VINGT ET UNIÈME JOURNÉE.
Lundi 17 décembre 1945.
Audience de l’après-midi.
Le Tribunal remarquera que nous avons remplacé la photocopie présentée ce matin par un tableau à grande échelle. J’attire aussi l’attention du Tribunal sur le fait que l’autre schéma, le grand, était daté de 1945 et par conséquent ne portait pas le nom de l’accusé Hess, parti pour l’Angleterre en 1941. On se souviendra que l’accusé Hess occupait le poste de Bormann, directement au-dessous du Führer dans l’organisation du Parti.
Nous arrivons maintenant aux Hoheitsträger. Les Hoheitsträger sont très apparents sur ce tableau : toutes les cases noires représentent les Hoheitsträger, en commençant par le Führer pour descendre verticalement jusqu’aux Blockleiter.
À l’intérieur du Corps des chefs du Parti, certains de ces chefs politiques détenaient une plus grande part de responsabilité que les autres, étaient nantis de certaines prérogatives spéciales et constituaient un groupe d’élite distinct au sein de la hiérarchie du Parti. Ces hommes étaient appelés Hoheitsträger ou détenteurs de souveraineté ; ils représentaient le Parti dans le domaine de leur compétence, leur Hoheitsgebiet. Je cite maintenant la page 9 de la traduction anglaise du document PS-1893 :
« Parmi les chefs politiques, les Hoheitsträger occupent une situation spéciale. Contrairement aux autres chefs politiques dont les missions se limitent à un domaine défini, les Hoheitsträger exercent eux-mêmes une compétence territoriale qui s’étend sur leur Hoheitsgebiet (zone de souveraineté).
« Les Hoheitsträger sont : le Führer, les Gauleiter, les Kreisleiter, les Ortsgruppenleiter, les Zellenleiter, les Blockleiter.
« Les Hoheitsgebiete sont : Le Reich, le Gau, le Kreis, l’Ortsgruppe, la Zelle, le Block.
« À l’intérieur de leur zone de souveraineté, les Hoheitsträger exercent un droit de souveraineté politique. Ils représentent le Parti dans leur zone… Les Hoheitsträger contrôlent les bureaux du Parti de leur ressort et sont responsables du maintien de la discipline. »
Vous trouverez ce passage, Messieurs, à la page 9 de la traduction anglaise du document PS-1893.
Très bien.
« Les chefs des différents services, etc. et des organisations affiliées sont responsables devant leur Hoheitsträger de tout ce qui regarde leurs attributions particulières. Les Hoheitsträger sont placés au-dessus de tous les chefs politiques, dirigeants, etc. dans leur domaine. En ce qui concerne les considérations d’ordre personnel, ils sont nantis de droits spéciaux. Les Hoheitsträger du Parti ne doivent pas être des fonctionnaires administratifs, mais doivent agir en contact permanent avec les chefs politiques et la population de leur zone. Les Hoheitsträger sont chargés de veiller sur les citoyens de leur secteur dans le cadre de l’ordre établi…
« Le Parti a pour but de réaliser un état de choses dans lequel chaque citoyen et citoyenne trouveront leur voie vers le Parti… »
Le caractère distinctif des chefs politiques désignés sous le nom de Hoheitsträger, leur existence et leurs fonctions en tant que groupe sont confirmés par la publication d’une revue intitulée Der Hoheitsträger dont la distribution était limitée, par un règlement du chef de l’organisation du Reich, aux Hoheitsträger et à certains autres chefs politiques déterminés.
Je dépose comme preuve le document PS-2660 (USA-325). Je voudrais montrer au Tribunal un exemplaire original de cette revue, destinée aux Hoheitsträger, et dont la distribution était très limitée. Je citerai, à la page intérieure de la couverture de cette revue, le texte suivant :
« Der Hoheitsträger, dont le contenu est confidentiel, sert uniquement à l’information des chefs compétents : il ne doit pas être prêté à d’autres personnes. »
Suit la liste des Hoheitsträger et autres chefs politiques autorisés à recevoir cette publication. La revue déclare en outre que les personnes suivantes ont le droit de la recevoir (je désirerais particulièrement attirer l’attention sur cette énumération) :
« Les commandants, les commandants d’unités et les cadets des Écoles de Cadres, les orateurs du Reich, des troupes de choc et des Gaue de la NSDAP, les Obergruppenführer et Gruppenführer des SA, SS, du NSKK et du NSFK, les Obergebietsführer et Gebietsführer de la Jeunesse hitlérienne. »
Le fait que cette revue existât, qu’elle tirât son nom des fonctionnaires dirigeants du Corps des chefs et qu’elle fût distribuée à l’élite du Corps des chefs, en d’autres termes, le fait qu’une feuille d’information circulât par la voie hiérarchique du Corps des chefs prouve que le Corps des chefs du parti nazi constituait un groupe ou une organisation au sens de l’article 9 du Statut.
Un examen du contenu de la revue Der Hoheitsträger montre que le Corps des chefs du parti nazi a pris une part constante aux mesures et aux doctrines utilisées au cours du complot retenu à l’Acte d’accusation. Je ne veux pas importuner le Tribunal ni surcharger le procès-verbal en déposant comme preuve une énumération complète de tous ces éléments ; mais il pourra servir à la révélation des plans et de la politique suivis par l’élite du Corps des chefs de donner un aperçu des articles publiés et de la politique préconisée dans différents numéros de la revue Der Hoheitsträger, de février 1937 à octobre 1938.
Des articles antisémites calomnieux, des attaques contre le catholicisme, contre la religion chrétienne et le clergé ; la nécessité d’un armement motorisé, le besoin urgent d’un espace vital accru et de colonies, des attaques réitérées contre la Société des Nations ; l’utilisation du bloc et de la cellule afin d’obtenir des suffrages favorables au Parti, l’association étroite de la Wehrmacht et de la direction politique ; les doctrines raciales du fascisme, le culte du chef ; le rôle du Gau, de l’Ortsgruppe et de la cellule dans l’expansion de l’Allemagne et autres questions du même genre constituent les éléments et la doctrine technique de l’exécution du complot retenu à l’Acte d’accusation.
Les chefs politiques étaient organisés selon le principe du chef. Je cite, au paragraphe 4 de la page 2 de la traduction anglaise du document PS-1893, au bas de la page 2 et au début de la page 3 :
« La base de l’organisation du Parti est l’idée du chef. La masse n’est pas capable de se gouverner, ni directement, ni indirectement… Tous les chefs politiques sont considérés comme nommés par le Führer et sont responsables devant lui. Ils jouissent d’une autorité entière à l’égard des échelons inférieurs… Seul, celui qui a suivi les enseignements donnés aux échelons subordonnés du Parti a le droit d’aspirer aux fonctions directrices supérieures. Nous ne pouvons employer que des chefs ayant servi depuis la base. Tout chef politique qui ne se conforme pas à ces principes doit être révoqué ou rétrogradé à un échelon inférieur comme Blockleiter ou Zellenleiter, afin d’y recevoir une formation supplémentaire.
« Le chef politique n’est pas un fonctionnaire, mais le représentant politique du Führer… C’est au moyen du chef politique que nous bâtissons la direction politique de l’État. Le type du chef politique n’est pas caractérisé par la fonction qu’il exerce : il n’y a pas de chefs politiques du NSBO, etc., il n’y a que des chefs politiques de la NSDAP. »
Chaque chef politique prêtait un serment annuel. Selon le manuel du Parti, le texte du serment était le suivant (je cite le deuxième paragraphe de la page 3 de la traduction anglaise du document PS-1893) :
« Je jure fidélité éternelle à Adolf Hitler. Je m’engage à lui obéir sans condition, ainsi qu’aux chefs qu’il me désigne. »
Le livre d’organisation de la NSDAP prescrit également ce qui suit (je cite le paragraphe 4 de la page 3 de ce même document) :
« Le chef politique est inséparablement lié à l’idéologie et à l’organisation de la NSDAP : il n’est délié de son serment que par la mort ou par son expulsion de la communauté nationale-socialiste. »
Nomination des chefs politiques : en ce qui concerne la nomination des chefs politiques constituant le Corps des chefs du Parti, je citerai la page 4 du Livre d’organisation de la NSDAP, document PS-1893 :
« 1. Le Führer nomme les chefs politiques suivants :
« a) Les Reichsleiter et tous les chefs politiques de la Reichsleitung, y compris les chefs des organisations féminines ;
« b) Les Gauleiter, y compris les chefs des offices de la Gauleitung, et les chefs des organisations féminines des Gaue ;
« c) Les Kreisleiter…
« 2. Les Gauleiter nomment :
« a) Les chefs politiques et les chefs des organisations féminines de la Gauleitung… ;
« b) Les chefs politiques et les chefs des organisations féminines de la Kreisleitung ;
« c) Les Ortsgruppenleiter.
« 3. Le Kreisleiter nomme les chefs politiques et les chefs des associations féminines des Ortsgruppen, y compris les chefs de blocs et de cellules… »
Droit des Hoheitsträger de faire appel aux autres formations du Parti :
Les Hoheitsträger du Corps des chefs avaient le droit de faire appel aux différentes formations du Parti et de les utiliser, dans la mesure où c’était nécessaire à l’exécution de la politique nazie. Le manuel du Parti prescrit, en ce qui concerne les pouvoirs et l’autorité du Hoheitsträger dans la réquisition des services des SA (je cite la page 11 de la traduction anglaise du document PS-1893) :
« Le Hoheitsträger est responsable de l’évolution politique générale du Mouvement dans son ressort. Le chef des SA de cette zone est lié par les directives du Hoheitsträger à ce sujet…
« Le Hoheitsträger est le représentant supérieur du Parti à l’égard de toutes les organisations de son ressort. Il peut réquisitionner les SA de sa zone, en faisant appel au chef SA compétent, s’il a besoin de ce personnel pour l’exécution des missions politiques qui lui ont été confiées. Le Hoheitsträger pourra ensuite assigner cette mission aux SA…
« Dans le cas où le Hoheitsträger aurait besoin pour l’exécution d’une mission politique de plus de SA qu’il ne s’en trouve dans sa zone, il pourra faire appel à l’échelon de souveraineté immédiatement supérieur, qui demandera le personnel SA au service SA de son ressort. »
D’après le manuel du Parti, le Hoheitsträger avait la même autorité pour faire appel aux services des SS et du NSKK qu’à l’égard des SA.
En ce qui concerne les pouvoirs des Hoheitsträger dans la réquisition des services de la Jeunesse hitlérienne, le manuel du Parti prescrit (je cite le dernier paragraphe de la page 11) :
« Le chef politique a le droit de réquisitionner la Jeunesse hitlérienne, au même titre que les SA, pour l’exécution de ses missions politiques…
« Pour la nomination des chefs de la Jeunesse hitlérienne, le Service de la Jeunesse hitlérienne doit obtenir l’approbation du Hoheitsträger compétent. Le Hoheitsträger peut en conséquence empêcher la nomination des chefs qui ne sont pas qualifiés pour la direction de la jeunesse. S’il n’a pas été consulté, la nomination pourra être annulée sur sa demande. »
On trouve un exemple de l’utilisation des formations du Parti à la demande du Corps des chefs dans l’opération entreprise par le chef de l’organisation du Parti, le Dr Robert Ley, et qui mena à la dissolution des syndicats ouvriers libres, le 2 mai 1933. Je cite le document PS-392 (USA-326) qui est un exemplaire des directives émises par l’accusé Ley, le 21 avril 1933, et reproduites aux pages 51 et 52 de la Vie sociale dans la nouvelle Allemagne, par le professeur Müller. Dans ce document, feu l’accusé Ley prescrivait l’utilisation des SA et des SS pour l’occupation des locaux des syndicats ouvriers et pour procéder à l’internement administratif des chefs syndicaux. Je cite, au paragraphe 6 de la page 1 de la traduction anglaise du document PS-392, troisième et quatrième paragraphes à partir du bas de la page :
« Les SA et les SS devront être utilisées pour occuper le siège des syndicats ouvriers et pour procéder à l’internement administratif des personnalités envisagées. Le Gauleiter procédera à l’exécution de ces mesures en accord étroit avec le chef des cellules d’entreprise du Gau intéressé. »
Je cite également le deuxième paragraphe de la page 2 du même document :
« Feront l’objet d’une mesure d’internement administratif : tous les présidents de syndicats, les secrétaires régionaux et les directeurs de succursales de la “Banque des ouvriers, employés et fonctionnaires”. »
Je dépose maintenant comme preuve le document PS-2474 (USA-327), qui est la copie d’un décret promulgué le 25 octobre 1934 par l’accusé Hess, en sa qualité d’adjoint au Führer et qui confirme l’autorité des Hoheitsträger à l’égard des formations du Parti. Je cite, à la page 1 de la traduction anglaise de ce document PS-2474, les paragraphes 1, 5 et 6 :
« La direction politique au sein du Parti et sa représentation politique auprès des services d’État ou autres, à l’extérieur du Parti, sont effectuées uniquement et exclusivement par les Hoheitsträger, c’est-à-dire par moi, les Gauleiter, les Kreisleiter et les Ortsgruppenleiter…
« Les fonctionnaires spécialisés de l’organisation du Parti, tels que les Reichsleiter, Amtsleiter, etc., ainsi que les chefs de SA, SS, des Jeunesses hitlériennes et des groupements affiliés, ne pourront prendre d’engagements valables de caractère politique avec des services de l’État ou autres que dans la mesure où ils y seront autorisés par le Hoheitsträger compétent.
