Quarante-septième journée.
Jeudi 31 janvier 1946.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Je désire lui faire savoir que les accusés Kaltenbrunner et Seyss-Inquart n’assisteront pas à l’audience de ce matin étant donné leur état de santé.
Avant d’en terminer, Messieurs, je dois vous donner lecture de quelques documents encore, concernant les prisonniers de guerre. Ce sera d’abord un document n° L-166 que nous déposerons sous le n° RF-377. Il s’agit d’une note résumant un entretien, au sujet des avions de chasse, avec le Reichsmarschall, les 15 et 16 mai 1944. Le Tribunal trouvera cet extrait à la page 8, n° 20 :
« Le Reichsmarschall veut proposer au Führer que les équipages américains et anglais qui tirent au hasard sur les villes, sur les trains civils en marche ou sur des soldats suspendus à leurs parachutes, soient immédiatement fusillés sur place. »
L’importance de ce document n’a pas besoin d’être soulignée. Il démontre la culpabilité de l’accusé Göring dans les représailles contre les aviateurs militaires alliés abattus en Allemagne.
Nous lirons maintenant le document R-117 que nous déposerons sous le n° RF-378.
Deux Liberators, abattus le 21 juin 1944, dans le district de Mecklembourg, arrivèrent au sol avec leur équipage indemne, en tout quinze hommes ; tous furent fusillés, sous prétexte d’une tentative d’évasion.
Le document a été retrouvé dans les dossiers du Quartier Général de la 11e division aérienne et il précise que les neuf membres de l’un des équipages avaient été livrés à la police locale. Dans l’avant-dernier paragraphe, troisième ligne, on lit qu’ils ont été faits prisonniers et remis à la police de protection, service de Waren. Les lieutenants Helton et Ludka ont été remis le 21 juin 1944 par la police de protection au SS Untersturmführer et commissaire de Police criminelle Stempel de la Police de sécurité de Fürstenberg, Mecklembourg :
« Ces sept prisonniers ont été fusillés en cours de route en essayant de fuir.
« Les lieutenants Helton et Ludka auraient été également fusillés le même jour en essayant de fuir. »
Concernant le deuxième Liberator, à la page 91, nous lisons :
« Objet : Chute d’un Liberator, le 21 juin 1944, à 11 h 30 :
« Six membres de l’équipage abattus en voulant fuir ; un blessé grave à l’hôpital de la garnison de Schwerin. »
Nous déposons maintenant sous le n° RF-379, le document F-553 (page 101 du livre de documents). Ce document est relatif à l’internement de prisonniers de guerre dans les camps de concentration et d’extermination. Parmi les prisonniers évadés, une discrimination fut faite ; s’il s’agissait d’hommes de troupe et de sous-officiers ayant accepté de travailler, ils étaient en général renvoyés au camp et punis conformément aux articles 47 et suivants de la Convention de Genève. S’il s’agissait d’officiers ou de sous-officiers — c’est un commentaire que je fais de ce document dont je vais donner lecture au Tribunal — s’il s’agissait, au contraire, d’officiers ou de sous-officiers ayant refusé de travailler, ils étaient remis à la Police et, en général, assassinés sans jugement.
On comprend le but de cette discrimination. Ceux des sous-officiers français qui, malgré la pression des autorités allemandes, refusaient de travailler à l’industrie de guerre allemande, se faisaient une très haute idée de leur devoir patriotique. Leur tentative d’évasion créait donc contre eux une sorte de présomption d’inadaptabilité à l’ordre nazi et ils devaient être éliminés. L’extermination de ces élites a revêtu un caractère systématique, dès le début de 1944, et la responsabilité de Keitel est indiscutablement engagée dans cette extermination qu’il a approuvée, sinon ordonnée.
Le document que le Tribunal a sous les yeux est une lettre de protestation du général Bérard, président de la Délégation française auprès de la Commission allemande d’armistice, adressée au général allemand Vogl, président de ladite Commission. Elle a pour objet, précisément, les renseignements parvenus en France, concernant l’extermination des prisonniers évadés. Premier paragraphe, quatrième ligne : « Cette note fait état d’un organisme allemand, indépendant de l’Armée, sous le coup duquel tomberaient les prisonniers évadés. » Cette note avait été adressée, le 29 avril 1944, par le commandant de l’Oflag X-C. Je lis à la page 102 :
« Le capitaine Lussus », déclare le général Bérard à la Commission d’armistice allemande, de l’Oflag X-C, « et le lieutenant Girot du même Oflag qui avaient entrepris une tentative d’évasion, le 27 avril 1944, ont été repris, dans les environs immédiats, par le garde du camp.
« Le 23 juin 1944, le doyen des officiers de l’Oflag X-C a reçu deux urnes funéraires contenant les cendres de ces deux officiers... »
On ne put donner aucune précision à cet officier français sur les causes de la mort du capitaine Lussus et du lieutenant Girot. Le général Bérard signalait en même temps à la Commission allemande d’armistice que la note suivante — que de Tribunal trouvera page 104 — avait été communiquée par le commandant de l’Oflag X-C au doyen de cet Oflag :
« Vous porterez à la connaissance de vos camarades qu’il existe, pour le contrôle des gens circulant d’une façon illicite, un organisme allemand qui étend son action sur les régions en état de guerre, allant de la Pologne à la frontière espagnole. Chaque prisonnier de guerre évadé qui est repris et qui se trouve en possession d’effets civils, de faux papiers, de fausses pièces de légitimation et de fausses photographies d’identité, tombe sous le coup de cet organisme. Ce qu’il en advient, je ne puis vous le dire. Avertissez vos camarades que la chose est particulièrement grave. »
Les deux dernières lignes de cet avis prennent tout leur sens, le jour où les urnes contenant les cendres de deux officiers français évadés sont remises au doyen du camp.
Nos collègues soviétiques du Ministère Public exposeront les conditions dans lesquelles ont été réprimées les évasions des officiers du camp de Sagan.
Monsieur Dubost, y a-t-il eu une réponse à cette plainte, plainte faite par le général Bérard à la Commission d’armistice ?
Monsieur le Président, je ne sais pas s’il y a eu une réponse. Je sais seulement qu’au moment de la libération, les archives de Vichy ont été en partie pillées et en partie détruites par fait de guerre. Si nous avions une réponse, elle se trouverait dans les archives de Vichy, car les documents que nous vous proposons maintenant sont les documents des archives allemandes de la Commission allemande d’armistice ; en ce qui concerne les archives françaises, je ne sais ce qu’elles sont devenues ; en tout cas, il est possible qu’elles aient disparu par fait de guerre.
Que le Tribunal me pardonne, j’étais en train de lui faire connaître que mes collègues soviétiques exposeraient les conditions dans lesquelles la répression des évasions a été faite au camp de Sagan. Nous déposerons un document RF-380 qui est le F-672 (page 115 du livre de documents). Il s’agit d’un rapport émanant du Service des prisonniers de guerre et déportés, daté du 9 janvier 1946, et qui est relatif à la déportation à Buchenwald de vingt prisonniers de guerre français ; ce rapport doit être considéré comme un document authentique, ainsi que les rapports de prisonniers de guerre qui y sont annexés. Voici le rapport de Claude Petit, page 116, ex-homme de confiance principal du Stalag VI-G : « En septembre 1943, les travailleurs civils français en Allemagne et les prisonniers de guerre français transformés (sous-entendu en travailleurs), étant privés de toute assistance spirituelle, n’ayant aucun prêtre parmi eux, le lieutenant Piard, aumônier principal du Stalag VI-G, après entente avec l’aumônier des prisonnier de guerre (abbé Rodhain) décida de faire transformer en travailleurs six prêtres prisonniers de guerre, volontaires pour accomplir leur sacerdoce au milieu des civils français.
