TRENTIÈME JOURNÉE.
Mercredi 9 janvier 1946.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Au moment de la suspension de l’audience, je venais hier de parler des deux derniers documents sur la Norvège, que je dépose maintenant sous les numéros GB-140 et GB-141. Ils portaient les numéros PS-004 et D-629.
Pour la commodité de la présentation, je parlerai d’abord du document PS-1871.
Je l’ai.
Avant d’en arriver là, Monsieur le Président, je voudrais dire un mot sur l’agression contre les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg.
Les faits relatifs à l’agression contre ces pays, au cours de la période où l’accusé a été ministre des Affaires étrangères, ont été exposés en détail par mon ami M. Roberts. Ces explications figurent au procès-verbal (Tome III, pages 300 et suivantes), et je n’ai pas besoin d’insister là-dessus. Je ne fais que rappeler au Tribunal le rôle joué par l’accusé en sa qualité de ministre des Affaires étrangères, et j’attire votre attention sur une déclaration qu’il fit le 10 mai 1940 aux représentants de la presse étrangère, pour leur expliquer les raisons de l’invasion des Pays-Bas par les Allemands. M. Roberts a montré, au moyen des preuves mentionnées dans la partie du procès-verbal que je viens d’indiquer, que ces raisons étaient fausses.
Je passe maintenant à l’agression dans le Sud-Est de l’Europe contre la Grèce et la Yougoslavie.
Le premier événement important à ce sujet est la réunion de Salzbourg en août 1939, à laquelle participa l’accusé von Ribbentrop et au cours de laquelle Hitler annonça que l’Axe avait décidé de « liquider » certains neutres. C’est ce qu’établit le document PS-1871 que je dépose sous le n° GB-142 ; le passage que je veux lire se trouve aux deux tiers de la page 2 du texte anglais, au milieu du cinquième paragraphe, à la sixième ligne ; il commence par ces mots :
« En parlant d’une façon générale... »
Oui.
Je désire citer : « En parlant d’une façon générale, il serait bon de liquider les pseudo-neutres l’un après l’autre. Ce sera relativement facile si l’un des partenaires de l’Axe protège les arrières de l’autre pendant que celui-ci achève l’un de ces neutres incertains, et vice versa. L’Italie peut considérer la Yougoslavie comme l’un de ces neutres incertains. Lors de la visite du prince régent Paul, il (le Führer) lui suggéra, particulièrement en considération de l’Italie, d’éclaircir par un geste son attitude politique envers l’Axe. Il avait pensé à des relations plus étroites avec l’Axe et au départ de la Yougoslavie de la Société des Nations. Le prince Paul donna son accord à cette dernière proposition. Récemment, le prince régent se serait rendu à Londres et aurait cherché des assurances auprès des puissances occidentales. La même scène s’était déroulée dans le cas de Gafenco, qui avait été particulièrement raisonnable durant sa visite en Allemagne et avait nié avoir aucun intérêt aux objectifs des démocraties occidentales. Après quoi on apprit qu’il avait plus tard soutenu le point de vue contraire en Angleterre. Parmi les Pays Balkaniques, l’Axe ne peut s’appuyer entièrement que sur la Bulgarie qui, en un certain sens, est l’alliée naturelle de l’Italie et de l’Allemagne. »
Je passe une phrase et je reprends :
« Cependant, dès que la situation deviendrait critique pour l’Allemagne et pour l’Italie, la Yougoslavie passerait ouvertement dans l’autre camp, espérant ainsi retourner définitivement les événements contre l’Axe. »
Voilà qui démontre la politique appliquée à certains neutres incertains.
Puis, dès septembre 1940, l’accusé examina la situation militaire avec Mussolini. L’accusé insista sur les violents bombardements de représailles contre l’Angleterre et sur le fait que Londres serait bientôt en ruines. Les parties furent d’accord sur le fait que les intérêts italiens étaient seuls impliqués en Grèce et en Yougoslavie, et que l’Italie pourrait compter sur le soutien de l’Allemagne.
Ensuite, von Ribbentrop continua en expliquant à Mussolini le plan espagnol pour l’attaque de Gibraltar et la participation de l’Allemagne à ce plan et il dit que lui-même s’attendait à signer avec l’Espagne, à son retour à Berlin, le protocole qui ferait entrer ce dernier pays dans la guerre.
Vous trouverez ces faits dans le document PS-1842, qui vient immédiatement dans le livre de documents après celui que nous venons de lire ; le passage concernant la Grèce et la Yougoslavie se trouve au milieu de la première page. Je n’en lirai qu’un bref passage :
« En ce qui concerne la Grèce et la Yougoslavie, le ministre des Affaires étrangères souligna que c’était là exclusivement une question d’intérêts italiens, dont le règlement incombait à l’Italie seule, qui pouvait en l’occurrence compter sur l’assistance bienveillante de l’Allemagne. »
Je ne pense pas qu’il me soit nécessaire d’importuner le Tribunal en lisant le texte.
Je pense que vous devriez lire le paragraphe suivant.
« Mais il nous sembla préférable de ne pas aborder ces problèmes à ce moment, et de concentrer plutôt toutes nos forces sur la destruction de l’Angleterre. En ce qui concernait l’Allemagne, elle s’intéressait aux régions du Nord (Norvège, etc.), ce qui fut admis par le Duce. »
Je vous remercie, Monsieur le Juge. Je dépose ce document sous le n » GB-143.
Un mois ou deux plus tard, en janvier 1941, au cours de l’entrevue de Hitler et de Mussolini, à laquelle assistait l’accusé, fut discutée l’opération de Grèce. Hitler avait déclaré que les troupes allemandes de Roumanie devaient être utilisées dans la campagne contre la Grèce. Ce document est le n° C-134, qui a déjà été déposé sous la cote GB-119 ; aussi ne le relirai-je pas : j’indiquerai simplement au Tribunal la référence des différents points cités au bas de la page 3 du texte anglais.
On trouve une autre référence à cette réunion dans le journal du comte Ciano, qui y avait assisté en tant que ministre des Affaires étrangères d’Italie. Dans ses notes des 20 et 21 janvier, il rapporte ses impressions sur cette réunion :
« Le Duce a été satisfait de l’ensemble des conversations. Je le suis moins. Avant tout parce que Ribbentrop, autrefois toujours plein de forfanterie, me répondit, lorsque je lui demandai de but en blanc combien de temps durerait la guerre, qu’il ne voyait pas de fin possible avant 1942. »
Malgré cette déclaration un peu pessimiste du comte Ciano, cet accusé prit une attitude un peu plus optimiste, trois semaines plus tard, lorsqu’il fut question d’encourager les Japonais.
Le 13 février 1941, il vit Oshima, l’ambassadeur du Japon ; cette conversation figure au document PS-1834 (USA-129). Elle a déjà été lue et je ne fais qu’en donner la référence, page 3 du texte anglais.
L’avant demier paragraphe constitue un exposé optimiste de la situation militaire et de la position de la Bulgarie et de la Turquie. Je ne crois pas avoir besoin d’en lire plus, puisque j’ai indiqué les références au Tribunal.
En mars, l’accusé déploya tous ses efforts pour faire adhérer la Yougoslavie à l’Axe et le 25 mars, dans une note au Premier Ministre Tsvetkovitch, qui figure au document PS-2450 (GB-123), il donnait l’assurance suivante :
« Les puissances de l’Axe n’adresseront pas à la Yougoslavie de demandes en vue d’obtenir le passage ou le transport de troupes à travers le territoire yougoslave. »
Après cela, il n’est que juste de rappeler qu’il y eut un coup d’état en Yougoslavie. Le général Simovitch prit la tête du Gouvernement et deux jours après la remise de l’assurance que je viens de lire, au cours de la réunion du 27 mars 1941 à laquelle assistait l’accusé Ribbentrop, Hitler esquissait la campagne militaire contre la Yougoslavie et prévoyait l’anéantissement du pays et la destruction de Belgrade par l’aviation allemande. C’est le document PS-1746 (GB-120), qui a déjà été lu par mon ami le colonel Phillimore, et sur lequel je n’ai donc pas à revenir.
L’accusé manifesta encore son activité envers la Yougoslavie, quand après l’invasion de ce pays, il fut, avec d’autres, chargé par Hitler de délimiter les frontières en vue du morcellement et de la division du pays. Les instructions préliminaires à ce travail constituent le document PS-1195, que je dépose sous le n° GB-144.
Nous en venons maintenant à l’agression contre l’Union Soviétique, et d’abord...
Le document PS-1195 a-t-il été lu ?
Non, pas encore ; je vous remercie, Monsieur le Président. Je vais donc lire la phrase qui s’y rapporte, À la page 2, section 2, on lit : « Délimitation des frontières », et, au premier paragraphe :
« Dans la mesure où les frontières n’auront pas été délimitées à la section 1, ce travail sera effectué par l’OKW, en accord avec le ministère des Affaires étrangères » — c’est-à-dire avec l’accusé von Ribbentrop — « le plénipotentiaire au Plan de quatre ans » — l’accusé Göring — « et le ministre de l’Intérieur du Reich. »
Qui était le ministre de l’Intérieur du Reich ?
Je pense que c’était l’accusé Frick.
Oui, en effet.
Je vous remercie, Monsieur le Président. J’avais oublié ce passage qui n’avait pas encore été lu.
Nous passons donc maintenant à l’agression contre l’Union Soviétique. Le premier document, qui n’a pas encore été déposé, et que je présente maintenant sous la référence GB-145, est le document TC-25. C’est le pacte de non-agression germano-soviétique.
