VINGT-TROISIÈME JOURNÉE.
Mercredi 19 décembre 1945.

Audience de l’après-midi.

COMMANDANT WARREN F. FARR (substitut du Procureur américain)

Plaise au Tribunal. Nous allons maintenant nous occuper de l’organisation des SS. Les livres de documents relatifs à cet exposé portent la lettre Z. Étant donnée la masse de ces documents, nous les avons partagés en deux volumes pour en rendre le maniement plus aisé. Quand je donnerai le numéro d’un document, j’indiquerai le volume dans lequel il se trouve.

Il y a environ huit ou dix jours, a paru dans un journal de Nuremberg le compte rendu d’une visite faite par le correspondant de ce journal dans un camp où sont internés des SS prisonniers de guerre. Ce correspondant a particulièrement été frappé par le fait que ces prisonniers posaient tous la même question : Pourquoi sommes-nous accusés d’être des criminels de guerre ? Qu’avons-nous fait sinon notre devoir normal ?

Les preuves que nous allons présenter au Tribunal répondront, nous l’espérons, à cette question. Elles montreront précisément que si le parti nazi fut le cœur, le noyau de la conspiration, les SS, eux, furent l’essence même du nazisme. Car les SS formaient dans le Parti, le groupe d’élite composé des adhérents les plus convaincus de la cause nazie, voués à l’aveugle dévotion des principes nazis et prêts à les appliquer sans discussion et à n’importe quel prix, un groupe au sein duquel le sens des valeurs normales avait été perverti à un tel point qu’aujourd’hui ses membres peuvent demander : « Dans tout ce que nous avons fait, qu’y a-t-il d’illicite ? »

Au cours des dernières semaines, le Tribunal a entendu l’exposé des preuves du plan criminel des conspirateurs préparant la guerre d’agression, les camps de concentration, l’extermination des Juifs, le travail forcé de la main-d’œuvre étrangère, l’utilisation illégale de prisonniers de guerre, la déportation et la germanisation des habitants des territoires conquis. Au cours de cet exposé, le nom de SS est constamment revenu comme un fil courant sur la trame. Cette organisation et ses différents rouages n’ont cessé d’être cités. Mon dessein est de montrer pourquoi ils encourent une grande responsabilité pour leur rôle dans toutes ces activités criminelles, pourquoi ils furent et devaient fatalement être reconnus une organisation criminelle.

La création et le développement d’une telle organisation étaient en vérité indispensables à l’exécution des plans des conspirateurs. Le programme radical et les mesures qu’ils préparèrent et qu’ils mirent effectivement en application, ne pouvaient être totalement réalisés en utilisant soit le mécanisme du gouvernement, soit celui du Parti. La responsabilité de tout ce qui allait être accompli ne pouvait être prise ouvertement ni par un organisme gouvernemental ni par un parti politique, – fut-ce le parti nazi –. Il fallait un organisme d’un genre particulier, un organisme qui jusqu’à un certain point fût lié au Gouvernement et reçût de sa part un soutien officiel, mais qui, en même temps, jouît d’un statut quasi indépendant, de sorte que tous ses actes ne pussent être mis ni au compte du Gouvernement ni à celui du Parti tout entier. Les SS jouèrent ce rôle.

Comme les SA, les SS étaient l’une des sept parties composantes ou formations du parti nazi mentionnées dans le décret d’exécution de la Loi assurant l’unité du Parti et de l’État du 29 mars 1935, paru dans le Reichsgesetzblatt de 1935, partie 1, page 503. Ce décret se trouve dans le document PS-1725. Je ne le lirai pas ; mais j’espère que le Tribunal voudra bien le prendre en considération. Les SS jouissaient néanmoins d’un statut privilégié par rapport aux autres formations. Au fur et à mesure que se réalisaient les plans des conspirateurs, les SS acquéraient de nouvelles fonctions, de nouvelles responsabilités et une place de plus en plus importante dans le régime. Au cours de l’évolution de la conspiration, les SS devinrent un organisme extrêmement complexe, le plus puissant de l’État nazi, étendant ses tentacules dans tous les domaines de l’activité nazie.

L’exposé des preuves que je vais entreprendre tendra à montrer très brièvement, d’abord les origines et les débuts des SS. Puis, comment elles étaient organisées, c’est-à-dire leur structure et leurs différentes parties constitutives. En troisième lieu, les principes essentiels qui présidaient au recrutement de leurs membres et les obligations assumées par ces derniers. Et, pour finir, les buts qu’elles visaient et les moyens utilisés pour les atteindre, la façon dont elles ont servi les desseins des conspirateurs et ainsi la responsabilité qui leur échoit pour leur participation active aux crimes énumérés dans l’Acte d’accusation.

L’histoire, l’organisation et les fonctions officielles des SS ne sont pas matières à controverse. Ce ne sont pas des dossiers secrets ou des documents saisis qui nous fournissent des pièces propres à entraîner notre conviction. On les trouve étalées de long en large dans une foule de publications abondamment diffusées dans toute l’Allemagne et le monde entier : livres officiels du parti nazi lui-même, livres, brochures, discours rédigés par les personnages des SS et de l’État et publiés avec l’approbation des SS et du Parti. Au cours de cet exposé, je citerai fréquemment cinq ou six de ces publications dont les traductions intégrales ou partielles se trouvent dans les livres de documents. J’en citerai certes quelques extraits, mais je n’en lirai aucun en entier, car je présume que le Tribunal voudra bien prendre en considération le contenu de ces publications dont l’authenticité est incontestable.

Voici maintenant l’origine des SS. Le premier but des conspirateurs – ainsi que les preuves déjà présentées au Tribunal l’ont démontré –, fut de pénétrer sur le terrain de leurs adversaires politiques, d’acquérir la maîtrise des rues et d’employer la force contre tout opposant quel qu’il fût. Pour atteindre ce but, une organisation policière particulière, entièrement entre leurs mains, leur était indispensable. Au cours de l’exposé précédent sur les SA, on vient de présenter des preuves démontrant comment cette organisation avait été créée pour remplir ce rôle. Mais les SA furent déclarées illégales en 1923. Quand l’activité du parti nazi reprit en 1925, les SA étaient encore interdites. Pour les remplacer et servir de police personnelle à Hitler, de petits groupes mobiles furent constitués sous le nom de détachements de protection (Schutzstaffeln). Telle fut, en 1925, l’origine des SS. Quand les SA furent reconstituées, en 1926, les SS cessèrent, pendant les quelques années qui suivirent, de jouer un rôle de premier plan. Mais elles continuèrent à exister en tant qu’organisation incorporée aux SA, mais avec néanmoins leur propre chef, le Reichsführer SS. L’histoire de ces débuts des SS est relatée dans deux de ces publications faisant autorité, auxquelles j’ai fait allusion tout à l’heure. La première est un livre écrit par le SS Standartenführer Günter d’Alquen, qui a pour titre Die SS. Ce livre, une brochure de quelque trente pages, est un exposé autorisé de l’histoire, de la mission et de l’organisation des SS, publié en 1939. Ainsi qu’il est indiqué en exergue, il fut rédigé sous la direction du Reichsführer SS Heinrich Himmler. Son auteur, le SS Standartenführer Günter d’Alquen était le directeur de la publication officielle des SS Das Schwarze Korps. Ce livre porte le nº PS-2284 et je le dépose sous le nº USA-438. Le passage sur lequel je désire attirer votre attention se trouve aux pages 6 et 7 de l’original et à la page 1 de la traduction anglaise. Je ne compte pas le lire maintenant.

La seconde publication est un article de Himmler intitulé : « Organisation et obligations des SS et de la Police. » Il parut en 1937 dans un petit livre contenant une série de discours ou d’essais faits par d’importantes personnalités du Parti et de l’État. Il est connu sous le nom de Directives de politique nationale pour la Wehrmacht du 15 au 23 janvier 1937. L’article de Himmler figure aux pages 137 à 161 de la brochure dont de copieux extraits constituent notre document PS-1992 (a) que je dépose sous le nº USA-439. Le passage auquel j’ai fait allusion est à la page 137 de l’original et à la page 1 de la traduction. J’aurai l’occasion de donner plus tard des extraits de ces deux publications ; mais, pour fixer ce point d’histoire, il suffit, du moins je l’espère, de donner les références des passages qui s’y rapportent.

Dès 1929, les conspirateurs ont reconnu que pour réaliser leurs plans, il leur fallait une organisation dans laquelle les principes essentiels du système nazi, en particulier les principes raciaux, fussent non seulement jalousement respectés mais poussés à l’extrême, au point d’inspirer crainte et terreur au reste de la population, une organisation dans laquelle une liberté complète fût accordée aux chefs et une obéissance aveugle exigée des membres. Les SS furent créées pour répondre à ce besoin. Je cite maintenant dans le livre d’Alquen Die SS, PS-2284, page 7 de l’original, page 4 de la traduction, paragraphe 4 :

« Le 6 janvier 1929, Adolf Hitler nomma Heinrich Himmler, un camarade qu’il avait éprouvé depuis longtemps, Reichsführer SS. Heinrich Himmler fut chargé de la direction de toute la “Schutzstaffel”, qui, à ce moment-là, groupait 280 hommes, avec mandat exprès et spécial du Führer de former avec cette organisation une troupe d’élite pour le Parti, une troupe sur laquelle on pourrait compter en toutes circonstances.

« C’est ce jour-là que commence la véritable histoire des SS, telles qu’elles nous apparaissent aujourd’hui avec leurs traits essentiels, fermement accrochées au mouvement national-socialiste. Car les SS et leur Reichsführer, Heinrich Himmler, premier des SS, sont devenus inséparables au cours de ces années de lutte. »

Obéissant aux directives de Hitler, Himmler s’efforça de constituer avec ce petit groupe d’hommes une organisation d’élite composée, pour employer les termes d’Alquen : « des hommes physiquement les meilleurs, les plus sûrs, les plus fidèles du Mouvement nazi… » Je lis maintenant un autre passage du livre d’Alquen, page 12 de l’original, page 6 de la traduction, paragraphe 5 :

« Quand arriva enfin le jour de la prise du pouvoir, 52.000 SS formèrent, dans cet esprit, l’avant-garde de la révolution, firent leur entrée dans le nouvel État qu’ils aidèrent à constituer partout, aux postes, situations, professions, services qu’ils occupèrent et dans toutes les tâches essentielles. »

Les conspirateurs avaient entre leurs mains la machine gouvernementale. Le rôle initial des SS, celui d’agir en tant qu’armée et force de police privées, était maintenant achevé. Mais, en fait, leur véritable mission ne faisait que commencer. Cette mission est expliquée dans le Livre d’organisation de la NSDAP de 1943, dont les pages 417 à 428, relatives aux SS, sont traduites dans notre document PS-2640. Ce Livre d’organisation a déjà été déposé sous le nº USA-323 ; le passage que je vais citer est à la page 417 de l’original et à la page 1, paragraphe 2, de la traduction :

« Missions : la mission essentielle et suprême des SS est d’assurer la protection du Führer. Par décret du Führer, le champ d’activité des SS a été élargi et comprend maintenant la sécurité intérieure du Reich. »

Cette nouvelle mission – assurer la sécurité intérieure du régime – a été décrite d’une façon plus colorée par Himmler dans sa brochure Les SS, organisation de combat anti-bolchévique, publiée en 1936. C’est notre document PS-1851, que je dépose sous le nº USA-440. La définition que je cite est dans l’original, au bas de la page 29 et, dans la traduction, à la page 3, au milieu du paragraphe.

