CINQUANTE-HUITIÈME JOURNÉE.
13 février 1946.
Audience du matin.
Je me suis arrêté hier soir au « Cas Barbarossa » qui envisageait la nécessité d’anéantir l’Armée rouge, de rendre impossible la retraite de ses unités de combat à l’intérieur du pays, et qui prévoyait l’avance rapide des envahisseurs fascistes allemands jusqu’à une ligne d’où l’Aviation soviétique ne pourrait plus atteindre le territoire du Reich.
Le but final du « Cas Barbarossa » était l’établissement d’une ligne fortifiée Astrakhan-Arkhangelsk, la destruction par l’Aviation de la région industrielle de l’Oural, la conquête de Leningrad et de Kronstadt et enfin, comme objectif décisif, la prise de Moscou.
Les buts politiques qui ont déterminé les plans militaires ont été formulés par les hitlériens dans de nombreux documents cités devant le Tribunal. Ils furent tout particulièrement exposés au cours de la conférence au Quartier Général de Hitler le 16 juillet 1941. Ce document a été présenté par le Ministère Public américain sous le n° L-221 ; vous le trouverez à la page 141 du livre de documents. Lors de cette réunion, Hitler, Göring, Rosenberg, Keitel et d’autres conspirateurs fascistes décidèrent — du moins le croyaient-ils — du sort ultérieur de l’Union Soviétique.
La Crimée avec les régions limitrophes de l’Ukraine, les Pays Baltes, les forêts du Beilostok et la presqu’île de Kola étaient déclarés « réunis à l’Allemagne ». Les colonies de la Volga devaient également devenir provinces du Reich. La région de Bakou était considérée comme une colonie militaire allemande. A la Roumanie, on donnait la Bessarabie et Odessa ; à la Finlande, la Carélie de l’Est, Leningrad et la province de Leningrad.
Comme vous le savez, Messieurs, les hitlériens se sont toujours efforcés de tenir secrets leurs plans de rapines. A la même conférence au Quartier Général, le 16 juillet 1941, Hitler déclara par exemple :
« Il est très important de ne pas dévoiler nos plans au monde entier, de ne pas encombrer notre route par des explications superflues et il importe de motiver nos actions par le point de vue tactique. »
L’accusé Rosenberg, au cours d’une conférence sur les questions de l’Est — le Ministère Public américain a présenté ce document sous le n° PS-1058 — déclara, le 20 juin 1941 :
« La tactique a une grande importance et les idées politiques seront définies dans chaque cas particulier quand tel ou tel mot d’ordre pourra être rendu public. »
Cette citation de Rosenberg figure à la page 17 du texte russe du document, qui correspond à la page 201 du livre de documents.
Étant donné ces circonstances, Messieurs, il semble utile de se référer à quelques déclarations des criminels de guerre fascistes qui se rapportent à la période où ils envisageaient la possibilité de faire connaître quelques-uns de leurs buts politiques.
En 1941 et 1942, les hordes fascistes ont envahi une partie importante du territoire de l’Union Soviétique ; elles s’approchaient de Moscou ; des combats étaient engagés sur les bords de la Volga. Le spectre de la Grande Allemagne dominant le monde guidait les yeux des conspirateurs hitlériens. Le moment opportun dont l’accusé Rosenberg avait parlé arriva apparemment quand les criminels fascistes purent « rendre publics quelques-uns de leurs mots d’ordre politiques ». J’ai présenté au Tribunal, sous le n° URSS-58, un document tiré des archives de l’accusé Rosenberg et se rapportant à la question de la politique allemande dans les régions occupées du Caucase. Je vous demande de vous référer à nouveau à ce document qui se trouve à la page 203 du livre de documents. A la page 9 du texte russe figure l’extrait suivant qui décrit la façon dont Rosenberg, le 27 juillet 1942, résolvait le problème de l’Est.
« Le problème de l’Est consiste à faire passer les peuples baltes sous l’influence de la culture allemande et à préparer à l’Allemagne des frontières militaires largement conçues. Le problème de l’Ukraine consiste à assurer des ressources alimentaires à l’Allemagne et à l’Europe et des matières premières au continent. Le problème du Caucase est avant tout un problème politique, et sa solution réside dans l’extension de l’Europe continentale sous la direction de l’Allemagne, depuis l’isthme du Caucase jusqu’au Proche Orient. »
Le 27 novembre 1941, l’accusé Ribbentrop a fait un exposé sur la situation internationale, dont le texte a été publié dans le numéro 329-A du journal Hamburger Fremdenblatt. Je le dépose comme preuve sous le n° URSS-347. Ribbentrop s’exprimait ainsi :
« Voici comment je désirerais résumer les conséquences de cette défaite de la Russie soviétique et de l’occupation de la plus grande partie de la Russie européenne en 1941 :
« 1. Au point de vue militaire, le dernier allié de l’Angleterre sur le continent a, par là même, cessé d’être un facteur important. L’Allemagne et l’Italie avec leurs alliés deviennent ainsi inaccessibles en Europe. En outre, des forces colossales sont libérées.
