QUINZIÈME JOURNÉE.
Vendredi 7 décembre 1945.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Hier après-midi au moment où le Tribunal a suspendu l’audience, je traitais de la phase norvégienne du complot nazi mettant en cause les accusés Raeder et Rosenberg. Le Tribunal se souviendra que j’ai déposé comme preuve le document C-65, rapport adressé par l’accusé Rosenberg à Raeder et concernant Quisling, qui se termine par ces infâmes paroles : « Quisling donne l’effectif des troupes allemandes nécessaires, qui est conforme aux prévisions allemandes ».
Le Tribunal a déjà reçu comme preuve et a entendu des parties importantes du document C-66, rapport de Raeder adressé à l’amiral Assmann, renseignant sur la rencontre de l’accusé Raeder avec Quisling et Hagelin en décembre 1939.
J’invite maintenant le Tribunal à prendre connaissance du document C-64 déposé sous le nº GB-86. Le Tribunal observera qu’il s’agit là d’un rapport de Raeder sur la réunion de l’État-Major de la Marine à laquelle assistait Hitler, et qui eut lieu le 12 décembre 1939, à midi, en présence des accusés Keitel et Jodl ainsi que de Puttkammer qui, à l’époque, était aide de camp du Führer.
Le rapport porte comme titre : « Question norvégienne » ; la première phrase dit :
« Le Commandant en chef de la Marine » – qui était naturellement Raeder – « a reçu Quisling et Hagelin. Quisling donne l’impression d’être digne de confiance. »
Dans les deux paragraphes qui viennent, suit l’exposé des opinions de Quisling, opinions qui sont désormais connues du Tribunal, puisque j’ai lu hier des extraits du document PS-007 ; j’attire l’attention du Tribunal sur le quatrième paragraphe du document C-64 qui commence par ces mots :
« Le Führer voulait parler à Quisling personnellement afin de pouvoir se faire une opinion sur lui et une fois encore voir Rosenberg au préalable, car ce dernier connaissait Quisling depuis longtemps. Le Commandant en chef de la Marine (c’est-à-dire Raeder) suggère, au cas où le Führer se ferait une opinion favorable, de donner à l’OKW l’autorisation d’élaborer des plans avec Quisling pour la préparation de l’occupation :
« a) Par des moyens pacifiques : la Norvège fait appel aux Forces allemandes, ou
« b) Exécution par la force après entente. »
Raeder présenta ce rapport à Hitler au cours de la réunion du 12 décembre.
Si le Tribunal veut bien se reporter au document C-66, qui est le rapport de Raeder destiné à un but historique, il remarquera à la deuxième page, dans la dernière phrase du deuxième paragraphe, section « B- Weser Übung », ces mots :
« … C’est ainsi que nous entrâmes en contact avec Quisling et Hagelin qui vinrent à Berlin au début de décembre et furent présentés au Führer, par mes soins, après approbation du Reichsleiter Rosenberg. »
Le Tribunal remarquera ensuite une note au bas de la page :
« Au moment crucial, R… (vraisemblablement Rosenberg) se blessa au pied, et je lui rendis visite chez lui, le 14 décembre au matin. »
C’est là, naturellement, une note de Raeder qui montre l’importance du rôle qu’il joua dans le complot.
Le rapport continue :
« Sur la base de la discussion du Führer avec Quisling et Hagelin, l’après-midi du 14 décembre 1939, le Führer ordonna que les préparatifs de l’opération contre la Norvège soient entrepris par le Commandement suprême des Forces armées :
« Jusqu’à ce moment, l’État-Major de la Marine n’avait pas participé au développement de l’affaire norvégienne, et était toujours resté sceptique sur son résultat. Les préparatifs qui furent entrepris par le capitaine Krancke au Commandement suprême des Forces armées, étaient basés, cependant, sur un mémorandum de l’État-Major de la Marine. »
Le Tribunal estimera certainement à sa juste valeur la note de l’accusé Raeder concernant ce « moment crucial », car elle montre que ce jour-là, 14 décembre, Hitler ordonna au Commandement suprême des Forces armées d’entreprendre des préparatifs contre la Norvège.
Si le Tribunal veut bien se référer maintenant au document PS-007 qui figure plus loin dans le livre de documents, et qui, le Tribunal s’en souviendra, est le rapport de Rosenberg sur l’activité de son organisation (il figure après la série de documents « D »), il verra dans les dix dernières lignes de l’annexe 1 traitant de la Norvège, qu’il y eut encore des réunions entre Quisling et les chefs nazis en décembre. Je lis maintenant ce passage :
« Comme résultat de ces démarches Quisling obtint une audience personnelle du Führer le 16 décembre, et une autre fois, le 18 décembre. Au cours de cette dernière audience, le Führer insista à plusieurs reprises sur le fait que lui, personnellement, préférerait voir la Norvège et la Scandinavie tout entière adopter une attitude de neutralité complète. Il n’avait pas, ajouta-t-il, l’intention d’élargir le théâtre de la guerre, et d’attirer encore d’autres nations dans le conflit. »
Comme je l’ai dit au début de la présentation de cette partie de l’exposé, voilà un cas où il fallut faire pression sur Hitler pour l’entraîner à participer à ces opérations.
Et le rapport continue :
« Si l’ennemi devait tenter d’étendre la guerre, dans le but de poursuivre l’encerclement et l’intimidation du Grand Reich allemand, celui-ci devrait se garder lui-même contre une entreprise de ce genre. Afin de contrebalancer l’activité accrue des propagandes ennemies, le Führer promit à Quisling de financer son mouvement, qui s’inspirait de l’idéologie de la Plus Grande Allemagne. Le côté militaire de cette entreprise fut confié à l’État-Major militaire spécial qui chargea Quisling de missions spéciales. Le Reichsleiter Rosenberg devait s’occuper de l’aspect politique. C’est le ministère des Affaires étrangères, c’est-à-dire les services de Ribbentrop, qui devait fournir les fonds nécessaires ; le ministre des Affaires étrangères, c’est-à-dire Ribbentrop, recevant des informations constantes du bureau des Affaires étrangères, c’est-à-dire de l’organisation Rosenberg.
« Le chef de section Scheidt était chargé de maintenir la liaison avec Quisling. Au cours de l’évolution ultérieure, il fut nommé adjoint de l’attaché naval à Oslo… Des ordres furent donnés pour que tout ceci soit entouré du secret le plus absolu. »
Et là encore, le Tribunal remarquera les rapports étroits existant entre Quisling et les politiciens nazis, ainsi qu’avec les chefs de service nazis.
Les informations que possède le Ministère Public sur les événements de janvier 1940 ne sont pas complètes, mais le Tribunal se rendra compte que les activités de Rosenberg et de Raeder portèrent leurs fruits. Je vous invite à considérer une lettre de Keitel, document C-63 déposé sous le nº GB-87. Le Tribunal verra que c’est un ordre – un mémorandum – signé Keitel et daté du 27 janvier 1940. Il porte la mention « Secret absolu », cinq copies, référence : Étude « N », ce qui était encore un mot-code désignant les préparatifs de l’opération « Weser Übung ». – « À ne transmettre que par officier ».
Il porte en tête une note indiquant que « le Commandant en chef de la Marine » – c’est-à-dire l’accusé Raeder – « possède un rapport sur la question. »
Et voici le texte :
« Le Führer et Commandant suprême des Forces armées désire que l’étude « N » soit poursuivie sous ma surveillance directe et personnelle, en liaison très étroite avec la politique générale de guerre. Pour ces raisons le Führer m’a chargé de diriger les préparatifs ultérieurs.
« Dans ce but, un État-Major de travail a été formé auprès du Quartier Général du Commandement suprême des Forces armées. Il sera le noyau du futur État-Major d’opérations. »
Puis, à la fin du mémorandum :
« Désormais, tous les plans porteront le titre de “Weser Übung” ».
J’aimerais attirer respectueusement l’attention du Tribunal sur l’importance de ce document, sur la signature de Keitel qui y figure et la date à laquelle cette décision fut prise.
Avant cette date, 27 janvier 1940, les divers préparatifs de l’invasion du Danemark et de la Norvège avaient été confiés à un groupe relativement restreint qui devait persuader Hitler qu’il était désirable d’entreprendre cette opération contre la Norvège. Les directives de Keitel, données le 27 janvier 1940 établissent que le Commandement suprême des Forces armées, c’est-à-dire l’OKW, avait accepté l’aventure norvégienne présentée par le groupe partisan ; elles établissent aussi que le Commandement suprême employait les ressources combinées de la machine de guerre allemande pour l’élaboration de plans précis et suivis pour l’opération. Le Tribunal observera qu’à partir de janvier, les plans d’opérations pour l’invasion de la Norvège et du Danemark se déroulèrent normalement.
J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur certains passages du journal de l’accusé Jodl qui font ressortir le progrès des préparatifs. C’est le document PS-1809 qui apparaîtra dans le procès-verbal sous le nº GB-88. C’est, le Tribunal le verra, le dernier texte du livre de documents. Il y a une certaine confusion dans l’ordre des notes inscrites dans ce journal, car les trois premières pages relatent des faits qui seront examinés dans une autre partie de l’exposé. Mais j’invite le Tribunal à se reporter au bas de la page 3 de ces extraits du journal de Jodl. La note qui suit le titre : 6 février 1940 débute ainsi :
« Idée nouvelle : exécuter uniquement “H” et l’“Exercice Weser” et garantir la neutralité de la Belgique pour la durée de la guerre. »
J’aimerais répéter, si vous me le permettez :
« Idée nouvelle : exécuter uniquement “H” et l’“Exercice Weser” et garantir la neutralité de la Belgique pour la durée de la guerre. »
J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur les notes du 21 février.
Que signifie « Exécuter “H” » ?
C’est là une référence à un autre mot-code « Hartmut » dont la signification sera donnée plus tard, dans un autre document. C’est un autre mot-code pour cette opération danoise et norvégienne.