« Quand la compétence des unités des SA, SS, de la Jeunesse hitlérienne et des groupements affiliés ne coïncide pas avec celle des Hoheitsträger, ceux-ci donneront leurs directives politiques au chef le plus ancien de chaque unité dans la limite de sa compétence. »
La politique officielle du Corps des chefs était d’établir des relations de coopération étroite avec la Gestapo. Le Tribunal se souviendra que Himmler, chef de la Police allemande et des SS, était un Reichsleiter à l’échelon supérieur du Corps des chefs. Sans déposer comme preuve une ordonnance prise par l’accusé Bormann, en sa qualité de chef d’État-Major de l’adjoint au Führer, le 26 juin 1935, je demande au Tribunal d’en prendre acte et je cite :
« Afin d’établir un contact plus étroit entre les services du Parti et de ses organisations et les chefs de la Police secrète d’État (Gestapo), le délégué du Führer demande qu’à l’avenir les chefs de la Gestapo soient invités à assister à toutes les manifestations officielles importantes du Parti et de ses organisations. »
Cette citation est tirée des Ordonnances du délégué du Führer, édition de 1935, 26 juin 1935, page 143.
À propos des réunions et des conférences entre les Hoheitsträger du Corps des chefs, le Ministère Public soutient que les membres du Corps des chefs constituaient un groupement ou une organisation distincte et identifiable. Cette thèse est fortement appuyée par le fait que les différents Hoheitsträger étaient dans l’obligation absolue de se réunir et de tenir des conférences périodiques, non seulement avec les fonctionnaires de leur propre état-major, mais avec les chefs politiques et les fonctionnaires du Parti qui leur étaient immédiatement subordonnés. À titre d’exemple, le Gauleiter était tenu d’avoir tous les huit ou quinze jours des réunions avec les membres de son personnel directeur (tels que son adjoint, le chef des écoles, le chef de la propagande, le chef de la presse, le juge du Parti pour le Gau, etc.). D’autre part, tous les trois mois et pour une conférence de trois jours dont le but était de discuter et de préciser la politique et les directives du parti nazi, ainsi que pour assister à des entretiens d’orientation sur la politique du Parti et pour un échange mutuel d’informations relatif au programme courant du Parti, le Gauleiter devait réunir les divers chefs politiques qui lui étaient subordonnés dans la Gauleitung. Le Gauleiter était également tenu de réunir au moins une fois par mois les chefs des formations du Parti et des organisations affiliées de son Gau, tels que les chefs des SA, des SS, de la Jeunesse hitlérienne et d’autres groupements. Pour appuyer ces déclarations, je cite la page 8 du document PS-1893, mais je ne pense pas qu’il soit nécessaire de lire tout le passage :
« Conférences de chefs dans le Gau :
« a) Gauleiter. »
Avec l’autorisation du Tribunal, je ne lirai pas tout ce passage, dont ma précédente déclaration constitue un résumé. Je citerai le paragraphe d :
« d) Le Hoheitsträger se réunira au moins une fois par mois avec les chefs des SA, des SS, du NSKK et de la HJ, ainsi que du RAD et du NSFK de son ressort, pour des échanges de vues réciproques. »
Le Livre d’organisation du Parti impose également l’obligation d’assister régulièrement à des conférences et réunions périodiques à tous les autres Hoheitsträger, y compris les Kreisleiter, Ortsgruppenleiter, Zellenleiter et Blockleiter.
Le résultat évident de ces conférences et réunions régulières et obligatoires pour tous les Hoheitsträger, tant avec les membres de leur propre cabinet qu’avec les chefs politiques et le personnel directeur des échelons subordonnés, était que, d’une part, la politique fondamentale et les directives du Parti promulguées par Hitler et par le chef de la Chancellerie du Parti, l’accusé Bormann, et transmises directement par la voie hiérarchique des Hoheitsträger et, d’autre part, les directives politiques émises par les différents Reichsleiter et directeurs d’offices et transmises par la voie administrative ou professionnelle étaient en toutes circonstances reçues et comprises par l’ensemble des membres du Corps des chefs.
Si je puis m’écarter de mon texte, j’attirerai l’attention du Tribunal sur ce tableau, et particulièrement sur les lignes pointillées reliant l’échelon du Parti à l’échelon du Gau et aux échelons inférieurs.
J’en viens maintenant aux statistiques relatives au Corps des chefs du parti nazi, ainsi qu’aux preuves relatives à l’importance du Corps des chefs du parti nazi. Comme je l’ai montré précédemment, le Corps des chefs comprenait l’ensemble des fonctionnaires du parti nazi, y compris, en plus de Hitler et des membres de la Reichsleitung tels que les Reichsleiter et les hauts fonctionnaires du Reich, une hiérarchie de Hoheitsträger dont j’ai déjà parlé, ainsi que leurs états-majors.
Je dépose comme preuve le document PS-2958 (USA-325). C’est le numéro 8 de 1939 de l’organe officiel du Corps des chefs, Der Hoheitsträger. Ce document, semblable à celui que j’ai déposé comme preuve il y a un moment, montre qu’il y avait en 1939 : 40 Gaue et 1 Gau à l’étranger, dirigés chacun par un Gauleiter, soit 41 ; 808 Kreisleiter ; 28.376 Ortsgruppenleiter ; 89.378 Zellenleiter ; 463.048 Blockleiter.
Cependant, comme l’ont montré les preuves apportées précédemment, le Corps des chefs du parti nazi ne se composait pas seulement des Hoheitsträger, mais aussi du personnel dirigeant et des directeurs d’offices qui leur étaient rattachés. Le Gauleiter, par exemple, était secondé par un Gauleiter-adjoint, plusieurs inspecteurs du Gau et un état-major qui se subdivisait en directions (Hauptämter) et bureaux (Ämter), tels que le Cabinet du Gau, la Trésorerie, l’office de l’Éducation, l’office de la Propagande, l’office de la Presse, l’office des professeurs d’université, de la politique communale, etc. Comme je l’ai déjà dit, la structure de l’organisation du Gau était reproduite en substance aux échelons inférieurs de l’organisation du Corps des chefs tels que le Kreis, l’Ortsgruppe, etc. Les Kreis et les subdivisions territoriales inférieures du Parti étaient également organisés en services qui traitaient des différentes activités du Corps des chefs. Mais, bien entendu, l’importance et le nombre de ces services diminuaient au fur et à mesure que l’unité se trouvait moins élevée dans la hiérarchie, de sorte que, tandis que l’état-major du Kreisleiter comprenait tous ou presque tous les services mentionnés pour le Gau, l’Ortsgruppe comprenait moins d’éléments et les échelons inférieurs moins encore. On n’a pas pu trouver de chiffres précis sur le total représenté par ce personnel d’état-major, en tant qu’il se distingue des Hoheitsträger ou des Chefs politiques eux-mêmes.
Quant à l’échelle et à la composition du Corps des chefs du parti nazi, le Ministère Public soutient et formule respectueusement cette opinion devant le Tribunal que, dans la définition des limites du Corps des chefs, le personnel attaché aux états-majors ne devrait y être compris que jusqu’à l’échelon Kreis inclus. Sur cette base, le Corps des chefs du parti nazi comprendrait donc : le Führer, les membres de la Reichsleitung, les cinq échelons de Hoheitsträger et le personnel d’état-major attaché aux quelque 40 Gauleiter et 800 ou 900 Kreisleiter. Si l’on adopte cette définition du Corps des chefs, on peut voir que le chiffre total des membres de cette organisation, en se basant sur les statistiques citées dans le manuel du Parti, s’élève à 600.000 environ. Si, comme il est prévu à l’Acte d’accusation, on exclut le personnel d’état-major des échelons inférieurs dans les limites qui viennent d’être établies, mais sans préjudice des actions qui pourront ultérieurement être entreprises contre eux, nous pensons que le chiffre de 600.000 est approximativement exact.
Il est vrai que ce chiffre est basé sur une vue volontairement limitée du nombre des membres du Corps des chefs du parti nazi, car les preuves ont montré que le Corps des chefs comprenait en fait le personnel d’état-major rattaché aux Hoheitsträger subalternes ; l’inclusion de ce personnel dans l’estimation de l’étendue du Corps des chefs aurait, si nous l’avions envisagée, considérablement augmenté le chiffre final qui, en y comprenant le personnel d’état-major jusqu’à l’échelon du Blockleiter, aurait été, en gros, de 2.000.000.
Pour quelle raison voulez-vous les exclure ?
Pour la raison suivante : une personne appartenant au dernier échelon, celui de Blockleiter, peut avoir fait appel aux services d’un collaborateur particulier, qui est devenu membre de son état-major, mais qui n’était certainement pas habilité, comme un directeur d’office ou un Gauleiter, en sa qualité, par exemple, d’homme chargé de la propagande, à publier des informations et à participer aux plans et à la politique de l’organisation supérieure.
Les fonctionnaires subalternes, que nous excluons, avaient une responsabilité d’ordre technique devant le personnel dirigeant des échelons supérieurs, eu égard à leurs spécialités, telles que la propagande, l’organisation du Parti, etc., et devant leurs Hoheitsträger respectifs vis-à-vis de la discipline et du contrôle de la politique. Mais, comme je l’ai mentionné, les hauts fonctionnaires participaient à l’élaboration des plans et à la discussion de la politique et transmettaient des directives par la voie des services des échelons techniques, au contraire du personnel subalterne qui n’était qu’un agent de transmission des ordres.
J’aborde le point suivant de mon exposé intitulé : « Le Corps des chefs du parti nazi adhéra et participa au plan concerté ou complot. »
Le programme du parti nazi, proclamé par Hitler le 24 février 1920, contenait les éléments essentiels du plan nazi de domination et de conquête. Je citerai maintenant un extrait du document PS-1708, l’Annuaire de 1941, publié par le Parti, et édité par feu Robert Ley. Ce livre contient les fameux vingt-cinq points du Parti que je dépose maintenant comme preuve sous la référence USA-324. Je n’ai pas l’intention de lire la totalité de ces vingt-cinq objectifs du Parti ; je n’en citerai que quelques-uns à la page 1 de la traduction anglaise du document PS-1708.
