder à un échange de vues. C’est le document PS-2786, photocopie de la lettre originale saisie, que je dépose comme pièce USA-81. Dans sa lettre à Keitel, Ribbentrop disait :

« J’ai des doutes sur de telles négociations. Au cas où nous parlerions à la Hongrie de buts de guerre possibles contre la Tchécoslovaquie, il y aurait danger que d’autres parties en soient informées également. Je vous serais très reconnaissant de me dire brièvement si des pourparlers ont été engagés d’une façon ou d’une autre sur un point quelconque. Toute ma considération. Heil Hitler. »

À la réunion du 21 avril entre Hitler et Keitel, dont j’ai lu le compte rendu la semaine dernière et dont j’ai parlé ce matin (document PS-388, article 2), il fut parlé pour la première fois de plans circonstanciés d’attaque de la Tchécoslovaquie. Cette réunion fut suivie, à la fin du printemps et au cours de l’été 1938, d’une série de télégrammes et de mémorandums parlant du « Cas Vert ». Ces communications et notes furent mises avec soin en dossier au Quartier Général de Hitler par le très actif colonel Schmundt, lieutenant de Hitler. Il fut pris par les troupes américaines dans une cave d’Obersalzberg, près de Berchtesgaden. Ce dossier, qui est resté intact, figure dans notre documentation sous le n° PS-388 (USA-26), auquel j’aime à donner le nom de « Grand Schmundt » lorsque je me rapporte à ce grand dossier. Les différents articles de ce dossier montrent d’une façon plus graphique que narrative le progrès des plans des conspirateurs nazis pour déclencher contre la Tchécoslovaquie une guerre brutale et non motivée. Dès le début, les chefs nazis prirent un vif intérêt aux renseignements concernant l’armement de la Tchécoslovaquie. Avec la permission du Tribunal, je parlerai de quelques-uns de ces articles du dossier « Grand Schmundt » sans les lire. Les documents auxquels je me réfère sont l’article 4 du dossier Schmundt, un télégramme du colonel Zeitzler du bureau du général Jodl à l’OKW, adressé à Schmundt, au Quartier Général de Hitler.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous l’intention de ne pas les lire ?

M. ALDERMAN

Je n’avais pas l’intention de les lire en entier, à moins que ce ne soit nécessaire.

LE PRÉSIDENT

Je crains que nous ne soyons obligés de maintenir notre décision.

M. ALDERMAN

Plaise au Tribunal. Je me reporterai au titre ou à l’en-tête de l’article n° 12 qui porte la mention « Bref aperçu de l’armement de l’Armée tchèque », daté de Berlin, le 9 juin 1938, avec l’initiale Z pour Zeitzler, et à l’article 13 « Questions du Führer » daté de Berlin, le 19 juin 1938, et désigné comme très secret. J’aimerais lire quatre de ces questions sur lesquelles Hitler désirait avoir des informations sûres comme le prouve ce document, et je lis les questions indiquées pages 23, 24, 25 et 26 de l’article 13 du document PS-388.

Question 1. – Hitler s’enquérait de l’armement de l’Armée tchèque. Je ne juge pas nécessaire de lire les réponses ; elles sont détaillées et donnent des renseignements correspondant aux questions posées par Hitler.

Question 2. – « Combien y a-t-il de bataillons employés à l’Ouest pour la construction de positions ? »

Question 3. – « Les fortifications de Tchécoslovaquie sont-elles encore occupées par des effectifs au complet ? »

Question 4. – « Protection des frontières à l’Ouest. »

Comme je l’ai dit, il fut répondu en détail à ces questions par l’OKW. Le colonel Zeitzler, de l’État-Major de Jodl, y apposa son paraphe.

Comme précaution contre une action de la France et de l’Angleterre pendant l’attaque sur la Tchécoslovaquie, les conspirateurs nazis furent forcés de hâter la préparation des mesures de fortification le long de la frontière ouest de l’Allemagne. Je vous renvoie à l’article n° 8 de la page 12 du dossier « Grand Schmundt » : c’est un télégramme probablement envoyé de Berchtesgaden à Berlin par Schmundt, et je cite un passage de ce télégramme.

C’est, comme je l’ai dit, l’article 8 du dossier Schmundt, page 12 du document PS-388 :

« Informer le Generaloberst von Brauchitsch et le général Keitel. » Ici, je saute un paragraphe.

« Le Führer a constamment souligné la nécessité d’activer le plus possible les travaux de fortification à l’Ouest. »

En mai, juin, juillet et août 1938, des conférences eurent lieu entre Hitler et ses conseillers politiques et militaires ; elles aboutirent à une série d’instructions, sans cesse modifiées, concernant l’attaque de la Tchécoslovaquie. Il fut décidé que les préparatifs pour le jour « X », le jour de l’attaque, devaient être achevés au plus tard le 1er octobre.

J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur la plus importante de ces conférences et instructions.

Le 28 mai 1938, Hitler convoqua ses conseillers principaux pour une conférence. Au cours de cette réunion, il donna les instructions nécessaires à ses co-conspirateurs pour préparer l’attaque sur la Tchécoslovaquie. Plus tard, Hitler l’admit publiquement.

Maintenant, je renvoie au document n° PS-2360 et j’invite le Tribunal à en prendre note. C’est un exemplaire du Völkischer Beobachter du 31 janvier 1939. Dans un discours tenu la veille devant le Reichstag, et rapporté dans ce journal – je lis maintenant un passage du document PS-2360 – Hitler déclara :

« Étant donné cette provocation intolérable qui a été aggravée par une persécution infâme de nos Allemands de là-bas, victimes en outre de menaces terroristes, j’ai décidé de résoudre une fois pour toutes, et radicalement, la question des Allemands des Sudètes. Le 28 mai, j’ai ordonné, premièrement, que tous préparatifs militaires d’une action contre cet État soient achevés pour le 2 octobre ;

j’ai ordonné, deuxièmement, l’extension rapide et sur une vaste échelle de notre front défensif à l’Ouest. »

Deux jours après cette conférence, le 30 mai 1938, Hitler donna des instructions militaires modifiées pour le « Cas Vert ». Ces instructions forment l’article II du dossier « Grand Schmundt », document PS-388. Le titre est le suivant : « Guerre sur deux fronts, avec effort principal dans le Sud-Est », et ces instructions remplaçaient le passage correspondant à la partie 2, section II, du précédent document cité, « Instructions pour la préparation unifiée de la guerre », émanant de von Blomberg, et daté du 26 juin 1937 ; je l’ai déjà déposé dans notre documentation sous le n° C-175 (USA-69).

Ces instructions révisées constituaient un pas de plus vers une action politique et militaire telle que Keitel et Hitler l’avaient définie dans leur conférence du 21 avril. C’est une amélioration de l’ébauche soumise par l’accusé Keitel à Hitler le 20 mai, ébauche qui constitue la pièce n° 5 du dossier Schmundt. Ce document fut signé par Hitler. Il y eut seulement cinq exemplaires ; trois exemplaires furent envoyés avec une lettre d’introduction de l’accusé Keitel au général von Brauchitsch pour l’Armée de terre, à l’accusé Raeder pour la Marine, et à l’accusé Göring pour l’Aviation. Dans ce mémorandum d’introduction, Keitel disait que son exécution devait être assurée, je cite : « …au plus tard au 1er octobre 1938. » Je vous lis maintenant un passage de ce document qui est la directive de base destinée à la Wehrmacht pour la réalisation des plans du « Cas Vert ». C’est une citation assez longue, à la première page de l’article 11, page 16 de la traduction anglaise :

« 1. Conditions politiques préalablement nécessaires. C’est ma décision irrévocable d’écraser la Tchécoslovaquie, dans un proche avenir, par une action militaire. C’est le travail des chefs politiques d’attendre ou de provoquer politiquement et militairement le moment opportun.

