CINQUANTE-CINQUIÈME JOURNÉE.
Samedi 9 février 1946.

Audience du matin.

COLONEL POKROVSKY

Puis-je continuer mon exposé ?

LE PRÉSIDENT

Oui, s’il vous plaît.

COLONEL POKROVSKY

La suspension d’audience d’hier m’a empêché de citer un court extrait d’un document très secret extrêmement important, daté du 22 septembre 1938. Je me permettrai de commencer aujourd’hui par cet extrait et de lire les six premières lignes de ce document, URSS-267, que vous trouverez dans la première partie, page 202 de votre livre de documents.

Ce court extrait apporte la lumière sur la mission du groupe appelé « corps franc des Allemands des Sudètes ». On a déjà mentionné l’existence de ce corps au cours d’audiences antérieures.

Je cite les six premières lignes de la transcription, faite à Berlin, d’une conversation téléphonique entre un des chefs de ce qu’on appelait la « Volksdeutsche Mittelstelle », et le Gouvernement de Berlin, à 19 heures, le 22 septembre 1938. Permettez-moi de lire ces six lignes :

« Monsieur Schmidt, de la « Volksdeutsche Mittelstelle » a téléphoné à 19 heures ce qui suit :

« Le commandement du corps franc des Sudètes vient de communiquer que :

« Le lieutenant Kochling a transmis l’ordre suivant du Führer :

« le corps franc doit occuper les régions abandonnées par les « Tchèques. Cependant, les opérations d’importance ne doivent avoir « lieu qu’avec l’autorisation expresse du Führer. »

La suite de ce document, signé par un certain von Stechow, ne présente aucun intérêt et je ne la lis pas.

Autant que je puisse en juger, le compte rendu de la réception par Hitler du ministre des Affaires étrangères tchèque, Chvakowsky, le 21 janvier 1939, c’est-à-dire peu de temps avant l’occupation totale de la Tchécoslovaquie, présente un grand intérêt. Les déclarations mensongères et pompeuses de Hitler sur son respect de l’indépendance des petits États, déclarations qui font l’objet du document que je vais citer, caractérisent au plus haut degré la fourberie de sa politique.

Le document que je vais lire porte la référence URSS-266 et le Tribunal le trouvera à la page 203 de la première partie du livre de documents :

« Chvaikowsky commença par remercier le Führer d’avoir fait à son pays l’honneur de recevoir, deux fois en trois mois, le ministre des Affaires étrangères. Il était venu ici rendre compte au Führer qu’il avait entièrement tenu la promesse qu’il lui avait faite le 14 octobre, bien que cela lui eût causé beaucoup d’ennuis.

« Le Führer le remercia d’avoir tenu ses engagements. La politique extérieure d’un État est définie par sa politique intérieure. Il est impossible d’avoir une politique extérieure du type « A » et, en même temps, une politique intérieure du type « B ». Cela ne pourrait réussir que pour très peu de temps. L’évolution des événements en Tchécoslovaquie devait, depuis le début, conduire à une catastrophe. Cette catastrophe a été évitée grâce à l’Allemagne.

« Si l’Allemagne n’avait pas suivi les principes nationaux-socialistes qui ne lui permettent pas de faire des annexions, le destin de la Tchécoslovaquie aurait suivi un autre cours. Ce qui reste aujourd’hui de la Tchécoslovaquie a été sauvé non par Bénès, mais par les tendances nationales-socialistes ».

Je saute quelques phrases, et je lis plus loin :

« Par exemple, la force des armées hollandaises et danoises ne réside pas en elles-mêmes, mais dans le fait que le monde entier était convaincu de la neutralité absolue de ces États.

« Au début de la guerre, on savait que la question de neutralité était extrêmement sérieuse pour ces pays. En ce qui concerne la Belgique, il en était un peu autrement, car ce pays avait un accord avec l’État-Major général français. Dans ce cas particulier, l’Allemagne fut obligée de prévenir certaines éventualités. Ces petits États se défendaient, non pas par leurs armées, mais par la confiance émanant de leur neutralité... »

Vous trouverez la suite de cette citation à la page 207 :

« Chvaikowsky, soutenu par Mastny, parla encore une fois de la situation en Tchécoslovaquie et de la solide paysannerie. Avant la crise, le peuple ne savait pas ce qu’il pouvait attendre de l’Allemagne. Mais quand il vit qu’il ne serait pas exterminé, et que l’Allemagne voulait diriger le peuple tchèque comme elle-même, il poussa un soupir de soulagement.

« La propagande mondiale, contre laquelle le Führer avait lutté pendant longtemps, s’était maintenant concentrée sur la petite Tchécoslovaquie. Chvaikowsky pria instamment le Führer d’adresser de temps en temps une bonne parole au peuple tchèque. Cela pouvait opérer des miracles.

« Le Führer ignore la grande importance que le peuple tchèque attache à ses paroles. S’il voulait seulement déclarer ouvertement son intention de collaborer avec le peuple tchèque — et avec le peuple lui-même, non avec le ministre des Affaires étrangères — toute la propagande étrangère serait complètement anéantie.

« Le Führer termina l’entretien en exprimant son espoir en l’avenir. »

Ces notes sont signées par Hewel.