Le 23 août 1939, l’accusé von Ribbentrop avait signé le pacte de non-agression germano-soviétique. L’accusé semble avoir songé pour la première fois aux problèmes particuliers posés par une agression contre l’Union Soviétique, le 20 avril 1941, date à laquelle l’accusé Rosenberg et l’accusé von Ribbentrop se rencontrèrent ou se mirent en rapport afin d’examiner les problèmes qui pouvaient surgir dans les territoires occupés de l’Est. L’accusé désigna son conseiller Grosskopf comme officier de liaison auprès de Rosenberg et nomma également collaborateur de Rosenberg un Consul général, du nom de Bräutigam, qui avait l’expérience de plusieurs années passées en URSS. Ces renseignements figurent dans le document PS-1039 (USA-146).
Je n’avais pas l’intention d’en donner lecture, car cela a déjà été fait. Le passage auquel je faisais allusion est le premier paragraphe de la page 2, commençant par « Après en avoir avisé le ministre des Affaires étrangères du Reich... ». C’est le paragraphe dont je viens de parler.
Ceci se passait en avril 1941. Un mois plus tard, le 18 mai 1941, le ministère des Affaires étrangères allemand préparait une déclaration relative aux zones d’opérations de l’Océan Arctique, de la Baltique et de la Mer Noire, qui seraient utilisées par la Marine et l’Aviation allemandes au moment de l’invasion de l’Union Soviétique. C’est le document C-77, que je dépose sous le n° GB-146. Il est très court et n’a pas encore été lu ; je désirerais donc en donner lecture :
« Le ministère des Affaires étrangères a préparé pour « Barbe-rousse » le projet ci-joint déterminant les zones d’opérations. Le ministère des Affaires étrangères a toutefois réservé sa décision en ce qui concerne la date de la déclaration, ainsi que l’examen des détails. »
Ces deux derniers documents montrent clairement que, là encore, l’accusé était impliqué dans la préparation de cet acte d’agression. Puis, le 22 juin 1941, ce fut l’accusé von Ribbentrop qui annonça au monde que les Allemands avaient envahi l’URSS, comme l’a vu le Tribunal dans le film projeté le 11 décembre. La fausseté des raisons données ressort du propre rapport de l’ambassadeur d’Allemagne à Moscou, déclarant que l’on faisait tout pour éviter un conflit. Le Tribunal pourra se reporter à ce sujet à l’exposé de mon éminent ami le Procureur général, procès-verbal des débats (Tome III, page 373).
Nous passerons maintenant à l’agression à laquelle prit part le Japon et qui fut dirigée contre les États-Unis.
Le premier document est le n° PS-2508 que je dépose sous le n° GB-147. Il montre que le 25 novembre 1936, à la suite des négociations de l’accusé, en sa qualité d’ambassadeur extraordinaire, l’Allemagne et le Japon avaient signé le pacte anti-Komintern. Je ne crois pas que ce document ait été lu. Je voudrais simplement en lire l’introduction, qui expose les buts de cet accord :
« Le Gouvernement du Reich et le Gouvernement impérial japonais,
« Reconnaissant que l’Internationale communiste, connue sous le nom. de Komintern, a pour but de désagréger et d’assujettir les États existants, par tous les moyens en son pouvoir,
« Convaincus que le fait de tolérer une ingérence de l’Internationale communiste dans les affaires intérieures des nations, non seulement compromettrait leur paix intérieure et leur bien-être social, mais aussi constituerait une menace pour la paix du monde,
« Désireux de collaborer dans la défense contre les activités subversives communistes, sont convenus de ce qui suit... »
Viennent alors les termes mêmes de l’accord, conclu pour cinq ans. Il est signé par l’accusé.
Le 27 septembre 1940, l’accusé signa, en qualité de ministre des Affaires étrangères, le Pacte Tripartite avec le Japon et l’Italie, réalisant ainsi une alliance militaire et économique pleine et entière qui devait créer un « ordre nouveau » en Europe et dans l’Asie orientale. C’est le document PS-2643 (USA-149), qui a déjà été lu.
Puis, le 13 février 1941 — c’est-à-dire un mois ou deux plus tard — l’accusé poussa les Japonais à attaquer les possessions britanniques d’Extrême-Orient. C’est le document PS-1834 (USA-129), qui a déjà été lu par mon ami M. Alderman. Ceci se passait en février.
En avril 1941, au cours d’une réunion entre Hitler et Matsuoka, qui représentait le Japon, et à laquelle assistait l’accusé, Hitler promit que l’Allemagne déclarerait la guerre aux États-Unis si une guerre éclatait entre le Japon et les États-Unis à la suite d’une agression japonaise dans le Pacifique. Ce fait est rapporté par le document PS-1881 (USA-33), qui a déjà été lu et que je n’ai pas l’intention de relire.
Le document suivant, qui souligne ce point, est le document PS-1882 (USA-153). Je voudrais en lire deux paragraphes très courts, car ils montrent de façon intéressante l’évolution psychologique de l’accusé et ses opinions à ce moment-là. Ce sont deux paragraphes aux pages 2 et 3 du document :
« Matsuoka parla alors du moral élevé des Allemands, qui lui était apparu sur les visages heureux qu’il avait rencontrés partout parmi les travailleurs des usines Borsig qu’il avait récemment visitées. Il exprima le regret que le développement du Japon n’ait pas été aussi poussé dans ce sens que celui de l’Allemagne, et que, dans son pays, les intellectuels aient continué à exercer une influence considérable.
« Le ministre des Affaires étrangères du Reich répliqua qu’une nation qui avait réalisé toutes ses ambitions, pouvait à la rigueur se permettre le luxe des intellectuels dont beaucoup sont des parasites. »
« La plupart », dit mon document.
« La plupart », en effet, Monsieur le Président ; je vous prie de m’excuser : « ...dont la plupart sont des parasites.
« Cependant, une nation qui est obligée de lutter pour sa place au soleil doit s’en débarrasser. Ce sont les intellectuels qui ont perdu la France ; en Allemagne, ils avaient déjà commencé leur ouvrage pernicieux, lorsque le national-socialisme mit fin à leurs agissements. Ils causeront certainement le déclin inévitable de l’Angleterre. »
Le document continue dans le style habituel. Ceci se passait le 5 avril 1941.
Puis, nous en venons à la phase suivante : un mois à peine après l’invasion de l’Union Soviétique par l’Armée allemande, le 22 juin 1941, Ribbentrop poussait son ambassadeur à Tokio à faire tout son possible pour amener le Gouvernement japonais à attaquer les Soviets en Sibérie. Deux documents qui ont déjà été déposés le prouvent : le document PS-2896 (USA-155) qui est un télégramme à l’ambassadeur d’Allemagne à Tokio, un certain Ott, et le document PS-2897 (USA-156), qui est la réponse de l’ambassadeur Ott. Ces deux documents ont déjà été lus par M. Alderman et je ne veux pas y revenir.
Le document suivant, D-656, est un nouveau document que je dépose sous la référence GB-148. Il a été saisi dans les dossiers japonais. C’est un message — intercepté — qui avait été envoyé par l’ambassadeur japonais à Berlin, juste avant l’agression contre les États-Unis. J’aimerais lire un très court extrait du discours prononcé par l’accusé le 29 novembre 1941, c’est-à-dire une semaine environ avant Pearl Harbor. L’accusé déclarait — ceci se trouve au paragraphe 1 — et le citerai entièrement, puisqu’il n’a pas encore été présenté :
« Ribbentrop ouvrit notre réunion en demandant à nouveau si j’avais reçu des rapports concernant les négociations américano-japonaises. Je répondis que je n’avais reçu aucune information officielle. Ribbentrop déclara : « Il est indispensable que le Japon réalise l’ordre nouveau en Asie orientale, sans laisser passer cette occasion. Il n’y a jamais eu et il n’y aura probablement jamais de moment où une collaboration étroite dans le cadre du Pacte Tripartite soit aussi importante. Si le Japon hésite en ce moment et que l’Allemagne aille de l’avant et établisse son ordre nouveau en Europe, toute la puissance militaire de la Grande-Bretagne et des États-Unis sera concentrée contre le Japon,
« Comme le Führer l’a dit aujourd’hui, il existe des différences fondamentales, jusque dans leur droit à l’existence, entre l’Allemagne et le Japon d’une part, et les États-Unis d’autre part. Nous avons été informés qu’il ne subsiste pratiquement aucun espoir pour que les négociations entre le Japon et les États-Unis soient couronnées de succès, du fait que les États-Unis se montrent inflexibles.
« Si cela était en effet le cas et si le Japon décidait d’entrer en guerre contre l’Angleterre et les États-Unis, je suis certain que cela ne servirait pas seulement les intérêts communs de l’Allemagne et du Japon, mais aurait également des conséquences favorables pour le Japon lui-même. »
L’ambassadeur répondit :
« Je ne peux pas faire de déclaration précise, étant donné que je ne suis pas informé des intentions déterminées du Japon. Votre Excellence veut-elle dire qu’un état de guerre effectif est sur le point de se créer entre l’Allemagne et les États-Unis ? »
L’accusé Ribbentrop : « Roosevelt est un fanatique ; il est donc impossible de prévoir ce qu’il fera. »
Puis : « À cet égard, étant donné les déclarations faites précédemment, suivant lesquelles les États-Unis tenteraient sans aucun doute de se dérober à une rencontre avec les troupes allemandes, et suivant le ton des récents discours de Hitler ainsi que de ceux de Ribbentrop, je sens un raidissement considérable de l’attitude allemande envers les États-Unis. Il y a lieu de croire, maintenant, que l’Allemagne ne se refuserait pas, s’il le fallait, à entrer en conflit avec les États-Unis. »
La section 2 de la partie suivante constitue un pronostic extrêmement optimiste sur la guerre contre l’Union Soviétique. Je ne crois pas, étant donné le moment auquel nous nous trouvons, qu’il soit très utile de le lire.