Un développement inévitable de la situation intérieure en Tchécoslovaquie, ou d’autres événements politiques en Europe créant une occasion extraordinairement favorable qui ne se présentera peut-être plus jamais, peuvent m’amener à agir rapidement.

Le choix judicieux et l’utilisation résolue et totale du moment favorable sont les meilleures garanties du succès ; donc, les préparatifs doivent être entrepris dès maintenant.

2. Possibilités politiques permettant d’entreprendre cette opération.

Les conditions préalablement nécessaires pour tenter l’invasion sont les suivantes :

a) Raisons appropriées et évidentes et, en même temps,

b) Justification politique suffisante ;

c) Opération surprenant l’ennemi et le trouvant à un degré de préparation minimum.

D’un point de vue militaire aussi bien que d’un point de vue politique, le procédé le plus favorable est une opération-éclair, entreprise à la suite d’un incident qui aurait été une provocation inadmissible pour l’Allemagne, et dans lequel une partie de l’opinion mondiale tout au moins trouverait la justification morale d’une action militaire.

Mais, même une période de tension précédant plus ou moins une guerre doit se terminer par une action rapide de notre part, action qui doit, par sa date et par son envergure, constituer une surprise pour l’ennemi avant que l’état de sa préparation militaire ne soit assez avancé pour qu’il ne puisse être dépassé.

3. Conclusions pour la préparation du « Fall Grün » :

« a) Pour le choc militaire, il est essentiel que l’élément de surprise, en tant que facteur important de réussite, soit utilisé à plein, grâce à des mesures préparatoires appropriées prises déjà en temps de paix, et à un déroulement inattendu de rapides opérations. Ainsi, il est essentiel de créer les deux ou trois premiers jours une situation qui démontre pleinement aux nations hostiles prêtes à intervenir le caractère désespéré de la situation militaire tchécoslovaque et qui donne en même temps aux nations susceptibles de formuler des revendications territoriales en Tchécoslovaquie un motif d’intervenir immédiatement contre elle. Dans ce cas, l’intervention de la Pologne et de la Hongrie contre la Tchécoslovaquie peut être prévue, surtout si la France – en raison de l’attitude germanophile évidente de l’Italie – redoute ou tout au moins hésite à déclencher une guerre européenne en intervenant contre l’Allemagne. Il faut s’attendre à ce que la Russie essaie d’apporter une aide militaire à la Tchécoslovaquie, surtout par l’Aviation. Si l’on n’obtient pas des succès appréciables dans les opérations terrestres au cours des tout premiers jours, une crise européenne en résultera certainement. En connaissance de quoi les commandants de tous grades doivent prendre la décision d’agir avec audace.

b) D’une part, la guerre de propagande doit intimider la Tchécoslovaquie par des menaces et épuiser son pouvoir de résistance ; d’autre part, il faut donner aux groupes nationaux des directives pour soutenir le choc militaire et influencer les neutres, les amener à penser comme nous. Je me réserve de donner d’autres directives et de fixer la date.

4. Tâches des Forces armées.

Les Forces armées doivent se préparer sur les bases suivantes :

a) Tout l’ensemble des forces doit être utilisé contre la Tchécoslovaquie.

b) À l’Ouest, il faut réserver un minimum de forces pour couvrir l’arrière s’il en est besoin ; les autres frontières de l’Est, celles de Pologne et de Lithuanie, doivent seulement être protégées, celles du Sud, doivent être surveillées.

c) Les parties de l’Armée dont on peut rapidement disposer doivent forcer les fortifications de la frontière avec rapidité et décision, et se précipiter en Tchécoslovaquie avec la plus grande audace, dans la certitude que le gros de l’Armée motorisée les suivra avec un maximum de rapidité. Des préparatifs synchronisés doivent être faits de telle façon que les éléments de l’Armée rapidement utilisables franchissent la frontière au moment voulu, concurremment avec l’Aviation, avant que l’ennemi ne se soit rendu compte de notre mobilisation. Pour cela, le tableau de synchronisation entre l’Armée et l’Aviation doit être établi en liaison avec l’OKW et être soumis à mon approbation. »

« 5. Missions pour les diverses armes de la Wehrmacht.

a) Armée de terre. – Les principes fondamentaux d’une attaque de surprise contre la Tchécoslovaquie ne doivent pas être mis en péril par l’inévitable délai inhérent au transport par rail du gros des troupes ; de plus, l’initiative de l’Aviation ne doit pas être dispersée. En conséquence, il est avant tout essentiel pour l’Armée que le plus grand nombre possible de colonnes d’assaut soit utilisé en même temps que l’Aviation attaquera par surprise. Ces colonnes d’assaut – leur composition variant alors selon leurs tâches – doivent être formées de troupes rapidement utilisables à cause de leur proximité de la frontière, ou de leur motorisation et de mesures spéciales de préparation. Le but de ces poussées doit être de forcer en de nombreux points les lignes fortifiées tchécoslovaques, et dans une direction favorable pour achever d’opérer une percée ou de désorganiser leurs arrières. Pour le succès de cette opération, il sera important de coopérer avec la population allemande frontalière des Sudètes, avec les déserteurs de l’Armée tchécoslovaque, avec des parachutistes ou des troupes aéroportées et avec les unités du Service de sabotage. Le gros de l’Armée a pour tâche de rendre inutile le plan de défense tchécoslovaque, d’empêcher l’Armée tchécoslovaque de battre en retraite… »

LE PRÉSIDENT

Est-il nécessaire de lire tous ces détails ?

M. ALDERMAN

II serait fâcheux que cela ne figurât pas au procès-verbal.

LE PRÉSIDENT

II me semble que ce sont là des détails et que, avant de laisser ce document, vous devriez lire la page 15 qui sert d’introduction et donne la date.

M. ALDERMAN

C’est mon avis.

C’est une lettre datée de « Berlin, 30 mai 1938, une copie du quatrième exemplaire. Chef suprême de l’Armée. Très secret. À transmettre uniquement par officier ». Écrit par un officier, signé : « Keitel. » « Envoyé au Commandant en chef de l’Armée, au Commandant en chef de la Marine, au Commandant en chef de l’Aviation. Par ordre du Commandement suprême de l’Armée, la 2e partie, section II de la directive sur les préparatifs unifiés de l’Armée en vue de la guerre, en date du 24 juin 1937 (Ob. d. W) – avec quelques signes conventionnels, y compris « Chefsache » ou « Très secret » – guerre sur deux fronts avec effort principal dans le Sud-Est, concentration stratégique « Grün » doit être remplacée par le texte inclus. Son exécution doit être assurée au plus tard au 1er octobre 1938. Il faut s’attendre à des modifications sur d’autres points de la directive au cours des semaines à venir.

« Par ordre du chef du Commandement suprême des Forces armées.

« Signé : Keitel.

« Pour copie certifiée conforme, Zeitzler, Oberstleutnant de l’État-Major général. »

En accord avec la suggestion de M. le Président, je passerai les instructions détaillées concernant les opérations de l’Aviation et de la Marine, et je saute au dernier paragraphe de la directive qui se trouve à la page 19 du texte anglais :

« Dans l’économie de guerre, il est essentiel que dans le domaine de l’industrie d’armement, un déploiement de forces maximum soit rendu possible par une production accrue. Au cours des opérations, il est important de contribuer au renforcement de la guerre totale – puissance économique – en dénombrant rapidement quelles sont les usines importantes et en les mettant aussitôt en activité. Pour cette raison, il faut épargner, autant que le permettent les opérations militaires, les usines et les installations industrielles tchécoslovaques ; ceci peut être pour nous d’une importance décisive. »

En d’autres termes, les conspirateurs nazis, quatre mois avant leur attaque prévue, envisageaient déjà la contribution que l’industrie tchèque apporterait aux efforts de guerre et à l’économie nazis.

