DIX-HUITIÈME JOURNÉE.
Mercredi 12 décembre 1945.
Audience de l’après-midi.
Plaise au Tribunal. À la suspension de l’audience de ce matin, nous venions d’en terminer avec la lecture de l’affidavit du Dr Wilhelm Jaeger. La situation décrite dans ce témoignage n’était pas limitée aux seules usines Krupp, mais existait dans toute l’Allemagne.
Nous nous référons maintenant à un rapport présenté par le Comité central polonais à l’Administration du Gouvernement Général de Pologne, document R-103 que nous déposons sous le nº USA-204. Il est daté du 17 mai 1944, et décrit la situation des ouvriers polonais en Allemagne.
Je désire mentionner spécialement la page 2 de la traduction anglaise en commençant au deuxième paragraphe (page 2, paragraphe 2 du texte allemand). On lit :
« L’hygiène de bien des salles surpeuplées du camp est contraire aux besoins les plus élémentaires. Il n’y a souvent aucune possibilité d’obtenir de l’eau chaude pour la toilette : en conséquence, les parents les plus soucieux de propreté ne peuvent maintenir même à un niveau très primitif l’hygiène de leurs enfants et sont même souvent dans l’impossibilité de laver leur unique trousseau de linge. Le résultat en est que la gale fait des progrès considérables et ne peut être enrayée…
« Les ouvriers enfermés avec leurs familles prolifiques dans les camps de l’Est nous envoient des lettres suppliantes dans lesquelles ils nous implorent de leur donner de la nourriture. La qualité et la quantité des rations de camp mentionnées dans ces lettres, rations dites de quatrième catégorie, sont absolument insuffisantes pour compenser l’effort fourni par un travail harassant : trois kilos et demi de pain par semaine et une soupe claire à l’heure du déjeuner, préparée avec des navets ou autres légumes, sans aucune viande ni graisse, avec un maigre supplément de pommes de terre de temps à autre c’est une ration de famine pour un travailleur de force.
« En guise de punition, on inflige parfois des privations de nourriture, par exemple, pour sanctionner le refus de porter l’insigne “Est”. Il s’ensuit que les travailleurs perdent connaissance pendant le travail (Camp Klosterteich, Grünheim, Saxe). La conséquence en est l’épuisement complet, un état de santé maladif et la tuberculose. L’extension de cette maladie parmi les ouvriers polonais des usines est provoquée par l’insuffisance des rations alimentaires distribuées dans les camps communautaires l’énergie dépensée dans un travail de force ne peut en effet pas être renouvelée…
« L’appel au secours qui nous parvient fait ressortir avec éclat la famine qui règne et révèle l’existence de graves troubles intestinaux et gastriques provenant de l’insuffisance de nourriture ces troubles atteignent surtout les enfants, dont on néglige les besoins particuliers à leur âge. Dans ces camps surpeuplés, on ne peut recevoir aucun traitement médical convenable et les malades ne sont l’objet d’aucun soin. »
Nous nous référons maintenant à la page 3 du même document et en particulier au premier paragraphe. (Il figure à la page 5, paragraphe 1 du texte allemand.)
« Outre ces mauvaises conditions, ces multitudes d’enfants ne peuvent se livrer à aucune occupation méthodique et ne font l’objet d’aucune surveillance, ce qui est d’un effet déplorable chez ces familles prolifiques des camps. Les enfants livrés à eux-mêmes, sans formation scolaire ni religieuse, deviennent sauvages et illettrés. Dans ce milieu qui manque de raffinement, l’oisiveté peut avoir et a forcément pour eux des résultats indésirables… Un exemple des horribles conditions de vie qu’entraîne cet état de choses est donné par le fait que dans les camps d’ouvriers de l’Est (“Waldlust”, Post Lauf/Pegnitz), on a cité le cas d’enfants de 8 ans, délicats et sous-alimentés, astreints à des travaux forcés et mourant d’un tel traitement…
« Le fait que ces mauvaises conditions influent dangereusement sur l’état de santé et sur la vitalité des travailleurs est prouvé par les nombreux cas de tuberculose constatés chez de très jeunes individus renvoyés du Reich dans le Gouvernement Général comme étant incapables de travailler. Leur état de santé est généralement si mauvais que la question de leur guérison ne se pose pas.
« La raison en est qu’un état d’épuisement provoqué par un travail trop intense et un régime alimentaire de famine n’est considéré comme une maladie que lorsqu’il se manifeste par une fièvre élevée et par des syncopes.
« Bien que quelques maisons d’accueil pour les ouvriers en état d’incapacité de travail aient été instituées par mesure de précaution, les malades ne peuvent y entrer que lorsque leur guérison est déjà hors d’espoir (Neumarkt en Bavière). Même là, les incurables dépérissent chaque jour davantage et rien n’est fait pour améliorer leur état par une nourriture appropriée et des médicaments. Il y a là des enfants tuberculeux dont la guérison ne serait pas désespérée et des hommes dans la fleur de l’âge qui auraient encore pu guérir si on les avait renvoyés à temps dans leurs familles, à la campagne.
« La séparation des familles ne constitue pas la souffrance la moins grande : on voit des femmes ou des mères de jeunes enfants arrachées à leur foyer et envoyées au travail forcé dans le Reich. »
Je cite enfin la page 4 du texte anglais du même document, au premier paragraphe (page 7, paragraphe 4 du texte allemand) :
« Si, dans ces conditions, il n’existe aucun soutien moral tel que celui qui est normalement basé sur une vie de famille régulière, on pourrait au moins maintenir ce refuge moral que la population polonaise trouve dans ses sentiments religieux et le développer. La suppression des pratiques et des services religieux de la vie des ouvriers polonais, l’interdiction d’assister aux offices alors qu’il existe des services religieux pour les autres, et d’autres mesures semblables, révèlent un certain mépris pour l’influence de la religion sur les sentiments et l’opinion des travailleurs. »
Pourriez-vous nous dire qui constituait ce Comité central polonais, ou comment il fut fondé ?
Autant que nous le sachions, ce Comité fut manifestement institué par les autorités nazies au moment où elles occupèrent la Pologne, pour collaborer avec elles pendant cette occupation. Nous ne connaissons pas le nom de ses membres, et nous ne possédons pas de renseignements plus détaillés.
S’agit-il d’un document saisi ?
Oui. Tous les documents que je présente et qui ont rapport à cette affaire le sont, à l’exception du rapport du Gouvernement hollandais, et d’un ou deux autres rapports officiels, de l’affidavit Deuss et de quelques autres.
Ce document en particulier, ainsi qu’on vient de le signaler à mon attention, a été saisi par la 3e Armée américaine.
Un traitement particulièrement dur et brutal était réservé aux ouvriers provenant des territoires conquis de l’Est. Comme nous l’avons déjà démontré, ils vivaient pratiquement comme des esclaves, étaient en butte à toutes les formes de dégradation, étaient logés dans des étables avec des animaux, se voyaient atteints dans leur liberté de pensée et privés de tous les plaisirs normaux de la société humaine.
J’en donne une nouvelle illustration avec le document EC-68 qui porte le numéro USA-205 et dont le titre est : « Directives pour le traitement des ouvriers agricoles étrangers de nationalité polonaise. » Ce règlement a été publié par le ministre des Finances et de l’Économie de Bade en Allemagne, le 6 mars 1941. Nous ne connaissons pas son nom et il nous a été impossible de l’établir. Je cite le texte anglais depuis le début :
« C’est avec satisfaction que les bureaux du ministère du Ravitaillement, Association des Paysans de Bade, ont eu connaissance du résultat des négociations qui eurent lieu à Stuttgart, le 14 février 1941 avec le chef suprême des SS et de la Police. Des directives appropriées ont déjà été remises aux associations paysannes régionales. Je fais connaître ci-dessous les règles particulières qui ont été posées au cours de la conférence, et qui devront désormais être appliquées :
« 1. En principe, les ouvriers agricoles de nationalité polonaise n’ont plus le droit de se plaindre par conséquent aucune réclamation ne sera plus admise par une administration officielle quelconque.
« 2. Les ouvriers agricoles de nationalité polonaise ne doivent plus quitter la localité où ils travaillent, et ils sont soumis à un couvre-feu qui dure de 20 heures à 6 heures du matin entre le 1er octobre et le 31 mars, et de 21 heures à 5 heures entre le 1er avril et le 30 septembre.
« 3. L’utilisation des bicyclettes est formellement interdite des exceptions seront accordées pour se rendre au lieu de travail, dans les champs, si un parent de l’employeur ou si l’employeur lui-même est présent.
« 4. La fréquentation des églises, de quelque confession que ce soit, est interdite, même lorsqu’il n’y a pas de service religieux. L’activité des ministres du Culte dans le domaine spirituel reste autorisée en dehors des églises.
« 5. L’entrée des théâtres, cinémas, et de toutes autres manifestations culturelles est strictement interdite aux ouvriers agricoles de nationalité polonaise.
« 6. L’entrée dans les restaurants est strictement interdite aux ouvriers agricoles de nationalité polonaise excepté dans un seul restaurant du village qui sera choisi par le bureau du conseiller rural (Landratsamt) ; l’accès en sera permis seulement un jour par semaine également fixé par le Landratsamt. Ces dispositions ne changent rien au règlement de couvre-feu mentionné ci-dessus à l’article 2.
« 7. Les relations sexuelles avec les femmes et les jeunes filles sont strictement interdites et celles qui existent doivent être signalées.
« 8. Les rassemblements d’ouvriers agricoles de nationalité polonaise après le travail sont interdits, que ce soit dans d’autres fermes, dans les écuries, ou dans leurs quartiers d’habitation.
