TREIZIÈME JOURNÉE.
Mercredi 5 décembre 1945.

Audience de l’après-midi.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

À la fin de la dernière audience, j’en étais arrivé au cinquième traité, le Traité de Paix de Versailles du 28 juin 1919 signé par les Puissances alliées et associées et par l’Allemagne. Je demande à nouveau au Tribunal d’accorder valeur probatoire à ce traité et à cette fin je dépose le document GB-3 qui en est une copie et groupe les documents britanniques TC-5 à TC-10 inclus. Il se rattache au paragraphe V de l’appendice C.

Avant de traiter des passages qui nous intéressent, je voudrais résumer brièvement les stipulations de ce traité.

La partie 1 contient le Pacte de la Société des Nations, et la partie II établit les frontières de l’Allemagne en Europe. Ces frontières sont déterminées en détail mais cette partie II ne prévoit pas de clauses les garantissant.

La partie III, dont les articles 31 à 117 intéressent le Tribunal, contient les clauses politiques relatives à l’Europe. L’Allemagne y garantit certaines frontières territoriales à la Belgique, au Luxembourg, à l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la France, la Pologne, Memel, Dantzig, etc.

Il serait peut-être intéressant pour le Tribunal de remarquer ici les liens étroits qui unissent ce traité au suivant, qui est le Traité sur le rétablissement des relations amicales entre les États-Unis et l’Allemagne.

Les parties I, II et III du Traité de Versailles ne sont pas comprises dans le traité avec les États-Unis. Les parties IV, V, VI, VIII, IX, X, XI, XII, XIV et XV sont, dans le traité avec les États-Unis, la reproduction littérale du Traité de Versailles.

La partie V, clauses militaires, navales et aériennes intéresse le Tribunal. Les parties VII et XIII ne sont pas incluses dans le traité avec les États-Unis.

Je ne pense pas qu’il soit utile d’analyser ces parties, mais si le Tribunal désire quelques précisions sur l’une d’elles, je serai très heureux de les lui fournir.

La première partie qui intéresse le Tribunal figure dans le document britannique TC-5 et constitue les articles 42 à 44. Ils ont trait à la Rhénanie. Ils sont très courts, et comme ils sont repris dans le Traité de Locarno, peut-être ferais-je bien de les relire afin que le Tribunal les ait présents à la mémoire.

« Article 42. – II est interdit à l’Allemagne de maintenir ou de construire des fortifications, soit sur la rive gauche du Rhin, soit sur la rive droite, à l’ouest d’une ligne tracée à 50 kilomètres à l’est de ce fleuve.

« Article 43. – Sont également interdits, dans la zone définie à l’article 42, l’entretien ou le rassemblement de forces armées, soit à titre permanent, soit à titre temporaire, aussi bien que toutes manœuvres militaires de quelque nature qu’elles soient et le maintien de toutes facilités matérielles de mobilisation.

« Article 44. – Au cas où l’Allemagne contreviendrait de quelque manière que ce soit, aux dispositions des articles 42 et 43, elle serait considérée comme commettant un acte hostile vis-à-vis des Puissances signataires du présent traité et comme cherchant à troubler la paix du monde. »

Je n’ai pas l’intention de le déposer comme preuve, mais j’attire simplement l’attention du Tribunal sur un document auquel il pourra accorder valeur probatoire et qui a été officiellement publié par l’État allemand : c’est le mémorandum du 7 mars 1936, relatant comment s’effectua la violation. Les questions qui s’y rapportent ont déjà été exposées par mon ami, M. Alderman, et je n’ai pas l’intention de revenir sur ce sujet.

La partie suivante du traité se trouve dans le document britannique TC-6, relatif à l’Autriche :

« Article 80. – L’Allemagne reconnaît et respectera strictement l’indépendance de l’Autriche, dans les frontières qui seront fixées par traité passé entre cet État et les principales Puissances alliées et associées ; elle reconnaît que cette indépendance sera inaliénable, si ce n’est du consentement du Conseil de la Société des Nations. »

Encore dans le même ordre d’idées, la proclamation de Hitler relative à l’Autriche dont M. Alderman s’est occupé quant au fond, porte le numéro TC-47. Je n’ai pas l’intention de la lire, car le Tribunal peut accorder valeur probatoire à cette proclamation publique.

Le document TC-8, lui, traite de Memel.

« L’Allemagne renonce en faveur des principales Puissances alliées et associées, à tous droits et titres sur les territoires compris entre la mer Baltique, la frontière nord-est de la Prusse Orientale décrite à l’article 28 de la partie II (Frontières d’Allemagne) du présent traité et les anciennes frontières entre l’Allemagne et la Russie.

« L’Allemagne s’engage à reconnaître les dispositions que les principales Puissances alliées et associées prendront relativement à ces territoires, notamment en ce qui concerne la nationalité des habitants. »

Je ne pense pas que le Tribunal ait eu connaissance du document officiel relatif à l’incorporation de Memel auquel il peut aussi accorder valeur probatoire et j’en dépose, pour plus de commodité, une copie sous le numéro GB-4. C’est le document britannique TC-53 A, qui se trouve dans notre livre de documents. Il est très court, aussi le Tribunal acceptera-t-il que je le lise.

« Le Commissaire chargé du transfert du territoire de Memel, le Gauleiter et Oberpräsident Erich Koch, proclama le 3 avril, au cours d’une conférence à Memel, le rattachement définitif du territoire de Memel, au Gau national-socialiste de Prusse Orientale et à l’administration d’État de Prusse Orientale, Regierungsbezirk de Gumbinnen… »

Nous en arrivons maintenant au document TC-9 qui est l’article relatif à Dantzig, article 100. Je n’en lirai que la première phrase car le reste ne concerne que les frontières géographiques.

« L’Allemagne renonce, en faveur des principales Puissances alliées et associées à tous droits et titres sur le territoire compris dans les limites ci-après… » Et les limites sont fixées et portées sur une carte d’Allemagne jointe au texte du traité.

Le colonel Griffith-Jones qui s’occupera de cette partie de l’Accusation établira formellement la validité des documents qui relatent l’occupation de Dantzig. Aussi n’importunerai-je pas maintenant le Tribunal avec cette question.

Je prie le Tribunal de se référer au document britannique TC-7, c’est-à-dire à l’article 81, relatif à l’État tchécoslovaque :

« L’Allemagne reconnaît, comme l’ont déjà fait les Puissances alliées et associées, la complète indépendance de l’État tchécoslovaque, qui comprendra le territoire autonome des Ruthènes au sud des Carpathes. Elle déclare reconnaître les frontières de cet État telles qu’elles seront déterminées par les principales Puissances alliées et associées et les autres États intéressés. »

M. Alderman a déjà traité la question ce matin et a déjà présenté un document relatant en détail la conférence entre Hitler, le Président Hacha et le ministre des Affaires étrangères Chvalkowsky, conférence à laquelle assistaient les accusés Göring et Keitel. C’est pourquoi je ne présenterai pas la traduction anglaise du procès-verbal du ministère des Affaires étrangères qui a été saisi et qui forme le document TC-48, mais je présente officiellement, comme M. Alderman me l’a demandé ce matin, sous le nº GB-6 le document TC-49, qui est l’accord qu’ont signé Hitler et l’accusé Ribbentrop pour l’Allemagne et le Dr Hacha et le Dr Chvalkowsky pour la Tchécoslovaquie. C’est un accord auquel le Tribunal accordera valeur probatoire. Je m’excuse, je ne me souviens pas très bien si M. Alderman a lu ce matin ce document TC-49, mais il l’a certainement cité.

LE PRÉSIDENT

II ne l’a pas lu.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je pourrais alors le lire.

« Accord conclu entre le Führer et Chancelier du Reich, Adolf Hitler et le Président de l’État tchécoslovaque, Docteur Hacha…

« Le Führer Chancelier du Reich a reçu aujourd’hui, à Berlin, sur leur demande, le Président de l’État tchécoslovaque, Docteur Hacha et le ministre des Affaires étrangères tchécoslovaque, Docteur Chvalkowsky, en présence de M. von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich. À cette réunion, la situation sérieuse créée dans le territoire précédemment tchécoslovaque par les événements des dernières semaines, fut soumise à un examen large et complet. Le désir unanimement exprimé de part et d’autre, a été que tous ces efforts doivent tendre à assurer le calme, l’ordre et la paix dans cette partie de l’Europe centrale. Le Président de l’État tchécoslovaque déclara que, afin d’atteindre ce but et un apaisement définitif, il remettait avec confiance entre les mains du Führer du Reich allemand, le sort du peuple et du pays tchèque. Le Führer accepta cette déclaration et exprima sa décision d’assurer au peuple tchèque, sous la protection du Reich allemand, le développement autonome de sa vie nationale, en tenant compte de ses caractéristiques particulières. En foi de quoi, ce document est signé en double exemplaire. »

Suivent les signatures ci-dessus mentionnées.

Le Tribunal comprendra que ce n’est pas mon rôle de faire des commentaires ; ils ont été faits par M. Alderman. Je ne dépose pas tous les documents que je lis pour appuyer mes arguments, ils sont déposés uniquement comme partie intégrante de l’Accusation.

Le document suivant, que je dépose sous le nº GB-7, est le document britannique TC-50. C’est la proclamation de Hitler au peuple allemand du 15 mars 1939. Une fois de plus, je ne pense pas que M. Alderman ait lu ce document.

LE PRÉSIDENT

Non, il ne l’a pas lu.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Alors, je vais le lire :

« Proclamation du Führer au peuple allemand, 15 mars 1939.

« Au peuple allemand :

« Il y a quelques mois seulement, l’Allemagne a été forcée de protéger ses nationaux qui vivaient dans des colonies bien délimitées, contre l’insupportable régime de terreur régnant en Tchécoslovaquie. Durant les dernières semaines, les mêmes faits se sont reproduits sur une échelle de plus en plus large. Ces événements, dans une région habitée par des citoyens de nationalités tellement diverses, ont abouti à un état de choses intolérable.