Maintenant, il serait opportun de revenir au document déjà mentionné au Tribunal, je veux parler du document destiné exclusivement aux officiers supérieurs, en date du 30 mai 1938. Il porte le n° OKW 42/38 et a été présenté sous le n° PS-388 par mes honorables collègues de la Délégation américaine. Le Procureur Général soviétique s’y est également référé dans son discours d’ouverture. En formulant le sens du complot fasciste contre la Tchécoslovaquie, Hitler déclara qu’il avait pris la décision irrévocable d’infliger une défaite à la Tchécoslovaquie dans l’avenir le plus proche, par une seule opération militaire. Il divise cette tâche en deux parties : politique et militaire. Après quoi, avec le cynisme inouï qui lui est propre, il déclare (cette citation se trouve à la page 209 de la partie I du livre de documents) :

« Le moyen le plus favorable au point de vue militaire et politique serait une attaque-éclair, faite sous le prétexte de quelque incident qui provoquerait une action soudaine de la part de l’Allemagne. »

Ce document est signé par Hitler. Voilà le véritable programme de Hitler et de ses complices en ce qui concerne la Tchécoslovaquie, programme prévu bien avant le jour où Chvaikowsky demandait à ce criminel « d’adresser de temps en temps une bonne parole au peuple tchèque ».

Si dans ses déclarations publiques, Hitler trouvait bien quelquefois ce que Chvaikowsky appelait une bonne parole, les relations réelles suivaient en fait un cours tout différent. Mais ceci n’est pas encore tout. Nous allons décrire, dans tous ses détails, la préparation de l’incident. Je désirerais maintenant présenter au Tribunal les « notes au rapport » sur le « Cas Vert » du 24 août 1938, dont la plus grande partie a déjà été lue sous la référence PS-388.

En voici deux paragraphes, que vous trouverez à la page 214 de la partie I du livre de documents.

« Le « Cas Vert » sera réalisé au moyen d’un incident en Tchécoslovaquie, incident qui fournira à l’Allemagne le prétexte d’une intervention militaire. Il est extrêmement important de fixer le jour et l’heure de cet incident. Il doit avoir lieu dans des conditions météorologiques favorables aux opérations de notre aviation, pour assurer ainsi notre supériorité. Il serait désirable d’en fixer le moment, de telle sorte que les ordres respectifs parviennent à midi, le jour J — 1. Il sera possible alors de l’exécuter immédiatement, en donnant l’ordre X au jour J — 1, à 14 heures. » Ce document concluait ainsi (page 215 de votre livre de documents) :

« Ces déclarations ont pour but de montrer tout l’intérêt que cet incident présente pour l’Armée. Elle doit être mise au courant des intentions du Führer en temps voulu, d’autant plus que l’organisation de l’incident sera, de toute façon, confiée à l’Abwehr. »

Ce document est signé par l’accusé Jodl. Ce ne sont pas de simples paroles, c’est un plan de provocation infâme, plan qui, comme nous le savons, a été exécuté.

Le document PS-388 a déjà été accepté comme preuve ; il a été présenté par le Ministère Public américain. Je voudrais simplement souligner un point : les assassins et les envahisseurs dressent non seulement les plans de leurs crimes, mais ils veulent encore les réaliser dans des conditions aussi avantageuses que possible. Ils ont besoin de bonnes conditions atmosphériques et de 24 heures au moins pour la préparation définitive. Bien plus, ils veulent provoquer eux-mêmes un incident qui leur permette de justifier leurs crimes malpropres « aux yeux d’une partie au moins de l’opinion mondiale ».

Cette dernière circonstance montre que les hitlériens étaient parfaitement conscients de toute l’iniquité de leurs actions. A ce propos, je voudrais attirer votre attention sur un fait : c’est l’OKW qui porte la responsabilité directe du caractère criminel de ces actions. Ils ne peuvent pas dire : « Nous ne savions pas ce que nous faisions ». Les « agents provocateurs » et les agresseurs en uniforme d’officiers supérieurs de l’Armée allemande étaient les premiers à s’appeler eux-mêmes agresseurs et « agents provocateurs ».

Il me reste à dire au Tribunal que l’une des fins de l’invasion fasciste de la Tchécoslovaquie était de liquider cet État slave constitué au cours de l’Histoire. A la page 36 du document officiel tchèque dont j’ai présenté hier l’original, nous trouvons l’extrait d’une déclaration faite par Hitler au cours de l’été 1932 en présence de Darre, de Rauschning et d’autres hauts fonctionnaires fascistes. Je vais donner lecture de cet extrait, qui se trouve à la page 38 de la partie I du livre de documents :

« Le bassin tchéco-morave sera colonisé par les paysans allemands. Nous déporterons les Tchèques en Sibérie ou en Volynie. Il faudra qu’ils quittent l’Europe centrale. »

Cette assertion de Hitler est citée dans le rapport tchèque et dans le livre de Rauschning : Hitler m’a dit, à la page 46.

II me semble nécessaire de lire un passage du rapport tchèque qui suit cette citation, à la page 36 de la traduction russe, au dernier paragraphe ; page 39 de la première partie du livre de documents, volume I, dernier paragraphe :

« Ce plan criminel a été approuvé par Karl Hermann Frank, secrétaire d’État du Protectorat du Reich à Prague depuis le 17 mars 1939 et ministre du Reich à Prague depuis 1943, qui est universellement connu sous le nom de « boucher de Lidice ».

Lors de son interrogatoire par le colonel Etzer, le 29 mai 1945 à Wiesbaden, Frank a déclaré :

« Le plan d’évacuation du peuple tchèque à l’Est, tel qu’il est indiqué plus haut et a été discuté dans les milieux du Parti, correspond, en gros, au passage cité ».

L’accusé von Neurath a été, depuis le 17 mars 1938 jusqu’en septembre 1941, Reichsprotektor en Bohême-Moravie. 11 a beaucoup fait pour anéantir la Tchécoslovaquie en tant qu’État. On lit dans l’annexe n° 1 au rapport officiel tchèque (page 167 du volume II, partie 1 du livre de documents) :

« Le protecteur du Reich était au-dessus de toutes les autorités, de tous les services et fonctionnaires du Reich à l’intérieur du Protectorat. »

L’accusé von Neurath ne doit pas échapper à la responsabilité de ces forfaits.