Puis le dernier paragraphe de cette directive, paragraphe 7, page 19 :

« Tous les préparatifs de sabotage et de soulèvement seront entrepris par l’OKW et seront menés d’après les demandes des trois Armes et en accord avec elles, de manière que l’effet produit cadre avec les opérations de l’Armée de terre et de l’Aviation.

« Signé : Adolf Hitler.

« Copie certifiée conforme. Signé : Zeitzier, Oberstleutnant de l’État-Major général. »

Trois semaines plus tard, le 18 juin 1938, un projet de nouvelles instructions fut préparé ; il porte les initiales de l’accusé Keitel. C’est le n° 14, pages 27 à 32 du grand dossier Schmundt. Cela n’excluait pas les instructions du 30 mai. Je vais lire les 3e et 5e paragraphes, page 28 et dernier paragraphe, page 29 du texte anglais.

« Le but immédiat est la solution du problème tchèque de ma propre et libre décision. Ceci est au premier plan de mes intentions politiques. Je suis déterminé à partir du 1er octobre 1938 à utiliser jusqu’au bout toute occasion politique favorable pour arriver à ce but. » Je saute ensuite un paragraphe :

« Toutefois, je ne me déciderai à agir contre la Tchécoslovaquie que si je suis fermement convaincu que, de même que lors de l’occupation de la zone démilitarisée et de l’entrée en Autriche, la France ne marchera pas contre nous, et que par suite l’Angleterre n’interviendra pas. »

Je saute ensuite au dernier paragraphe, page 29 :

« Les instructions nécessaires pour la poursuite de la guerre elle-même seront données par moi de temps en temps. »

« K » initiale de Keitel, et « Z » celle de Zeitzler.

Les deuxième et troisième parties de ces instructions contiennent des directives générales pour le déploiement des troupes et pour des mesures de précaution, en vue du cas où la France et l’Angleterre, pendant l’exécution du Cas Vert, déclareraient la guerre à l’Allemagne.

Six pages de listes compliquées qui suivent cette esquisse dans l’original n’ont pas été traduites en anglais. Ces listes, qui forment l’article 15 du dossier Schmundt, constituent un programme de mesures spécifiques concernant la préparation de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation à l’opération envisagée.

En confirmation du dossier Schmundt, nous avons le journal du général Jodl, document PS-1780 (USA-72), dont j’ai cité des extraits en présentant le cas de l’Autriche. Je cite maintenant trois passages de ce journal écrits au printemps de 1938. Toutefois, le premier n’est pas daté ; il semble avoir été écrit plusieurs mois après l’annexion de l’Autriche. Je lis maintenant la page 3 de la traduction anglaise, qui porte la mention « Annotation ultérieure non datée » :

« Après l’annexion de l’Autriche, le Führer déclare qu’il n’y a aucune hâte à résoudre la question tchèque, car il fallait d’abord digérer l’Autriche. Néanmoins, les préparatifs pour le Cas Vert seront poursuivis énergiquement. Il faudra les modifier sur la base du changement apporté dans la situation stratégique par l’annexion de l’Autriche. État des préparatifs (cf. mémorandum L-1A en date du 19 avril, communiqué au Führer le 21 avril).

« L’intention du Führer de ne pas encore s’occuper du problème tchèque maintenant changera par suite de la concentration de troupes tchécoslovaques, faite le 21 mai sans menace de la part de l’Allemagne et sans la moindre raison. Étant donné les restrictions que l’Allemagne s’était imposées, il en résulta une perte de prestige pour le Führer qui n’admettra pas la répétition de tels faits. Aussi un nouvel ordre est-il donné le 30 mai pour le Cas Vert. »

Ensuite vient l’annotation du 23 mai :

« Le commandant Schmundt rapporte les idées du Führer… De nouvelles conférences, qui révèlent petit à petit les intentions exactes du Führer, ont lieu avec le chef du Haut Commandement des Forces armées (OKW) ; au sujet des 28 mai, 3 et 9 juin, voir les pièces jointes, Journal de guerre. »

Puis vient l’annotation du 30 mai :

« Le Führer signe la directive Grün, où il fait part de sa décision définitive de détruire bientôt la Tchécoslovaquie et où il expose les préparatifs militaires dans leur ensemble. Les premières intentions de l’Armée doivent être considérablement modifiées dans le sens d’une poussée immédiate en Tchécoslovaquie le jour "J" (X-Tag), combinée avec une pénétration aérienne.

« D’autres détails proviennent des instructions concernant la concentration des troupes du point de vue stratégique. Une fois de plus, il y a opposition frappante entre l’intuition du Führer, selon laquelle nous devons agir cette année, et l’opinion de l’Armée selon laquelle nous ne pouvons le faire maintenant, car les puissances de l’Ouest interviendront très certainement et nous ne sommes pas encore aussi forts qu’elles. »

Au cours du printemps et de l’été de 1938, la Luftwaffe s’occupa aussi, en accord avec le futur « Cas Vert », d’établir des plans concernant l’expansion à venir du Reich.

Je dépose maintenant le document R-150 (USA-82). C’est un document très secret du 2 juin 1938, émanant du Groupe aérien 3, et intitulé. « Projet de plan pour 1938. Instructions pour le rassemblement et le combat, « Fall Rot » (Cas Rouge). Le « Cas Rouge » est le nom de code pour la guerre contre les puissances de l’Ouest si elle a lieu. Ce document est en vingt-huit exemplaires : celui-ci est le n° 16. C’est un autre plan d’État-Major, relatif cette fois à la mobilisation et l’utilisation de la Luftwaffe, en cas de guerre avec la France. Il s’explique par l’importance des progrès considérables faits à cette date par le plan d’attaque contre la Tchécoslovaquie.

Je cite un passage du second paragraphe, page 3 de la traduction en langue anglaise, relatif aux différentes possibilités qui pourraient donner lieu à la guerre contre la France ; vous verrez qu’ils comptaient tous sur un conflit germano-tchèque.

« La France sera obligée : Ou bien, a) de se mêler à la lutte entre le Reich et la Tchécoslovaquie au cours de la réalisation du « Cas Vert » ; ou b) De commencer les hostilités en même temps que la Tchécoslovaquie ; c) II est possible mais peu probable que la France prenne l’initiative du combat alors même que la Tchécoslovaquie n’aura pas été attaquée. »

Maintenant, je lis plus bas sur cette page, sous le titre « Intentions » : « Sans s’occuper si la France entre en guerre comme résultat du "Cas Vert" ou si elle commence la guerre en même temps que la Tchécoslovaquie, de toute façon, le gros des formations de combat allemandes, de concert avec l’Armée, portera d’abord le coup décisif à la Tchécoslovaquie. »

Au milieu de l’été, un plan direct et détaillé du « Cas Vert » fut établi par la Luftwaffe. Au début d’août, à la demande de l’État-Major général de la Luftwaffe, l’attaché de l’Air allemand à Prague est allé reconnaître la région de Freudenthal en Tchécoslovaquie, au sud de la Haute-Silésie, pour repérer des points d’atterrissage convenables.

Je dépose le document n° PS-1536 (USA-83), compte rendu de l’État-Major général de la Luftwaffe, service de renseignements, daté du 12 août 1938. C’était un document très secret, pour les officiers généraux seulement. Il n’y en eut que deux exemplaires. Y était joint le compte rendu du commandant Moericke, attaché allemand à Prague, daté du 4 août 1938. Je cite les quatre premiers paragraphes de cette pièce :

« L’État-Major général de l’Aviation m’a donné l’ordre d’aller reconnaître le terrain dans la région Freudenthal-Freihermersdorf pour voir s’il y avait des possibilités d’atterrissage.

Dans ce but, je trouvai à me loger à Freudenthal, chez l’industriel Macholdt, qui m’avait été indiqué par l’un de mes hommes de Prague.