« Pour résister aux attaques renouvelées contre leur liberté et leur vie, ces groupes nationaux ont maintenant rompu avec le Gouvernement de Prague. La Tchécoslovaquie a cessé d’exister.

« Depuis dimanche, en plusieurs endroits, de sauvages excès ont été commis ; parmi les victimes se trouvent encore de nombreux Allemands. D’heure en heure, s’accroît le nombre des personnes opprimées et persécutées qui appellent à l’aide. Venant de ces régions, où le nombre des habitants de langue allemande est considérable, et que l’automne dernier la générosité allemande a permis à la Tchécoslovaquie de conserver, des réfugiés dépouillés de leurs biens personnels refluent vers le Reich.

« La prolongation d’un tel état de choses amènerait la destruction de tout vestige d’ordre dans une région où l’Allemagne a des intérêts vitaux, en particulier du fait qu’il y a plus de mille ans cette région faisait partie du Reich allemand.

« Afin d’éloigner de façon définitive cette menace contre la paix et de créer les conditions d’un ordre nouveau nécessaire dans cet espace vital, je me suis résolu aujourd’hui à permettre aux troupes allemandes de pénétrer en Bohême et en Moravie. Elles désarmeront les bandes terroristes et les forces tchécoslovaques qui les soutiennent, elles protégeront les vies de tous ceux qui sont menacés. De cette façon, elles poseront les bases qui permettront une remise en ordre totale de la situation qui sera en accord avec l’histoire d’un passé millénaire et satisfera les besoins économiques des Allemands et des Tchèques. Signé : Adolf Hitler, Berlin, le 15 mars 1939. »

Au bas de la page, se trouve une note qui est constituée par un ordre du Führer aux Forces armées allemandes, datée du même jour, leur demandant en substance d’aller de l’avant pour sauvegarder les vies et les biens de tous les habitants, et de ne pas se conduire en ennemis, mais comme un instrument d’exécution des décisions du Gouvernement du Reich allemand.

Je dépose, sous le numéro GB-8, le décret établissant le Protectorat, document TC-51.

Je crois, étant donné qu’il s’agit de décrets publics que le Tribunal peut les admettre de plein droit, M. Alderman en ayant exposé à fond le contenu ; avec la permission du Tribunal je ne les lirai pas entièrement.

Maintenant, sur la demande de M. Alderman, je dépose, sous le nº GB-9, le document TC-52 qui est la protestation britannique. Je voudrais la lire au Tribunal, elle fut transmise par Lord Halifax à notre Ambassadeur à Berlin, Sir Nevile Henderson.

« Foreign Office, le 17 mars 1939.

« Je vous prie d’informer le Gouvernement allemand que le Gouvernement de Sa Majesté désire lui exprimer clairement qu’il ne peut considérer les événements des derniers jours que comme une répudiation totale de l’Accord de Munich et un reniement de l’esprit dans lequel les négociateurs de cet Accord se sont unis pour coopérer à un règlement pacifique.

« Le Gouvernement de Sa Majesté tient aussi en cette occasion à protester contre les changements apportés en Tchécoslovaquie par l’action militaire allemande ; ces changements, à son avis, sont dépourvus de toute base légale. »

À la demande aussi de M. Alderman, je dépose, sous le nº GB-10, le document TC-53, qui est la protestation française de même date. Je voudrais en lire le paragraphe 3 :

« L’ambassadeur de France a l’honneur d’informer le ministre des Affaires étrangères du Reich de la protestation formelle faite par le Gouvernement de la République Française contre les mesures rapportées par la communication du comte de Welczeck.

« Le Gouvernement de la République Française considère que l’action dirigée par le Gouvernement allemand contre la Tchécoslovaquie est en fait une violation flagrante de la lettre et de l’esprit de l’Accord signé à Munich le 29 septembre 1938.

« Les circonstances dans lesquelles l’Accord du 15 mars a été imposé aux chefs de la République Tchécoslovaque ne donnent, aux yeux du Gouvernement de la République, aucun caractère légal à la situation reconnue dans cet Accord.

« L’ambassadeur de France a l’honneur d’informer Son Excellence, le ministre des Affaires étrangères du Reich, que le Gouvernement de la République ne peut reconnaître dans ces conditions la légalité de la situation nouvelle créée en Tchécoslovaquie par l’action du Reich allemand. »

J’en arrive maintenant à la cinquième partie du Traité de Versailles, dont les passages significatifs se trouvent dans le document britannique TC-10. Une vive controverse ayant lieu à ce sujet, je dois en citer les phrases d’introduction.

« PARTIE V. – Clauses militaires, navales et aériennes.

« En vue de rendre possible la préparation d’une limitation générale des armements de toutes les nations, l’Allemagne s’engage à observer strictement les clauses militaires, navales et aériennes ci-après stipulées :

« Section I. – Clauses militaires. – Chapitre 1er. – Effectifs et encadrement de l’Armée allemande.

« Article 159. – Les Forces militaires allemandes seront démobilisées et réduites dans les conditions fixées ci-après :

« Article 160. – 1º À dater du 31 mars 1920 au plus tard, l’Armée allemande ne devra pas comprendre plus de sept divisions d’infanterie et trois divisions de cavalerie.

« Dès ce moment, la totalité des effectifs de l’Armée des États qui constituent l’Allemagne ne devra pas dépasser cent mille hommes, officiers et dépôts compris, et sera exclusivement destinée au maintien de l’ordre sur le territoire et à la police des frontières.

« L’effectif total des officiers, y compris le personnel des états-majors, quelle qu’en soit la composition, ne devra pas dépasser quatre mille.

« 2º Les divisions et les états-majors de corps d’armée seront composés en conformité du tableau nº I annexé à la présente section.

« Le nombre et les effectifs des unités d’infanterie, d’artillerie, du génie, des services et troupes techniques prévus dans ledit tableau constituent des maxima qui ne devront pas être dépassés. »

Puis suit une énumération des unités qui peuvent avoir leurs propres dépôts et des divisions avec leurs commandants de corps. Les deux clauses suivantes ont une certaine importance :

« Le maintien ou la constitution de forces différemment groupées ou d’autres organes de commandement ou de préparation à la guerre sont interdits.

« Le Grand État-Major allemand et toutes autres formations similaires seront dissous et ne pourront être reconstitués sous aucune forme. »

Je n’ai pas besoin d’importuner le Tribunal avec l’article 161, qui traite des services administratifs.

L’article 163 fixe les étapes par lesquelles cette réduction s’effectuera.

Nous en arrivons au chapitre 2 qui traite de l’armement. Il décide que, jusqu’au moment où l’Allemagne sera admise comme membre de la Société des Nations, ses armements ne devront pas dépasser le total établi au tableau nº II.

Le Tribunal voudra bien remarquer la deuxième partie : l’Allemagne consent à ce que, après son admission au sein de la Société des Nations, le chiffre des armements fixé dans ledit tableau reste en vigueur jusqu’à ce qu’il soit modifié par le Conseil de la Société des Nations. D’autre part, elle consent à observer strictement les décisions du Conseil de la Société des Nations à cet égard.

L’article 165 est relatif aux fusils, mitrailleuses, etc. L’article 167 traite du dénombrement des fusils et l’article 168, dans sa première partie, dit :

« La fabrication des armes, des munitions et du matériel de guerre quel qu’il soit ne pourra être effectuée que dans les usines ou fabriques dont l’emplacement sera porté à la connaissance et soumis à l’approbation des Gouvernements des principales Puissances alliées et associées et dont ceux-ci se réservent de restreindre le nombre. »

L’article 169 concerne la reddition du matériel.

L’article 170 interdit l’importation.

L’article 171 interdit la fabrication de gaz de guerre et l’article 172 s’applique aux futures découvertes. L’article 173, sous l’en-tête : « Recrutement et instruction militaire », traite d’une prescription dont la violation est de grande importance.

« Tout service militaire universel obligatoire sera aboli en Allemagne.

« L’armée allemande ne pourra être constituée et recrutée que par voie d’engagements volontaires. »

Les articles suivants fixent le système de recrutement dans le but d’empêcher qu’un grand nombre d’hommes enrôlés pour une brève période se succèdent dans l’Armée à une cadence accélérée.

Je crois qu’il suffit d’attirer l’attention du Tribunal sur la minutie avec laquelle ces questions sont traitées à fond dans les articles 174 à 179.

Puis, nous passons au document TC-10, article 180, qui fixe l’interdiction de travaux de fortification au-delà d’une certaine ligne et en Rhénanie. En voici la première phrase :

« Tous les ouvrages fortifiés, forteresses et places fortes terrestres qui seront situés en territoire allemand à l’ouest d’une ligne tracée à 50 kilomètres à l’est du Rhin seront désarmés et démantelés. »

Je n’importunerai pas le Tribunal avec les tableaux qui en donnent la nomenclature. Nous en arrivons aux clauses navales. Si le Tribunal veut bien passer quatre pages, nous voici à l’article 181. Je ne le lirai que pour montrer de quelle manière sont imposées les limitations navales et ne citerai les autres que brièvement.

L’article 181 dit :

« Après l’expiration d’un délai de deux mois à dater de la mise en vigueur du présent traité, les forces de la flotte allemande de guerre ne devront pas dépasser en bâtiments armés :

« 6 cuirassés du type “Deutschland” ou “Lothringen” ;

« 6 croiseurs légers ;

« 12 destroyers ;

« 12 torpilleurs ;

« ou un nombre égal de navires de remplacement construits comme il est dit à l’article 190.

« Elles ne devront comprendre aucun bâtiment sous-marin.