Les notes datées du 21 février, dans le journal de Jodl, débutent ainsi :
« Le Führer a conféré avec le général von Falkenhorst et l’a chargé de préparer l’“Exercice Weser”. Falkenhorst accepte volontiers. Des instructions ont été données aux trois sections des Forces armées. »
Voici la page suivante…
Est-ce que l’« Exercice Weser » concerne aussi la Norvège ?
Oui, Monsieur le Président, cela concerne aussi la Norvège, c’est la traduction de Weser Übung.
Voici la page suivante, datée du 28 février :
« Je propose d’abord au chef de l’OKW et ensuite au Führer que le “Cas Jaune” », et le Tribunal sait que c’est là le mot-code désignant l’invasion des Pays-Bas, « et l’“Exercice Weser” », désignant l’invasion de la Norvège et du Danemark, « soient préparés de façon à ce qu’ils soient indépendants l’un de l’autre, quant à la date et aux effectifs employés. Le Führer est tout à fait d’accord si la chose est possible. »
Le Tribunal observera que le nouveau projet du 6 février, de respecter la neutralité de la Belgique avait été abandonné le 28 février. Je citerai maintenant les notes du 29 février – je ne veux pas importuner le Tribunal avec celles du 28 février qui se rapportent aux effectifs à engager en Norvège et au Danemark – notes du 29 février, deuxième paragraphe :
« Le Führer désire également avoir des forces importantes à Copenhague et veut un plan détaillé de saisie des batteries côtières individuelles par les troupes d’assaut. Warlimont, chef de la Landesverteidigung, a reçu des instructions concernant la transmission immédiate de l’ordre à la Marine, l’Armée et l’Aviation, ainsi qu’au chef de WZ, et la transmission d’un ordre similaire concernant le renforcement de l’État-Major. »
Je laisserai de côté pour le moment le journal de Jodl et j’attirerai l’attention du Tribunal sur l’important document C-174 qui sera déposé sous le nº GB-89. Le Tribunal constatera que ce sont les ordres d’opération de Hitler complétant les préparatifs d’invasion du Danemark et de la Norvège. Il porte la date du 1er mars 1940 et a pour titre :
« Le Führer et Commandant suprême des Forces armées. – Secret absolu.
« Directive pour le Fall Weser Übung.
« Le développement de la situation en Scandinavie exige que tous les préparatifs soient faits pour l’occupation du Danemark et de la Norvège par une partie des Forces armées allemandes – “Fall Weser Übung” – Cette opération doit empêcher l’intervention britannique en Scandinavie et dans la Baltique ; en outre, elle garantira notre base de minerai en Suède et donnera à notre Marine et à notre Aviation une base de départ plus importante contre la Grande-Bretagne. »
La deuxième partie du paragraphe 1 :
« Étant donné notre puissance militaire et politique, comparée à celle des États scandinaves, les effectifs employés dans le “Fall Weser Übung” seront aussi réduits que possible. La faiblesse numérique sera contrebalancée par une action audacieuse et une exécution par surprise. En principe, nous ferons de notre mieux pour que l’opération ait l’aspect d’une occupation pacifique dont le but serait la protection par des moyens militaires de la neutralité des États scandinaves. Les exigences correspondantes seront transmises aux Gouvernements au début de l’occupation. Si c’est nécessaire, nous ferons exécuter des démonstrations par les Forces navales et aériennes. Si, malgré tout, une résistance se manifeste, tous les moyens militaires seront utilisés pour l’écraser. »
Suit, dans le paragraphe 2, à la page suivante :
« Je charge des préparatifs et de la conduite des opérations contre le Danemark et la Norvège le général von Falkenhorst, commandant le XXIe Corps d’armée. »
Paragraphe 3 :
« La traversée de la frontière danoise et les opérations de débarquement en Norvège, doivent avoir lieu simultanément. J’insiste sur le fait que les opérations doivent être préparées aussi rapidement que possible. Au cas où l’ennemi prendrait l’initiative des opérations contre la Norvège, nous devons être capables de répliquer immédiatement par nos propres mesures.
« Il est très important que les États scandinaves, aussi bien que nos adversaires de l’Ouest, soient surpris par nos mesures. Tous les préparatifs, particulièrement ceux qui concernent le transport et l’état de préparation des troupes, le recrutement et l’embarquement des troupes, doivent être faits en tenant compte de ce facteur.
« Au cas où les préparatifs d’embarquement ne pourraient plus être tenus secrets, les chefs et les troupes ennemis seront trompés par de faux objectifs. »
Et ensuite, paragraphe 4 de la page suivante :
« L’occupation du Danemark sous le nom de “Weser Übung Süd”.
« Tâche du Groupe XXI : occupation par surprise du Jutland et de la Fionie, immédiatement après l’occupation de Seeland.
« En plus, s’étant assuré les positions les plus importantes, le Groupe s’avancera aussi vite que possible de Fionie jusqu’à Skagen et vers la côte Est. »
Suivent d’autres instructions concernant les opérations.
Paragraphe 5 : « Occupation de la Norvège : Weser Übung Nord ».
« Tâche assignée au Groupe XXI : s’emparer par surprise des positions les plus importantes sur la côte, par mer et par troupes aéroportées.
« La Marine s’occupera de la préparation et de l’exécution des transports par mer des troupes de débarquement. »
L’ordre se préoccupe maintenant du rôle de l’Aviation et j’aimerais attirer l’attention du Tribunal sur cette remarque ; c’est le paragraphe 5, de la page 3 de l’ordre de Hitler :
« Lorsque l’occupation sera totale, l’Aviation assurera la défense aérienne et utilisera les bases norvégiennes pour la conduite de la guerre aérienne contre la Grande-Bretagne. »
Je souligne ce passage dès ce moment, car je reviendrai encore sur ce point à propos d’un autre document.
Pendant que ces préparatifs se poursuivaient et juste avant la décision finale de Hitler…
Avez-vous parlé des initiales figurant à la première page de ce document : celles de l’accusé Frick ?
Ce sont les initiales de Fricke, mais il n’a aucun rapport avec l’accusé Frick. C’est un haut fonctionnaire de l’Amirauté allemande qui n’a aucune relation avec l’accusé qui est devant le Tribunal.
Comme je le disais, Monsieur le Président, pendant que ces décisions étaient prises, l’organisation de Rosenberg recevait des rapports de Quisling, et si le Tribunal veut bien reprendre, pour la dernière fois, le document PS-007 qui est le rapport de Rosenberg, il remarquera quels renseignements l’organisation de Rosenberg fournissait à cette époque. Le troisième paragraphe, « Rapport de Quisling » – Annexe 1, page 2, dans le rapport Rosenberg qui traite de la Norvège – commence ainsi :
« Les rapports de Quisling transmis à son représentant en Allemagne, Hagelin, sur la possibilité d’une intervention des Puissances occidentales en Norvège avec le consentement tacite du Gouvernement norvégien, devinrent plus pressants en janvier. Ces communications de plus en plus substantielles étaient en contraste absolu avec l’opinion de la Légation allemande à Oslo, qui se basait sur le désir de neutralité du Gouvernement norvégien d’alors, le cabinet Nygardsvold, et, qui était convaincue des intentions de ce Gouvernement et de sa décision de défendre la neutralité de son pays. Personne en Norvège ne savait que le représentant de Quisling en Allemagne maintenait des relations étroites avec lui ; par conséquent, il réussit à prendre pied dans les cercles gouvernementaux du cabinet Nygardsvold et à connaître ainsi les véritables intentions des membres du cabinet. Hagelin transmit ce qu’il avait entendu à ce sujet au “Bureau de Rosenberg” qui fit parvenir ces nouvelles au Führer par l’intermédiaire du Reichsleiter Rosenberg. Pendant la nuit du 16 au 17 février, des destroyers anglais attaquèrent le vapeur allemand Altmark dans le Joessingfjord. »
Le Tribunal se souviendra de la mention faite ici de l’action du destroyer anglais Cossack contre le vaisseau de la Marine auxiliaire allemande Altmark qui transportait vers l’Allemagne 300 prisonniers anglais capturés en haute mer, et traversait les eaux territoriales norvégiennes. L’opinion de la Délégation britannique en ce qui concerne cet épisode est que le fait pour le vapeur Altmark de traverser les eaux territoriales norvégiennes constituait en soi une violation flagrante de la neutralité norvégienne, et l’action du navire de Sa Majesté Cossack qui devait simplement sauver 300 prisonniers anglais à bord – aucune tentative n’étant faite pour détruire l’Altmark ou s’emparer de l’équipage – était absolument conforme au Droit international.
Le rapport de Rosenberg, dont j’ai interrompu la lecture pour exposer le point de vue britannique en ce qui concerne l’affaire de l’Altmark, continue :
« L’attitude du Gouvernement norvégien devant cette question permettait de supposer que certains accords entre le Gouvernement norvégien et les Alliés avaient été conclus secrètement. Cette supposition fut confirmée par les rapports du chef de section. Scheidt qui, de son côté tirait son information de Hagelin et de Quisling. Même après cet incident, la Légation allemande à Oslo soutenait le point de vue contraire et continuait à croire, d’après ces rapports, aux bonnes intentions des Norvégiens. »
Le Tribunal verra que le Gouvernement nazi préférait les rapports du traître Quisling au jugement sensé des diplomates allemands en Norvège. Le résultat de la réception de rapports de cette sorte fut la décision de Hitler d’envahir la Norvège et le Danemark. Les détails les plus importants des préparatifs de l’invasion se trouvent à nouveau dans le journal de Jodl qui est le dernier dans ce livre de documents.
J’attire l’attention du Tribunal sur ce qui fut inscrit le 3 mars :
« Le Führer s’exprime de façon très nette sur la nécessité d’une entrée rapide et en force en “N” qui est la Norvège.