« 9. L’utilisation du chemin de fer, des autobus, et de tout autre moyen de communication public est interdite aux ouvriers agricoles de nationalité polonaise.
« 10. Les autorisations de quitter le village ne seront accordées que dans les cas tout à fait exceptionnels, par les autorités de police locales (Bureau du Maire). Cependant, une permission de ce genre ne pourra en aucun cas être accordée s’il s’agit d’une visite faite pour des raisons personnelles à une administration publique, que ce soit un bureau de travail ou une association paysanne régionale, s’il s’agit pour l’intéressé de changer de lieu de travail.
« 11. Les changements d’emploi arbitraires sont strictement interdits. Les ouvriers agricoles de nationalité polonaise devront travailler chaque jour aussi longtemps que l’intérêt de l’entreprise l’exige et que l’employeur le demandera. Il n’y a aucune limite de temps à la journée de travail.
« 12. Tout employeur a le droit d’infliger des châtiments corporels aux ouvriers agricoles de nationalité polonaise, si les instructions et les bonnes paroles viennent à échouer. L’employeur ne sera en aucun cas tenu pour responsable devant l’Administration.
« 13. Les ouvriers agricoles de nationalité polonaise doivent, si possible, être tenus éloignés de la communauté familiale et peuvent être logés dans les écuries, etc. Aucune considération ne doit apporter de limites quelconques à ces mesures.
« 14. Un rapport sera obligatoirement adressé aux Autorités dans tous les cas où des crimes auront été commis par les ouvriers agricoles de nationalité polonaise : par exemple, sabotage de l’entreprise, ralentissement du travail, mauvaise volonté au travail, comportement insolent le rapport est obligatoire même dans les cas peu importants. Un patron qui perd son Polonais parce que celui-ci doit purger une peine de prison à la suite d’un rapport de ce genre, recevra par priorité un autre Polonais sur requête au bureau compétent.
« 15. Dans tous les autres cas, seule la Police d’État est compétente. Un châtiment sévère est prévu pour l’employeur lui-même, s’il est établi qu’il ne respecte pas la distance qui doit être nécessairement maintenue entre lui et les ouvriers agricoles de nationalité polonaise. La même règle s’applique aux femmes et aux jeunes filles. L’octroi de rations supplémentaires est strictement interdit. La non-observation des tarifs du Reich pour les ouvriers agricoles de nationalité polonaise sera sanctionnée par le retrait des travailleurs, par le bureau du travail compétent. »
Les femmes des territoires conquis étaient emmenées malgré elles pour servir comme domestiques. L’accusé Sauckel a décrit lui-même ce programme, ainsi qu’il résulte du document PS-016, déjà déposé comme preuve sous le nº USA-168, particulièrement à la page 7, quatrième paragraphe du texte anglais (page 10, paragraphe 1 du texte allemand). Je cite :
« Afin d’apporter un soulagement sensible à la ménagère allemande, et particulièrement à la mère de famille nombreuse, ainsi qu’à la fermière surchargée de travail, et afin d’éviter que leur santé soit plus tard compromise, le Führer m’a également chargé de me procurer dans les territoires de l’Est 400.000 à 500.000 filles choisies pour leur force et leur santé, pour les faire travailler en Allemagne. »
Une fois saisies, une fois contraintes à devenir travailleuses en Allemagne, ces femmes de l’Est étaient, sur l’ordre de l’accusé Sauckel, qui était le chef des esclaves, liées à la maisonnée qu’on leur avait assignée. Elles avaient un maximum de trois heures de liberté par semaine et perdaient le droit de rentrer dans leurs foyers.
Je dépose maintenant le document PS-3044 (b), USA-206.
Ce document est constitué par un décret de l’accusé Sauckel contenant des instructions destinées aux ménagères, et concernant les travailleurs à domicile originaires de l’Est. Je demande au Tribunal de tenir pour acquis l’original du décret, qui figure aux pages 592 et 593 du deuxième volume d’une publication du Zentralverlag de la NSDAP, sous le titre : « Verfügungen, Anordnungen, Bekanntgaben. » Je cite le premier paragraphe de la traduction anglaise d’une partie du décret :
« Aucun congé ne peut être réclamé. Les domestiques de l’Est, appartenant au sexe féminin, ne doivent en principe quitter la maison que pour assurer des tâches domestiques. Toutefois, à titre de récompense, il pourra leur être accordée la possibilité de rester sans travailler hors de la maison pendant trois heures par semaine. Ce congé doit se terminer à la tombée du jour, au plus tard à 20 heures.
« Il est interdit d’entrer dans les restaurants, cinémas, théâtres et établissements similaires, mis à la disposition des Allemands ou des travailleurs étrangers. Il est également interdit de fréquenter les églises. Des distractions spéciales peuvent être organisées par le Front des Travailleurs allemands pour les domestiques de l’Est travaillant dans les foyers urbains, et par l’Administration du Ravitaillement et la Ligue des femmes allemandes pour les domestiques de l’Est travaillant dans les foyers ruraux. Hors de la maison, la domestique de l’Est doit toujours porter sa carte de travail qui lui sert de laissez-passer personnel. Aucune demande de permission… ne doit être acceptée pour l’instant. Le recrutement des domestiques de l’Est est fait pour une période indéfinie. »
L’ombre de la Gestapo et des camps de concentration se profilait constamment sur ces ouvriers réduits à l’esclavage. Comme pour la réalisation des autres programmes essentiels des conspirateurs nazis, les gardes SS et les méthodes de Himmler étaient les instruments de contrainte employés.
Toujours à ce propos, un ordre secret du 20 février 1942, donné par le Reichsführer SS Himmler aux officiers du SD et de la Police de sûreté et concernant les travailleurs de l’Est, met en lumière les mesures de violence dont ils étaient l’objet. C’est le document PS-3040, déposé sous le numéro USA-207, et je demande au Tribunal de tenir pour acquis l’ordre original qui est publié dans la Allgemeine Erlass-Sammlung, partie II, section 2 A, III f, pages 15 à 24. Je désire citer la page 3 du texte anglais en commençant par le paragraphe III (page 19, section 2 A, III f, du texte allemand) :
« III. – Sanction des infractions à la discipline :
« En conformité avec le statut égalitaire de la main-d’œuvre provenant de l’ex-territoire de la Russie soviétique et des prisonniers de guerre, une stricte discipline doit être observée dans les quartiers d’habitation et sur les lieux de travail. Les infractions à la discipline, y compris le refus de travail et la grève perlée, seront combattues exclusivement par la Police secrète d’État. Les cas moins graves seront réglés par le chef des gardes, sur les instructions des Bureaux de l’administration de la Police d’État, selon les mesures précisées en annexe. Pour briser une résistance caractérisée, les gardes seront autorisés à exercer une contrainte physique sur les ouvriers. Mais ceci ne pourra être fait que pour des motifs sérieux. Les travailleurs devront toujours être informés qu’ils seront convenablement traités s’ils se conduisent avec discipline et si leur travail est satisfaisant.
« Dans les cas graves, c’est-à-dire dans les cas où les moyens mis à la disposition du chef des gardes ne suffiraient pas, le Bureau de la Police d’État devra agir avec ses propres moyens. En conséquence, les travailleurs seront généralement traités avec beaucoup de sévérité, c’est-à-dire transférés dans un camp de concentration ou soumis à un traitement spécial. Le transfert dans un camp de concentration doit être effectué de la façon habituelle. Dans les cas particulièrement graves, l’autorisation d’appliquer un traitement spécial devra être demandée au Service central de Sécurité du Reich, en exposant des données personnelles et des faits précis. Le traitement spécial est la pendaison. Il ne doit pas être infligé dans le voisinage immédiat du camp. Un certain nombre de travailleurs de l’ex-territoire de la Russie soviétique devront y assister. C’est à ce moment qu’ils seront mis au courant des circonstances qui peuvent entraîner ce traitement spécial. Au cas où, pour des raisons exceptionnelles, il faudrait appliquer ce traitement spécial dans l’enceinte du camp, une autorisation doit également être demandée. »
J’arrive maintenant à la page 4 du texte anglais, paragraphe IV (section 2 A, III f, page 20 du texte original allemand).