« Sans relâche nous accomplirons notre tâche d’assurer la sécurité de l’Allemagne à l’intérieur, tout comme la Wehrmacht assure le maintien de l’honneur, de la grandeur et de la paix du Reich sur le plan extérieur. Nous veillerons à ce que jamais plus en Allemagne, cœur de l’Europe, la révolution judéo-bolchevique des sous-hommes n’éclate à l’intérieur du pays ou n’y soit introduite par des émissaires venus de l’extérieur. Sans pitié nous serons le glaive de la justice impitoyable pour toutes ces forces dont nous connaissons l’existence et l’activité, le jour de la moindre tentative de leur part, peut-être aujourd’hui, peut-être dans quelques dizaines d’années, peut-être dans quelques siècles. »

Cette conception demandait nécessairement que l’activité des SS s’étendît à différents domaines. Bien entendu, elle s’étendit à celui de la Police, mais elle ne s’arrêta pas là. Elles eurent à participer à la suppression et à l’extermination de tous les adversaires intérieurs du régime, ce qui supposait l’extension du régime au-delà des frontières allemandes et, éventuellement, la participation à toutes les opérations destinées à renforcer l’emprise allemande sur tous les territoires et sur toutes les populations, tombées par suite de la conquête militaire, sous la domination allemande.

L’élargissement des tâches et activités imparties aux SS aboutit à là création de nombreuses branches et de divers services et au développement par voie de conséquence d’un mécanisme extrêmement complexe. Ces différentes branches et services ne peuvent être convenablement décrits en marge de l’histoire de leur évolution. Cette description se dégagera clairement, je l’espère, de l’exposé des activités des SS. Néanmoins, il conviendrait peut-être d’anticiper et de dire dès maintenant un mot de la structure des SS.

Dans ce but, il serait utile de jeter un coup d’œil sur un tableau décrivant l’organisation des SS telle qu’elle apparaissait en 1945. Le Tribunal a entre les mains quatre petites reproductions de ce tableau : deux en anglais, une en français et une en russe. De plus, il y a huit reproductions grand format de l’original allemand sur lequel figure la photocopie de la déposition d’un ancien chef de la direction principale des SS (SS Hauptamt) Gottlob Berger, qui a examiné ce tableau et certifié que l’organisation des SS y était décrite avec exactitude. Je dépose comme preuve ce tableau de la structure de la direction générale des SS, sous le nº USA-445.

Tout en haut de ce tableau, figure Himmler, Reichsführer SS, qui commandait toute l’organisation. Immédiatement en dessous, en travers du tableau et dans le bas à droite, sous un gros encadrement, on aperçoit les douze directions principales (Hauptämter), constituant la direction générale des SS. Certains de ces services ont été subdivisés d’après le nombre de bureaux qui les composaient, ainsi que l’indiquent les cases inférieures. D’autres services n’ont pas été subdivisés de la sorte. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait pas pour autant de subdivisions dans ces services. Elles ne sont indiquées que dans les cas où les bureaux constituant un service peuvent offrir un intérêt particulier en la matière.

Ces services et leurs attributions respectives sont décrits dans deux publications officielles nazies. La première est le Livre d’organisation de la NSDAP de 1943, PS-2640, déjà déposé sous le nº USA-323. Cette description, que je ne vais pas lire maintenant, figure aux pages 419 à 422 de l’original, pages 2 à 4 de la traduction. La seconde publication est un agenda SS qui a pour titre L’ami du soldat, agenda de poche pour la Wehrmacht. Édition D, Waffen SS. Elle a été rédigée sous la direction du Reichsführer SS et publiée par le SS Hauptamt pour l’année 1942. C’est notre document PS-2825 que je présente sous le nº USA-441. L’exposé dont je parle, figure aux pages 20 à 22 de l’original et aux pages 1 et 2 de la traduction. J’aurai plus tard l’occasion de lire en entier l’exposé des attributions de certains de ces services. J’espère néanmoins que le Tribunal voudra bien prendre connaissance des passages dont j’ai donné les références.

Ces différents services sont en outre énumérés dans un répertoire des SS publié par l’un de leurs principaux services. Ce document a été trouvé dans les archives de l’État-Major particulier du Reichsführer SS, le premier service qui figure à gauche sur le tableau. Il est intitulé, Répertoire pour les SS de la NSDAP, du 1er novembre 1944. Il porte la mention « Confidentiel » et l’indication « Publié par le Führungshauptamt » (Direction générale des SS), service de commandement des Allgemeine SS ; ce service figure sur notre tableau à la cinquième case à partir de la gauche. C’est notre document PS-2769 que je dépose sous le nº USA-442. C’est simplement une liste des différents services et bureaux avec leurs adresses et leurs numéros de téléphone, elle confirme les renseignements fournis par les deux publications que je viens de citer.

Maintenant, si nous considérons à nouveau le tableau en suivant la ligne du milieu qui, du Reichsführer SS, descend jusqu’à l’échelon régional, nous trouvons le « Höherer SS und Polizeiführer » (Chef suprême des SS et de la Police), habituellement appelé HSSPF, Commandant suprême SS dans chaque région. Je parlerai de ses attributions plus loin. Immédiatement au-dessous se trouve la subdivision organisation des Allgemeine SS (troupe SS en général). À gauche figurent deux autres branches des SS : les Totenkopf Verbände (unités Tête-de-mort) et les Waffen SS. À droite, au-dessous du HSSPF, figure le SD. Tous ces éléments, y compris les régiments de police SS, sont nommément désignés dans l’Acte d’accusation, annexe B, page 83, comme faisant partie des SS.

Je vais maintenant dire un mot de ces éléments. Jusqu’en 1933 il n’y eut pas de branches ayant une désignation spéciale. Les SS ne formaient qu’un seul groupe, un groupe de « soldats politiques volontaires ». C’est de ce noyau initial que sortirent les autres unités.

Les Allgemeine SS (SS en général) furent l’origine commune, le tronc sur lequel poussèrent peu à peu les différentes branches. Ces Allgemeine SS étaient composées de tous les membres des SS qui n’appartenaient à aucune branche spéciale. C’était la cheville ouvrière de toute l’organisation. Le personnel et les officiers des services principaux du Commandement suprême SS en faisaient partie. Ils étaient, à l’exception des officiers supérieurs et des officiers d’état-major de la direction principale du Commandement suprême des SS, des volontaires qui consacraient aux SS une partie de leur temps. Comme le dossier des preuves le montrera, les membres des Allgemeine SS furent utilisés au cours des différentes phases de l’activité des SS. Ils furent mobilisés pour les pogroms anti-juifs de 1938, ils prirent en charge la garde des camps de concentration pendant la guerre ; ils participèrent au programme de colonisation et de repeuplement des territoires conquis. Bref, les Allgemeine SS sont celles que l’on désignait couramment sous l’appellation « SS ». La structure de leur organisation était militaire, comme on peut le voir sur le tableau. Elles étaient réparties en secteurs (Oberabschnitt) et sous-secteurs (Abschnitt) puis en régiments, bataillons, compagnies et sections. Jusque dans la première période de la guerre, elles formèrent la branche numériquement la plus forte des SS. En 1939 d’Alquen, porte-parole officiel des SS, disait dans son livre, document PS-2284, page 9, paragraphe 3 de la traduction anglaise, page 18 de l’original :

« L’effectif des Allgemeine SS, 240.000 hommes, est réparti aujourd’hui en 14 corps, 38 divisions, 104 régiments d’infanterie, 19 régiments montés, 14 bataillons de transmissions et 9 bataillons du génie ainsi que dans des unités motorisées et sanitaires. Les Allgemeine SS sont toujours prêtes à servir pleinement et totalement tout comme dans les années de lutte… »

On peut trouver des renseignements identiques sur l’organisation militaire des Allgemeine SS dans un discours de Himmler sur « l’Organisation et les obligations des SS et de la Police », PS-1992 (a), page 4 de la traduction et dans le Livre d’organisation de la NSDAP de 1943, PS-2640, pages 4 et 5 de la traduction.

Néanmoins, les membres de cette branche, à l’exception de certains membres de l’état-major, furent astreints au service militaire obligatoire. À la suite du départ dans la Wehrmacht de membres des Allgemeine SS en âge de porter les armes, le chiffre effectif des membres actifs des SS diminua considérablement durant la guerre. Les SS plus âgés, les employés et le personnel supérieur des Directions principales du Commandement suprême des SS demeurèrent. Mais l’effectif total durant la guerre ne dépassa probablement pas 40.000 hommes.

Le second organe qui mérite d’être signalé est le Sicherheitsdienst (Service de sécurité) du Reichsführer SS, que l’on désigne généralement par les initiales SD. Himmler l’a décrit dans son discours sur « l’Organisation et les obligations des SS et de la Police » PS-1992 (a). Je vais citer un extrait de la page 8, dernier paragraphe de la traduction, page 151 de l’original, paragraphe 3 :

« J’en arrive maintenant au Service de sécurité (SD) ; c’est le service principal de renseignements du Parti sur le plan idéologique qui, à la longue, devint aussi celui de l’État. Durant la lutte pour l’accession au pouvoir, il fut exclusivement le service de renseignements des SS. À cette époque nous avions pour des raisons bien compréhensibles, un service de renseignements dans les régiments, bataillons et compagnies. » Il faut comprendre qu’il s’agit là des régiments, bataillons et compagnies des Allgemeine SS – « Il fallait que nous sachions ce qui se préparait chez nos adversaires, si les communistes voulaient organiser une réunion aujourd’hui ou non, si nos hommes allaient être attaqués soudainement et autres renseignements de cet ordre. Dès 1931 je détachai ce service des troupes… » – Je fais remarquer que la traduction ronéotypée porte 1941 ; mais, comme nous le montre un passage ultérieur de la traduction, c’est bien 1931 qu’il faut lire – « …des unités des Allgemeine SS, car je considérais que c’était mauvais. En effet un secret est vite compromis lorsque des individus, voire même des compagnies entières ont trop de facilités pour discuter chaque jour de problèmes politiques. »

Bien que, comme Himmler l’a dit, le SD fût, durant les années qui ont précédé l’accession des nazis au pouvoir, le service de renseignements exclusif des SS, il devint rapidement après cet événement une organisation bien plus importante. Il était devenu un réseau d’espionnage scientifique d’une telle puissance entre les mains de son chef Reinhard Heydrich que, le 9 juin 1934, quelques semaines à peine avant l’épuration sanglante des SA, il devint par décret de l’accusé Hess, le seul organisme de renseignements et de contre-espionnage de l’ensemble du parti nazi. À l’appui de ce fait, je renvoie au livre d’Alquen Die SS, PS-2284, page 11 de la traduction. Je ne perdrai pas de temps à lire ce passage.