« Aucun délai de la part d’une section quelconque des Forces armées. Accélération urgente de l’attaque est nécessaire. »
Et ensuite dernière note prise le 3 mars :
« Le Führer décide d’exécuter l’“Exercice Weser” quelques jours avant le “Cas Jaune”. »
De sorte que l’importante décision de stratégie qui tracassait depuis un certain temps le Commandement allemand avait été prise à ce moment, et le destin de la Scandinavie devait être scellé avant celui des Pays-Bas. Le Tribunal observera, d’après ces notes du 3 mars, qu’à dater de ce jour, Hitler s’était converti avec enthousiasme à l’idée d’une agression contre la Norvège.
Dans le journal de Jodl, le 5 mars, figurent les notes suivantes :
« Grande conférence avec les trois Commandants en chef au sujet de l’“Exercice Weser”. Le Feldmarschall est furieux parce qu’il n’a pas été consulté jusqu’à présent. Il ne veut écouter personne et insiste pour montrer que tous les préparatifs faits jusqu’à maintenant sont sans valeur.
« Résultat :
« a) Forces supérieures à Narvik ;
« b) La Marine doit laisser des bateaux dans les ports (Hipper ou Lützow à Trondheim) ;
« c) Christiansand peut être laissé de côté tout d’abord ;
« d) Six divisions envisagées pour la Norvège ;
« e) Prendre pied immédiatement à Copenhague aussi. »
Je désire maintenant porter à l’attention du Tribunal les notes datées du 13 mars, que le Tribunal peut tenir pour un des points les plus intéressants de toute la documentation sur cette affaire.
« Le Führer n’a pas encore donné d’ordres pour le “Weser Übung”. Il cherche encore une justification. »
Ce qui fut noté le jour suivant, 14 mars, montre une préoccupation semblable de la part de Hitler, cherchant une justification pour cette flagrante agression. On y lit :
« Les Anglais surveillent de près la Mer du Nord, avec quinze ou seize sous-marins et on ne sait trop s’ils protègent leurs propres opérations ou empêchent des opérations de la part des Allemands. Le Führer n’a pas encore décidé quel prétexte on donnerait à l’“Exercice Weser”. »
J’aimerais inviter le Tribunal à examiner ensuite les notes du 21 mars, lesquelles par inadvertance ont été incluses au bas de la page 6, à la page suivante :
« Hésitations du XXIe Corps d’armée… »
D’après les documents que j’ai déposés, le Tribunal a vu que le XXIe Corps d’armée était commandé par Falkenhorst, désigné pour diriger cette invasion.
« Hésitations du XXIe Corps d’armée au sujet du grand intervalle entre la prise des positions de départ à 5 h. 30 et la rupture des négociations diplomatiques. Le Führer repousse toute négociation préalable pour éviter une demande d’assistance à l’Angleterre et à l’Amérique. S’il y a une résistance quelconque, elle doit être brisée sans pitié. Les plénipotentiaires politiques doivent insister sur les mesures militaires prévues, et même en exagérer l’importance. »
Tout commentaire me semble inutile. Voici la suite, page 5, notes du 28 mars, troisième phrase :
« Les officiers de Marine, individuellement, semblent peu enthousiastes à l’égard de l’“Exercice Weser” et ont besoin d’un stimulant. De même Falkenhorst et les trois autres commandants sont soucieux de problèmes qui ne les concernent pas. Krancke voit plus de désavantages que d’avantages. Au cours de la soirée, le Führer visite la salle de cartes et déclare franchement qu’il ne tolérera pas que la Marine sorte des ports norvégiens tout de suite. Narvik, Trondheim et Oslo devront rester occupés par les Forces navales. »
Le Tribunal observera que Jodl, ici comme toujours, agit comme collaborateur fidèle de Hitler.
Puis le 2 avril :
« 15 h. 30. Les Commandants en chef de la Marine et de l’Aviation et le général von Falkenhorst confèrent avec le Führer. Tous confirment que les préparatifs sont achevés. Le Führer donne des ordres pour l’exécution du Weser Übung le 9 avril. »
Enfin les dernières notes de la page suivante, du 4 avril :
« Le Führer prépare les proclamations. Pieckenbrock, chef du service militaire de renseignements revient avec de bons résultats de ses conversations avec Quisling à Copenhague. »
Jusqu’à la dernière minute la trahison de Quisling était des plus actives.
Le Ministère Public a en sa possession quantité d’ordres d’opérations relatifs à l’agression contre la Norvège et le Danemark. J’ai l’intention d’attirer l’attention du Tribunal sur deux de ces ordres seulement, montrant l’étendue du secret et la duperie dont ont fait preuve les accusés et leurs complices au cours de cette agression. J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur le document C-115 qui est déposé sous le nº GB-90. J’attire tout d’abord l’attention du Tribunal sur le deuxième paragraphe : « Ordres généraux », datés du 4 avril 1940.
« Les “Sperrbrecher”, navires chargés de briser le barrage et camouflés en bateaux de commerce, pénétreront sans attirer l’attention et avec leurs feux de position dans le fjord d’Oslo. À tout appel des stations côtières et des vedettes de surveillance, on répondra en donnant des noms de vapeurs anglais. J’insiste particulièrement sur l’importance qu’il y a à ne pas signaler les opérations avant l’heure “H”. »
Dans la note suivante, on trouve un ordre destiné aux patrouilles de reconnaissance, daté du 24 mars 1940 : « Attitude pendant l’entrée dans le port. » Je désire attirer l’attention du Tribunal sur le paragraphe 3 :
« II faudra, aussi longtemps que possible, s’en tenir à ce camouflage en navires anglais. On répondra en anglais à tous les appels en morse des navires norvégiens. En réponse aux questions, le texte suivant ou approchant sera choisi :
« Brève visite à Bergen – pas d’intentions hostiles.
« Les appels recevront comme réponse des noms de navires de guerre britanniques :
« Köln.......................H. M. S Cairo.
« Königsberg.............H. M. S Calcutta.
« Bremse...................H. M. S Faulkner.
« Karl Peters.............H. M. S Halcyon.
« Leopard..................British Destroyer.
« Wolf.......................British Destroyer.
« S. Boote..................Vedettes lance-torpilles britanniques.
« Des dispositions doivent être prises afin que les pavillons de guerre britanniques puissent être éclairés. Se tenir continuellement prêt à répandre un écran de fumée. »
Puis, enfin l’ordre suivant, en date du 24 mars 1940, annexe 3 : « Du Commandant en chef des Forces de reconnaissance. Très secret. » La page suivante, page 2 :
« Ce qui suit doit être considéré comme directive si l’une de nos unités se trouvait forcée à répondre aux appels des vaisseaux qui croisent dans les parages.
« Au cas où le Köln serait interpellé, répondre : H. M. S Cairo.
« Si on donne l’ordre d’arrêter :
« a) S’il vous plaît, répétez dernier signal.
« b) Impossible de comprendre votre signal.
« En cas de coup de feu d’avertissement : cessez le feu. Navire britannique. Bon ami.
« En cas d’une demande quant à la destination et au but : nous nous rendons à Bergen. Poursuivons les vapeurs allemands. »
Et enfin, j’attire l’attention du Tribunal sur le document C-151 qui portera le nº GB-91 et qui est un ordre de Dönitz afférent à cette opération. Le Tribunal voudra bien observer qu’il porte la mention : « Secret absolu. Ordre d’opérations “Hartmut”. » Occupation du Danemark et de la Norvège. Cet ordre prendra effet quand sera prononcé le nom « Hartmut ». À ce moment, les ordres valables précédemment pour les autres navires ne le sont plus.
« Le jour et l’heure sont désignés comme “Jour Weser” et “Heure Weser”, toute l’opération est connue sous la désignation “Weser Übung” (Exercice Weser).
« L’opération ordonnée par ce mot chiffré a comme objectif un débarquement rapide, par surprise, en Norvège. Simultanément le Danemark sera occupé du côté de la Baltique et par terre. »
Il y a à la fin de ce paragraphe une autre contribution de Dönitz à cette machination : « Les forces navales, en entrant dans le port, battront pavillon britannique jusqu’à ce que les troupes aient débarqué, sauf peut-être à Narvik. »
Le Tribunal sait maintenant, car c’est déjà un fait historique, que le 9 avril 1940, les nazis attaquèrent la Norvège et le Danemark qui ne soupçonnaient rien et qui étaient absolument désarmés. L’invasion déjà commencée, un mémorandum allemand fut remis aux Gouvernements de la Norvège et du Danemark pour essayer de justifier l’action allemande. J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur le document TC-55, nº GB-92. Il se trouve au début du livre : le sixième du livre. Je ne me propose pas de lire intégralement ce mémorandum. Il est certain que les avocats des accusés reprendront certaines parties qui leur paraîtront intéressantes pour la cause qu’ils défendent, mais le Tribunal observera qu’on y prétend que l’Angleterre et la France se sont rendues coupables, dans leurs méthodes de guerre navale, d’infractions au Droit international, et que la Grande-Bretagne et la France elles-mêmes faisaient des plans pour envahir la Norvège et l’occuper, et de plus, que le Gouvernement de la Norvège était disposé à approuver une telle situation.