« 2. Au point de vue économique, les Puissances de l’Axe avec leurs amis, et par cela même toute l’Europe, sont devenues indépendantes des pays transocéaniques. L’Europe s’est libérée une fois pour toutes de la menace du blocus. Le blé et les matières premières de la Russie européenne peuvent satisfaire entièrement les besoins de l’Europe. Son industrie de guerre servira à l’économie de guerre de l’Allemagne et de ses alliés, ce qui ne fera qu’accroître le potentiel de guerre de l’Europe. L’organisation de cet immense espace est déjà entreprise. De cette façon seront créés tous les facteurs décisifs pour la victoire finale de l’Axe et de ses alliés sur l’Angleterre. »
Je me permettrai de présenter encore un document sur le même sujet. C’est un discours prononcé par Goebbels à Munich, publié le 19 octobre 1942 par l’organe central du parti nazi, le Völkischer Beobachter, édition de l’Allemagne du Sud. Le texte de cette déclaration est présenté comme preuve au Tribunal sous le numéro URSS-250 ; il se trouve à la page 205 du livre de documents. Dans ce discours, Goebbels déclara :
« ... Nous avons conquis les régions les plus importantes pour la production du blé, du charbon et de la métallurgie dans l’Union Soviétique. Nous possédons aujourd’hui ce que l’ennemi a perdu, ce qu’il a doublement perdu, puisque, comme le disait Adam Riese, ce qui manque à l’adversaire nous revient. Dans le passé, nous étions un peuple sans espace ; il n’en est plus de même aujourd’hui. Nous n’avons plus qu’à donner une forme définitive à l’espace que nos soldats ont conquis, à l’organiser, et à le faire fructifier à notre profit, ce qui demande un certain temps. Mais si les Anglais affirment que nous avons perdu la guerre parce que nous avons perdu du temps, cette affirmation prouve seulement leur complète incompréhension de la situation. Le temps travaille seulement contre celui qui n’a ni espace ni matières premières. Si nous utilisons le temps pour l’organisation des espaces conquis, ce temps travaillera pour nous et non pas contre nous. »
Ce que Goebbels, Ribbentrop et Rosenberg disaient de l’utilisation des espaces conquis par les soldats prenait à l’OKW la forme de plans pour une agression ultérieure.
Le document C-57 présente à cet égard de l’intérêt : je le soumets au Tribunal sous le n° URSS-336 et vous demande de l’accepter comme preuve. C’est une lettre de l’État-Major de la Marine allemande adressée aux Commandants en chef des groupes Ouest, Nord et Sud, qui a été découverte dans les archives allemandes par les armées alliées. Elle se trouve aux pages 209 et 210 du livre de documents et porte le titre : « Le problème de la conduite ultérieure de la guerre à la suite de la campagne de l’Est. » Elle porte le numéro 1385 et la date du 8 août 1941. A cette époque les conspirateurs fascistes considéraient que la victoire sur l’Union Soviétique n’était plus qu’une question de temps et ils projetaient déjà une agression ultérieure. La lettre que je vais citer commence par les mots :
« L’État-Major de la Marine a reçu un projet des directives du Führer sur ses intentions ultérieures à la fin de la campagne de l’Est.
« Les propositions ci-dessous donnent une idée générale de ces intentions. Elles sont destinées à une orientation personnelle des Commandants en chef et de leurs chefs d’État-Major. »
Suit la deuxième partie qui expose en huit paragraphes les plans militaires des hitlériens après l’achèvement de la campagne de l’Est. Je passe, Messieurs, les deux premiers points où il est question de ce que l’on appelle « la pacification » des régions occupées de l’Est et de la distribution sur d’autres fronts des troupes devenues disponibles.
Le paragraphe du document cité expose les intentions des conspirateurs fascistes quant à l’Afrique du Nord. Je cite :
« Renforcer les armées d’Afrique du Nord d’une manière suffisante pour assurer la prise de Tobrouk. Pour réaliser selon les plans prévus les transports nécessaires, il est indispensable de renouveler les raids aériens allemands sur Malte.
« Si le transport prend la tournure prévue, on peut compter sur une campagne à Tobrouk vers le milieu de septembre, si les conditions atmosphériques ne nous imposent pas un retard. »
Au mois d’août 1941, les hitlériens comptaient mettre la main sur Gibraltar avec l’aide de l’Espagne dans le courant de cette même année.
Le paragraphe 4 de la deuxième partie de la lettre prévoyait que le plan « Félix », la saisie de Gibraltar avec la participation active de l’Espagne, devait être réalisé dès 1941.
Les hitlériens projetaient également l’exécution d’une attaque sur la Syrie et la Palestine en direction de l’Egypte. Au paragraphe 5 de la même lettre, il est dit :
« Dans le cas où, après la conclusion de la campagne de l’Est, on réussirait à mettre la Turquie de notre côté, on prévoira une attaque de la Syrie et de la Palestine en direction de l’Egypte, après une période minimum de 85 jours pour la préparation des forces indispensables, et après s’être assuré préalablement le passage par les Dardanelles et l’amélioration des conditions de transport en Anatolie et en Turquie avec l’aide allemande. »
Deux paragraphes plus loin, dans la même lettre, le paragraphe 8 contient une variante possible de ce plan :
« Au cas où la Turquie ne passerait pas de notre côté, même après la défaite de la Russie soviétique, l’attaque vers le Sud, par l’Anatolie, sera exécutée à rencontre de cette volonté. »
L’Egypte, Messieurs, occupait une grande place dans le plan d’agression fasciste. On en parle dans les paragraphes 6 et 7 de la deuxième partie de la lettre que je viens de citer. Au paragraphe 6, on remarque — et je cite :
« Une attaque sur l’Egypte par la Cyrénaïque, après la chute de Tobrouk, ne peut être réalisée avant la fin de 1941 ou le début de 1942. »
Au paragraphe 7 :
« Si la défaite de la Russie soviétique crée des conditions favorables, on prévoit l’avance d’un corps expéditionnaire motorisé par la Transcaucasie, en direction du Golfe Persique, de l’Iran, de la Syrie, de l’Egypte. En raison des conditions météorologiques, cette attaque ne sera possible qu’au début de 1942. »
Le document que je viens de présenter au Tribunal apporte la preuve de la tournure des événements qu’envisageaient les conspirateurs fascistes au cas où les troupes de l’Armée rouge ne les auraient pas arrêtés dans leur attaque. Les agresseurs fascistes comptaient sur une guerre éclair pour détruire l’Union Soviétique, piller ses richesses, soumettre le peuple soviétique et s’ouvrir ainsi la voie à la maîtrise du monde.
J’en suis arrivé, Messieurs, à la fin de mon exposé. Permettez-moi, en terminant la présentation des documents concernant l’agression des criminels fascistes contre l’Union Soviétique, de tirer brièvement les conclusions principales suivantes :
1. L’intention criminelle de l’agression contre l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques pour l’utilisation de ses richesses en vue d’une agression ultérieure avait mûri dans l’esprit des conspirateurs fascistes bien avant que cette agression eût été déclenchée.