Premier point : « Nous demandons l’unification de tous les Allemands dans une Grande Allemagne, sur la base du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. »
Le deuxième point de ce programme demande l’abolition unilatérale des traités de Versailles et de Saint-Germain : « Nous demandons l’égalité des droits pour le peuple allemand à l’égard des autres nations, l’abrogation des traités de paix de Versailles et de Saint-Germain. »
Troisième point : « Nous demandons de l’espace et des territoires (colonies) pour subvenir aux besoins de notre peuple et pour y établir l’excédent de notre population. »
Quatrième point : « Seul peut être citoyen celui qui appartient au peuple allemand ; seul appartient au peuple allemand celui qui est de sang allemand, sans préjudice de sa confession. Par conséquent, aucun Juif ne peut être citoyen. »
Sixième point : « Nous demandons que toutes les fonctions publiques, quelle qu’en soit la nature, soit dans le Reich, soit dans les Pays, soit dans toutes les municipalités, soient remplies exclusivement par des citoyens. Nous combattons le régime parlementaire corrupteur, qui comporte la nomination aux postes selon les tendances politiques, sans égard au caractère et à la compétence. »
Vingt-deuxième point (vous le trouverez à la page 2 de la traduction anglaise du document PS-1708) :
« Nous demandons l’abolition des troupes mercenaires et la constitution d’une armée nationale. »
Revenons à la page 1, pour une autre citation :
« Le programme constitue la base politique de la NSDAP et, par conséquent, la loi politique primordiale de l’État.
« Toutes les prescriptions de la loi doivent être appliquées dans l’esprit du programme du Parti.
« Depuis la prise du pouvoir, le Führer a réussi à réaliser les points essentiels du programme du Parti, des points fondamentaux jusqu’aux détails.
« Le programme du parti national-socialiste a été proclamé le 24 février 1920 par Adolf Hitler à la première grande réunion du Parti tenue à Munich et, depuis ce jour, il est demeuré inchangé… Une conception nationale-socialiste du monde y est résumée en vingt-cinq points. »
Comme je l’ai déjà dit, le programme du Parti avait un caractère obligatoire pour les chefs politiques et ils étaient tenus de le défendre et de le mettre à exécution. Le manuel du Parti déclare, et je cite à nouveau, au milieu de la page 1 du document PS-1893 :
« Les commandements du national-socialiste : Le Führer a toujours raison… Que le programme soit un dogme pour toi. Il exige que tu te dévoues entièrement au Mouvement… Le Droit est ce qui sert le Mouvement et, par conséquent, l’Allemagne… »
À la page 2 de ce document, je ferai une autre courte citation :
« Le Corps des chefs est responsable de la pénétration complète de la nation allemande par l’esprit national-socialiste… »
Le serment des chefs politiques à Hitler a déjà été mentionné. À ce sujet, le manuel du Parti prescrit, au deuxième paragraphe de la page 3 du même document :
« Le chef politique est inséparablement lié à l’idéologie et à l’organisation de la NSDAP. Il n’est délié de son serment que par la mort ou par son expulsion de la communauté nationale-socialiste. »
Alors que le principe du chef assurait le caractère obligatoire des déclarations, du programme et de la politique générale de Hitler pour le Parti entier et pour le Corps des chefs, il établissait également la responsabilité totale de chacun des chefs politiques dans l’étendue de son activité et de ses fonctions.
Le principe du chef, s’appliquait non seulement à Hitler en sa qualité de Chef suprême, mais également aux chefs politiques qui lui étaient subordonnés, et l’ensemble du Corps des chefs en était imprégné. Je cite, au milieu de la page 2 du document PS-1893 :
« La base de l’organisation du Parti est l’idée de Führer… Tous les chefs politiques sont considérés comme nommés par le Führer et sont responsables devant lui. Ils jouissent d’une autorité entière sur les échelons inférieurs… »
Les différents Hoheitsträger du Corps des chefs étaient eux-mêmes des Führer dans leurs domaines respectifs. Je cite, au troisième paragraphe de la page 9 du document PS-1893 :
« À l’intérieur de leur zone de souveraineté, les Hoheitsträger exercent un droit de souveraineté politique… Ils sont responsables de l’ensemble de la situation politique à l’intérieur de leur secteur… »
Je me réfère à nouveau au document PS-1814 (USA-328), qui est le manuel du Parti, je n’en lirai qu’une phrase : « Le Parti a été créé par le Führer… »
La soumission de l’ensemble des membres du Corps des chefs au principe du chef, ressort clairement du passage suivant, tiré du manuel du Parti, je cite la page 3 du même document :
« Les différentes organisations sont ainsi fermement ancrées dans la structure du Parti et une liaison solide et conforme au principe du chef s’est trouvée établie avec les Hoheitsträger de tous les échelons. »
J’en arrive au point suivant intitulé :
« Le parti nazi, dirigé par le Corps des chefs, dominait et contrôlait l’État et le Gouvernement allemands. »
Le dossier d’audience traitant du caractère criminel du Gouvernement du Reich, expose les preuves relatives à l’identité des différents ministres composant le cabinet. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet. La présence des Reichsleiter et d’autres membres importants du Corps des chefs dans le Cabinet a facilité la mainmise sur ce dernier du parti nazi et du Corps des chefs.
Je saute le paragraphe suivant pour en arriver à la loi du 14 juillet 1933.
Une loi du 14 juillet 1933 déclara illégale et interdite la formation de tout parti politique autre que le parti nazi, toute infraction à cette loi constituant un crime punissable. Ainsi le système du parti unique se trouvait constitué et le Corps des chefs mis à l’abri de l’opposition de groupements politiques organisés. Je cite maintenant le document PS-1388, qui est une traduction anglaise de la loi interdisant la formation de nouveaux partis politiques, publiée au Reichsgesetzblatt 1933, partie 1, page 479 ; je cite les deux premiers articles de cette loi :
« Le parti national-socialiste des travailleurs allemands constitue en Allemagne le seul parti politique. Quiconque entreprend de maintenir la structure d’un autre parti politique ou tente de constituer un parti politique nouveau est passible d’une peine de travaux forcés pouvant aller jusqu’à 3 ans ou d’une peine de 6 mois à 3 ans de prison, sans préjudice de sanctions plus sévères prévues par d’autres textes. »
Je passe le paragraphe suivant et je cite le document PS-1398, qui est la traduction anglaise du supplément à la loi pour le rétablissement des services civils professionnels, en date du 20 juillet 1933, Reichsgesetzblatt 1933, partie 1, page 518.
Le 13 octobre 1933 fut promulguée une loi sur « la garantie de la paix publique », qui prévoyait entre autres la peine de mort ou d’autres peines sévères pour toute personne qui « tenterait de tuer un membre des SA ou des SS… un représentant ou agent de la NSDAP… pour des motifs d’ordre politique ou en raison de leur activité officielle. »
Quel est le document que vous venez de lire ? PS-1398 ?
Oui, Monsieur le Président, PS-1398. Je fais erreur, c’est PS-1394, immédiatement au-dessus.
Quel article lisez-vous ?
Je n’ai pas la référence, mais voilà la citation ; je crois qu’elle est sur la même page : « Loi sur la garantie de la paix publique. » C’est l’article 2, je crois, paragraphe 2, article premier.
Je passerai ensuite au document PS-1395 qui est la traduction anglaise de la loi du 1er décembre 1933, assurant l’unité du Parti et de l’État. Cette loi fut promulguée pour « assurer l’unité du Parti et de l’État. » Elle déclare que le parti nazi est le pilier de l’État allemand et lui est indissolublement attaché, elle nomme également membres du gouvernement du Reich l’adjoint du Führer (Hess à cette époque) et le chef de l’État-Major des SA (Röhm). Je cite :
« Après la victoire de la révolution nationale-socialiste, le parti national-socialiste des travailleurs allemands constitue le support de la pensée de l’État allemand et lui est indissolublement lié. Il constitue une association de droit public. Son organisation est déterminée par le Führer. Afin d’assurer une coopération étroite entre les services du Parti et des SA et l’autorité publique, l’adjoint du Führer et le chef de l’État-Major des SA deviendront membres du gouvernement du Reich. »
Cette loi était une mesure fondamentale destinée à conférer au Corps des chefs l’autorité politique suprême en Allemagne. Elle stipulait, en effet, que le Parti, dirigé par le Corps des chefs, était l’incarnation de l’État et, en fait, l’État lui-même. D’autre part, cette loi nommait membres du gouvernement l’adjoint du Führer et le chef de l’État-Major des SA, formation du Parti aux ordres des Hoheitsträger renforçant ainsi davantage encore le contrôle exercé par le Corps des chefs sur le gouvernement. La situation prépondérante du Corps des chefs, ressort également de la disposition stipulant que le Chancelier du Reich promulguerait les arrêtés d’application de cette loi, en sa qualité de Führer du parti nazi. Le fait que Hitler, en tant que Führer du Corps des chefs, ait pu promulguer des arrêtés ayant force de loi et publiés au Reichsgesetzblatt, qui est le recueil des textes officiels, est une indication de plus quant à la réalité de la domination du Parti sur l’État allemand.
Je passe au document PS-2775 (USA-330), qui est la traduction anglaise de certains extraits des discours prononcés par Hitler en 1934 et 1935 au congrès du Parti à Nuremberg. Je cite le deuxième extrait du document PS-2775, qui est une déclaration faite par Hitler au congrès du Parti de 1934 ; je n’en lirai qu’une phrase : « Ce n’est pas l’État qui nous donne des ordres, c’est nous qui donnons des ordres à l’État. » La valeur probatoire de cette déclaration catégorique du Führer du Corps des chefs, affirmant la domination du Parti sur l’État, ne peut pas être mise en cause.
Le 30 Juin 1934, en sa qualité de chef du Parti, Hitler dirigea le massacre de centaines de membres des SA et d’autres adversaires politiques. Hitler chercha à justifier ces massacres en déclarant au Reichstag : « À cette heure, j’étais le responsable du destin de la nation allemande et le juge suprême du peuple allemand. » Les preuves relatives à ces événements seront présentées ultérieurement, au cours de l’exposé contre les SA.
Le 3 juillet 1934, le Gouvernement promulguait un décret qui décrivait les assassinats et le massacre du 30 juin 1934 comme des actes légitimes d’auto-défense de l’État. Par ce texte, le Cabinet du Reich se rendait complice de ces assassinats. Cette déclaration du Cabinet du Reich, qualifiant de mesures d’État les actes criminels commis par Hitler et tous les chefs supérieurs du Parti, est conforme à la réalité politique si l’on tient compte du fait que le Gouvernement était sous la domination du Parti. Je me réfère maintenant au document PS-2057, qui est la traduction anglaise de la loi sur les mesures urgentes de défense nationale du 3 juillet 1934, Reichsgesetzblatt 1934, partie 1, page 529 ; je cite l’article unique de cette loi qui se rapporte à la purge sanglante et qui est ainsi conçu :
« Les mesures prises les 30 juin, les 1er et 2 juillet 1934, pour contrecarrer les tentatives de trahison et de haute trahison, sont considérées comme des mesures urgentes de défense nationale. »
Le 12 juillet 1934, une loi fut promulguée, définissant les fonctions de l’Académie allemande de droit. Je me réfère au document PS-1391, qui est la traduction anglaise des statuts de l’Académie allemande de droit, du 12 juillet 1934, Reichsgesetzblatt 1934, partie 1, pages 605-606. Je cite :
« L’Académie allemande de droit a pour mission de réaliser, en contact étroit et permanent avec les organismes législatifs compétents, le programme national-socialiste dans le domaine du droit. »
Le 30 janvier 1933, Hitler, chef du parti nazi et du Corps des chefs, était nommé Chancelier du Reich. Lorsque le Président Hindenburg mourut, en 1934, le Führer réunit en sa personne les fonctions de Chancelier et de Président du Reich. Je renvoie, sans le citer, au document PS-2003 qui rapporte le fait, Reichsgesetzblatt 1934, partie 1, page 747.
Un décret du 20 décembre 1934 accordait aux uniformes et aux institutions du Parti, la même protection qu’à ceux de l’État. Ce texte était intitulé : « Loi sur les actes de trahison contre l’État et le Parti et sur la protection des uniformes du Parti ». Cette loi prévoyait des peines sévères peur toute personne coupable de fausses déclarations, portant atteinte aux intérêts ou au prestige du parti nazi ou de ses organisations. Elle autorisait l’emprisonnement des personnes faisant ou diffusant des déclarations malveillantes ou provocatrices contre les personnalités dirigeantes du parti nazi, et prévoyait la peine des travaux forcés pour le port irrégulier d’uniformes ou d’insignes du Parti. Je renvoie encore, sans le citer, au document PS-1393, qui est la traduction anglaise de ce texte.