Puis viennent quelques réflexions sur le projet de débarquement en Angleterre, qui se trouvent également dépassées.
Nous passons à la partie 3 où nous retrouvons l’état d’esprit de l’accusé à l’égard des questions internationales. Je cite, au bas de la page 2, partie 3 :
« En tous cas, l’Allemagne n’a absolument aucune intention de conclure une paix avec l’Angleterre. Nous sommes décidés à écarter de l’Europe toute influence britannique. C’est pourquoi, à la fin de cette guerre, l’Angleterre n’aura plus la moindre influence dans les affaires internationales. L’Empire insulaire d’Angleterre pourra subsister, mais toutes ses possessions dans le monde seront probablement partagées en trois, entre l’Allemagne, les États-Unis et le Japon. En Afrique, l’Allemagne se contentera, en gros, de ce qui constituait les anciennes colonies allemandes. L’Italie recevra la plus grande partie des colonies africaines. L’Allemagne désire avant tout obtenir le contrôle de la Russie d’Europe. »
Après avoir entendu les paroles de l’accusé, l’ambassadeur déclara, et je cite :
« Je suis absolument conscient du fait que la campagne militaire allemande se poursuit normalement selon les plans prévus. Supposons, cependant, que l’Allemagne se trouve dans une situation où elle aurait pour ennemis non seulement la Grande-Bretagne elle-même, mais aussi les régions dans lesquelles la Grande-Bretagne a de l’influence, ainsi que les pays qui l’ont aidée. Dans de telles circonstances, la zone des opérations se trouverait tout naturellement considérablement étendue. Quelle serait à votre avis l’issue de la guerre dans une semblable éventualité ? »
L’accusé Ribbentrop :
« Nous aimerions terminer la guerre au cours de l’année prochaine, c’est-à-dire en 1942. Toutefois, dans certaines circonstances, il est possible que nous ayons à la poursuivre une année de plus.
« Si le Japon devait engager la lutte contre les États-unis... »
Vous allez un peu trop vite.
Je m’excuse, Messieurs. Je reprends au paragraphe que je venais de terminer. L’accusé Ribbentrop — et je cite :
« Nous aimerions terminer la guerre au cours de l’année prochaine. Toutefois, dans certaines circonstances, il est possible que nous ayons à la poursuivre une année de plus,
« Si le Japon devait engager la lutte contre les États-Unis, l’Allemagne interviendrait bien entendu immédiatement, dans le conflit. Il n’y a absolument aucune chance pour que l’Allemagne conclue une paix séparée avec les États-Unis dans de telles circonstances. La volonté du Führer est fermement arrêtée sur ce point. »
Ce document associe l’accusé de la façon la plus étroite à l’agression du Japon contre les États-Unis.
Le document suivant est également un message diplomatique japonais intercepté ; il porte le n° D-657 et je le dépose sous le n° GB-149. J’aimerais en lire les deux premières phrases qui montrent de quoi il s’agit. L’ambassadeur du Japon dit :
« Cet après-midi 8 décembre, à 1 heure, j’ai rendu visite au ministre des Affaires étrangères, Ribbentrop, et je lui ai exprimé notre désir de voir l’Allemagne et l’Italie faire immédiatement une déclaration de guerre formelle à l’Amérique. Ribbentrop répliqua que Hitler était en conférence à son Quartier Général, afin d’étudier de quelle façon les formalités de la déclaration de guerre pouvaient être exécutées pour faire une impression favorable sur le peuple allemand. Il me dit qu’il transmettrait immédiatement votre désir au Führer, en faisant tout son possible pour qu’il y soit rapidement donné suite. À ce moment-là, Ribbentrop me déclara que dès le matin du 8 » — c’est-à-dire avant la déclaration de guerre —
« Hitler avait donné à toute la Marine allemande l’ordre d’attaquer tous les navires américains, quelle que fût leur situation.
« Il va sans dire que ces informations sont strictement réservées à votre usage personnel. »
Puis, le 11 décembre 1941, comme le Tribunal le sait, l’accusé Ribbentrop, au nom du Gouvernement allemand, proclamait l’état de guerre entre l’Allemagne et les États-Unis.
La phase suivante concerne les tentatives faites pour amener le Japon à attaquer l’Union Soviétique.
Au cours de ses entretiens avec Oshima, l’ambassadeur du Japon, en juillet 1942, en mars et avril 1943, Ribbentrop continua à pousser le Japon à prendre part à l’agression contre l’Union Soviétique. Le document PS-2911 (USA-157) qui a déjà été lu, et le document PS-2954 que je dépose sous le n° GB-150 nous le rapportent. Ce dernier est un nouveau document et j’aimerais en faire ressortir l’importance par une très brève citation. C’est un entretien de l’accusé Ribbentrop avec l’ambassadeur Oshima ; il commence ainsi :
L’ambassadeur Oshima déclara qu’il avait reçu un télégramme de Tokio et que, sur l’ordre de son Gouvernement, il devait annoncer les faits suivants au ministre des Affaires étrangères :
« La proposition faite par le Gouvernement allemand en vue d’attaquer la Russie avait été l’objet, entre le Gouvernement japonais et le Quartier Général de l’Empereur, d’une conférence commune au cours de laquelle la question avait été discutée en détail et étudiée avec minutie. Le résultat en avait été le suivant : le Gouvernement japonais reconnaît absolument le danger constitué par la Russie et comprend parfaitement que son allié allemand désire voir le Japon entrer lui aussi en guerre contre la Russie. Toutefois, il n’est pas possible pour le Gouvernement japonais, en raison de la situation militaire actuelle d’entrer en guerre. Il croit plutôt qu’il serait conforme à l’intérêt commun de ne pas entreprendre maintenant la guerre contre la Russie. D’autre part, le Gouvernement japonais ne perdra jamais de vue le problème russe. »
Puis, au milieu du paragraphe suivant, l’accusé revient à la charge ; on lit à la troisième phrase — elle commence à la quatrième ligne :
« Toutefois, il serait plus juste que toutes les puissances alliées par le Pacte Tripartite unissent leurs forces pour vaincre l’Angleterre et l’Amérique, et aussi la Russie. Il ne serait pas bon qu’une seule partie eût à combattre seule. »
La pression exercée sur le Japon pour qu’il attaque la Russie ressort à nouveau du document n° PS-2929 (USA-159). J’aimerais terminer cette partie de mon exposé en le lisant ; il est très court :
« Le ministre des Affaires étrangères du Reich insista à nouveau sur le fait que, sans aucun doute, cette année constituait le moment le plus favorable pour le Japon, s’il se sentait assez fort et avait assez d’armes anti-chars à sa disposition pour attaquer, car la Russie ne serait certainement jamais plus aussi faible qu’elle l’était à ce moment », c’est-à-dire le 18 avril 1943.
Plaise au Tribunal. Voilà qui termine la présentation des preuves relatives au deuxième chef d’accusation, traitant des guerres d’agression, et je pense que cette affirmation de l’Acte d’accusation est ainsi amplement prouvée.
La troisième affirmation est la suivante : l’accusé Ribbentrop a autorisé et ordonné des crimes de guerre, des crimes contre l’Humanité, et y a participé.
Bien entendu, je ne considère cette question que du point de vue de la préparation de ces crimes. La perpétration de ces crimes sera traitée par mes collègues et amis du Ministère Public soviétique, mais il est utile de montrer ici comment cet accusé a participé à la préparation de tels crimes. Je traiterai d’abord de l’exécution des aviateurs alliés, puis de la destruction des peuples de l’Europe et enfin, de la persécution des Juifs :
D’abord de l’exécution des aviateurs alliés.
Avec la multiplication des raids de l’Aviation alliée sur les villes allemandes en 1944, le Gouvernement allemand proposa l’adoption d’un plan destiné à empêcher les aviateurs anglo-américains d’accomplir d’autres raids sur les villes du Reich. Dans le compte rendu d’une réunion au cours de laquelle devait être arrêtée une ligne de conduite définie, on trouve une indication sur le point de vue défendu par l’accusé Ribbentrop. C’est le document PS-735 que je dépose sous le n° GB-151. C’est le compte rendu d’une réunion au Quartier Général du Führer, le 6 juin 1944. J’aimerais en lire le premier paragraphe :
« Dans l’après-midi du 6 juin, l’Obergruppenführer Kaltenbrunner informa le chef adjoint de l’État-Major d’opérations à Kiessheim qu’une conférence à ce sujet avait eu lieu peu de temps auparavant entre le Reichsmarschall » — c’est-à-dire l’accusé Göring — « le ministre des Affaires étrangères » — c’est-à-dire l’accusé Ribbentrop — « et le Reichsführer SS » — Himmler — . Contrairement à la proposition initiale faite par le ministre des Affaires étrangères du Reich qui désirait appliquer ces mesures à tous les moyens d’attaque terroriste employés à l’égard de la population civile allemande, c’est-à-dire également aux bombardements des villes, il fut décidé que seules les attaques au moyen d’armes de bord visant directement la population civile et ses biens pouvaient être considérées comme des actes criminels. La loi de lynch serait la règle en la matière, sans qu’il soit question de traduire les aviateurs devant des tribunaux militaires ni de les livrer à la Police. »
L’accusé insistait donc pour qu’après une attaque sur une ville allemande, les aviateurs fussent livrés à la foule pour être lynchés. Les autres prétendaient que ce traitement devait être réservé aux auteurs d’attaques à la mitrailleuse ou armes similaires contre la population civile.