2. Les préparatifs militaires directs de l’agression contre l’Union Soviétique ont été étudiés par les criminels fascistes au moins pendant un an et non seulement en Allemagne mais encore dans les pays satellites et en premier lieu en Roumanie, en Finlande et en Hongrie.
3. La réalisation des buts criminels de l’agression fasciste, qui consistait à anéantir une population paisible par la dévastation de l’Union Soviétique et la spoliation de territoires lui appartenant, fut minutieusement préparée, longtemps avant cette agression elle-même.
Heureusement pour tous les pays du monde amis de la liberté, l’Union Soviétique, le peuple soviétique et l’Armée rouge ont brisé complètement les plans haineux des conspirateurs nazis. L’Armée rouge a non seulement endigué et arrêté l’agression fasciste mais, avec les armées alliées, elle a mené l’Allemagne hitlérienne à la catastrophe définitive et les criminels fascistes au banc des accusés.
Mon exposé est terminé.
Messieurs les Juges. La tâche m’incombe de vous présenter aujourd’hui les documents relatifs à la violation criminelle des lois et coutumes de la guerre dans le traitement des prisonniers de guerre.
Avant de commencer l’exposé des preuves du crime le plus grave commis par les accusés à l’égard des prisonniers capturés par l’Armée allemande, il me semble indispensable de faire quelques brèves remarques :
Dès la fin du siècle dernier, la Convention de la Haye de 1899 a fixé les règles qui régissent les droits et les devoirs des pays belligérants à l’égard des prisonniers de guerre. Se basant sur les dispositions de la Convention de 1899, un certain nombre d’États ont élaboré les instructions adéquates sur le traitement des prisonniers de guerre. Je voudrais citer trois ou quatre phrases tirées de ces instructions :
« Le seul but de la détention de prisonniers de guerre est d’empêcher leur participation ultérieure à la guerre.
« Un Etat peut faire tout ce qui lui paraît utile pour garder ces prisonniers, mais rien de plus...
« Les prisonniers de guerre peuvent être employés à des travaux modérés en concordance avec leur situation sociale... En aucun cas, le travail ne devra être nuisible à leur santé ou avoir un caractère humiliant. Il ne doit pas servir directement aux opérations militaires dirigées contre la patrie des prisonniers...
« Bien que les prisonniers de guerre perdent leurs libertés, ils ne perdent pas leurs droits ; autrement dit, la détention militaire n’est pas un acte de pitié de la part du vainqueur, c’est le droit de celui qui est sans armes. »
Peut-être serez-vous étonnés quand vous saurez que je cite les instructions publiées en 1902 dans le dix-huitième cahier d’une circulaire de l’État-Major allemand.
Plus tard, le principe du traitement humain des prisonniers de guerre a été développé par la Convention de la Haye de 1907 et la Convention de Genève de 1929.
L’adhésion de l’Allemagne à ces conventions a trouvé une incidence définitive sur la loi allemande à propos de l’institution des cours martiales pour le temps de guerre. Je veux parler de la loi allemande du 17 août 1938, et en particulier, de l’article E, paragraphes 73 et 75, où l’on trouve les références directes à la convention de 1929. C’était au moment où l’Allemagne hitlérienne commençait déjà la réalisation de ses plans agressifs.
Je voudrais rappeler que l’article 23 de la Convention de la Haye de 1907 stipule :
« Il est interdit de tuer ou de blesser l’adversaire qui, ayant mis bas les armes et n’ayant plus aucun moyen de se défendre, s’est rendu sans conditions. »
On ne peut pas prétendre que le code abrégé des lois de la guerre qui a été en fait élaboré à la Haye et à Genève englobe toute la complexité des questions relatives aux lois de la guerre. Aussi les auteurs de ces textes ont-ils introduit une restriction spéciale, que je me permets de citer :
« Jusqu’au moment où se présentera l’occasion d’établir un code plus complet des lois de la guerre, les Hautes Parties contractantes (je rappelle au Tribunal que l’Allemagne était parmi celles-ci) trouvent opportun de certifier que dans les cas prévus par les statuts auxquels elles ont adhéré, la population et les belligérants restent sous la sauvegarde et l’emprise des principes du Droit international, pour autant que ces principes découlent des usages établis entre les peuples civilisés, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique. »
Je voudrais souligner que dans les annexes à la Convention sur les lois et coutumes de la guerre sur terre, deuxième conférence de la Paix de 1907, l’article 4 du chapitre 2, relatif aux prisonniers de guerre — vous trouverez l’extrait cité indiqué au crayon rouge à la page 4 de votre livre de documents — stipule :
« Les prisonniers de guerre sont au pouvoir des gouvernements ennemis, non des particuliers ou des détachements qui les ont faits prisonniers. On doit les traiter humainement. Tout ce qui leur appartient personnellement, à l’exception des armes, des chevaux et des papiers militaires, reste leur propriété. »
On peut donc considérer comme établi que les gouvernements d’un certain nombre de pays, y compris l’Allemagne, ont reconnu sans restriction leur devoir d’assurer un ordre dans lequel les prisonniers de guerre ne devaient pas souffrir de l’arbitraire de la part d’un représentant quelconque des forces armées de l’un quelconque de ces États.
Il faut naturellement en conclure qu’en cas de violation de ces obligations, la responsabilité de tout crime commis à rencontre d’un prisonnier de guerre, et, a fortiori, d’un système arrêté de crimes contre la dignité, la condition, la santé et la vie des prisonniers de guerre doit incomber au gouvernement du pays signataire de la Convention.
A la lumière des faits que je vais vous présenter sur la base de documents irréfutables, les engagements solennels de l’Allemagne sur le traitement des prisonniers de guerre apparaîtront comme une cynique raillerie des notions d’accord, de droit, de culture et d’humanité.