« En septembre 1943, les travailleurs civils français en Allemagne et les prisonniers de guerre français transformés (sous-entendu en travailleurs), étant privés de toute assistance spirituelle, n’ayant aucun prêtre parmi eux, le lieutenant Piard, aumônier principal du Stalag VI-G, après entente avec l’aumônier des prisonnier de guerre (abbé Rodhain) décida de faire transformer en travailleurs six prêtres prisonniers de guerre, volontaires pour accomplir leur sacerdoce au milieu des civils français.
« Cette transformation des prêtres fut difficile à exécuter ; la Gestapo n’autorisant pas les aumôniers parmi les travailleurs civils... » Ces prêtres et quelques scouts organisèrent d’une part un groupe scout, d’autre part, un groupe d’action catholique (page 117) :
« Dès le début de l’année 1944, les prêtres se sentirent surveillés par la Gestapo dans leurs diverses activités...
« En fin juillet 1944, six prêtres furent arrêtés presque simultanément et conduits à la prison de Brauweiler, près de Cologne... »
Page 118 : « Il en fut de même des scouts.
« Contre cette violation flagrante de la Convention de Genève, je fis de nombreuses démarches et protestations, pour les prisonniers de guerre arrêtés par la Gestapo ; je demandai même de connaître le motif de leur arrestation...
« En raison de l’avance rapide des Alliés qui atteignaient Aix-la-Chapelle, tous les détenus de Brauweiler furent conduits à Cologne...
Monsieur le Président, avant de permettre à la Défense d’interrompre, permettez-moi de finir la lecture de ce document.
Continuez.
Merci, Monsieur le Président. Avec la fin de ce paragraphe le Tribunal apprend que les autorités allemandes elles-mêmes ont fait des démarches pour que le sort des prisonniers leur soit indiqué.
« Les autorités militaires, ne le connaissant pas, engagèrent immédiatement une correspondance avec Buchenwald, correspondance qui resta sans réponse. »
Et encore :
« Au début de mars, le commandant Bramkamp, chef du groupe du contre-espionnage, devait se rendre personnellement à Buchenwald... »
Suit la liste des prisonniers qui sont ainsi disparus (pages 120 et 121).
Et voici, page 122, la confirmation de ce témoignage par M. Souche, homme de confiance du commando 624, qui écrit :
« ... Certains prisonniers de guerre transformés et travailleurs civils français, avaient organisé, à Cologne, un groupement d’action catholique, sous la direction des abbés prisonniers de guerre transformés, Pannier et Cléton...
Finalement page 123 : « Les arrestations ont commencé par les membres de l’action catholique... et les inculpations ont été des « manœuvres anti-allemandes. »
Je ne sais quelle peut être l’objection du Dr Stahmer.
Nous ne sommes pas en état de suivre l’exposé du représentant du Ministère Public français ; tout d’abord la traduction est très défectueuse ; nous perdons des phrases entières et surtout les numéros sont faux. On vient justement de parler du n° 612 ; je l’ai là ; c’est une tout autre pièce. Nous n’avons pas les livres de documents et par suite nous ne pouvons pas suivre les pages qui sont données. Mes autres collègues se plaignent également de ne pas être en état de comprendre quoi que ce soit dans un exposé de cette nature.
Puis-je voir votre document ?
Voilà le numéro dont je voulais vous parler :
numéro 612.
Ce n’est pas le document en effet. Le document dont M. Dubost est en train de lire des passages est le document 672 ; celui que vous avez porte un numéro différent.
On nous a cependant retransmis le n° 612 : je ne suis pas le seul à l’avoir entendu ; mes autres collègues aussi et ce n’est pas seulement ce numéro mais tous les autres numéros qui ont été faussement donnés. A cela s’ajoute la difficulté que nous n’avons pas de livre de documents. On nous a dit page 113 mais nous ne savons pas du tout ce qui est 118 ; dès lors nous ne pouvons vraiment pas suivre à cette vitesse.
Monsieur Dubost, je pense que toute la confusion vient du fait que vous donnez les chiffres trop vite, et trop souvent les chiffres sont mal traduits, non seulement en allemand, mais souvent aussi en anglais. Il est très difficile pour les interprètes de relever tous ces numéros. Vous donnez d’abord le numéro du document ensuite le numéro de la cote d’audience puis le numéro de la page du document, et la traduction est mal faite. Cela rend la tâche des interprètes très difficile ; ils ont beaucoup de chiffres à traduire.
Il est important que les accusés puissent suivre les documents et que les avocats puissent en faire autant. Comme ils n’ont pas de livres de documents, il est essentiel que vous alliez très lentement.
Monsieur le Président, les livres de documents, tous les documents, ont été remis à la Défense.
Monsieur Dubost, est-ce que vous nous dites que les livres de documents ont été remis à la Défense de la même manière que ceux qui nous ont été remis à nous, c’est-à-dire avec une pagination ?
Quant à moi, c’est la seule manière dont je puisse suivre les documents. Vous avez dit : « page 115 » ; cela me montre où est le document. Si je n’avais pas cette indication de page, je ne pourrais pas trouver le document.
Monsieur le Président, il n’était pas possible de remettre à la Défense un livre de documents paginé comme celui du Tribunal, car le livre remis à la Défense n’est pas dans la même langue, il est remis en Allemand, les pages ne sont pas à la même place. Il n’y a pas d’identité absolue dans la pagination entre le livre de documents allemands et le vôtre.
Ce sont là les difficultés auxquelles se heurtent les défenseurs. Si nous avions seulement le numéro du document, sans la pagination, nous aurions affaire à des difficultés semblables et elles sont très grandes ; c’est pourquoi vous devez aller très lentement en donnant des indications de documents.
Je me conformerai au désir du Tribunal, Monsieur le Président.
Dr Stahmer, le document que l’on était en train de lire était le document F-672 ?
Nous ne pouvons pas trouver le document 672. Nous avons le n° 673. Nous n’avons que des feuilles détachées ; nous avons le numéro 673, mais nous n’avons pas le numéro 672 et nous ne l’avons pas trouvé jusqu’ici ; c’est pour cela qu’il nous est difficile de suivre le débat. Nous devons chaque fois chercher longtemps jusqu’à ce que nous ayons trouvé le vrai numéro, pour autant que les numéros indiqués soient exacts.
Je vous comprends très bien. Voulez-vous continuer, Monsieur Dubost ? Et faites comme je l’ai dit, allez très lentement pour que les défenseurs puissent, dans la mesure du possible, trouver les documents.
Je pense que vous devriez faire quelque chose pour permettre aux défenseurs de trouver ces documents : une pagination ou des lettres, par exemple un index, pour régler l’ordre dans lequel sont rangés les documents.
Monsieur le Président, il y a trois jours, deux livres de documents en français, paginés comme le sont les livres de documents que le Tribunal a sous les yeux, ont été remis à la Défense. Nous n’avons pu en remettre que deux, pour des raisons d’ordre technique, mais, en même temps, nous avons remis à la Défense un nombre suffisant de documents en allemand, pour que chaque défenseur puisse avoir son dossier en allemand. Le Tribunal me demandera-t-il de rapprocher les pages du livre de documents français que nous remettons à la Défense, des pages d’un livre de documents que nous devrions constituer alors que la Défense peut le faire et en a le temps ? Il y a trois jours que les deux livres de documents en français ont été remis aux avocats ; ils avaient la possibilité de rapprocher les textes en français et les textes en allemand pour s’assurer que nos traductions étaient correctes et pour préparer eux-mêmes leur audience.