Le mémorandum expose, et j’attire l’attention du Tribunal sur la page 3, le paragraphe se trouvant juste au milieu de la page commençant par : « Les troupes allemandes par conséquent, ne prennent pas pied sur le sol norvégien en tant que troupes ennemies. Le Haut Commandement allemand n’a pas l’intention d’utiliser les points occupés par les troupes allemandes, comme bases d’opérations contre l’Angleterre, aussi longtemps qu’il n’y sera pas forcé par les mesures prises par l’Angleterre et la France. Les opérations militaires allemandes ont davantage comme but exclusif de protéger le Nord contre l’occupation prévue par les Forces anglo-françaises des points fortifiés norvégiens. »
En rapport avec cette déclaration, je voudrais rappeler au Tribunal que dans son ordre d’opération du 1er mars, Hitler avait déjà donné l’ordre aux Forces aériennes d’utiliser les bases norvégiennes pour la guerre contre l’Angleterre, ceci à la date du 1er mars. Et ceci est le mémorandum qui fut remis en guise d’excuse le 9 avril. Les deux derniers paragraphes du mémorandum allemand à la Norvège et au Danemark, le Tribunal s’en doute, sont une combinaison dont les nazis sont coutumiers : diplomatie hypocrite et menace d’emploi de la force. En voici le texte :
« Le Gouvernement du Reich s’attend donc à ce que le Gouvernement royal norvégien et le peuple norvégien répondent avec compréhension aux mesures allemandes, et n’y offrent aucune résistance. Toute résistance devrait être et sera brisée par tous les moyens possibles par les Forces allemandes, et par conséquent ne conduirait qu’à une effusion de sang absolument inutile. Le Gouvernement royal de Norvège est par conséquent prié de prendre toutes les mesures, avec la plus grande rapidité, pour s’assurer que l’avance des troupes allemandes puisse avoir lieu sans friction et sans difficultés. Étant donné les bonnes relations existant depuis toujours entre l’Allemagne et la Norvège, le Gouvernement du Reich déclare au Gouvernement royal de Norvège que l’Allemagne n’a aucune intention de violer par ces mesures l’intégrité territoriale et l’indépendance politique du Royaume de Norvège, ni maintenant ni dans l’avenir. »
Ce que les nazis entendaient par protection du Royaume de Norvège, on le vit le 9 avril.
J’attire maintenant l’attention du Tribunal sur le document TC-56 qui sera le nº GB-93 et qui est un rapport du Commandant en chef des Forces royales norvégiennes. Il se trouve au début du livre de documents, le dernier des documents TC.
Je n’importunerai pas le Tribunal avec la première page de ce rapport, mais s’il veut bien se référer à la deuxième, on y lit :
« Les Allemands, considérant la longueur des voies de communication et la menace que représentait la marine britannique, comprirent clairement la nécessité d’attaquer par surprise et avec rapidité. Afin de paralyser la volonté du peuple norvégien de défendre son pays et d’empêcher en même temps une intervention alliée, ils ont prévu la conquête simultanée de toutes les villes importantes de la côte. Les membres du Gouvernement et du Parlement, et les autres personnalités militaires et civiles détenant des postes importants, devaient être arrêtés avant qu’une résistance organisée ait pu être mise sur pied, et le Roi devait être forcé de former un nouveau cabinet avec Quisling comme chef. »
Le paragraphe suivant a déjà été lu par l’Avocat Général britannique dans son discours, et je mentionnerai simplement l’avant-dernier paragraphe :
« L’attaque allemande vint par surprise et, conformément aux prévisions, toutes les villes envahies le long de la côte furent conquises avec des pertes très légères. Dans le fjord d’Oslo, toutefois, le croiseur Blücher à bord duquel se trouvaient le général Engelbrecht et une partie de sa division, l’État-Major technique et les spécialistes qui devaient assurer le contrôle d’Oslo, fut coulé. Le projet de s’emparer du Roi, des membres du Gouvernement et du Parlement, échoua. En dépit de la surprise de l’attaque, la résistance fut organisée d’un bout à l’autre du pays. »
C’est là un bref aperçu des événements en Norvège.
Ce qui se passa au Danemark est exposé dans un mémorandum préparé par le Gouvernement royal danois, dont une copie a été déposée sous la cote GB-94 et dont un extrait figure dans le document D-628 qui suit les documents TC.
« Extraits du mémorandum concernant l’attitude de l’Allemagne à l’égard du Danemark – avant et pendant l’occupation – préparé par le Gouvernement royal du Danemark.
« Le 9 avril 1940, à 4 h. 20 du matin, le Ministre allemand se présenta à la résidence privée du ministre des Affaires étrangères danois, accompagné de l’attaché de l’Air de la Légation. Le rendez-vous avait été fixé par un appel téléphonique de la Légation allemande au Secrétariat général du ministère des Affaires étrangères à 4 heures ce même matin. Le Ministre dit immédiatement que l’Allemagne avait des preuves irréfutables des intentions anglaises d’occuper des bases au Danemark et en Norvège. L’Allemagne devait protéger le Danemark contre cette éventualité. C’est pour cela que les soldats allemands franchissaient la frontière et prenaient pied dans divers points de la Zélande, y compris le port de Copenhague ; dans peu de temps des bombardiers allemands survoleraient Copenhague ; ils avaient l’ordre de ne pas bombarder jusqu’à ce qu’ils reçoivent d’autres directives. Il appartenait désormais aux Danois d’empêcher toute résistance car elle entraînerait les plus terribles conséquences. L’Allemagne s’engageait à garantir l’intégrité territoriale du Danemark et son indépendance politique. Elle n’interviendrait pas dans les affaires intérieures, mais voulait s’assurer de la neutralité du pays. C’est dans ce but que la présence de la Wehrmacht au Danemark pendant la guerre était nécessaire.
« Le ministre des Affaires étrangères déclara dans sa réponse que l’allégation concernant les plans britanniques d’occuper le Danemark était complètement dénuée de fondement ; il n’y avait aucune semblable probabilité. Le ministre des Affaires étrangères protesta en outre contre la violation de la neutralité du Danemark qui, d’après la déclaration du ministre allemand, était en cours. Il déclarait de plus, qu’il ne pouvait donner une réponse aux exigences qui devaient être soumises au Roi et au Premier Ministre et observa en outre que l’ambassadeur allemand savait, comme tout le monde, que les Forces armées danoises avaient l’ordre de s’opposer à toute violation de la neutralité danoise ; de sorte que vraisemblablement, des combats étaient déjà en cours. En réponse, l’ambassadeur allemand déclara que la question était très urgente et qu’il fallait au moins éviter les bombardements aériens. »
Ce qui se produisit par la suite est décrit dans une dépêche de l’ambassadeur britannique à Copenhague au ministère des Affaires étrangères britannique. Le Tribunal la trouvera dans le document D-627, précédant celui que je viens de lire. Ce document sera déposé sous le nº GB-95.
Cette dépêche dit :
« Les événements qui se déroulèrent le 9 avril ont été reconstitués par les membres de mon personnel d’après les déclarations des témoins oculaires et d’après des informations dignes de foi, reçues ultérieurement et exposées plus bas.
« Au début de la matinée, vers 5 heures, trois petits transports allemands entrèrent dans le port de Copenhague, pendant qu’une quantité d’avions les survolaient. La batterie nord qui gardait l’entrée du port envoya un coup d’avertissement aux avions, lorsqu’on s’aperçut qu’ils portaient des cocardes allemandes. À part ceci, les Danois n’offrirent aucune autre résistance et les navires allemands jetèrent l’ancre le long des quais dans le port libre. Certains de ces avions jetèrent ensuite des tracts sur la ville, engageant la population à rester et à collaborer avec les Allemands. Ci-joint vous trouverez un spécimen de ces tracts écrit dans un jargon norvégien-danois, mépris du détail assez curieux de la part des Allemands.
« 800 soldats environ débarquèrent, complètement équipés et marchèrent sur Kastellet, la vieille forteresse de Copenhague qui est maintenant une caserne. La porte était cadenassée, les Allemands la firent sauter avec des explosifs et encerclèrent tous les soldats danois qui se trouvaient à l’intérieur avec les femmes qui travaillaient au mess. La garnison n’offrit aucune résistance et il semble qu’ils furent pris complètement par surprise. Un officier essaya de s’enfuir dans une auto, mais son chauffeur fut atteint par une balle avant qu’ils n’aient pu partir et mourut deux jours après à l’hôpital. Après s’être emparé des casernes, un des détachements fut envoyé au palais du Roi à Amalienborg où il attaqua les sentinelles danoises de garde, en blessant trois, dont l’une mortellement… Pendant ce temps, une escadrille importante de bombardiers survolait la ville à basse altitude. »
Voici le dernier paragraphe du télégramme :
« Il a été difficile de vérifier exactement ce qui s’est passé au Jutland… Il est clair, cependant que l’ennemi envahit le Jutland par le sud, à l’aube du 9 avril et rencontra tout d’abord une résistance des Forces danoises qui subirent quelques pertes… Les possibilités de résistance furent diminuées par l’effet de surprise qui semble avoir été très grand. Le directeur de Cabinet du ministère de la Guerre, par exemple, vint en auto à Copenhague, le matin du 9 avril ; il passa allègrement devant une sentinelle qui l’interpella, ignorant totalement qu’elle ne faisait pas partie de ses propres hommes. Il fallut qu’une balle traversât les basques de son vêtement pour dissiper ses illusions. »
Le mémorandum allemand adressé aux Gouvernements danois et norvégien parlait du désir de l’Allemagne de maintenir l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de ces deux petits pays.
Je vais terminer en attirant l’attention du Tribunal sur deux documents qui indiquent quel genre d’intégrité territoriale et d’indépendance politique avaient envisagé les conspirateurs nazis pour les victimes de leur agression. J’attirerai d’abord l’attention du Tribunal sur un extrait du journal de Jodl qui est le dernier document de ce livre, à la dernière page ; la note est datée du 19 avril :
« Nouvelle crise. L’envoyé Brauer (c’est le ministre allemand en Norvège), est rappelé. Puisque la Norvège est en guerre avec nous, la tâche du ministère des Affaires étrangères est achevée. D’après l’opinion du Führer, il faut utiliser la force. On dit que le Gauleiter Terboven recevra un poste. Le Feldmarschall (terme qui vraisemblablement, d’après les autres extraits, désigne Göring) prend la même attitude. Il nous reproche de n’avoir pas pris de mesures suffisamment énergiques contre la population civile, de n’avoir pas pu nous emparer des centrales électriques et il regrette que la Marine ne nous ait pas fourni d’effectifs suffisants. L’Aviation ne peut pas tout faire. »
Le Tribunal verra, d’après cet extrait et la mention qui y est faite du Gauleiter Terboven, que dès le 19 avril le régime des Gauleiter avait remplacé celui du Gouvernement norvégien.