« Tous autres bâtiments de guerre devront, à moins de clause contraire du présent traité, être placés en réserve ou recevoir une affectation commerciale. »

L’article 182 ne s’occupe que des dragueurs de mines nécessaires au déminage. L’article 183 limite le personnel à quinze mille hommes, y compris les officiers et les hommes de tous grades et de tous corps ; l’article 184 traite des bâtiments de surface se trouvant hors des ports allemands, et les clauses suivantes règlent divers détails. Je passe immédiatement à l’article 191 qui stipule :

« La construction et l’acquisition de tous bâtiments sous-marins, même de commerce, seront interdites en Allemagne. »

L’article 194 impose le service dans la Marine également par engagement volontaire de longue durée et les articles 196 et 197 s’occupent des fortifications côtières et des stations de radio.

S’il plaît au Tribunal, nous passerons à l’article 198, première des clauses aériennes. La phrase essentielle est la première : « Les Forces militaires de l’Allemagne ne devront comporter aucune Aviation militaire ni navale. »

II n’est pas nécessaire d’importuner le Tribunal avec les dispositions détaillées qui figurent dans les quatre clauses suivantes, qui en découlent.

Le document que je dépose à la suite pour des raisons de commodité, est le document britannique TC-44, qui devient pour les mêmes raisons GB-11. Il vient, lui aussi à l’appui de l’argumentation de M. Alderman. C’est le rapport de la déclaration formelle faite au ministre de l’Air allemand sur le relèvement de l’Aviation allemande et je propose respectueusement au Tribunal de lui accorder valeur probatoire.

De même, sans examiner dans le détail le long document TC-45, le Tribunal peut prendre en considération la proclamation publique, texte bien connu en Allemagne, annonçant le service militaire obligatoire. M. Alderman en a déjà longuement parlé dans son exposé.

J’en viens au sixième traité qui est le Traité rétablissant les relations amicales entre les États-Unis et l’Allemagne. J’en dépose un exemplaire sous le nº GB-12. C’est le document TC-11. Le Tribunal le trouvera à l’avant-dernière place dans le livre de documents. Le but de ce traité était de sanctionner la cessation complète des hostilités entre les États-Unis et l’Allemagne et, comme je l’ai déjà exposé au Tribunal, il reproduit plusieurs passages du Traité de Versailles. La partie qui intéresse le Tribunal est la partie V. Je viens déjà de citer les clauses du Traité de Versailles qui sont répétées mot pour mot dans ce traité. C’est pourquoi je ne les relirai pas, avec la permission du Tribunal, qui pourra voir à la page 11 de mon document, que les clauses sont répétées exactement dans les mêmes termes.

J’en arrive maintenant au septième traité qui est le Traité de garantie mutuelle entre l’Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie, signé à Locarno, le 16 octobre 1925. Je demande au Tribunal de l’admettre également d’office et je dépose sous le nº GB-13 le document britannique TC-12.

Il conviendra que je rappelle au Tribunal les traités qui ont été négociés à Locarno parce qu’ils forment un tout et dépendent dans une certaine mesure les uns des autres.

À Locarno, l’Allemagne a négocié cinq traités :

A. Le Traité de garantie mutuelle entre l’Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie ;

B. La Convention d’arbitrage entre l’Allemagne et la France ;

C. La Convention d’arbitrage entre l’Allemagne et la Belgique ;

D. Le Traité d’arbitrage entre l’Allemagne et la Pologne ;

E. Le Traité d’arbitrage entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie.

L’article 10 du Traité de garantie mutuelle établissait que ce traité entrerait en vigueur dès que les ratifications auraient été déposées à Genève dans les archives de la Société des Nations et dès que l’Allemagne deviendrait membre de la Société des Nations. Les ratifications furent déposées le 14 septembre 1926 et l’Allemagne devint membre de la Société des Nations le 10 septembre 1926.

Les deux Conventions d’arbitrage et les deux Traités d’arbitrage mentionnés établissaient qu’ils entreraient en vigueur dans les mêmes conditions que le Traité de garantie mutuelle. Ce sont l’article 21 de la Convention d’arbitrage et l’article 22 des Traités d’arbitrage.

Le plus important de ces cinq accords est le Traité de garantie mutuelle. L’un de ses buts était de fixer définitivement les frontières germano-belges et franco-allemandes. Il ne contient pas de stipulations prévoyant sa dénonciation ou son abandon et dispose qu’il restera en vigueur jusqu’à ce que le Conseil de la Société des Nations décide que la Société des Nations est à même d’assurer une protection efficace aux Parties contractantes – éventualité qui ne s’est pas réalisée – auquel cas, le Traité de garantie mutuelle devait expirer dans le délai d’un an.

Le plan général du Traité de garantie mutuelle est le suivant : l’article premier stipule que les parties contractantes garantissent trois choses : la frontière entre l’Allemagne et la France, la frontière entre l’Allemagne et la Belgique et la démilitarisation de la Rhénanie.

L’article 2 stipule que l’Allemagne et la France, l’Allemagne et la Belgique, s’engagent, sauf dans certains cas pratiquement impossibles, à ne pas attaquer ni envahir le territoire de l’autre partie. L’article 3 stipule que l’Allemagne et la France d’une part, l’Allemagne et la Belgique d’autre part, s’engagent à régler tous leurs différends par des moyens pacifiques.

Le Tribunal se souviendra, car cette remarque a été faite par mon ami M. Alderman, que la première violation importante du Traité de garantie mutuelle a été, il semble bien, l’entrée des troupes allemandes en Rhénanie le 7 mars 1936. Le lendemain, la France et la Belgique demandèrent au Conseil de la Société des Nations d’examiner la question de la réoccupation de la Rhénanie par l’Allemagne et de la répudiation manifeste du Traité. Le 12 mars, après une protestation du secrétaire aux Affaires étrangères britannique, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie reconnurent unanimement que la réoccupation était une violation de ce Traité. Le 14 mars, le Conseil de la Société des Nations décida en bonne et due forme que cette violation n’était pas admissible et que les clauses du Traité relatives à la Rhénanie ne pouvaient être résiliées par l’Allemagne sous le prétexte d’une prétendue violation de ce Traité commise par la France en signant le Pacte d’assistance mutuelle avec les Soviets.

Voici les dispositions fondamentales de ce Traité relatives aux organisations internationales alors existantes. Je voudrais attirer l’attention du Tribunal, sans pour cela allonger le résumé que je viens de donner, sur les articles significatifs 1, 2 et 3, que j’ai déjà cités. L’article 4, qui prévoit que les cas de violation seront portés devant le Conseil de la Société des Nations, ce qui eut lieu. L’article 5, je prie le Tribunal de le retenir car il se rapporte aux clauses du Traité de Versailles que j’ai déjà citées, déclare :

« La stipulation de l’article 3 du présent Traité est placée sous la garantie des Hautes Parties contractantes ainsi qu’il est prévu ci-après :

« Si l’une des Puissances mentionnées à l’article 3 refuse de se conformer aux méthodes de règlement pacifique ou d’exécuter une décision arbitrale ou judiciaire et commet une violation de l’article 2 du présent Traité ou une contravention aux articles 42 ou 43 du Traité de Versailles, les dispositions de l’article 4 du présent Traité s’appliqueront. »

Telle est la procédure pour aller devant la Société des Nations en cas de manquement flagrant ou d’infraction plus caractérisée encore.

Je rappelle au Tribunal ces dispositions, car dans les paroles de Hitler que j’ai citées au début, ne déclarait-il pas que le Gouvernement allemand maintiendrait scrupuleusement tous les traités signés volontairement, même ceux conclus avant son accession au pouvoir. On peut discuter le Traité de Versailles et, en fait, on ne s’en est pas privé. Mais, du moins à ma connaissance, personne n’a jamais osé prétendre que M. Stresemann n’a pas agi volontairement quand, au nom de l’Allemagne, il a signé avec les autres représentants le Pacte de Locarno. Ce Pacte n’a pas été signé seulement par M. Stresemann, mais également par Hans Luther, si bien que vous avez ici un traité librement conclu qui reprend les dispositions du Traité de Versailles relatives à la Rhénanie et qui engage l’Allemagne sur ce point. J’attire simplement l’attention du Tribunal sur l’article 8 qui traite du maintien en vigueur de ce Traité. Je pourrais le lire car, comme je l’ai dit au Tribunal, tous les autres traités contenaient les mêmes dispositions sur leur durée, les mêmes clauses pour leur résiliation, que celles de ce Traité de garantie mutuelle :

« Article 8. – Le présent Traité sera enregistré à la Société des Nations conformément au Pacte de la Société. Il restera en vigueur jusqu’à ce que, sur la demande de l’une ou l’autre des Hautes Parties contractantes, notifiée aux autres Puissances signataires trois mois d’avance, le Conseil, votant à la majorité des deux tiers au moins, constate que la Société des Nations assure aux Hautes Parties contractantes des garanties suffisantes, et le Traité cessera alors ses effets à l’expiration d’un délai d’une année. »

Ainsi, en signant ce Traité, les représentants allemands mirent clairement la question de répudiation et d’annulation du Traité entre des mains autres que les leurs. Ils étaient évidemment à cette époque membres de la Société des Nations et membres du Conseil de la Société des Nations, mais ils laissèrent répudiation et annulation à la décision de la Société.

Le traité dont je vais vous parler maintenant est le Traité d’arbitrage entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie, un des accords signés à Locarno, que j’ai déjà cité, mais, pour plus de commodité, je le dépose sous le nº GB-14, document britannique TC-14. Pour ce qui est de la violation de ce Traité, qui constitue la charge VIII de l’appendice C, j’ai fait état du fond même de ce Traité et je n’y reviendrai pas. Je pense que les seules clauses que le Tribunal ait à retenir dans ce document TC-14 sont celles de l’article premier qui est décisif à cet égard :

« Toutes contestations entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie, de quelque nature qu’elles soient, au sujet desquelles les Parties se contesteraient réciproquement un droit, et qui n’auraient pu être réglées à l’amiable par les procédés diplomatiques ordinaires seront soumises pour jugement soit à un Tribunal arbitral, soit à la Cour permanente de Justice internationale, ainsi qu’il est prévu ci-après. Il est entendu que les contestations ci-dessus visées comprennent notamment celles que mentionne l’article 13 du Pacte de la Société des Nations.