« VI. – Rapports sexuels. Les rapports sexuels sont interdits aux travailleurs provenant de l’ex-territoire de la Russie soviétique. Ils n’en ont d’ailleurs pas l’occasion, puisqu’ils sont confinés dans leurs locaux d’habitation…
« Dans tous les cas de rapports sexuels avec des hommes ou des femmes allemandes, un traitement spécial pour la main-d’œuvre masculine de l’ex-territoire soviétique, et le transfert en camp de concentration pour la main-d’œuvre féminine, devront être demandés. »
Enfin à la page 5 du même document, paragraphe VIII, et dans le texte allemand, section 2 A, III f, page 21, on lit :
« VIII. – Recherches. Les ouvriers de l’ex-territoire de la Russie soviétique qui se sont évadés doivent être absolument signalés sur le livre allemand des recherches. De plus, des moyens d’action doivent être prévus localement. Une fois repris, le fugitif doit faire l’objet d’un traitement spécial. »
Nous avons à plusieurs reprises déclaré devant ce Tribunal que le but essentiel de tout ce programme de travail forcé était d’obliger les individus des territoires occupés à travailler pour l’économie de guerre allemande. Le décret par lequel l’accusé Sauckel fut nommé plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre, révèle que le but de cette nomination était de faciliter l’acquisition de la main-d’œuvre nécessaire aux industries de guerre allemandes et en particulier à l’industrie d’armement en confiant à Sauckel toute la responsabilité du recrutement des travailleurs étrangers et des prisonniers de guerre ainsi que de leur affectation auxdites industries. Je me réfère au document PS-1666 (USA-208). C’est un décret signé de Hitler, de Lammers et de l’accusé Keitel. Il est daté du 21 mars 1942 et nomme l’accusé Sauckel plénipotentiaire général à la main-d’œuvre. Je demande au Tribunal de tenir pour acquis le décret original qui est publié à la page 79, première partie de l’édition de 1942 du Reichsgesetzblatt. Je cite le texte anglais en commençant par le paragraphe 1 :
« Afin de se procurer la main-d’œuvre nécessaire aux industries de guerre en général, et particulièrement à l’industrie de l’armement, il est nécessaire que l’utilisation de toute la main-d’œuvre disponible, y compris celle fournie par les ouvriers recrutés à l’étranger et les prisonniers de guerre, soit soumise à un contrôle uniforme dirigé de façon à l’adapter aux besoins de l’industrie de guerre. Il est également nécessaire que toute la main-d’œuvre encore incomplètement utilisée dans le Grand Reich allemand, y compris le Protectorat, le Gouvernement Général et les territoires occupés, soit mobilisée. Le Reichsstatthalter et Gauleiter Fritz Sauckel exécutera cette tâche dans le cadre du Plan de quatre ans, comme plénipotentiaire général à la main-d’œuvre. À ce titre, il sera directement responsable devant le commissaire du Plan de quatre ans.
« La section III (salaires) et la section V (utilisation de la main-d’œuvre) du ministère du Travail du Reich et les autorités subordonnées seront placées à la disposition du plénipotentiaire général pour l’accomplissement de sa mission. »
On peut mesurer le succès de Sauckel à une lettre que lui-même écrivit à Hitler le 15 avril 1943, et qui contenait le bilan d’une année d’activité. Je me réfère au document PS-407 VI, qui porte le nº USA-209. Je désire citer les paragraphes 6 et 9 de la page 1 du texte anglais (page 2, paragraphes 1 et 2 du texte allemand) :
« Après avoir exercé pendant une année mes fonctions de plénipotentiaire à la main-d’œuvre, je suis à même d’annoncer que 3.638.056 nouveaux ouvriers étrangers ont été fournis à l’Économie de guerre allemande du 1er avril de l’année dernière au 31 mars de cette année… Ces 3.638.056 ouvriers sont répartis dans les branches suivantes de l’Économie de guerre allemande : armement, 1.568.801… »
On peut trouver de nouvelles preuves de cette utilisation systématique de la main-d’œuvre étrangère asservie dans un rapport du Comité central du Plan, déjà mentionné si souvent, hier et ce matin. Le 16 février 1944, eut lieu une nouvelle réunion de ce Comité, et je me réfère à notre document R-124, qui contient le procès-verbal de cette réunion et qui a déjà été présenté comme preuve sous le nº USA-179. Je désire citer particulièrement la page 26, paragraphe 1 du texte anglais (page 16, paragraphe 2 du texte allemand) :
« L’industrie de l’armement emploie des ouvriers étrangers dans une large proportion : 40 % d’après les dernières statistiques. »
En outre, notre document PS-2520, qui a déjà été déposé comme document USA-197, rappelle que d’après les calculs du ministère de Speer, à la date du 31 décembre 1944, environ deux millions d’ouvriers étrangers civils étaient employés directement à fabriquer des armements et des munitions (produits finis ou leurs éléments). Que la plupart de ces ouvriers aient été contraints de venir en Allemagne contre leur volonté, cela ressort clairement des déclarations de Sauckel que j’ai citées ce matin (document R-124, paragraphe 3, page 11), et d’après lesquelles, sur cinq millions d’ouvriers étrangers, deux cent mille au maximum étaient volontaires.
Les accusés Sauckel, Speer et Keitel réussirent à obliger la main-d’œuvre étrangère à construire des fortifications militaires. C’est ainsi que les citoyens de France, de Hollande, de Belgique furent, malgré eux, contraints à participer à la construction du « mur de l’Atlantique », et nous nous reportons au document PS-556-2 (USA-194). Il s’agit d’un ordre de Hitler, daté du 8 septembre 1942 et visé par l’accusé Keitel :
« Les vastes fortifications côtières que j’ai ordonné d’installer dans la zone du groupe d’armée Ouest exigent que, dans les territoires occupés, tous les ouvriers disponibles soient mobilisés et donnent toute la mesure de leurs possibilités de rendement. La main-d’œuvre nationale dont nous disposons est actuellement insuffisante. Afin d’augmenter le nombre des ouvriers, j’ordonne l’institution du travail obligatoire et je donne l’interdiction de changer de lieu de travail sans l’autorisation des autorités compétentes, dans les territoires occupés. En outre, la répartition de cartes de ravitaillement et de cartes de textiles à ceux qui sont mobilisables pour le travail, dépendra à l’avenir de la possession d’un certificat d’emploi. Le refus d’accepter le travail assigné, ainsi que l’abandon du lieu de travail sans le consentement des autorités compétentes, aura pour résultat le retrait des cartes de ravitaillement et des cartes de textiles. Le GBA (plénipotentiaire à la main-d’œuvre), en accord avec les commandants militaires ou les Commissaires du Reich, promulguera les décrets pour l’exécution de cet ordre. »
En fait, l’accusé Sauckel se vanta auprès de Hitler du rôle qu’eut le programme de travail forcé dans la construction du mur de l’Atlantique par « l’organisation Todt » de l’accusé Speer. À ce sujet, nous nous référons au document PS-407 VIII, qui porte le nº USA-210. Il s’agit d’une lettre de l’accusé Sauckel à Hitler, datée du 17 mai 1943. Je cite le deuxième et dernier paragraphe :
« Outre la main-d’œuvre allouée à l’ensemble de l’économie allemande par les Services du Travail, depuis que j’ai pris ce poste, l’organisation Todt a reçu un afflux continuel de main-d’œuvre nouvelle… Ces services ont donc fait tout ce qui était en leur pouvoir pour faciliter l’achèvement du mur de l’Atlantique. »
De même, les civils russes furent incorporés de force dans les bataillons de main-d’œuvre et obligés de construire des fortifications utilisées contre leurs propres compatriotes.
Dans le document PS-031, déjà déposé sous le nº USA-171 et qui est constitué par un mémorandum du ministère Rosenberg, nous lisons la déclaration suivante au premier paragraphe de la page 1 :
« Dans le théâtre d’opérations, les hommes et les femmes sont et seront incorporés dans des formations de travail destinées à la construction de fortifications. »
En outre, les conspirateurs nazis ont obligé des prisonniers de guerre à prendre part à des opérations militaires contre leur propre pays et ses alliés. Au cours d’une réunion tenue par le Comité central du Plan le 19 février 1943 en présence des accusés Speer, Sauckel et du Feldmarschall Milch, eut lieu la conversation suivante ; elle est mentionnée dans notre document R-124, page 32, paragraphe 5 du texte anglais (page 20, dernier paragraphe du texte allemand) :
Sauckel :
« Si nous faisons des prisonniers, nous nous servirons d’eux. »
Milch :
« Nous avons demandé la publication d’un ordre stipulant qu’un certain pourcentage des hommes affectés à la défense anti-aérienne soit russe. Cinquante mille seront pris en tout ; trente mille sont déjà employés comme canonniers. Il est vraiment drôle que les Russes soient obligés de manœuvrer les canons. »
Je mentionne maintenant les documents PS-3027 et 3028 qui deviennent respectivement USA-211 et 212. Ils se trouvent, je crois, tout à fait à la fin du livre de documents, dans de petits dossiers séparés : ce sont des photographies officielles de l’armée allemande. Si Votre Honneur veut bien examiner le document PS-3027, il verra que la légende indique que des prisonniers de guerre russes transportent des munitions pendant l’attaque contre Tschedowo. Le document PS-3028 consiste en une série de photographies officielles de l’armée allemande prises en juillet et août 1941, montrant des prisonniers de guerre russes en Lettonie et en Ukraine obligés de charger et de décharger des trains et des camions de munitions et de mettre ces munitions en piles. Tout cela, peut-on affirmer, au mépris flagrant des règles du Droit international et en particulier de l’article 6 de l’annexe à la Convention de La Haye nº IV, de 1907, qui dispose que les tâches des prisonniers de guerre ne devront avoir aucun rapport avec les opérations militaires. L’utilisation des prisonniers de guerre dans l’industrie d’armement allemande était presque aussi étendue que celle de la main-d’œuvre civile constituée par les travailleurs étrangers. Je cite à cet égard le document PS-3005 (USA-213). C’est une lettre secrète adressée par le ministre du Reich de la main-d’œuvre aux présidents des Services régionaux de la main-d’œuvre ; elle mentionne un ordre de l’accusé Göring stipulant… je cite maintenant directement le paragraphe 1 de ce document :
« Sur ordre personnel du maréchal du Reich, 100.000 hommes doivent être pris parmi les prisonniers de guerre français non encore utilisés dans l’industrie des armements et doivent y être affectés (industrie aéronautique). Les vides qui pourront en résulter seront comblés par des prisonniers de guerre soviétiques. Le transfert desdits prisonniers de guerre doit être achevé d’ici le premier octobre. » Le maréchal du Reich dont il est fait ici mention est naturellement l’accusé Göring.