Le dernier document est le document C-41 qui sera le nº GB-96. C’est un mémorandum daté du 3 juin 1940, signé par Fricke (qui naturellement n’a aucun rapport avec l’accusé Frick). Fricke était à cette date, le chef de la division d’opérations de l’État-Major de la Marine qui était une position-clef au centre nerveux même des opérations navales allemandes. C’est pourquoi, comme le Tribunal l’a observé, il paraphait les documents navals importants.
Ce mémorandum, comme je l’ai dit, est daté du 3 juin 1940 et concerne les questions d’expansion et de bases territoriales.
« Ces problèmes sont d’un caractère essentiellement politique et posent des quantités de questions qu’il n’appartient pas à la Marine de résoudre, mais aussi ils affectent matériellement, selon la manière dont on les résoudra, les possibilités stratégiques qui s’offrent à nous à l’avenir.
« On sait fort bien, sans qu’il soit nécessaire de le mentionner encore, que la position actuelle de l’Allemagne dans les passes de la baie de Heligoland et dans la Baltique qui est bordée par toute une série d’États et soumise à leur influence, compromet l’avenir de la Plus Grande Allemagne. Si, de plus, on étend ces possibilités stratégiques jusqu’à mettre un terme à l’isolement géographique de l’Allemagne vis-à-vis des pays d’outre-mer, il faut alors, d’une façon ou d’une autre, mettre fin à cet état de choses à la fin de la guerre. La solution pourrait peut-être se trouver dans les possibilités suivantes :
« 1º Les territoires du Danemark, de la Norvège et du nord de la France acquis au cours de la guerre restent occupés et seront organisés de telle sorte que, dans l’avenir, on puisse les considérer comme des possessions allemandes.
« Cette solution sera souhaitable pour les régions où la sévérité de la décision fait et fera de l’effet sur l’ennemi et où une germanisation graduelle du territoire semble possible.
« 2º Saisir et détenir des régions qui n’ont aucune relation directe avec l’Allemagne proprement dite et qui, ainsi que dans la solution russe de Hangoe, forment enclave permanente dans un État ennemi. Des régions de ce genre pourraient être envisagées aux alentours de Brest et de Trondheim…
« 3º La puissance de la Plus Grande Allemagne dans les régions stratégiques acquises dans cette guerre devrait avoir pour conséquence une dépendance politique, économique et militaire totale vis-à-vis de l’Allemagne, des populations qui y vivent. Si les résultats suivants étaient obtenus : Si l’expansion était entreprise (sur une échelle que je décrirai plus tard) au moyen des mesures militaires d’occupation prises pendant la guerre, si les possibilités de résistance de la France (unité nationale, ressources minérales, industries, force armée) étaient tellement brisées qu’une renaissance puisse être considérée comme hors de question, si les petits États, tels que les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège étaient contraints d’accepter une dépendance vis-à-vis de nous qui nous permettrait en toutes circonstances et à tous moments de les réoccuper aisément, alors pratiquement, mais psychologiquement beaucoup plus encore, on obtiendrait le même résultat. »
Ensuite Fricke recommande :
« La solution exprimée au paragraphe 3 semble par conséquent la bonne, c’est-à-dire : écraser la France, occuper la Belgique, une partie de la France du Nord et de l’Est, permettre aux Pays-Bas, au Danemark et à la Norvège d’exister sur la base indiquée plus haut. »
Et enfin le paragraphe essentiel de ce rapport de Fricke est le suivant :
« Le temps montrera dans quelle mesure l’issue de la guerre avec l’Angleterre rend possible une extension de ces demandes. »
Le Ministère Public estime que ce document et d’autres qui ont déjà été lus et déposés dévoilent les prétentions des nazis. Ces documents révèlent la menace derrière la « bonne volonté » de Göring ; ils montrent la duplicité de la diplomatie de Ribbentrop, la réalité qui se cache derrière l’idéologie politique de trafiquants de la trahison comme Rosenberg et enfin et par-dessus tout, ils rendent méprisable le métier de Keitel et de Raeder.
Le Tribunal suspend l’audience.
Plaise au Tribunal. C’est à moi qu’est dévolue la tâche de présenter cette partie du chef d’accusation nº 2 qui traite des allégations concernant la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Les inculpations II, III, IV, IX, XI, XIII, XIV, XVIII, XIX et XXIII sont relatives aux violations de certains traités, de certaines conventions et de certaines assurances. En ce qui concerne les traités, une partie d’entre eux a déjà été déposée comme preuve et j’en parlerai quand le moment sera venu. Avant d’en venir aux détails, puis-je rappeler au Tribunal l’histoire de ces malheureux pays, la Belgique et la Hollande, spécialement la Belgique, qui depuis bien des siècles a toujours été le sujet de discorde en Europe ?
L’indépendance de la Belgique, le Tribunal s’en souviendra, fut garantie en 1839 par les grandes Puissances européennes ; cette garantie fut observée pendant soixante-quinze ans ; elle fut ensuite honteusement violée par les Allemands en 1914, ce qui déchaîna toutes les horreurs de la guerre en Belgique et les horreurs plus grandes encore de l’occupation allemande. L’Histoire devait se répéter d’une façon encore plus effroyable 25 ans après, en 1940, comme le Tribunal le sait déjà. Le premier traité mentionné dans ces accusations est la Convention de La Haye de 1907 qui a déjà été citée ici par Sir David. Il n’est pas nécessaire que je revienne sur ce sujet.
Le deuxième traité est la Convention de Locarno, la convention d’arbitrage et de conciliation signée en 1925 par l’Allemagne et la Belgique. Ceci a été également exposé par Sir David (GB-15). Inutile d’y revenir.
L’indépendance et la neutralité des Belges étaient garanties par l’Allemagne dans ce pacte.
Le traité suivant est la Convention d’arbitrage de La Haye de mai 1926, conclue entre l’Allemagne et les Pays-Bas. C’est un document qu’il faut absolument déposer, il se trouve dans le Reichsgesetzblatt que j’appellerai désormais « RGB » pour plus de rapidité et il sera vraisemblablement considéré comme document de notoriété publique. Mais mes documents sont classés dans l’ordre que j’ai l’intention de suivre dans ma présentation, ce qui me paraît plus simple, c’est le deuxième ou le troisième document (TC-16).
C’est le livre IV, n’est-ce pas ?
C’est le livre IV, Monsieur le Président. C’est la Convention d’arbitrage et de conciliation de La Haye, conclue entre l’Allemagne et les Pays-Bas, signée à La Haye en mai 1926. Les membres du Tribunal ont le document, il sera plus simple, je pense, de n’en lire que l’article premier.
« Les Hautes Parties contractantes (c’est à dire l’Allemagne et les Pays-Bas) s’engagent à soumettre à une procédure d’arbitrage ou de conciliation tous les désaccords, de quelque nature qu’ils soient, qui viendraient à s’élever entre elles, et qui n’auraient pu être réglés dans un délai raisonnable par les procédés ordinaires de la diplomatie ou qui n’auraient pas été déférés à la Cour permanente de Justice Internationale. »
Suivent toutes les clauses concernant le mécanisme de conciliation et dont la lecture n’est pas nécessaire. Puis-je maintenant attirer votre attention sur le dernier article, article 21, qui stipule que la Convention sera valable pour une période de 10 ans, et qu’elle sera renouvelée par tacite reconduction tous les 5 ans, à moins qu’elle ne soit dénoncée par l’une ou l’autre des parties ? Et ce traité n’a jamais été dénoncé par l’Allemagne.
Je le dépose sous le nº TC-16 (GB-97), avec une copie certifiée conforme et une traduction pour le Tribunal.
Comme le Tribunal le sait déjà, c’est en 1928 que fut élaboré à Paris le Pacte Briand-Kellogg d’après lequel toutes les puissances renonçaient à recourir à la guerre. C’est le document GB-18. Il me semble inutile d’y revenir.
Tous ces traités appartiennent à l’époque de la République de Weimar, le dernier est le Traité d’arbitrage, conclu entre l’Allemagne et le Luxembourg en 1929. C’est le document TC-20. Il se trouve deux documents plus loin que celui qui vient d’être mentionné. C’est le Traité d’arbitrage et de conciliation entre l’Allemagne et le Luxembourg signé à Genève en 1929. Je demande la permission de lire le début de l’article premier qui est connu :
« Les parties contractantes s’engagent, d’accord avec le présent Traité, à régler par des moyens pacifiques tous les désaccords, de quelque nature qu’ils soient, qui viendraient à s’élever entre elles et qu’il n’aurait pas été possible de régler par les moyens diplomatiques. »
Suivent les clauses habituelles ayant trait au mécanisme du règlement pacifique des désaccords.
Votre Honneur, c’étaient là les obligations du Traité. Puis-je déposer ce dernier traité TC-20 qui devient GB-98 ? Voilà quelles étaient les obligations du traité entre l’Allemagne et la Belgique à l’époque où le parti nazi prit le pouvoir en 1933 ; et comme vous l’avez déjà entendu exposer par mon éminent ami, Hitler adopta et ratifia les obligations souscrites par l’Allemagne au temps de la République de Weimar en ce qui concerne les traités qui avaient déjà été conclus. Rien n’est venu modifier la position de la Belgique jusqu’en mars 1936, date à laquelle l’Allemagne réoccupa la Rhénanie et annonça naturellement qu’elle instaurait notamment à nouveau le service militaire obligatoire. Le 7 mars 1936, Hitler annonça dans un discours qu’il répudiait les obligations du Gouvernement allemand découlant du Pacte de Locarno ; la raison qu’il donnait était la conclusion du Pacte franco-soviétique de 1935. Sir David en a déjà parlé et a fait remarquer que Hitler, contrairement à ce qu’il prétendait, n’avait aucun droit à se dégager des obligations qui lui incombaient de par le Pacte de Locarno. Mais la Belgique restait naturellement seule, étant donné qu’elle-même avait souscrit à diverses obligations à Locarno, en échange de celles qui avaient été souscrites par les autres nations. Maintenant l’une de ces obligations, c’est-à-dire celle de l’Allemagne à l’égard du Pacte disparaissait.