« Cette disposition ne s’applique pas aux contestations nées de faits antérieurs au présent Traité et appartenant au passé.

« Les contestations pour la solution desquelles une procédure spéciale est prévue par d’autres conventions en vigueur entre les Hautes Parties contractantes seront réglées conformément aux dispositions de ces conventions. »

La seconde phrase de l’article 22 du Traité déclare : « II entrera et demeurera en vigueur dans les mêmes conditions que ledit Traité », c’est-à-dire le Traité de garantie mutuelle.

Voilà tout ce que j’avais à dire de ce Traité. Je crois bien que mon ami, M. Alderman, en avait certainement déjà parlé. C’est ce Traité que le Président Bénès invoquait désespérément pendant la crise de l’automne 1938.

Le neuvième traité dont je vais maintenant m’occuper ne se trouve pas dans le livre de documents mais je me contente de le déposer, selon les formalités habituelles. Mon ami, M. Roberts, se chargera d’en lire les passages appropriés. Le Tribunal voudra bien avoir la bonté d’en prendre note, car ce traité est cité dans le paragraphe IX de l’appendice C. C’est la Convention d’arbitrage entre l’Allemagne et la Belgique, signée également à Locarno, dont je dépose une copie pour des raisons de commodité, sous le nº GB-15. Je puis d’ailleurs vous indiquer que, en fait, toutes ces conventions d’arbitrage sont rédigées dans une forme identique. Je ne vais pas m’occuper de celle-ci pour le moment, car elle fait partie intégrante de l’accusation relative à la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg que présentera mon ami M. Roberts. En conséquence, je demande simplement au Tribunal d’admettre ce document pour le moment.

Je fais la même demande pour le dixième traité, dont il est fait mention dans le paragraphe X de l’appendice C. C’est le Traité d’arbitrage entre l’Allemagne et la Pologne, dont je demande au Tribunal de prendre acte et que je dépose sous le nº GB-16. Mon ami, le colonel Griffith-Jones, en parlera quand il présentera l’accusation polonaise.

Je demanderai au Tribunal de passer directement à un texte qui n’est pas un traité, mais une déclaration solennelle, le document TC-18, que je dépose maintenant sous le nº GB-17, et pour lequel je réclame l’attention du Tribunal. C’est une déclaration de l’Assemblée de la Société des Nations le 10 septembre 1926, un an auparavant.

L’importance de cette déclaration ne réside pas seulement dans ses conséquences en Droit international déjà indiquées par mon éminent ami le Procureur Général, mais également dans le fait qu’elle a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée de la Société des Nations, dont l’Allemagne était à cette époque, un membre libre et, je dois le dire, actif. Je pense qu’il me suffira de lire un extrait de ce nº TC-18, si le Tribunal veut bien se reporter au début de la traduction de l’exposé du rapporteur polonais, M. Sokal. Après en avoir terminé avec les formalités, le rapporteur annonça que la déclaration était venue devant la troisième commission, qu’elle avait été adoptée à l’unanimité et qu’on lui avait demandé d’exercer les fonctions de rapporteur. Il dit au second paragraphe :

La Commission estime que dans les conjonctures présentes, une résolution solennelle de l’Assemblée déclarant que les guerres d’agression ne doivent jamais être utilisées comme un moyen de régler les différends entre les États et que de telles guerres constituent un crime international, aurait un effet salutaire sur l’opinion publique et aiderait à créer une atmosphère favorable pour l’œuvre future de la Société des Nations en matière de sécurité et de désarmement.

« Tout en reconnaissant que la résolution projetée ne constitue pas un instrument légal régulier qui serait efficace en lui-même et représenterait une contribution concrète à la sécurité, la troisième commission est unanimement d’accord sur sa grande valeur morale et éducative. »

Puis il demande à l’Assemblée d’adopter la résolution projetée. Je vais maintenant lire les termes de cette résolution, qui montre ce qu’un si grand nombre de nations, y compris l’Allemagne, ont résolu à ce moment-là :

« L’Assemblée, reconnaissant la solidarité qui unit la communauté des nations, animée du ferme désir de voir maintenue la paix générale, convaincue qu’une guerre d’agression ne peut jamais servir comme moyen de régler les différends internationaux et constitue, par conséquent, un crime international ; considérant qu’une renonciation solennelle à toutes guerres d’agression tendrait à créer une atmosphère de confiance générale destinée à faciliter l’avancement de l’œuvre entreprise… en vue du désarmement,

« Déclare :

« 1. Que toutes les guerres d’agression sont et seront toujours interdites.

« 2. Que tous les moyens pacifiques doivent être utilisés pour régler les différends de toute nature qui peuvent s’élever entre États.

« L’Assemblée déclare que les États membres de la Société des Nations sont dans l’obligation de se conformer à ces principes. »

Et après un vote solennel de chaque nation appelée à tour de rôle, le Président annonça, et c’est la fin de la citation :

« Toutes les délégations s’étant prononcées en faveur de la déclaration soumise par la troisième commission, je la déclare adoptée à l’unanimité. »

Le dernier Traité général que je vais présenter au Tribunal est le Pacte Briand-Kellogg. Ce Pacte de Paris signé en 1928, mon éminent ami, le Procureur Général, à l’ouverture de cette phase du procès l’a lu in extenso et commenté. Je dépose sous le nº GB-18 le document anglais TC-19, qui est une copie de ce Pacte.

Je n’avais pas l’intention de le relire, à moins que le Tribunal n’en exprime le désir, étant donné que le Procureur Général l’a lu hier en entier. C’est pourquoi je me contente de mettre ce document à la disposition du Tribunal.

Il ne me reste plus qu’à déposer devant le Tribunal certains documents que M. Alderman a mentionnés au cours de son exposé et qu’il m’a laissés. Je crains de ne pas les avoir placés dans l’ordre parce qu’ils ne se rapportent pas véritablement aux traités mais à l’exposé de M. Alderman. Le premier, je le dépose sous le nº GB-19 ; c’est le document britannique TC-26 et il vient juste après cette décision de la Société des Nations que le Tribunal vient précisément d’examiner. C’est l’engagement que contenait le discours de Hitler du 21 mai 1935. Ce document est très court et à moins que le Tribunal l’ait en mémoire depuis l’exposé de M. Alderman, je le relirai car je ne suis pas sûr qu’il ait cité ce passage :

« L’Allemagne n’a ni l’intention ni le désir d’intervenir dans les affaires intérieures de l’Autriche, d’annexer l’Autriche ou de rattacher son territoire au sien propre. Le peuple et le Gouvernement allemands ont cependant le désir très compréhensible, provenant simplement du sentiment de solidarité dû à la communauté de leurs origines nationales, que le droit à disposer d’eux-mêmes soit assuré non seulement aux autres peuples mais aussi au peuple allemand où qu’il se trouve.

« Pour ma part, je crois qu’un régime qui n’est pas ancré dans le peuple, soutenu par le peuple et désiré par le peuple ne peut pas exister de façon permanente. »

Le document suivant est le document TC-22, qui se trouve à la page qui suit. Je le dépose comme pièce GB-20. C’est une copie de la proclamation officielle de l’Accord passé entre le Gouvernement allemand et le Gouvernement fédéral d’Autriche le 11 juillet 1936. Je suis presque certain que M. Alderman a lu ce document ; mais je demande au Tribunal de se reporter au paragraphe 1 dont voici l’essentiel :

« Le Gouvernement allemand reconnaît la pleine souveraineté de l’État fédéral d’Autriche dans les termes mêmes des déclarations du Führer et Chancelier du Reich allemand, le 21 mai 1935. »

Voici maintenant trois documents, que M. Alderman m’a demandé de déposer, relatifs à la Tchécoslovaquie. Le premier est le TC-27, que le Tribunal trouvera après celui relatif à l’Autriche que je viens de citer. C’est l’assurance donnée par l’Allemagne à la Tchécoslovaquie. Je dépose sous le nº GB-21 une lettre de M. Jan Masaryk, fils de Masaryk, à Lord Halifax, datée du 12 mars 1938. Cette fois aussi je pense que si M. Alderman a lu ce document il a certainement cité la déclaration faite par l’accusé Göring, qui se trouve dans le troisième paragraphe. Dans la première déclaration, le Feldmarschall Göring a employé l’expression « Ich gebe Ihnen mein Ehrenwort », ce qui d’après ce que je comprends, veut dire : « Je vous donne ma parole d’honneur », et trois paragraphes plus bas, après que l’accusé Göring eut demandé qu’il n’y ait pas de mobilisation de l’Armée tchécoslovaque, le message continue :

« M. Mastny fut en état de lui donner à ce sujet des assurances précises et irrévocables et s’est entretenu aujourd’hui avec le baron von Neurath – c’est-à-dire l’accusé von Neurath – qui, entre autres choses, lui assura au nom de Monsieur Hitler que l’Allemagne se considérait encore liée par la Convention d’arbitrage germano-tchécoslovaque conclue à Locarno en octobre 1925. »

Je rappelle ici au Tribunal qu’en 1925 M. Stresemann avait agi au nom de l’Allemagne, dans un accord librement conclu. Pour qu’il n’y ait pas le moindre doute, l’accusé von Neurath, au nom de Hitler, donna l’assurance que l’Allemagne se considérait encore liée par la Convention d’arbitrage germano-tchécoslovaque et cela le 12 mars 1938, c’est-à-dire six mois avant que le Docteur Bénès l’invoque dans un appel désespéré, au moment de la crise de l’automne 1938.