Enfin, par la loi du 15 septembre 1934, le drapeau à croix gammée du Parti devint le drapeau officiel du Reich. Je me réfère au document PS-2079, qui est la traduction anglaise de la loi sur le drapeau allemand, Reichsgesetzblatt 1935, partie 1, page 1145. Je n’en citerai qu’une phrase : « Le drapeau national du Reich est le drapeau à croix gammée ». La croix gammée était l’emblème et le symbole du Corps des chefs du parti nazi. Cette loi en fit le drapeau de l’État ; c’était la reconnaissance que le Parti et le Corps de ses chefs politiques étaient les puissances souveraines de l’Allemagne.
Le 23 avril 1936, une loi fut promulguée, accordant l’amnistie pour les crimes que les délinquants avaient commis « dans leur zèle de combattants pour l’idéal national-socialiste ». Je renvoie au document PS-1386, qui est la traduction anglaise de cette loi d’amnistie, Reichsgesetzblatt 1936, partie 1, page 378.
Pour favoriser l’exécution du complot visant à acquérir le contrôle total sur le peuple allemand, une loi fut promulguée le 1er décembre 1936, qui groupait l’ensemble de la jeunesse allemande au sein de la Jeunesse hitlérienne, réalisant ainsi une mobilisation totale de la jeunesse allemande ; je renvoie au document PS-1392, qui reproduit cette loi, Reichsgesetzblatt 1936, partie 1, page 993. La loi prévoit, d’autre part, que l’éducation de la jeunesse allemande au moyen de la Jeunesse hitlérienne est confiée au Chef de la jeunesse allemande de la NSDAP. Cette loi confiait le contrôle exclusif de l’ensemble de la jeunesse allemande à un haut fonctionnaire, à un Reichsleiter, membre du Corps des chefs du parti nazi, l’accusé von Schirach.
Le 4 février 1938, Hitler, Führer du Corps des chefs du Parti nazi, promulgua un décret par lequel il prenait en mains le commandement direct de toute l’armée allemande. Je cite le document PS-1915, Reichsgesetzblatt 1938, partie 1, page 111. Hitler déclare : « Dorénavant, je prends directement en mains le commandement de toutes les Forces armées. »
En vertu d’une loi antérieure, en date du 1er août 1934, Hitler avait réuni les fonctions de Président du Reich et de Chancelier. En dernière analyse, Hitler était donc Commandant suprême des Forces armées, Chef de l’État allemand et Führer du parti nazi. À ce sujet, le manuel du Parti déclare ce qui suit (je cite, à la page 19 du document PS-1893) :
« … le Führer a créé le parti national-socialiste des travailleurs allemands. Il l’a imprégné de son esprit et de sa volonté et, avec lui, il a conquis le pouvoir, le 30 janvier 1933. La volonté du Führer est la loi suprême du Parti…
« En vertu de la loi du 1er août 1934 sur le chef de l’État allemand, la fonction de Président du Reich a été réunie à celle de Chancelier du Reich. En conséquence, les pouvoirs antérieurement exercés par le Président du Reich ont été transférés au Führer, Adolf Hitler. Cette loi a réuni dans une seule main la direction du Parti et celle de l’État. Suivant le désir du Führer, un référendum a été organisé à propos de cette loi le 19 août 1934. Ce jour-là le peuple allemand a choisi Adolf Hitler pour son seul chef. Il n’est responsable que devant sa conscience et devant le peuple allemand. »
Un décret du 16 janvier 1942 prévoyait la participation du Parti à la législation et à toutes les nominations et promotions de fonctionnaires. Je m’appuie, à ce sujet, sur le document PS-2100, qui est la traduction anglaise des instructions pour l’application du décret du Führer, relatif au chef de la Chancellerie du Parti Reichsgesetzblatt 1942, partie I, page 35. Ce décret prévoyait, d’autre part, que cette participation devait s’effectuer exclusivement par l’intermédiaire de l’accusé Bormann, chef de la Chancellerie du Parti et Reichsleiter du Corps des chefs. Le décret stipulait que le chef de la Chancellerie du Parti devait participer à la préparation de toutes les lois et de tous les décrets promulgués par les autorités du Reich, y compris les lois et décrets promulgués par le Conseil des ministres pour la Défense du Reich, et qu’il devait donner son approbation aux lois et décrets des Länder (États allemands) et des Gouverneurs du Reich. Toutes les communications entre les autorités de l’État et celles du Parti, sauf à l’intérieur d’un Gau, devaient passer entre les mains de Bormann. Ce décret est d’une importance cruciale pour la démonstration du contrôle absolu du Corps des chefs et de sa responsabilité dans la politique du Gouvernement et les mesures prises pour favoriser le complot.
Vers le 26 avril 1942, ou à cette date même, Hitler déclara dans un discours qu’en sa qualité de Chef de la Nation, de Commandant suprême des Forces armées, de Chef suprême du Gouvernement et de Führer du Parti, le droit devait lui être reconnu de contraindre, par tous les moyens dont il disposait, tout Allemand, qu’il soit soldat, magistrat, fonctionnaire de l’État ou fonctionnaire du Parti, à réaliser ses désirs. Il demanda que le Reichstag reconnût officiellement ce droit. Le 26 avril 1942, le Reichstag décida de reconnaître entièrement les droits du Führer. Je renvoie au document PS-1961, qui est une traduction anglaise de cette décision, Reichsgesetzblatt 1942, partie 1, page 247. Je cite :
« Sur la proposition du Président du Reichstag, le Reichstag de la Grande Allemagne, au cours de sa séance du 26 avril 1942, a approuvé à l’unanimité les droits revendiqués par le discours du Führer et a pris la décision suivante :
« Il n’est pas douteux qu’au cours de la présente guerre, dans laquelle le peuple allemand mène la lutte qui décidera de son existence ou de sa disparition, le Führer doive posséder le droit, qu’il a revendiqué, d’entreprendre tout ce qui peut servir ou contribuer à l’acquisition de la victoire. En conséquence, sans être tenu d’observer les prescriptions légales actuellement en vigueur, et en sa qualité de Chef de la Nation, Commandant suprême des Forces armées, Chef du Gouvernement et Chef suprême du pouvoir exécutif, en tant que Juge suprême et Chef du Parti, le Führer doit pouvoir être à même, le cas échéant, d’obliger, par tous les moyens dont il dispose, tout Allemand, qu’il soit simple soldat ou officier, fonctionnaire subalterne ou supérieur, magistrat, haut fonctionnaire du Parti ou simple exécutant, ouvrier ou employé, à accomplir son devoir. En cas de manquement à ces devoirs, le Führer aura le droit, après un examen consciencieux, et sans égard aux droits prétendus acquis, de prendre les sanctions correspondantes et de révoquer le délinquant de son poste, de son grade ou de sa situation, sans avoir recours aux procédures normalement prescrites.
« Par ordre du Führer, cette décision est rendue publique par la présente. Berlin, le 26 avril 1942. »
C’est peut-être Hitler lui-même qui avait le mieux résumé les réalités politiques de son Allemagne, réalités qui ont constitué les bases de la thèse du Ministère Public, suivant laquelle le Corps des chefs du parti nazi et ses organes exerçaient en fait leur domination sur l’État. Le fond de cette question fut formulé par Hitler dans son discours au Reichstag du 20 février 1938, lorsqu’il déclara que toutes les institutions de l’Allemagne étaient en fait placées sous la direction du Corps des chefs du parti nazi.
Je déposerai maintenant la dernière pièce présentée par le Ministère Public pour appuyer sa thèse sur la domination de l’État allemand par le Corps des chefs et la responsabilité qui en résulte pour cet organisme ; c’est le document PS-2715, constitué par le recueil contenant le discours de Hitler au Reichstag, le 20 février 1938, reproduit dans la publication Das Archiv, volume 47, février 1938, pages 1441 et 1442. Je citerai un bref extrait de ce document PS-2715, que je dépose comme preuve sous la référence USA-331 :
« Le national-socialisme a donné au peuple allemand un moyen de commandement qui, en tant que Parti, a non seulement mobilisé la nation, mais l’a aussi organisée, de sorte que, sur la base du principe naturel de la sélection, le maintien d’une direction politique stable est assuré à jamais…
« Le national-socialisme domine toute l’Allemagne depuis le jour où, il y a 5 ans, je quittais comme Chancelier du Reich la demeure de la Wilhelmsplatz. Il n’y a pas d’institution de cet État qui ne soit nationale-socialiste. Mais avant tout, le parti national-socialiste n’a pas seulement, au cours de ces cinq années, façonné une Nation nationale-socialiste, il a pu encore se donner à lui-même cette organisation parfaite qui garantit son maintien pour tout l’avenir. La plus haute garantie donnée par la Révolution nationale-socialiste réside dans la domination totale du Reich et de toutes ses institutions et organisations, au-dedans comme au-dehors, par le parti national-socialiste. Et la protection du Reich contre le monde extérieur repose sur la nouvelle Armée nationale-socialiste…
« Quiconque, dans notre État, détient une responsabilité est national-socialiste… Chacune des institutions de notre État est aux ordres de la direction politique suprême… Le Parti dirige le Reich politiquement, la Wehrmacht le défend militairement… Il n’est personne détenant une responsabilité dans cet État, qui doute du fait que c’est moi qui suis le Chef autorisé de ce Reich… »
Le pouvoir suprême exercé par le Corps des chefs sur l’État et le Gouvernement allemands, est souligné par un article paru dans la revue officielle Der Hoheitsträger, en février 1939. Cet article, qui s’adressait à tous les Hoheitsträger rappelle au Corps des chefs qu’il a conquis l’État et qu’il possède un pouvoir absolu et total en Allemagne. Je citerai le document PS-3230, traduction anglaise d’un article intitulé « Combat et Ordre ». Cet article claironne, avec ce que nous pourrions appeler l’accent du césarisme, l’appel au combat du Corps des chefs dans la vie allemande. Je cite :
« Combattre ? Pourquoi parlez-vous toujours de combattre ? Vous avez conquis l’État, et si quelque chose vous déplaît, faites une loi et réglez le problème d’une manière différente ! Pourquoi toujours parler de combattre ? N’avez-vous pas tous les pouvoirs ? Pourquoi combattre encore ? Pour la politique extérieure ? Vous avez la Wehrmacht, qui combattra si c’est nécessaire. Pour la politique intérieure ? Vous avez la loi et la police qui peuvent changer tout ce qui n’est pas conforme à vos idées ! »
Ne serait-il pas opportun de suspendre l’audience ?
En raison de la domination exercée sur l’État et le Gouvernement allemands par le parti nazi et par le Corps des chefs dont l’existence a été établie par les preuves qui viennent d’être citées et par celles déposées au cours des précédents exposés, nous prétendons que le Corps des chefs du parti nazi est responsable des mesures prises par l’État et le Gouvernement allemands, y compris les actes législatifs pour favoriser le complot ourdi et exécuté par les conspirateurs et les organisations accusés.
Je passerai maintenant aux forfaits et aux crimes patents du Corps des chefs. Les preuves que je vais présenter montreront que les membres du Corps des chefs ont participé activement à toutes sortes d’actes et de mesures qui avaient pour but de favoriser les progrès du complot. Les preuves montreront que cette participation du Corps des chefs au complot, comprend des mesures telles que les activités antisémites, les crimes de guerre commis contre les membres des armées alliées, la participation au programme de travail forcé, les mesures visant à détruire ou à miner la religion chrétienne et à persécuter le clergé des églises chrétiennes, le pillage et la spoliation des biens culturels et autres dans les territoires occupés par l’Allemagne en Europe, la participation aux plans et mesures tendant à déclencher et à mener des guerres d’agression et, en général, une vaste série de mesures comprenant les crimes contre la Paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité, tels qu’ils sont définis et énoncés dans le Statut du Tribunal.