J’avais spécialement demandé à cet homme de ne donner à Macholdt aucun détail me concernant, surtout au sujet de ma position officielle.

Je me suis servi de mon automobile officielle (Dienst P.K.W.) pour mon voyage à Freudenthal, prenant des précautions pour ne pas être repéré. »

Le 25 août, l’imminence de l’attaque sur la Tchécoslovaquie obligea la Luftwaffe à fournir un mémorandum détaillé de renseignements, intitulé « Extension du Cas Vert », autrement dit un examen des éventualités d’intervention des puissances de l’Ouest pendant l’attaque de la Tchécoslovaquie.

Je dépose comme preuve maintenant le document n° PS-375 (USA-84). C’est un mémorandum absolument confidentiel du service de renseignements de la Luftwaffe, État-Major général, daté de Berlin, du 25 août 1938. Basée sur la supposition que la France et la Grande-Bretagne déclareraient la guerre à l’Allemagne pendant le déroulement du « Cas Vert », cette étude contient une estimation des plans de campagne et des effectifs aériens des puissances de l’Ouest au 1er octobre 1938, date fixée pour le « Cas Vert ». Je cite les deux premières phrases de ce document. C’est sous la rubrique « Situation politique initiale » : « Nous nous basons sur l’hypothèse que la France entrera en guerre au cours du "Cas Vert". Nous présumons que la France ne se décidera à faire la guerre que si la Grande-Bretagne lui donne la ferme assurance d’une aide militaire. »

Or la connaissance d’une action, immédiate ou non, contre la Tchécoslovaquie n’était pas limitée à un petit cercle de personnalités officielles du Reich et du parti nazi. Au cours de l’été, les alliés de l’Allemagne, l’Italie et la Hongrie, furent avertis d’une manière ou d’une autre des plans des conspirateurs nazis ; je dépose comme preuve le document PS-2800 (USA-85). C’est un document saisi provenant des dossiers du ministère des Affaires étrangères allemand, mémorandum confidentiel d’une conversation avec l’ambassadeur d’Italie, Attolico, tenue à Berlin le 18 juillet 1938. Au bas, il y a la note manuscrite suivante : « Pour le ministre du Reich seulement » et le ministre du Reich était l’accusé Ribbentrop. Je lis maintenant cette note ; j’en lis les troisième et quatrième paragraphes :

« Attolico ajouta que nous avions exprimé de façon très claire pour les Italiens nos intentions concernant la Tchécoslovaquie. Il était lui aussi suffisamment au courant de la date prévue pour envisager de prendre deux mois de congé à cette époque, chose qu’il ne pourrait faire plus tard.

« Pour donner une idée de l’attitude d’autres Gouvernements, Attolico observa que le Gouvernement roumain avait refusé d’accorder un congé à son Ministre à Berlin. »

LE PRÉSIDENT

Croyez-vous que l’on pourrait suspendre l’audience dix minutes ?

M. ALDERMAN

Oui, Votre Honneur.

(L’audience est suspendue.)
M. ALDERMAN

Plaise au Tribunal. Un mois plus tard, Mussolini envoya un message à Berlin, demandant qu’on lui dît à quelle date le « Cas vert » aurait lieu. Je présente comme preuve le document PS-2791 (USA-86), note du ministère des Affaires étrangères d’Allemagne concernant une conversation avec l’ambassadeur Attolico. Cette note signée « R » pour Ribbentrop est datée du 23 août 1938. Je vais lire deux paragraphes de ce mémorandum :

« Pendant le voyage sur le "Patria", l’ambassadeur Attolico m’expliqua qu’il était chargé de demander au Gouvernement allemand la date envisagée par l’Allemagne pour l’attaque contre la Tchécoslovaquie … Au cas où les Tchèques provoqueraient encore les Allemands, l’Allemagne entrerait en action, et ceci aussi bien demain que dans six mois ou peut-être un an. Néanmoins, je pus lui promettre que si la situation s’aggravait, ou dès que le Führer aurait pris une décision, le Gouvernement allemand préviendrait le chef du Gouvernement italien aussi rapidement que possible. En tout cas, le Gouvernement italien serait le premier prévenu. »

LE PRÉSIDENT

Vous ne nous avez pas dit quelle était l’initiale, n’est-ce pas ?

M. ALDERMAN

L’initiale est « R » pour Ribbentrop, et la date est le 23 août 1938.

Quatre jours plus tard, Attolico demanda encore à être prévenu de la date de l’attaque imminente. Je dépose maintenant le document PS-2792 (USA-87), autre mémorandum du ministère des Affaires étrangères allemand ; je vais en lire trois paragraphes, ils sont sous la rubrique « RM-251 ».

« L’ambassadeur Attolico m’a rendu visite aujourd’hui à midi, pour me communiquer les choses suivantes : il avait encore reçu de Mussolini des instructions écrites, demandant que l’Allemagne lui communiquât à temps la date probable de l’attaque de la Tchécoslovaquie. M. Attolico m’assura que Mussolini voulait être prévenu de façon à pouvoir prendre en temps utile les mesures nécessaires sur la frontière française. Berlin, le 27 août 1938. »

« R » pour Ribbentrop.

LE PRÉSIDENT

En raison de certains incidents techniques, nous devons suspendre l’audience quelques instants.

M. ALDERMAN

Dois-je répéter que… Je cite le document PS-2792 (USA-87) ainsi conçu : Titre « RM-251 ».

Puis : « N. B. – J’ai répondu à l’ambassadeur Attolico comme à sa première démarche, que je ne pouvais lui donner aucune date mais que néanmoins Mussolini serait le premier à être informé des décisions qui seraient prises. Berlin, le 2 septembre 1938. »

La Hongrie, qui a une frontière commune avec la Tchécoslovaquie au sud-est, avait été considérée dès l’abord comme pouvant participer au « Cas Vert ». Vous vous souviendrez qu’au début du mois de mars 1938 les accusés Keitel et Ribbentrop avaient échangé des lettres sur le point de savoir si la Hongrie entrerait dans le plan nazi. À ce moment-là, leur décision fut négative, mais au milieu du mois d’août 1938, les conspirateurs nazis essayèrent de persuader la Hongrie de participer à l’agression. Du 21 au 26 août, l’amiral Horthy et certains de ses ministres vinrent en Allemagne. Inévitablement la question tchécoslovaque fut agitée. Je dépose maintenant le document PS-2796 (USA-88). C’est un document saisi au ministère des Affaires étrangères allemand, signé par von Weizsaecker ; c’est un compte rendu des conversations de Hitler et de Ribbentrop avec une délégation hongroise composée de Horthy, Imredy et Kanya, à bord du « Patria », le 23 août 1938. Au cours de cette conférence, Ribbentrop demanda quelle serait l’attitude de la Hongrie en cas d’attaque allemande sur la Tchécoslovaquie, et suggéra qu’une telle attaque s’avérerait être une bonne occasion pour la Hongrie. Les Hongrois, excepté Horthy qui désirait faire passer dans un écrit l’intention des Hongrois de participer à cette action, se révélèrent peu disposés à se compromettre. À ce moment-là, Hitler souligna la déclaration de Ribbentrop et dit : « Tous ceux qui veulent participer au repas doivent avoir aidé à faire la cuisine. »

Je cite maintenant les deux premiers paragraphes de ce document :

« Dans la matinée du 23 août, alors que le Régent de Hongrie et le Führer étaient engagés dans une discussion politique, les ministres hongrois Imredy et Kanya s’entretenaient avec von Ribbentrop ; von Weizsaecker assistait aussi à cette conférence. Von Kanya proposa deux sujets de discussion :

« Premier point : les négociations entre la Hongrie et la Petite-Entente.