La position difficile du Gouvernement tchécoslovaque apparaît dans le dernier paragraphe où M. Masaryk – le Tribunal remarquera la grande valeur de son argument – s’exprime ainsi :

« On ne peut cependant manquer de considérer avec une grande appréhension la succession des événements en Autriche entre la date de l’Accord bi-latéral germano-autrichien, 11 juillet 1936, et celle d’hier, 11 mars 1938. »

Je me garderai de la commenter, mais je ne craindrai pas de dire que c’est une des phrases les plus chargées de sens, relatives à cette période.

Le document qui se trouve à la page suivante est la pièce britannique TC-28, que je dépose sous le nº GB-22. C’est une assurance du 26 septembre 1938 que Hitler donna à la Tchécoslovaquie. Une fois de plus – le Tribunal pourra vérifier – je ne crois pas que M. Alderman ait lu ce document.

LE PRÉSIDENT

Non, je ne crois pas.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je pense que s’il ne l’a pas fait, le Tribunal doit l’entendre, car il montre d’une façon significative quel est l’argument principal allégué pour obtenir le retour des Allemands dans le Reich, retour que les conspirateurs nazis ont réclamé aussi longtemps qu’il leur a paru un prétexte utile. Il dit : « J’ai peu d’explications à donner. Je suis reconnaissant à M. Chamberlain de tous ses efforts et je lui ai donné l’assurance que le peuple allemand ne réclame que la paix ; mais je lui ai dit également que je ne pouvais reculer au-delà des limites de notre patience. »

Le Tribunal se rappellera que ceci se passait entre la réunion de Godesberg et le Pacte de Munich.

« Je lui ai assuré de plus, et je le répète ici, que lorsque cette question sera résolue, il n’y aura plus de problèmes territoriaux pour l’Allemagne en Europe. Et je l’ai assuré d’autre part que, du jour où la, Tchécoslovaquie aura résolu ses autres difficultés, c’est-à-dire lorsque les Tchèques seront arrivés à un accord avec leurs autres minorités pacifiquement et sans oppression de leur part, je cesserai de m’intéresser à l’État tchèque. Mais je dois aussi déclarer devant le peuple allemand que sur la question des Allemands des Sudètes, ma patience est maintenant à bout. J’ai fait à M. Bénès une offre qui n’était rien d’autre que la réalisation de ce qu’il avait promis. Il a maintenant entre ses mains la paix ou la guerre : ou bien il acceptera cette offre et donnera enfin aux Allemands la liberté, ou bien cette liberté nous l’obtiendrons par nous-mêmes. »

Moins de six mois avant le 15 mars, Hitler déclarait dans les termes les plus violents que : « Il ne voulait pas de Tchèques ». Le Tribunal a entendu ce matin l’exposé de mon ami, M. Alderman.

Le dernier document que j’ai à présenter et pour lequel je sollicite maintenant l’attention du Tribunal – je le dépose comme pièce GB-23 – est le document TC-23, copie de l’Accord de Munich le 29 septembre 1938. Il fut signé par Hitler, feu M. Neville Chamberlain, M. Daladier et Mussolini. C’est surtout un accord de procédure qui règle l’entrée des troupes allemandes sur le territoire des Allemands des Sudètes. Cela apparaît dès la clause préliminaire.

« Les quatre Puissances, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie – tenant compte de l’arrangement déjà réalisé en principe pour la cession à l’Allemagne des territoires des Allemands des Sudètes – sont convenues des dispositions et conditions suivantes, réglementant ladite cession et les mesures qu’elle comporte. Chacune d’elles, par cet Accord, s’engage à accomplir les démarches nécessaires pour en assurer l’exécution. »

Je ne crois pas nécessaire, à moins que le Tribunal ne le désire, d’entrer dans tous les détails. On lit à l’article 4 :

« L’occupation progressive par les troupes du Reich des territoires de prédominance allemande commencera le 1er octobre. Les quatre zones indiquées sur une carte… » et dans l’article 6 : « La fixation finale des frontières sera établie par la Commission internationale. » II établit aussi les droits d’opter et de quitter l’Armée tchèque pour les Allemands des Sudètes. C’est ce que Hitler réclamait dans ce passage quelque peu emphatique que je viens de lire. Il est à remarquer aussi qu’il y a une annexe à cet Accord, qui est des plus significatives.

« Annexe à l’Accord :

« Le Gouvernement de Sa Majesté dans le Royaume-Uni et le Gouvernement français ont conclu l’Accord ci-dessus étant bien entendu qu’ils maintiennent l’offre contenue dans le paragraphe 6 des propositions franco-britanniques du 19 septembre 1938 touchant une garantie internationale des nouvelles frontières de l’État tchécoslovaque contre toute agression non provoquée.

« Quand la question des minorités polonaise et hongroise en Tchécoslovaquie aura été réglée, l’Allemagne et l’Italie, pour leur part, donneront également une garantie à la Tchécoslovaquie. »

Il s’agit des minorités polonaise et hongroise et non de la question slovaque que le Tribunal a entendu traiter ce matin. Voilà pourquoi M. Alderman estime, et je me rallie respectueusement à cette opinion, que l’action du 15 mars a été une violation flagrante de la lettre et de l’esprit de l’Accord. Tel est, Monsieur le Président, la partie de l’Accusation que je désirais présenter.

LE PRÉSIDENT

Nous allons suspendre l’audience dix minutes.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Merci, Votre Honneur.

(L’audience est suspendue.)
LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES (Substitut du Procureur Général britannique)

Plaise au Tribunal. Le chef nº 2 de l’Acte d’accusation reproche aux accusés d’avoir participé à l’élaboration, la préparation, le déclenchement et l’exécution de diverses guerres d’agression. Il allègue aussi que toutes ces guerres sont des violations de traités internationaux. Notre dessein est maintenant de présenter au Tribunal les preuves se rapportant à ces guerres d’agression contre la Pologne, contre le Royaume-Uni et contre la France.

Dans le paragraphe B développant le chef d’accusation nº 2, on renvoie au chef d’accusation nº 1 qui allègue que ces guerres étaient des guerres d’agression. Le chef d’accusation nº 1 expose également les détails de la préparation et de l’élaboration de ces guerres, en particulier on trouvera ces allégations dans le paragraphe F 4. Mais, Monsieur le Président, avec l’approbation du Tribunal, je propose de traiter d’abord les imputations de rupture de traités contenues dans le paragraphe C et dont les détails sont développés dans l’appendice C. Ces sections de l’appendice C qui se rapportent à la guerre contre la Pologne, sont la section II qui traite de la violation de la Convention de La Haye relative au règlement pacifique des différends internationaux et dont Sir David a déjà entretenu ce matin le Tribunal. Avec votre autorisation, je n’ai pas l’intention d’en dire davantage sur ce point.

La section III de l’appendice C et la section IV ont trait aux violations des autres conventions de La Haye de 1907. La section V (sous-section 4) a trait à la violation du Traité de Versailles, en ce qui concerne la Ville libre de Dantzig, et la section XIII à la violation du Pacte Briand-Kellogg.

Tout cela a été traité par Sir David Maxwell-Fyfe. Il ne me reste qu’à m’occuper des deux autres questions de l’appendice C, la section X qui traite de la violation du Traité d’arbitrage entre l’Allemagne et la Pologne, signé à Locarno le 16 octobre 1925, et la section XV de l’appendice C qui traite de la violation de la Déclaration de non-agression intervenue entre l’Allemagne et la Pologne le 26 janvier 1934.

Si le Tribunal veut bien prendre la première partie du livre de documents britannique nº 2, je vais exposer comment les autres parties sont divisées. Ce livre est divisé en six parties. Pour le moment, le Tribunal voudra bien regarder la première partie. Les livres de documents qui ont été remis à la Défense ont exactement la même classification mais forment un seul volume au lieu de six fascicules séparés, dans lesquels les documents du Tribunal sont classés pour plus de commodité.

Le Traité d’arbitrage germano-polonais, qui fait l’objet de la section X de l’appendice C, est le document TC-15. C’est le dernier document du livre. Il a déjà été déposé sous le nº GB-16. Monsieur le Président, je voudrais citer le préambule et les articles 1 et 2 de ce Traité :

« Le Président de l’Empire allemand et le Président de la République de Pologne,

« Également résolus à maintenir la paix entre l’Allemagne et la Pologne en assurant le règlement pacifique des différends qui viendraient à surgir entre les deux pays ;

« Constatant que le respect des droits établis par les traités ou résultant du Droit des gens est obligatoire pour les tribunaux internationaux ;

« D’accord pour reconnaître que les droits d’un État ne sauraient être modifiés que de son consentement ;

« Et considérant que la sincère observation des procédés de règlement pacifique des différends internationaux permet de résoudre, sans recourir à la force, les questions qui viendraient à diviser les États ;

« Ont décidé… »

Puis voici l’article premier. « Toutes contestations entre l’Allemagne et la Pologne, de quelque nature qu’elles soient, au sujet desquelles les parties se contesteraient réciproquement un droit, et qui n’auraient pu être réglées à l’amiable par les procédés diplomatiques ordinaires, seront soumises pour jugement soit à un tribunal arbitral, soit à la Cour permanente de Justice internationale, ainsi qu’il est prévu ci-après… »

Je passe à l’article 2 :

« Avant toute procédure arbitrale devant la Cour permanente de Justice internationale, la contestation pourra être, d’un commun accord entre les parties, soumise à fin de conciliation à une commission internationale permanente, dite Commission permanente de conciliation, constituée conformément au présent Traité. »

Après quoi, le Traité établit la procédure pour l’arbitrage et pour la conciliation.