Je présente au Tribunal sous le n° URSS-51 une note, en date du 25 novembre 1941, de Vyacheslav Mikhailovitch Molotov, commissaire du peuple pour les Affaires étrangères, relative aux atrocités révoltantes commises par les autorités allemandes à l’égard des prisonniers de guerre soviétiques. Je lis certains extraits de cette note que vous trouverez à la page 5 du livre de documents qui vous a été présenté : « Le Gouvernement soviétique a connaissance de nombreux faits qui prouvent les atrocités systématiques et les actes de justice expéditive perpétrés par les autorités allemandes sur les prisonniers de l’Armée rouge et sur les officiers. Ces derniers temps, ces faits se sont particulièrement renouvelés et ont pris un caractère particulièrement flagrant, révélant ainsi une fois de plus que l’appareil militaire allemand et le Gouvernement allemand ne sont qu’une association de malfaiteurs qui ne comptent avec aucune règle de Droit international, avec aucune loi de la morale humaine.
« Le Commandement militaire soviétique a établi que très souvent les soldats de l’Armée rouge faits prisonniers, blessés pour la plupart, étaient soumis de la part du Commandement militaire allemand et des unités armées allemandes à des tortures atroces et massacrés. Les soldats de l’Armée rouge faits prisonniers sont torturés au fer rouge, on leur crève les yeux, on leur coupe les pieds, les mains, les oreilles et le nez, on leur coupe les doigts de la main, on leur ouvre le ventre, on les attache aux chars, on les déchire en morceaux. De tels actes fanatiques de ce genre et de tels crimes honteux, les officiers et les soldats fascistes les commettent sur toute l’étendue du front, partout où ils apparaissent et où les combattants et les officiers de l’Armée rouge tombent entre leurs mains.
« Ainsi, par exemple, sur le territoire de la République d’Ukraine, dans l’Ile de Chortitza, sur le Dniepr, après le départ des unités allemandes chassées par l’Armée rouge, on a trouvé des cadavres de prisonniers de l’Armée rouge torturés par les Allemands. Ces prisonniers avaient les mains coupées, les yeux crevés, le ventre ouvert. En direction du Sud-Ouest, près du village de Repki en Ukraine, après le départ des Allemands des positions qu’ils avaient occupées, on a découvert les cadavres du Commandant de bataillon Vobroff, du chef politique Piatigorsky et de deux combattants dont les mains et les pieds étaient cloués à des poteaux et sur le corps desquels des étoiles à cinq branches avaient été marquées au couteau chauffé à blanc. Les figures des morts étaient tailladées et brûlées. Au même endroit, dans le voisinage, on a trouvé encore le cadavre d’un soldat de l’Armée rouge qui, la veille, avait été fait prisonnier par les Allemands. Ses pieds étaient brûlés, ses oreilles coupées. Lors de la prise par nos unités du village de Cholmy (front du Nord-Ouest), on a découvert les cadavres méconnaissables de membres de l’Armée rouge : l’un d’eux avait été brûlé sur un feu de bois. C’était le soldat Ossipofl André, de la République du Kazakhstan. A la gare de Greygovo (République d’Ukraine), les unités allemandes ont fait prisonnier un petit groupe de soldats de l’Armée rouge et pendant plusieurs jours ne leur ont donné ni nourriture, ni eau. Ils ont coupé les oreilles, crevé les yeux, amputé les mains de quelques-uns d’entre eux, puis ils les ont tués à la baïonnette. Au mois de juillet de cette année, près de la gare de Choumilino, les unités allemandes ont fait prisonniers des groupes de soldats de l’Armée rouge grièvement blessés et les ont achevés sur place. Le même mois, dans la région de Borisov, (République de Biélorussie), les hitlériens ont capturé 70 soldats de l’Armée rouge et les ont tous empoisonnés à l’arsenic. Au mois d’août, près du village de Zabolotye, les Allemands ont pris sur le champ de bataille, 17 soldats de l’Armée rouge grièvement blessés. Pendant 3 jours, ils ne leur ont pas donné de nourriture. Ces 17 prisonniers de l’Armée rouge, qui perdaient leur sang en abondance, ont été attachés à des poteaux télégraphiques ; 3 d’entre eux moururent ; les 14 autres n’ont été sauvés d’une mort imminente que par l’arrivée de la section de chars soviétiques commandée par le lieutenant Rybine. Dans le village de Lagoutino, dans la région de Briansk, les Allemands ont attaché à deux chars un soldat de l’Armée rouge blessé et l’ont déchiré en morceaux. Sur l’un des points à l’Ouest de Briansk, non loin du khoikoze « Octobre rouge », on a trouvé 11 cadavres calcinés de combattants et d’officiers de l’Armée rouge capturés par les fascistes. Sur le dos et sur les mains de l’un des soldats apparaissaient les traces de tortures au fer rouge.
« On a enregistré une série de cas où le Commandement allemand, au moment d’une action, a poussé sous menace d’exécution les prisonniers de l’Armée rouge au devant de ses colonnes allant à l’attaque. De tels cas, en particulier, ont été enregistrés dans la région du khoikoze Vybory du district de Leningrad, dans la région d’Elné, district de Smolensk, dans la région de Gomel, district de la République de Biélorussie, dans la région de Poltava de la République d’Ukraine, et dans beaucoup d’autres endroits.
« Les soldats de l’Armée rouge blessés ou malades qui se trouvent dans les hôpitaux tombés aux mains des envahisseurs allemands sont systématiquement soumis à des tortures et à des atrocités. On rapporte de très nombreux cas où les soldats de l’Année rouge se trouvant dans des infirmeries ont été achevés sur place, lardés de coups de baïonnette ou fusillés par les fanatiques fascistes. Ainsi dans le village de Roudina, dans la région de Smolensk, des unités germano-fascistes ont pris l’hôpital de campagne soviétique et ont fusillé les soldats de l’Armée rouge blessés, les ambulanciers et les ambulancières. Parmi les victimes figurent les soldats Chalamofl, Assimoff, le lieutenant Dileieff, l’ambulancière Varya Boyko, âgée de 17 ans, et d’autres. On note de nombreux faits de violence et de viols de femmes quand les infirmières des hôpitaux tombaient aux mains des envahisseurs hitlériens. »
Cette même note rapporte un grand nombre de faits semblables. Elle poursuit :
« Parmi les soldats et les officiers de l’Armée hitlérienne le pillage est fréquent. Avec l’arrivée des froids de l’hiver, le pillage commence à prendre un caractère massif et rien n’arrête les bandits hitlériens dans leur chasse aux vêtements chauds. Non seulement ils arrachent les vêtements chauds et les chaussures aux combattants soviétiques tués, mais encore ils enlèvent littéralement tous les vêtements chauds aux blessés : bottes, chaussures, chaussettes, chandails, chemises de laine, passe-montagne, ils les déshabillent à nu et s’affublent de tout cela, y compris les vêtements de femmes enlevés aux infirmières blessées ou tuées.