Une politique analogue fut suivie à l’égard des prisonniers de guerre soviétiques. L’accusé Keitel assura l’exécution de l’ordre de Hitler tendant à utiliser des prisonniers de guerre dans l’économie de guerre allemande. Je mentionne maintenant notre document EC-194 (USA-214), qui est également, d’après son en-tête, un mémorandum très secret. Il provient du Quartier Général de Hitler et porte la date du 31 octobre 1941. Je lis, à la page 1, les deux premiers paragraphes :
« La pénurie de main-d’œuvre devient un obstacle de plus en plus dangereux pour l’avenir de l’industrie allemande de guerre et d’armement. L’amélioration escomptée par l’effet des démobilisations est incertaine quant à son étendue et à sa date. Cependant cette étendue possible ne saurait correspondre à notre attente et à nos besoins qui sont considérables.
Le Führer a ordonné d’utiliser dans une large mesure la capacité de travail des prisonniers de guerre russes, par leur affectation massive à l’industrie de guerre. La condition essentielle du rendement est une nourriture adéquate. Il faut prévoir également de très bas salaires afin que l’attribution des plus modestes articles de consommation pour la vie courante soit considérée comme récompense éventuelle d’un bon rendement. »
Je cite les alinéas II et III du paragraphe 2.
« II. – Construction et Industrie des Armements :
« a) Unités de travail pour les constructions de tout genre, en particulier pour les fortifications défensives côtières (travailleurs du ciment, unités de déchargement du matériel de guerre essentiel) ;
« b) Usines d’armement appropriées devant être sélectionnées de telle manière que leur personnel soit constitué en majorité par des prisonniers de guerre sous contrôle et surveillance (éventuellement après le retrait et l’affectation à d’autres tâches des travailleurs allemands).
« III. – Autres industries de guerre :
« a) Industries minières, comme il est dit au paragraphe II, b) ;
« b) Constructions de chemins de fer, voies, etc. ;
« c) Agriculture et forêts en équipes fermées.
« L’utilisation des prisonniers de guerre russes doit être réglée sur la base des exemples ci-dessus mentionnés :
« Pour le paragraphe I ci-dessus : par la Wehrmacht.
« Pour le paragraphe II : par le ministre du Reich pour l’armement et les munitions ainsi que l’Inspecteur général du réseau routier allemand, en accord avec le ministre du Reich de la main-d’œuvre et l’OKW (Wi Rü Amt). Des délégués du ministère du Reich pour l’armement et les munitions seront admis aux camps de prisonniers de guerre pour aider à sélectionner les ouvriers spécialisés. »
Au cours d’une conférence tenue au ministère de l’Air le 7 novembre 1941, l’accusé Göring aborda lui aussi la question de l’utilisation des prisonniers de guerre dans l’industrie de l’armement. Nous nous référons maintenant à notre document PS-1206 (USA-215). Il se compose de notes ultra-secrètes sur les directives données par Göring au sujet de l’emploi et du traitement des prisonniers de guerre dans les différents secteurs de l’industrie de guerre allemande. Je désire citer le paragraphe I de la première page et le paragraphe 4 de la page 2 du texte anglais (premiers paragraphes des pages 1 et 3 du texte allemand) :
« Le point de vue du Führer sur l’emploi des prisonniers dans l’industrie de guerre a radicalement changé. Jusqu’à maintenant, sur un total de cinq millions de prisonniers de guerre, deux millions étaient utilisés. »
À la page 2 :
« L’idéal serait que, en Allemagne même et dans le Protectorat, des usines entières n’emploient que des prisonniers de guerre russes, le personnel instructeur mis à part.
« Pour l’affectation des ouvriers en Allemagne même et dans le Protectorat, les priorités sont les suivantes :
« a) Au sommet, l’industrie charbonnière. Ordre du Führer de procéder dans toutes les mines à une enquête sur l’opportunité d’employer des Russes on pourra éventuellement n’employer que des travailleurs russes.
« b) Transports (constructions de locomotives, de wagons, ateliers de réparations). Il faut trouver des ouvriers pour réparer les voies ferrées et des métallurgistes parmi les prisonniers de guerre. Le chemin de fer est dans l’Est le moyen le plus important de communication.
« c) Industrie d’armement. De préférence, usines de blindés et de canons éventuellement, construction de pièces détachées de moteurs d’avions. Des équipes complètes appropriées doivent être composées exclusivement de Russes. Pour le reste, emploi en colonnes les utiliser dans les usines de machines-outils, tracteurs de fermes, générateurs, etc. En cas d’urgence, élever dans des endroits particuliers des baraquements pour des travailleurs occasionnels qui seront utilisés comme unités de déchargement et autres. (Ministère de l’Intérieur par le canal des autorités communales.)
« L’OKW/AWA est compétent pour le transport des prisonniers de guerre russes, leur emploi réglé par le “Comité du Plan pour l’emploi de tous les prisonniers de guerre”, au besoin par les bureaux des Commissariats du Reich.
« Aucun emploi où il y a du danger pour les hommes ou leurs approvisionnements, c’est-à-dire dans les usines exposées aux bombardements, les usines hydrauliques de force motrice, etc. Aucun contact avec la population allemande, en particulier aucune solidarité.
« En règle générale, l’ouvrier allemand doit être le contremaître des Russes.
« La nourriture est du ressort du Plan de quatre ans ; ils doivent fournir leur propre nourriture (chats, chevaux).
« Les vêtements, le logement, la nourriture : quelque peu meilleure que chez eux où la plupart des gens vivent dans des cavernes.
« Fourniture de chaussures pour les Russes. En principe chaussures de bois. Si besoin est, installer des cordonniers russes.
« Examen médical, afin d’éviter l’importation de maladies.
« Le déminage doit être en principe effectué par les Russes : si possible, par des pionniers russes sélectionnés. »
De ces accusés, Göring n’était pas le seul à patronner et à appliquer la politique d’utilisation des prisonniers de guerre dans l’industrie d’armement. L’accusé Speer patronna et appliqua également cette même politique.
Nous nous référons maintenant au document PS-1435 (USA-216). C’est un discours aux Gauleiter nazis, prononcé par Speer le 24 février 1942. Je désire lire à partir du paragraphe 2 de ce document.
« J’ai donc, à la fin décembre, proposé au Führer de libérer tous mes effectifs de main-d’œuvre, y compris les spécialistes, pour les employer en masse dans l’Est. J’ai donc mis les prisonniers de guerre restant (10.000 environ) à la disposition de l’industrie d’armement. »
Speer rapporta également à la 36e réunion du Comité central du Plan, qui eut lieu le 22 avril 1943, que 30 % seulement des prisonniers de guerre russes étaient employés dans l’industrie d’armement. Ceci ne lui paraissait pas satisfaisant. Si nous nous référons de nouveau au document R-124, procès-verbal des séances du Comité central du Plan, et en particulier à la page 17, paragraphe 10 du texte anglais (page 14, paragraphe 7 du texte allemand), nous trouvons cette déclaration de l’accusé Speer. Je cite : « II existe une déclaration précise, qui est d’un très grand intérêt et qui montre dans quels secteurs ont été répartis les prisonniers de guerre russes. Elle indique que l’industrie des armements n’en a reçu que 30 %. Je m’en suis toujours plaint. »
Et à la page 20 du même document R-124, paragraphe 1 (et page 14, dernier paragraphe du texte allemand), on trouve cette déclaration de l’accusé Speer. Je cite :
« Les 90.000 prisonniers de guerre russes employés dans l’ensemble de l’industrie d’armement sont pour la plupart des ouvriers spécialisés. »
L’accusé Sauckel, qui fut nommé plénipotentiaire général à la main-d’œuvre dans le but exprès, entre autres, de faire entrer des prisonniers de guerre dans l’industrie de guerre allemande, déclara clairement que les prisonniers de guerre devaient être contraints à servir l’industrie allemande d’armement.
Son programme de mobilisation de la main-d’œuvre, qui constitue le document PS-016 déjà déposé sous le nº USA-168, contient cette déclaration à la page 6, paragraphe 10 du texte anglais et page 9, paragraphe 1 du texte allemand :
« Tous les prisonniers de guerre des territoires de l’Ouest, aussi bien que de ceux de l’Est, se trouvant actuellement en Allemagne, doivent être totalement incorporés dans les usines allemandes qui fabriquent des armes et des produits alimentaires. Leur rendement doit être porté au plus haut degré possible ».
Je désire maintenant passer de l’exploitation générale de la main-d’œuvre étrangère à un programme nazi assez spécial qui semble avoir combiné la brutalité et les desseins du programme de travaux forcés avec ceux des camps de concentration. Les nazis placèrent tous les ressortissants alliés dans les camps de concentration et les forcèrent, avec les autres internés des camps, à travailler dans des conditions qui avaient manifestement pour but de les exterminer. C’était ce que nous appelons le programme nazi d’extermination par le travail.
Au printemps 1942, ces conspirateurs se tournèrent vers les camps de concentration comme vers une source supplémentaire de main-d’œuvre forcée pour l’industrie d’armement. Je mentionne un nouveau document, le nº R-129 (USA-217). C’est une lettre adressée à Himmler, le Reichsführer SS, en date du 30 avril 1942, par un de ses subordonnés, un individu nommé Pohl, SS Obergruppenführer et général des Waffen SS. Je désire citer la première page de ce document :
« Mon rapport d’aujourd’hui porte sur la situation actuelle dans les camps de concentration et sur les mesures que j’ai prises pour exécuter votre ordre du 3 mars 1942. » Je cite ensuite les paragraphes 1, 2 et 3, page 2 du texte anglais et page 1 du texte allemand :
« 1. La guerre a amené un changement marqué dans la structure des camps de concentration et a considérablement changé leur rôle en ce qui concerne l’emploi des prisonniers. L’internement de prisonniers pour les seules raisons de sécurité, d’éducation ou de prévention n’est plus la condition essentielle l’accent est à porter maintenant sur le côté économique. Ce qui est maintenant au premier plan et le devient de plus en plus, c’est la mobilisation de tous les prisonniers capables de travailler, d’une part pour la guerre actuelle, et d’autre part pour les tâches de la paix future.