Mes collègues de la Délégation soviétique vous montreront comment a été bouleversée la vie de ce peuple travailleur que sont les Tchèques, à partir du moment où les agresseurs hitlériens ont commencé à mettre en pratique la liquidation de la Tchécoslovaquie en tant qu’État.

J’en arrive maintenant au document concernant l’agression contre la Pologne. Nous y trouvons beaucoup de points communs avec les crimes commis contre la Tchécoslovaquie par les conspirateurs.

LE PRÉSIDENT

Colonel Pokrovsky, je pense que ce n’est qu’une erreur de la traduction anglaise, mais notre exemplaire dit que l’accusé Neurath était Reichsprotektor depuis le 17 mars 1938. Vous avez bien dit 1939, n’est-ce pas ?

COLONEL POKROVSKY

Je crains de n’avoir peut-être pas été bien compris. J’ai dit du 17 mars 1938 au 28 septembre 1941.

LE PRESIDENT

Cela devait être 1939, n’est-ce pas ?

COLONEL POKROVSKY

Oui, je crois que vous avez raison. Je me permets donc de répéter qu’en prenant connaissance des documents concernant l’agression contre la Pologne, nous trouvons beaucoup de points communs avec les crimes commis contre la Tchécoslovaquie par les conspirateurs. Je veux parler des violations systématiques des traités et des déclarations solennelles, des garanties mensongères, de la création d’une Cinquième colonne à la solde de l’Allemagne et militairement organisée, de l’attaque soudaine par surprise.

Cela peut être prouvé par une série de documents.

Un rapport officiel du Gouvernement polonais contient la liste détaillée des accords violés par les conspirateurs. Je dépose ce document sous la cote URSS-93. Étant donné qu’il s’agit de faits de notoriété publique et qui ont déjà été commentés dans le discours d’ouverture du Ministère Public, je demande au Tribunal d’accorder valeur probatoire à la partie du rapport polonais concernant les deux premiers articles du chef d’accusation : « Crimes contre la Paix ».

Je voudrais lire, page 219 de votre livre de documents, quatre lignes du 3e paragraphe de ce chef d’accusation ; il s’agit de la déclaration germano-polonaise du 26 janvier 1934 :

« Les deux Gouvernements sont persuadés que les relations entre leurs pays se développeront ainsi d’une manière fructueuse et conduiront à l’établissement de relations de bon voisinage qui contribueront au bien-être, non seulement de leurs deux pays, mais également des autres peuples de l’Europe. »

Cette déclaration a été signée, au nom de l’Allemagne, par l’accusé von Neurath.

Maintenant, il me paraît nécessaire de lire un extrait d’une déclaration faite par l’accusé Göring, le 16 février 1937, lors de sa visite à Varsovie. Vous trouverez cet extrait à la page 220 du volume I, partie 1 du livre de documents. L’accusé Göring a fait la déclaration suivante aux représentants du Gouvernement polonais ; je cite :

« L’Allemagne n’a pas la moindre intention de soustraire à la Pologne une partie quelconque de son territoire. L’Allemagne s’est entièrement faite à l’idée de son Statut territorial actuel. Elle n’attaquera pas la Pologne et n’a pas l’intention de s’emparer du « Corridor » polonais. Nous ne convoitons pas le Corridor. Je l’ai dit sincèrement et catégoriquement : nous n’avons pas besoin du Corridor. De même que l’Allemagne croit et espère que la Pologne n’a pas l’intention de s’emparer de la Prusse orientale et du reste de la Silésie, de même, la Pologne peut être assurée que l’Allemagne n’a pas l’intention de la priver de n’importe lequel de ses droits ou de ses possessions. »

Le paragraphe 6 du rapport officiel polonais mérite aussi, me semble-t-il, d’être lu en entier. C’est à la page 220 de votre livre de documents.

« 6. Le 5 novembre 1937, les Gouvernements polonais et allemand ont fait des déclarations identiques au sujet du traitement des minorités. Ces déclarations se terminent de la manière suivante :

« Les principes ci-dessus énoncés ne peuvent affecter en aucune façon l’obligation des minorités de rester entièrement loyales à l’égard de l’État auquel elles appartiennent. Ils ont été inspirés par le désir d’assurer aux minorités des conditions de vie équitables et une collaboration harmonieuse avec les citoyens de l’État dans lequel elles résident, état de choses qui contribuera à fortifier peu à peu les relations amicales et le bon voisinage entre la Pologne et l’Allemagne ».

Le 2 septembre 1939, des formations de la Défense anti-aérienne polonaise abattirent un avion allemand près de Poznan. On découvrit sur les aviateurs un ordre secret de la Wehrmacht. Il y était stipulé entre autres (page 224, volume I, partie 2 du livre de documents) :

« Les réservistes de race allemande devront se soustraire à la mobilisation dans l’Armée polonaise et rejoindre l’Armée allemande ».

Plus loin, on trouve rénumération détaillée des signes distinctifs à l’aide desquels se reconnaîtront les personnes qui « aident l’Armée allemande ». Cet ordre dit qu’elles recevront des armes. (Je cite un paragraphe de cet ordre, sous l’aspect où il se trouve dans le rapport polonais, page 224.)

« 2. Comme armes, des pistolets du type 14 et 34 et aussi, dans certains cas, des grenades de modèle tchèque. »

Il est absolument évident que cela était fait dans un but de provocation. Cet ordre portait la signature du major Reiss.

Étant donné que ce fait est certifié, conformément aux règles prévues à l’article 21 du Statut, je demande au Tribunal d’accepter comme preuve les faits que je viens de présenter.