Le premier point sur lequel nous nous proposons d’apporter des preuves a trait à la participation des Gauleiter et des Kreisleiter à ce que les nazis qualifièrent de « soulèvement spontané du peuple » contre les Juifs à travers toute l’Allemagne, les 9 et 10 novembre 1938. Nous n’avons pas l’intention d’apporter comme preuves celles déjà présentées par le commandant Walsh sur la persécution des Juifs, mais nous désirons seulement montrer la participation de quelques-uns des fonctionnaires du Parti à la suite de l’assassinat, le 7 novembre, d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Allemagne à Paris.
Les preuves relatives à ces pogroms ont été présentées en détail par le Ministère Public à d’autres phases des débats et particulièrement lorsqu’il s’est agi de la persécution des Juifs. Je me bornerai donc à deux documents et demanderai au Tribunal de se souvenir du fait que dans les instructions données par le SS-Gruppenführer Heydrich, le 10 novembre 1938, et transmises par télétype à toutes les directions de la Police et tous les secteurs du SD, tous les chefs de la Police d’État reçurent l’ordre de prendre contact avec les chefs politiques des Gaue et des Kreise, afin d’assurer, avec ces hauts fonctionnaires du Corps des chefs, l’organisation de démonstrations soi-disant spontanées contre les Juifs.
Les preuves déjà soumises au Tribunal ont montré que, conformément à ces instructions, un grand nombre d’entreprises et de magasins juifs furent pillés et endommagés, des synagogues incendiées, des Juifs frappés et un grand nombre d’entre eux emmenés dans des camps de concentration. Ces preuves illustrent d’une manière catégorique la participation de tous les Kreisleiter et Gauleiter à des mesures illégales et inhumaines, destinées à favoriser le programme antisémite qui était l’un des objectifs primordiaux et constants du Corps des chefs du parti nazi. Je ne ferai que mentionner à nouveau le document PS-3051 (USA-240), en attirant l’attention des membres du Tribunal sur les divers chefs politiques cités dans ce document ; je n’ai pas l’intention de le relire ni de m’y référer à nouveau.
Je m’écarte un instant de mon texte et je dépose comme preuve…
Colonel Storey, ce document est-il adressé aux différents échelons du Corps des chefs ?
Je ne connais guère l’allemand, mais je vois à la première page que ce document était adressé à la Police d’État, au SD et à certains autres fonctionnaires du SD.
Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le Corps des chefs ?
Il s’agit ici de directives adressées aux fonctionnaires du Parti pour qu’ils prennent part à ces manifestations. En d’autres termes, ces directives ont été transmises par l’intermédiaire de certains fonctionnaires du Corps des chefs.
Êtes-vous sûr que la Police d’État et le SD constituent des échelons du Corps des chefs ?
Si le Tribunal veut bien se reporter au schéma, au grand schéma du Parti, il remarquera que les SA, les SS et certaines organisations figurent sur la partie gauche de ce grand tableau. Je crois que cela figure dans le dossier qui est sous vos yeux. En d’autres termes, un examen détaillé de ces instructions montre que les destinataires devaient prendre contact avec différents chefs politiques en vue de l’exécution de ces manifestations des 9 et 10 novembre. C’est dans ce seul but que nous déposons cette pièce. Elle a déjà été déposée comme preuve, mais la raison pour laquelle j’en fais mention maintenant…
Mais il ne me semble pas qu’elle le montre. Il me paraît que c’est une lettre du chef de la Police de sûreté, adressée à toutes les directions et à tous les services de la Police d’État.
Je regrette de ne pas en avoir la traduction anglaise pour le moment, Monsieur le Président.
Bien, continuez.
Je dépose maintenant comme preuve le document PS-3063 (USA-332). C’est un rapport de Buch, Juge suprême du Parti, à l’accusé Göring en date du 13 février 1939 ; il y est question de poursuites exercées par la Cour suprême du Parti à la suite des excès commis au cours des démonstrations des 9 et 10 novembre 1938. Je ne crois pas qu’il figure dans le livre de documents ; c’est le document PS-3063.
Si, il y figure.
Je vous demande pardon, je l’avais oublié. Je n’en cite qu’un court extrait :
« Si toutes les synagogues ont été incendiées en une seule nuit, cela a dû être organisé de quelque manière et ne peut l’avoir été que par le Parti. »
C’est un long document, mais c’est la seule partie que je désire citer. Je n’en ai malheureusement pas la référence.
À quelle page ?
Je regrette, je n’ai pas la référence exacte.
À la page 1. Si vous n’avez pas le document devant vous, il me paraît inutile que vous vous y référiez.
Je viens de faire passer le texte allemand, Monsieur le Président.
« Si toutes les synagogues ont été incendiées en une seule nuit, cela a dû être organisé de quelque manière et ne peut l’avoir été que par le Parti. »
C’est le premier paragraphe de la page 7.
Je passe maintenant aux crimes commis contre les aviateurs alliés. Les membres du Corps des chefs du parti nazi partagèrent la responsabilité des assassinats d’aviateurs alliés, des sévices et mauvais traitements qui leur furent infligés lorsqu’ils atterrirent en territoire allemand ou contrôlé par les Allemands. De nombreux aviateurs alliés, qui descendirent en parachute d’avions en détresse au-dessus de l’Allemagne, n’ont pas été traités en prisonniers de guerre, mais furent frappés, assassinés par des civils allemands avec l’approbation, voire à l’instigation de certains membres du Corps des chefs du parti nazi. Une telle conduite de la part du Corps des chefs constitue une violation flagrante et délibérée, par le Gouvernement allemand, des obligations de la Convention de Genève sur la protection des prisonniers de guerre contre les actes de violence et les mauvais traitements.
Comme le montre le document PS-2473, sur lequel il n’est pas nécessaire de nous étendre et qui est une liste des Reichsleiter du Parti parue dans l’Annuaire National-Socialiste de 1943, ainsi que le document PS-2903, qui est le grand schéma, Heinrich Himmler était Reichsleiter du parti nazi et par conséquent l’un des hauts dignitaires du Corps des chefs, en raison de sa situation de Reichsführer SS et de Délégué pour les questions relatives au germanisme. Je dépose comme preuve l’original d’un ordre signé par Himmler, le document R-110 (USA-333), daté du 10 août 1943. Je cite :
« Il n’appartient pas à la Police d’intervenir dans les rixes entre les Allemands et les aviateurs terroristes anglais et américains descendus en parachute. »
Cet ordre a été transmis par écrit à tous les officiers supérieurs des SS et de la Police, et verbalement à leurs subalternes et à tous les Gauleiter. Comme le montre le document PS-2473, ainsi que le tableau, Joseph Goebbels…
Je pensais que la Police ne faisait pas partie du Corps des chefs ?
Mais Himmler, Monsieur le Président, cumulait les fonctions de Reichsführer SS et de chef de la Police allemande. Il était fonctionnaire de l’État et fonctionnaire du Parti et il a donné cet ordre à des fonctionnaires du Corps des chefs.
Voulez-vous dire par là que cet ordre de Himmler constitue une preuve contre les 600.000 membres dont vous avez parlé ?
Non, pas contre les membres, mais contre une organisation à caractère criminel, puisqu’elle diffusait des ordres de cette nature par les voies hiérarchiques du Corps des chefs.
Voilà précisément ce que je voulais vous faire remarquer : ces ordres n’ont pas suivi la voie hiérarchique du Corps des chefs, mais celle de la Police.
Mais la Police, Monsieur le Président, était en relation avec le Corps des chefs et Himmler dirigeait l’une et l’autre. On ne le voit pas sur ce tableau, mais c’est par contre, très visible sur l’autre, dans le cas de Goebbels, qui était un haut dignitaire du Corps des chefs, en raison de sa situation de chef de la Propagande du Parti. Dans le numéro du Völkischer Beobachter du 29 mai 1944, un article de Goebbels, Reichsleiter du Parti pour la propagande, invitait ouvertement la population civile allemande à sévir contre les aviateurs alliés abattus au-dessus de l’Allemagne. Je me réfère au document PS-1676 (USA-334), qui est l’exemplaire du Völkischer Beobachter où se trouve cet article incitant la population à commettre des crimes de guerre. Je cite :
« Ce n’est qu’à l’aide de la force armée qu’il est possible de protéger la vie des pilotes ennemis abattus au cours de ces attaques, car, autrement, ils seraient tués par la population si durement éprouvée. Qui a raison, des assassins qui, après leur lâche méfait, espèrent être l’objet d’un traitement humain de la part de leurs victimes, ou des victimes elles-mêmes qui veulent se défendre en vertu du principe : “Œil pour œil, dent pour dent” ? Il n’est pas difficile de répondre à cette question. »
Le Reichsleiter Goebbels s’applique alors à répondre à cette question dans les termes suivants :
« Il nous paraît à peine possible et à peine tolérable d’avoir recours à la Police et aux soldats allemands contre le peuple allemand lui-même, lorsque celui-ci traite les assassins d’enfants comme ils le méritent. »
Le 30 mai 1944, l’accusé Bormann, Reichsleiter et chef de la Chancellerie du Parti, diffusait à ce sujet une lettre circulaire qui constitue la preuve indiscutable du fait que des aviateurs américains et britanniques abattus furent lynchés par la population allemande. Je dépose comme preuve cette circulaire de l’accusé Bormann, document PS-057. Elle se trouve aux premières pages du livre de documents.
Avez-vous le livre original ?
Un instant, Monsieur le Président. Après avoir allégué qu’au cours des semaines précédentes, des aviateurs américains et anglais avaient à plusieurs reprises mitraillé des enfants, des femmes, des paysans et des véhicules sur les routes, Bormann déclare, au deuxième paragraphe de la traduction anglaise ; je cite :
« Il est arrivé plusieurs fois que des membres de l’équipage de ces avions, qui étaient descendus en parachute ou qui avaient fait des atterrissages forcés, ont été lynchés sur place, immédiatement après leur capture, par la population qui était irritée au plus haut point. Aucune mesure de police n’a été prise ni aucune action judiciaire intentée contre les citoyens qui ont participé à ces incidents. »
J’attire particulièrement l’attention du Tribunal sur le fait que cette lettre de l’accusé Bormann a été distribuée par la voie hiérarchique du parti nazi et mentionnait expressément parmi les destinataires les Reichsleiter, les Gauleiter, les Kreisleiter et les chefs des organisations incorporées ou affiliées au Parti. L’accusé Bormann demandait, au premier paragraphe de la deuxième page de la traduction anglaise de ce document, que les Ortsgruppenleiter fussent informés verbalement du contenu de sa circulaire et uniquement par communication verbale.
Les conséquences de la circulaire du Reichsleiter Bormann apparaissent dans un ordre du 25 février 1945 que je dépose maintenant comme preuve : il s’agit du document L-154 (USA-335). C’est un ordre d’Albert Hoffmann, membre important du Corps des chefs de par sa situation de Gauleiter et de commissaire à la Défense nationale pour le Gau Westphalie-Sud. Il est adressé à tous les Landräte (conseillers généraux), maires, fonctionnaires de la Police ainsi qu’aux Kreisleiter et aux chefs du Volkssturm à l’échelon du Kreis :
« Les pilotes de bombardiers abattus ne doivent pas être protégés contre la fureur de la population. J’attends de tous les services de la Police qu’ils refusent leur protection à ces gangsters. Les autorités qui agiraient à rencontre du sentiment populaire auront à me rendre compte de leurs actes. Tous les fonctionnaires de la Police et de la gendarmerie devront être immédiatement avisés de la position que je prends à ce sujet. »
Les obligations…
Qui est Hoffmann ?