« Deuxième point : le problème tchécoslovaque. »

Je saute maintenant deux paragraphes, et je lis le cinquième :

« Von Ribbentrop demanda quelle serait l’attitude de la Hongrie si Hitler mettait à exécution sa décision de répondre par la force à une nouvelle provocation tchèque. Les Hongrois répondirent qu’il y avait deux obstacles. La neutralité des Yougoslaves devait être assurée au cas ou la Hongrie marcherait vers le nord et peut-être vers l’est. De plus, le réarmement hongrois venait seulement de commencer et il faudrait encore un ou deux ans pour l’exécuter.

« Von Ribbentrop expliqua ensuite aux Hongrois que les Yougoslaves n’oseraient pas entrer en action tant qu’ils seraient dans la tenaille des puissances de l’Axe. Par suite, la Roumanie, seule, ne bougerait pas. L’Angleterre et la France resteraient également tranquilles. L’Angleterre ne risquerait pas témérairement son Empire. Elle connaissait notre puissance acquise depuis ces derniers temps. Toutefois, quant à l’époque de la situation ci-dessus mentionnée, rien de défini ne pouvait être dit à l’avance puisque cela dépendait de la provocation tchécoslovaque. Von Ribbentrop répétait que "quiconque désire une révision doit profiter de la bonne "'occasion et participer à l’action'." La réponse hongroise demeura conditionnelle. À la question de von Ribbentrop demandant quel serait le but des conférences d’État-Major qu’ils désiraient tenir, les Hongrois parlèrent seulement d’un inventaire réciproque du matériel militaire et de l’état de préparation au conflit tchèque. Des données politiques précises – la date de l’intervention hongroise – ne furent pas avancées.

« Pendant ce temps, Horthy parlait de façon beaucoup plus positive dans sa conversation avec le Führer, et il ne cachait pas ses doutes au sujet de l’attitude anglaise, mais il voulait que soit enregistrée l’intention de la Hongrie de participer à l’action. Les ministres hongrois étaient et demeurèrent même plus tard fort sceptiques, car ils sentaient beaucoup plus le danger immédiat dans lequel se trouvait la Hongrie mal protégée sur ses flancs.

« Lorsque Imrédy parla au Führer dans l’après-midi, il fut très soulagé d’apprendre que dans la situation en question celui-ci ne demandait rien à la Hongrie. Il prétendait ne pas connaître lui-même le moment exact. Quiconque désirait participer au repas devrait aider à faire la cuisine. Si la Hongrie voulait qu’il y ait des conférences d’État-Major, il n’y voyait aucune objection. »

Je pense que la phrase : « Quiconque désire participer au repas doit aider à faire la cuisine » est peut-être la plus cynique des déclarations qui aient jamais été faites par un homme d’État.

Le troisième jour de la conférence, les Allemands furent en mesure de noter qu’en cas de conflit germano-tchèque, la Hongrie serait suffisamment armée pour prendre part à la lutte le 1er octobre.

Je dépose maintenant, comme preuve, le document PS-2797 (USA-89), autre document saisi provenant du ministère des Affaires étrangères allemand ; c’est un mémoire relatant une conversation tenue entre von Ribbentrop et Kanya le 25 août 1938. Je lis le dernier paragraphe de ce document ou plutôt les deux derniers :

« Quant à l’état de préparation militaire de la Hongrie en cas de conflit germano-tchèque, Kanya déclara, voici plusieurs jours, que son pays aurait besoin d’une ou deux années pour donner à l’Armée un développement satisfaisant. Au cours de la conversation d’aujourd’hui, Kanya s’est repris et a dit que la situation militaire de la Hongrie était bien meilleure, que son pays serait prêt, en ce qui concerne les armements, à prendre part au conflit dès le 1er octobre de cette année. » La signature est illisible ; c’est sans doute celle de Weizsaecker. Le compte rendu de la conférence germano-hongroise est encore confirmé dans le journal du général Jodl, document PS-1780, dont j’ai déjà lu maint passage. Dans ce journal se trouvent, du 21 au 26 août, page 4 de la traduction anglaise, les notes suivantes :

« Visite du Régent de Hongrie en Allemagne, accompagné du Premier Ministre, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Guerre von Raatz. Ils sont arrivés avec l’idée qu’au cours d’une grande guerre, après quelques années, et avec l’assistance des troupes allemandes, l’ancien État de Hongrie pourrait être rétabli. Ils nous quittent en comprenant que nous n’avons aucune demande à recevoir d’eux et aucune réclamation à formuler, mais que l’Allemagne ne se laissera pas provoquer une deuxième fois par la Tchécoslovaquie, même si cela devait être demain. S’ils désirent se joindre à la lutte, libre à eux. Néanmoins, l’Allemagne ne jouera jamais le rôle d’arbitre entre les Hongrois et les Polonais. Les Hongrois sont d’accord, mais ils pensent que, lorsque l’événement se produira, un délai de quarante-huit heures leur sera indispensable pour démêler l’attitude de la Yougoslavie. »

Le résultat de ces conversations avec les Hongrois fut une conférence d’État-Major tenue le 6 septembre.

Je cite encore, dans le journal de Jodl, les notes du 6 septembre, qui commencent au bas de cette même page :

« Le chef d’État-Major général, le général d’artillerie Halder, a conféré avec le chef de l’État-Major général hongrois, Fischer. Mais, auparavant, je lui avais exposé l’attitude politique du Führer et surtout l’ordre qu’il avait donné de ne fournir aucun renseignement quant à la date exacte. De même pour l’OQI, général von Stuelpnagel. » II est assez intéressant de voir un général de haut rang donnant des renseignements sur de tels sujets politiques.

Ensuite, nous en venons aux derniers préparatifs de l’attaque. La date limite du « Cas Vert » étant fixée au 1er octobre, le rythme des préparatifs militaires s’accentua notablement à la fin d’août et en septembre. Les préparatifs proprement dits de l’attaque de la Tchécoslovaquie étaient bien avancés. L’emploi du temps des conspirateurs nazis était consacré à des détails techniques, à la fixation du jour « X », à des questions de mobilisation, de transport et de ravitaillement.

Le 26 août, l’accusé Jodl parapha un mémorandum intitulé : « Fixation du jour d’exécution de l’ordre « X » et question des mesures à prendre à l’avance. » C’est l’article 17, pages 37 et 38 de la traduction en anglais du dossier Schmundt concernant le « Cas Vert », numéro PS-388 de notre documentation. J’aimerais attirer l’attention du Tribunal sur ce mémoire. Il prouve, sans aucun doute, la complicité de l’OKW et des accusés Keitel et Jodl quant à l’invention honteuse d’un incident qui eût fourni une excuse pour la guerre. Il met en lumière la fausseté, la barbarie et le caractère absolument criminel de l’attaque que l’Allemagne se préparait à déclencher. Je vous demande la permission de lire ce document en entier :

« Chef de la section L. Affaire de commandement. Écrit par un officier d’État-Major général. Absolument confidentiel. Notes de conférence. Berlin, 24 août 1938. À ne transmettre que par officier. Projet original. Fixation du jour d’exécution de l’ordre "X" et question des mesures à prendre à l’avance.

« La tentative de la Luftwaffe de prendre l’aviation ennemie par surprise sur les aérodromes du temps de paix, l’amène obligatoirement à s’opposer aux mesures prises en vue de l’exécution de l’ordre "X" et à demander que cet ordre lui-même soit donné suffisamment tard, au jour "X–1", afin d’empêcher que la mobilisation de l’Allemagne ne soit connue de la Tchécoslovaquie ce jour-là.

« Les efforts de l’Armée s’orientent dans la direction opposée. Ils tendent à laisser à l’OKW l’initiative de toutes les mesures à prendre en vue de l’avance entre "X–3" et "X–1", ce qui contribuerait à un fonctionnement rapide et sans heurts de la mobilisation. Dans cet esprit, l’OKH, lui aussi, demande que l’ordre "X" ne soit pas donné à l’Armée plus tard que 14 heures, le jour "X–1" ».