Je présente au Tribunal un autre extrait du document URSS-93. Le passage que je cite se trouve au paragraphe 23 de la page 7, coché au crayon rouge comme à l’habitude. Cette citation se trouve à la page 223, volume I, partie 2, du livre de documents :

« Les preuves recueillies par l’Armée polonaise au cours de la campagne de septembre 1939 montrent ce qui suit :

« a) En ce qui concerne les activités de démoralisation dans le sud-ouest de la Pologne, elles étaient préparées à l’avance et ont été réalisées par des agents parachutés. L’espionnage allemand était organisé par des émissaires spéciaux qui se faisaient passer pour des instituteurs ambulants, par des espions entraînés et des agents démoralisateurs. Chaque année, un certain nombre de jeunes Allemands quittaient chacune des colonies allemandes pour se rendre dans le Reich. Là, ils recevaient une instruction spéciale et, à leur retour en Pologne, faisaient soi-disant pénitence. Ils s’adressaient aux autorités locales, leur parlaient de la cruauté nazie et exprimaient leur joie d’être de retour dans leur « chère patrie ». Mais ces mêmes Allemands restaient en contact permanent avec leurs agents en Allemagne et les informaient soit par la poste, soit par les instituteurs ambulants.

« b) En plus de ces agents recrutés parmi la jeunesse et destinés à collaborer avec l’élément allemand de la population, il existait un groupe de dirigeants et d’instructeurs composés d’officiers qui arrivèrent en Pologne munis de passeports, bien avant le début des hostilités. »

Le Gouvernement polonais a établi, sur la base des témoignages recueillis au cours de l’instruction, que le noyau le plus important des agents démoralisateurs se composait de groupes de la Jeunesse hitlérienne, ou « Hitler-Jugend ». Le chef de cette organisation fasciste était, comme on le sait, l’accusé von Schirach.

Au paragraphe 21 de notre document URSS-93, on trouve à ce sujet des renseignements qu’il convient de citer (volume I, partie 2, page 223) :

Voici les détails concernant l’organisation du système de démoralisation.

« a) Les agents étaient recrutés surtout parmi les groupes de jeunesse connus sous le nom de Hitler-Jugend, et parmi les hommes et les femmes de nationalité allemande, surtout pris en Pologne.

« b) Les cours spéciaux, qui duraient de deux à trois mois, étaient organisés pour ces agents sur le territoire du Reich.

« c) Ceux qui prenaient part à ces cours étaient divisés en deux catégories : la première se composait de personnes parlant bien la langue polonaise et auxquelles étaient confiées des missions spéciales à exécuter à l’arrière de l’Armée polonaise ; la deuxième se composait de personnes qui devaient se mêler au peuple polonais fuyant devant la guerre et les bombardements aériens.

« d) Peu de temps avant la guerre, les élèves de ces cours furent soumis à une instruction complémentaire dans des camps spéciaux où ils furent affectés à certaines « régions d’opérations de démoralisation. »

Je vais maintenant présenter des documents qui prouvent la mauvaise foi et l’hypocrisie de certaines autres déclarations faites par les conspirateurs hitlériens sur des questions internationales relatives à la Pologne. Dans ce but, je citerai les paragraphes 7, 8 et 9 de la section intitulée « Crimes contre la Paix », toujours notre document URSS-93 (dernier paragraphe de la page 4 et début de la page 5 du texte russe). Ces textes se trouvent à la page 220 du volume I, partie 2 du livre de documents ; je préviendrai quand je passerai à la page 221.

« Paragraphe 7. — Le 5 novembre 1937, l’ambassadeur de Pologne en fonctions fut reçu par Hitler en présence de l’accusé von Neurath. A cette occasion, Hitler déclara :

« II n’y aura aucun changement dans le Statut juridique et politique de Dantzig. Les droits de la population polonaise de Dantzig seront respectés ; les droits de la Pologne à Dantzig ne seront pas violés.

« A deux reprises, Hitler déclara avec emphase : « Dantzig ist mit Polen verbunden » (Dantzig est liée à la Pologne).

« Paragraphe 8. — Les premières allusions à un changement du Statut de Dantzig furent faites par l’accusé Ribbentrop, le 25 octobre 1938. Il fit allusion à la réunion de Dantzig au Reich en échange d’une prolongation de l’entente germano-polonaise pour 25 ans et de la garantie des frontières germano-polonaises. La Pologne conserverait les voies ferrées et certaines facilités économiques en compensation de son consentement à la construction d’une autoroute extra-territoriale et d’une ligne de chemin de fer à travers la Poméranie.

« Cette proposition fut écartée.

« Paragraphe 9 (page 221, partie 2 du livre de documents, volume I). — Plus tard, l’accusé Ribbentrop, lors de sa visite à Varsovie, assura le Gouvernement polonais qu’il n’y aurait pas de politique du « fait accompli » sur le territoire de la Ville Libre (25-27 janvier 1939). »

Comme on le sait, au cours des derniers mois qui ont précédé le 1er septembre 1939, des forces allemandes étaient concentrées sur la frontière germano-polonaise et un incident de frontière eut lieu. Je pense que les raisons qui ont provoqué ces incidents seront rendues évidentes quand j’aurai donné lecture des notes jointes au « Cas Vert », document PS-388, signé par Jodl.

Le 15 avril 1939, feu le Président des États-Unis d’Amérique, Franklin Delano Roosevelt, adressait un appel au monde et aux dirigeants de l’Allemagne et de la Pologne dans le but de prévenir les complications qui pourraient survenir en Europe.

Le 28 avril et le 5 mai 1939, le Gouvernement polonais proposait au Gouvernement de l’Allemagne hitlérienne une solution pratique du problème de la Ville Libre de Dantzig.

Le 23 août 1939, le roi des Belges faisait à la radio un appel au monde en faveur de la paix.

Le 24 août 1939, le Président des État-Unis d’Amérique adressait un autre appel aux dirigeants du Reich et du Gouvernement polonais.

Sur les conseils de l’ambassadeur britannique à Varsovie, l’ambassadeur polonais à Berlin rencontrait Ribbentrop le 31 août.