« 2. De cette donnée résulte la nécessité de prendre certaines mesures ayant pour but de transformer les camps de concentration en organisations mieux adaptées aux tâches économiques, alors qu’ils ne présentaient auparavant qu’un intérêt purement politique.
« 3. Pour cette raison, j’ai rassemblé tous les chefs de l’ancienne inspection des camps de concentration, tous les commandants des camps et tous les directeurs et surveillants de travaux, les 23 et 24 avril 1942. Je leur ai expliqué personnellement cette nouvelle évolution. J’ai résumé dans l’ordre ci-joint les points essentiels dont la mise en application doit être faite de toute urgence pour ne pas retarder le commencement des travaux pour l’industrie d’armement. »
Cet ordre mentionné dans ce troisième paragraphe expose la structure d’un programme d’exploitation impitoyable, stipulant entre autres (je cite maintenant la pièce jointe à cette lettre qui fait également partie du document R-129, page 3, paragraphes 4, 5 et 6 du texte anglais, page 3 du texte allemand) :
« 4. Le commandant du camp est seul responsable de l’emploi de la main-d’œuvre disponible. Cet emploi doit être total au sens propre du mot, afin d’obtenir le rendement maximum. Le travail est réparti par le chef du département central “D”, et par lui seul. Les commandants de camps eux-mêmes ne peuvent pas de leur propre initiative accepter des travaux proposés par des tierces personnes et ne peuvent pas engager des négociations à ce sujet.
« 5. Il n’y a pas de limite à la durée de travail celle-ci dépend du type d’établissement de travail dans les camps et du genre de travail à exécuter. Elle est fixée par les commandants de camps seuls.
« 6. Toutes les circonstances qui pourraient entraîner un raccourcissement de la durée du travail (par exemple : repas, appels) doivent en conséquence être restreintes à un strict minimum. Il est interdit de permettre de longues marches jusqu’aux lieux de travail : on n’autorisera les pauses à midi, que pour la durée du repas. »
Le programme de production de l’armement que je viens de décrire n’était pas seulement le plan de mobilisation de la main-d’œuvre des camps. En fait, nous avons déjà indiqué qu’il était intégré dans le grand programme nazi d’extermination. Je désire mentionner maintenant le document PS-654 (USA-218).
L’audience ne pourrait-elle pas être suspendue quelques instants ?
Très bien.
Au moment de la suspension d’audience, je venais de mentionner le document PS-654 (USA-218.). Il s’agit d’un mémorandum relatif à un accord intervenu entre Himmler, Reichsführer SS et le ministre de la Justice Thierack. Il porte la date du 18 septembre 1942.
Le concept d’extermination, que j’ai mentionné peu de temps avant la suspension, est exprimé dans ce document, dont je désire citer le paragraphe 2 de la page 1 :
« 2. Transfert des éléments anti-sociaux, des prisons au Reichsführer SS pour l’extermination par le travail. – Seront transférées, sans exception, les personnes en état d’arrestation protectrice, Juifs, Tziganes, Russes et Ukrainiens, Polonais condamnés à plus de 3 ans d’internement, Tchèques et Allemands condamnés à plus de 8 ans ; selon la décision du ministre de la Justice du Reich. Parmi les éléments anti-sociaux que je viens de mentionner il faut d’abord transférer les plus mauvais. J’informerai le Führer de ces mesures par l’intermédiaire du Reichsleiter Bormann. »
Cet accord stipulait également dans le paragraphe 12 qui figure à la page 2 du texte anglais (page 3, paragraphe 14 du texte allemand) :
« 14. – II est entendu que, en considération des desseins du Gouvernement pour la liquidation des problèmes de l’Est, les Juifs, les Polonais, les Tziganes, les Russes et les Ukrainiens ne seront plus à l’avenir jugés par les Tribunaux ordinaires, en matière pénale, mais que leur cas devra être traité par le Reichsführer SS. Ceci ne concerne pas les procès civils et ne s’applique pas aux Polonais dont les noms figurent dans les listes raciales allemandes. »
En septembre 1942, l’accusé Speer prit des mesures pour amener cette nouvelle source de main-d’œuvre dans le rayon de sa compétence. Il persuada Hitler qu’on ne pourrait obtenir un rendement important qu’à la seule condition d’employer les prisonniers des camps de concentration dans des usines placées sous le contrôle technique du ministère Speer, et non sous le contrôle des camps.
En fait, sans la collaboration de l’accusé Speer, nous estimons qu’il eût été très difficile d’utiliser des prisonniers sur une large échelle pour la production de guerre, puisqu’il n’aurait pas fourni à Himmler les machines-outils et autres équipements nécessaires. Par conséquent, il fut entendu que les prisonniers devraient être exploités dans des usines sous le contrôle de l’accusé Speer. Pour dédommager Himmler de l’abandon de cette compétence à Speer, celui-ci proposa – et Hitler approuva – que Himmler recevrait une partie de la production d’armements fixée en proportion des heures de travail fournies par ses prisonniers.
Le procès-verbal de la conférence de Speer avec Hitler les 20, 21 et 22 septembre 1942 constitue le document R-124 déposé sous le nº USA-179. Je désire mentionner particulièrement la page 34 du texte anglais. Ce sont les notes prises par l’accusé Speer sur cette conférence. Je cite la page 34, paragraphe 36, commençant au milieu de la page du texte anglais (ceci se trouve au haut de la page 26 du texte allemand) :
« Je fis remarquer au Führer que, à part des travaux insignifiants, il n’existe aucune possibilité d’organiser la production des armements dans les camps de concentration pour les raisons suivantes :
« 1. Les machines-outils nécessaires font défaut.
« 2. Il n’y a pas de locaux adéquats.
« Ces machines-outils et locaux seraient disponibles dans les industries d’armement s’ils pouvaient être utilisés par une deuxième équipe.
« Le Führer accepte ma proposition selon laquelle les nombreuses usines établies hors des villes pour des raisons de protection antiaérienne abandonneraient leurs travailleurs pour fournir la deuxième équipe dans les usines urbaines et recevraient en échange la main-d’œuvre des camps de concentration, également en deux équipes.
« J’ai signalé au Führer les difficultés auxquelles je m’attends si le Reichsführer SS Himmler réussissait, selon ses désirs, à exercer une influence décisive sur ces usines. Le Führer estime, lui aussi, que cette influence n’est pas nécessaire.
« Cependant, il consent à ce que le Reichsführer SS Himmler obtienne un avantage en échange des détenus disponibles. Il doit obtenir des équipements pour sa division.
« Je suggère de lui donner une partie de ces avantages en nature (équipement de guerre) proportionnellement aux heures de travail fournies par ses détenus. Une proportion de trois à cinq pour cent fait l’objet d’une discussion, les équipements étant calculés également d’après les heures de travail. Le Führer serait prêt à accepter une telle solution.
« Il est prêt à ordonner la livraison supplémentaire d’équipements et d’armes aux SS d’après une liste qui lui serait soumise. »
Après cette demande de main-d’œuvre des camps de concentration et après l’établissement par l’accusé Speer d’un mécanisme destiné à exploiter cette main-d’œuvre dans les usines d’armement, des mesures furent prises pour augmenter la fourniture de victimes pour l’extermination par le travail. Un flot régulier en fut assuré par un accord intérieur entre Himmler et le ministre de la Justice susmentionné, lequel reçut son application dans des programmes tels que celui-ci, et je cite le document L-61 (USA-177). Je désire en citer le paragraphe 3. Ce document, le Tribunal s’en souviendra, est une lettre adressée par l’accusé Sauckel, en date du 26 novembre 1942, aux présidents des Services régionaux de la main-d’œuvre.
« Les Polonais qui doivent être évacués à la suite de cette mesure seront internés dans des camps de concentration et mis au travail si ce sont des éléments criminels ou anti-sociaux ».
Les mesures générales furent complétées par des rafles de personnes qui, normalement, n’auraient pas été internées dans les camps de concentration.
N’avez-vous pas déjà cité ce document ce matin ?
Si. Je le relisais en présentant cet aspect particulier de la preuve. Par exemple, pour « des nécessités de guerre », Himmler ordonna qu’au moins 35.000 internés aptes au travail soient transférés dans des camps de concentration. Je présente maintenant le document nº PS-1063 (USA-219) : c’est un ordre de Himmler daté du 17 décembre 1942. Cet ordre stipule au paragraphe 1er :
« Pour des nécessités de guerre qui n’ont pas à être discutées ici, le Reichsführer SS et Chef de la Police allemande, a ordonné le 14 décembre 1942, que d’ici la fin de janvier 1943, au moins 35.000 prisonniers en état de travailler soient envoyés aux camps de concentration. Afin d’atteindre ce nombre, les mesures suivantes sont nécessaires :
« 1. À dater d’aujourd’hui et jusqu’au 1er février 1943, tous les ouvriers de l’Est ou d’autres ouvriers étrangers fugitifs, ou qui ont rompu leur contrat, et qui ne ressortissent pas à des États alliés, amis ou neutres, doivent être amenés par les moyens les plus rapides dans les camps de concentration les plus proches…
« 2. Les commandants de camps et les commandants de la Police de sûreté et du SD, ainsi que les chefs des services de la Police d’État contrôleront immédiatement sur la base de règles précises et sévères :
« a) Les prisons ;
« b) Les camps de redressement par le travail.