Et ainsi, Votre Honneur, le 30 janvier 1937, Hitler, peut-être parce qu’il se rendait compte de la situation de la Belgique et des Pays-Bas, (document suivant du cahier, TC-33 et 35 que je dépose sous le nº GB-99) donna à ces deux pays de solennelles assurances (il employa le mot « solennelles ») qui ont déjà été lues par le Procureur Général et que je ne désire pas relire. Mais le Tribunal verra qu’elles comportent une garantie totale. En avril 1937, dans un document qui n’est pas en la possession du Tribunal, la France et l’Angleterre délièrent la Belgique des obligations qu’elle avait souscrites dans le Pacte de Locarno. C’est un fait historique qui figure dans un document, mais qui n’a pas été copié. La Belgique donna naturellement des garanties de stricte indépendance et de neutralité, et la France et l’Angleterre garantirent leur aide au cas où la Belgique se trouverait attaquée. C’est à cause de cette assurance que l’Allemagne, le 13 octobre 1937, (document suivant), donna à la Belgique une garantie nette et sans restriction. (Document TC-34 que je dépose sous le nº GB-100.) C’est la déclaration allemande du 13 octobre 1937, ainsi conçue :
« J’ai l’honneur, au nom du Gouvernement allemand, de faire la communication suivante à Votre Excellence. Le Gouvernement allemand a pris connaissance avec un intérêt particulier de la déclaration publique dans laquelle le Gouvernement belge définit la situation internationale de la Belgique. Pour sa part, le Gouvernement allemand a exprimé de façon réitérée et en particulier dans la déclaration qu’a faite le Chancelier du Reich allemand au cours de son discours du 30 janvier 1937, quel était son point de vue. Le Gouvernement allemand a pris d’autre part connaissance de la déclaration faite par les Gouvernements britannique et français le 24 avril 1937. » C’est le document, mentionné précédemment :
« Puisque la conclusion d’un traité qui remplacerait le Traité de Locarno peut demander encore un certain délai, et dans le désir de renforcer les aspirations pacifiques des deux pays, le Gouvernement allemand considère qu’il est bon de définir maintenant sa propre attitude à l’égard de la Belgique. Dans ce but, il fait la déclaration suivante :
« 1. Le Gouvernement allemand a pris note des opinions que le Gouvernement belge a jugé bon d’exprimer, c’est-à-dire :
« a) La politique d’indépendance qu’il a l’intention de suivre en pleine souveraineté ;
« b) Sa décision de défendre les frontières de la Belgique avec toutes ses forces contre toute agression ou invasion et d’empêcher que le territoire belge ne soit utilisé, dans un but d’agression contre un autre État, comme passage ou comme base d’opérations par terre, par mer ou dans les airs et d’organiser la défense de la Belgique d’une manière adaptée à ce but ;
« 2. Le Gouvernement allemand considère que l’inviolabilité et l’intégrité de la Belgique sont d’un intérêt commun pour les Puissances occidentales. Il confirme sa détermination de ne porter préjudice en aucune circonstance à cette inviolabilité et à cette intégrité, et en toutes circonstances, de respecter le territoire belge, sauf naturellement au cas où la Belgique serait amenée à prendre part dans un conflit militaire dirigé contre l’Allemagne et s’y trouverait directement impliquée.
« 3. Le Gouvernement allemand, de même que les Gouvernements britannique et français, est prêt à aider la Belgique si elle se trouvait l’objet d’une attaque ou d’une invasion. »
Voici maintenant la page suivante :
« Le Gouvernement belge a pris note avec une grande satisfaction de la déclaration qui lui a été communiquée ce jour par le Gouvernement allemand. Il le remercie chaleureusement de cette communication. »
Messieurs, puis-je m’arrêter un instant pour insister sur l’importance de ce document ?
En octobre 1937, l’Allemagne donne solennellement à cette petite nation l’assurance de ses intentions pacifiques et de son respect de l’intégrité de ses frontières qui sont d’un intérêt commun pour la Belgique et les autres Puissances occidentales.
Vous avez à juger les chefs du Gouvernement allemand et les chefs des Forces armées allemandes. Nous n’avons pas besoin de prouver que chacun de ces accusés était parfaitement au courant de cette garantie solennellement donnée par son Gouvernement. Tous ces accusés, dans leur sphère d’influence respective – certains plus que d’autres – participèrent à la honteuse violation de ce traité, deux ans et demi après qu’il eut été conclu ; et je pense qu’en toute logique et justice, tous ces hommes doivent être considérés comme ayant activement participé à cette odieuse violation de la foi jurée qui a apporté la misère et la mort à tant de millions d’êtres.
On soutiendra naturellement que Keitel et Jodl, par exemple, étaient simplement d’honorables soldats exécutant leur tâche. Ce Tribunal s’inquiétera certainement de savoir quelle sorte de code d’honneur ils observaient, qui leur permît de violer la parole donnée par leur pays.
Cette déclaration d’octobre 1937 signifiait très peu de chose pour les chefs et pour le Haut Commandement de l’Allemagne ; c’est ce que montre le document suivant : PS-375 (USA-84) déjà mentionné bien des fois. Puis-je simplement en rappeler au Tribunal une ou deux phrases ? Le document fut élaboré le 25 août 1938, à l’époque où le drame tchécoslovaque se déroulait ; on ne savait pas encore s’il y aurait une guerre avec des puissances occidentales. Ce document, absolument secret, préparé par la 5e section de l’État-Major général de l’aviation allemande a comme sujet :
« Évolution du “Cas Vert”, aperçu de la situation. » Le mot correct serait plutôt : « Examen de la situation avec référence spéciale à l’ennemi ». Apparemment, certains officiers d’État-Major avaient été chargés de rédiger ces appréciations. Étant donné le fait que ce document a déjà été lu, je pense qu’il me suffira d’en lire le dernier paragraphe qui est le paragraphe H débutant au bas de la page 6, l’avant-dernière page du document. Voici ce paragraphe H :
« Proposition aux Forces armées, Commandement suprême de l’Armée et de la Marine. » Ce sont là des requêtes à l’Armée et à la Marine émanant d’un officier de l’État-Major de l’Air, et si vous prenez la page suivante, nº 4 :
« La Belgique et les Pays-Bas aux mains des Allemands, représenteraient un avantage extraordinaire dans la poursuite de la guerre contre la Grande-Bretagne aussi bien que contre la France. Par conséquent, nous estimons qu’il est essentiel de connaître l’opinion de l’Armée sur les conditions dans lesquelles l’occupation de cette zone pourrait être exécutée et le temps qu’il nous faudrait pour la réaliser. Dans ce cas, il serait nécessaire de modifier à nouveau l’importance des effectifs prévus contre la Grande-Bretagne. »
Ce que le Ministère Public désire établir, grâce à ce document, c’est que l’officier d’État-Major qui l’a rédigé supposait, et avec raison, que les chefs de la nation allemande et du Haut Commandement allemand ne prendraient nullement en considération le fait que l’Allemagne avait donné sa parole de ne pas envahir la Hollande ou la Belgique. Ces chefs recommandent cette opération comme présentant des avantages militaires, sachant fort bien que, si les chefs et le Führer sont d’accord, les traités doivent rester lettre morte. Voilà, je le répète, ce qu’était l’honneur du Gouvernement allemand et de ses chefs.
Maintenant, en mars 1939, comme on l’a déjà prouvé, ce qui restait de la Tchécoslovaquie fut annexé pacifiquement et vint alors le moment de donner d’autres garanties exprimées dans les documents suivants TC-35 et 39. Ce sont les assurances qui furent données à la Belgique et aux Pays-Bas le 28 avril 1939.
Mon éminent ami, le commandant Elwyn Jones les a déjà lues, c’est le nº GB-78. Il n’est pas nécessaire que je les lise à nouveau.
Il y a aussi une garantie donnée au Luxembourg, mentionnée à la page suivante TC-42, a. Cette assurance fut donnée dans le même discours prononcé par Hitler devant le Reichstag au sujet d’une note de M. Roosevelt que les intentions de Hitler rendaient un peu inquiet de l’autre côté de l’Atlantique. Avant de donner lecture de ce document, puis-je dire que le Tribunal verra bientôt, je crois, un film où on entend Hitler prononcer ce discours ? Vous aurez le privilège de voir Hitler d’humeur joviale, car ce discours fut prononcé et accueilli avec bonne humeur. Vous verrez dans ce film que l’accusé Göring qui est assis au-dessus de Hitler dans la salle du Reichstag, apprécie énormément la plaisanterie. Et cette plaisanterie est la suivante : c’est une supposition absurde, de penser que l’Allemagne pourrait peut-être entrer en guerre contre l’un quelconque de ses voisins : telle était la plaisanterie que chacun de ces messieurs semblait avoir beaucoup appréciée.
Je vais me permettre de lire ce document :
« Finalement, M. Roosevelt demande que nous soyons prêts à lui fournir l’assurance que les Forces armées allemandes n’attaqueront pas les territoires ou les possessions des nations indépendantes suivantes, et par-dessus tout, que ces forces, ne pénétreront pas au-delà des frontières. Et il continue en énumérant les pays en question : la Finlande, la Lettonie, la Lithuanie, l’Esthonie, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Hollande, la Belgique, la Grande-Bretagne, l’Irlande, la France, l’Espagne, le Portugal, la Suisse, le Liechtenstein, le Luxembourg, la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la. Yougoslavie, la Russie, la Bulgarie, la Turquie, l’Irak, l’Arabie, la Syrie, la Palestine, l’Égypte et l’Iran.