Continuez, Monsieur Dubost, seulement faites-le lentement.
II n’est pas exact que nous ayons eu les documents il y a trois jours, ces documents nous sont parvenus hier soir, et sans ordre. Nous ne sommes pas en état de mettre de l’ordre là-dedans, parce que nous n’avons pas le temps. Hier soir ou ce matin nous avons trouvé ces documents dans notre casier.
Continuez maintenant Monsieur Dubost et allez lentement en donnant la référence des documents.
Nous passons au document F-357 qui sera déposé sous le numéro RF-381. Ce document a trait à l’exécution des consignes générales concernant l’exécution des prisonniers de guerre. Il contient le témoignage d’un gendarme allemand fait prisonnier le 25 mai 1945 et qui déclare (page 127) :
« Tous les prisonniers de guerre que nous pouvions avoir entre les mains, à quelque occasion que ce soit, devaient être abattus par nous, au lieu d’être remis au poste le plus proche de la Wehrmacht, comme cela se faisait. »
II s’agit d’un ordre qui a été donné au mois d’août 1944, et le témoin continue : « Cette exécution devait être faite dans un lieu désert. »
Page 128, le même témoin donne le nom d’Allemands ayant exécuté des prisonniers de guerre.
Nous déposerons maintenant le document PS-1634 sous le numéro RF-382 (le Tribunal le trouvera à la page- 129 du livre de documents) dont la lecture n’a pas encore été donnée, qui relate le meurtre de 129 prisonniers de guerre américains, perpétré par l’Armée allemande dans un champ au sud-ouest et à l’ouest de Baignes en Belgique, le 17 décembre 1944, pendant l’offensive allemande.
L’auteur de ce rapport résume les faits : Des prisonniers américains sont rassemblés à proximité du carrefour. Quelques soldats, dont les noms sont indiqués, se précipitent à travers champs en direction de l’Ouest, se dissimulent parmi les arbres, dans l’herbe haute, dans des taillis, dans des fossés, et échappent ainsi au massacre de leurs compagnons. Quelques autres qui, au moment où ce massacre commence, sont à proximité d’une grange, peuvent s’y cacher. Ce seront d’autres survivants.
Page 129 : « Le feu d’artillerie et de mitrailleuses sur cette colonne de véhicules américains dura de 10 à 15 minutes ; puis apparurent sur la route nationale deux tanks allemands et quelques voitures à chenilles qui venaient de la direction de Weismes. Quand ces véhicules arrivèrent au croisement, ils tournèrent vers le Sud sur la route de Saint-Vith. Les tanks tirèrent à la mitrailleuse dans les fossés de la route où s’étaient accroupis les soldats américains. À ce spectacle, les autres soldats américains jetèrent leurs armes et levèrent les bras au-dessus de leur tête. Tous les soldats américains qui s’étaient rendus reçurent l’ordre de retourner au croisement de route et les soldats allemands se trouvant sur quelques véhicules allemands, devant lesquels défilaient sur la route nationale 23, des prisonniers américains, enlevèrent à ces derniers leurs objets personnels, montres, bracelets, bagues, gants. Les soldats américains furent ensuite rassemblés sur la route de Saint-Vith, devant une maison, située au coin sud-ouest du croisement. D’autres soldats allemands, arrivés en tanks ou chenillettes, continuèrent à fouiller les prisonniers américains à cet endroit et leur enlevèrent également leurs objets de valeur... »
Au haut de la page 131 : « ... Un prisonnier américain est interrogé et conduit avec ses autres camarades près du carrefour dont on vient de donner description... »
« ... À peu près au même moment, un véhicule allemand s’efforça de manœuvrer de telle manière qu’il puisse braquer ses canons sur le groupe de prisonniers américains qui se trouvaient dans le champ à 20 ou 25 mètres de la route... »
Je passe encore quelques lignes : « Quelques-uns d’entre eux (il s’agit de véhicules allemands) s’arrêtèrent devant le champ où se tenaient les prisonniers américains désarmés, bras levés ou mains jointes derrière la tête, un militaire allemand, sans doute un officier ou sous-officier, se leva dans un des véhicules arrêtés, tira son revolver, visa tranquillement et fit feu dans le groupe de soldats américains prisonniers de guerre. L’un des Américains tomba. Le même fait se renouvela encore une fois et un autre soldat américain du groupe s’écroula. Presque au même moment les mitrailleuses de deux véhicules de la route ouvrirent le feu sur le groupe de soldats américains dans le champ. La totalité ou la majeure partie des soldats américains se jetèrent à terre et y restèrent couchés pendant le tir qui dura deux à trois minutes. La plupart des soldats dans le champ furent atteints par le tir des mitrailleuses. Les véhicules allemands qui étaient sur la route continuèrent leur chemin vers le Sud ; ils furent suivis par d’autres véhicules venant de Weismes et quand ces derniers véhicules passèrent devant le champ où étaient étendus les soldats américains, des coups de feu d’armes individuelles furent tirés, de ces véhicules en marche, sur les cadavres couchés dans le champ... »
Page 132 : « Des soldats allemands qui montaient la garde au croisement se rendirent auprès des prisonniers blessés qui étaient à terre et qui donnaient encore quelques signes de vie.
« Ils les assomment à coups de crosse ou à coups d’autres objets contondants ; à plusieurs reprises, des prisonniers américains reçurent un coup de feu — tiré apparemment à courte distance — exactement entre les deux yeux à la tempe ou dans la nuque » .
Ce fait constitue un acte de terrorisme pur dont la honte restera sur l’Armée allemande, car rien ne le justifiait. Ces hommes, nous le savons, étaient désarmés et s’étaient rendus.
Le Tribunal m’a autorisé hier à déposer les documents sur lesquels l’accusation française se fonde pour établir la culpabilité de Göring, de Keitel, de Jodl, de Bormann, de Frank, de Rosenberg, de Streicher, de Schirach, de Hess, de Frick, de l’OKW, de l’OKH et de l’OKL, du Gouvernement du Reich et du Corps des dirigeants du Parti, ainsi que des SS et de la Gestapo, dans les atrocités commises dans les camps.
Je serai bref, j’ai peu de documents nouveaux à déposer.
Le premier met en cause Kaltenbrunner ; c’est le document américain L-35, que le Tribunal trouvera à la page 246 du livre de documents concernant les camps de concentration c’est-à-dire le deuxième livre. Ce document n’a pas été déposé ; c’est le témoignage de Rudolf Mildner, docteur en Droit, colonel de la Police qui a déclaré :
« Les ordres d’internement étaient signés par le chef de la Sipo et du SD, Dr Kaltenbrunner, ou par délégation, par le chef du 4e bureau, le SS-Gruppenführer Müller. »
Nous le déposons sous le n° RF-383 bis.
En ce qui concerne Göring, nous déposerons sous le n° RF-384 le document américain PS-343, lettre du Feldmarshall Milch à Wolff. Cette lettre se termine par cette phrase :
« J’exprime aux SS les remerciements spéciaux du Commandant en chef de la Luftwaffe pour l’aide considérable apportée par eux. »
Or, il résulte de ce qui précède, que ces remerciements sont relatifs aux expériences biologiques du Dr Rascher. Ainsi Göring s’y trouve mêlé.