« Ils affament les prisonniers de l’Armée rouge en les laissant sans nourriture pendant des semaines, ou en leur donnant des rations infimes de pain moisi ou de pommes de terre pourries. En ne donnant pas de nourriture aux prisonniers de guerre soviétiques, les hitlériens les obligent à fouiller dans les ordures et à y chercher les restes de nourriture jetés par les soldats allemands ou comme cela a eu lieu dans plusieurs camps, tels le camp de Korma dans la République de Biélorussie, ils jettent aux prisonniers de guerre soviétiques les cadavres de chevaux derrière les barbelés. Au camp de Vitebsk en Biélorussie, les prisonniers de guerre de l’Armée rouge n’ont pas reçu de nourriture pendant près de quatre mois. Quand un groupe de prisonniers de l’Armée rouge envoya au commandement allemand une déclaration écrite demandant de leur donner de la nourriture pour se soutenir, un officier allemand demanda qui avait rédigé cette déclaration : les cinq hommes de l’Armée rouge qui reconnurent l’avoir écrite furent fusillés sur le champ. Des exemples analogues de brutalité et de l’arbitraire le plus absolu sont observés également dans d’autres camps (Chitkovsky, Demiansky et d’autres).
« Dans le but d’exterminer en masse des prisonniers de guerre soviétiques, les autorités allemandes et le Gouvernement allemand ont institué dans les camps de prisonniers de guerre soviétiques un régime barbare. Le Haut Commandement allemand et le ministère du Ravitaillement et de l’Agriculture ont promulgué un décret accordant aux prisonniers de guerre soviétiques une allocation de nourriture plus faible que celle des prisonniers des autres pays, tant au point de vue de la qualité qu’au point de vue de la quantité des produits à distribuer. Les rations de nourriture établies consistent en 6 kilogs de pain et 400 grammes de viande par homme et par mois ;
Elles vouent les prisonniers de guerre soviétiques à mourir de faim.
« Tout en mettant en pratique d’une façon inhumaine et cruelle le régime honteux et parfaitement inique du traitement des prisonniers de guerre soviétiques, le Gouvernement allemand essaye cependant par tous les moyens de dissimuler à l’opinion publique la réglementation adoptée sur cette question par le Gouvernement allemand. Ainsi, en réponse à la demande du Gouvernement soviétique, le Gouvernement suédois lui a communiqué que les renseignements publiés dans la presse européenne et américaine sur les instructions précitées du Gouvernement allemand correspondaient bien à la réalité, mais que le texte n’en était pas publié et pour cela demeurait inaccessible. »
Ce qui était inaccessible pour le Gouvernement suédois en automne 1941 est maintenant accessible au Tribunal Militaire International. Un fait me paraît particulièrement important : le double canal d’acheminement de ces directives : la voie du Haut Commandement et la voie du parti fasciste. De cette façon, l’extermination par la faim des soldats soviétiques devenus prisonniers des Allemands était conçue et réalisée en même temps par le Haut Commandement de l’Armée allemande et par le parti nazi.
Je présente au Tribunal ces documents inaccessibles il y a quelque temps, qui pèseront lourdement dans la balance de l’Accusation. Vous trouverez, Messieurs, à la page 17, les documents que je cite et qui portent le n° D-225 (URSS-349).
« Haut Commandement de l’Armée de terre, Intendance de l’Armée et Commandement en chef de l’Armée de réserve. Berlin, le 6 août 1941. Objet : Ravitaillement des prisonniers de guerre soviétiques :
« L’Union Soviétique n’a pas adhéré à la convention sur le traitement des prisonniers de guerre. En conséquence, nous ne sommes pas obligés de fournir aux prisonniers de guerre soviétiques le ravitaillement qui correspondrait aux exigences de cette convention, tant au point de vue de la quantité qu’au point de vue de la qualité. Considérant la situation générale du ravitaillement, les rations suivantes pour les prisonniers de guerre soviétiques, qui sont déclarées suffisantes aux termes des décisions médicales, sont ainsi fixées :
Rations de ravitaillement, au camp des prisonniers de guerre non employés à de travaux très importants, du 6 juillet 1941 :
« Pour 28 jours : pain : 6 kilogs ; viande : 400 grammes ; graisses :
440 grammes ; sucre : 600 grammes.
Rations pour les prisonniers astreints à des travaux spéciaux :
« Pour 28 jours : pain : 9 kilogs ; viande : 600 grammes ; graisses :
520 grammes ; sucre : 900 grammes. »
Une instruction analogue, intitulée : « Ravitaillement des prisonniers de guerre soviétiques » a été donnée sous forme d’information secrète par la Chancellerie du parti nazi, le 17 décembre 1941. Je ne voudrais lire qu’une seule phrase de cette directive ; vous la trouverez à la page 18 du livre de documents :
« Une discussion ouverte, verbale ou écrite, de la question du ravitaillement en vivres des prisonniers de guerre est interdite en raison des possibilités de la propagande ennemie. »
Ailleurs, les auteurs de ce document soulignent spécialement qu’il n’y a pas lieu de craindre que le ravitaillement de « notre peuple allemand » empire si peu que ce soit. L’allusion, me semble-t-il, est suffisamment nette. Ce document était envoyé au Haut Commandement de l’Armée de terre, au Commandement des régions militaires, aux autorités militaires de Bohême et Moravie, aux gouverneurs militaires de plusieurs villes.