« A ce sujet, il faut dire ceci : l’opération "Verte" (Aktion Grün) sera déclenchée au moyen d’un "incident" en Tchécoslovaquie, lequel constituera pour l’Allemagne une provocation justifiant une intervention militaire. Fixer la date exacte de cet incident est de très grande importance – j’attire tout particulièrement votre attention sur cette phrase : Fixer la date exacte de cet incident est de très grande importance. – II doit arriver au moment où les conditions météorologiques seront favorables, pour permettre à notre aviation supérieure en nombre d’intervenir, et à un moment qui rendra possible une communication véridique de la nouvelle qui nous atteindra dans l’après-midi du jour "X–1". On peut répondre alors spontanément en donnant l’ordre "X" à 14 heures le jour "X–1". Le jour "X–2", la Marine, l’Armée de terre et l’Aviation recevront seulement un avertissement. Si le Führer a l’intention de suivre ce plan d’action, toute autre discussion est superflue. À partir de ce moment, aucune mesure préparatoire ne pourra être prise avant le jour "X–1", si on ne peut lui donner une explication innocente, sinon nous aurions l’air d’avoir provoqué l’incident. Les ordres d’exécuter les mesures absolument essentielles doivent être donnés en temps utile et celles-ci doivent être camouflées à grand renfort de manœuvres et d’exercices.

« De même, le ministère des Affaires étrangères a soulevé la question de savoir si tous les Allemands devaient être rappelés à temps des territoires qui allaient devenir ennemis ; ceci ne doit amener aucun sujet allemand à quitter ostensiblement la Tchécoslovaquie avant l’incident.

« Il est de même impossible de prévenir la représentation diplomatique à Prague avant la première attaque aérienne, bien que cela puisse avoir de très graves conséquences au cas où ses membres seraient victimes de cette attaque (par exemple : mort de représentants des puissances amies ou reconnues neutres).

« Si, pour des raisons techniques, les heures de la soirée devaient être considérées comme favorables à l’incident, le lendemain ne pourrait être le jour "X" ; mais seulement le surlendemain.

« De toute façon, nous devons agir selon le principe que rien ne doit être entrepris, avant l’incident, qui puisse faire croire à une mobilisation et que l’action la plus rapide possible doit être déclenchée après l’incident (Cas X).

« Ces notes soulignent le grand intérêt de la Wehrmacht dans cet incident, et montrent bien qu’elle doit être informée des intentions du Führer en temps voulu, dans la mesure où la section de contre-espionnage n’est pas chargée aussi d’organiser l’incident. Je demande que soit portée à ma connaissance la décision du Führer en ces matières. »
Signé : « J » (Jodl).

Au bas de la page, il y a des notes manuscrites de l’infatigable Schmundt, le lieutenant de Hitler. Elles démontrent que le mémoire a été soumis à Hitler le 30 août, que Hitler était d’accord pour suivre les lignes générales et que Jodl en fut informé le 31 août. Suivent les initiales de ce dernier. Le 3 septembre, Keitel et von Brauchitsch virent Hitler encore une fois au Berghof ; Schmundt a gardé aussi des notes sur cette conférence. Elles figurent aux pages 39 et 40 du document PS-388, sous l’article 18. Je vais lire les trois premiers paragraphes de ces notes ; ils sont brefs :

« Generaloberst von Brauchitsch. – Indication du moment exact où les troupes gagneront les "terrains de manœuvres" pour "Grün". Les unités de campagne seront transférées le 28 septembre. De là elles seront prêtes à entrer en action. Quand le jour "X" sera connu, ces unités feront leurs manoeuvres en direction opposée. »

« Führer. – Objecte : les troupes se rassembleront en unités de combat à deux jours de marche. Se livrer partout à des manœuvres fictives. »

Puis il y a un point d’interrogation.

« L’OKH doit connaître le jour "X" à 12 heures, le 27 septembre. »

Vous remarquerez que von Brauchitsch signalait que les troupes de campagne feraient mouvement pour le « Cas Vert », le 28 septembre, vers les régions désignées et seraient prêtes à entrer en action. Vous noterez aussi que l’OKH devait connaître avant le 27 septembre à midi, la date du jour « X ». Le Führer exprima ensuite sa façon de voir sur la stratégie que les Armées allemandes devaient adopter et sur la force de la défense tchèque qu’elles rencontreraient. Il parla de la possibilité « de replier les gens de Henlein ». La situation vers l’Ouest l’inquiétait toujours. Schmundt nota encore – et je cite maintenant la dernière phrase de la page 40 de la traduction anglaise :

« Le Führer donne des ordres tendant à développer les fortifications de l’Ouest, à améliorer des positions avancées dans le secteur d’Aix-la-Chapelle et de Sarrebrück (construction de 300 à 400 emplacements d’artillerie, pour 1.600 pièces d’artillerie). Il insiste sur les mouvements tournants. »

Cinq jours plus tard, le général Stuelpnagel demanda à l’accusé Jodl de lui donner par écrit l’assurance que l’OKH connaîtrait cinq jours à l’avance les actions qui devaient être entreprises. Le soir, Jodl eut une conférence avec les généraux de l’aviation au sujet de la coordination des opérations aériennes et terrestres au début de l’attaque. Maintenant, je lis un extrait du journal du général Jodl en date du 8 septembre, page 5 de la traduction anglaise du document PS-1780 :

« Le général Stuelpnagel, de l’OQI, demande que lui soit donnée par écrit l’assurance que le Haut Commandement sera informé cinq jours à l’avance si le plan doit être exécuté. Je suis d’accord, et j’ajoute que la situation météorologique ne peut être déterminée jusqu’à un certain point que deux jours à l’avance et que par conséquent, à ce moment-là, les plans pourraient être changés, c’est-à-dire le jour "J–2" – ou en allemand "X minus zwei Tage".

« Le général Stuelpnagel indique qu’il se demande pour la première fois si l’on ne doit pas abandonner les bases précédentes des opérations. Ce plan présupposait que les puissances de l’Ouest n’interviendraient pas. Il semble de plus en plus que le Führer maintiendra sa décision bien qu’il ne puisse demeurer plus longtemps de cet avis. Il faut ajouter que la Hongrie n’est pas sûre et que… l’Italie est sur la réserve. »

Maintenant, c’est Jodl qui parle :

« Je dois admettre que je suis inquiet également quand je compare le changement d’opinion concernant les probabilités politiques et militaires, entre les instructions des 24 juin 1937, 5 novembre 1937, 7 décembre 1937, 30 mai 1938, et ces dernières déclarations. En dépit de cela, il ne faut pas oublier que les autres nations feront tout ce qu’elles pourront pour faire pression sur nous. Nous devons soumettre nos nerfs à cette épreuve. Mais, étant donné que peu de personnes ont la force de résister victorieusement à une pression de ce genre, la seule solution possible est d’informer seulement un très petit cercle d’officiers des nouvelles qui pourraient nous causer de l’anxiété, et de ne pas les laisser circuler dans les antichambres comme précédemment.

« De 18 heures à 21 heures, conférence avec le chef du Haut Commandement de l’Armée et le chef de l’État-Major général de l’Aviation. (Étaient présents : Jeschonnek, Kammhuber, Sternburg et moi-même.) Nous sommes d’accord quant à la promulgation du jour "X", "X Befehl", (X–1, 4 heures) et à l’annonce préalable aux Forces aériennes, jour "X–1" ("X–1" Tag, 7 heures). L’heure "Y" doit encore être examinée. Quelques formations sont à une heure de vol. »

Plus tard, le soir du jour suivant, le 9 septembre, Hitler rencontra à Nuremberg l’accusé Keitel, les généraux von Brauchitsch et Halder. Le docteur Todt, spécialiste des constructions, se joignit ensuite à cette conférence qui dura de 10 heures du soir jusqu’à 3 heures et demie du matin. Les notes de Schmundt concernant cette conférence constituent l’article 19 du grand dossier Schmundt, pages 41 à 43 du document PS-388.