Le corps médical SS allemand est impliqué. Ceci résulte du document PS-1635 qui n’a pas encore été déposé, qui deviendra le document RF-385, et que le Tribunal trouvera dans l’annexe du deuxième livre de documents. Il s’agit d’extraits de revues de recherches microscopiques et anatomiques. Ces extraits sont relatifs à des expériences faites sur des personnes mortes subitement, alors qu’elles étaient en pleine santé. Les conditions de leur mort sont exposées par les expérimentateurs de telle sorte qu’aucun lecteur ne peut avoir de doutes sur les conditions dans lesquelles elles ont été mises à mort.
Avec l’autorisation du Tribunal, je ferai quelques lectures (page 132 du document soumis au Tribunal) :
« Les glandes thyroïdes : 21 personnes entre 20 et 40 ans qui étaient soi-disant en bonne santé et qui sont mortes subitement, ont été examinées.
« Les personnes en question, 19 hommes et 2 femmes, ont vécu jusqu’à leur mort, pendant plusieurs mois, dans des conditions extérieures uniformes, également en ce qui concerne la nourriture. La nourriture absorbée en dernier lieu consistait principalement en hydrates de carbone.
« Produits de remplacement et méthodes d’examen (tel est le titre) : Au cours d’une période assez longue, des prélèvements ont été effectués sur les foies de 24 adultes en bonne santé, qui sont morts subitement entre 5 heures et 1 heure du matin. »
Je passe. Le Tribunal, en examinant ces documents, ainsi que les originaux, verra que la littérature médicale allemande est très riche d’expériences faites sur des « adultes en bonne santé, morts subitement entre 5 et 6 heures du matin. »
Personne en Allemagne ne pouvait être dupe des conditions dans lesquelles ces morts survenaient, puisque ainsi, publiquement, on imprimait le compte rendu des expériences des médecins SS dans les camps. Un dernier document sera F-185, B et A, relatif à une expérience de balles empoisonnées, faite le 11 août 1944 en présence du SS-Sturmbannführer Dr Ding et du Dr Widmann (page 187 du deuxième livre de documents concernant les camps de concentration) .
Ces deux documents seront déposés sous les n° RF-386 et RF-387. Le Tribunal trouvera la description de cette expérience, où les victimes sont présentées comme des condamnés à mort.
Je crois bien que ce document a déjà été lu.
C’est un document des archives françaises, cependant, Monsieur le Président ; je doute que le Tribunal ait entendu.
Le document F-185-B (RF-386) qui est l’avis du professeur français M. May, agrégé de chirurgie, auquel ont été soumis les pseudodocuments scientifiques auxquels j’ai fait allusion tout à l’heure, comptes rendus de revues scientifiques, comptes rendus d’expérimentations. Il a écrit (page 222) :
« La méchanceté et la bêtise des expérimentateurs nous confondent. Les symptômes d’intoxication au nitrate d’aconitine sont connus de temps immémoriaux. Ce poison est parfois employé par certaines tribus sauvages pour empoisonner les flèches de leur arsenal. On n’a cependant jamais entendu dire qu’elles rédigent, en un style prétentieux, des observations d’ailleurs complètement insuffisantes et puériles sur le résultat prévisible de leurs expériences, ni qu’elles les fassent signer par un « Doz » c’est-à-dire « professeur ».
Nous déposons maintenant le document F-278 (a), sous le n° RF-388. Il met en cause Keitel. C’est une lettre signée : « Par ordre du Haut Commandement de la Wehrmacht, Dr Lehmann » .
Le 17 février 1942, elle est adressée au ministre des Affaires étrangères et elle le met en cause. Elle concerne le régime des camps d’internement (page 75) :
« Les délinquants amenés en Allemagne, en application du décret du Führer, ne doivent avoir de relations d’aucune sorte avec le monde extérieur. Ils ne doivent, par conséquent, ni écrire eux-mêmes, ni recevoir de lettres, de paquets, de visites. Les lettres, paquets et visites seront refusés avec la remarque que toute relation avec le monde extérieur est interdite aux délinquants » .
Le Haut Commandement faisait part de son point de vue dans sa lettre du 31 janvier 1942, selon lequel il ne peut être question de désigner un avocat belge pour les détenus belges.
Nous déposons maintenant le document PS-682, sous le n° RF-389, page 134 du deuxième livre de documents. Ce document met en cause le Gouvernement allemand et le Cabinet du Reich : conférence entre le Dr Goebbels et Thierack, ministre de la justice à Berlin le 14 septembre 1942 de 13 heures à 14 h. 15 :
« En ce qui concerne l’extermination des asociaux, le Dr Goebbels est d’avis que les groupes suivants soient exterminés : tous les Juifs, les Gitans et même les Polonais qui ont de trois à quatre années de travaux forcés à expier ; les Tchèques et les Allemands condamnés à mort ou aux travaux forcés à perpétuité, ou placés en détention de sécurité pour la vie. « L’idée de l’extermination par le travail est ce qu’il y a de mieux... ». Nous retenons cette dernière phrase, qui démontre, au sein même du Gouvernement allemand, la volonté de l’extermination par le travail.
Et le dernier document que nous proposons, relatif aux camps de concentration, est F-662 que nous déposons sous le n° RF-390, pages 77 et 78 du deuxième livre de documents. Ce document est le témoignage signé de M. Poutiers, demeurant à Paris, place de Breteuil, qui indique que les internés des commandos de Maut-hausen-Ebens travaillaient sous le contrôle direct des civils, les SS ne s’occupant que de la surveillance. Ce témoin, qui a été employé dans de nombreux commandos de travail, précise que tous étaient commandés, contrôlés par des civils et seulement surveillés par les SS, et qu’ainsi, les habitants du pays, à l’aller et au retour et pendant le travail, pouvaient constater la détresse des internés, ce que confirment les témoignages qui ont été portés devant le Tribunal ces jours derniers.
Nous résumons la progression croissante de la politique criminelle allemande à l’ Ouest : au début de l’occupation, violation de l’article 50 de la Convention de La Haye, exécution d’otages, mais création d’un pseudo « droit des otages », tendant à légaliser ces exécutions aux yeux de l’opinion des pays occupés.
Dans les années qui suivent, le mépris des droits de la personne humaine va croissant. Il sera complet les derniers mois de l’occupation. Alors, détentions arbitraires, parodies de jugements ou exécutions sans jugement seront de pratique quotidienne.
Les sentences, le Tribunal s’en souvient, finiront par ne plus être observées, en cas d’acquittement ou de grâce ; des gens acquittés par des tribunaux allemands, devant donc être mis en liberté, seront déportés et mourront dans les camps d’internement.
Parallèlement se renforce et se développe l’organisation des Français qui restent sur le sol de France et qui ne veulent pas que leur pays meure. Alors le terrorisme allemand s’acharne contre eux, il croît et ce qui suit est la description de la répression terroriste allemande contre les patriotes de l’Ouest de l’Europe, contre ce qu’on a appelé la « Résistance », sans donner à ce mot aucun autre sens que son sens générique.
À partir du moment où l’Allemagne comprend que sa politique de collaboration est vouée à l’échec, que sa politique des otages ne fait qu’exaspérer la fureur des gens qu’elle essaie de soumettre, alors, au lieu de modifier sa politique à l’égard des citoyens des pays occupés, elle renforce la terreur qu’elle fait régner sur ces pays, et cette terreur se justifie autant que peut se justifier une répression anti-communiste. Le Tribunal se souvient de l’ordre de Keitel sur ce qu’on doit penser de ce prétexte. Tous les Français, tous les citoyens de l’Europe, sans aucune distinction de parti, de profession, de religion ou de race, ont été mêlés dans la Résistance à l’Allemagne et leurs héros ont été mêlés dans les fosses, dans les charniers collectifs où les Allemands les ont précipités après les avoir exterminés.