LE PRÉSIDENT

II est rédigé dans les mêmes termes n’est-ce pas, que les Traités d’arbitrage entre l’Allemagne et la Tchécoslovaquie, et l’Allemagne et la Belgique ?

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Oui, Monsieur le Président, et ces Traités ont été tous les deux signés à Locarno.

LE PRÉSIDENT

Bien.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Les termes de l’accusation dans la section X, on le remarquera tout particulièrement, sont que l’Allemagne, dans les jours qui avoisinèrent le 1er septembre 1939, a illégalement attaqué et envahi la Pologne, sans avoir au préalable cherché à régler son différend avec ce pays par des moyens pacifiques.

Le dernier traité que je citerai est la Déclaration germano-polonaise du 26 janvier 1934, qui est le dernier document de la première partie du livre de documents du Tribunal. C’est le sujet de la section X de l’appendice C :

« Le Gouvernement allemand et le Gouvernement polonais considèrent que le moment est venu de faire naître une nouvelle ère dans les relations politiques entre l’Allemagne et la Pologne par un accord direct entre les États. Ils ont décidé par la présente Déclaration d’établir une base pour l’établissement futur de ces relations.

« Les deux Gouvernements admettent qu’une paix permanente maintenue et assurée entre leurs pays est une condition essentielle de la paix générale en Europe. »

LE PRÉSIDENT

Pensez-vous que ce soit nécessaire de lire tout cela ? Nous l’admettons d’office.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Je vous en remercie. Je m’efforce d’abréger, si je le peux. En raison des allégations postérieures du Gouvernement nazi, j’attire tout particulièrement l’attention sur le dernier paragraphe de cette Déclaration :

« Cette Déclaration restera en vigueur pour une période de dix ans, à dater du jour de la transmission réciproque des actes de ratification. Dans le cas où elle ne serait pas dénoncée par l’un des deux Gouvernements six mois avant l’expiration de cette période, elle continuera à rester en vigueur ; mais elle pourra alors être dénoncée par l’un des deux Gouvernements à la seule condition d’un préavis de six mois. »

Monsieur le Président, je passe de la violation des traités à la présentation au Tribunal des preuves de l’élaboration et de la préparation de ces guerres, preuves qui viennent à l’appui des allégations qu’elles étaient des guerres d’agression.

Pour des raisons de commodité, comme je l’ai déjà dit, ces documents ont été répartis en plusieurs volumes. Si le Tribunal veut bien jeter les yeux sur l’index, index complet des documents qui constitue un livre distinct, il verra à la première page comment ceux-ci sont répartis. La partie 1 comprend les « Traités » ; la partie 2 porte le titre « Preuves des intentions allemandes avant mars 1939 ». On pourrait dire plus pertinemment « Preuves antérieures à mars 1939 ». C’est de cette partie que je m’occuperai maintenant.

Monsieur le Président, il a été exposé au Tribunal que les actions contre l’Autriche et la Tchécoslovaquie faisaient elles-mêmes partie de la préparation en vue d’agressions ultérieures. Et, puisque j’en suis chronologiquement aux débuts de cette question, je désire maintenant attirer spécialement l’attention du Tribunal sur cette partie du dossier qui prouve, que, même à cette époque-là, avant que les Allemands se soient totalement emparés de la Tchécoslovaquie, ils étaient parfaitement prêts à combattre l’Angleterre, la Pologne et la France, si cela devenait nécessaire pour atteindre ces buts préliminaires et ils se rendaient parfaitement compte qu’il leur faudrait en arriver là. Et, qui plus est, bien qu’ils n’aient pas commencé avant mars 1939 leurs préparatifs précis pour une guerre définie contre la Pologne, ils avaient néanmoins fait le plan depuis fort longtemps, d’attaquer la Pologne une fois la Tchécoslovaquie complètement soumise. Durant cette période aussi – et ce fait se reproduit tout au long de l’histoire du régime nazi en Allemagne – comme dans les périodes suivantes, tout en faisant leurs préparatifs et en exécutant leurs plans, ils donnaient au monde extérieur assurance sur assurance pour endormir tous les soupçons sur leur but véritable.

Je pense, ainsi que le distingué Procureur Général vous l’a dit hier, que les dates dans cette accusation, encore bien plus que les documents, parlent par elles-mêmes. Les documents de ce livre sont rangés dans l’ordre dans lequel je les citerai et le premier sera le document TC-70, que je déposerai sous le numéro GB-25.

Il est seulement intéressant de voir ce que Hitler a dit de l’Accord avec la Pologne lors de sa signature, en janvier 1934 :

« Lorsque je pris le pouvoir, le 30 janvier, les relations entre les deux pays me parurent plus que non satisfaisantes. Il était à craindre que les différends existants, dus aux clauses territoriales du Traité de Versailles et à la tension réciproque en résultant, ne se cristallisent graduellement en un état d’hostilités qui, s’il persistait, ne créerait que trop facilement une dangereuse tradition d’inimitié. »

Je passe à l’avant-dernier paragraphe :

« Dans l’esprit de ce Traité, le Gouvernement allemand désire établir et se prépare à entretenir avec la Pologne des relations économiques d’une telle nature, que, dans ce domaine également, l’état de stérile suspicion soit suivi d’une ère d’utile coopération. Nous sommes particulièrement satisfaits que, cette année, le Gouvernement national-socialiste de Dantzig ait pu effectuer une clarification semblable de ses relations avec son voisin polonais. »

Cela se passait en 1934. Trois ans plus tard, le 30 janvier également, parlant au Reichstag, Hitler dit – c’est le document PS-2368, que je dépose sous le numéro GB-26 – (Si je le puis, j’éviterai autant que possible de répéter les passages que le Procureur Général a cités dans son exposé de l’autre jour. Il a effectivement cité le premier paragraphe devant le Tribunal. C’est un paragraphe court ; peut-être pourrais-je le lire à nouveau, mais dans cet exposé, j’éviterai autant que possible les répétitions) :

« Par une série d’accords, nous avons éliminé la tension existante et par là, contribué considérablement à un éclaircissement de l’atmosphère européenne. Je ne fais que rappeler un accord avec la Pologne qui fut trouvé avantageux pour les deux parties… L’art du véritable homme d’État ne fait pas fi des réalités, mais agit en conformité avec elles. La nation italienne et le nouvel État italien sont des réalités. La nation allemande et le Reich allemand sont également des réalités, et à mes propres concitoyens, je dirai que la nation polonaise et l’État polonais sont aussi devenus des réalités. »

Cela fut dit le 30 janvier 1937.

Le 24 juin 1937, nous avons un « Ordre rigoureusement secret », (C-175), qui a déjà été déposé comme pièce USA-69. Cet « Ordre rigoureusement secret » émane du ministre de la Guerre du Reich, Commandant en chef des Forces armées, signé von Blomberg. Il porte en tête l’indication : « Écrit par un officier… Les documents traitant de cette question… doivent être écrits par un officier. » II est donc évidemment rigoureusement secret.

À ce document est jointe une instruction pour l’unification de la préparation de la guerre dans l’Armée, devant entrer en vigueur le 1er août 1937. Cette instruction est ainsi divisée : Partie 1 : « Principes généraux. » – Partie 2 : « Éventualités de guerre. » – Partie 3 : « Préparatifs particuliers. »

Le Tribunal se souvient que le Procureur Général a déjà cité des passages du début. « La situation politique générale permet de supposer que l’Allemagne n’a à redouter aucune attaque de quelque côté que ce soit. »

Je passe au second paragraphe : « Il est assez peu dans les intentions de l’Allemagne de déclencher une guerre européenne. Néanmoins, la situation de la politique mondiale mouvante n’exclut pas la possibilité d’incidents imprévus et rend nécessaire un état permanent de préparation à la guerre des Forces armées allemandes, afin qu’elles soient prêtes à repousser une attaque à tout moment et qu’elles soient à même d’exploiter militairement les conjonctures politiques favorables qui pourraient se présenter. »

La suite établit les préparatifs à entreprendre. Je voudrais attirer l’attention du Tribunal sur le paragraphe 2 b.

« Opérations éventuelles de mobilisation clandestine afin de mettre les Forces armées à même, par leur puissance, et à n’importe quel moment, de commencer une guerre brusquement et par surprise. »

À la page suivante, paragraphe 4 : « Des préparatifs spéciaux doivent être faits pour les éventualités suivantes : intervention armée contre l’Autriche, opérations militaires contre l’Espagne rouge. »

En troisième lieu, et cela montre très clairement qu’à cette époque ils se rendaient compte que leurs agissements contre l’Autriche et la Tchécoslovaquie pourraient bien les entraîner dans une guerre : « L’Angleterre, la Pologne et la Lithuanie participent à une guerre contre nous. »

Je prie le Tribunal de se reporter à la deuxième partie de cette instruction :

« Éventualités de guerre. – Les prévisions, les plans et les travaux suivants sont fondamentaux pour l’étude des éventualités de guerre (Concentrations).

« I. Guerre sur deux fronts avec foyer à l’Ouest :

« Suppositions : À l’Ouest, la France est l’adversaire. La Belgique peut se mettre aux côtés de la France, soit immédiatement, soit plus tard ou pas du tout. Il est même possible que la France viole la neutralité de la Belgique si cette dernière reste neutre. Elle violera certainement celle du Luxembourg. »

Je passe maintenant à la partie 3 de ce document et je mentionne particulièrement le dernier paragraphe sous le titre « Cas particulier. Extension Rouge-Vert ». On se souviendra que « Rouge » désignait l’Espagne et « Vert » la Tchécoslovaquie.