Albert Hoffmann était membre du Corps des chefs, en raison de ses fonctions de Gauleiter et de commissaire à la Défense nationale du Gau Westphalie-Sud. À ce sujet, je citerai les dispositions de l’article 2 de la Convention de Genève du 27 juillet 1929 sur les prisonniers de guerre qui stipule, et je demande simplement au Tribunal de prendre acte de cet article :
« Les prisonniers de guerre sont au pouvoir de la Puissance ennemie, mais non des individus ou des corps de troupe qui les ont capturés. Ils doivent être traités en tout temps avec humanité et être protégés notamment contre les actes de violence, les insultes et la curiosité publique. Les mesures de représailles à leur égard sont interdites. »
Est-ce la Convention de 1907 ?
C’est l’article 2 de la Convention de Genève du 27 juillet 1929, qui a été ratifiée par l’Allemagne et par les États-Unis. Il ressort clairement des prescriptions précitées que la Convention relative aux prisonniers de guerre impose à ses signataires l’obligation stricte d’assurer la protection des prisonniers de guerre contre toute violence. Les preuves qui viennent d’être présentées montrent que l’État allemand a violé ces dispositions. Ces preuves établissent également que le Corps des chefs du parti nazi a participé au complot en vue d’inciter la population civile allemande à prendre part à ces atrocités.
J’en viendrai maintenant à certains crimes caractéristiques commis contre la main-d’œuvre étrangère. Le 13 septembre 1936, le Dr Ley, Reichsleiter à l’organisation du Parti, s’adressa à 20.000 personnes qui assistaient à une séance du Congrès du Parti. Le compte rendu officiel du Congrès déclare que le Führer fut reçu par des « clameurs enthousiastes d’exaltation » lorsqu’il traversa la salle avec son adjoint, sa suite habituelle et plusieurs Reichsleiter et Gauleiter. Je me réfère au document PS-283 ; c’est le Völkischer Beobachter du 14 septembre 1936, page 11, que je dépose comme preuve sous la référence USA-337. Dans son discours, le Reichsleiter Robert Ley déclare qu’il avait été étonné que « le Führer lui donnât l’ordre, à la mi-avril 1933, de prendre la direction des syndicats… car il ne voyait pas de rapport entre ses fonctions de chef de l’organisation du Parti et cette nouvelle charge. » Ley déclara ensuite qu’il comprit très rapidement pourquoi ses responsabilités de chef de l’organisation du Parti et de chef du Front du travail allemand devaient logiquement l’avoir fait choisir par le Führer pour être celui qui dirigerait l’anéantissement et la dissolution des syndicats libres. Je cite ce document :
« Très vite, votre décision, mon Führer, m’apparut claire et je reconnus que les mesures d’organisation du Parti ne pourraient avoir leur plein effet que si elles étaient renforcées par l’organisation du peuple, c’est-à-dire par la mobilisation de toutes les énergies du peuple, par leur concentration et leur unification… Mes fonctions de chef de l’organisation du Parti et de chef du Front du travail allemand constituaient une tâche tout à fait homogène : en d’autres termes, dans toutes mes actions, j’agissais en tant que chef de l’organisation du Parti. Le Front du travail allemand était une institution du Parti et était dirigé par lui. Le Front du travail allemand devait être organisé, sur le plan territorial et sur le plan professionnel, selon les mêmes principes que le Parti. C’est pourquoi les syndicats et les associations d’employeurs devaient être anéantis impitoyablement ; comme pour le Parti, les bases de la construction furent la cellule et l’Ortsgruppe. »
Le 17 octobre 1944, le Reichsleiter Rosenberg adressa au Reichsleiter Bormann, chef de la Chancellerie du Parti, une lettre que je dépose comme preuve sous le nº PS-327 (USA-338) et dans laquelle il informait Bormann qu’il avait envoyé un télégramme aux Gauleiter, les priant instamment de ne pas intervenir dans la liquidation de certaines compagnies et banques dont il donnait l’énumération et qui étaient sous sa surveillance. Rosenberg insistait auprès de Bormann sur le fait que « tout délai dans la liquidation ou toute confiscation de biens effectuée indépendamment par les Gauleiter entraverait ou détruirait un plan organisé » pour la liquidation de biens très importants.
Le 7 novembre 1943, le chef d’État-Major de la Wehrmacht fit à Munich une conférence devant les Reichsleiter et Gauleiter. C’est le document L-172 qui a déjà été déposé sous la référence USA-34 et auquel je me réfère maintenant. Le chef d’État-Major déclara qu’il avait l’intention de faire un exposé sur la situation stratégique au début de la cinquième année de guerre ; il déclara qu’il comprenait parfaitement que les chefs politiques du Reich et des Gaue, étant donné leur lourde contribution à l’effort de guerre allemand, eussent besoin des renseignements qu’il pourrait leur donner. Voici, en partie, ce qu’il déclara :
« Le Reichsleiter Bormann m’a prié de vous exposer aujourd’hui la situation stratégique au début de la cinquième année de guerre… Personne, comme l’a ordonné le Führer ne doit en savoir ou en apprendre plus qu’il ne lui est nécessaire pour sa tâche immédiate, mais je ne doute pas, Messieurs, que vous ayez besoin d’en savoir beaucoup pour pouvoir remplir vos fonctions : c’est dans vos Gaue… que se concentrent et cherchent à s’infiltrer dans notre peuple la propagande ennemie, le défaitisme, les rumeurs néfastes . . Devant cette vague de propagande ennemie et de lâcheté… vous devez connaître la véritable situation et c’est pourquoi j’estime avoir le droit de vous donner un compte rendu parfaitement exact et sans fard de la situation générale. »
Le Reichsleiter Bormann diffusa à tous les Reichsleiter, Gauleiter et chefs des organisations affiliées au Parti une lettre non datée qui constitue le document PS-656 (USA-339). Elle est sur papier à en-tête du parti national-socialiste, signée par Bormann, et accompagnée d’un ordre du Haut Commandement de la Wehrmacht concernant le droit de légitime défense du personnel de garde et des entrepreneurs et travailleurs allemands à rencontre des prisonniers de guerre. Cet ordre de la Wehrmacht déclare que la question du traitement des prisonniers de guerre est continuellement discutée par les bureaux de la Wehrmacht et du Parti. Il expose que, si des prisonniers de guerre viennent à refuser d’obéir à des ordres de travail, les gardiens ont « en cas de besoin urgent ou de grand danger et en l’absence d’autres moyens, le droit de se faire obéir par la force des armes. Ils peuvent utiliser leurs armes dans la mesure où cela leur sera nécessaire pour atteindre leur but. »
Le 18 avril 1944, le commissaire du Reich Lohse, ministre pour les territoires occupés de l’Est, proposait, dans une lettre adressée au chef de la Jeunesse du Reich Axmann, que la Jeunesse hitlérienne participât à l’éducation militaire de la jeunesse estonienne et lettone. Je dépose comme preuve le document PS-347 (USA-340). Lohse déclare dans la lettre ci-dessus que :
« Dans les camps d’éducation militaire, les jeunes Lettons sont instruits par des chefs lettons, en langue lettone, non parce que c’est notre idéal, mais parce que c’est une exigence absolue des nécessités militaires. »
Lohse déclare en outre dans sa lettre :
« À l’inverse de ce qui se passe pour les peuples germaniques de l’Ouest, l’éducation militaire ne doit plus être faite par engagements volontaires mais par conscription légale. Les camps d’Estonie et de Lettonie devront être sous commandement allemand et, en tant que camps d’éducation militaire de la Jeunesse hitlérienne, constituer un symbole de notre mission éducatrice au-delà des frontières de l’Allemagne… Je considère que l’éducation militaire de la jeunesse estonienne et lettone est non seulement une nécessité militaire, mais aussi une mission de guerre particulièrement appropriée à la Jeunesse hitlérienne. Je vous serais reconnaissant, cher camarade du Parti, Axmann, si la Jeunesse hitlérienne entreprenait cette œuvre avec le même enthousiasme qu’elle a montré jusqu’à présent en secondant notre œuvre dans les provinces baltes. »
Voici un ordre de Frick, ministre de l’Intérieur du Reich, daté du 22 octobre 1938, qui constitue le document PS-1438 et que je demande au Tribunal d’accepter comme preuve :
« Le Reichsführer SS et chef de la Police allemande pourra prendre les mesures administratives nécessaires au maintien de la sécurité et de l’ordre, même en dehors des limites légales fixées par ailleurs pour de telles mesures. »
L’ordre ci-dessus était relatif à l’administration du territoire allemand des Sudètes.
Dans une lettre datée du 15 avril 1944, document PS-407, déjà déposé comme preuve sous la référence USA-209, le Gauleiter et plénipotentiaire à la main-d’œuvre Fritz Sauckel adressait à Hitler un rapport sur le succès remporté jusqu’à ce jour par le programme de travail forcé, et s’exprimait ainsi :
« Soyez assuré que le Gau de Thuringe et moi-même vous servirons de toutes nos forces ainsi que notre cher peuple. »
Je dépose maintenant comme preuve le document PS-630 (USA-342). J’aimerais attirer l’attention du Tribunal sur le fait qu’il est rédigé sur le papier personnel d’Adolf Hitler, et daté du 1er septembre 1939. Il est adressé au Reichsleiter Bouhler et au docteur Brandt et signé par Adolf Hitler. Je citerai en entier ce document qui est bref :
« Le Reichsleiter Bouhler et le docteur Brandt sont chargés, sous leur responsabilité, d’étendre les pouvoirs de certains médecins qui seront à désigner nommément, dans le but, par mesure de grâce, de donner la mort aux malades humainement incurables, après un diagnostic très approfondi de leur état. Signé : Adolf Hitler. » Une note manuscrite, au recto de ce document, déclare : « Remis par Bouhler, le 27 août 1940. Signé : Dr Gürtner. »
Dans le mémorandum d’un accord passé entre Himmler et lui, Thierack, ministre de la Justice, déclare que, sur la proposition du Reichsleiter Bormann, un accord a été conclu entre Himmler et lui sur « le traitement spécial par la Police, au cas où les décisions de la Justice ne seraient pas assez sévères. »
Je me réfère au document PS-654 (USA-218), qui a déjà été déposé comme preuve. Je désire en citer un extrait :
« Le ministre de la Justice du Reich décidera si et quand le traitement spécial par la Police doit être appliqué.
« Le Reichsführer SS adressera au ministre de la Justice du Reich les rapports qu’il envoyait précédemment au Reichsleiter Bormann.
« En cas de désaccord, il en sera référé au Reichsleiter Bormann qui pourra en informer le Führer. »
D’autre part cette note déclare :
« Les éléments asociaux qui accomplissent leur peine doivent être remis au Reichsführer SS aux fins d’anéantissement par le travail. Seront livrés les “détenus de protection”, les Juifs, Bohémiens, Russes et Ukrainiens, Polonais condamnés à plus de 3 ans, les Tchèques et Allemands condamnés à plus de 8 ans sur décision du ministre de la Justice du Reich. On commencera par le transfert des éléments asociaux les moins bons. J’en informerai le Führer par l’intermédiaire du Reichsleiter Bormann. »
En ce qui concerne « l’administration de la Justice par le Peuple », l’auteur du document déclare :
« Voilà ce qu’il faut exécuter progressivement aussitôt que possible… Je pousserai particulièrement le Parti à collaborer à ce plan par un article dans le Hoheitsträger. »
Le Tribunal a déjà vu un exemplaire de cette publication. Je saute maintenant les paragraphes 16 et 17, et j’en arrive à une lettre du RSHA (Office central de la sécurité du Reich) aux chefs de la Police, datée du 5 novembre 1942, qui constitue le document L-316 (USA-346). Cette lettre, adressée à tous les chefs de la Police, reproduit un accord conclu entre le Reichsführer SS et le ministre de la Justice du Reich avec l’approbation de Hitler. J’attire l’attention du Tribunal sur la bordure rouge qui entoure ce document et sur le fait que le sceau du Parti y figure. Cet accord prévoit que la procédure criminelle ordinaire ne sera plus à l’avenir appliquée aux Polonais et aux populations de l’Est. L’accord prévoit d’autre part que ces personnes, y compris les Juifs et les Bohémiens, seront dorénavant livrés à la Police. Les principes de la détermination des peines applicables aux délinquants allemands, y compris l’examen des motifs du délit, ne devront pas être appliqués aux étrangers. Je cite la page 2 du document :
« Le délit commis par une personne de race étrangère ne doit pas être considéré par la Justice du point de vue du châtiment légal, mais d’un point de vue préventif qui est du ressort de la Police.