Mais cette confusion est volontaire, elle est calculée, elle justifie, dans une certaine mesure, l’arbitraire de la répression, cet arbitraire dont nous avons le témoignage par le document F-278 que nous déposons sous le n° RF-391. Il est daté du 12 janvier 1943 et signé von Falkenhausen (page 4 du livre de documents) :
« Les personnes qui seront rencontrées, sans une autorisation valable, en possession d’explosifs, d’armes à feu militaires avec munitions, peuvent à l’avenir être fusillées immédiatement, sans poursuites. »
Cet ordre et d’autres analogues, continuent d’être exécutés, même après le débarquement allié en Europe occidentale, et sont exécutés même à l’encontre des forces organisées, tant en Belgique qu’en France, bien que les Allemands eux-mêmes aient considéré ces forces comme des troupes, dans une certaine mesure. Cela ressort du document F-673 (que je dépose sous le n° RF-392) ayant pour titre : « Action terroriste contre les patriotes ».
Peut-être est-ce le moment de suspendre l’audience.
Le document que je viens de déposer sous le n° RF-392 est une note de présentation à la Commission de Wiesbaden. Nous lisons :
« L’action des troupes allemandes, même en tenant compte de la réalité de la présentation des faits par les Français a lieu dans le cadre de combats dépassant de loin une action policière contre des hors-la-loi isolés. Du côté adverse, il s’agit d’organisations reniant expressément la souveraineté du Gouvernement français de Vichy et qui, tant au point de vue nombre qu’au point de vue armement et commandement, devront presque être désignées comme unités de troupes. Il a souvent été répété que ces unités révolutionnaires se considèrent elles-mêmes comme faisant partie de forces alliées combattant contre l’Allemagne. Le général Eisenhower a appelé les terroristes combattant en France : troupes sous ses ordres. C’est contre celles-ci (sur l’original, manuscrit au crayon rouge : « malheureusement, pas seulement ») que sont dirigées les contre-mesures allemandes. »
Ce document nous montre qu’en pleine action, les Forces Françaises de l’Intérieur, de même que toutes les autres forces françaises des régions occupées de l’Ouest, étaient considérées en fait comme des troupes par l’Armée allemande.
Je vois que ceci peut être très utile pour le procès-verbal. C’est dans le livre de documents, à la page 167, sur l’extermination des populations innocentes.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Les patriotes, considérés, par conséquent, par l’Armée allemande, comme constituant des troupes régulières, seront-ils traités en militaires ? Non.
L’ordre de Falkenhausen en témoigne ; ou bien ils seront abattus sur place et après tout, c’est le sort du combattant, ou livrés à la Sipo, au SD et torturés à mort par ces organismes, qui sont dispensés de toutes formes légales, ainsi, qu’en témoigne le document PS-835, déjà déposé sous le n° USA-527 ; ainsi qu’en témoigne encore le document F-673 que nous déposons sous le n° RF-392, page 6 de votre livre de documents.
Le document F-673 est une liasse considérable de papiers qui émanent des archives de la Commission allemande de Wiesbaden, et que nous déposons dans son ensemble sous le n° RF-392. Chaque fois que nous nous référons à un document F-673, ce sera à l’une des pièces de ce gros livre allemand :
« Lettre du Quartier Général du Führer, 18 août 1944, 30 exemplaires, 26e exemplaire.
« Affaire secrète de commandement.
« Objet :
« 1. Lutte contre les terroristes et les saboteurs dans les territoires occupés.
« 2. Autorité des tribunaux à l’encontre des civils non allemands des territoires occupés.
« 3. En pièce jointe — écrit l’auteur de cette lettre — nous vous transmettons copie de l’ordre du Führer du 30 juillet 1944... » Voici l’ordre du Führer : 3e paragraphe, page 9 de votre livre de documents :
« J’ordonne par suite : 1° La troupe et chaque membre de la Wehrmacht, des SS et de la Police, doivent abattre immédiatement sur place les terroristes et saboteurs pris un flagrant délit ; 2° Quiconque est pris plus tard sera remis au service local le plus proche de la Police de sûreté et du SD ; 3° Les sympathisants, spécialement les femmes, qui ne prennent pas une part directe à la lutte, sont à employer pour le travail » .
Nous savons ce que cela veut dire, nous connaissons le régime du travail dans les camps d’internement. Mais je poursuis la lecture de la lettre qui transmet cet ordre du Führer, paragraphe 4. Ce paragraphe constitue un commentaire de l’ordre :
« Les procès en cours pour tout acte de terreur ou de sabotage et tout autre crime commis par des civils non allemands qui, dans les territoires occupés, mettent en danger la sécurité et la rapidité d’exécution de la puissance occupante, doivent être suspendus. Les accusations sont à retirer, l’exécution des peines ne doit plus être ordonnée, les auteurs, ainsi que les dossiers, sont à remettre au service local le plus proche de la Police de sûreté et du SD ». Cet ordre, qui doit être transmis (voir page 7) à tous les Commandants en chef, est accompagné d’un dernier commentaire. Avant-dernier paragraphe, page 8 :
« Les personnes civiles non allemandes des territoires occupés qui mettent en danger la sécurité ou la force offensive de la puissance occupante d’une façon autre que par acte de terreur ou de sabotage, sont à remettre au SD. » Cet ordre est signé de Keitel.
Par ce commentaire, Keitel s’est spirituellement associé à l’ordre de son Führer ; il a entraîné l’exécution de nombreux innocents, car tout ordre d’abattre, sans contrôle, quiconque passe pour un terroriste, frappe non seulement les terroristes, mais les innocents, et plus les innocents que les terroristes. Au surplus, le commentaire de Keitel dépasse les ordres même de Hitler. Keitel applique les prescriptions de Hitler (page 9 du livre de documents), à une hypothèse qui n’a pas été prévue, à savoir : « Attentats commis par des civils non allemands dans des territoires occupés, qui mettent en danger la sécurité ou la force offensive de la « puissance occupante ». Cela, c’est une initiative du général lui-même, c’est un acte politique qui n’a rien à voir avec la conduite de la guerre. C’est un acte politique qui le compromet et qui l’engage.
Il le fait participer au développement et à l’extension de la politique hitlérienne, puisque aussi bien c’est l’interprétation d’un ordre de Hitler, dans l’esprit même dans lequel cet ordre a été donné peut-être, mais au delà de l’ordre.
Des consignes ont été données à la Sipo et au SD, pour exécuter sans jugement. Ces consignes ont été exécutées. Le document F-574, déposé sous le RF-393, page 10 de votre livre de documents, est le témoignage d’un nommé Goldberg, adjudant à la Sicherheitspolizei à Chalon-sur-Saône, avant la libération de cette ville, capturé par les patriotes et interrogé par le commissaire divisionnaire, chef du Service régional de Police judiciaire à Dijon. La Défense ne nous reprochera pas d’avoir fait entendre ce témoin par un officier de police subalterne. C’est le chef même de la Police judiciaire de la région de Dijon qui a interrogé ce témoin.