Je voudrais maintenant citer les paragraphes 18 et 19 du document URSS-93, marqués au crayon rouge à la page 6 de l’original russe (dans le livre de documents, à la page 22, volume I, partie 2) :

« Paragraphe 18. — La note allemande contenant les conditions dans lesquelles le différend avec la Pologne aurait pu être réglé a été diffusée par la radio allemande, le 31 août 1939, à 9 heures du soir. Cette note ne fut cependant remise à l’ambassadeur polonais que dans la soirée du 1er septembre 1939, quelques heures après que les Forces armées allemandes eurent commencé la conquête du territoire polonais, par air et sur terre, le 1er septembre 1939, au petit jour.

« Paragraphe 19. — Ainsi, l’Allemagne a attaqué la Pologne en violation de ses engagements internationaux, sans déclaration de guerre préalable et à un moment où elle avait donné au Gouvernement polonais la certitude que des pourparlers auraient lieu entre les deux pays dans le but de régler le différend par des moyens pacifiques. »

Je possède actuellement un document original relatif au problème de Dantzig et découvert par l’Armée rouge dans les archives du ministère des Affaires étrangères allemandes. Je le soumets au Tribunal sous le n° URSS-185. Je tiens à signaler que, conformément au désir exprimé hier par le Tribunal, nous avons ajouté à la photocopie qui figurait déjà au dossier l’original de ce document de haute valeur historique ; il est maintenant à la disposition du Tribunal.

A la première page, on voit une formule télégraphique qui prouve qu’à 5 heures du matin, le 1er septembre 1939, un télégramme a été remis au bureau du télégraphe de Dantzig. Enregistré sous le n° 0166, il comporte 202 mots et est adressé au Führer et Chancelier du Reich, à Berlin.

A la seconde page, le texte de ce télégramme de 202 mots qui porte le cachet du Gauleiter du parti national-socialiste à Dantzig. Je me permettrai de lire ces 202 mots qui sont entrés dans l’histoire des crimes des conspirateurs nazis contre la paix.

« Télégramme au Führer :

« Mon Führer,

« Je viens de signer, et par là de faire entrer en vigueur, la loi organique suivante relative à la réunion de Dantzig à l’empire allemand : « Loi organique de la Ville Libre de Dantzig, en date « du 1er septembre 1939, relative à la reunion de Dantzig à l’empire allemand.

« Dans le but de mettre fin à la grande misère du peuple et de l’État de la Ville Libre de Dantzig, je promulgue la loi organique « suivante :

Article premier

La Constitution de la Ville Libre de Dantzig est immédiatement abrogée.

Article 2. — Les pouvoirs législatif et exécutif seront désormais exercés exclusivement par le chef de l’État.

Article 3. — La Ville Libre de Dantzig, son territoire et sa « population, deviennent immédiatement partie intégrante de l’empire allemand,

Article 4. — Jusqu’au moment où le Führer aura pris la décision d’introduire à Dantzig le Droit allemand, toutes les lois en vigueur au moment de la promulgation de la présente loi organique, à l’exception de la Constitution, restent en vigueur.

« Dantzig, 1er septembre 1939.

Albert Forster, Gauleiter.

Je vous demande, mon Führer, au nom de Dantzig et de sa population, de ratifier cette loi organique et de confirmer par une loi du Reich la réunion de Dantzig à l’empire allemand.

Dantzig vous adresse avec enthousiasme, mon Führer, l’expression de sa reconnaissance infinie et de sa fidélité éternelle.

Heil mein Führer. Albert Forster, Gauleiter. »

Maintenant qu’ont été soumis au Tribunal les documents qui révèlent la véritable ligne de conduite des conspirateurs nazis à l’égard de la Pologne, il me semble opportun de me reporter, ne fût-ce que sommairement, à des extraits du « Cas Weiss et des discours et déclarations de Hitler et de Ribbentrop, après quoi je donnerai lecture d’un autre document, sous le n° URSS-172. Ce document est constitué par les notes secrètes de Bormann sur une conférence au sujet de la Pologne qui eut lieu le 2 octobre 1940 chez Hitler.

Le 30 janvier 1934, Hitler prononça un discours en sa qualité de Chancelier du Reich ; ce discours était consacré à une série de questions, parmi lesquelles celle des relations avec la Pologne.

Il n’est pas nécessaire de le citer en détail ; nous ne nous occuperons pour le moment que de deux ou trois phrases. Je lis quelques extraits du document TC-70 :

« Il me semble que nous devons montrer, par un exemple concret, que les différends qui sont, il est vrai, indéniables, ne doivent pas nous empêcher de découvrir un modus vivendi qui servirait utilement la cause de la paix et le bien-être des deux peuples. »

Je passe plusieurs paragraphes et je vais lire une des phrases de la fin.

LE PRÉSIDENT

Colonel Pokrovsky, on me fait remarquer, et j’interviens pour l’exactitude du procès-verbal, que le document est daté, non pas du 30 janvier 1934, mais du 30 janvier 1943. Etes-vous d’accord ?

COLONEL POKROVSKY

Dans mon exposé, j’ai la date du 30 janvier 1934.

LE PRÉSIDENT

Oui, c’est exact.

COLONEL POKROVSKY

Je continue la citation qui termine cette déclaration de Hitler :

« Le Gouvernement allemand est résolu et se trouve prêt à poursuivre ses relations politiques et économiques avec la Pologne dans le cadre du présent accord, afin que cette période de réserve stérile cède la place à une collaboration efficace.

Le Chancelier a exprimé ici la satisfaction qu’il éprouvait de voir éclaircis les rapports entre Dantzig et la Pologne. »

Le 26 septembre 1938, dans un de ses discours habituels, Hitler parla à nouveau de la Pologne. Il me paraît indispensable de lire un court passage de ce discours (document TC-29) :

« Le problème le plus complexe auquel j’ai dû faire face était celui des relations germano-polonaises. Le danger était que l’idée d’une hostilité mutuelle implacable s’emparât de l’imagination de notre peuple et de celle du peuple polonais. Je voulais écarter ce danger. »

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de lire le document in extenso et je passe quelques phrases :

« Exactement un an plus tard, il a été possible d’arriver à un accord qui, en premier lieu, écartait le danger d’un conflit pour une période de dix ans.