« Tous les prisonniers capables de travailler, si c’est essentiellement et humainement possible, seront immédiatement internés dans les camps de concentration les plus proches d’après les directives suivantes, par exemple même si des procédures pénales doivent être engagées contre eux dans un proche avenir :
« Seront seuls mis au secret les prisonniers qui doivent absolument y être laissés dans l’intérêt des procédures d’enquête.
« Chaque ouvrier compte ! »
Des mesures furent également adoptées pour s’assurer que cette extermination par le travail fût pratiquée avec le maximum d’efficacité. Des camps de concentration furent annexés aux usines de guerre importantes. L’accusé Speer a reconnu qu’il avait personnellement parcouru la Haute Autriche et choisi des localités pour y construire les camps de concentration affectés aux diverses usines de munitions qui se trouvaient dans cette région. Je m’apprête à me référer au texte d’un interrogatoire sous serment de l’accusé Albert Speer.
Monsieur Dodd, s’agit-il, dans le document PS-1063, que vous venez de lire, de prisonniers de guerre, de prisonniers de droit commun, ou d’autres ?
Je l’entendais au sens de prisonniers de droit commun.
Je signale, étant donné la règle admise ce matin par le Tribunal en ce qui concerne cet interrogatoire de l’accusé Speer, que nous avons remis le texte intégral allemand aux avocats de la Défense. La brièveté de cet interrogatoire nous a permis de compléter cette traduction, et nous l’avons remis au centre d’information.
Je voudrais me permettre de faire quelques remarques au sujet du texte de cet interrogatoire dont le procureur vient d’annoncer la lecture. Il est exact que le texte allemand du procès-verbal anglais – si on peut appeler cela un procès-verbal – nous a été remis. Une comparaison des deux textes a toutefois révélé qu’ils contenaient des erreurs qui en changent la signification.
Je pense que ces erreurs doivent être imputées à des malentendus dont l’interprète a été la victime. C’est pourquoi je crois pouvoir admettre que le soi-disant procès-verbal allemand, de même que le texte anglais, ne reproduisent pas le contenu de ce que l’accusé Speer a voulu exprimer lors de son interrogatoire. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit utile, dans l’intérêt de la vérité, de prendre ce procès-verbal en considération.
Monsieur Dodd, quand la traduction allemande a-t-elle été remise à l’avocat de l’accusé ?
II y a environ quatre jours.
M. Dodd, existe-t-il des certificats de l’interrogateur quant à la traduction anglaise ?
Oui, il y a, à la fin de l’interrogatoire, un certificat de l’interrogateur et de l’interprète ainsi que du rédacteur, ce qui fait trois certificats.
Il me semble que, dans ces circonstances, le mieux est d’admettre cet interrogatoire maintenant. Vous aurez l’occasion, lorsque l’accusé comparaîtra, de montrer comment il allègue, ou comment vous alléguez que cet interrogatoire a été mal traduit.
Je vous remercie.
Puis-je attirer l’attention de Votre Honneur sur le dernier document du Livre, quatre pages avant la fin ?
Quelle page désirez-vous mentionner ?
C’est la page 16 du texte anglais du procès-verbal de l’interrogatoire (page 21 du texte allemand). La réponse est la suivante :
« Réponse. – Il est exact que nous nous étions efforcés d’utiliser dans les usines les travailleurs des camps de concentration établis à proximité de ces usines, afin d’utiliser la main-d’œuvre qui y était disponible. Mais cela n’a aucun rapport avec ce voyage. » (Le voyage de Speer en Autriche, USA-220.)
Je dois dire à l’avocat que s’il avait attendu jusqu’à la lecture de ce passage, il aurait vu l’inutilité de son objection.
L’accusé Göring approuva cette utilisation de la main-d’œuvre des camps de concentration et en demanda davantage. Nous nous référons à notre document PS-1584, première partie, déposé sous le nº USA-221. Ce document est un télétype de Göring à Himmler, daté du 14 février 1944. Je cite ce document en commençant à la deuxième phrase :
« En même temps, je vous demande de mettre à ma disposition le plus grand nombre possible d’internés des camps de concentration pour les constructions aéronautiques, étant donné que ce type de main-d’œuvre s’est avéré très utile dans les expériences précédentes. La situation de la guerre aérienne rend nécessaire le transfert de l’industrie dans les usines souterraines. Pour un travail de ce genre, les internés des camps de concentration sont particulièrement aptes à être concentrés sur les lieux de travail et dans les camps. »
L’accusé Speer assuma par la suite toute la responsabilité de ce programme, et Hitler lui promit que, si la main-d’œuvre nécessaire pour le réaliser ne pouvait être obtenue, 100.000 Juifs hongrois seraient amenés par les SS.
Speer rapporta les entretiens qu’il eut avec Hitler les 6 et 7 avril de l’année 1944. On trouvera ce rapport dans le document R-124 (USA-179), déjà déposé. Je cite la page 36 du texte anglais de ce document (page 29 du texte allemand) :
« J’ai suggéré au Führer qu’étant donné le manque de personnel et de matériel de construction, le deuxième grand projet de construction ne devrait pas être réalisé en territoire allemand mais à proximité de la frontière, sur un sol convenable (de préférence sur une base de graviers et avec des facilités de transport), en territoire français, belge ou hollandais. Le Führer accepta cette suggestion si l’usine pouvait être édifiée derrière une zone de fortifications. Ma suggestion d’établir cette usine en territoire français s’inspirait essentiellement du fait qu’il aurait été beaucoup plus facile de se procurer la main-d’œuvre nécessaire. Cependant, le Führer demanda qu’une tentative soit faite pour établir cette deuxième usine dans une zone plus sûre, c’est-à-dire dans le Protectorat. S’il s’avérait également impossible d’y obtenir les ouvriers nécessaires, le Führer lui-même entrerait en contact avec le Reichsführer SS et donnerait un ordre pour que les 100.000 hommes nécessaires soient rendus disponibles, en faisant venir des Juifs de Hongrie. En insistant sur le fait que l’organisation chargée de la construction de la communauté industrielle de Silésie avait échoué, le Führer demanda que ces usines soient édifiées essentiellement par l’O.T. et que les travailleurs soient fournis par le Reichsführer SS. Il désirait tenir une conférence d’ici peu pour discuter les détails avec toutes les personnes intéressées. »
Le traitement inhumain, dégradant, et incroyablement brutal qui était infligé aux nationaux alliés et autres victimes des camps de concentration, alors qu’ils étaient littéralement contraints à travailler jusqu’à la mort, est décrit dans le document L-159, qui ne figure pas dans le livre de documents. Il s’agit d’un rapport officiel préparé par le Comité du Congrès des États-Unis. (Sénat des États-Unis – document nº 47.) Ce Comité du Congrès a visité les camps libérés, sur la requête du général Eisenhower. Ce document porte le nº USA-222. Je désirerais en citer de brefs extraits : à la page 14, le dernier paragraphe et les deux premiers paragraphes de la page 15 du texte anglais :
« Le traitement infligé à ces prisonniers des camps de concentration était généralement le suivant :
« Ils étaient parqués ensemble dans des baraques en bois qui n’auraient pas été assez grandes pour un dixième d’entre eux. Ils étaient contraints de dormir sur des cadres de bois couverts de planches avec des étages de 2, 3 et quelquefois 4 lits superposés, souvent sans couvertures, quelquefois avec un paquet de chiffons sales, servant à la fois de matelas et de couvertures.
« Généralement leur nourriture consistait en une demi-livre de pain noir par jour et en une gamelle de soupe claire à midi et le soir, et encore pas toujours. Étant donné la grande quantité de personnes entassées dans un petit espace et le manque de subsistance nécessaire, la vermine et les poux se multipliaient et la maladie sévissait : ceux qui ne mouraient pas rapidement de la maladie ou des suites de la torture commençaient la longue agonie de la famine.
« Malgré ce programme délibéré de famine infligé à ces prisonniers par un manque de nourriture convenable, nous ne trouvons aucune preuve que le peuple d’Allemagne, dans l’ensemble, ait souffert d’un manque de nourriture ou de vêtements. Le contraste était si frappant que la seule conclusion à laquelle nous pouvons arriver est que la famine infligée aux internés de ces camps était voulue.
« En entrant dans ces camps, les nouveaux venus étaient astreints, soit à travailler dans une usine de guerre adjacente, soit à être placés dans des “kommandos” pour y faire des corvées diverses à proximité, revenant chaque soir à leur box dans les baraques. Généralement, un criminel allemand était responsable de chacun des blocs dans lesquels dormaient les prisonniers. Périodiquement, il choisissait le prisonnier du bloc qui semblait le plus habile ou le plus intelligent, et qui montrait les meilleures qualités de chef. Celui-ci devait se présenter à la salle de garde et on n’entendait plus parler de lui. L’opinion généralement répandue parmi les prisonniers était qu’il était fusillé, ou passé à la chambre à gaz, ou pendu et ensuite passé au four crématoire.
« Le refus de travailler ou une infraction aux règlements entraînait une punition par le fouet ou tout autre type de torture, telle que l’extraction des ongles et, dans tous les cas, se terminait généralement par la mort, après des souffrances prolongées. Le système décrit ici constitue un programme calculé de tortures préméditées et d’extermination, réalisé par ceux qui contrôlaient le Gouvernement allemand. »
Je passe à la page 11 du texte anglais, deuxième phrase du paragraphe 2 : description du camp de Dora à Nordhausen (page 12, paragraphe 1 du texte allemand).