« Il en résulte que l’exercice du droit pénal contre les individus de race étrangère doit être transféré de la Justice à la Police.
« Les déclarations précédentes sont faites à titre d’information personnelle. Il n’y a cependant pas d’objection à ce que les Gauleiter en soient éventuellement informés sous la forme habituelle. »
Je saute les paragraphes 19 et 20 du texte. Je me réfère maintenant au document PS-1058, qui a déjà été déposé sous la référence USA-147. Dans un discours prononcé devant des personnes particulièrement intéressées aux problèmes de l’Est, le Reichsleiter Rosenberg déclarait, le 20 juin 1941, que les territoires du Sud de la Russie et du Caucase du Nord devaient fournir du ravitaillement au peuple allemand. Je cite les paroles de Rosenberg :
« Il n’y a absolument aucune raison pour que nous soyons obligés de nourrir aussi le peuple russe avec les produits de ces territoires excédentaires. Nous savons que c’est une dure nécessité qui exclut tout sentiment. »
Ce passage nous a déjà été lu à deux reprises.
Excusez-moi, Monsieur le Président, je ne l’avais pas entendu. Voulez-vous le supprimer du procès-verbal.
Je me réfère maintenant au document R-114 qui est, je crois, le dernier de notre livre de documents (USA-314) :
Wagner, Gauleiter des régions d’Alsace occupées par les Allemands, prépara l’expulsion et la déportation de certains groupes de la population alsacienne et prit les mesures nécessaires dans ce but. Ses plans prévoyaient l’expulsion forcée de certaines catégories de personnes dites indésirables, à titre de sanctions et comme moyen de germanisation obligatoire. Le Gauleiter contrôla les mesures de déportation en Alsace de juillet à décembre 1940, période au cours de laquelle 105.000 personnes furent, soit expulsées, soit empêchées de revenir. Le compte rendu, daté du 4 août 1942, d’une réunion de hauts fonctionnaires des SS et de la Police, convoqués pour recevoir les rapports et les plans du Gauleiter relatifs aux évacuations en Alsace, déclare que les personnes déportées étaient pour la plupart « des Juifs, des Bohémiens et autres éléments raciaux étrangers, des criminels, des asociaux et des fous incurables, ainsi que des Français et des francophiles. » Suivant ce compte rendu, le Gauleiter déclara en outre que le Führer lui avait donné l’autorisation « d’épurer l’Alsace de tous ses éléments étrangers, malades ou suspects » et il insista sur la nécessité politique de nouvelles déportations. Le mémorandum rapporte enfin que les fonctionnaires des SS et de la Police présents à la conférence approuvèrent les propositions du Gauleiter en vue de nouvelles évacuations.
Je passe maintenant au paragraphe 24. C’est un mémorandum du Reichsleiter Bormann sur une conférence réunie par Hitler à son Quartier Général, le 16 juillet 1941. C’est le document L-221 (USA-317). Je m’excuse, mais il me semble que ce document a déjà été cité ce matin. J’avais l’intention, en m’y rapportant, de souligner l’action des Reichsleiter, mais je crois que le capitaine Harris a déjà mentionné ce document et je ne veux pas le relire.
J’attire cependant l’attention du Tribunal sur la présence à cette conférence, qui dura une vingtaine d’heures, du Reichsleiter Rosenberg, du ministre du Reich Lammers, du Feldmarschall Keitel, du Reichsmarschall et de Bormann. Le mémorandum déclare que la discussion porta sur l’annexion par l’Allemagne de divers territoires conquis en Europe, et il fait également état d’une longue discussion relative aux aptitudes du Gauleiter Lohse qui avait été proposé par Rosenberg, au cours de la conférence, comme gouverneur des États Baltes. La discussion porta également sur les aptitudes de certains autres Gauleiter et commissaires à l’administration de divers territoires de la Russie occupée. Göring déclara, d’après le mémorandum, qu’il avait l’intention de nommer le Gauleiter Terboven « pour l’exploitation de la péninsule de Kola ; le Führer donne son accord ».
Je crois que la suite a déjà été citée, elle aussi. Je passe maintenant à la participation du Corps des chefs à la lutte contre l’Église chrétienne et à la persécution du clergé, et citerai quelques crimes caractéristiques. Les preuves relatives aux efforts systématiques des accusés et des conjurés pour éliminer l’Église chrétienne en Allemagne ont déjà été présentées par le commandant Wallis dans le livre de documents USA « H », traitant des tentatives des nazis en vue de l’élimination de l’Église chrétienne. Les preuves que nous allons présenter maintenant se limitent à démontrer et à signaler la responsabilité du Corps des chefs du parti nazi et de ses membres dans les activités illégales dirigées contre l’Église chrétienne et le clergé.
L’accusé Bormann promulgua une ordonnance secrète adressée à tous les Gauleiter et intitulée « Relations du national-socialisme et du christianisme ». Cette ordonnance constitue le document D-75 (USA-348). Le Reichsleiter Bormann y déclare catégoriquement que le national-socialisme et le christianisme sont incompatibles et que l’influence des Églises doit être éliminée en Allemagne. Je cite les parties intéressantes de cette ordonnance, en commençant au début de la page 3, premier paragraphe :
« Les conceptions nationales-socialistes et chrétiennes sont inconciliables… Notre idéologie nationale-socialiste est infiniment plus élevée que les concepts du christianisme qui, dans leurs points essentiels, dérivent du judaïsme. C’est pour cette raison aussi que nous n’avons pas besoin du christianisme… Si donc notre jeunesse n’apprend plus rien à l’avenir de ce christianisme dont les doctrines sont de beaucoup inférieures aux nôtres, le christianisme s’éteindra de lui-même…
« Il résulte du caractère inconciliable des conceptions nationale-socialiste et chrétienne que nous devons éviter l’affermissement des confessions existantes et refuser notre assistance aux confessions chrétiennes nouvelles. Il n’est pas nécessaire de faire ici une discrimination entre les diverses confessions chrétiennes. C’est pour cette raison que la pensée d’instituer une Église protestante nationale qui grouperait les diverses Églises protestantes a été définitivement abandonnée, parce que l’Église protestante nous est tout aussi hostile que l’Église catholique. Tout renforcement de l’Église protestante ne ferait que se retourner contre nous…
« Pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne, le Führer a consciemment et totalement en mains la direction du peuple. Avec le Parti, ses membres et ses organisations annexes, le Führer a créé pour lui-même et, partant, pour les dirigeants du Reich allemand, un instrument qui le rend indépendant de l’Église. Toutes les influences qui pourraient ou entraver ou nuire à la direction du peuple exercée par le Führer avec l’aide de la NSDAP doivent être éliminées. De plus en plus, le peuple doit être séparé de l’Église et de ses agents, les prêtres. Bien entendu, les Églises se défendront et, de leur point de vue, devront se défendre contre cette perte d’autorité. Mais jamais plus ne devra être accordée aux Églises une influence sur la direction du peuple. Cette influence doit être brisée complètement et de façon définitive.
« Seuls les chefs du Reich et, en leur nom, le Parti, ses membres et ses organismes annexes ont le droit de diriger le peuple. De même que les influences néfastes des astrologues, devins et autres charlatans ont été éliminées et supprimées par l’État, de même il faut ôter à l’Église la possibilité d’exercer une influence. Ce n’est que lorsqu’on y sera parvenu que les chefs de l’État auront une influence totale sur chaque citoyen. Ce n’est qu’alors que le peuple et le Reich verront leur existence assurée pour l’avenir. »
Je dépose ensuite comme preuve le document PS-070 (USA-349). C’est la copie d’une lettre émanant du service de Bormann, à la date du 25 avril 1941, et adressée à l’accusé Rosenberg, en sa qualité de représentant du Führer pour le contrôle de toute la formation et de l’éducation idéologiques de la NSDAP. Dans cette lettre, le service de Bormann déclare que des mesures ont été prises tendant à faire disparaître progressivement les prières du matin et autres services religieux, et à leur substituer des mots d’ordre et des slogans nazis. Je cite le premier paragraphe du document PS-070 :
« Nous engageons les écoles à réduire et à supprimer de plus en plus les services religieux du matin. De même, les prières confessionnelles et extra-confessionnelles ont déjà été remplacées, dans plusieurs parties du Reich, par des formules nationales-socialistes. Je vous saurais gré de bien vouloir me donner votre opinion au sujet de l’institution d’un service du matin national-socialiste, qui remplacerait les services religieux du matin qui ont actuellement lieu une fois par semaine dans les écoles. »
Dans une lettre du Reichsleiter Bormann, en date du 22 février 1940, adressée au Reichsleiter Rosenberg, document PS-098 (USA-350), que je dépose comme preuve, Bormann déclare à Rosenberg que la religion chrétienne et le national-socialisme sont incompatibles.
Bormann cite, à titre d’exemple…
Voudriez-vous nous donner le numéro de ce document ?
Je vous demande pardon, Monsieur le Président.
C’est le document PS-098 ?
Oui, PS-098.
Le précédent était le document PS-070 ?
Oui, PS-070.
Et le précédent, D-75 ?
C’est exact. Avec la permission du Tribunal, plutôt que de citer tout le document, je le résumerai. Bormann cite, à titre d’exemple, les divergences hostiles entre le nazisme et les Églises, l’attitude de ces dernières sur le problème racial, le célibat des prêtres, les monastères et les couvents. De plus, Bormann déclare que les Églises ne pourront pas être soumises au moyen d’un compromis, mais seulement à l’aide d’une nouvelle philosophie de la vie, telle que celle professée par Rosenberg. Bormann propose la création d’un catéchisme national-socialiste, afin de donner une base morale à la partie de la jeunesse allemande qui rejette la pratique des religions confessionnelles et de poser les fondements moraux des doctrines nationales-socialistes qui devront peu à peu supplanter les religions chrétiennes. Bormann suggère que certains des dix commandements pourraient être incorporés au catéchisme national-socialiste et qu’on pourrait en ajouter quelques autres, tels que : « Tu seras courageux ; tu ne seras pas lâche ; tu croiras à la présence de Dieu dans la nature, dans les animaux et les plantes ; tu conserveras la pureté de ton sang » etc.
Bormann termine en disant qu’il estime le problème si important qu’il devrait être discuté le plus tôt possible avec les membres de la Reichsleitung.
Je cite maintenant le cinquième paragraphe de la première page de ce document :
« Le christianisme et le national-socialisme sont des phénomènes provenant de causes entièrement différentes. Les principes en sont si différents qu’il n’est pas possible de créer une doctrine chrétienne qui serait entièrement compatible avec l’idéologie nationale-socialiste ; de même les communautés de foi chrétienne ne pourraient jamais s’accommoder totalement de l’idéologie du national-socialisme. »
Je cite ensuite le dernier paragraphe de la page 5 de ce document :
« Le délégué du Führer estime nécessaire que toutes ces questions soient discutées très prochainement et en détail en présence des Reichsleiter qui y sont particulièrement intéressés. »
Je dépose maintenant le document PS-107.
Voulez-vous dire que les Blockleiter devaient être présents à ces discussions ?
Monsieur le Président, en ce qui concerne les directives politiques, le principe du chef s’exprime du sommet vers la base et, si cette politique est adoptée, les directives finissent par atteindre les Blockleiter. Bormann dit que la question devra être discutée avec les Reichsleiter qui sont les directeurs du Parti : je suppose donc que si ces directeurs adoptent cette politique, ils transmettront ensuite des directives appropriées à leurs subordonnés. Lambert m’a fait remarquer aussi qu’il n’aurait pas été possible de discuter de ces questions avec tous les membres du Corps des chefs et que c’est la raison pour laquelle elles étaient discutées par les Reichsleiter.
Le document montre-t-il que la question a été discutée par les Reichsleiter ?
Non, mais il montre que cette question était un sujet de discussion pour le Conseil des chefs du parti nazi.