« Réponse. – J’ai commencé par me donner la peine de découvrir dans le cas des pays énumérés, premièrement, si ces pays se sentaient menacés et deuxièmement, en particulier, si cette question de M. Roosevelt était le résultat d’une démarche de leur part, ou tout au moins avait été posée avec leur consentement.
« La réponse fut, de façon unanime, une réponse négative qui dans certains cas, prit la forme d’un rejet absolu. En fait, cette contre-question de ma part n’a pu être transmise à certains des pays et nations énumérés, puisqu’ils ne sont pas actuellement en possession de leur liberté – comme par exemple la Syrie – mais sont occupés par les Forces militaires d’États démocratiques et par conséquent privés de tous leurs droits.
« Troisièmement, en dehors de ces considérations, tous les États ayant une frontière commune avec l’Allemagne ont reçu des assurances bien plus solennelles et, par-dessus tout, des propositions bien plus nettes que celles que M. Roosevelt me demande dans son étrange télégramme. »
Vous verrez que, bien qu’il se moque de M. Roosevelt, il suggère certainement en présence de Göring qu’il est tout à fait absurde de penser que l’Allemagne puisse nourrir des plans belliqueux contre ses voisins. Mais la fausseté absolue de cette garantie et de celles qui ont précédé est démontrée par le document suivant. Je le dépose sous le nº TC-42, a (GB-101).
Le texte suivant, L-79 se réfère à une conférence de Hitler prononcée le 23 mai. Elle a déjà été mentionnée bien des fois et déposée comme USA-27. Par conséquent, il suffira de rappeler très brièvement au Tribunal deux faits. Tout d’abord, sur la première page, il est intéressant de voir la liste des personnages présents :
Le Führer, Göring, l’amiral Raeder, von Brauchitsch, le General-Oberst Keitel et divers autres qui ne sont pas accusés. Le colonel Warlimont était là, et si je comprends bien, il représentait Jodl.
Le but de la conférence était d’éclaircir la situation. Puis-je vous demander de vous référer au bas de la troisième page ?
« Comment cette lutte se déroulera-t-elle ? »
Et ensuite nous avons ces mots :
« Les bases aériennes hollandaises et belges doivent être occupées par des forces armées. Il faut ignorer les déclarations de neutralité. »
Puis en fin de page :
« Par conséquent, si l’Angleterre a l’intention d’intervenir dans la guerre de Pologne, nous devons occuper la Hollande à une vitesse éclair. Nous devons nous efforcer d’assurer une nouvelle ligne de défense sur le territoire hollandais jusqu’au Zuiderzée. »
Voilà la décision qui a été prise : « Les déclarations de neutralité doivent être ignorées. » Et le Grand-Amiral est présent ainsi que le ministre de l’Air et commandant de l’Armée de l’Air et le général Keitel. Ils paraissent tous d’accord et leurs actions ultérieures montrent qu’ils étaient d’accord sur ce point : donner sa parole et puis ne pas la tenir. Tel est leur code d’honneur. Vous verrez qu’à la fin de cette réunion, à la toute dernière page, le Feldmarschall Göring a posé une ou deux questions.
C’était la décision du 23 mai. Serait-ce exagérer que de faire remarquer que chaque parole, chaque assurance donnée après cette date, n’est que de l’hypocrisie toute pure, et – ceci en dehors de la multiplicité des crimes qui seront jugés ici – n’est que le fait d’un criminel de droit commun ?
J’aimerais, Monsieur Roberts, que vous vous en teniez autant que possible aux documents.
Oui, Monsieur le Président, nous passons maintenant au 22 août (le document PS-798 qui a déjà été déposé sous le nº USA-29). Il s’agit là, Monsieur le Président, du discours prononcé par Hitler le 22 août, qui a déjà été lu et relu. Je mentionne simplement un passage au bas de la deuxième page :
« Attaque à l’Ouest venant de la Ligne Maginot : Je considère ceci comme impossible. Une autre possibilité est la violation de la neutralité hollandaise, belge et suisse. Je ne doute pas que tous ces États, de même que la Scandinavie défendront leur neutralité par tous les moyens possibles. »
Monsieur le Président, je désire insister sur la phrase suivante :
« L’Angleterre et la France n’enfreindront pas la neutralité de ces pays. »
Ici je ne désire pas commenter, je vous demande simplement de garder cette phrase dans votre esprit, c’est une prophétie exacte quand on songe aux excuses données pour l’invasion ultérieure de la Belgique et de la Hollande.
Les documents suivants sont les TC-36, 40 et 42. Ce sont à nouveau trois assurances ; le nº 36 vient de l’ambassadeur d’Allemagne au Gouvernement belge : « Étant donné la gravité de la situation internationale, j’ai l’instruction expresse du Chef du Reich allemand de remettre à Votre Majesté le communiqué suivant :
« Bien que le Gouvernement allemand fasse actuellement tout ce qui est en son pouvoir pour arriver à une solution pacifique des questions litigieuses entre l’Allemagne et la Pologne, il désire cependant définir dès maintenant avec clarté, l’attitude qu’il se propose d’adopter à l’égard de la Belgique si un conflit en Europe devenait inévitable.
« Le Gouvernement allemand est fermement déterminé à respecter les termes de la déclaration contenue dans la note allemande du 13 octobre 1937. Elle stipule en effet que l’Allemagne, en aucune circonstance, n’enfreindra l’inviolabilité et l’intégrité de la Belgique et respectera en tout temps le territoire belge. Le Gouvernement allemand renouvelle cet engagement ; cependant, il espère que le Gouvernement belge, de son côté, observera une attitude de stricte neutralité et que la Belgique ne tolérera aucune violation de la part d’une tierce puissance, mais qu’elle s’y opposera au contraire, avec toutes les forces à sa disposition. Il va sans dire que si le Gouvernement belge devait adopter une attitude différente, le Gouvernement allemand se verrait naturellement dans l’obligation de défendre ses intérêts, d’après la nouvelle situation ainsi créée. »
Monsieur le Président, puis-je commenter brièvement la dernière partie de ce document ? Il est clair, d’après moi, que, comme nous le savons, la décision de violer la neutralité de ce pays étant bien arrêtée, ces derniers mots n’ont été inspirés qu’afin d’y trouver quelque excuse pour l’avenir. Ce sera le document GB-102.
Monsieur le Président, le document suivant, TC-40, est un texte similaire, communiqué à Sa Majesté la Reine des Pays-Bas ce même jour, le 26 août 1939. Selon le désir du Tribunal, il me semble à première vue qu’il est inutile de le lire, étant donné que c’est un document officiel du livre allemand de documents et a exactement les mêmes caractéristiques. Ce sera le document GB-103.
Ensuite, Monsieur le Président, le document suivant TC-42, (GB-104), est semblable et adressé au Luxembourg. La date est également la même, le 26 août. Je n’en suis pas très certain car il y a deux dates, mais il semble bien que ce soit le 26 août. Il s’agit d’une garantie complète dans les mêmes termes, suivie d’une dernière phrase venimeuse analogue à celle des deux autres documents. Il n’est peut-être pas nécessaire de le lire.
Comme le Tribunal le sait, la Pologne fut occupée alors, après une victoire remportée au cours d’une campagne éclair et, en octobre, les Forces armées allemandes étaient libres de s’attaquer à d’autres tâches. Les premières mesures qui furent prises, en ce qui concerne la Hollande et la Belgique sont révélées par le document suivant déposé je crois sous le nº GB-80, dont la partie essentielle concerne la Belgique et la Hollande. C’est le document suivant dans le dossier nº 4.
TC-32 ?
Oui, cela commence par TC-32 et si le Tribunal passe au suivant, il verra le document TC-37 sur la même page, puis TC-41. Seuls les numéros 37 et 41 ont trait à cette question. Il s’agit de l’assurance donnée par les Allemands à la Belgique, le 6 octobre 1939 :
« Immédiatement après avoir pris en main les affaires de l’État, je me suis efforcé de créer des relations amicales avec la Belgique. J’ai renoncé à toute révision, ou à tout désir de révision. Le Reich n’a présenté aucune exigence qui puisse être considérée comme une menace quelconque pour la Belgique. »
Ensuite, Monsieur le Président, il y a une garantie similaire donnée aux Pays-Bas. C’est la partie suivante du document :
« Le nouveau Reich s’est efforcé de perpétuer l’amitié traditionnelle qui le lie aux Pays-Bas. Il a écarté tous les différends existant entre les deux pays et n’en a pas créé de nouveaux. »
J’estime qu’il est impossible de trop insister sur l’importance des assurances de bonne foi prodiguées par l’Allemagne.
Monsieur le Président, la valeur de cette bonne foi est montrée par le document suivant, qui fut remis dès le lendemain 7 octobre (ces deux garanties que nous venons de lire sont datées du 6 octobre). Nous en venons au document PS-2329, daté du 7 octobre qui provient du Commandant en chef de l’Armée, von Brauchitsch. Il est adressé à divers groupes d’armées. Le troisième paragraphe déclare :
« La frontière hollandaise entre l’Ems et le Rhin doit être simplement observée.
« En même temps le groupe d’armées B doit faire tous les préparatifs nécessaires en accord avec les directives spéciales pour une invasion immédiate des territoires hollandais et belge, si la situation politique l’exige. »
« Si la situation politique l’exige… » Et ceci un jour après avoir donné ces garanties ! Je le dépose, dernier document qui est l’original portant la signature dactylographiée de von Brauchitsch, et ce sera le document GB-105.