Des détails sur l’organisation et les effectifs du SD, tels qu’ils existaient en 1937 se trouvent dans l’article de Himmler que j’ai déjà signalé : « Organisation et obligations des SS et de la Police », PS-1992 (a), page 9 de la traduction, paragraphe 2 ; page 151 de l’original, paragraphe 4 :

« Le Service de sécurité fut détaché de la troupe et organisé séparément dès 1931. Ses quartiers généraux coïncident aujourd’hui avec les “Oberabschnitte” (secteurs) et “Abschnitte” (sous-secteurs) ». Je vous prie de vous reporter au tableau sur lequel ces divisions sont indiquées. « Il possédait aussi des sièges secondaires, sa propre organisation d’agents et un grand nombre de postes de commandement, un effectif approximatif de 3.000 à 4.000 hommes, du moins quand il fut créé. »

Jusqu’en 1939, son quartier général fut le SS Sicherheitshauptamt (office principal de la sécurité des SS) qui, ainsi que je vais le montrer fut, en 1939, rattaché au RSHA, Reichssicherheitshauptamt, (office principal de la sécurité du Reich), l’une des directions principales des SS figurant sur le tableau devant vous, à la sixième case en partant de la gauche.

La collaboration de plus en plus étroite du SD avec la Gestapo et la Police criminelle – qui aboutit finalement à la création du RSHA –, ainsi que les activités auxquelles le SD et la Gestapo se livrèrent conjointement seront décrites lors de l’exposé du Ministère Public, relatif à la Gestapo. Naturellement, le SD continua toujours à être l’un des organismes importants faisant partie des SS. Mais il sera plus pratique de s’en occuper en même temps que de l’ensemble du réseau de police répressive avec lequel il travaillait.

Troisième organisme à mentionner : les Waffen SS, unités combattantes des SS, créées, entraînées et finalement utilisées aux fins d’une guerre d’agression. La raison profonde qui a présidé à la création de cette branche combattante est donnée dans notre document PS-2640, le Livre d’organisation du parti nazi de 1943, page 427 a, de l’original ; page 5, paragraphe 7 de la traduction.

« Les Waffen SS naquirent de cette idée : créer pour le Führer une troupe sélectionnée accomplissant un service de longue durée afin de remplir des missions spéciales. Cette institution permettrait aux membres des Allgemeine SS aussi bien qu’aux volontaires répondant aux conditions spéciales requises pour les SS, de prendre part à la lutte pour la réalisation de l’idée nationale-socialiste, les armes à la main, dans des groupes unis, partiellement encadrés par l’Armée. »

Le terme Waffen SS ne fut employé qu’après le début de la guerre. Jusque-là, il y avait deux branches de SS composées de soldats de métier, professionnels bien entraînés, les SS Verfügungstruppen, que l’on pourrait à la rigueur traduire par troupes SS d’alerte et les SS Totenkopf Verbände ou unités « Tête-de-mort ». Après le début de la guerre, l’effectif des unités des SS Verfügungstruppen fut porté à celui d’une division à laquelle s’en ajoutèrent de nouvelles. Avec des éléments des unités SS « Tête-de-mort », on forma une division, la SS Totenkopf Division. Toutes ces divisions commencèrent à être connues sous la dénomination collective de Waffen SS.

Permettez-moi maintenant de retracer cette évolution. Je vais citer une fois encore le Livre d’organisation du parti nazi de 1943, PS-2640 page 427 b de l’original ; page 5, dernier paragraphe de la traduction.

« L’origine des Waffen SS remonte au décret du 17 mars 1933 créant la “Stabswache” (garde d’état-major) avec à l’origine, un effectif de 120 hommes. De ce petit groupe est sorti ce que l’on a appelé plus tard la SS Verfügungstruppe ou Leibstandarte (garde du corps) SS Adolf Hitler. Au cours de la guerre, ces unités se développèrent jusqu’à devenir des divisions. »

LE PRÉSIDENT

Commandant Farr, est-il nécessaire de rentrer à ce point dans tous les détails de l’organisation des SS ?

COMMANDANT FARR

Monsieur le Président, il me semble de la plus haute importance de connaître exactement l’organisation dont nous nous occupons. On a, je le sais, suggéré au Tribunal que certaines fractions de cette organisation n’avaient aucun caractère criminel. Certains prétendent que le rôle qu’elles ont joué fut parfaitement inoffensif. Il me semble qu’avant de pouvoir décider si l’organisation est criminelle dans son ensemble ou bien si une partie doit échapper à cette décision, il importe de savoir ce qu’est au juste cette organisation.

LE PRÉSIDENT

Ne serait-il pas possible d’admettre la première proposition jusqu’à preuve du contraire ? Aux accusés d’établir éventuellement le caractère non criminel d’une branche particulière des SS.

COMMANDANT FARR

Si nous fixons dès maintenant notre accusation sur des bases suffisamment solides, nous n’aurons pas plus tard à réfuter des arguments de l’adversaire. Nous pouvons assurer les accusés qu’il est impossible de soutenir le caractère licite d’une fraction quelconque des SS. Le point que je tiens particulièrement à établir maintenant est le suivant : On a beaucoup soutenu que les Waffen SS constituaient un cas à part ; que, malgré tout ce que l’on a pu dire sur le SD, par exemple, et sur les « Têtes-de-mort », les Waffen SS en différaient profondément ; que les Waffen SS faisaient partie de l’Armée. Je pense qu’il est important d’établir, dès le début, le fait que les Waffen SS faisaient tout autant partie des SS, et partie intégrante de cette organisation considérée dans son ensemble, que n’importe quelle autre branche. Voilà la raison pour laquelle j’ai l’intention de décrire l’évolution des Waffen SS, qui tirent leur origine des SS Verfügungstruppen, et d’attirer l’attention du Tribunal sur les preuves que les Waffen SS faisaient partie intégrante de cet ensemble que constituaient les SS.

LE PRÉSIDENT

Bien ; poursuivez votre idée.

COMMANDANT FARR

Les SS Verfügungstruppen sont décrites dans un ordre confidentiel de Hitler daté du 17 août 1938. C’est notre document PS-647 que je dépose sous le nº USA-443. Vous le trouverez au volume I du livre de documents. Je cite la deuxième partie de cet ordre, au haut de la page 2 de la traduction, page 2 de l’original :

« II. Les unités armées des SS.

« A. Les SS Verfügungstruppen.

« 1º Les SS Verfügungstruppen ne font partie ni de la Wehrmacht ni de la police. C’est une unité armée permanente à ma disposition exclusive. À ce titre et en tant que formation de la NSDAP, ses membres doivent être choisis par le Reichsführer SS d’après les principes idéologiques et politiques que j’ai fixés pour la NSDAP et pour les Schutzstaffeln. Leurs membres doivent subir une instruction et être des volontaires recrutés parmi les conscrits astreints au service militaire, ayant accompli leur temps dans le Service du Travail obligatoire. Le temps de service exigé des volontaires est de quatre années. Il peut être prolongé pour les SS Unterführer. Des règles spéciales s’appliquent aux SS Führer. Les obligations normales du service militaire obligatoire, conformément au paragraphe 8 de la loi relative au service militaire, pourront être remplies par un service de la même durée dans les SS Verfügungstruppen. »

Je tiens à citer un autre court passage de ce décret qui figure à la page 3 de la traduction, au milieu de la page et à la page 5 de l’original :

« III. Ordres en cas de mobilisation :

« A. En cas de mobilisation, les SS Verfügungstruppen seront employées de deux façons :

« 1º Par le Commandant en chef de l’Armée dans le cadre de l’armée du temps de guerre. Dans ce cas, elles sont entièrement régies par les lois et règlements militaires en vigueur ; mais politiquement elles demeurent une unité de la NSDAP.

« 2º En cas de nécessité, à l’intérieur du pays, conformément à mes ordres. Dans ce cas, elles sont soumises au Reichsführer SS, chef de la Police allemande.

« En cas de mobilisation, je déciderai moi-même de la date, de l’effectif et des modalités de l’incorporation des SS Verfügungstruppen dans l’armée du temps de guerre, en considération de la situation politique intérieure à ce moment. »

Immédiatement après la publication de ce décret, – et vous vous rappellerez, Messieurs, qu’il date d’août 1938 – cette formation militaire fut utilisée avec l’Armée à des fins d’agression : la conquête du territoire des Sudètes. À la suite de cette action, des préparatifs fiévreux furent entrepris conformément à de nouvelles directives du Führer pour motoriser la formation et organiser de nouvelles unités anti-chars, des bataillons de mitrailleurs et de reconnaissance. Au mois de septembre 1939, la formation était entièrement motorisée, toutes ses unités avaient atteint l’effectif d’une division et étaient prêtes au combat. Ces étapes sont décrites dans l’Annuaire national-socialiste de 1940 et 1941. Je dépose comme preuve les pages 365 à 371 de l’annuaire de 1940, PS-2164 (USA-255) et également les pages 191 à 193 de l’annuaire de 1941, PS-2163 (USA-444). Cet annuaire étant une publication officielle du parti nazi dirigée par le Reichsleiter Robert Ley et éditée par la société d’édition du parti nazi, je pense que le Tribunal admettra la valeur probante des textes contenus dans ces documents.

Après le déclenchement de l’invasion de la Pologne, d’autres divisions furent encore formées au fur et à mesure que la guerre prenait de l’extension. Le Livre d’organisation du parti nazi de 1943, PS-2640, cite quelque huit divisions et deux brigades d’infanterie existant à la fin de 1942. Je renvoie à la page 427 b de l’original ; page 5, dernier paragraphe, de la traduction.

Ce n’étaient plus des « Verfügungstruppen », des troupes d’alerte, mais des unités armées SS qui furent désormais désignées sous le nom de Waffen SS. Himmler fit allusion au développement spectaculaire de cette formation de combat des SS dans le discours qu’il adressa à Posen, le 4 octobre 1943, aux SS Gruppenführer. Ce discours a déjà été déposé au cours d’une phase précédente des débats sous le nº USA-170. C’est le document PS-1919. Le passage dont je vais donner lecture se trouve à la page 51 du texte original ; c’est à la page 2 de la traduction, le deuxième paragraphe intitulé « Les SS en temps de guerre » :

« J’en viens maintenant à notre propre développement, c’est-à-dire à celui des SS au cours des derniers mois. Si nous considérons rétrospectivement cette guerre, ce développement paraît fantastique. Il s’est effectué à une allure vraiment foudroyante. Jetons un instant un coup d’œil jusqu’en 1939. À cette époque nous n’avions que très peu de régiments, des Wachverbände (unités de garde) qui avaient de 8.000 à 9.000 hommes, pas même l’effectif d’une division ; en tout et pour tout 25.000 à 28.000 hommes au maximum. Certes, nous étions armés, mais en fait nous avons obtenu notre régiment d’artillerie comme arme lourde deux mois seulement avant le commencement de la guerre. »

Je continue par un extrait du même discours, page 104 de l’original ; page 8 de la traduction anglaise, vers le milieu de la page :

« C’est au cours des heures les plus graves des durs combats de cette année que les Waffen SS ont été constituées par l’amalgame de divisions et de fractions les plus variées : Leibstandarte (unités de Gardes du corps), Verfügungstruppe, unités “Tête-de-mort” et Germanische SS. Mais quand nos divisions : Reich, Totenkopf, Kavallerie-Division et Wiking se trouvèrent réunies, chacun au cours des dernières semaines put se dire : “Wiking est à mes côtés, Reich est à mes côtés, Totenkopf est à mes côtés. Dieu merci, il ne peut rien nous arriver !” »

La transformation des petites Verfügungstruppen en fortes troupes de combat (Kampftruppen) n’eut pas pour résultat de séparer ces détachements des SS.