Au cours de cette réunion, le général Halder récapitula les missions assignées à quatre des Armées allemandes qui devaient participer à l’attaque : les deuxième, dixième, douzième et quatorzième Armées allemandes. Avec son enthousiasme caractéristique pour plans militaires, Hitler tint un discours sur les considérations stratégiques dont il faudrait tenir compte au cours de l’attaque. Je citerai seulement quatre paragraphes commençant par le résumé des remarques du général von Brauchitsch, au bas de la page 42 :

« Generaloberst von Brauchitsch. – L’emploi de divisions motorisées était basé sur la situation ferroviaire médiocre en Autriche et sur la difficulté de disposer d’autres divs – ceci pour divisions – prêtes à entrer en action dans ce secteur au moment voulu. À l’Ouest, des véhicules devront partir le 20 septembre si le jour "X" reste le même. Les ouvriers partiront le 23, en se relayant. Les spécialistes resteront, suivant décision du Commandement de la 2e Région militaire.

« Le Führer ne voit pas pourquoi les ouvriers doivent rentrer chez eux dès le jour "X–2". D’autres ouvriers et d’autres personnes seront aussi en route le jour de la mobilisation. Le matériel roulant également ; il serait inutile, qu’il demeure sur place plus longtemps.

« Général Keitel. – À l’Ouest, les ouvriers ne tombent pas sous la juridiction des chefs de district. Le matériel roulant doit être rassemblé.

« Von Brauchitsch. – On fera appel à 235.000 hommes du RAD (Service du travail), on déploiera 96 bataillons de pionniers (également à l’Est), 40.000 ouvriers bien entraînés resteront à l’Ouest. »

À partir de cette date, les conspirateurs nazis s’occupèrent des plans compliqués que nécessite une telle attaque. Le 11 septembre, l’accusé Jodl eut une conversation avec un représentant du ministère de la Propagande, ayant pour objet les méthodes à employer pour nier les violations allemandes du Droit international et exploiter celles des Tchécoslovaques. Je lis le texte du 11 septembre dans le journal de Jodl, page 5 de la traduction anglaise, document PS-1780 :

« Au cours de l’après-midi, conférence avec le secrétaire d’État Hahnke, du ministère de l’Éducation populaire et de la Propagande, ayant pour objet les tâches communes imminentes. Ces efforts communs en vue d’une réfutation (Widerlegung) de nos propres violations du Droit international, et l’exploitation par l’ennemi de ces violations, nous ont semblé d’une importance particulière. »

Cette discussion donna lieu à une étude détaillée faite par les soins de la section L, c’est-à-dire la section de Jodl à l’OKW. Je dépose maintenant le document C-2 (USA-90), copie au carbone de l’original, signée au crayon. Sept exemplaires de ce document saisi, selon la mention initiale qu’il porte, furent établis et distribués le 1er octobre 1938 à l’OKH, l’OKW, la Luftwaffe et le ministère des Affaires étrangères.

Dans cette étude sont prévues les violations des lois internationales que l’Allemagne s’apprêtait à commettre à l’occasion de l’invasion de la Tchécoslovaquie, et leur réfutation à l’usage des agences de propagande. C’est un document très secret du plus haut intérêt et, en jetant un regard sur l’original, vous pouvez vous rendre compte de la façon soigneuse dont était faite l’étude des futures violations du Droit international et de leur réfutation par la propagande.

Le document est préparé sous forme de tableau ; la colonne de gauche indique les circonstances futures de la violation du Droit international ; dans la deuxième colonne sont donnés des exemples typiques d’incidents ; dans les troisième et quatrième colonnes est exposée l’attitude à adopter à l’égard de ces incidents en violation du Droit international et des lois de la guerre.

La cinquième colonne qui malheureusement est vierge dans ce document était réservée aux explications que devait fournir le ministre de la Propagande. Je cite d’abord un passage de la lettre d’introduction :

« Ci-joint une liste, établie par la section L de l’OKW, des violations du Droit international auxquelles on peut s’attendre de la part des troupes combattantes. Vu le peu de temps que nous avons eu pour établir ce travail, les colonnes c1 et c2 ont dû être remplies provisoirement. Les différents services de l’Armée sont priés de nous envoyer leur opinion à ce sujet, de façon que nous puissions établir une version définitive. Nous demandons la même chose au ministère des Affaires étrangères. Le chef du Commandement suprême des Forces armées. Par ordre, signé : Bürckner. »

Je regrette, je n’aurai sans doute pas le temps de lire ce document in extenso. Je me contenterai de lire les dix hypothèses d’incidents dont la justification figure dans la deuxième colonne du tableau, colonne b :

« 1. Au cours d’un raid aérien sur Prague, l’Ambassade britannique est détruite.

2. Des Anglais ou des Français sont blessés ou tués.

3. Le Hradschin est détruit au cours d’un raid aérien sur Prague.

4. Sur la foi d’un rapport suivant lequel les Tchèques ont fait usage de gaz toxiques, ordre est donné d’envoyer des projectiles à gaz.

5. Des civils tchèques ne pouvant être tenus pour des soldats, sont pris en flagrant délit de sabotage (destruction d’un pont important, destruction de denrées alimentaires et de fourrage), sont trouvés pillant des soldats morts ou blessés, et sont abattus.

6. Des soldats ou des civils tchèques capturés font des corvées sur les routes ou chargent des munitions, etc.

7. Pour des raisons militaires, on a besoin de réquisitionner à la population tchèque des logements, des denrées alimentaires ou du fourrage. La population, par conséquent, est dans le besoin.

8. La population tchèque est, pour des raisons militaires, évacuée de force vers l’arrière.

9. Les églises servent à des fins militaires.

10. En accomplissant leur mission, des avions allemands survolant le territoire polonais se trouvent pris dans un combat aérien avec l’aviation tchèque. »

De Nuremberg, le 10 septembre, Hitler donna un ordre subordonnant le Reichsarbeitsdienst (le Service du travail allemand) à l’OKW. C’est un ordre absolument confidentiel…

LE PRÉSIDENT

Abandonnez-vous maintenant ce document ?

M. ALDERMAN

Oui.

LE PRÉSIDENT

Voudriez-vous lire la rubrique concernant les gaz ?

M. ALDERMAN

Peut-être devrais-je le faire, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

C’est le n° 4.

M. ALDERMAN

L’incident n° 4 ?

LE PRÉSIDENT

Oui.

M. ALDERMAN

Le n° 4 était l’incident hypothétique suivant : « Sur la foi d’un rapport suivant lequel les Tchèques ont fait usage de gaz toxiques, ordre est donné d’envoyer des projectiles à gaz. » Dans la colonne « Attitude de l’Association pour le Droit international », il est dit :

« D’après les déclarations de juin 1925 faites par quarante nations, parmi lesquelles la Tchécoslovaquie, l’emploi de gaz toxiques, d’armes chimiques et de substances bactériologiques est expressément interdit. Plusieurs pays firent des réserves à cette déclaration prohibant les gaz. »

Puis sous la colonne « Justification par les lois de la guerre » on lit :

« Si l’affirmation selon laquelle l’ennemi – dans ce cas les Tchèques – a fait usage de gaz prohibés par les lois de la guerre doit être crue du monde entier, il doit être possible d’en faire la preuve. Si cette preuve est possible, l’envoi de projectiles à gaz est justifié et il faut faire savoir officiellement qu’il est possible d’établir que l’ennemi a été le premier à violer la prohibition. Il est donc particulièrement important de fournir la preuve. Si l’affirmation n’est pas fondée ou fondée en partie seulement, l’attaque par les gaz doit être présentée seulement comme le désir d’exercer de justes représailles, comme les Italiens l’ont fait au cours de la guerre d’Abyssinie. Dans ce cas, toutefois, on doit prouver que des représailles aussi dures sont justifiées. »

De Nuremberg, le 10 septembre, Hitler envoya un ordre mettant le Reichsarbeitsdienst (le Service du travail allemand) sous le contrôle de l’OKW…

LE PRÉSIDENT

Il y a un autre passage bref qui semble important.