« Dans l’ensemble, nous avons constaté que ce camp a été dirigé et administré de la même façon que celui de Buchenwald. Quand le rendement des travailleurs diminuait, comme conséquence des conditions dans lesquelles on leur demandait de vivre, leur ration alimentaire était diminuée en guise de châtiment. Ceci créait un cercle vicieux, dans lequel le faible s’affaiblissait encore davantage, et en définitive était exterminé. »
Tel était le cycle : travail, tortures, famine et mort ; tel était le sort réservé à la main-d’œuvre des camps de concentration, main-d’œuvre dont l’accusé Göring disait, tout en en demandant toujours davantage, qu’elle s’était avérée très utile ; main-d’œuvre que l’accusé Speer s’efforçait d’utiliser dans les usines soumises à son contrôle. La politique qui était à la base de ce programme, la manière dont celui-ci a été exécuté et la responsabilité qui en incombe aux conspirateurs a été traitée de façon approfondie. C’est pourquoi j’aimerais, sous ce rapport, examiner la responsabilité particulière de l’accusé Sauckel.
La nomination de celui-ci au poste de plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre s’explique avant tout par le fait qu’il était un vieux nazi digne de confiance. Il a certifié, dans le document PS-2974, daté du 17 novembre 1945 – et qui a déjà été déposé devant le Tribunal sous le nº USA-15 – avoir occupé les postes suivants :
Commençant par son adhésion à la NSDAP, il devint ensuite membre du Reichstag ; il fut Gauleiter de Thuringe, membre du Landtag de Thuringe, puis ministre de l’Intérieur et chef du ministère d’État de Thuringe ; puis Reichsstatthalter de Thuringe ; il fut ensuite SA Obergruppenführer, SS Obergruppenführer. Il fut directeur des Berlin-Suhler Waffen et Fahrzeugwerke en 1935, chef des Gustloff-Werke Nationalsozialistische Industrie-Stiftung en 1936 et directeur honoraire de la fondation. Enfin, à partir du 21 mars 1942 jusqu’en 1945 il fut plénipotentiaire général pour l’utilisation de la main-d’œuvre.
La responsabilité officielle de Sauckel est établie par des preuves. Sa nomination comme plénipotentiaire général à la main-d’œuvre fut effectuée par un décret du 21 mars 1942, décret que nous avons déjà lu et qui fut signé par Hitler, Lammers et l’accusé Keitel. En vertu de ce décret, l’autorité et la responsabilité de Sauckel n’avaient d’autres limites que celles que Hitler et Göring, chef du Plan de quatre ans, auraient pu lui imposer dans le domaine du recrutement, de l’allocation et du traitement de la main-d’œuvre étrangère et allemande.
L’accusé Göring, devant lequel Sauckel était directement responsable, abolit les offices de recrutement et de répartition de sa propre organisation du Plan de quatre ans, et transmit leurs pouvoirs à l’accusé Sauckel ; il lui délégua également l’importante autorité qu’il tirait de son titre de Directeur du Plan de quatre ans. Dans le document PS-1666, second du même numéro mais d’une autre date (27 mars 1942), nous avons un décret publié dans le Reichsgesetzblatt de 1942, première partie, page 180, et dont je demande au Tribunal de prendre acte :
« En exécution du décret du Führer du 21 mars 1942… je décrète ce qui suit :
« 1. Mes sections de main-d’œuvre sont dissoutes (lettre circulaire du 22 octobre 1936). Leurs tâches (recrutement et distribution de la main-d’œuvre, règlement des conditions de travail) sont assumées par le plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre, qui m’est directement subordonné.
« 2. Le plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre sera responsable du règlement des conditions de travail (politique des salaires) de la main-d’œuvre employée dans les territoires du Reich en considération des besoins de l’Arbeitseinsatz.
« 3. Le plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre fait partie du Plan de quatre ans. Dans les cas où une législation nouvelle serait nécessaire, ou si les lois en vigueur nécessitaient une modification, il me soumettra les propositions appropriées.
« 4. Le plénipotentiaire général pour la main-d’œuvre pourra user, pour l’accomplissement de sa tâche, du droit qui m’a été délégué par le Führer de donner des directives aux plus hautes autorités du Reich, à leurs services et aux bureaux du Parti, à leurs sections et à leurs organismes affiliés, au Protecteur du Reich, au Gouverneur Général, au Commandant en chef et aux chefs des administrations civiles. Au cas où la promulgation d’ordonnances et d’instructions d’importance fondamentale serait nécessaire, un rapport doit m’être soumis à l’avance. »
Le document PS-1903 est un décret de Hitler du 30 septembre 1942, donnant à l’accusé Sauckel des pouvoirs extraordinaires sur les autorités civiles et militaires des territoires occupés par l’Allemagne. Nous demandons au Tribunal d’accorder valeur probatoire au décret original il a été publié dans le volume 2, page 510, des « Verfügungen, Anordnungen, Bekanntgaben », publiées par la Chancellerie du Parti. Ce décret stipule ce qui suit :
« J’autorise par la présente le Délégué général pour la main-d’œuvre, Reichsstatthalter et Gauleiter Fritz Sauckel à prendre de sa propre initiative toutes mesures nécessaires pour l’application de mon décret du 21 mars 1942 nommant un Délégué général pour la main-d’œuvre (Reichsgesetzblatt I, page 179), dans le Grand Reich, dans le Protectorat et dans le Gouvernement Général de même que dans les territoires occupés, mesures qui auront pour but d’assurer, en toutes circonstances, l’utilisation régulière de la main-d’œuvre pour l’économie de guerre allemande.
« Dans ce but, il peut nommer des commissaires auprès des services de l’administration militaire et civile. Ceux-ci lui seront directement subordonnés. Pour l’exécution de leur mission, ils ont le droit de donner des directives aux autorités militaires et civiles compétentes pour la répartition de la main-d’œuvre et la politique des salaires.
« Des directives plus détaillées seront données par le Délégué général pour la main-d’œuvre. »
« Quartier Général du Führer le 30 septembre 1942.
« Le Führer, Signé : Adolf Hitler. »
Moins d’un mois après sa nomination, l’accusé Sauckel envoya à l’accusé Rosenberg son programme de « Mobilisation de main-d’œuvre ». Ce programme – document PS-016, déjà déposé sous le numéro USA-168 – envisageait le recrutement par la contrainte et l’exploitation poussée au maximum, de toutes les ressources en main-d’œuvre des zones conquises, ainsi que des prisonniers de guerre pour la machine de guerre nazie, et ne devait entraîner pour l’État allemand que des dépenses aussi infimes que possible.
L’accusé Sauckel déclara – et je cite le passage qui figure au bas de la page VI du texte anglais – (page 9, paragraphe 2 dans le texte allemand) :
« Il faut souligner, cependant, qu’on doit encore envoyer dans le Reich des effectifs considérables de main-d’œuvre étrangère. La principale source en est constituée par les territoires occupés de l’Est.
« En conséquence, il est de nécessité immédiate d’épuiser les réserves humaines des territoires soviétiques conquis. Si nous n’arrivons pas à nous procurer la main-d’œuvre nécessaire sur la base du volontariat, nous devons immédiatement instituer la mobilisation et le service obligatoire.
« En dehors des prisonniers de guerre qui se trouvent encore dans les territoires occupés, nous devons mobiliser dans le territoire soviétique des ouvriers spécialisés ou non, hommes et femmes, à partir de 15 ans, pour l’Arbeitseinsatz. »
Nous passons ensuite à la page XII du texte anglais, premier paragraphe, page 17, paragraphe 4 du texte allemand :
« L’utilisation totale de tous les prisonniers de guerre, ainsi qu’une quantité énorme de nouveaux travailleurs civils étrangers, hommes et femmes, est devenue une nécessité indiscutable pour la réalisation du programme de mobilisation de la main-d’œuvre au cours de cette guerre. »
L’accusé Sauckel compléta le plan proposé par les directives de base nécessaires. Il stipula que si le recrutement volontaire des ouvriers étrangers ne donnait pas de résultats, un service obligatoire serait institué.
Le document PS-3044 est le règlement nº 4 de Sauckel en date du 7 mai 1942. Je demande au Tribunal de donner force probatoire au règlement original publié dans le volume II, pages 516 à 527, des « Verfügungen, Anordnungen, Bekanntgaben », que j’ai déjà mentionnés. Je cite le paragraphe 3, page 1 dans le texte anglais :
« Le recrutement de main-d’œuvre étrangère sera réalisé en principe sur la base du volontariat. Cependant, si dans les territoires occupés, l’appel aux volontaires ne suffit pas, le service obligatoire et la mobilisation doivent absolument être institués. C’est une nécessité impérieuse en raison de nos besoins de main-d’œuvre. »
Sauckel avait également prévu la répartition de la main-d’œuvre étrangère, d’après son importance, pour la machine de guerre nazie. Nous nous référons au document PS-3044 (a), règlement nº 10 de l’accusé Sauckel, et demandons au Tribunal de donner force probatoire au règlement original publié dans le volume II des « Verfügungen, Anordnungen, Bekanntgaben », pages 531 à 533. Je cite le paragraphe 3 de ce règlement :
« La main-d’œuvre disponible des territoires occupés doit être utilisée en premier lieu pour satisfaire aux besoins en Allemagne même. Dans les territoires occupés, la main-d’œuvre sera répartie dans l’ordre suivant :
« a) Main-d’œuvre nécessaire aux troupes, aux autorités d’occupation et aux autorités civiles ;
« b) Main-d’œuvre nécessaire à l’armement de l’Allemagne ;
« c) Main-d’œuvre nécessaire au ravitaillement et à l’agriculture ;
« d) Main-d’œuvre nécessaire aux entreprises industrielles travaillant pour l’Allemagne, autres que celles de l’armement ;
« e) Main-d’œuvre nécessaire aux entreprises industrielles travaillant pour la population du territoire en question. »
L’accusé Sauckel et les services qui lui étaient subordonnés, avaient seuls autorité pour recruter des ouvriers dans tous les territoires d’Europe occupés ou contrôlés par l’Allemagne ou dans les pays amis de l’Allemagne. L’accusé Sauckel affirme lui-même cette autorité dans un décret, document PS-3044, déjà déposé sous le nº USA-206. Je me réfère au paragraphe 5, page 1 du texte anglais de ce document :
« Le recrutement de la main-d’œuvre étrangère dans les territoires occupés par l’Allemagne sera effectué exclusivement par mes commissaires ou par les services allemands militaires ou civils, responsables de la mobilisation de la main-d’œuvre. »
N’avez-vous pas déjà lu ce document ?