Ce témoin a déclaré (page 20) :
« Fin mai 1944. Bien que je n’aie vu aucun ordre écrit à ce sujet, la Sicherheitspolizei de Chalon a eu le droit de prononcer les peines de mort et de faire exécuter la sentence, sans que les intéressés passent devant le Tribunal et sans que le dossier soit soumis à l’approbation du commandant de Dijon. C’est le chef du SD à Chalon, c’est-à-dire Krüger, qui avait toute autorité pour prendre cette décision.
« Aucune opposition, que je sache, n’a été faite par le SD de Dijon, ce qui me laisse à penser que cette procédure était régulière, et était la conséquence d’instructions qui ne m’ont pas été officiellement communiquées, mais émanaient des autorités supérieures. »
L’exécution était assurée par les membres du SD dont les noms sont indiqués par le témoin, ils ne présentent pas d’intérêt pour ce Tribunal, qui n’est saisi que du châtiment des principaux responsables, de ceux qui ont donné les ordres, de ceux de qui les ordres émanent.
Comment ces ordres ont-ils été appliqués dans les différents pays de l’Ouest ?
En Hollande, selon le témoignage trouvé dans le rapport déposé par le Gouvernement hollandais (je cite page 15) :
« Trois jours après l’attentat contre l’Obergruppenführer Rauter, le 10 mars 1945, j’ai été témoin de l’assassinat de plusieurs patriotes hollandais par la « Grüne Polizei » alors que je travaillais dans les champs de Waltrop. »
Ce document hollandais, qui porte le numéro F-224 des archives françaises, a déjà été déposé en son entier. Le passage actuel n’a pas été lu ; le témoin continue : « J’ai parlé avec un adjudant de la Police dont je ne sais pas le nom (page 16 de votre livre de documents) ; il m’a dit que cette exécution était une vengeance à la suite de l’attentat contre Rauter. Il m’a dit aussi que des centaines de terroristes étaient exécutés dans ce même ordre d’idées. »
Un autre témoin déclare :
« Vers 6 heures du soir, je » — c’est l’Allemand qui a donné l’ordre d’exécuter ces patriotes hollandais — « me rendis à mon bureau et je reçus l’ordre de faire fusiller 40 prisonniers ». Page 19, les enquêteurs, qui sont des officiers canadiens, décrivent les conditions dans lesquelles les cadavres furent retrouvés. Je pense que le Tribunal ne jugera pas nécessaire de donner lecture de cette description.
Le Tribunal, plus loin, page 21, trouvera le rapport de Munt, complétant et rectifiant son rapport du 4 juin sur l’exécution de Hollandais, à la suite de l’attentat contre Rauter.
L’exécution a été faite sur l’ordre de Kolitz ; 198 prisonniers ont été transportés. Munt se défend d’avoir favorisé l’exécution de ces patriotes hollandais, mais reconnaît néanmoins qu’il ne lui a pas été possible de l’empêcher en raison des ordres supérieurs reçus.
Page 22, avant-dernier paragraphe, le même Munt déclare :
« Après une attaque contre deux membres de la Wehrmacht qui, à deux jours consécutifs, furent tous deux blessés tandis que leurs fusils leur étaient enlevés, mon chef persista pour qu’on fusillât quinze Néerlandais. Douze furent fusillés. »
Un document capital est toujours inclus dans la liasse F-224 (page 30 de votre livre de documents), constituée par l’enquête du Gouvernement hollandais. C’est le décret concernant la proclamation de la justice sommaire de la Police pour le territoire occupé néerlandais, et il est signé par l’accusé Seyss-Inquart. C’est donc jusqu’à lui qu’il faut remonter lorsqu’on cherche la responsabilité principale de ces exécutions sommaires de patriotes en Hollande.
De ce décret, nous retenons, paragraphe 1 :
« Je proclame, pour le territoire occupé néerlandais dans son entier, la justice sommaire de Police qui entre en vigueur dès ce moment.
« En même temps, j’ordonne que chacun s’abstienne de toute sorte d’agitation qui pourrait troubler l’ordre public et la sécurité de la vie publique. »
Je passe un paragraphe :
« Le chef supérieur des SS et de la Police prendra toute mesure qu’il jugera nécessaire au maintien ou au rétablissement de l’ordre public ou de la sécurité de la vie publique.
« Le chef supérieur de la Police et des SS peut, dans l’exécution de sa tâche, s’écarter du droit en vigueur. »
« Justice sommaire de Police » : les mots ne nous abusent pas. Il s’agit d’assassinats purs et simples, puisque aussi bien la Police est autorisée, dans l’exécution de sa tâche, à s’écarter du droit en vigueur. Cette phrase que Seyss-Inquart a signée, et qui couvrait vis-à-vis des Tribunaux allemands ses subordonnés assassinant des patriotes néerlandais, cette phrase est la condamnation même de Seyss-Inquart.
En exécution de ce décret, le 2 mai, un tribunal sommaire de police a prononcé la sentence de mort contre dix patriotes hollandais (page 32 de votre livre de documents).
À la page 34, un autre tribunal sommaire de police a prononcé la condamnation à mort de dix autres patriotes hollandais ; tous ont été exécutés.
Toujours en exécution du même décret à la page suivante, un tribunal sommaire de police prononce la condamnation à mort d’un patriote et il est exécuté.
Ce document F-224 comporte une liste de nombreux textes analogues qu’il me paraît superflu de citer maintenant. Le Tribunal peut se reporter au dernier seulement qui présente une importance spéciale. Nous allons nous y arrêter un instant (page 46 de votre livre de documents). C’est le rapport du Service d’identification et de recherches hollandais, aux termes duquel s’il n’est pas possible de faire connaître dès maintenant le nombre des bourgeois hollandais... (je lis la traduction française qui nous a été remise par nos alliés, nos amis) fusillés par les unités militaires de la puissance occupante, on peut maintenant dire qu’au total plus de 4.000 d’entre eux ont été exécutés. Suit le détail des exécutions avec les lieux où ont été retrouvés les corps.
Ceci ne constitue qu’un aspect très fragmentaire des souffrances de la Hollande et des sacrifices en vies humaines qu’elle a consentis. Ceci devait être dit, car ceci est la conséquence des ordres criminels de l’accusé Seyss-Inquart.
Pour la Belgique, le document de base est le document français F-685 déposé sous le n° RF-394 (page 48 de votre livre de documents). C’est un rapport établi par la Commission belge des crimes de guerre, et qui a trait seulement aux crimes commis par les troupes allemandes lors de la libération du territoire belge en septembre 1944.
Ces crimes ont tous été commis contre des patriotes belges luttant contre l’Armée allemande. Il ne s’agit pas seulement d’exécutions, il s’agit de mauvais traitements et de tortures (page 50) :
« À Graide, un camp de l’Armée secrète est attaqué. Quinze cadavres sont affreusement mutilés quand on les retrouve. Les Allemands ont fait usage de balles dont la pointe avait été sciée. Certains corps étaient percés de coups de baïonnettes. Deux prisonniers furent roués de coups de bâton avant d’être achevés d’un coup de revolver. »
Ces prisonniers étaient des soldats pris les armes à la main et au combat, faisant partie de ces unités qu’officieusement, au témoignage du document cité précédemment, on considérait dans l’État-Major allemand, dès ce moment-là, comme des combattants.
« À Forêt, le 6 septembre, plusieurs centaines d’hommes de la résistance sont cantonnés au château de Forêt. Les Allemands, avertis de leur entrée en action, décident d’une action répressive. Un certain nombre de résistants, qui n’avaient pas d’armes, essaient de s’enfuir. Certains sont abattus. D’autres regagnent le château, n’ayant pas pu passer à travers le cordon de troupes allemandes.