Si, du point de vue tactique, ils dépendaient en campagne du commandement de la Wehrmacht, ils continuaient à faire partie des SS au même titre que les autres branches de cette organisation. Durant toute la guerre, ils furent recrutés, instruits, administrés et ravitaillés par les principaux organes du Commandement suprême des SS. Au point de vue idéologique et racial, leurs membres étaient choisis conformément aux principes SS.

Je lirai un passage décrivant ces principes pour le recrutement des Waffen SS, qui figurent dans le manuel des SS L’ami du soldat, document PS-2825, à la page 7 de la traduction anglaise, premier paragraphe et à la page 36, paragraphe 2 de l’original :

« Aujourd’hui enfin, voici le jour tant attendu des examens d’admission où les examinateurs et médecins décident si le candidat est idéologiquement et physiquement qualifié ou non pour accomplir son service dans les Waffen SS. Tout le monde s’est familiarisé avec le manuel détaillé des Waffen SS… Les points importants sont les suivants : 1. Le service dans les Waffen SS tient lieu de service militaire. Les volontaires seuls sont acceptés. »

M. BIDDLE

Dans quel but lisez-vous tous ces documents ? Quel rapport y a-t-il entre ce que vous lisez et votre exposé ?

COMMANDANT FARR

Monsieur le Président, je tiens à prouver, comme je l’ai dit tout à l’heure, que les Waffen SS étaient partie intégrante des SS. Je tiens à établir le fait qu’elles étaient totalement administrées et contrôlées par le Commandement suprême des SS. Voici le premier point. En second lieu, je désire prouver que le service dans les Waffen SS était volontaire, dans les mêmes conditions que pour les Allgemeine SS ou les unités « Tête-de-mort ». Il est vrai que vers la fin de la guerre, dans certaines circonstances, quelques hommes furent enrôlés dans les Waffen SS, mais ce fut l’exception et non la règle. En donnant lecture des principes de recrutement des Waffen SS qui figurent dans cette brochure parue en 1942, indiquant qu’à cette époque les volontaires seuls pouvaient servir dans les Waffen SS, j’atteins, je crois, mon but qui est de prouver l’un des deux points qui à mon avis doivent être bien établis.

Je voudrais, avec la permission du Tribunal, lire encore un paragraphe de cette traduction. J’en ai lu un montrant que ce service était volontaire. Je voudrais maintenant lire le texte de la troisième condition qui montre que le service n’était accessible qu’aux personnes répondant aux exigences idéologiques et autres, communes à toutes les formations SS.

Si le Tribunal s’estime suffisamment édifié sur le point de savoir si le service dans les Waffen SS était volontaire et si elles faisaient partie intégrante des SS, je ne veux pas lui imposer la lecture de nouvelles preuves.

LE PRÉSIDENT

Je pense que le Tribunal est suffisamment édifié pour le moment sur ces deux points : service volontaire et partie intégrante des SS.

COMMANDANT FARR

Si le Tribunal est suffisamment édifié sur ces deux points, je ne présenterai pas d’autres preuves à ce sujet.

LE PRÉSIDENT

Il serait possible, avez-vous dit, de montrer qu’il y eut à la fin des incorporations d’office, mais on ne nous a pas encore présenté de preuve à l’appui.

COMMANDANT FARR

Non, Monsieur le Président. Mais tout ce que je tiens à prouver, c’est que la règle était le service volontaire et que les Waffen SS faisaient partie intégrante de l’organisation SS. Si le Tribunal est tout à fait édifié sur ce point, je ne poursuivrai pas plus avant l’exposé des Waffen SS.

Je vais passer maintenant aux SS Totenkopf Verbände, ces unités « Tête-de-mort » qui constituent le quatrième des organismes SS que j’ai énumérés.

L’origine et le but des Totenkopf Verbände sont brièvement décrits dans le livre d’Alquen Die SS, document PS-2284 dont je lirai, page 10 de la traduction anglaise, paragraphe 5, le passage qui figure à la page 20 de l’original, paragraphe 3 :

« Les unités SS “Tête-de-mort” forment une partie des troupes permanentes des SS. Elles ont été constituées avec des volontaires des Allgemeine SS recrutés pour la garde des camps de concentration en 1933. Leur mission, outre l’instruction du soldat politique armé, est d’assurer la surveillance des ennemis de l’État internés dans les camps de concentration. Les unités SS “Tête-de-mort” exigent de leurs membres un service de douze années. Elles sont principalement composées d’hommes qui ont déjà accompli leur service militaire dans la Wehrmacht. Ce temps de service est entièrement imputé dans le service dans les unités SS “Tête-de-mort”. »

Ces unités « Tête-de-mort », – ainsi que les SS Verfügungstruppen – formées de soldats de carrière bien entraînés, constituèrent en outre pour les Waffen SS un noyau appréciable. L’ordre secret de Hitler du 17 août 1938, – document PS-647 qui a déjà été déposé – fixa les tâches des SS Totenkopf Verbände, en cas de mobilisation. Elles devaient être relevées de leur charge de garder les camps de concentration et mutées dans les SS Verfügungstruppen pour en constituer l’armature. Je cite un passage de cet ordre figurant à la page 5 de la traduction, quatrième paragraphe, page 9 de l’original :

« 5º Instructions pour la mobilisation.

« Les SS Totenkopf Verbände forment l’armature destinée au renforcement des unités de police et seront remplacées dans la garde des camps de concentration par les membres des Allgemeine SS qui ont plus de 45 ans et ont subi un entraînement militaire. »

Puis-je faire remarquer au Tribunal qu’en présentant ce fragment de document, mon but est de montrer que des dispositions étaient prises pour que les Allgemeine SS fussent chargées de la garde des camps de concentration après le déclenchement de la guerre ? Les Totenkopf Verbände avaient initialement été créées dans ce but. Lorsque vint la guerre, elles entrèrent dans les Waffen SS et leurs fonctions furent assumées par les membres des Allgemeine SS.

Le dernier organisme qui a été formellement mentionné dans l’Acte d’accusation est constitué par les régiments de police SS. Je vais très brièvement indiquer comment les SS obtinrent le contrôle de toute la Police du Reich. En dehors de la Police, on forma des forces militarisées spéciales, connues à l’origine sous le nom de bataillons de police SS qui devinrent plus tard des régiments de police SS. Je citerai dans le discours de Himmler à Posen, document PS-1919, l’avant-dernier paragraphe, page 3 de la traduction, page 59 de l’original :

« Je parlerai brièvement maintenant des tâches de la police régulière en uniforme et de la Sipo qui s’étendent au même domaine. Je constate que de grandes choses ont été accomplies. Nous avons mis sur pied environ trente régiments de police composés de réservistes de la police et d’anciens membres de la police (fonctionnaires de police comme on les appelait autrefois). L’âge moyen dans les bataillons de police n’est pas plus bas que dans les bataillons de sécurité des Forces armées. Leur comportement est au-dessus de tout éloge. De plus, nous avons formé des régiments de fusiliers de la police en utilisant les bataillons de police des “peuples sauvages”. Mais nous n’avons pas laissé seuls ces bataillons de police ; nous les avons mêlés dans la proportion d’environ un pour trois. »

Le résultat de ce mélange de police militarisée SS et de « sauvages » sera constaté dans les preuves que je présenterai plus tard, relatant les opérations d’extermination conduites dans les territoires de l’Est, exterminations qui furent marquées d’un tel succès et furent conduites de façon si brutale que Himmler lui-même ne put trouver de mots assez éloquents pour en faire l’éloge.

LE PRÉSIDENT

L’audience est suspendue pour dix minutes.

(L’audience est suspendue.)
COMMANDANT FARR

Chacun des différents organismes que je viens de décrire a pris part à l’exécution d’une ou de plusieurs fonctions des SS. Le personnel de chacun différait. Certains étaient des volontaires à temps, d’autres des professionnels enrôlés pour différentes périodes. Mais chaque branche, chaque service, chaque membre, faisait partie de l’organisation. Chacun accomplissait le rôle qui lui était assigné dans les tâches multiples pour lesquelles l’organisation avait été créée. On ne peut citer aucun témoin connaissant mieux ces faits que le Reichsführer SS dont tous les efforts tendaient à assurer la complète unité de l’organisation. Je cite les paroles qu’il prononça lors de son discours de Posen, document PS-1919 (USA-170). Je lis la page 103 de l’original, troisième ligne au bas de la page, page 8 de la traduction anglaise :

« Ce serait un jour néfaste, si les organismes principaux, dans une intention louable, mais erronée, se rendaient indépendants les uns des autres, en ayant chacun leur propre hiérarchie. Je crois vraiment que le jour où je serai renversé sera la fin des SS. Il faudrait, et cela sera, que l’organisation SS avec toutes ses branches – les Allgemeine SS qui constituent la base commune de toutes, les Waffen SS, la police régulière en uniforme, la Sipo, avec toute l’administration économique, les écoles, l’entraînement idéologique, toute la question de parenté – forme un seul bloc, un seul corps, une seule organisation, et cela encore sous le dixième Reichsführer SS. »

En continuant vers le milieu de la page 8 de la traduction et au bas de la page 104 de l’original :

« La police régulière en uniforme, la Sipo, les Allgemeine SS et les Waffen SS doivent maintenant s’amalgamer graduellement, comme ce doit être également le cas dans les Waffen SS. Cette ligne de conduite concerne les questions touchant au recrutement, à l’enseignement, à l’organisation économique et au service de Santé. J’agis toujours dans le but qu’un lien unisse ces sections pour qu’elles grandissent ensemble. S’il venait jamais à se délier, vous pouvez être certain que tout, hélas ! retomberait dans la vieille incompréhension, dans une génération ou même avant. »

Je passe maintenant aux conceptions philosophiques des SS, aux principes qui dirigeaient la sélection de leurs membres et le choix des obligations qui leur étaient imposées. Pour comprendre cette organisation, les théories sur lesquelles elle était basée doivent rester claires dans l’esprit. Elles fournissent la clé de toutes ses activités. Il est nécessaire par conséquent de les considérer en détail.