Nous sommes tous convaincus que cet accord nous conduira à une paix durable. Nous reconnaissons que cette question concerne deux peuples qui doivent vivre côte à côte et dont l’un ne peut éliminer l’autre. Un État de 33 000 000 d’habitants s’efforcera toujours de trouver un débouché sur la mer.

C’est pour cela qu’il fallait trouver un moyen de compréhension mutuelle. Nous l’avons trouvé et il ne cessera de se consolider. »

En parfait accord avec ce discours officiel et mensonger d’un bout à l’autre, l’accusé Ribbentrop déclarait à Varsovie, le 25 janvier 1939 (citation extraite du document PS-2530) :

« C’est un élément fondamental de la politique extérieure de l’Allemagne que de raffermir progressivement et d’approfondir les relations entre l’Allemagne et la Pologne, sur la base de l’accord existant entre les deux pays, et conformément à la ferme volonté du Führer. »

Je passe un paragraphe de ce document, déjà présenté sous le n° PS-2530, et je n’en lirai qu’une seule phrase :

« Ainsi, la Pologne et l’Allemagne peuvent envisager l’avenir avec une confiance entière, en se fondant sur la base solide de leurs rapports mutuels. »

Dois-je rappeler que dans le document déjà présenté sous le n° L-79 qui constitue le compte rendu de la réunion du 23 mai 1939 chez Hitler, à la nouvelle Chancellerie du Reich, celui-ci prononça, parmi d’autres déclarations et arguments de caractère agressif, la phrase suivante :

« Il n’est donc pas question d’épargner la Pologne et nous sommes toujours décidés à l’attaquer à la première occasion. Nous ne pouvons pas compter sur la répétition de l’opération contre la Tchécoslovaquie. Cette fois-ci, ce sera la guerre. »

Il faut dire, en toute équité, que cette guerre ne fut une surprise que pour la Pologne. Les conspirateurs fascistes s’y étaient, depuis longtemps, soigneusement préparés. Je passe maintenant au document C-120 dont une grande partie a déjà été lue au Tribunal. J’aimerais en présenter quelques extraits relatifs au complot nazi contre la Pologne et dont il n’a pas encore été donné lecture. Je voudrais attirer votre attention sur quelques phrases qui ont pu échapper à l’attention du Procureur chargé de présenter ce document, car elles traitent de détails relativement peu importants. Mais ces phrases sont décisives et de première importance, car elles sont extrêmement caractéristiques et nécessaires à la bonne compréhension des documents que je présente actuellement.

Ce document porte la cote C-120 :

« Pour officiers supérieurs seulement. Très secret. Question concernant le chef d’État-Major. A transmettre seulement par un officier.

« Quartier Général des Forces armées WFA 37/39 Chefsache (L-Ia). »

Ceci précède le texte du document. Son objet est indiqué comme suit :

« Objet

Instructions pour les Forces armées en 1939/1940. Les directives concernant les préparatifs à entreprendre de manière uniforme dans toute l’Armée pour 1939/1940 sont renouvelées. »

Cette phrase indique clairement que dès avant le 3 avril 1939 des instructions avaient été données à ce sujet.

Au paragraphe 3 de ce document, il est dit :

« L’avis des trois parties de la Wehrmacht ainsi que les bases. d’un plan chronologique devront être soumis à l’OKW pour le 1er mai 1939. »

Dès le 1er mai 1939, l’Allemagne avait prévu un plan d’agression contre la Pologne, modernisé et minutieusement préparé, et Hitler n’attendait que le moment opportun pour déclarer, après avoir fait mine d’être outragé, qu’il n’avait plus d’autre moyen que d’anéantir la Pologne.

Dans l’une des annexes au document que je suis en train de présenter (elle porte aussi le n° C-120 mais n’a pas encore été lue), se trouve un passage de grande importance. Ce document est signé par Hitler et daté du 11 avril 1939. Il a été fait en cinq exemplaires. J’apporte en preuve le second exemplaire :

« Directives concernant les préparatifs à entreprendre de manière uniforme dans toute l’Armée pour 1939/1940.

J’exposerai à une date ultérieure les objectifs futurs des Forces armées et les préparatifs de guerre qui en découlent.

En attendant la parution de ces directives, l’Armée doit être prête à accomplir les missions suivantes :

1. Protection des frontières du Reich et défense contre une attaque aérienne par surprise ;

2. Opération « Weiss » ;

3. Occupation de Dantzig. Hitler »

Je désirerais donner lecture du premier paragraphe de l’appendice 3, intitulé « Occupation de Dantzig » :

« Dans le cas d’une situation politique favorable, la question d’une occupation par surprise de la Ville Libre de Dantzig peut se poser indépendamment du « Cas Weiss. »

Je pense que nous pouvons nous dispenser de lire le reste du document. Il est intéressant de remarquer que, suivant les plans allemands, l’occupation de Dantzig était considérée soit comme une partie de l’agression contre la Pologne, soit, dans le cas de circonstances politiques différentes, comme une opération totalement indépendante mais que, dans les deux cas, elle était préparée bien à l’avance.

Cette série de documents, qui porte le n° C-120, contient une instruction très secrète destinée exclusivement aux officiers supérieurs et à ne transmettre que par officier. Il est important de remarquer que l’objet de ce document qui a déjà été présenté au Tribunal est indiqué comme suit :

« Instructions relatives aux préparatifs de guerre à entreprendre de façon uniforme dans toute l’Armée pour les années 1939/1940 ».