Je ne crois pas avoir besoin de lire le paragraphe a de la déclaration du chef adjoint de l’État-Major d’opérations. Son importance se trouve réduite par la déclaration de Kaltenbrunner disant que les cas indiqués ne se produisaient pas.
Le paragraphe b dit : « Le chef adjoint de l’État-Major d’opérations déclara qu’outre le lynchage, il fallait mettre au point une méthode permettant d’isoler les aviateurs ennemis soupçonnés d’actes criminels de cette sorte, au moment de leur arrivée au camp de réception des aviateurs prisonniers de guerre à Oberursel. Si les soupçons étaient confirmés, ils devaient être livrés au SD pour traitement spécial. »
Si je comprends bien, si ces aviateurs n’étaient pas lynchés par la foule, selon le premier plan, ils étaient tenus séparés des prisonniers de guerre ordinaires qui pouvaient bénéficier d’une intervention de la puissance protectrice. Et si les soupçons se confirmaient, on les livrait au SD pour être exécutés.
Puis, au paragraphe 3 apparaît la justification que l’on avait trouvée pour le lynchage :
« Au cours d’une conférence avec le colonel von Brauchitsch, colonel d’aviation, le 6 juin, il fut décidé que les actions suivantes seraient considérées comme actes terroristes justifiant la loi de lynch :
« a) Attaques à basse altitude, au moyen d’armes du bord, d’éléments isolés ou en groupe de la population civile.
« b) Attaques contre les aviateurs allemands abattus descendant en parachute.
« c) Attaques, au moyen d’armes du bord, des trains de voyageurs civils.
« d) Attaques, au moyen d’armes du bord, contre les hôpitaux militaires ou civils, ainsi que les trains sanitaires portant une croix-rouge apparente. »
Tels devaient être les motifs de lynchage, et non le bombardement d’une ville, comme cet accusé l’avait proposé.
Puis, à la dernière page de ce document, apparaît une remarque assez curieuse de l’accusé Keitel : « Réflexions du chef de l’OKW sur les notes de la conférence du 6 juin 1944 ». Le numéro est celui du document que le Tribunal vient de voir :
« Très secret, officiers d’États-Majors seulement.
« Si l’on permet au peuple d’appliquer la loi de lynch, il est difficile d’établir des règles.
« Le directeur ministériel Berndt est sorti et a tué des aviateurs dans la rue. Je suis contre la procédure légale. Elle ne rend pas ! Signé : « K. » (Keitel).
Puis vient le commentaire de l’accusé Jodl :
« Cette conférence est insuffisante en ce qui concerne le point 3. Il faut prendre une décision très nette, en accord avec le ministère des Affaires étrangères, sur les points suivants :
« 1. Que considérons-nous comme meurtre ? Le ministère des Affaires étrangères est-il d’accord sur le point 3 b ?
« 2. Comment cette procédure doit-elle être appliquée : a) par le peuple ? b) par les autorités ?
« 3. Comment pouvons-nous nous assurer que cette méthode ne sera pas également appliquée aux autres aviateurs ennemis ?
« 4. Doit-on appliquer également une procédure légale ou non ? » Signé : « J » (Jodl).
Je me permettrai de prétendre qu’il est important de remarquer que l’accusé, ainsi que le ministère des Affaires étrangères, étaient parfaitement au courant de ces violations des lois et usages de la guerre ; le document PS-728, que je dépose sous le n° GB-152, montre clairement à quel point le ministère des Affaires étrangères comprenait qu’il y avait là violation des lois et usages de la guerre, C’est un document du ministère des Affaires étrangères, approuvé par l’accusé Ribbentrop et transmis par l’un de ses fonctionnaires nommé Ritter. Le fait qu’il soit approuvé par l’accusé est nettement exprimé dans le document suivant PS-740 que je dépose sous le n° GB-153. Je ne crois pas que le document PS-728 ait été lu auparavant et j’aimerais en lire quelques passages. Il commence ainsi :
« Malgré des inconvénients évidents qui peuvent en résulter sur le plan du Droit international et de la politique étrangère, le ministère des Affaires étrangères est d’accord sur le principe des mesures proposées.
« Dans l’examen des cas individuels, il y a lieu de distinguer entre le cas de lynchage et les cas de traitement spécial par le SD.
« I. Dans les cas de lynchage, il n’est pas indispensable d’établir avec précision les circonstances méritant un châtiment, selon les points 1 à 4 de la communication du 15 juin. D’abord, les autorités allemandes ne sont pas directement responsables, étant donné que la mort s’est produite avant qu’une autorité allemande se soit occupée de l’incident. Ensuite, les circonstances seront en général telles qu’il ne sera pas difficile de décrire l’affaire d’une façon appropriée au moment où elle sera rendue publique. Dans le cas de lynchage il sera donc important au premier chef de présenter correctement chaque affaire au moment de sa publication.
« II. La méthode proposée pour les cas de traitement spécial appliqué par le SD, avec publication ultérieure, ne serait acceptable que si l’Allemagne, à cette occasion, répudiait ouvertement les obligations du Droit international actuellement en vigueur et encore reconnues par l’Allemagne. Un aviateur ennemi capturé par l’Armée ou la Police et remis au camp des aviateurs prisonniers de guerre d’Oberursel aura acquis du même fait le statut légal de prisonnier de guerre. Or, l’accord sur les prisonniers de guerre du 27 juillet 1929 a établi des règles précises pour les poursuites contre les prisonniers de guerre et leur jugement ainsi que pour l’application de la peine de mort ; ainsi l’article 66, suivant lequel l’exécution d’une sentence de mort ne peut avoir lieu que trois mois après que la puissance protectrice aura été avisée de la sentence, et l’article 63 suivant lequel un prisonnier de guerre ne pourra être jugé que par les mêmes tribunaux et selon la même procédure que les membres de l’Armée allemande.
« Ces règles sont si précises qu’il serait vain de prétendre camoufler leur violation en présentant habilement des incidents isolés. D’un autre côté, le ministère des Affaires étrangères ne peut en l’occurrence se déclarer partisan d’une réfutation formelle de statut des prisonniers de guerre.
« Une solution de fortune consisterait à empêcher les aviateurs ennemis suspects d’être jamais traités en prisonniers de guerre légaux, c’est-à-dire à leur déclarer immédiatement après leur capture qu’il ne sont pas considérés comme des prisonniers de guerre, mais comme des criminels, et à les remettre, non pas aux autorités compétentes pour les prisonniers de guerre (camps de prisonniers de guerre), mais aux autorités chargées de poursuivre les actes criminels et à les soumettre à une procédure sommaire. Si, au cours de l’interrogatoire, il ressortait des circonstances que cette procédure spéciale n’est pas applicable à ce cas particulier, ces aviateurs en question pourraient par la suite et isolément recouvrer le statut de prisonniers de guerre et être transférés au camp de rassemblement des aviateurs prisonniers de guerre à Oberursel. Bien entendu, cette solution n’empêchera pas que l’on reproche à l’Allemagne d’avoir violé les accords en vigueur, ni que l’on exerce même des représailles sur les prisonniers de guerre allemands. En tout cas, cette solution nous permettrait de définir clairement notre attitude et nous dispenserait, d’une part, de dénoncer ouvertement les accords en vigueur et, d’autre part, de recourir à des prétextes auxquels personne ne croirait, au moment de la publication de chaque cas individuel. »
Je n’ai pas l’intention d’entrer dans les détails, mais je demande au Tribunal de lire la première phrase du paragraphe III :
« Il résulte de ce qui précède que tout le poids de l’opération devra porter sur les cas de lynchage. Si la campagne entreprise prenait des proportions telles que l’on arrivât réellement au résultat cherché, c’est-à-dire décourager les aviateurs ennemis, comme le désire le ministère des Affaires étrangères, les attaques de la population civile, au moyen d’armes du bord, par les aviateurs ennemis, devront être présentées par la propagande d’une manière différente de celle utilisée jusqu’à ce jour... »
Je ne crois pas qu’il y ait lieu de continuer cette lecture, car le point de vue de l’accusé apparaît clairement. Si le Tribunal veut bien considérer maintenant le document suivant, il pourra lire au début du second paragraphe :
« L’ambassadeur Ritter nous a fait connaître par téléphone, le 29 juin, que le ministre des Affaires étrangères avait approuvé ce projet... »
Telle était donc la situation en ce qui concerne le traitement des aviateurs ennemis ; elle fait, à mon avis, la preuve de l’élaboration froide et préméditée d’une méthode permettant de tourner le Droit international.
La deuxième partie porte sur la destruction des peuples de l’Europe. En ce qui concerne la Pologne, j’éviterai à nouveau d’entrer dans les détails ; je voudrais simplement rappeler au Tribunal la déposition du témoin Lahousen qui figure au procès-verbal, (Tome II, page 446) du 30 novembre 1945 et (Tome III, page 28) pour le contre-interrogatoire du 1er décembre.