Le principe fondamental de sélection selon l’expression de Himmler était sang et élite. Les SS devaient être l’incarnation vivante de la doctrine nazie, de la supériorité du sang nordique, la réalisation de la conception nazie de la race des seigneurs. Pour employer les paroles mêmes de Himmler, les SS devaient être « l’ordre militaire national-socialiste de l’homme du Nord ». En décrivant à la Wehrmacht les raisons cachées de son insistance sur la sélection raciale et la façon dont elle a été exécutée, il dit, et je cite notre document PS-1992 (a), page 1 de la traduction, dernier paragraphe, page 138, premier paragraphe de l’original :

« En conséquence, seul le sang parfait, le sang que l’Histoire a prouvé être important et créateur et le fondement de tout État et de toute activité militaire, c’est-à-dire le sang nordique, doit être pris en considération. Je me suis dit que si je réussissais à sélectionner pour cette organisation autant d’individus que possible dont une majorité possédât ce sang, en leur enseignant la discipline militaire et en temps utile la valeur de ce sang et de toute l’idéologie qui en découle, il serait véritablement possible de créer une organisation d’élite pouvant faire face à toute éventualité. »

Plus loin, page 4, à la première ligne de la traduction et page 140 de l’original, dernier paragraphe, il ajoute au sujet de la méthode de sélection des candidats :

« Ils sont soigneusement examinés et contrôlés. Sur cent hommes nous ne pouvons en utiliser en moyenne que dix à quinze, pas plus. Nous leur demandons le dossier politique de leurs parents, frères et sœurs, leur arbre généalogique jusqu’en 1750 et, naturellement, nous exigeons un examen physique et leur dossier de la Jeunesse hitlérienne. D’autre part, nous demandons un dossier sur leur hérédité prouvant qu’il n’y a pas eu de maladie héréditaire chez leurs parents et dans leur famille. »

LE PRÉSIDENT

Je ne vois pas ou vous voulez en venir. On nous a déjà dit que les SS étaient un corps d’élite et ce que vous dites n’apporte que des détails sur leur sélection.

COMMANDANT FARR

C’est exact.

LE PRÉSIDENT

Cela n’a aucun rapport avec l’organisation criminelle ?

COMMANDANT FARR

II me semble que si, Votre Honneur. Je veux, de nouveau, souligner deux points. L’essence même de cette organisation était basée sur la race. Cette base de sélection poursuivait un double but : premièrement, en faire une organisation qui constituât une aristocratie non seulement pour l’Allemagne, mais qui pût éventuellement dominer toute l’Europe. Dans ce but, des principes raciaux très stricts ne présidaient pas seulement à la sélection, mais de grands efforts étaient faits pour perpétuer la réserve SS et former un groupe d’hommes capables de dominer l’Europe quand elle serait conquise.

Il n’y avait absolument aucun doute sur le but projeté. Himmler l’a exprimé à maintes reprises : « Nous voulons former une classe supérieure qui dominera l’Europe pendant des siècles ». C’était un des buts fondamentaux des SS que Himmler ne gardait pas secret, mais qu’il a exposé et publiquement annoncé à diverses reprises.

LE PRÉSIDENT

Mais vous ne nous avez pas encore montré où il l’a annoncé ?

COMMANDANT FARR

J’y viendrai prochainement, Monsieur le Président, mais je voulais d’abord montrer au Tribunal quel était le processus de sélection raciale. C’était l’un des aspects de ce procédé de sélection.

Le deuxième point est le côté négatif de cette théorie raciste. Non seulement Himmler avait l’intention de former une élite qui pourrait dominer l’Europe, mais il lui inculqua la haine de toutes les « races inférieures » pour reprendre ses propres termes.

À mon avis, tant qu’on n’a pas compris que c’était là la base des SS, on ne peut saisir le mécanisme de cette organisation. Je suis prêt, si le Tribunal le désire, à ne pas entrer plus avant dans les détails du processus de sélection, mais je pense qu’il est important de citer ici la propre déclaration de Himmler sur les principes de cette sélection.

Avec l’autorisation du Tribunal, j’aimerais citer un passage du Livre d’organisation du parti nazi concernant les principes raciaux sur lesquels les SS étaient fondées. C’est le document PS-2640, déjà déposé sous le nº USA-323. Je cite à la page 417 du texte allemand, page 1 de la traduction, le paragraphe 4, intitulé : Sélection des membres. Je le cite parce que ce n’est pas une déclaration secrète. C’est une publication officielle du parti nazi relative aux SS :

« Sélection des membres.

« Pour l’accomplissement de ces missions on a créé une force combattante organisée de façon très homogène et liée par des serments idéologiques. Ses membres sont sélectionnés parmi les meilleurs des aryens.

« La conception de la valeur du sang et du sol est primordiale dans la sélection des SS. Chaque SS doit être profondément imbu de l’esprit et de l’essence du mouvement national-socialiste. Il sera éduqué idéologiquement et physiquement afin de pouvoir servir individuellement ou en groupes dans la bataille décisive pour l’idéologie nationale-socialiste.

« Seuls les Allemands les meilleurs et les plus accomplis peuvent participer à cette lutte. Il est donc nécessaire qu’une sélection s’opère sans arrêt dans les rangs des SS, d’abord grossièrement, puis d’une façon de plus en plus minutieuse. »

Et maintenant, j’aimerais citer un passage de la même page, trois paragraphes plus loin, consacré à l’obéissance. Il se trouve à la page 418 de l’original, paragraphe 2 :

« Une obéissance sans conditions est exigée. Elle découle de la conviction que la conception nationale-socialiste du monde doit s’imposer. Celui qui la possède se soumet volontairement à l’obligation d’obéissance. C’est pourquoi le SS est prêt à exécuter aveuglément tous les ordres émanant du Führer, ou ceux qui lui sont donnés par un de ses supérieurs, même s’ils exigent de lui les plus grands sacrifices. »

Nous voyons donc là les deux principes fondamentaux des SS : 1º La sélection raciale ; 2º L’obéissance aveugle.

Permettez-moi, maintenant, de vous parler de la conception qu’avait Himmler de l’emploi de cette organisation. Je cite un extrait de son discours aux officiers de la SS Leibstandarte « Adolf Hitler », le Jour de Metz, document PS-1918 (USA-304), page 12 de l’original, au milieu de la page, page 3 de la traduction, dernier paragraphe. Je commence par la troisième phrase de ce paragraphe :

« Le but que je me suis fixé pendant ces onze années, depuis que je suis Reichsführer SS, est toujours resté inébranlablement le même : j’ai voulu mettre au service de l’Allemagne une classe d’hommes au sang pur, toujours prête à l’action, sans égard aux sacrifices imposés, car les plus grosses pertes qui seront immédiatement comblées ne pourront nuire à la vitalité de ce groupe, ni à celle de ses membres. J’ai voulu créer un ordre animé d’un tel prosélytisme du sang nordique que tout ce sang nordique du monde affluera bientôt chez nous et qu’en en privant nos adversaires nous ferons un acte de grande politique, écartant à tout jamais l’éventualité de voir ce sang nordique, ce sang germain, combattre un jour contre nous. Nous devons prendre ce sang et l’enlever aux autres. Nous n’avons jamais abandonné les pensées et le but que nous avons tenus cachés de longues années durant. Tout ce que nous avons fait nous a poussés un pas plus loin. Tout ce que nous ferons continuera à nous guider dans cette voie. »

Voici maintenant une autre citation de ce même document qui montre explicitement la raison de cette organisation basée sur la théorie du sang nordique (page 3 du document que je viens de citer, vers le milieu de la page et au milieu de la page 11 de l’original). C’est toujours le même discours adressé aux officiers de la SS Leibstandarte « Adolf Hitler » :

« Soyez certains que sans cela nous ne serions pas capables de maintenir le Grand Reich allemand qui commence à prendre forme. Je suis convaincu que nous le pouvons mais à cette seule condition qu’il faut réaliser. Si un jour nous n’avons pas assez de fils, nos descendants devront être des lâches. Une nation qui a une moyenne de quatre fils par famille peut risquer une guerre, car si deux fils meurent, il en reste deux pour transmettre le nom. Le gouvernement d’un pays qui ne compte qu’un ou deux fils par foyer ne connaîtra que la lâcheté dans chacune de ses décisions, car il devra penser qu’il ne lui est pas permis de les prendre. L’exemple de la France est concluant. C’est nous qui lui imposons la loi du marché. »

La domination de l’Europe par une élite nazie réclamait plus, toutefois, que l’aspect positif du racisme…

M. BIDDLE

Prétendez-vous que la domination de l’Europe par une élite soit un crime ?

COMMANDANT FARR

L’un des crimes allégués est l’élaboration d’une conspiration pour dominer l’Europe, la préparation d’une guerre d’agression, pour aboutir à la colonisation de l’Europe au profit des conspirateurs. Ils créèrent les SS, l’un des instruments de cette politique, avec l’idée d’en faire une élite grâce à laquelle l’Allemagne pourrait dominer les territoires conquis.

Nous pensons que cette conception des SS a joué un rôle vital dans la conspiration. Elle a orienté tout le programme des conspirateurs. En lui-même, ce fait est certainement…

LE PRÉSIDENT

Oui, mais, commandant Farr, ce que vous devez démontrer ce n’est pas la criminalité des gens qui ont utilisé l’arme, mais celle des gens qui la constituaient.

COMMANDANT FARR

Je veux mettre en lumière deux choses : incontestablement, la faute des gens qui constituaient cette arme, mais aussi, me semble-t-il, le rôle que cette arme a joué dans la conspiration, car l’Acte d’accusation prétend…

LE PRÉSIDENT

Je crois que vous avez montré, à plusieurs reprises, que les SS faisaient partie de cette arme. Et s’il y a eu une conspiration criminelle, les SS furent l’une des armes utilisées par les conspirateurs. Mais ce que vous devez démontrer actuellement, c’est que les gens qui constituaient cette arme étaient des criminels et connaissaient les buts criminels des SS.

COMMANDANT FARR

Je suis entièrement d’accord, il me faut, avant de prouver que les individus impliqués étaient au courant des buts criminels de l’organisation, montrer quels étaient ces buts criminels. Je venais simplement d’essayer de démontrer au Tribunal que l’un de ces buts, que je qualifie de criminel, était un plan de domination de l’Europe, et que les SS constituaient l’un des moyens de réalisation de ce plan.

Ce n’est là que l’un des aspects du caractère criminel des SS. Je suis prêt à ne pas insister davantage si le Tribunal estime que la preuve de ce caractère criminel a été suffisamment rapportée. Je ne veux pas m’arrêter trop longtemps sur ce point.