Non, pas encore. Nous avons déjà mentionné ce décret, mais nous n’en avons pas cité ce passage.
Je passe au paragraphe 2, 1 a, page 2 et je cite un autre passage :
« Pour l’exécution des mesures de recrutement dans les pays alliés, amis ou neutres, mes commissaires sont seuls responsables. »
En outre, les accusés suivants, informés par Sauckel de la quantité de travailleurs étrangers dont il avait besoin, collaborèrent avec lui et ses agents pour les lui fournir :
L’accusé Keitel, chef de l’OKW – c’est-à-dire le commandement suprême – lui apporta son aide.
Nous nous référons au document PS-I-3012, déposé sous le nº USA-190. C’est le compte rendu d’une communication téléphonique du Chef de l’État-Major économique Est de l’Armée allemande, en date du 11 mars 1943. Je désire en citer les deux premiers paragraphes :
« Le plénipotentiaire pour la main-d’œuvre, Gauleiter Sauckel, me fait remarquer dans un télétype urgent que la répartition de la main-d’œuvre dans l’agriculture allemande, de même que tous les programmes d’armement les plus urgents ordonnés par le Führer, rendent impérieusement nécessaire dans les quatre mois à venir le recrutement rapide d’environ un million d’hommes et de femmes des territoires nouvellement occupés de l’Est. Dans ce but, le Gauleiter Sauckel demande qu’on envoie quotidiennement 5.000 ouvriers à dater du 15 mars, et 10.000 ouvriers hommes ou femmes, à partir du 1er avril, des territoires nouvellement occupés de l’Est. »
Je passe au paragraphe suivant :
« En tenant compte des pertes extraordinaires de main-d’œuvre qui se sont produites dans l’industrie de guerre allemande en raison des événements de ces derniers mois, il est maintenant nécessaire de reprendre partout le recrutement des travailleurs en l’augmentant considérablement. La tendance à limiter ou à arrêter complètement le programme de recrutement du Reich, que nous constatons en ce moment dans ce territoire, est absolument inacceptable dans les conditions actuelles. Le Gauleiter Sauckel qui est au courant de ces événements s’est, en conséquence, immédiatement adressé au General-Feldmarschall Keitel, le 10 mars 1943, par télétype, et a souligné à cette occasion que, comme dans tous les autres territoires occupés, où les autres méthodes échouent, on devait, sur l’ordre du Führer, exercer une certaine pression. »
C’est à cet endroit que nous nous préparons à déposer la copie d’un interrogatoire sous la foi du serment de l’accusé Sauckel. L’avocat de l’accusé Sauckel n’a pu voir que le texte anglais de cet interrogatoire. Il l’a entre les mains depuis un certain temps et les extraits sur lesquels nous désirons nous appuyer lui ont été remis également en allemand.
Si j’ai bien compris le règlement du Tribunal, il sera nécessaire de lui remettre l’interrogatoire tout entier en allemand.
Il me semble que vous pourriez utiliser cet interrogatoire, puisque les extraits en allemand ont déjà été déposés.
Ils l’ont été, en effet, ainsi que le texte anglais intégral.
Très bien.
Je me réfère à la copie d’un interrogatoire sous la foi du serment de l’accusé Sauckel, qui eut lieu le 5 octobre 1945 au matin, USA-224. C’est le tout dernier document du livre de documents. Je désire citer le passage qui commence au bas de la page 1 du texte anglais (page 1, paragraphe 11 du texte allemand) :
« Question. – Était-il nécessaire d’entrer en liaison avec l’OKW pour fournir les contingents indiqués ?
« Réponse. – Je me souviens que le Führer avait donné des directives au maréchal Keitel lui disant que ma mission était très importante et de mon côté, j’ai souvent conféré avec Keitel à l’issue de discussions de ce genre avec le Führer pour lui demander son appui.
« Question. – Sa fonction était de veiller à ce que les commandants militaires des territoires occupés s’acquittent correctement de leur mission, n’est-ce pas ?
« Réponse. – Oui, le Führer m’avait dit qu’il informerait le Chef de l’OKW et le Chef de la Chancellerie du Reich de ces missions. La même chose s’applique au ministère des Affaires étrangères. »
Nous voulions également produire le procès-verbal d’un interrogatoire sous la foi du serment de l’accusé Alfred Rosenberg. Je dois faire remarquer ce qui suit : alors que nous avons fourni à l’avocat la traduction en allemand des extraits que nous nous proposions d’utiliser, nous n’avions pas eu l’occasion de lui en fournir le texte intégral. Néanmoins, il a reçu en allemand les passages que nous nous proposons d’utiliser et de produire devant le Tribunal.
Je suppose que vous avez l’intention de le faire plus tard.
Oui, dès que nous pourrons faire porter ces papiers au centre d’information.
Bien.
Le document suivant est assez long ; puis-je savoir si le Tribunal désire que je continue l’interrogatoire ?
Oui.
Je désire mentionner l’accusé Alfred Rosenberg, ministre du Reich pour les territoires occupés de l’Est et montrer qu’il a également collaboré avec Sauckel. Je voudrais en particulier me référer au compte rendu d’un interrogatoire sous la foi du serment de l’accusé Rosenberg, qui eut lieu dans l’après-midi du 6 octobre 1945 (USA-187). C’est le troisième document avant la fin des comptes rendus des interrogatoires qui figurent dans le livre de documents. J’en cite la page 1 :
« Question. – Est-il exact que Sauckel ait affecté aux divers territoires placés sous votre compétence le nombre de travailleurs qu’il fallait y envoyer ?
« Réponse. – Oui.
« Question. – Et que par la suite, vos agents ont essayé d’obtenir cette main-d’œuvre pour compléter leur contingent.
« Réponse. – Sauckel avait d’ordinaire des exigences considérables auxquelles on ne pouvait satisfaire qu’à grand’peine.
« Question. – Peu importe si les exigences de Sauckel étaient considérables ou non. Cela n’a rien à voir avec la question. Est-il exact que l’on vous fixait des contingents pour les territoires dont vous étiez chargé et que vous deviez les fournir ?
« Réponse. – Oui. C’étaient les fonctionnaires de l’administration qui devaient répartir des contingents dans leur district en tenant compte du nombre et des classes.
« Question. – Ces fonctionnaires de l’administration faisaient-ils partie de votre organisation ?
« Réponse. – C’étaient des fonctionnaires du Commissaire du Reich pour l’Ukraine, mais en tant que tels, ils étaient affectés au ministère pour les territoires occupés de l’Est.
« Question. – Est-il exact que vous ayez reconnu que les contingents fixés par Sauckel ne pouvaient être fournis par le volontariat, et que vous n’ayez pas désapprouvé le recrutement par contrainte ?
« Réponse. – Je regrettais que les demandes de Sauckel fussent aussi urgentes et ne pussent de ce fait être satisfaites par le procédé de recrutement volontaire et c’est ainsi que je me suis incliné devant la nécessité de la mobilisation forcée. »
Je continue la citation :
« Question. – Les lettres échangées entre Sauckel et vous, que nous avons déjà examinées, n’indiquent aucun désaccord de votre part, quant au principe de recrutement des travailleurs contre leur volonté. Elles indiquent, autant que je m’en souvienne, que vous étiez opposé en principe au traitement qui, par la suite, était infligé à ces travailleurs, mais que vous n’aviez pas fait d’objection à leur mobilisation initiale. »
II me semble, M. Dodd, que pour rendre justice à Rosenberg, vous devriez lire les deux réponses qui suivent celle où il déclare s’être soumis à la nécessité du recrutement forcé.
Bien, Votre Honneur, je vais les lire.
« N’avez-vous jamais discuté avec Sauckel… »
Oui. « N’avez-vous jamais discuté avec Sauckel de la question de savoir si, en raison du fait que les contingents ne pouvaient pas être rassemblés par enrôlement volontaire, on abandonnerait le programme de recrutement de la main-d’œuvre, sauf pour les recrues volontaires ?
« Réponse. – Je ne pouvais pas le faire, car les contingents fixés à Sauckel par le Führer devaient absolument être recrutés et je n’y pouvais rien. »
Je mentionne à nouveau la question que je venais de lire et voici la réponse :
« C’est exact. Sur ce sujet, j’ai discuté essentiellement de la possibilité d’employer les méthodes les moins dures, mais je ne me suis nullement opposé aux ordres qu’il exécutait au nom du Führer. »
Je pense qu’il est temps de lever l’audience.
Très bien, Monsieur le Président.