D’autres, enfin, sont faits prisonniers. Les Allemands s’avancent derrière les résistants faits prisonniers et, après deux heures, les combats cessent faute de munitions. Les Allemands promettent la vie sauve à ceux qui se rendent. Une partie des prisonniers fut chargée sur un camion, les autres malgré la promesse donnée, furent massacrés, après avoir été martyrisés. Le feu fut mis au château, ainsi qu’aux cadavres arrosés d’essence ; vingt hommes périrent dans le massacre, quinze autres étaient morts durant le combat. »
Les exemples sont nombreux. Ce témoignage à l’héroïque Belgique était nécessaire ; il fallait que soit rappelé ce que nous lui devions, ce que nous devions à ses combattants de l’Armée secrète, et de quel prix avaient été ses sacrifices.
Pour le Luxembourg, nous disposons d’un document déposé par le ministère de la Justice du Grand Duché du Luxembourg, UK-77, déjà déposé sous le n° RF-322 (page 53 du livre de documents).
Le Tribunal constatera qu’un Tribunal d’exception sommaire, analogue à celui qui a fonctionné en Hollande, a été constitué au Luxembourg, qu’il y a effectivement fonctionné et qu’il y a prononcé un certain nombre de condamnations, vingt et une, toutes aussi arbitraires en raison du caractère arbitraire du tribunal qui les prononçait.
Le document porte l’accusation officielle du Grand Duché du Luxembourg contre tous les membres du Cabinet du Reich, notamment contre les ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Chancellerie du Parti, contre les chefs des SS et de la Police et, spécialement, contre le Reichskommissar pour le renforcement de la race allemande.
Pour la Norvège, le document UK-79, déjà déposé sous le n° RF-323 (page 55), montre que des tribunaux analogues au Tribunal d’exception constitué en Hollande par la Police, fonctionnaient. Ils s’appelaient les Tribunaux SS ; plus de 150 norvégiens y furent condamnés à mort.
Au surplus, le Tribunal se souviendra des témoignages de M. Cappelen, qui est venu dire devant lui ce qu’avaient souffert son pays et ses compatriotes.
Page 57, pour le Danemark, un rapport officiel du Gouvernement danois, F-666, déjà déposé sous le n° RF-338, établit que des Cours martiales de police, analogues à celles qui avaient fonctionné au Luxembourg, en Norvège et en Hollande, ont sévi contre les patriotes danois.
Ces tribunaux sommaires de police, composés de policiers ou de SS, déguisent en réalité l’arbitraire de la Police et des SS, arbitraire non pas seulement toléré par le Gouvernement, mais voulu par lui, ainsi qu’il résulte des documents que nous avons déposés au début de ces explications.
Ceci donc nous permet d’affirmer que les victimes de ces tribunaux ont été assassinées sans avoir pu se justifier ou se défendre.
En France, la question mérite d’être examinée attentivement. Le Tribunal sait que, dès le débarquement, répondant à l’appel de l’État-Major, l’Armée française secrète s’est levée et a commencé le combat. Sans doute, malgré les avertissements de l’État-Major allié, ces combattants auxquels, quelques semaines plus tard, officieusement, on reconnaissait la qualité de combattants du côté allemand, étaient au début, dans une situation assez irrégulière. Nous ne contestons pas qu’il ait pu s’agir, dans de très nombreux cas, de francs-tireurs. Nous admettons qu’ils pouvaient être condamnés à mort, mais nous protestons parce qu’ils n’ont pas été condamnés à mort, parce qu’ils ont été assassinés après avoir été odieusement torturés, et nous allons vous en apporter la preuve.
Le document F-577, déposé sous le numéro RF-395 (page 62 de votre livre), rapporte que, le 17 août, veille de la libération de Rodez, les Allemands ont exécuté trente patriotes à la mitraillette. Pour les achever, on détachait de grosses pierres du mur de la tranchée dans laquelle ils étaient et on les jetait sur les corps avec un peu de terre. Les crânes et les poitrines étaient défoncés.
Le document F-580, que nous déposons sous le n° RF-396 (page 79 de votre livre), montre que cinq oblats de Marie (que je sache, ces religieux n’étaient pas des communistes) ont été assassinés après avoir été torturés parce qu’ils faisaient partie d’un groupe de l’Armée secrète qui fut exécuté ; trente-six cadavres en tout ont été découverts après cette exécution, opération punitive de l’Armée allemande.
Page 85, le Tribunal lira le résultat de l’enquête et découvrira dans quelles conditions furent abattus, après avoir été torturés, ces cinq religieux ; dans quelles conditions furent arrêtés et déportés, avec quelques religieux du même ordre, les membres d’un état-major de groupe de résistance qui avait été trahi.
La preuve est apportée que des hommes d’un maquis de la forêt d’Achères ont été arrêtés et torturés après avoir été écroués dans la prison de Fontainebleau. Nous savons même le nom de l’Allemand de la Gestapo qui a torturé ces patriotes. Peu importe son nom ; cet Allemand Korf a agi en exécution des ordres qui lui avaient été donnés par Keitel et par les autres accusés que j’ai nommés tout à l’heure.
Un document F-584, déposé sous le n° RF-397 (pages 87 et 88), montre au Tribunal que lorsque les corps furent relevés, on découvrit qu’une dizaine avaient eu les yeux bandés avant d’être abattus, que huit avaient eu les bras cassés, soit par blessures soit par tortures, et que beaucoup portaient aux bras et aux jambes, des traces d’ecchymoses, dues à des liens fortement serrés. C’est le rapport du commissaire de police de Pau établi le 28 août 1944, au lendemain de la libération de Pau.
Nous déposons le document F-585, n° RF-398. Le Tribunal le trouvera à la page 96, du livre de documents.
Je résume : au lendemain de la libération, on découvrait 38 cadavres dans deux fosses près de Signes, dans la montagne du Var. On reconnaissait l’un des chefs de la résistance de la côte d’azur, Valmy, et avec lui deux parachutistes Pageot et Manuel. De ce massacre, un témoin fut retrouvé, Tuirot, dont les déclarations, pages 105 et suivantes de votre livre de documents, sont transcrites. Tuirot fut torturé avec ses compagnons sans avoir eu la possibilité de se faire assister d’un défenseur ou d’un aumônier ; les 38 hommes furent conduits dans les bois, comparurent devant une parodie de Tribunal composé de SS, qui les condamnèrent à mort, et la sentence fut exécutée.
Nous déposons maintenant le document F-586 (RF-399), page 110 de votre livre, relatif à l’exécution, à Saint-Nazaire et Royan, de 37 patriotes, membres de l’Armée secrète française, qui furent torturés avant d’être exécutés.
Voici la relation des faits par un témoin oculaire.
« J’ai traversé ces ruines et suis arrivé au château de Madame veuve Laurent. Là, un spectacle affreux m’attendait. Le château, qui servait aux hommes de la Gestapo à torturer les jeunes du maquis, avait été incendié. Dans une cave, gisait le cadavre calciné d’une personne qui avait eu, auparavant, les avant-bras et un pied arrachés et qui avait peut-être été brûlée vivant encore. »
Mais je passe ; partout où agit la Gestapo, ce sont les mêmes méthodes.
Nous déposons maintenant le document F-699 qui a trait à l’assassinat, à Grenoble, de 48 membres de l’Armée secrète qui tous furent torturés. Ce document sera déposé sous le n° RF-400.