Ensuite la Bohême et la Moravie : le 16 mars 1939, le Führer et Chancelier du Reich publia un décret, signé par Ribbentrop, concernant le Protectorat de Bohême-Moravie. Ce décret a déjà été déposé sous le n° GB-8 (TC-51). Il avait pour effet de conférer au Reichsprotektor une autorité extraordinaire, sous les ordres directs du Führer. La seule partie que je désirerais rappeler au Tribunal est l’article 5 et le paragraphe 2 :
« 2. Il appartient au Reichsprotektor, en tant que représentant du Führer et Chancelier du Reich, et en tant que délégué du Gouvernement du Reich, de veiller à l’observation des principes politiques établis par le Führer et Chancelier du Reich.
« 3. Les membres du Gouvernement du Protectorat seront confirmés dans leurs fonctions par le Reichsprotektor. Cette confirmation pourra être révoquée.
« 4. Le Reichsprotektor est habilité à se faire informer de toutes les mesures prises par le gouvernement du Protectorat et à lui donner des conseils. Il pourra faire opposition aux mesures qui seraient de nature à nuire aux intérêts du Reich et, en cas de danger, prendre dans l’intérêt commun les ordonnances nécessaires.
« 5. La promulgation des lois, décrets et autres dispositions légales ainsi que l’exécution des mesures administratives et des jugements de droit seront annulées si le Reichsprotektor s’y oppose. »
C’est à la suite de ce décret que furent nommés les deux Reichsprotektoren de Bohême et de Moravie et leurs divers représentants. C’est alors que commencèrent les différents crimes qui seront exposés en détail par mon collègue soviétique.
Il en fut de même pour les Pays-Bas. Le 18 mai 1940, fut signé par Ribbentrop un décret du Führer relatif à l’exercice de l’autorité gouvernementale dans les Pays-Bas. C’est le document PS-639, que je dépose sous le n° GB-154. On y lit à la section 1 :
« Les territoires occupés des Pays-Bas seront administrés par le Commissaire du Reich pour les territoires occupés des Pays-Bas .. . Le Commissaire du Reich est le garant des intérêts du Reich ; il est investi, dans le domaine civil, de l’autorité gouvernementale suprême.
« Le Reichsminister, Dr Arthur Seyss-Inquart, est nommé par le présent décret Commissaire du Reich pour les territoires occupés des Pays-Bas. »
En s’appuyant sur ce décret, le Commissaire du Reich c’est-à-dire Seyss-Inquart, donna des ordres tels que celui du 4 juillet 1940 portant sur la confiscation des biens des personnes ayant ou pouvant avoir exercé des activités hostiles au Reich allemand. On procéda à des essais de déplacement de la population hollandaise, mais ce point-là, lui aussi, sera traité en détail par mes collègues français.
Je me contenterai pour le moment de citer la référence de l’ordonnance de Seyss-Inquart, PS-2921 (GB-155). Je n’ai pas l’intention de la lire. J’en ai résumé la portée et elle sera examinée de façon plus complète par mes collègues français.
Je voudrais que le Tribunal considère, en ce qui concerne la Bohême et les Pays-Bas, que les charges qui pèsent sur cet accusé posent la base et font apparaître la structure gouvernementale dans le cadre de laquelle les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité ont été élaborés.
Je dépose également, pour la bonne règle, la pièce GB-156, document PS-1520, qui est le compte rendu d’une discussion sur la question de la population hollandaise. Ici encore, j’en ai donné une explication générale et je ne m’attarderai pas à la lire en entier.
Nous en venons maintenant à la persécution des Juifs. En décembre 1938, l’accusé Ribbentrop dans une conversation avec M, Bonnet, qui était alors ministre des Affaires étrangères de France, exprima son opinion sur les Juifs. Ce fait fut rapporté au département d’État américain par M. Kennedy, ambassadeur des États-Unis, et constitue le document L-205 (GB-157). J’aimerais lire au Tribunal le deuxième paragraphe qui est relatif à cette question :
« Dans la journée, nous avons reçu un coup de téléphone du bureau de Bérenger à Paris. Nous avons appris que Bonnet avait soulevé la question des réfugiés au cours de sa conversation avec Ribbentrop. Le résultat en était très mauvais. Ribbentrop, pressé de questions, avait déclaré à Bonnet que les Juifs d’Allemagne étaient sans exception des pickpokets, des assassins et des voleurs. Leurs biens avaient été acquis par des moyens illégaux. Le Gouvernement allemand avait donc décidé de les assimiler aux éléments criminels de la population. Les biens qu’ils avaient acquis illégalement leur seraient enlevés ; ils seraient obligés de vivre dans les quartiers fréquentés par les criminels et seraient surveillés par la Police tout comme les autres criminels. On les contraindrait à se présenter régulièrement à la Police comme le font les criminels. Si certains de ces criminels s’enfuyaient dans d’autres pays qui paraissent très désireux de les accueillir, le Gouvernement allemand n’y pouvait rien. Toutefois, il n’était nullement disposé à leur permettre d’emporter les biens acquis par des opérations frauduleuses. En fait, il ne pouvait, ni ne voulait rien faire. »
Cet exposé succinct des opinions de l’accusé sur les Juifs se trouve développé dans un long document qu’il avait communiqué par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères et qui constitue le document PS-3358 (GB-158). Je n’ai pas l’intention de lire tout le document parce qu’il est très monotone, mais il révèle très clairement les vues de l’accusé sur le traitement des Juifs. Si le Tribunal veut bien se reporter d’abord à la page 3 qui porte le titre « La question juive en tant que facteur de la politique étrangère allemande en 1938 ». Après les quatre premiers paragraphes, le document poursuit :
« Ce n’est certainement pas l’effet d’une coïncidence si 1938, l’année fatale, a vu avancer le règlement de la question juive en même temps que la réalisation de l’idée de la Grande Allemagne. En effet, la politique juive a été à la fois la condition et la conséquence des événements de l’année 1938. »
Ce point de vue est exposé en détail. Si le Tribunal veut bien passer à la page 4, au début du second paragraphe, il pourra lire à la première phrase :
« Le but final de la politique allemande à l’égard des Juifs est rémigration de tous les Juifs vivant sur le territoire allemand. »
Ceci est longuement développé au cours d’un grand nombre de pages. Si le Tribunal veut bien se reporter au bas de la page 7, il y lira la conclusion de ce document :
« Ces exemples tirés de rapports officiels de l’étranger pourraient être multipliés à loisir. Ils confirment la justesse de nos prévisions, suivant lesquelles les critiques adressées aux mesures d’exclusion des Juifs du Lebensraum allemand, mesures qui ont été mal comprises dans certains pays mal informés, ne seraient que provisoires et subiraient un revirement à partir du moment où la population les verrait de ses propres yeux et comprendrait ainsi ce que représente le danger juif.
« Plus l’immigrant juif sera pauvre et plus il sera par conséquent à la charge du pays qui l’accueille, plus ce pays réagira et plus fort sera l’effet escompté dans le sens de la propagande allemande. Les efforts entrepris par l’Allemagne ont pour but de parvenir dans l’avenir à une solution internationale de la question juive, inspirée non par une fausse compassion pour la minorité religieuse juive persécutée, mais par la pleine conscience de tous les peuples à l’égard du danger qu’elle représente pour le patrimoine racial des nations. »
Le Tribunal appréciera le fait que ce document fut mis en circulation par le ministère de l’accusé et fut assuré d’une large diffusion parmi les autorités supérieures du Reich ainsi que parmi de nombreux personnages, et cela avant la guerre, le 25 janvier 1939, aussitôt après les déclarations de Ribbentrop à M. Bonnet. Apparemment, l’antisémitisme de l’accusé allait — j’allais dire en s’affirmant — du moins en s’exaspérant toujours davantage, puisque en juin 1944 l’accusé Rosenberg prit des mesures en prévision d’un congrès antisémite international qui devait s’ouvrir à Cracovie le 11 juillet 1944. Ses membres d’honneur devaient être Ribbentrop. Himmler, Goebbels et Frank — l’accusé Frank, je crois — . Le ministère des Affaires étrangères était chargé d’inviter d’éminentes personnalités étrangères en provenance de France, d’Italie, de Hongrie, de Hollande, d’Arabie, d’Irak, de Norvège, etc. afin de donner au congrès un aspect international. Cependant, les événements militaires de juin 1944 obligèrent Hitler à annuler le congrès, qui avait perdu sa signification du fait du débarquement des alliés en Normandie.
C’est ce que rapporte le document PS-1752 (GB-159). Au bas de la page 1, le Tribunal verra que parmi les membres d’honneur figurait le ministre des Affaires étrangères du Reich, Joachim von Ribbentrop. Il n’est donc pas douteux que cet accusé ait inspiré le programme antisémite qui entraîna l’internement des Juifs dans des camps de concentration, aux côtés de tous ceux qui s’opposaient au régime nazi. Nous affirmons qu’en sa qualité de ministre, alors qu’il était en contact étroit avec le chef du Gouvernement, il savait ce qui se passait dans le pays et dans les camps. Je prétends qu’un homme qui a prêché une telle doctrine et qui jouissait d’une semblable autorité ne peut faire croire à quiconque possède l’expérience des ministères, qu’il ignorait la façon dont on appliquait cette politique.
Voilà la preuve de la troisième allégation et je pense que les trois allégations se trouvent ainsi prouvées grâce aux preuves que je viens de résumer devant le Tribunal.
En ce qui concerne la seconde de ces allégations, Hitler lui-même a dit :
« Au cours de l’année historique de 1938, le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop m’a été d’un grand secours, grâce à son jugement précis et audacieux et à sa manière extrêmement habile de traiter tous les problèmes de politique étrangère. »
Pendant la guerre, l’accusé fut en relations étroites avec les autres conspirateurs nazis. Il fut leur conseiller, mit à leur disposition dans ses ambassades et légations à l’étranger les renseignements dont ils avaient besoin et participa même, comme je l’ai déjà montré, à l’élaboration des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité.