« La situation politique et militaire prise comme base pour les plans de concentration Rouge et Vert peut être aggravée si l’Angleterre, la Pologne ou la Lithuanie se mettent aux côtés de nos adversaires. En ce cas, notre situation militaire empirerait au point de devenir intenable et désespérée. La direction politique alors fera tout pour que ces pays restent neutres, en premier lieu l’Angleterre et la Pologne. »

Après quoi, ce document établit les conditions qui doivent servir de base de discussion. Avant d’en finir avec ce document, il faut en noter la date : juin 1937. Elle montre clairement que, à cette date, de toute manière, le Gouvernement nazi envisageait la vraisemblance, sinon la probabilité, d’avoir à combattre l’Angleterre, la Pologne et la France, et était parfaitement prêt à ce combat, s’il devait avoir lieu. Le Tribunal se souviendra que le 5 novembre 1937 Hitler tint une conférence à la Chancellerie du Reich dont nous avons le compte rendu dans les notes de Hossbach. Je ne citerai qu’une ou deux lignes de ce document pour attirer l’attention du Tribunal sur ce que Hitler dit de l’Angleterre, de la Pologne et de la France, page 1 de ce document, au milieu de la page :

Le Führer déclare alors : « Le but de la politique allemande consiste dans la sécurité et la sauvegarde de la nation et dans son extension. Le problème est par conséquent un problème d’espace. »

Il continue ensuite en parlant de ce qu’il appelle : « la participation à l’économie mondiale », et au bas de la page 2, il dit :

« Le seul moyen d’en sortir, moyen qui peut sembler imaginaire, est de se procurer un plus grand espace vital, entreprise qui a été de tout temps la cause de la formation d’États et de la marche des peuples. »

Et la fin de ce premier paragraphe, à la page 3 :

« L’Histoire de tous les temps, celle de l’Empire Romain, celle de l’Empire britannique, a montré que toute conquête d’espace ne peut être effectuée qu’en brisant une résistance et en prenant des risques. Même des revers sont inévitables. Pas plus autrefois qu’aujourd’hui on n’a trouvé des espaces sans propriétaire. L’attaquant se heurte toujours au propriétaire. »

Monsieur le Président, il est clair que cette référence n’était pas seulement…

LE PRÉSIDENT (intervenant)

Cela a déjà été lu.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Mon but n’était que de réunir en ce qui concerne l’Angleterre et la Pologne, des preuves qui ont déjà été données. Si le Tribunal ne pense pas que ce soit nécessaire…

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal serait désireux qu’on ne relise pas ce qui a déjà été lu.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Je passerai donc dans cette partie du livre de documents au document suivant. Ce document a déjà été mentionné hier par le Procureur Général et montre que le jour même, à la date où la réunion de Hossbach avait lieu, on publiait un communiqué résultant de l’audience de l’ambassadeur de Pologne avec Hitler. Ce communiqué contenait ce qui avait été dit au cours de la conversation. On confirma que les relations germano-polonaises ne devaient pas rencontrer de difficultés du fait de la question de Dantzig. C’est le document TC-73, que je dépose sous le numéro GB-27. Le 2 janvier…

LE PRÉSIDENT

Ce document a déjà été lu n’est-ce pas ?

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

II a été lu par le Procureur Général dans son exposé introductif.

LE PRÉSIDENT

Dans son exposé introductif ? Très bien.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Le 2 janvier 1938, une personne inconnue écrivit un mémorandum pour le Führer. Ce document était l’un des documents du ministère allemand des Affaires étrangères dont un microfilm a été saisi par les troupes alliées lors de leur entrée en Allemagne. Il porte l’en-tête : « Très confidentiel. Strictement personnel », et s’intitule : « Conclusions du rapport de l’ambassade d’Allemagne à Londres, relatives à la forme future des relations anglo-allemandes. »

« En voyant que l’Allemagne ne veut pas s’astreindre à respecter le statu quo en Europe Centrale, et que, tôt ou tard, un conflit militaire est possible en Europe, les politiciens anglais germanophiles, pour autant qu’ils ne jouent pas simplement un rôle qui leur a été assigné, perdront peu à peu l’espoir d’un accord. Ainsi, la question fatale se pose : l’Angleterre et l’Allemagne prendront-elles forcément des positions opposées dans des camps séparés et ne marcheront-elles pas un jour l’une contre l’autre ? Pour répondre à cette question, il faut se rendre compte des points suivants : un changement du statu quo à l’Est au sens allemand ne peut être exécuté que par la force. Aussi longtemps que la France saura que l’Angleterre, qui en quelque sorte lui a donné la garantie de son intervention contre l’Allemagne, se tiendra à ses côtés, elle combattra très probablement dans tous les cas pour ses alliés de l’Est, ce qui implique une guerre anglo-allemande. Ce fait se produira même si l’Angleterre ne veut pas la guerre. L’Angleterre croyant qu’elle doit défendre ses frontières sur le Rhin, sera automatiquement entraînée par la France dans la guerre. En d’autres termes, la France a pratiquement en mains la possibilité de pousser à une guerre entre l’Angleterre et l’Allemagne par la voie d’un conflit franco-allemand. Il s’ensuit qu’une guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre par la faute de la France, ne peut être évitée que si la France sait dès le début que les forces de l’Angleterre ne seront pas suffisantes pour garantir leur victoire commune. Une telle situation pourrait forcer l’Angleterre et par conséquent la France à accepter maintes exigences qu’une forte coalition anglo-française ne tolérerait jamais. Cette situation se présenterait par exemple si l’Angleterre, par l’insuffisance de son armement ou en raison de menaces dirigées contre son Empire par une coalition de forces supérieures telles que celles de l’Allemagne, du Japon et de l’Italie, devait grouper ses forces militaires sur d’autres points et ne pouvait assurer à la France une aide suffisamment efficace en Europe. »

À la page suivante, la discussion continue sur les possibilités d’une forte alliance entre l’Italie et le Japon. Je continue à citer cette page où le rédacteur résume ses idées.

Paragraphe 5 : « Par conséquent les conclusions que nous faisons sont les suivantes :

« 1. Extérieurement, il faut une entente plus grande avec l’Angleterre en ce qui concerne la protection des intérêts de nos amis.

« 2. Il faut, en grand secret mais avec beaucoup de ténacité, former contre l’Angleterre une coalition, c’est-à-dire qu’il faut resserrer notre amitié avec l’Italie et le Japon. Il faut aussi gagner à nous les nations dont, directement ou indirectement, les intérêts sont conformes aux nôtres. Il faut une coopération étroite et confidentielle des diplomates des trois grandes Puissances dans ce but. Ce n’est que de cette façon que nous pourrons un jour affronter l’Angleterre pour un accord ou pour la guerre. L’Angleterre sera un adversaire astucieux et dur dans ce jeu de diplomatie. La question particulière de savoir si, en cas de guerre allemande en Europe centrale, la France et par conséquent l’Angleterre interviendraient, dépend du moment et des circonstances dans lesquelles une telle guerre commencerait et cesserait et de considérations militaires que nous ne pouvons pas envisager ici. »

Quelle que soit la personne qui a écrit ce mémorandum, elle paraît occuper une position importante car elle conclut en disant :

« J’aimerais exposer verbalement certains de ces points de vue au Führer. »

Ce document porte le nº GB-28.

Je crains que les deux documents suivants de votre livre ne soient pas rangés dans l’ordre. Veuillez vous reporter au document PS-2357 qui est celui qui fait suite à notre L-43. Il y a lieu d’observer que le document adressé au Führer que je viens de lire porte la date du 2 janvier 1938.

Le 20 janvier 1938, Hitler parla au Reichstag :

LE PRÉSIDENT

Février, d’après le document ?

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Je vous demande pardon : février 1938. C’est le document PS-2357, que je dépose sous le numéro GB-30. Dans ce discours, Hitler dit :

« En cette cinquième année suivant le premier grand accord de politique étrangère du Reich, nous disons avec une pleine reconnaissance que, en ce qui concerne nos rapports envers l’État avec lequel nous avons eu peut-être les plus grands différends, il ne s’est pas produit seulement une détente, mais que, au cours de ces années, il y a eu une amélioration constante de nos relations. Cette belle œuvre qui, à l’époque, était considérée avec suspicion par tant de gens, a résisté à l’épreuve et je puis dire que depuis que la Société des Nations a finalement renoncé à ses continuelles tentatives pour troubler Dantzig et a nommé comme nouveau commissaire un homme de très grande valeur, ce point très dangereux pour la concorde européenne a tout à fait perdu son caractère de menace pour la Paix. L’État polonais respecte les conditions nationales de la Cité de Dantzig et l’Allemagne, comme cet État respecte les droits polonais. Ainsi fut frayé avec succès le chemin de la compréhension, une compréhension qui a commencé avec Dantzig et qui aujourd’hui, en dépit des tentatives de certains semeurs de discorde, a réussi à éliminer le poison dans les relations entre l’Allemagne et la Pologne et à les transformer en une coopération sincère et amicale. Comptant sur ses amitiés, l’Allemagne fera tout pour sauver cet idéal qui est à la base de la tâche que nous avons devant nous : la Paix. »

Je reviens maintenant au document qui précède celui-ci dans votre livre : L-43, qui devient GB-29. C’est un document que le Procureur Général a mentionné hier. Il est daté du 2 mai 1938 et porte le titre : « Étude de l’Organisation de 1950. » II vient du service de l’organisation de l’État-Major général des Forces aériennes. Son but est défini comme suit :

« La tâche est de chercher dans un cadre très étendu de conditions le type d’organisation le plus approprié pour les Forces aériennes. Le résultat obtenu vaut comme objectif lointain. De là sera déduit le but, qui doit être atteint dans la seconde phase du processus de l’organisation de 1942, et qui sera appelé “objectif final 1942”. Ceci à son tour entraîne ce qui est considéré comme le projet le plus approprié pour la réorganisation des états-majors des groupes de commandement des corps, des divisions de l’armée de l’Air, etc. »

Comme le verra le Tribunal, la table des matières est divisée en sections. La section 1 porte le titre : « Présomptions ». Si le Tribunal veut bien passer à la page suivante, il trouvera le titre « Prévisions 1. Frontière de l’Allemagne, voir la carte incluse nº 1 ». Le Tribunal voit sur le mur une reproduction de cette carte. On verra que le 2 mai 1938 l’Aviation considérait l’Esthonie, la Lettonie, la Lithuanie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Autriche et la Hongrie comme devant être incluses dans les frontières du Reich. La carte originale est annexée à ce document et si le Tribunal regarde le document original, il verra que cette étude d’organisation a été soigneusement poussée à fond. Un grand nombre de cartes ont été placées en annexes. Je voudrais également me référer au texte qui se trouve au bas de la deuxième page de la traduction « Considération des principes d’organisation sur la base des présomptions de guerre et de paix faites dans le paragraphe 1 ».