Ce document, comme les précédents, n’était pas destiné à être largement divulgué. Il n’a été tapé qu’en sept exemplaires : les conspirateurs nazis se souciaient peu de rendre publics leurs plans de préparation à la guerre.

Toujours dans l’annexe à l’instruction OKW 37/39, que j’ai déjà présentée au Tribunal et qui est intitulée : « Instruction spéciale concernant l’opération Weiss », il y a une phrase extrêmement caractéristique :

« En cas de déclaration officielle de la mobilisation générale (plan Mob), la mobilisation s’étendra automatiquement à tout le secteur civil, y compris l’industrie de guerre. Cependant, il ne faut pas compter sur une déclaration officielle de mobilisation si les événements militaires se limitent au « Cas Weiss ».

Il me paraît hautement significatif que les conspirateurs fascistes, bien qu’ils aient été pleinement conscients du fait qu’ils envisageaient la guerre, et non pas seulement une possibilité de guerre, comptaient réaliser leurs projets criminels sans déclarer officiellement la mobilisation.

Je voudrais souligner enfin que dans l’ordre adressé par Keitel aux Forces armées sous le n° 37/39, le 3 avril 1939, au sujet de l’opération « Weiss », se trouvent, pour information, les instructions suivantes de Hitler :

« 1. Le plan de l’opération Weiss doit être élaboré de façon à rendre l’exécution possible à n’importe quel moment, à partir du 1er septembre 1939. »

Nous savons que l’invasion de la Pologne commença justement le 1er septembre 1939, c’est-à-dire le premier jour où les Forces armées allemandes devaient être définitivement prêtes.

L’ordre d’opération n° 1, 25.039, adressé le 21 août 1939 au commandement du groupe naval « Est », à bord du cuirassé « Schleswig-Holstein », donnait l’indication suivante (le document a déjà été présenté au Tribunal sous forme de photocopie en allemand) :

1. Situation.

a) Politique : les Forces armées doivent être défaites avec une rapidité foudroyante afin qu’il soit possible de créer à l’Est une situation favorable à la défense du pays. La Ville Libre de Dantzig sera déclarée Ville du Reich. »

II est bon de se rappeler cette phrase quand on parle de la « libre expression de la volonté du peuple de Dantzig » qui, disaient-ils, s’efforçait d’être rattaché au Reich. Il ne faut pas oublier que cette expression de sa volonté était clairement prévue par l’ordre d’opération n° 1 cité plus haut, et cela pour le jour même.

Pour conclure, j’estime qu’il est nécessaire de lire, dans sa presque totalité, un document assez long mais d’une importance exceptionnelle. Je veux parler d’une note rédigée par l’accusé Bor-mann, le 2 octobre 1940, au sujet d’un entretien concernant la Pologne. Cet entretien figure à la page 311, volume I, partie 2 du livre de documents :

Secret

Berlin, le 2 octobre 1940.

Note — Le 2/10/1940, après un dîner dans les appartements du Führer, une discussion s’est élevée au sujet de la forme du Gouvernement Général, du traitement à appliquer aux Polonais et de l’incorporation, déjà décidée par le Führer, des districts de Petrikau et de Tomaschow à la province de Warthe.

« L’entretien commença par une déclaration du Reichsminister, le Dr Frank, annonçant au Führer que les opérations dans le Gouvernement Général pouvaient être considérées comme très réussies. A Varsovie et dans les autres villes, les Juifs avaient été enfermés dans des ghettos. Cracovie en serait bientôt débarrassée. »

Je pense qu’il est possible de sauter quelques paragraphes.

« Le Führer souligna ensuite le fait que les Polonais, contrairement à nos ouvriers allemands, sont nés spécialement pour des bas travaux. Nous devons offrir à nos ouvriers allemands toutes les possibilités d’avancement. En ce qui concerne les Polonais, cette question ne se pose même pas. Au contraire, il est nécessaire de maintenir le niveau de vie très bas en Pologne, et il ne faut pas qu’il lui soit possible de s’élever. »

« Le Gouvernement Général ne doit en aucun cas constituer une région économique isolée et homogène. Il ne doit pas fabriquer de façon autonome, en totalité ou en partie, les produits manufacturés qui lui sont indispensables. Le Gouvernement Général est notre source de main-d’œuvre non spécialisée pour les travaux tels que fabrication de briques, construction de routes, etc.

« Il est impossible, comme l’a déjà dit le Führer, de changer la nature du Slave. Alors que nos ouvriers allemands sont, en règle générale, consciencieux et laborieux par nature, les Polonais sont paresseux et il faut les obliger à travailler.

« D’ailleurs, il n’y a pas de raison pour que le Gouvernement Général devienne une région économique autonome. Les richesses du sol lui manquent et, même si elles existaient, les Polonais seraient incapables de les utiliser.

« Le Führer expliqua que les grands domaines fonciers étaient indispensables au Reich pour ravitailler ses grandes villes. Ces grands domaines, ainsi que les autres entreprises agricoles, ont besoin, pour le travail de la terre et la rentrée de la moisson, de main-d’œuvre, en particulier de main-d’œuvre à bon marché... Dès que sera finie la période de la moisson, les ouvriers pourront retourner en Pologne, car s’ils travaillaient dans l’agriculture toute l’année, ils consommeraient eux-mêmes une part considérable de la récolte. La meilleure solution consisterait donc à importer de Pologne des travailleurs saisonniers pour les semailles et la moisson.

« Nos régions industrielles sont surpeuplées, tandis que, d’autre part, la main-d’œuvre manque dans l’agriculture. C’est là que nous pouvons utiliser les ouvriers polonais. Il serait donc bon d’avoir, dans ce but, un excédent de main-d’œuvre dans le Gouvernement Général ; on pourra ainsi y prendre chaque année les ouvriers nécessaires au Reich. Il est indispensable d’avoir présent à l’esprit que les seigneurs polonais devront cesser d’exister ; là où il y en aura, aussi cruel que cela puisse paraître, ils devront être anéantis.