J’estime que les allégations figurant à l’appendice A de l’Acte d’accusation ont été prouvées d’une façon complète. Je voudrais seulement ajouter un mot au nom de la Délégation britannique. Au cours de la préparation de cet exposé, nous avons reçu une aide considérable de certains de nos collègues américains et je voudrais, en notre nom à tous, remercier en une fois mais très sincèrement tout le personnel du Dr Kempner : le capitaine Auchincloss, le capitaine Claggett et le capitaine Stoll, le lieutenant Felton, le lieutenant Heller et M. Lachmann, pour leur précieuse collaboration.
Nous suspendons l’audience pendant dix minutes.
Plaise au Tribunal. Puis-je présenter une requête ?
Au nom de qui ?
Je voudrais présenter une requête qui concerne l’accusation portée contre Frank. Le Statut du Tribunal Militaire International prévoit à la section IV une procédure destinée à assurer un jugement équitable et l’article 16 déclare qu’ « afin d’assurer que les accusés soient jugés avec équité, la procédure suivante sera adoptée : l’Acte d’accusation comportera les éléments complets spécifiant en détail les charges relevées à l’encontre des accusés une copie de l’Acte d’accusation et de tous les documents annexes, traduits dans une langue qu’il comprend, sera remise à l’accusé dans un délai raisonnable avant l’ouverture des débats ». Avant le début du Procès, on a remis à l’accusé Frank une copie de l’Acte d’accusation. C’est l’Acte d’accusation qui lui a été lu le premier jour. Mais, si je puis m’exprimer ainsi, c’est là une accusation de caractère général. Cet Acte d’accusation énumère tous les faits qui, suivant les puissances signataires de l’accord de Londres, sont considérés comme des crimes contre la paix, comme des crimes contre les lois et usages de la guerre et comme des crimes contre l’Humanité. L’Acte d’accusation ne contient pas les détails des actes criminels reprochés à chacun des accusés. Je pense ici à des actes concrets, à des infractions par commission ou omissions positives.
Ce matin, il m’a été remis un document intitulé : « Responsabilité individuelle de l’accusé Hans Frank dans les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité », ou en allemand : « Die persönliche Verantwortlichkeit des Angeklagten Frank wegen Verbrechen gegen den Frieden, Kriegsverbrechen und Verbrechen gegen die Menschlichkeit ». Ce document ne comporte pas de table des matières et compte trente pages dactylographiées. En plus de ce document, ou de ce que j’appellerai cet Acte d’accusation, il m’a été remis un autre document intitulé : « Livre de documents Hans Frank. » L’un et l’autre de ces documents ne sont pas rédigés en allemand, mais en langue anglaise. Le premier document est en fait ce que l’on peut considérer à mon avis comme l’Acte d’accusation de Frank, car on énumère pour la première fois dans ce document, long de trente pages, les activités individuelles de Frank qui sont considérées comme criminelles. Je ne peux moins faire que de déclarer que ce document constitue une partie essentielle de l’Acte d’accusation...
Excusez-moi de vous interrompre, mais le Tribunal a déjà exprimé le désir que les requêtes de ce genre soient présentées par écrit. Le Tribunal estime qu’une requête de la nature de celle que vous présentez maintenant constitue, si elle est présentée oralement, une perte de temps pour le Tribunal qui vous invite à la présenter par écrit. Elle sera alors prise en considération.
Je regrette moi-même d’être obligé d’adresser cette requête ici, mais je n’ai pas pu le faire auparavant car je n’ai reçu ce document qu’il y a deux heures et demie. Ma requête a pour but de demander au Ministère Public que ces deux documents soient remis à l’accusé Frank en langue allemande.
Le Tribunal n’a pas encore reçu les documents dont vous parlez ; il nous est impossible de comprendre la requête que vous présentez, si vous ne la faites pas par écrit en y joignant les documents en question, ou en les décrivant ou en nous expliquant d’une façon quelconque ce que sont ces documents.
Je vais donc adresser une requête écrite.
Monsieur Roberts, pouvez-vous m’expliquer de quoi se plaint l’avocat qui vient de parler ?
Si je comprends bien, il se plaint que le dossier d’audience et le livre de documents qui ont été remis à son client, Frank, soient rédigés en anglais et non pas en allemand.
Qui s’occupe des charges contre Frank ?
C’est le Ministère Public américain.
Je ferais peut-être mieux de m’adresser au colonel Storey ?
Plaise au Tribunal. Je crois que l’avocat a parié de l’usage que nous avons adopté et qui consiste à remettre à l’avance un exemplaire du livre de documents et un exemplaire du dossier d’audience à la Défense. Dans ce cas particulier, je sais que l’avocat fait allusion à l’exposé qui doit être lu au microphone et qui, par courtoisie, a été remis à la Défense avant sa présentation, exactement comme les livres de documents et dossiers d’audience relatifs à chacun des autres accusés. Voilà ce dont il s’agit, si je comprends bien.
Les documents qui seront présentés contre l’accusé Frank seront-ils tous traduits ?
Certainement, Monsieur le Président. Je ne suis pas au courant de ce cas particulier, mais, suivant nos instructions, la Défense reçoit deux photocopies des documents, chacune d’elle en allemand, ainsi que la traduction anglaise. C’est cela qui a été remis, ainsi que le texte de l’exposé. Nous lui avons remis d’avance ce texte que le représentant du Ministère Public lira au microphone.
Colonel Storey, je crois que le Tribunal, après avoir consulté le Ministère Public sur la réalisation pratique de la chose, avait ordonné que des traducteurs soient mis en nombre suffisant à la disposition de la Défense, afin que les documents tels que les dossiers d’audience, s’ils sont en anglais, puissent être traduits à son intention. Vous vous souviendrez qu’il était entendu que quatre traducteurs au moins, je crois, seraient mis à la disposition de la Défense.
Si le Tribunal veut bien s’en souvenir, je crois qu’il avait été finalement entendu que les livres de documents et les dossiers d’audience pouvaient être déposés en anglais et que des photocopies des documents seraient remises aux avocats ;
au cas où ils auraient désiré des exemplaires supplémentaires en allemand, ces exemplaires leur auraient été remis. Je crois que telle était la décision finale.
Je crois que l’on avait en tout cas proposé que des traducteurs fussent mis à leur disposition pour traduire des documents tels que les exposés d’audience.
C’est exact, Monsieur le Président et chaque fois que les avocats désireront des copies supplémentaires, il leur suffira d’en exprimer le désir. Des traducteurs, ou la traduction des photocopies, seront mis à leur disposition sur leur demande. Y a-t-il d’autres questions, Monsieur le Président ?
Voulez-vous dire qu’aucun traducteur n’a été mis à la disposition de la Défense ?
Si je comprends bien, Monsieur le Président, le centre de documentation de la Défense est maintenant placé sous la juridiction du Tribunal et si mes informations sont exactes, — j’aimerais d’ailleurs les vérifier — il suffit aux avocats de demander les exemplaires supplémentaires qu’ils désirent ; ils obtiennent satisfaction, car il y a un nombre suffisant de traducteurs. Voilà ce que j’en sais. Je ne l’ai pas vérifié tout récemment, mais tous les avocats ont des exemplaires en anglais en nombre suffisant. Dans ce cas précis, on vient de me dire que le livre de documents et les dossiers d’audience leur ont été traduits.
Bien.
Monsieur le Président, vous pouvez être persuadé que la Défense regrette de faire perdre son temps au Tribunal pour des discussions que nous préférerions nous-mêmes éviter. Mais la question qui vient d’être soulevée par l’un de mes collègues est effectivement essentielle pour nous, avocats, et rend notre travail extrêmement difficile.
Comme vous pouvez le constater, il ne sert à rien de prendre des dispositions ou de convenir d’un accord si dans la pratique tout se passe de manière différente.
Nous recevons, disons hier soir, un gros volume de documents ; tous ces documents sont en anglais. Or le soir, à la prison, nous avons à discuter avec nos clients pendant des heures les résultats des débats ; cette difficulté se trouve encore accrue maintenant par les grilles métalliques installées au parloir. De plus, nous avons à examiner, volume par volume, des documents rédigés en anglais, ce qui est pratiquement impossible. Nous ne recevons ces documents que la veille des débats au soir, et il nous est alors impossible, même en connaissant bien l’anglais, de nous préparer utilement. Il en est de même pour les dossiers d’audience ; je ne sais pas si ces documents, tels que nous les recevons pour chacun des accusés, ont été remis au Tribunal.
Presque tous les documents qui, au cours de cette partie des débats, ont été présentés par M. Albrecht et Sir David Maxwell-Fyfe, ont déjà été mentionnés précédemment au cours des débats et doivent en conséquence avoir été communiqués à la Défense depuis des jours et même des semaines. Vous ne pouvez donc pas dire que ces documents ne vous sont pas connus. Parmi tous les documents cités, il y en a en fait très peu qui soient des documents nouveaux, et les extraits qui sont maintenant présentés comme preuves sont tous lus au microphone ; les avocats les entendent en allemand et peuvent donc les étudier, le lendemain matin dans le compte rendu sténographique des débats. Je ne vois donc pas les difficultés que la méthode que nous avons adoptée impose à la Défense allemande.