Les conspirateurs fascistes établirent des rations alimentaires particulièrement basses pour les combattants de l’Armée rouge. Selon leurs propres calculs, la ration mensuelle pour les prisonniers de guerre soviétiques représentait en graisses 42%, en sucre et en pain 66 %, en viande 0 % de la quantité de produits que recevaient les prisonniers de guerre appartenant à d’autres armées en guerre avec l’Allemagne.
En outre, même la directive portait une remarque spéciale — vous la trouverez à la page 19 du livre de documents : « Si la ration baisse pour les prisonniers de guerre non soviétiques, elle baisse en conséquence pour les prisonniers de guerre soviétiques. »
Mais même ces rations de famine, qui ne pouvaient satisfaire aux besoins d’un adulte, n’existaient le plus souvent que sur le papier. Je vous présente encore un document sous le n° URSS-177.
Colonel Pokrovsky, lorsque vous avez dit, en ce qui concerne la viande : 0 %, vous parliez de pourcentage. Mais il me semble qu’en déterminant les quantités de nourriture qui étaient allouées ou censées être allouées, on parlait de 400 grammes de viande pour les hommes faisant un travail spécial. Alors, nous ne voyons pas très bien comment ces 400 grammes peuvent représenter 0 % des rations destinées aux prisonniers non soviétiques.
Vous avez raison, Monsieur le Président. Je comprends très bien votre remarque, mais il n’y a pas de contradiction. Je veux seulement dire au Tribunal qu’il existe plusieurs directives. La première est la plus favorable aux prisonniers de guerre soviétiques : elle parle de la quantité de 400 grammes de viande. La suivante fixe des pourcentages pour les prisonniers soviétiques et pour d’autres prisonniers, et je crois comprendre que ce chiffre de 0 % indique que s’il n’y a pas assez de viande pour tous les prisonniers de guerre, les soviétiques n’en recevront pas.
Je comprends. Vous prétendez que les mots « sur la base de leurs propres calculs » se réfèrent à certaines estimations différentes de celles que vous donnez. Cela n’a d’ailleurs aucune importance, mais je vous comprends lorsque vous dites qu’il existe des évaluations qui n’accordaient rien à ces prisonniers de guerre. Veuillez continuer, je vous prie.
Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Président.
Je présente encore au Tribunal un document sur cette même question. C’est le n° URSS-177. Vous le trouverez à la page 21 du livre de documents. C’est le compte rendu d’une conférence tenue au ministère du Ravitaillement, sous la présidence du secrétaire d’État Backer et du directeur ministériel Moritz, le 24 novembre 1941, à 16 h. 30. A cette conférence avaient pris part les représentants d’autres départements, en particulier le général Reinecke et le directeur ministériel Mansfeldt. Le Tribunal se souvient sans doute que Reinecke était à la tête du service qui s’occupait des prisonniers de guerre. Le ravitaillement des prisonniers de guerre russes et des travailleurs civils fut l’objet de la discussion. Je cite, page 21 de votre livre de documents :
« 1. Types de rations
Les essais de préparation pour les Russes d’un pain spécial ont montré que le mélange le plus économique s’obtient avec 50 % de son de seigle, 20 % de tourteaux de betteraves sucrières, 20% de farine cellulosique et 10% de farine préparée avec de la paille et des feuilles. La viande d’animaux généralement inutilisée pour la nourriture ne pourra jamais satisfaire en quantité suffisante les besoins en viande ; aussi les Russes doivent-ils recevoir de la viande de cheval et de la viande d’animaux qui n’ont pu être abattus et qui est livrée aujourd’hui en quantité double avec les cartes de rationnement. Dans l’état actuel de la technique des graisses, il n’existe plus de graisse sans valeur. Les Russes devront donc recevoir de bonnes graisses comestibles. »
Il est difficile de ne pas relever l’ironie de ces lignes. Les prisonniers russes qui recevaient déjà « de la viande d’animaux généralement inutilisée pour la nourriture » ne devront recevoir, dans leurs rations de famine, que « de la viande qui est distribuée en quantité double, avec les cartes de rationnement » ; et, au lieu de graisses, des composés qui ne deviennent utilisables pour la consommation que dans « l’état actuel de la technique des graisses ». Et un tel produit est encore appelé : « Bonnes graisses comestibles. »
La deuxième partie du document est intitulée « Rations ». Je cite, aux pages 21 et 22 de votre livre de documents :
« Comme les données des spécialistes du ministère de la Santé publique du Reich et de la direction générale de la Santé militaire concernant la teneur indispensable en calories des produits alimentaires sont fortement divergentes, l’établissement définitif des rations sera fait dans un cercle de spécialistes plus étroit au cours de cette semaine. La question de la soupe de farine pendant sept jours comme nourriture de transition et la question des rations pour les Russes « non travailleurs » qui se trouvent actuellement dans les camps allemands seront résolues par le ministère du Ravitaillement.
« 3° Nombre de Russes que le ministère du Ravitaillement du Reich peut porter sur ses listes. »
Je dois signaler que cela signifie que le nombre de Russes qui doivent être ravitaillés par le ministère du Ravitaillement du Reich est maintenant déterminé.
« Le secrétaire d’État Backer n’a donné aucune réponse aux questions instantes du général Reinecke et du directeur ministériel Mansfeldt. »
Il me semble utile de vous signaler que le document porte une remarque au crayon :
« Prière d’éclaircir l’affaire avec précision, car le secrétaire d’État Backer commence apparemment à perdre le contrôle de lui-même. »
La signature est illisible. Je pense que cette note démontre clairement les divergences d’opinion qui existaient sur la question des rations. Ce n’est pas par hasard que les experts du ministère de la Santé publique et du Service de Santé militaire ont émis des avis fortement divergents sur le nombre minimum de calories nécessaires. Le Tribunal se rappellera les déclarations du témoin Blaha qui, répondant à mes questions, a déclaré que presque tous les prisonniers de guerre morts d’inanition au camp de Dachau étaient des soldats de l’Armée rouge. Je prouverai que le camp de Dachau n’était pas une exception sous ce rapport.