Oui, mais toute la question est de savoir qui sont ces Reichsleiter.
Cinq ou six d’entre eux sont ici, ils étaient seize au total.
Oui, mais il me semblait que vous nous demandiez de déclarer criminelle toute l’organisation, jusqu’aux Blockleiter ?
C’est exact, Monsieur le Président, mais il ne s’agit là que d’un seul document d’un exemple du caractère criminel de cette organisation et nous ne pouvons pas montrer pour chacun des documents que tous ses membres étaient au courant. Nous essayons de choisir des exemples des différents délits et crimes commis par le Parti.
Le document PS-107 (USA-351), que nous déposons comme preuve, est une lettre circulaire datée du 17 juin 1938, adressée par l’accusé Bormann, en sa qualité de Reichsleiter et délégué du Führer à tous les Reichsleiter et Gauleiter. La lettre de Bormann contient la copie d’un règlement établi par le Reichsleiter Hierl, énumérant certaines règles restrictives à la participation des membres du Service du Travail du Reich aux manifestations religieuses. Je cite quelques exemples des directives émises par le Reichsleiter Hierl, en commençant par le premier paragraphe de la liste reproduite à la première page de la traduction anglaise du document PS-107. Je cite :
« Le Service du Travail du Reich est une école d’entraînement où la jeunesse allemande doit être élevée à l’esprit d’unité nationale, dans le sens du national-socialisme…
« L’appartenance individuelle à une confession n’est pas un facteur décisif. Ce qui importe c’est, qu’avant tout, chacun se sente allemand.
« Toute discussion religieuse est interdite au sein du Service du Travail du Reich parce qu’elle trouble l’esprit d’harmonie de tous les camarades de travail, hommes et femmes.
« Toute participation du Service du Travail du Reich aux manifestations et aux cérémonies religieuses et confessionnelles est donc impossible. »
Le Tribunal admettra que la situation de l’accusé Bormann, délégué du Führer dans le Corps des chefs du parti nazi et chef de la Chancellerie du Parti, et la situation de l’accusé Rosenberg, représentant du Führer pour toute l’éducation spirituelle et philosophique du parti nazi, donnent aux vues de ces accusés sur la religion et la politique religieuse des fondements officiels solides. Les déclarations et le politique anti-chrétienne de ces deux accusés font la preuve de l’unité d’esprit et d’intentions qui régnait parmi les plus puissants dirigeants du Parti, ce qui fut amplement confirmé, comme le montreront les preuves, par le traitement infligé aux Églises dès 1933 et pendant le cours du complot.
Je dépose maintenant le document PS-2349 (USA-352), qui est un extrait du livre de l’accusé Rosenberg, Le mythe du XXe siècle :
« L’idée de l’honneur, de l’honneur national, est pour nous le commencement et la fin de toutes nos pensées et de nos actions. Elle n’admet à côté d’elle aucune source de force équivalente, de quelque espèce qu’elle soit, ni l’amour chrétien, ni l’humanisme franc-maçon, ni la philosophie romaine. »
Je dépose maintenant comme preuve le document PS-848 (USA-353), qui est un télégramme de la Gestapo, en date du 24 juillet 1938, envoyé de Berlin à Nuremberg, au sujet de manifestations et d’actes de violence contre l’évêque Sproll, à Rottenburg. La Gestapo de Berlin adressait par télétype à son service de Nuremberg un compte rendu reçu de son service de Stuttgart, relatif aux excès et aux actes de vandalisme exercés par des membres du parti nazi contre Monseigneur Sproll. Je cite à partir du quatrième paragraphe de la page 1 de la traduction anglaise du document PS-848, ainsi conçu :
« Le 23 juillet 1939, à partir de 21 heures, le Parti a exécuté une troisième manifestation contre Monseigneur Sproll. Les participants, au nombre de 2.500 à 3.000, furent amenés de l’extérieur en autocars, etc. La population de Rottenburg, une fois encore, n’a pas participé à la démonstration, mais a plutôt pris une attitude hostile envers les manifestants. Le contrôle de l’affaire échappa totalement aux membres du Parti qui en étaient responsables. Les manifestants assaillirent le palais, forcèrent les grilles et les portes. Environ 150 à 200 personnes entrèrent de force dans le palais, fouillèrent les pièces, jetèrent les dossiers par les fenêtres et fouillèrent les lits dans les chambres du palais. On mit le feu à un lit… L’évêque se trouvait avec l’archevêque Gröber de Fribourg, et les personnes de leur suite, en prière dans la chapelle. 25 à 30 personnes environ se précipitèrent dans cette chapelle et molestèrent les assistants. Monseigneur Gröber, pris pour Monseigneur Sproll, fut saisi par sa robe et traîné en tous sens. »
L’agent de la Gestapo de Stuttgart ajoute que Monseigneur Gröber désirait « en appeler au Führer et au ministre de l’Intérieur du Reich, le Dr Frick » et il ajoute encore qu’il a établi un rapport complet de la manifestation, après avoir fait supprimer les contre-manifestations de masses.
Le 23 juillet 1938, Kerri, ministre du Reich pour les Affaires ecclésiastiques, adressa une lettre au ministre d’État et chef de la Chancellerie présidentielle à Berlin, déclarant que Monseigneur Sproll avait irrité la population en refusant de participer au plébiscite du 10 avril. Je dépose maintenant comme preuve le document PS-849 (USA-354). Dans cette lettre, Kerrl déclarait que le Gauleiter et Gouverneur du Wurtemberg avait décidé, afin de sauvegarder l’autorité de l’État et dans l’intérêt de l’ordre et de la paix publique, de suspendre Monseigneur Sproll de ses fonctions. Je cite le troisième paragraphe de la première page de ce document PS-849 :
« Le Gouverneur du Reich fit déclarer à la Commission ecclésiastique qu’il pensait qu’en raison de son refus de participer aux élections, la présence de Monseigneur Sproll à la tête du diocèse de Rottenburg n’était plus souhaitable ; qu’il désirait que Monseigneur Sproll quittât le territoire du Gau de Wurtemberg-Hohenzollern, car il ne pouvait pas garantir sa sécurité personnelle ; qu’en cas de retour de l’évêque de Rottenburg, il ferait en sorte que tout contact personnel ou officiel lui fût refusé, tant avec les services d’État qu’avec les services du Parti ou de l’Armée.
« Kerrl déclarait de plus dans cette lettre que son délégué avait poussé le ministre des Affaires étrangères, par l’intermédiaire de l’ambassade d’Allemagne au Vatican, à prier le Saint-Siège de persuader l’évêque Sproll de se démettre. Kerrl conclut en déclarant que, si on ne réussissait pas à obtenir la démission de l’évêque, il faudrait soit l’exiler du territoire, soit le faire boycotter complètement par les autorités. »
Le 14 juillet 1939, l’accusé Bormann, en sa qualité de délégué du Führer, publiait une ordonnance du Parti, stipulant que les membres du Parti qui désiraient entrer dans les ordres ou se consacrer à l’étude de la théologie devraient quitter le Parti. Je dépose à cet effet comme preuve le document PS-840 (USA-355). C’est une copie de cette ordonnance de Bormann concernant l’admission du clergé et des étudiants en théologie dans le Parti. Je cite le dernier paragraphe de la traduction anglaise du document PS-840 :
« Je décrète en outre qu’à l’avenir, les membres du Parti qui entrent dans les ordres ou qui entreprennent l’étude de la théologie devront quitter le Parti. »
Dans cette directive, Bormann se réfère également à un décret antérieur, du 9 février 1937, dans lequel il avait déclaré que l’admission des membres du clergé dans le Parti devait être évitée. Dans ce décret également, Bormann fait allusion en l’approuvant à une ordonnance du trésorier du Parti, en date du 10 mai 1939, prévoyant que « les ecclésiastiques, ainsi que d’autres Allemands en rapport étroit avec l’Église, ne pouvaient pas être admis dans le Parti. »
Je dépose maintenant comme preuve le document PS-3268 (USA-356), qui comprend des extraits de l’allocution de Sa Sainteté le Pape Pie XII au Sacré Collège, le 2 juin 1945. Dans cette allocution, Sa Sainteté, après avoir déclaré qu’elle avait pu apprécier les grandes qualités du peuple allemand au cours des douze années qu’elle avait vécu chez lui, exprimait l’espoir que l’Allemagne pourrait « s’élever à une dignité nouvelle et à une vie nouvelle, quand le spectre satanique du national-socialisme aurait été extirpé et que les coupables auraient expié leurs crimes ». Après avoir fait allusion aux violations répétées, par le Gouvernement allemand, du Concordat conclu en 1933, Sa Sainteté déclara ce qui suit. Je cite le dernier paragraphe de la page 1 du document PS-3268 :
« La lutte contre l’Église était en fait devenue de plus en plus vive ; les organisations catholiques furent dissoutes ; les florissantes écoles catholiques, publiques et privées, furent peu à peu supprimées ; on fit pression sur la conscience des citoyens et particulièrement sur les fonctionnaires ; on procéda à une diffamation systématique, par une propagande habile et bien organisée, de l’Église, du clergé, des fidèles, des institutions de l’Église, de ses enseignements et de son histoire ; on ferma, on dispersa, on confisqua les couvents et autres établissements religieux, et on supprima entièrement la presse et les maisons d’éditions catholiques…
« Entre temps, le Saint-Siège lui-même multipliait ses représentations et ses protestations auprès des autorités gouvernementales allemandes, leur rappelant, dans un langage clair et énergique, qu’elles devaient respecter et remplir les obligations de la loi naturelle, confirmées par le Concordat. Au cours de ces années critiques, unissant la vigilance alerte d’un pasteur à la patience inépuisable d’un père, notre grand prédécesseur Pie XI remplit sa mission de Souverain Pontife avec un courage intrépide.
« Mais quand, après avoir vainement essayé tous les moyens de persuasion, il se trouva en face de violations délibérées d’un pacte solennel, d’une persécution religieuse insidieuse ou déclarée, mais toujours soigneusement organisée, il proclama devant le monde, le dimanche de la Passion 1937, dans son encyclique “Mit brennen der Sorge”, ce qu’était véritablement le national-socialisme : l’arrogante apostasie de Jésus-Christ, le reniement de Sa doctrine et de Son œuvre de rédemption, le culte de la violence, l’idolâtrie de la race et du sang, l’abolition de la liberté et de la dignité humaine…
« Dans les prisons, les camps de concentration et les forteresses affluent maintenant, avec les prisonniers politiques, la foule de ceux qui, prêtres ou laïques, n’ont commis d’autre crime que d’être fidèles au Christ et à la foi de leurs ancêtres, ou d’accomplir courageusement leur devoir de prêtre…
« Les prêtres polonais eurent à subir les traitements les plus durs. De 1940 à 1945, 2.800 ecclésiastiques et religieux polonais furent emprisonnés dans ce camp. Parmi eux se trouvait l’évêque auxiliaire de Wloclawek, qui mourut du typhus. En avril dernier, il n’en restait plus que 816, tous les autres étant morts, sauf deux ou trois qui avaient été transférés dans un autre camp. Durant l’été de 1942, 480 ecclésiastiques de langue allemande y furent internés ; 45 d’entre eux étaient protestants, tous les autres étaient des prêtres catholiques. En dépit de l’afflux incessant de nouveaux internés, provenant particulièrement des diocèses de Bavière, de Rhénanie et de Westphalie, leur nombre, en raison du haut degré de la mortalité, ne dépassait pas 350 au début de cette année. Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence tous ceux qui venaient des territoires occupés tels que la Hollande, la Belgique, la France (parmi eux l’évêque de Clermont), le Luxembourg, la Slovénie, l’Italie. Bien des prêtres et des laïques subirent, pour leur foi ou leur vocation, des souffrances indescriptibles. Une fois même, la haine des impies contre le Christ s’éleva au point de simuler sur la personne d’un prêtre interné, au moyen de fil de fer barbelé, la flagellation et le couronnement d’épines de Notre Seigneur. »
Je crois qu’il est temps de suspendre l’audience.