Le Ministère Public, par égard pour la Défense, lui a jusqu’ici remis à l’avance les dossiers d’audience en anglais. Mais il n’est pas tenu de le faire et, de plus, en ce qui concerne les preuves proprement dites, elles sont, comme je vous l’ai déjà fait remarquer, toutes contenues dans les documents dont la grande majorité a déjà été présentée il y a plusieurs jours et se trouve, depuis lors, entre les mains des avocats, en langue allemande, au même titre que les documents qui sont présentés maintenant.
Monsieur le Président, ce n’est pas exact. Il est un fait dont nous ne cessons de nous entretenir entre avocats, parce que nous répugnons à soumettre des requêtes de ce genre au Tribunal, c’est que nous ne recevons pas les documents en langue allemande. S’il en était comme vous le croyez, Monsieur le Président, vous pouvez être certain qu’aucun de nous ne se plaindrait ;
nous vous en serions, au contraire, très reconnaissants ; mais, en réalité, les choses sont toutes différentes.
Mais, Dr Sauter, quand vous voulez vous reporter à un document allemand, ce document se trouve à votre disposition au Centre d’information. Comme ces documents ont déjà été présentés, certains d’entre eux dès le 20 novembre ou peu après, la Défense aura certainement eu tout loisir de les étudier.
Je reçois, par exemple, ce matin, un volume de documents concernant Funk et je sais que l’exposé des charges contre Funk sera peut-être présenté demain. Il m’est tout à fait impossible d’étudier ce volume de documents anglais lorsque je rentrerai de la prison ce soir à 10 heures. Cela dépasse tout simplement les forces physiques d’un avocat. Il me serait peut-être encore possible de l’étudier s’il était en allemand, mais, après avoir quitté la prison à 9 heures ou 10 heures du soir, ce m’est impossible. Nous n’y arrivons pas.
Voyez-vous, Dr Sauter, votre objection serait différente si vous deviez contre-interroger des témoins immédiatement après leur déposition. Les documents sont déposés et vous n’avez pas à vous présenter immédiatement pour en discuter l’interprétation. Je regrette de dire qu’il se passera un temps considérable avant que vous ne puissiez vous présenter pour citer vos propres témoins et pour discuter les documents que l’on présente actuellement. Par conséquent, ce n’est pas une question d’heures, mais de jours et même de semaines avant que vous ne soyez appelés à traiter des documents que l’on présente actuellement. Vraiment, je ne crois pas que le système adopté impose une difficulté quelconque à la Défense.
En outre, vous ne devez pas oublier la règle qui, dans un sens, joue au détriment du Ministère Public, et qui veut que tout document ou toute partie de document déposé comme preuve doit être lu à l’audience afin d’être traduit immédiatement et de figurer au procès-verbal sténographique. On m’a signalé que le procès-verbal en allemand n’est pas mis à votre disposition le lendemain matin, mais seulement quelques jours plus tard. Mais, en définitive, vous l’obtenez en allemand. Par conséquent, chacun des avocats doit avoir le texte intégral des comptes rendus sténographiques, au moins jusqu’à la suspension d’audience et ce texte contient toutes les preuves présentées contre les accusés, et en langue allemande.
Oui, Monsieur le Président. Ce qui nous tient le plus à cœur et que nous n’avons cessé de demander depuis des semaines, c’est que les documents, ou tout au moins les extraits qui entrent en ligne de compte, nous soient remis en allemand. Même si nous avons certaines connaissances d’anglais, il nous est très difficile de traduire ces documents dans le peu de temps dont nous disposons. Ceci n’est pratiquement possible à aucun de nous et c’est pour cela que nous regrettons que notre requête concernant la traduction allemande ne soit pas prise en considération. Nous nous rendons compte des difficultés et nous sommes reconnaissants de tous les services qui nous sont rendus. Vous pouvez être convaincu, Monsieur le Président, que c’est à contre-cœur que nous vous présentons de semblables demandes, mais les circonstances sont vraiment difficiles pour nous. Je voudrais finir sur ces mots : les circonstances sont vraiment très difficiles pour nous.
Dr Sauter, les membres du Tribunal et moi-même tenons beaucoup à ce que toute l’aide possible soit accordée aux accusés et à leurs défenseurs. Mais, comme je viens de vous le faire remarquer, ni vous-même ni aucun d’entre vous n’a, pour le moment, à présenter ses arguments sur les documents qui sont actuellement déposés. Jusqu’à ce que vous ayez à discuter des documents qui sont présentés en ce moment, vous aurez eu tout le temps de les étudier dans le texte allemand.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
J’ai demandé à plusieurs reprises de recevoir un exemplaire de tout ce qui est présenté en langue anglaise. Les charges relevées contre les SA ont été présentées le 18 ou le 19 décembre 1945 et, à cette époque, un livre de documents avait été présenté. Or, je n’ai jusqu’à ce jour reçu que quelques photocopies et traductions des documents en question, ce qui prouve bien que nous ne recevons pas les traductions dès leur présentation au Tribunal et ce qui prouve en outre qu’il ne nous est jamais possible de prendre connaissance des procès-verbaux le lendemain ou le surlendemain de l’audience. Le procès-verbal de la dernière audience...
Nous ne traitons pas actuellement des SA ni d’une organisation quelconque. Si vous avez une requête à présenter, veuillez la présenter par écrit ; et, maintenant, nous allons poursuivre les débats sur le point qui nous intéresse actuellement.
Monsieur le Président, voulez-vous me permettre encore une remarque : je n’ai reçu qu’aujourd’hui le procès-verbal des audiences des 18 et 19 décembre 1945.
Vous voulez dire la copie dactylographiée du procès-verbal ?
Je n’ai reçu qu’aujourd’hui le procès-verbal en langue allemande des audiences des 18 et 19 décembre. Ce n’est donc pas le lendemain de l’audience, ni même quelques jours après, que nous recevons les procès-verbaux, mais plusieurs semaines plus tard après en avoir renouvelé la demande à différentes reprises. J’ai maintes fois demandé à toutes les personnes et à tous les services compétents de me remettre une copie en allemand du livre de documents ; jusqu’à ce jour, je ne l’ai pas encore reçue.
Nous allons immédiatement nous renseigner sur ce point. Un instant.
Je demande au dernier avocat qui a pris la parole de bien vouloir se lever. On me signale que la raison du retard dont vous avez fait état est la suivante : il s’est produit une erreur dans la pagination et, par conséquent, le compte rendu sténographié a dû être recopié. Si je comprends bien, le délai ordinaire n’a rien de comparable au délai considérable que vous nous avez rapporté.
En ce qui concerne le livre de documents, j’ai peine à croire que le retard puisse être attribué à cette raison-là. Mais ce retard, même s’il était justifié dans ce cas particulier, paralyserait ma défense d’une semaine à l’autre. J’ignore la veille ce qui sera discuté le lendemain, et je continue à l’ignorer pendant des semaines. Je ne suis pas à même d’étudier les moyens de preuve. Je ne connais même pas le contenu du livre de documents. De toute évidence, la défense que j’assume se trouve compromise. Le Ministère Public continue à prétendre qu’il nous remet les documents en temps utile. Il est évident que ce n’est pas le cas.
Voudriez-vous exprimer vos doléances par écrit et en donner les détails précis ? Me comprenez-vous bien ?
Oui, parfaitement.
Très bien.
Plaise au Tribunal. Il m’incombe de vous présenter les preuves relevées contre Keitel et contre l’accusé Jodl ; je demanderai au Tribunal la permission, s’il le juge bon, de joindre ces deux exposés, afin de gagner du temps, ce que nous désirons tous. Keitel et Jodl ont eu des destins parallèles. Au cours des années qui nous intéressent, ils ont suivi la même voie. La plupart des documents s’appliquent à l’un comme à l’autre et, dans ces conditions, je crois que l’on gagnerait beaucoup de temps s’il m’était permis de les joindre dans les mêmes explications.
Oui.
Je vais donc procéder ainsi. Messieurs, je reconnais pleinement que les activités de ces deux accusés ont été mentionnées de façon détaillée à plusieurs reprises et tout récemment encore par le colonel Taylor, et je désire vivement, dans la mesure du possible, éviter toute répétition. Puis-je dire que j’accueillerai, au cours de mon exposé, toute suggestion du Tribunal en vue de l’abréger encore ?
Voici un livre de documents volumineux : le livre de documents n° 7, qui concerne à la fois les deux accusés. Pratiquement, tous les documents de ce livre ont déjà été mentionnés. Presque tous, naturellement, sont d’origine allemande. Je me propose simplement de lire des passages de neuf nouveaux documents qui figurent, je crois. dans le dossier de documents soumis au Tribunal.
Je désire, pour commencer, mentionner aussi brièvement que possible l’article de l’Acte d’accusation qui se rapporte aux deux accusés. Vous le trouverez à la page 33 du texte anglais (Tome I, page 80). Il commence par « Keitel » au milieu de la page et dit :
« Entre 1938 et 1945, l’accusé Keitel a détenu divers postes. » Je désire simplement souligner ici, bien que la première date soit 1938, que le Ministère Public reviendra sur diverses activités de l’accusé Keitel antérieures à 1938 et nous affirmons que nous y sommes autorisés en vertu des termes généraux figurant à la page 28 de l’Acte d’accusation (Tome I, page 12), au début de l’appendice :
« Les exposés ci-dessous constituent les bases sur lesquelles s’appuiera inter alia l’Accusation pour établir la responsabilité individuelle des accusés ci-après désignés... » Le Tribunal verra plus loin que « ...Keitel utilisa les situations énumérées ci-dessus, son influence personnelle et ses relations étroites avec le Führer de la manière suivante ; il favorisa les préparatifs militaires de la guerre (chef d’accusation n° 1). Puis-je lire brièvement en résumant ? Il participa à l’élaboration et à la préparation de guerres d’agression et de guerres constituant une violation des traités ; il autorisa et dirigea, en y participant, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité.