Je poursuivrai donc en exposant comment les SS sont devenues une sorte d’élite raciale, mais il est un point que je me dois de souligner, c’est le côté négatif de ce racisme : la haine des autres races. Himmler a fait à ce sujet des déclarations extrêmement intéressantes lorsqu’il a parlé de l’enseignement à donner aux SS. Je cite son discours de Posen, document PS-1919, à la page 23 du texte original, au milieu de la page 1 de la traduction anglaise, troisième paragraphe :

« Un principe fondamental doit servir de règle absolue à l’homme SS. Nous devons être honnêtes, convenables, loyaux, bons camarades envers ceux qui sont de notre sang et envers personne d’autre. Ce qui arrive à un Russe, à un Tchèque, ne m’intéresse absolument pas. »

Les quelques phrases de ce même paragraphe ont déjà été citées comme preuves. Je ne les répéterai pas. Mais je voudrais faire état, dans le même paragraphe, de la conclusion que Himmler tire des paroles que je viens de rapporter. Elle débute sept lignes environ avant la fin du paragraphe :

« C’est ce principe que je veux inculquer aux SS – et je crois y avoir réussi – comme l’une des lois les plus sacrées de l’avenir. »

Ces principes, c’est-à-dire la conception d’une élite qui doit dominer l’Europe, et la haine des races inférieures, furent inculqués aux SS et exposés publiquement à diverses reprises, si bien que la dernière recrue elle-même en était entièrement imprégnée. Je cite le discours de Himmler à Kharkov, qui se trouve dans le même document PS-1919 :

M. BIDDLE

Ne pouvez-vous pas nous donner le sens de ce discours sans avoir à le citer ? Ne pouvez-vous vous borner à en faire mention ?

COMMANDANT FARR

Je le ferai volontiers si le Tribunal est disposé à admettre cette preuve. Je mentionnerai le passage en question qui se trouve page 14 de la traduction à environ quinze lignes au bas de la page et à la page 17 de l’original, au milieu de la page. Dans ce passage, après avoir longuement parlé de la lutte des races, Himmler dit à ses commandants d’unités, car ce discours s’adressait aux officiers de trois divisions de Waffen SS, qu’il fallait inculquer à chaque recrue SS, afin qu’elle en fût complètement imprégnée, la nécessité d’une attitude ferme et une lutte raciale sans merci.

Je voudrais, avec la permission du Tribunal, faire une autre citation. Je la tiens pour importante parce qu’elle est officielle et qu’elle figure dans le Livre d’organisation du Parti ; c’est le document PS-2640. C’est un court passage de la page 418 de l’original, page 1 de la traduction anglaise, paragraphe 3 avant la fin de la page :

« Elles luttent ouvertement et impitoyablement contre les ennemis les plus dangereux de l’État : les Juifs, les Francs-Maçons, les Jésuites, et les ecclésiastiques qui se mêlent de politique. »

Voilà donc les principes fondamentaux des SS : supériorité raciale et obéissance aveugle. Un corollaire nécessaire de ces deux principes était la cruauté. La preuve que nous en donnerons montre avec quel soin les SS appliquèrent les principes enseignés.

Les SS devaient se faire et se firent une réputation de terreur soigneusement cultivée. Himmler lui-même l’attesta publiquement, dès 1936, dans une brochure sur Les SS et l’organisation de combat anti-bolchevique. C’est notre document PS-1851 déjà déposé comme preuve sous le nº USA-440. Je citerai les deux premières phrases de la page de la traduction, page 29 de l’original :

« Je sais qu’il y a des gens en Allemagne qui se trouvent mal lorsqu’ils voient ces uniformes noirs. Nous le comprenons fort bien et ne nous attendons pas à être aimés de beaucoup de gens. »

Le rôle que les SS devaient jouer leur imposait de rester constamment l’essence du nazisme et de conserver leur caractère de corps d’élite. Même en 1943, les principes SS n’avaient rien perdu de leur vigueur : je dépose comme preuve le document PS-2768 qui est une lettre adressée par Himmler à Kaltenbrunner (cette lettre du Reichsführer SS est écrite de son poste de commandement du front et datée du 24 avril 1943). Je la dépose sous le nº USA-447 et je cite le paragraphe 1 :

« Pour en revenir à la question que nous avons discutée il y a quelque temps, c’est-à-dire l’admission des fonctionnaires de la Police de sûreté dans les SS, je désirerais mettre les choses au point : je ne les accepte que si les conditions suivantes sont remplies :

« 1. Si le candidat fait sa demande librement et volontairement.

« 2. Si, en appliquant les conditions strictes du temps de paix, le candidat est idéologiquement et racialement qualifié pour entrer dans les SS, si grâce au nombre de ses enfants, il permet la création d’une saine famille SS et s’il n’est ni malade, ni dégénéré, ni propre à rien. »

Voici maintenant le paragraphe 3 :

« Je vous demande non seulement d’agir en conséquence à l’avenir, mais aussi de veiller tout particulièrement à ce que de nombreuses admissions antérieures dans les SS soient examinées à nouveau et révisées conformément à ces instructions. »

J’ai encore ajouté un document à la liste afin de montrer au Tribunal le processus habituellement employé pour devenir membre des SS. C’est ce dont Himmler parle dans notre document PS-1992 (a), page 142 de l’original, page 5 de la traduction. Si le Tribunal estime devoir prendre acte de ce document, je n’aurai pas besoin de le lire. Il décrit comment un jeune homme entré habituellement dans les SS à l’âge de 18 ans fait son apprentissage et reçoit la formation idéologique des SS, prête le serment SS, reçoit le poignard SS et reste un certain temps dans les Allgemeine SS. Je n’entreprendrai pas la lecture de ce paragraphe, car je présume que le Tribunal considérera cette preuve comme acquise. Je pense qu’il vaudrait mieux que je cite le court serment que prêtaient les SS. Ce serment est reproduit dans l’opuscule de propagande des Waffen SS intitulé Les SS vous appellent, document PS-3429 que je dépose sous le nº USA-446. Le serment se trouve à la page 18 de cette brochure, au milieu de la page 2 de la traduction :

« Serment de l’homme SS :

« Je te jure, Adolf Hitler, Führer et Chancelier du Reich, fidélité et vaillance. Je te promets solennellement, ainsi qu’à ceux que tu m’as donnés pour chefs, obéissance jusqu’à la mort, avec l’aide de Dieu. »

Je vais maintenant examiner les activités des SS, la façon dont elles servirent les buts des conspirateurs et remplirent leur rôle d’assurer la sécurité intérieure du régime nazi. La confirmation de leur qualité de nazis d’élite et de leur complète soumission, les SS la donnèrent – et ce fut là l’épreuve dont ils sortirent vainqueurs – le 30 juin 1934 en participant à l’épuration des SA et autres puissants adversaires du régime nazi. Ce fut véritablement la première occasion d’utiliser cette organisation spécialisée qui pouvait agir avec la bénédiction de l’État nazi, mais en marge de la légalité.

Je dépose sous le nº USA-448 une déclaration sous serment de l’accusé Wilhelm Frick, qu’il a signée à Nuremberg le 19 novembre 1945. C’est notre document PS-2950. J’en citerai un passage commençant vers le milieu du paragraphe 1, à la dixième ligne de l’original :

« De nombreuses personnes – je ne sais combien – furent abattues qui n’avaient rien eu à voir avec le putsch. C’est ainsi que des gens qui n’étaient pas très aimés, tels l’ancien chancelier Schleicher et sa femme, furent assassinés. De même, Gregor Strasser, qui avait été Reichsleiter et second membre du Parti, après Hitler, et qui ne jouait plus, au moment de son assassinat, aucun rôle politique actif. Il s’était néanmoins opposé au Führer au moment des élections de novembre 1932. Himmler utilisa les SS pour exécuter les ordres qui lui avaient été donnés de briser le putsch. »

C’est en reconnaissance des services rendus en cette circonstance que les SS acquirent le statut qui en faisait un organisme du Parti ayant même rang que les SA et autres formations similaires. Je demande au Tribunal de prendre acte d’un article paru à la page 1 du Völkischer Beobachter du 26 juillet 1934. C’est notre document PS-1857 (USA-412). Je vais en lire la traduction d’un passage qui est très court :

« Le Service de presse de la NSDAP communique l’ordre suivant du Führer :

« En considération des services éminents rendus par les SS, à la suite notamment des événements du 30 juin 1934, j’élève les SS au rang d’organisation indépendante au sein de la NSDAP. Le Reichsführer SS se trouve désormais, au même titre que le chef d’État-Major, sous les ordres directs du Commandant en chef des SA. »

Lors de l’action du 30 juin, les SS avaient fait leurs preuves. Elles correspondaient au type d’organisation réclamé par les conspirateurs pour la réalisation de la première étape de leur programme, l’acquisition du contrôle de la Police, première condition indispensable à la solidité de tout régime. Le but des conspirateurs nazis fut de faire fusionner les SS et la Police en une force répressive unique et cohérente.

J’en viens ainsi à examiner le processus de fusion des SS et de la Police. Peu après la prise du pouvoir, les conspirateurs commencèrent à constituer, en tant que pièce de la machine de l’État, les Geheime politische Polizeistellen, forces de police politique secrète. C’est en Prusse que pour la première fois par un décret de l’accusé Göring en 1933, fut créée la Gestapo. On étudiera cette évolution lors de l’exposé relatif à la Gestapo. En 1934, le Reichsführer SS était devenu chef de ces forces de police politique secrète dans tous les États d’Allemagne, excepté en Prusse, et chef adjoint de la Gestapo prussienne. En cette qualité, il introduisit, petit à petit, dans ces forces, des membres des SS, jusqu’à ce qu’il y eût à la fin une identité virtuelle entre les membres des SS et ceux de la Gestapo.

Le 17 juin 1936, par le décret nommant un chef de la Police allemande, publié dans le Reichsgesetzblatt de 1936, partie I, pages 487 et 488, document PS-2073, que le Tribunal voudra bien admettre comme preuve, on créa le poste nouveau de chef de la Police allemande au ministère de l’Intérieur. Aux termes de ce décret, Himmler se voyait confier ce poste avec le titre de Reichsführer SS et chef de la Police allemande au ministère de l’Intérieur.

La combinaison de ces deux fonctions, direction des SS et commandement de toutes les forces de Police du Reich, n’était pas accidentelle mais était destinée à établir une relation permanente entre ces deux corps et non pas une simple fusion passagère du personnel. Ce que signifiait la combinaison de ces deux postes, Hitler y fit allusion dans son ordre secret du 17 août 1938 sur l’organisation et la mobilisation des SS, document PS-647 (USA-443), dont je citerai simplement le préambule, page 1 de la traduction et au début de l’ordre original :

« En nommant le Reichsführer SS chef de la Police allemande au ministère de l’Intérieur, le 17 juin 1936, Reichsgesetzblatt partie I, page 487, c’est la base de l’unification et de la réorganisation de la Police allemande que j’ai établie.