M. ALDERMAN

J’étais très tenté de lire le document tout entier.

LE PRÉSIDENT

Le prétexte n° 10.

M. ALDERMAN

Le n° 10 était : « En accomplissant leur mission, des avions allemands survolant le territoire polonais se trouvent pris dans un combat aérien avec l’aviation tchèque. »

Sous l’en-tête : « Attitude de la Société pour le Droit international » :

« D’après l’article premier de la cinquième Convention de La Haye du 18 octobre 1907, on ne doit pas violer les territoires neutres. Une violation délibérée par survol de ces territoires est une infraction au Droit des gens si les puissances neutres ont établi une barrière aérienne pour les combats d’aviation. Si les avions allemands survolent le territoire polonais, ce fait constitue une violation du Droit international, du moment qu’une permission expresse n’a pas été donnée à ce sujet. »

Maintenant, sous l’en-tête « Justification par les lois de la guerre », on trouve :

« II faut d’abord essayer de donner un démenti ; si cela demeure sans succès, il faudrait faire des excuses (en se basant sur un mauvais calcul de la position) au Gouvernement polonais avec une garantie de compensation pour les dommages causés. »

Je parlais d’un ordre donné par Hitler le 10 septembre 1938 à Nuremberg, subordonnant le Service du travail allemand à l’OKW. Cet ordre très secret, dont 25 exemplaires furent établis, est l’article 20 du dossier Schmundt, page 44. Je vais lire cet ordre :

« 1. Toute l’organisation du RAD est mise à la disposition et dépend du Commandement suprême de l’Armée à dater du 15 septembre.

« 2. Le Chef de l’OKW décide de l’emploi de cette organisation, concurremment avec le chef du Travail allemand (Reichsarbeitsführer), se référant de temps en temps aux commandants suprêmes de la Marine, de l’Armée de terre et de l’Aviation. Pour ce qui est des questions se rapportant à la compétence, une décision finale sera prise d’après mes instructions.

« 3. Pour l’instant, cet ordre ne sera diffusé qu’aux services et au personnel directement intéressés.

« Signé : Adolf Hitler. »

Quatre jours plus tard, le 14 septembre, l’accusé Keitel donnait des instructions détaillées pour l’utilisation de certaines unités du RAD. C’est l’article 21 du dossier Schmundt, page 45 de la traduction anglaise. Je ne crois pas avoir besoin de lire ce texte.

Il y a d’autres instructions données par l’accusé Jodl le 16 septembre, article 24, page 48 du dossier Schmundt. Je pense avoir seulement besoin de lire le titre : « Objet : Utilisation du Service du Travail du Reich pour effectuer des manœuvres avec la Wehrmacht.

« A dater du 15 septembre, les unités suivantes seront entraînées militairement sous la direction du Commandant en chef de l’Armée. »

Dans le journal de l’accusé Jodl, deux autres passages donnent des indications sur le problème de l’OKW pour cette période de la mi-septembre, juste deux semaines avant le jour « J » prévu.

Je lis maintenant les passages répondant aux 15 et 16 septembre, pages 5 et 6 de la traduction anglaise du journal de Jodl :

« Le 15 septembre, dans la conférence du matin avec le chef du Haut Commandement de l’Armée, et le chef de l’État-Major général de l’Armée de terre et de l’Aviation, on a discuté le point de savoir ce que l’on pourrait faire si le Führer insistait pour que cette date soit avancée à cause du développement rapide de la situation.

« Le 16 septembre. – Le général Keitel est revenu à 17 heures du Berghof. Il nous a donné une description concrète des résultats de la conférence tenue entre Chamberlain et le Führer. La prochaine conférence aura lieu à Godesberg, le 20 ou le 21.

« Avec le consentement du Führer, l’ordre est donné dans la soirée par l’OKW au Haut Commandement de l’Armée de terre et au ministère des Finances de placer sur la frontière tchécoslovaque le v.G.a.D. » (Je crois qu’il s’agit d’une garde de frontière renforcée.)

De la même façon, un ordre fut donné aux chemins de fer de tenir prêt clandestinement tout le matériel vide disponible pour la concentration stratégique de l’Armée, afin que le transport de l’Armée puisse être commencé le 28 septembre.

L’ordre concernant le matériel roulant disponible, auquel le général Jodl fait allusion, figure à l’article 22, page 47, du dossier Schmundt. Dans cet ordre, l’accusé Keitel donnait aux chemins de fer l’ordre d’être prêts le 28 septembre, mais de continuer à travailler aux fortifications du front de l’Ouest, même après le 20 septembre, dans un but de camouflage. Je cite les quatre premiers paragraphes de cet ordre :

« La Reichsbahn allemande (c’est-à-dire les chemins de fer) doit nous fournir en grand nombre des trains de wagons vides le 28 septembre, pour des exercices de mobilisation. Cette consigne doit avoir priorité sur toutes les autres.

« En conséquence, les chargements destinés aux travaux de bétonnage – j’entends les travaux de bétonnage se rapportant aux fortifications de défense dans l’Ouest – devront être réduits après le 17 septembre et les matériaux chargés avant cette date doivent être déchargés au 20 septembre.

« Le Haut Commandement de l’Armée (5e division de l’État-Major général) devra donc donner de nouveaux ordres après avoir consulté les autorités en question.

« Néanmoins, d’après les instructions du Führer, tout effort doit être fait pour continuer à fournir les matériaux en aussi grande quantité que possible, même après le 20 septembre 1938, ceci pour des raisons de camouflage aussi bien que pour continuer les travaux très importants sur les lignes de défense. »

L’avant-dernière phase de l’agression commence le 18 septembre. Depuis cette date jusqu’au 28, beaucoup d’ordres furent donnés pour hâter les préparatifs d’attaque. Ces ordres figurent dans le dossier Schmundt, et je n’abuserai pas du temps du Tribunal en entreprenant de les lire tous.

Le 18 septembre fut envisagé l’engagement prévu des cinq Armées participantes : la seconde, la huitième, la dixième, la douzième et la quatorzième (article 26 du dossier Schmundt, page 50 de la traduction anglaise). Hitler approuva la mobilisation secrète de cinq divisions à l’Ouest pour protéger les arrières allemands au cours du « Cas Vert » ; je renvoie à l’article 31, page 13, dossier Schmundt. Excusez-moi, c’est à la page 55, j’ai une faute d’impression. Je voudrais m’y référer. Cet ordre était « Absolument confidentiel », Berlin, le 27 septembre 1938, 19 h. 20, 45 exemplaires ; celui-ci est le seizième.

« Le Führer a approuvé la mobilisation, sans avertissement, des cinq divisions régulières de l’Ouest (26e, 34e, 36e, 32e et 35e). Le Führer et Chef suprême des Forces armées s’est réservé expressément le droit de donner les ordres d’emploi dans la zone fortifiée et d’évacuation de cette zone par les travailleurs de l’organisation Todt.

« Il est laissé à l’OKH la tâche… de rassembler dans la mesure du possible, d’abord les éléments qui doivent monter en ligne, et ensuite les autres éléments des divisions, dans les zones de manœuvre situées derrière les fortifications de l’Ouest.

« Signé : Jodl. »

LE PRÉSIDENT

Je pense qu’il serait bon de suspendre l’audience. Nous nous réunirons à nouveau à 14 heures.

(L’audience est suspendue jusqu’à 14 heures.)