Le 27 avril 1942, le commissaire du peuple aux Affaires étrangères de l’URSS a été obligé d’adresser une nouvelle note. Je la présente comme preuve au Tribunal sous la cote URSS-51. Vous trouverez la citation que j’en fais à la page 13 de votre livre de documents : pour plus de facilité, elle est marquée au crayon rouge.
« Le Gouvernement soviétique a actuellement à sa disposition plusieurs centaines de documents nouveaux révélant des crimes sanglants commis à rencontre des prisonniers de guerre soviétiques, crimes dont il a été parlé dans la note du Gouvernement de l’URSS du 25 novembre 1941. Il a été incontestablement établi que le Commandement allemand, voulant se venger de la défaite de l’Armée allemande au cours des derniers mois, a introduit partout la politique d’extermination des prisonniers de guerre soviétiques.
« Sur toute l’étendue du front, depuis l’Arctique jusqu’à la mer Noire, on a découvert des cadavres de prisonniers de guerre soviétiques torturés. Presque dans tous les cas, ces cadavres portent des traces de tortures effroyables qui ont précédé l’assassinat. Des unités de l’Armée rouge découvrent dans les blockhaus qu’ils prennent aux Allemands, dans les casemates et dans les lieux habités, des cadavres de prisonniers soviétiques tués après des tortures barbares. Ces faits se répètent de plus en plus souvent. Ils sont établis par les déclarations signées par des témoins oculaires.
« Les 2 et 6 mars 1942, sur le front de Crimée, dans la région de la cote 66, 3, au village de Djantora, on a trouvé neuf cadavres de prisonniers de guerre de l’Armée rouge, déchiquetés par les fascistes d’une façon si barbare que deux d’entre eux seulement ont pu être identifiés. Les prisonniers de guerre torturés avaient les ongles arrachés, les yeux crevés, l’un des cadavres avait toute la partie droite de la poitrine excisée. Sur les autres, on a découvert des traces de tortures par le feu, des plaies au couteau nombreuses, des mâchoires fracturées. A Theodosia, on a trouvé des dizaines de cadavres de soldats de l’Armée rouge, originaires de l’Azerbaïdjan torturés ; parmi eux, Ismail-Zade Djafaroff, auquel les hitlériens ont crevé les yeux et coupé les oreilles ; Kouli-Zade Alibekoff, auquel les hitlériens ont désarticulé les bras et qu’ils ont tué ensuite à la baïonnette. Le caporal Ali Ogiy Islam Mahmad, auquel les hitlériens ont ouvert le ventre ; Moustapha Ogiy Askeroff, attaché avec un fil de fer à un poteau, est mort de ses blessures dans cette position. »
Plus loin, dans la même note, on lit :
« Dans le village de Krasnoperovo, dans la région de Smolensk, les unités de l’Armée rouge ont trouvé au cours de leur avance 29 cadavres nus de soldats et d’officiers de l’Armée rouge. Aucun d’eux ne portait une seule plaie par arme à feu. Tous les prisonniers avaient été tués à coups de couteau. Dans la même région, au village de Babaivo, les hitlériens ont placé 58 prisonniers et deux ambulancières près d’une meule de foin, qu’ils ont incendiée. Quand ces hommes, voués à brûler, essayaient de se sauver du feu, les Allemands les fusillaient.
« Au village de Koulechovka, les Allemands ont pris 16 hommes et officiers grièvement blessés, ils les ont déshabillés, ils ont arraché leurs pansements, ils ont essayé de les faire mourir de faim, les ont piqués à la baïonnette, leur ont cassé les bras, ont déchiré leurs plaies et les ont soumis à d’autres tortures ; après quoi, ils ont enfermé les survivants dans une isba et les ont brûlés.
« Au village de Strenevo, dans la région de Kaiinin, les Allemands ont enfermé dans les bâtiments d’une école 50 prisonniers blessés de l’Armée rouge et les ont brûlés. A Volokolamak, les occupants ont interdit aux soldats de l’Armée rouge enfermés au cinquième étage de l’immeuble du n° 316 de la rue des Prolétaires de sortir de cette maison, quand un incendie s’y est déclaré. Ils fusillèrent ceux qui essayaient de sortir ou de se jeter par les fenêtres ; 60 prisonniers périrent dans l’incendie ou furent fusillés.
« Au village de Popovka, dans la région de Toula, les Allemands ont emmené dans un hangar 140 prisonniers de l’Armée rouge, et l’ont incendié ; 95 hommes périrent dans l’incendie. A 6 km de la gare de Pogostie, dans la région de Leningrad, les Allemands en retraite sous la poussée des unités de l’Armée rouge ont fusillé avec des balles explosives et après des sévices et des tortures barbares plus de 150 prisonniers de guerre soviétiques. Sur la plupart des cadavres, les oreilles sont coupées, les yeux crevés, les doigts amputés ; chez quelques-uns l’une ou les deux mains sont coupées, la langue arrachée. Sur le dos de trois des soldats sont découpées des étoiles. Peu de temps avant la libération de la ville de Kondrovo, dans la région de Smolensk, par les unités de l’Armée rouge, en décembre 1941, les Allemands ont fusillé aux environs de la ville plus de 200 prisonniers de l’Armée rouge, qu’ils ont conduits à travers la ville sans vêtements et sans chaussures, fusillant sur place ceux qui étaient affaiblis et qui ne pouvaient continuer à marcher, ainsi que ceux des habitants de la ville qui apportaient et lançaient des morceaux de pain aux prisonniers. »
Nous allons suspendre l’audience pendant dix minutes.