« Par cette mesure, les Schutzstaffeln (SS) de la NSDAP qui se trouvaient auparavant sous les ordres du Reichsführer SS et chef de la Police allemande entrent maintenant en contact étroit avec les tâches imposées à la Police allemande. »

Dès sa nomination, Himmler commença immédiatement à réorganiser l’ensemble des forces de Police en formant deux branches distinctes : premièrement la police régulière en uniforme, dénommée Ordnungspolizei ou Orpo comme on l’appela par abréviation, et, deuxièmement, la Police de sûreté, la Sicherheitspolizei ou, comme on l’appela couramment en abrégé, la Sipo. La Police de sûreté fut formée par la police criminelle du Reich et toute la Gestapo. Cette réorganisation fut accomplie grâce au décret fixant les attributions du chef de la Police allemande, publié dans le Reichsministerialblatt de 1936, pages 946 à 948, document PS-1551. Je pense que le Tribunal voudra bien admettre ce décret comme preuve.

À la tête de la Sipo, c’est-à-dire de la police criminelle et de la Gestapo, Himmler nomma Reinhard Heydrich qui était alors chef du SD, du service de renseignements des SS, auquel j’ai déjà fait allusion. Ainsi, grâce aux doubles fonctions de Himmler, Reichsführer SS et chef de la Police allemande, et aux doubles fonctions de Heydrich, chef du SD et de la Police de sûreté, on parvint à un commandement personnel unique des SS et des forces de la Police de sûreté.

Mais d’autres mesures d’unification furent prises par la suite. En 1939, la Police de sûreté et le SD, qui jusque-là constituaient de simples organes des SS, furent réunis en un seul service : le Service principal de la Sécurité du Reich ou Reichssicherheitshauptamt, communément appelé RSHA. Un point important à remarquer est le suivant : ce service nouvellement créé, le RSHA, n’était pas un simple service du Gouvernement. Il était deux choses à la fois. C’était en même temps un organisme du Gouvernement, faisant administrativement partie du ministère de l’Intérieur et l’un des principaux services des SS faisant administrativement partie du Commandement suprême des SS. Cette place qu’occupait le RSHA dans les SS est indiquée dans le tableau que vous avez sous les yeux ; le RSHA constitue la sixième case à partir de la gauche. Mais ce ne furent pas seulement la Gestapo et la police criminelle qui tombèrent sous la coupe des SS, la police régulière en uniforme fut également touchée : comme le RSHA, le service de la police régulière (Ordnungspolizei) n’était pas simplement un service du ministère de l’Intérieur, mais dépendait en même temps, lui aussi, du Commandement suprême des SS. Sa place dans les SS est indiquée dans le tableau ; c’est la septième case à partir de la gauche.

Cette unité de commandement des SS et de la Police n’était pas une simple question d’états-majors supérieurs. Elle s’étendait jusqu’à l’échelon des opérations. Le Tribunal verra, d’après ce tableau, que dans chaque région, le chef suprême des SS et Führer de la Police, directement subordonné à Himmler, avait sous son commandement à la fois la Police de sûreté (Sipo) et la police régulière en uniforme (Ordnungspolizei), mais le Tribunal verra aussi que ces forces : Sipo et Orpo n’étaient pas seulement sous le commandement du chef suprême des SS et chef de la Police mais, comme l’indique la ligne bleue, également sous celui du RSHA, du service de l’Ordnungspolizei et des SS. Administrativement, il y avait aussi l’unité de commandement des SS et de la Police. Mais cette unité ne fut pas seulement réalisée sur le plan administratif ; elle le fut aussi dans le personnel. Les postes vacants dans les forces de Police furent occupés par des membres des SS. Les fonctionnaires de la Police servant dans les forces de Police purent adhérer aux SS et des écoles furent organisées par les SS pour la Police aussi bien que pour les fonctionnaires des SS.

Ces mesures sont décrites dans un article de Himmler intitulé : « Nature et fonctions des SS et de la Police », document PS-1992 (a). Elles le sont aussi dans un livre officiel sur la Police intitulé La Police allemande, publié en 1940 par le Dr Werner Best, directeur ministériel au ministère de l’Intérieur et chef de section à la Police de sûreté. Il porte sur la page de garde l’imprimatur du parti nazi et figure sur la liste officielle de la bibliothèque nationale-socialiste. Le chapitre 7 constitue notre document PS-1852. Je le dépose comme preuve sous le nº USA-449.

Grâce à cette unité dans l’organisation et le personnel, les SS et la Police devinrent identiques dans leur structure et leurs activités. La situation qui en résulta est décrite dans le livre de Best, le document PS-1852, que je viens de déposer. Je cite la page 7, paragraphe 5 du document ; dans le livre original page 95 paragraphe 3 :

« Les SS et la Police forment donc une unité, à la fois dans leur structure et dans leur activité, sans que leur organisation personnelle ait perdu son caractère propre et sa place parmi les autres branches importantes du Parti et de l’administration d’État qui, à des points de vue différents, sont de même nature. »

Grâce à la Police, les SS avaient la possibilité d’exécuter une grande partie des tâches qui leur étaient assignées. La communauté de travail entre la Gestapo, la police criminelle et le SD, sous la direction du Reichsführer SS, aboutit, en fin de compte à une activité policière de répression sans limite. Nous en reparlerons au cours de l’exposé relatif à la Gestapo. À l’examen de cette preuve, le Tribunal se souviendra que les activités de police ne sont qu’un aspect des fonctions des SS, une partie de l’ensemble du plan criminel SS. C’est pourquoi je n’étudierai pas ici les preuves qui ne concernent que les activités de police des SS.

Cependant, le contrôle sur la Police n’était pas suffisant. Tout symptôme d’opposition, même en puissance, pouvait être décelé par le SD. Les suspects pouvaient être arrêtés par la police criminelle et la Gestapo ; mais ces moyens n’assuraient pas la suppression complète de tous les opposants du régime, qu’ils fussent déclarés ou en puissance. C’est dans ce but que furent inventés les camps de concentration. Les preuves qui ont déjà été déposées devant le Tribunal ont montré ce que signifiait le régime des camps de concentration, et le résultat final de ce système a été mis en lumière par les films présentés ici il y a une dizaine de jours. La responsabilité encourue par les SS dans cette question est le sujet que je vais aborder maintenant.

Les camps exigeaient d’abord des gardiens et un personnel administratif. Au début, on utilisa, comme gardiens, des volontaires temporaires, membres des Allgemeine SS, mais ces volontaires temporaires ne pouvaient suffire aux exigences d’un programme étendu et de longue durée tel qu’il était projeté. Aussi, à partir de 1933, on organisa des unités de gardes professionnels, les SS Totenkopf Verbände, qui ont déjà été décrites. Pendant la guerre, les membres des Allgemeine SS reprirent les fonctions de gardiens de camps qu’ils avaient déjà assumées lors de leur création. Le Tribunal se souviendra des prescriptions de l’ordre de Hitler que j’ai déjà lu il y a un moment, ordonnant le remplacement des unités « Tête-de-mort » par des membres des Allgemeine SS, en cas de mobilisation. Il n’est pas nécessaire de revenir sur les preuves des brutalités, des tortures et des meurtres commis par les gardiens SS. Ce n’étaient pas des crimes sporadiques commis par des individus irresponsables, mais une politique calculée et bien définie, politique qui découlait nécessairement de la philosophie SS et qui fut appliquée dès la création des camps.

Hitler exposa sans détour le point de vue des SS sur les détenus des camps de concentration, dans son article : « Nature et fonctions des SS et de la Police », document PS-1992 [a] (USA-439). Je cite, page 7 de la traduction, dernier paragraphe ; page 148, paragraphe 3 de l’original.

« Il serait extrêmement instructif pour chacun, et j’ai déjà pu en donner l’occasion à certains membres de la Wehrmacht, de voir un de ces camps de concentration. Quand ils auront vu, ils seront convaincus que personne ne s’y trouve injustement ; c’est le rebut des criminels et du déchet de l’humanité. Il n’y a pas de meilleure illustration des lois de l’hérédité et de la race telles qu’elles vous ont été exposées par le Dr Gütt, qu’un tel camp de concentration. On y trouve des hydrocéphales, des gens qui louchent, qui sont contrefaits, des demi-juifs et un nombre incalculable de produits de races inférieures. Tout y est réuni. Naturellement, nous distinguons entre les détenus qui ne sont là que pour quelques mois, dans un but d’éducation, et ceux que nous devons y laisser longtemps. D’une manière générale, l’éducation se fait uniquement par la discipline et jamais au moyen d’un enseignement idéologique quel qu’il soit, car ces détenus ont, pour la plupart, des âmes d’esclaves ; très peu d’entre eux ont réellement du caractère. »

Je passe deux phrases et continue par cette remarque frappante : « L’éducation se fait donc par l’ordre. L’ordre veut d’abord que ces gens vivent dans des baraquements propres. Il n’y a guère que nous autres Allemands pour réaliser une telle chose ; aucune autre nation ne pourrait se montrer aussi humaine. Le linge est changé souvent. Les gens apprennent à se laver deux fois par jour, à se servir d’une brosse à dents, instrument inconnu de la plupart d’entre eux. »

Après avoir entendu les preuves et vu le film qui illustrent les conditions de vie dans les camps de concentration, le Tribunal pourra apprécier l’horreur et la cruauté de cette plaisanterie. Himmler usait de moins de détours encore dans son discours de Posen à ses propres Gruppenführer, qui constitue le document PS-1919 (USA-170). Je cite, à la page 43 de l’original, dernier paragraphe ; page 2 de la traduction, paragraphe 1.

« Je ne crois pas que les communistes puissent tenter la moindre action car leurs éléments de tête ont été mis par nos soins, comme la plupart des criminels, dans des camps de concentration. Et je puis bien prétendre, ici, que nous serons à même, après la guerre, de voir quelle bénédiction ce fut, pour l’Allemagne, en dépit de tous les stupides bavardages sur l’humanitarisme, que d’avoir enfermé dans des camps de concentration toute cette lie criminelle du peuple allemand. J’en prends la responsabilité. »

Mais Himmler n’est pas ici pour en rendre compte.

Effectivement il n’y eut pas de stupide humanitarisme dans la manière dont les SS accomplirent leur besogne. Pour le démontrer, il me suffira d’examiner leur conduite, non pas en 1944 ou 1945, mais dès 1933. Je possède quatre rapports relatant la mort de quatre détenus du camp de concentration de Dachau entre le 16 et le 27 mai 1933. Chacun de ces rapports, signé par le Procureur près le Tribunal de Munich, est adressé au Procureur Général près la Cour suprême de Munich. Ils montrent que durant cette période de deux semaines, de 1933, époque à laquelle les camps de concentration venaient d’être institués, quatre gardiens SS avaient assassiné chacun un détenu du camp.

Je ne veux pas abuser des instants du Tribunal en lui lisant cette documentation, s’il juge que le point est d’une importance secondaire. Elle est simplement destinée à prouver ce qui se passait tout au début, en 1933, dans les camps de concentration. Je suis prêt à déposer ces quatre rapports et à en lire des extraits, si le Tribunal pense que la question en vaille la peine.

LE PRÉSIDENT

Où sont ces rapports ?