Monsieur le Président, le document suivant comprend deux parties. Il porte le nº C-62. La première partie est datée du 9 octobre 1939, deux jours après le dernier document. Ceci a déjà été lu intégralement par le Procureur Général jusqu’au bas du paragraphe b. Je ne vais donc pas le relire. Puis-je simplement en rappeler une phrase au Tribunal ?
« Des préparatifs doivent être faits pour une action offensive sur le flanc nord du front occidental, traversant la zone du Luxembourg, de la Belgique et de la Hollande. Cette attaque doit être exécutée aussi vite et aussi énergiquement que possible. »
Puis dans le paragraphe suivant, puis-je en relire quelques mots ?
« Le but de cette attaque est… d’acquérir une base aussi vaste que possible en Belgique, en Hollande et dans la France du Nord. »
Ce document est signé par Hitler lui-même. Il est adressé aux trois accusés : le Commandant suprême de l’Armée, Keitel, Raeder pour la Marine et le ministre de l’Air commandant des Forces aériennes, Göring. Telle est la distribution.
Je déposerai plus tard ce document et celui qui l’accompagne.
Le suivant date du 15 octobre 1939. Il provient du Commandement suprême de l’Armée. Il est signé par Keitel au crayon rouge, signature déjà familière à certains d’entre nous, il est également adressé à Raeder, à Göring et à l’État-Major général de l’Armée.
Ce document a aussi été lu par le Procureur Général. Puis-je rappeler simplement au Tribunal un passage au bas de la page ?
« Ce qui doit constituer l’objet des préparatifs de l’Armée, c’est d’occuper, sur réception d’un ordre spécial, le territoire de la Hollande, en premier lieu jusqu’à la ligne Grebbe-Maas (Meuse). »
Le deuxième paragraphe traite de la prise de possession des îles de la Frise de l’Ouest.
Il est clair, au-delà de toute discussion possible, qu’à partir de ce moment, la décision de violer la neutralité de ces trois pays avait été prise. Tout ce qui restait à faire, c’était d’en préparer les détails, et d’attendre jusqu’à ce que les conditions météorologiques le permettent et entre-temps, de ne donner aucun indice laissant prévoir que l’Allemagne était sur le point de renier à nouveau sa parole, car alors ces petits pays auraient peut-être eu la possibilité d’unir leurs forces à celles de leurs voisins. Ce sera le document GB-106.
Le suivant est une directive de Keitel. C’est le document PS-440 déposé sous le nº GB-107. Il est à nouveau envoyé au Commandement suprême de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation et il donne des détails sur la façon d’exécuter l’attaque. Je désire en lire seulement quelques passages de choix.
Paragraphe 2 de la première page :
« Contrairement aux instructions données préalablement, toute action prévue contre la Hollande peut être exécutée sans ordre spécial, quand l’attaque générale commencera.
« L’attitude des Forces armées hollandaises ne peut pas être prévue. »
Le Tribunal constatera ici qu’il s’agit d’une concession des Allemands :
« Chaque fois qu’il n’y a pas de résistance, l’entrée des troupes doit prendre l’allure d’une occupation pacifique. »
Ensuite au paragraphe b du paragraphe suivant :
« D’abord la zone hollandaise, y compris les îles de la Frise de l’Ouest… doit être occupée jusqu’à la ligne Grebbe-Meuse. »
Il est inutile de lire les deux paragraphes suivants. Ils traitent des mesures à prendre contre les ports belges.
Paragraphe 5 :
« La 7e division aéroportée – c’étaient des parachutistes – ne sera affectée à l’opération aérienne qu’une fois qu’on se sera assuré des ponts qui franchissent le canal Albert », qui est en Belgique, comme le sait le Tribunal.
Dans le paragraphe 6 b, le Luxembourg est mentionné. Il est également mentionné dans le paragraphe 5. Le document est signé de Keitel mais c’est une signature dactylographiée. Il est authentifié par un officier d’État-Major.
Ce document est-il déposé ?
Monsieur le Président, c’est le GB-107. Il y a ensuite le document suivant C-10 (GB-108) daté du 28 novembre 1939. Il porte la signature de Keitel au crayon rouge et est adressé à l’Armée, à la Marine et à l’Aviation. Il y est examiné si en cas d’échec d’une rapide attaque au nord de Liège, il y avait lieu de prévoir un autre plan d’attaque.
Le paragraphe 2 montre clairement que la Hollande doit être envahie. Il parle de : « L’occupation de l’île de Walcheren et par là du port de Flushing, et d’un ou de plusieurs des passages de la Meuse entre Namur et Dinant », ce sera le nº 108.
Ces documents montrent que de novembre à mars 1940, le Haut Commandement et le Führer attendaient des conditions atmosphériques favorables pour ce jour « A » comme ils l’appelaient. C’était le jour de l’attaque contre le Luxembourg, la Belgique et la Hollande.
Le document suivant C-72, contient 18 pièces allant du 7 novembre 1939 au 9 mai 1940. Je dépose les photocopies certifiées conformes, elles sont toutes signées personnellement par Keitel ou par Jodl. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de les lire. Les avocats en ont eu des exemplaires, mais ces textes montrent que le jour « A » a été remis pendant près d’une semaine à la suite de rapports sur les conditions météorologiques. Ce sera le document GB-109.
Le 10 janvier 1940, ainsi que M. le Procureur Général l’a exposé devant le Tribunal, un avion allemand fit un atterrissage forcé en Belgique. Les occupants s’efforcèrent de brûler les ordres qui étaient en leur possession ; mais ils n’y réussirent que partiellement. Le document suivant, TC-58, a qui sera le numéro GB-110, est une photocopie certifiée par le Gouvernement belge qui entra en possession de l’original.
Monsieur le Président, je puis résumer ce texte ; ce sont des ordres donnés au chef de la deuxième flotte aérienne « Luftflotte » . Il s’agit manifestement d’une action offensive dirigée contre la France, la Hollande et la Belgique. Nous y trouvons au bas de la première page ce qui concerne la disposition de l’armée belge. L’armée belge couvre la ligne Liège-Anvers avec le gros de ses forces, des effectifs plus réduits étant placés devant le canal de la Meuse-Escaut. Cet ordre traite ensuite de la disposition de l’armée hollandaise et si vous tournez à la page 3 vous voyez que l’armée allemande de l’Ouest dirige son attaque entre la Mer du Nord et la Moselle, avec le plus fort soutien possible de l’Aviation, à travers la région belgo-luxembourgeoise.
Il me semble inutile d’en lire davantage ; le reste concerne les détails de l’opération, comme le bombardement de différents objectifs en Belgique et en Hollande.
Le document suivant, dont mon ami, le commandant Elwyn Jones s’est déjà servi, est un extrait du journal de Jodl, document GB-88, et je désire, Monsieur le Président, en mentionner très brièvement quelques extraits qui ont été insérés plus loin dans ce dossier numéro 4.
Si l’on veut bien regarder ce qui a été écrit à la date du 1er février 1940, puis quelques lignes plus bas…
C’est le document PS-1809, n’est-ce pas ?
Oui, Monsieur le Président, c’est exact, et GB-88.
Nous n’avons pas le numéro GB qui figure sur le document proprement dit.
Je m’excuse, c’est une erreur. Veuillez lire huit lignes plus bas : on y voit « 17 heures, général Jeschonnek » et ensuite :
« 1º Comportement des unités parachutées. Devant La Haye, elles doivent être assez fortes pour faire une brèche par la force brutale si c’est nécessaire. La 7e division a l’intention de parachuter les unités près de la ville.
« 2º La mission politique contraste dans une certaine mesure avec l’action violente contre l’aviation hollandaise. »
Je pense qu’il est inutile que je lise tous ces détails d’opérations.
Le 2 février, je mentionne simplement ce que Jodl a écrit sous le paragraphe a : « On peut faire des atterrissages au centre de la ville de La Haye. »
Si Votre Honneur veut tourner la page – j’omets le 5 février – nous arrivons au 26 février.
« Le Führer pose la question de savoir s’il ne vaudrait pas mieux entreprendre l’“Exercice Weser” avant ou après le “Cas Jaune”. »
Et ensuite, le 3 mars, la dernière phrase :
« Le Führer décide d’exécuter l’“Exercice Weser” avant le “Cas Jaune” à quelques jours d’intervalle. »
Et ensuite, Monsieur le Président, je désire attirer votre attention sur le 8 mai, deux jours avant l’invasion. En tête de la page :
« Nouvelles alarmantes de Hollande. Suppression des permissions. Évacuations, barrage des routes. Autres mesures de mobilisation. D’après les rapports du service d’espionnage, les Britanniques ont demandé l’autorisation de pénétrer, mais les Hollandais, l’ont refusée. »
Monsieur le Président, puis-je faire deux brefs commentaires sur ce point ?
Tout d’abord, je voudrais dire que les Allemands formulent des objections parce que les Hollandais font des préparatifs pour résister à leur invasion. Ils nomment ceci « des nouvelles alarmantes ». Second point : Jodl mentionne ici que les Hollandais, d’après les rapports de leurs propres services d’espionnage, s’en tiennent strictement à leurs propres obligations de neutralité. Il est inutile que je lise d’autres extraits du journal.
Monsieur le Président, tel est le récit, moins les documents qui ont été présentés à la Hollande, à la Belgique et au Luxembourg quand l’invasion eut été un fait accompli, car ainsi que l’Histoire le sait maintenant, à 4 h. 30 du matin, le 10 mai, ces trois petits pays furent brutalement envahis, avec toute la furie de la guerre moderne. Aucun avertissement ne leur fut donné par l’Allemagne, aucune réclamation présentée par elle, concernant une infraction quelconque aux devoirs de neutralité, avant d’entreprendre cette action.
Ne pensez-vous pas que ce soit le moment de suspendre l’audience jusqu’à 2 heures ?
Si Votre Honneur le désire.