D’autre part, « de 1932 à 1945, l’accusé Jodl » détint divers postes. Il « utilisa les situations énumérées ci-dessus, son influence personnelle et ses rapports étroits avec le Führer de la manière suivante (et ceci ne se trouve pas dans le texte relatif à Keitel) : « Il favorisa l’accession au pouvoir des conspirateurs nazis et la consolidation de leur contrôle sur l’Allemagne... »
Puis-je dire ici, Messieurs, que je ne possède en ce moment aucune preuve de cette allégation selon laquelle il a aidé les nazis à accéder au pouvoir avant 1933 ? Des preuves nombreuses montrent qu’il était un admirateur dévoué, presque fanatique, de Hitler, mais je crains que cela ne soit pas suffisant.
Ensuite, Jodl est accusé d’avoir favorisé la préparation de la guerre et d’avoir participé à l’élaboration et à la préparation de la guerre et d’avoir souscrit et participé à des crimes de guerre et à des crimes contre l’Humanité.
Quant à la situation de l’accusé Keitel, on sait Messieurs, qu’en février 1938 il devint chef de l’OKW, commandant suprême de toutes les Forces armées et que Jodl devint chef de l’État-Major d’opérations. Ce fait a été amplement prouvé dans les comptes rendus sténographiques et les documents. Peut-être devrais-je parler du poste qu’il occupait en 1935, au moment où fut envisagée pour la première fois la réoccupation de la Rhénanie : Keitel était chef du Wehrmachtsamt au ministère de la Guerre du Reich. C’est ce que nous montre le document PS-3019, que vous trouverez dans Das Archiv ; je demande au Tribunal d’en prendre acte. Il ne figure pas dans le livre de documents.
Les différentes fonctions occupées par Jodl ont été confirmées par sa propre déclaration qui constitue le document PS-2865 (USA-16) ; en 1935, il avait le grade de lieutenant-colonel, chef de la section des Opérations de la défense du territoire.
Puis-je revenir à la période antérieure à 1938, donc antérieure à l’OKW et citer à ce propos deux documents, dont l’un est nouveau ? Le premier document, que je citerai sans le lire, est le document EC-177 (USA-390). Ce sont, Messieurs, les procès-verbaux du Comité exécutif des délégués à la défense du Reich, peu de temps après l’accession des nazis au pouvoir. Ils sont du 22 mai 1933. Keitel présidait cette réunion dont le procès-verbal a déjà été lu. Une longue discussion eut lieu quant aux mesures préliminaires destinées à placer l’Allemagne sur le pied de guerre. Keitel considérait cette tâche comme des plus urgentes, étant donné que peu de choses avaient été faites dans les années précédentes ; peut-être le Tribunal se souviendra-t-il du passage le plus caractéristique dans lequel Keitel souligne la nécessité d’observer le secret : les documents ne doivent pas être perdus et les déclarations orales peuvent être démenties à Genève.
S’il m’est permis de faire un bref commentaire, je voudrais faire remarquer qu’il est intéressant de voir que, dès le début de 1933, les chefs des Forces armées allemandes envisageaient d’utiliser le mensonge comme arme.
Monsieur le Président, le document dont je voudrais parler maintenant est nouveau. C’est le document EC-405 (GB-160). Je désire le mentionner brièvement parce que, d’après moi, il montre que Jodl était au courant et était complice du plan de réoccupation de la Rhénanie, en violation du Traité de Versailles. Le Tribunal verra qu’il s’agit du procès-verbal du Comité exécutif du Conseil de la défense du Reich. Il est daté du 26 juin 1935. Le Tribunal se rendra compte, au quart de la page, au paragraphe F, que le lieutenant-colonel Jodl se livre à une dissertation sur les préparatifs de mobilisation. Je ne voudrais lire que les quatrième et cinquième paragraphes de cette page, à l’avant-dernier paragraphe en partant du bas :
« La zone démilitarisée exige un traitement spécial. Dans son discours du 21 mai 1935 et à d’autres occasions, le Führer-Chancelier a déclaré que les clauses du Traité de Versailles et du Pacte de Locarno relatives à la zone démilitarisée devaient être observées. Au mémorandum du chargé d’affaires français, en date du 17 juin 1935, relatif aux services de recrutement dans la zone démilitarisée, le Gouvernement du Reich a répondu que ni les autorités civiles du recrutement, ni d’autres services de la zone démilitarisée n’avaient été chargés d’un travail de mobilisation portant sur la constitution, l’équipement et l’armement de quelque formation que ce soit, dans l’éventualité ou en prévision d’une guerre.
« Puisqu’il importe d’éviter pour le moment les complications politiques avec l’étranger » — je souligne « pour le moment » — « il n’y a lieu d’effectuer que les préparatifs les plus indispensables et les plus urgents. L’existence de ces préparatifs ou l’intention de les entreprendre doit être tenue absolument secrète dans la zone elle-même comme dans le reste du Reich. »
Il n’est pas nécessaire, Monsieur le Président, que j’en lise davantage. Je crois que cela montre clairement que Jodl était au courant de la violation imminente du Traité de Versailles.
La veille de la réoccupation de la Rhénanie, le 7 mars 1936, l’accusé Keitel signa l’instruction, qui a déjà été lue ici et qui constitue le document C-194 (USA-55), ordonnant une reconnaissance aérienne et certains mouvements de sous-marins au cas où une autre nation essaierait d’intervenir dans cette réoccupation.
Je passe maintenant, Messieurs, au 4 février 1938, date à laquelle l’OKW fut constitué. Peu de temps après sa formation, fut publié un manuel qui constitue une pièce inédite dont je voudrais lire de brefs passages. C’est le n° L-211 (GB-161). 11 est daté du 19 avril 1938 : « Affaire secrète de commandement. La conduite de la guerre en tant que problème d’organisation. » Je ne lirai que des passages de l’appendice intitulé : « Que sera la guerre de demain ? » ; et si le Tribunal veut bien se reporter à la deuxième page, je lirai, à la douzième ligne, à partir du bas de la page, le passage qui commence par : « La surprise... » :
« La surprise, condition de succès importants et rapides dès le début, exigera souvent que les hostilités soient déclenchées avant que la mobilisation ait été achevée ou que les armées aient occupé toutes leurs positions.
« La déclaration de guerre ne constitue plus nécessairement la première phase d’une guerre. Les règles normales de la guerre ne seront appliquées à l’égard des pays neutres que dans la mesure où l’observance de ces règles présente des avantages ou des inconvénients pour la nation en guerre. »
On peut dire, bien entendu, que ce n’étaient là que des phrases de théorie et qu’elles pouvaient s’appliquer aussi bien à n’importe quelle nation qui aurait eu l’intention de faire la guerre à l’Allemagne. Il suffira cependant au Tribunal de songer à la situation en Europe en 1938 et de se demander si l’Allemagne avait à redouter des agresseurs éventuels. J’insiste sur ce passage, Monsieur le Président, parce qu’à mon avis il illustre très clairement la façon exacte dont l’Allemagne mena effectivement la guerre en 1939 et dans les années suivantes.
Monsieur le Président, je vais maintenant suivre le chemin déjà si souvent parcouru et qui le sera si souvent encore ; la route qui mène de 1938 à 1941 : l’acte d’agression final. Je crois, Monsieur le Président, que je peux traiter ce sujet, dans la mesure où il intéresse Keitel et Jodl, en quelques phrases seulement, parce que j’estime que les documents qui ont déjà été déposés, qui ont déjà été lus et relus et qui ont figuré à plusieurs reprises au procès-verbal des débats ont démontré très clairement que Keitel, comme il était naturel pour le chef de l’OKW, et Jodl, non moins naturellement en sa qualité de chef de l’État-Major des opérations, se sont trouvés impliqués de façon profonde et étroite dans chacun des actes d’agression commis successivement contre les différentes victimes de l’agression nazie.
Monsieur le Président, vous avez devant vous le livre de documents, et peut-être aussi le dossier d’audience, dans lequel ces documents sont présentés. Je vais m’occuper tout d’abord de l’agression contre l’Autriche. Vous vous souviendrez, Monsieur le Président, du journal de Jodl à la date du 12 février 1938, dans lequel l’accusé indique comment Keitel, qui était un peu plus qu’un simple soldat, fit pression sur Schuschnigg ; le journal de Jodl constitue le document PS-1780. Vous vous souviendrez aussi de la lettre écrite le lendemain par Keitel à Hitler — document PS-1775 (USA-75) — dans laquelle il propose de feindre une opération militaire et de répandre des nouvelles fausses mais susceptibles d’un crédit de la part d’autrui. Enfin, les ordres proprement dits pour l’opération « Otto » (USA-74, 75 et 77) tous datés du 11 mars 1938, sont des ordres de l’OKW dont Keitel porte la responsabilité.
Quels sont les numéros ?
C-102, C-103 et C-182, Monsieur le Président. L’un d’eux est en fait signé ou paraphé par Keitel et les deux autres portent les initiales de Jodl. Ce sont les ordres d’opérations pour l’entrée en Autriche invitant, comme le Tribunal s’en souviendra, à traiter les soldats tchèques en ennemis et les Italiens en amis.
Monsieur le Président, l’occupation de l’Autriche est le premier jalon du chemin. Le second n’est-il pas...
Puisque vous abordez une autre question, nous pourrions peut-être maintenant suspendre l’audience jusqu’à deux heures.