COMMANDANT FARR

Ils sont ici même. Je les déposerai donc. Le premier est le document PS-641 ; c’est un rapport du 1er juin 1933 qui relate la mort du Dr Alfred Strauss, en détention de protection à Dachau. Je le dépose sous le nº USA-450. Je lirai quelques paragraphes de ce rapport, en commençant au paragraphe 1 :

« Le 24 mai 1933, le Dr Alfred Strauss, de Munich, âgé de 30 ans, célibataire, avocat, interné au camp de Dachau en détention de protection, effectuait une promenade qui lui avait été prescrite par le médecin du camp, en dehors de l’enceinte de barbelés, quand il fut abattu de deux coups de pistolet par le SS Johann Kantschuster qui l’accompagnait. Kantschuster donne la version suivante : il eut lui-même besoin de s’écarter un instant, mais Strauss ne s’arrêta pas et soudain s’enfuit vers les buissons situés à environ 6 mètres du chemin de ronde. Quand Kantschuster s’en aperçut, il tira deux coups de feu sur le fugitif à une portée d’environ 8 mètres ; Strauss fut tué sur le coup.

« Le même jour, 24 mai 1933, il y eut une enquête des autorités locales. Le corps de Strauss gisait à l’orée du bois. Il portait des pantoufles de cuir, un pied avait une chaussette, l’autre était nu en raison, manifestement, d’une blessure. L’autopsie fut pratiquée ensuite. Deux orifices de balle étaient visibles derrière la tête ; de plus, le corps portait plusieurs meurtrissures noires et bleues, ainsi que des plaies béantes. » Je passe au dernier paragraphe de ce rapport.

« J’ai inculpé aujourd’hui Kantschuster d’assassinat et demandé l’ouverture d’une information judiciaire préalable ainsi que l’exécution du mandat d’arrêt décerné contre lui. »

Voilà le premier des quatre rapports. Leur ensemble prouve que dans un très court laps de temps plusieurs meurtres furent commis coup sur coup. Et, dans chaque cas, le rapport officiel sur la cause de la mort, dressé par le commandant du camp ou par le gardien, est en contradiction formelle avec les faits.

Le deuxième rapport, daté du 1er juin 1933, relate la mort de Leonhard Hausmann, autre prisonnier de Dachau. C’est le document PS-642 que je dépose sous le nº USA-451.

LE PRÉSIDENT

Je ne crois pas que vous ayez besoin de lire les détails.

COMMANDANT FARR

Je le dépose sans le lire. Le troisième rapport, du 22 Mai 1933, relate la mort de Louis Schloss, interné à Dachau. C’est le document PS-644, que je dépose sous le nº USA-452. Le quatrième, constitué par le document PS-645, du 1er juin 1933, relate la mort de Sebastian Nefzger, autre détenu de Dachau. Je le dépose sous le nº USA-453.

Ces quatre meurtres, commis dans le court laps de temps de deux semaines, au printemps de 1933, chacun par un gardien SS différent, ne sont qu’un faible exemple de l’activité des SS dans les camps à cette époque. Mais des cas analogues portant sur cette période ou sur la période ultérieure peuvent être cités en grand nombre.

En effet, les actes de cette sorte étaient officiellement encouragés. J’attire l’attention du Tribunal sur le règlement disciplinaire du camp de concentration de Dachau : c’est le document PS-778 qui a déjà été déposé sous le nº USA-247. Je vais lire le quatrième paragraphe de l’introduction de ce règlement, passage qui n’a pas été lu au moment du dépôt du document. Ce paragraphe, qui figure page 1 dans la traduction et dans l’original, est ainsi conçu :

« Tolérance signifie faiblesse. En conséquence, le châtiment sera impitoyablement appliqué chaque fois que l’intérêt de la Patrie entre en jeu. Le bon citoyen égaré ne sera jamais touché par ce règlement. Mais que les agitateurs politiques et les meneurs intellectuels, quelles que soient leurs tendances, reçoivent cet avertissement : prenez garde à ne pas vous faire prendre, car on vous saisira à la gorge et on vous réduira au silence, selon vos propres méthodes. »

Ce règlement fut publié en 1933 par le SS Führer Eicke, qui, cela mérite d’être noté, était le commandant des SS Totenkopf Verbände.

Fournir des gardiens et du personnel administratif n’était pas le seul rôle joué par les SS dans les camps. Toute l’administration intérieure, y compris l’utilisation des prisonniers, leur logement, leur habillement, les conditions sanitaires, la détermination de leur droit à la vie et la disposition de leur dépouille, tout était du ressort des SS. Cette administration incombait en premier au Führer des unités SS « Tête-de-mort », qui avait le titre d’inspecteur des camps de concentration. Ce fonctionnaire appartenait, à l’origine, à la direction principale des SS (SS Hauptamt), représentée sur le tableau par la deuxième case à partir de la gauche.

Au cours de la guerre, en mars 1942, le contrôle des camps de concentration fut confié à un autre service du Commandement suprême des SS, le service économique et administratif SS, connu sous le nom de WVHA. Il figure sur le tableau dans la troisième case à partir de la gauche. Et le Tribunal remarquera, sous la case principale, la subdivision « camps de concentration », qui, à son tour, est partagée en prison, travail, santé et administration.

Ce changement fut annoncé dans une lettre du 30 avril 1942, adressée à Himmler par le chef du WVHA. C’est notre document R-129, déjà déposé sous le nº USA-217. Je n’en ferai aucune citation pour le moment.

Ce transfert du contrôle au WVHA, service économique des SS, coïncida avec un changement dans les destinations essentielles des camps de concentration. Les motifs politiques et de sécurité, qui avaient jusque-là déterminé la détention, furent abandonnés, et les camps ouvertement affectés à la réalisation du programme du travail forcé. Le Tribunal se souviendra que les preuves relatives à ce programme ont été exposées la semaine dernière par M. Dodd. Je ne reviendrai sur ce sujet que pour résumer les faits principaux imputables aux SS dont la preuve a été faite au cours de cet exposé.

Pour satisfaire les demandes croissantes de main-d’œuvre, il ne fut plus suffisant d’augmenter le travail imposé aux détenus des camps. Il fallut obtenir un plus grand nombre de détenus. Les SS, grâce à leurs services policiers, étaient prêts à satisfaire à ces demandes, et, grâce au WVHA, ils étaient prêts à faire travailler les détenus internés dans les camps.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous des chiffres que vous pourriez communiquer au Tribunal sur le nombre total des SS ainsi que sur le nombre de ceux qui étaient employés dans les camps de concentration ? Si vous nous donniez ces chiffres, nous pourrions nous rendre compte de la proportion.

COMMANDANT FARR

Je crois que je ne peux vous fournir que les chiffres suivants. J’ai déjà cité quelques chiffres donnés par d’Alquen dans son livre publié en 1939 : il disait que l’effectif total des Allgemeine SS était d’environ 240.000 hommes. Il ne s’agit que des Allgemeine SS qui n’étaient pas, à cette époque, chargées de la garde des camps de concentration.

Les Totenkopf Verbände, ou unités « Tête-de-mort », comprenaient à ce moment-là tout au plus trois ou quatre régiments. Elles fournissaient les gardiens, si bien que le personnel effectivement employé à la garde des camps avait, en 1939, l’effectif approximatif de trois ou quatre régiments. Le Tribunal se souviendra qu’après le début de la guerre, les Totenkopf Verbände ne furent plus employés pour ce travail : ce furent les Allgemeine SS qui s’en chargèrent. Combien d’individus furent employés, c’est là une chose difficile à estimer. Le programme des camps de concentration prenait sans cesse de l’extension ; et, naturellement, à mesure que d’autres camps étaient créés, on exigeait plus de personnel. Je ne puis donner au Tribunal les chiffres du personnel occupé à la garde des camps, mais il est, je crois, un fait significatif : il ne s’agit pas seulement des gardiens, mais aussi de l’ensemble du personnel administratif ; il s’agit de tout l’ensemble du WVHA, qui, comme je le prouverai, contrôlait la totalité de l’administration des camps de concentration. Les membres de ces services du WVHA étaient pris dans les Allgemeine SS. Jusqu’en 1939 les Totenkopf Verbände ont fourni les gardiens, choisis après 1939 parmi les Allgemeine SS. Après 1939, la majorité du personnel de garde provenait donc des Allgemeine SS à laquelle il faut ajouter le personnel administratif du WVHA.

Je n’ai pas le nombre des personnes ayant participé, au cours de ces deux périodes, aux diverses activités des camps de concentration. Il y avait, bien entendu, le SD et la Police de sûreté qui y participèrent, dans la mesure où ils arrêtaient les victimes. Et également le WVHA dont la totalité du personnel administratif y participait, dans la mesure où il s’occupait des questions administratives.

On peut se faire une idée du nombre des personnes chargées de ces fonctions si l’on considère celui des internés détenus dans un camp. J’ai un rapport du WVHA d’août 1944 qui donne le nombre de détenus à cette date dans les camps et le nombre des nouveaux arrivants attendus. C’est le document PS-1166, que je dépose sous le nº USA-458.

LE PRÉSIDENT

Je pense qu’il serait préférable, pour vous, de ne pas aller plus avant ce soir. Quel est le sujet que vous comptez traiter demain ?

COMMANDANT FARR

J’ai l’intention de produire demain, Monsieur le Président, des preuves montrant comment le WVHA et certains membres du personnel SS ont parcouru les étapes du programme des camps de concentration. Ce sera le premier point. Le deuxième point consistera à signaler le rôle joué par les SS dans la persécution des Juifs et leur extermination ; je ne l’aborderai pas dans le but d’ajouter de nouvelles preuves à celles qui ont déjà été fournies en abondance sur les faits qui se sont produits, mais avec l’intention de montrer toutes les ramifications, toutes les parties de cette organisation qui furent impliquées dans ce programme. Puis j’étudierai le rôle des SS dans la préparation de la guerre d’agression et les crimes contre la Paix. Ce sera un exposé relativement bref. Je passerai ensuite au rôle joué par les SS dans les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité, exposés aux chefs 3 et 4 de l’Acte d’accusation. Je montrerai, pour finir, le rôle des SS dans le programme de colonisation.

LE PRÉSIDENT

Colonisation ?

COMMANDANT FARR

Le mot est peut-être malheureux. J’aurais peut-être dû dire le programme de germanisation, programme de repeuplement, d’évacuation, de colonisation et d’exploitation des territoires conquis.

Ce sont, à mon avis, les quatre fonctions principales des SS qui restent à étudier. Je m’efforcerai de ne pas revenir sur les circonstances de ces crimes qui ont déjà été exposées au Tribunal, mais plutôt de montrer comment la presque totalité des services des SS – en fait tous les services et tous leurs bureaux – ont participé à un ou plusieurs – et généralement plusieurs – de ces crimes.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal espère que vous vous cantonnerez dans la lecture de documents qui ne font pas double emploi avec ce que nous savons déjà.

COMMANDANT FARR

Il est bien dans mon intention d’éviter des répétitions ; je n’y aurai recours que pour indiquer les ramifications et les effectifs des SS qui participèrent à ces divers programmes.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

(L’audience sera reprise le 20 décembre à 10 heures.)