« 1. Forces d’attaque. – Adversaires principaux : Angleterre, France, Russie.

« Les 144 Geschwader (escadres) à utiliser éventuellement contre l’Angleterre seront massés et concentrés dans la moitié ouest du Reich. Cela veut dire qu’ils doivent se déployer de telle sorte que la pleine utilisation de leur rayon d’action leur permette d’atteindre tous les territoires anglais jusqu’aux derniers recoins. »

LE PRÉSIDENT

Cela se trouve peut-être sur la carte. Vous feriez bien de vous référer à l’organisation des Forces aériennes avec les commandements des groupes à Varsovie et à Kœnigsberg.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Je vous remercie beaucoup. Dans le paragraphe 4 : « Prévisions. – Sous-section nº 2. – Organisation de l’Aviation en temps de paix », il est question de sept groupes de commandement : 1 Berlin, 2 Brunswick, 3 Munich, 4 Vienne, 5 Budapest, 6 Varsovie, 7 Kœnigsberg.

LE PRÉSIDENT

Oui.

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

Je vous suis très obligé. Enfin, en ce qui concerne ce document, page 4, dans le dernier paragraphe de la traduction que possède le Tribunal, on lit :

« Plus le Reich s’étendra et plus la puissance de l’Aviation augmentera, et plus il devient impérieux d’avoir des commandements localement reliés. »

J’insisterai sur la première partie : « Plus le Reich s’étend en superficie et plus la puissance de l’Aviation augmente… » J’aimerais dire un mot sur ce document. L’original est signé par un officier supérieur d’Aviation ; je ne veux pas insister sur les conséquences qu’on peut tirer de ce fait, mais il démontre les idées qui étaient à cette époque celles de l’État-Major de l’Armée de l’air.

Le Tribunal se souviendra qu’en février 1938 l’accusé von Ribbentrop succéda à von Neurath comme ministre des Affaires étrangères. Nous avons un autre document tiré de ce microfilm saisi ; ce document est daté du 26 août 1938, lorsque Ribbentrop devint ministre des Affaires étrangères ; il est adressé à Ribbentrop en tant que ministre du Reich, via le secrétaire d’État. C’est un document relativement court et je le lirai en entier.

« Le problème le plus pressant pour la politique allemande, le problème tchèque, pourrait facilement mener à un conflit avec l’Entente, mais il ne devrait pas en être ainsi (document TC-76 qui devient GB-31). Ni la France, ni l’Angleterre ne cherchent à avoir des ennuis pour la Tchécoslovaquie. Toutes deux abandonneraient peut-être celle-ci à son sort si elle devait, sans intervention étrangère directe et par des signes internes de désintégration dus à sa propre faute, souffrir et endurer le sort qu’elle mérite. Ce processus cependant devrait se produire par étapes, et devrait mener à une perte de pouvoir dans le territoire qui subsiste, par le moyen d’un plébiscite et d’une annexion de territoire. Le problème tchèque n’est pas encore assez pressant sur le plan politique pour que nous puissions agir immédiatement en prenant en défaut la surveillance inactive de l’Entente, même si cette action devait se produire rapidement et par surprise. L’Allemagne ne peut fixer de délai précis quant au moment où ce fruit pourra être cueilli sans trop de risques. Elle ne peut que préparer l’évolution qu’elle désire. »

Je passe au dernier paragraphe de cette page. Je pense que je peux sauter les passages intermédiaires. Paragraphe 5 :

LE PRÉSIDENT

Colonel Griffith-Jones ne devriez-vous pas lire le paragraphe suivant : « Dans ce but… »

LIEUTENANT-COLONEL J. M. G. GRIFFITH-JONES

« Dans ce but, nous devons reprendre peu à peu le slogan de l’Angleterre sur le droit à l’autonomie des Allemands des Sudètes, slogan qu’intentionnellement nous n’avons pas utilisé jusqu’à présent. Le terrain est déblayé par le fait que l’opinion internationale est convaincue que l’on enlève à des Allemands le choix de leur nationalité. Cela n’empêche pas que le processus chimique de dissolution de la structure de l’État tchèque peut être ou peut ne pas être hâté de la même manière, par l’emploi de moyens mécaniques. Le sort de la Tchécoslovaquie en tant que réalité vivante ne sera cependant pas décidé par cette action, mais le destin sera néanmoins déjà scellé.

« Cette manière de procéder avec la Tchécoslovaquie est à recommander en raison de nos relations avec la Pologne. Si l’Allemagne s’écarte des problèmes de frontières dans le Sud-Est et si elle s’occupe des problèmes de frontières à l’Est et au Nord-Est, il est inévitable que cela fera sursauter les Polonais. Le fait est… » – et j’ajoute « est » parce que la copie que j’ai sous les yeux ne le contient pas – « le fait est qu’après la liquidation de la question tchèque, on présume d’une façon générale que le tour de la Pologne viendra.

« Mais, plus tard cette présomption sera acquise dans la politique internationale comme un facteur ferme, mieux cela vaudra. En ce sens cependant, il est important pour le moment de réaliser la politique allemande selon les slogans bien connus de “droit à l’autonomie”, et d’unité raciale. Toute autre manière d’agir pourrait être interprétée comme pur impérialisme de notre part et créer de la part de l’Entente, plus tôt et plus énergiquement, une résistance à nos plans telle que nos forces ne pourraient la soutenir. »

Ceci se passait le 26 août 1938, au moment où la crise tchèque menait à l’Accord de Munich. Cependant, à Munich ou plus exactement un jour ou deux avant que l’Accord ne soit signé, Hitler faisait un discours. Il disait le 26 septembre (je crois que Sir David Maxwell-Fyfe vient de lire ce document au Tribunal. Je n’en citerai que deux lignes) :

« De plus, je lui ai affirmé et je le répète ici que, ce problème résolu, il n’y aura pas d’autres problèmes territoriaux pour l’Allemagne en Europe. »

Le dernier document de votre livre est un autre extrait de ce discours. Je ne le lirai pas à moins que le Tribunal ne le désire, parce que le Procureur Général l’a lu hier en entier dans son discours. Ces deux documents sont déjà déposés : TC-28 sous le nº GB-2, et TC-29 qui est le deuxième extrait de ce discours sous le nº GB-32.

Monsieur le Président, je demanderai au Tribunal de se référer à un autre document qui a déjà été déposé par mes collègues américains. C’est le document TC-23 devenu USA-49 ; il se trouve avant le document TC-28 dans votre livre de documents.

Le passage particulier auquel je voudrais me référer est une lettre de l’amiral Carls, qui se trouve au bas de la deuxième page. Elle est datée de septembre sans autre précision et porte le titre « Opinion sur l’étude d’un projet de guerre navale contre l’Angleterre ».

« Il y a complet accord avec les termes principaux de l’étude. » Encore une fois, le Procureur Général a cité hier, le Tribunal s’en souviendra, le reste de cette lettre : « Si, selon la décision du Führer, l’Allemagne doit acquérir une position de puissance mondiale, elle n’a pas seulement besoin de possessions coloniales suffisantes, mais elle doit encore assurer ses communications navales et son accès à l’Océan. »

Telle était la position allemande au moment de l’Accord de Munich, en septembre 1938. Bien entendu, les gains de Munich ne furent pas aussi grands que ceux que le Gouvernement nazi avait espéré et voulu obtenir ; le Gouvernement nazi n’était pas prêt à ce moment-là à commencer d’autres actions agressives en Pologne ou ailleurs. Mais Votre Honneur a entendu ce matin, lorsque M. Alderman a traité en conclusion des avantages obtenus par la conquête de la Tchécoslovaquie, ce que Jodl et Hitler dirent ultérieurement en d’autres occasions : que la Tchécoslovaquie était une plate-forme pour l’attaque de la Pologne ; il est manifeste maintenant qu’ils avaient eu le projet et avaient pris en fait la décision de mener une action contre la Pologne dès que la Tchécoslovaquie aurait été entièrement occupée. Nous savons maintenant ce que Hitler déclara lorsqu’il parla plus tard à ses commandants militaires. Le Tribunal se souviendra du discours où Hitler déclara dès le début qu’il n’avait pas l’intention de s’en tenir à l’Accord de Munich, mais qu’il lui fallait toute la Tchécoslovaquie. En définitive, bien qu’ils ne fussent pas prêts à attaquer la Pologne avec toute leur force après septembre 1938, les Allemands commencèrent de suite leurs travaux d’approche auprès des Polonais au sujet de la question de Dantzig. Jusqu’au moment où, comme le Tribunal le verra, les Allemands occupèrent toute la Tchécoslovaquie au mois de mars, ils ne firent aucune pression, mais dès que le territoire des Sudètes fut entre leurs mains, ils prirent des mesures préliminaires pour organiser en Pologne des troubles qui leur permettraient de disposer d’excuses ou de prétendues justifications de leur attaque contre le pays.

Si le Tribunal veut bien passer à la troisième partie…

LE PRÉSIDENT

Je pense qu’il est temps de suspendre jusqu’à demain 10 heures.

(L’audience sera reprise le 6 décembre 1945 à 10 heures.)