J’en arrive au document F-587, que nous déposons sous le n° RF-401 (page 115) et qui concerne l’exécution par pendaison de douze patriotes à Nîmes, dont deux furent arrachés de l’hôpital où ils étaient soignés des blessures reçues au combat. Tous ces jeunes hommes avaient été pris en combat à St-Hippolyte-du-Fort. Les corps de ces malheureux furent profanés ; ils portaient sur la poitrine une pancarte ainsi rédigée : « Ainsi sont punis les terroristes français. » Lorsque les autorités françaises voulurent rendre les derniers devoirs à ces malheureux, les corps avaient disparu, l’Armée allemande les avait enlevés. On ne put jamais les découvrir.
Il est vrai que deux de ces malheureux furent arrachés de l’hôpital. Le document F-587 comporte notamment le rapport d’un témoin qui vit enlever les deux blessés de la salle d’hôpital où ils étaient soignés.
Nous déposons maintenant le document F-561 (RF-402), (page 118 de votre livre). Il concerne l’exécution, à Lyon, de 109 patriotes qui ont été fusillés dans des conditions inhumaines. Ils furent abattus à la fin d’une journée de travail. Le 14 août, l’aviation alliée- avait bombardé l’aérodrome de Bron. Les autorités allemandes employèrent, du 16 au 22 août, des requis civils et des détenus du fort de Montluc. Ces hommes comblaient les entonnoirs creusés par l’explosion des bombes. En fin de journée, à la cessation du travail, les requis civils s’en allaient, tandis que les détenus étaient tués sur place à coups de feu, après avoir été plus ou moins maltraités. Leurs cadavres étaient entassés dans les entonnoirs encore mal comblés...
Le document F-591, que nous déposons sous le n° RF-403 (page 119), est le compte rendu d’atrocités commises par l’Armée allemande.
Le 30 août 1944, à Tavaux, Aisne.
« Dans l’après-midi du 30 août 1944, des soldats de la division Adolf Hitler sont arrivés. Ils se sont présentés au domicile de M. Maujean, qui était chef de la Résistance. Sa femme ouvre la porte ; sans explications, ils ont tiré sur elle, la blessant, d’une part à la cuisse, et d’autre part au maxillaire inférieur. Ils l’ont traînée dans sa cuisine ils lui ont cassé un bras et une jambe, en présence de ses cinq enfants âgés de 9, 8, 7, 6 ans et 8 mois. Ils ont arrosé Madame Maujean d’une matière inflammable et l’on brûlée devant eux. Le fils aîné tenait sa petite sœur, âgée de 8 mois, dans ses bras. Ils ont déclaré ensuite aux enfants qu’ils allaient les fusiller s’ils ne disaient pas où se trouvait leur père. Mais les enfants n’ont rien dit, quoique sachant où leur père se trouvait. Avant de partir, ils ont fait descendre les enfants à la cave, les y ont enfermés et ensuite ont répandu de l’essence dans la maison et y ont mis le feu. feu. Le feu a pu être éteint et les enfants sauvés. Ces faits ont été relatés à M. Maujean par l’aîné de ses enfants. Aucune autre personne n’a été témoin de ces faits, car les habitants effrayés par les premières maisons incendiées s’étaient réfugiés soit dans les tranchées, soit dans les champs ou les bois aux alentours.
« Dans cette même soirée, 21 personnes ont été tuées à Tavaux et 83 maisons incendiées. »
Ensuite vient un rapport transmis par le gendarme Carlier sur les événements du jour suivant.
Le document français F-589, que nous déposons sous le n° RF-404 (page 121), indique le nombre des assassinats de patriotes, commis dans la région de Lyon à la date du 29 septembre 1944. 713 victimes ont été découvertes dans huit départements, 217 seulement ont été identifiées ; ce nombre est approximatif. Il était très nettement inférieur au nombre des disparus dans les huit mêmes départements : Ain, Ardèche, Drôme, Isère, Loire, Rhône, Savoie et Haute-Savoie. Un général allemand, von Brodowski, a avoué, dans son journal de marche qui est tombé entre nos mains, qu’il avait fait assassiner de nombreux patriotes ; Wehrmacht, Police et SS, tous opéraient ensemble et étaient responsables de ces meurtres.
Ces troupes ont assassiné des blessés dans les camps sanitaires des Forces Françaises de l’Intérieur. Ce document qui porte le n° F-257 est déposé sous le n° RF-405 (page 123 du livre de documents).
Dans les quatre derniers paragraphes, la Police et l’Armée collaborent : « Je suis chargé de rétablir le plus rapidement possible l’autorité de la puissance occupante dans le département du Cantal et dans les régions avoisinantes ».
À la date du 6 juin 1944 : « Le général Jesser est chargé de la conduite tactique de l’entreprise. Lui seront subordonnées toutes les troupes mises à la disposition pour cette opération, ainsi que toutes les autres forces.
« Le commandant de la Sipo et du SD, Hauptsturmführer Geissler, est placé directement sous mes ordres. Celui-ci me fera des propositions pour une utilisation éventuelle, etc.
« Un état-major de régiment et deux bataillons de la division blindée « Das Reich » se tiennent en outre à ma disposition pour l’entreprise du Cantal. »
Le général von Brodowski fait remettre au SD (ce qui équivaut à une exécution sans jugement) ces prisonniers français blessés le 15 juin 1944. Le préfet du Puy demande à l’état-major de liaison (Verb. Stab) si les blessés du combat de Montmouchet, mis en sûreté par la Croix-Rouge du Puy, peuvent être livrés comme prisonniers de guerre au Puy et ce général allemand, exécutant les ordres de l’État-Major allemand et, en particulier, les ordres de Keitel et de Jodl, décide que :
Ces blessés sont à traiter comme francs-tireurs et doivent être conduits au SD ou à l’Abwehr ;
Ces blessés, remis à la Police allemande, seront torturés et tués sans jugement.
Aux dires de Goldberg que je vous ai présentés, l’exécution avait lieu sans jugement. Chaque homme remis au SD était exécuté. Les événements se placent à l’époque indiquée au Tribunal, 21 juin 1944, époque indiquée par Goldberg.
Douze suspects arrêtés et remis au SD.
À la date du 16 août 1944 (page 133), ce général de l’Armée allemande fait assassiner 40 hommes, après les combats de Bourg-Lastic et de Cosnat.
« Au cours de l’opération Jesser, le 15 juillet 1944, dans la région de Bourg-Lastic, 23 personnes ont été fusillées. Loi martiale. Attaque de Cosnat. 3 kilomètres Est de Saint-Hilaire, dans la nuit du 17 juillet 1944, 40 terroristes abattus. »
Page 136, ce général allemand reconnaît dans son journal de marche que nos camarades de combat se battaient en soldats et non en assassins.
Ce général de l’Armée allemande reconnaît que nos Forces Françaises de l’Intérieur faisaient des prisonniers.
« Au sud-est d’Argenton, 30 kilomètres sud-ouest de Châteauroux, découverte par les « Jako » d’un centre de terroristes ; seize soldats allemands libérés. Capture d’armes et de munitions. Sept terroristes tués, dont deux capitaines. Un soldat allemand grièvement blessé. »
Un autre fait analogue est rapporté plus loin :
« Découverte de deux camps de terroristes dans la région d’Argenton. Neuf ennemis tués, dont deux officiers. Seize soldats allemands libérés. »
Et en bas de la page :
« Libéré deux hommes SS. »
Ces soldats français avaient droit au respect de leurs adversaires, ils se comportaient en soldats ; ils ont été assassinés.
Nous suspendons l’audience jusqu’à 14 heures.