Il est évident qu’il ne doit pas y avoir de rapports sexuels avec les Polonais. En conséquence, il serait bon que des moissonneurs polonais des deux sexes arrivent dans le Reich. Ce que seront leurs relations mutuelles dans leurs camps nous est parfaitement indifférent et aucun protestant zélé ne devra fourrer son nez dans ces affaires.

Le Führer souligna une fois de plus que, pour les Polonais, il ne devait y avoir qu’un seul maître : l’Allemand. Il ne peut pas et il ne doit pas y avoir deux maîtres côte à côte ; aussi tous les représentants de l’Intelligentsia polonaise devront être anéantis. Cela peut paraître cruel, mais c’est la loi de la vie.

« Le Gouvernement Général constitue une réserve de main-d’œuvre polonaise, un grand camp de travail polonais. Les Polonais y trouveront également leur avantage, car nous veillerons à ce qu’ils ne meurent pas de faim, etc., mais jamais ils ne devront être élevés à un niveau supérieur, car ils deviendraient alors des anarchistes et des communistes. Pour cette raison, il serait bon que les Polonais restent catholiques. Les prêtres polonais recevront de nous leur nourriture et, en contre-partie, ils dirigeront leurs brebis dans les voies qui nous sembleront souhaitables. Les prêtres seront payés par nous et en retour ils prêcheront ce que nous voudrons. Si l’un d’eux agit de façon différente, nous serons brefs. La tâche du prêtre consiste à maintenir les Polonais calmes, sots et bornés ; cela est entièrement dans notre intérêt, mais si les Polonais s’élèvent à un niveau de développement supérieur, ils cesseront de constituer la main-d’œuvre qui nous est indispensable. Pour le reste, il suffira que le Polonais possède dans le Gouvernement Général un petit terrain ; il n’est pas du tout nécessaire que ce soit une grande ferme. C’est en Allemagne qu’il devra gagner l’argent qui lui est indispensable pour sa subsistance. C’est précisément de cette main-d’œuvre à bon marché que nous avons besoin. Le fait qu’elle soit peu coûteuse sera à l’avantage direct de chaque Allemand et de chaque ouvrier allemand. Il doit y avoir dans le Gouvernement Général une administration allemande sévère pour maintenir l’ordre parmi les Polonais. Ces réserves représentent pour nous un soutien de notre agriculture, et plus particulièrement de nos grandes propriétés foncières. De plus, elles représentent une source de main-d’œuvre. »

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de lire le compte rendu de l’échange de vues entre les personnes présentes, bien qu’il soit reproduit dans le document, et j’en viens tout de suite aux conclusions de Hitler :

Pour résumer, le Führer souligna une fois de plus les points suivants :

« 1° Le dernier ouvrier allemand et le dernier paysan allemand devront toujours se trouver, au point de vue économique, à 10% au-dessus de n’importe quel Polonais. »

Je passe le deuxième paragraphe et j’en viens au troisième qui est plus intéressant :

3° Je ne veux pas, souligna le Führer, qu’en règle générale l’ouvrier allemand travaille plus de 8 heures par jour lorsque les conditions seront redevenues normales. Mais si un Polonais travaille 14 heures par jour, il devra néanmoins gagner moins que l’ouvrier allemand.

4° L’idéal serait le suivant : le Polonais devrait posséder dans le Gouvernement Général un petit terrain qui assurerait dans une certaine mesure sa subsistance et celle de sa famille. L’argent indispensable pour l’acquisition de ses vêtements, de la nourriture complémentaire, etc., devra être gagné par lui en Allemagne. Le Gouvernement Général devra devenir un réservoir de main-d’œuvre saisonnière non qualifiée et plus particulièrement d’ouvriers agricoles. L’existence de ces ouvriers sera pleinement assurée, puisqu’ils seront toujours utilisés en tant que main-d’œuvre à bon marché. »

La clarté irréfutable que projette ce document sur l’attitude de Hitler à l’égard de la Pologne et de la nation polonaise dispense de tout commentaire.

Je vous prie seulement d’accorder votre attention à trois points :

1° Hitler déclare clairement et développe en détail son idée que, dans le nouvel ordre nazi en Europe, le peuple polonais et l’État polonais ne doivent constituer qu’un camp de travail polonais pour l’Allemagne fasciste.

2° Hitler est persuadé que les Polonais trouveront leur avantage dans cette situation, puisque les conspirateurs fascistes ont l’intention de prendre soin de la santé et de la subsistance des Polonais qu’ils auront réduits en esclavage.

Je vous prie de remarquer que par « existence satisfaisante », Hitler entend une situation dans laquelle n’importe quel Polonais devra être maintenu à un niveau économique considérablement inférieur à celui du dernier des Allemands.

Par « prendre soin », il entend que le niveau de vie en Pologne soit bas et ne s’élève pas, afin qu’aucun Polonais ne puisse gagner sa vie autrement que par un épuisant travail de manœuvre, 14 heures par jour.

Hitler, enfin, prévoit l’anéantissement de toute la classe intellectuelle et affirme cyniquement qu’il ne doit exister pour les Polonais qu’un seul maître : l’Allemand.

Au cours des présentations de documents ultérieures, nous prouverons que Hitler et ses acolytes, les membres du complot fasciste, avaient pour but d’anéantir le peuple polonais, de ramener son existence au plus misérable niveau de pauvreté. Cette existence elle-même n’était considérée comme possible que dans la mesure où elle procurait aux « seigneurs » fascistes une main-d’œuvre à bon marché.

LE PRÉSIDENT

Ne serait-il pas temps de suspendre l’audience ?

(L’audience sera reprise le 11 février 1946 à 10 heures.)