Dans le but de réaliser en fait l’extermination du plus grand nombre possible de prisonniers de guerre soviétiques, les conspirateurs nazis s’évertuèrent à trouver des méthodes toujours nouvelles d’extermination. La note poursuit :
« Au cours de ces derniers temps, on a établi une série de cas nouveaux où le Commandement allemand a utilisé les prisonniers de guerre soviétiques au déminage des champs et à d’autres travaux dangereux pour leur vie. Ainsi, dans la région des villages de la Grande et Petite Vloya, des dizaines de prisonniers rangés en colonnes serrées ont été chassés pendant quatre jours par les hitlériens à travers un champ de mines. Quotidiennement, plusieurs prisonniers sautaient sur les mines. Ce moyen d’assassiner les prisonniers de guerre est prévu par les ordres du Commandement allemand. »
Dans l’ordre n° 109 du 203e Régiment d’Infanterie, on peut lire :
« Le Generalfeldmarschall Rundstedt, Commandant en chef de l’Armée, a ordonné qu’en dehors des opérations de combat, afin d’épargner le sang allemand, la recherche des mines et le déminage des terrains minés soient exécutés par les prisonniers russes. Cet ordre concerne également les mines allemandes. »
Le pillage dont on a parlé dans la première note n’était pas seulement considéré comme un fait acceptable, mais était même recommandé comme un devoir aux soldats de l’Armée allemande.
Le Commissaire du peuple se réfère aux documents suivants, émanant du Commandement allemand, et souligne qu’au cours de l’hiver, un tel pillage vouait les soldats de l’Armée rouge à la mort par le froid. Je cite :
« Dans l’ordre de l’État-Major du 88e régiment de la 34e division d’infanterie allemande intitulé : « Situation de l’équipement », on dispose : « Les chaussures seront, sans hésitation, retirées aux prisonniers de guerre russes. »
Cet ordre n’est pas le fait d’un hasard. On le voit déjà par le fait que, même avant la perfide attaque contre l’URSS, le Commandement allemand prévoyait déjà de recourir à ce système pour équiper ses unités.
Dans les archives du 234e régiment d’infanterie de la 56e division, on a trouvé une circulaire sous le n° 121/4, du 6 juin 1941, sur :
« Les principes du ravitaillement dans les zones de l’Est. » A la huitième page de cette circulaire, on lit :
« Ne pas compter sur l’équipement en vêtements. Aussi est-il particulièrement important d’enlever aux prisonniers de guerre les chaussures utilisables et d’utiliser immédiatement tous les vêtements récupérés : linge, chaussettes, etc... »
Comme le montre cette note, en vue d’exterminer les prisonniers de guerre soviétiques, les Allemands les privaient de nourriture, les vouaient à une mort lente par la faim et, dans quelques cas, les empoisonnaient par une nourriture de très mauvaise qualité.
Les autorités soviétiques ont à leur disposition l’ordre n° 202 de l’État-Major du 88e régiment, déjà mentionné plus haut, qui prévoit :
« Les cadavres de chevaux vont servir de nourriture aux prisonniers de guerre russes. Les points de rassemblement de cadavres de chevaux sont marqués par des poteaux indicateurs : ils se trouvent le long de la route principale de Malo-Yaroslavetz et dans les villages de Romanovo et de Bieloussovo. »
L’ordre n° 166/41 de la 60e division d’infanterie motorisée exige nettement l’assassinat en masse de prisonniers de guerre soviétiques. Cet ordre dit :
« Les soldats russes et les cadres subalternes sont très braves au combat. Même en petite formation, ils acceptent-toujours le combat. En conséquence, on ne doit admettre aucun traitement humain pour ces prisonniers. L’extermination de l’adversaire par le feu ou l’arme blanche doit se poursuivre jusqu’à ce qu’on l’empêche complètement de nuire. »
L’instruction du Commandement allemand sur le traitement des prisonniers de guerre soviétiques, sous le n° 1/3058, contient les prescriptions suivantes :
« Agir énergiquement et directement au moindre signe de désobéissance. Se servir d’armes, sans merci. On ne doit utiliser ni bâtons, ni verges, ni fouets. La mollesse, même devant un prisonnier obéissant et travailleur, n’est que de la faiblesse et ne doit pas être admise. » (Paragraphe 2)
« Au travail, garder toujours avec les prisonniers une distance suffisante permettant l’emploi immédiat des armes. » (Paragraphe 3)
Tout cela s’est avéré insuffisant. L’ordre émis au nom de Hitler, en sa qualité de Commandant en chef, par le Haut Commandement de l’Armée allemande, le 14 janvier 1942, prescrit (paragraphe 2) :
« Toute indulgence, toute humanité à l’égard des prisonniers de guerre sont sévèrement proscrites. Le soldat allemand doit toujours faire sentir sa supériorité aux prisonniers. Tout retard dans l’utilisation des armes contre un prisonnier comporte un danger. Le Commandant en chef espère que cet ordre sera intégralement exécuté. »
« Le Gouvernement soviétique continue à recevoir des informations certaines sur la situation des prisonniers de l’Armée rouge dans les territoires de l’URSS occupés par les Allemands, ainsi que les arrières reculés de l’Armée allemande et les pays européens occupés par l’Allemagne. Ces informations témoignent du fait que le régime des prisonniers de guerre de l’Armée rouge a encore empiré ultérieurement, et qu’ils sont placés dans des conditions particulièrement mauvaises, en comparaison avec les prisonniers de guerre d’autres pays. Elles témoignent aussi de la mort de prisonniers de guerre soviétiques par la faim et la maladie, du régime infâme de cruautés sanglantes qui sont infligées aux membres de l’Armée rouge par les Autorités allemandes, qui ont violé depuis longtemps les exigences les plus élémentaires du Droit international et de la morale humaine. »
Cette note souligne en particulier que la barbarie inhumaine et les forfaits perpétrés par les bandits fascistes sur les prisonniers de guerre soviétiques surpassent la cruauté de Genghis-Khan, de Batiy et de Mamay.
« Nonobstant, le Gouvernement soviétique, fidèle aux principes d’humanité... (vous trouverez ce passage page 14 du livre de documents), et au respect de ses engagements internationaux, n’a pas l’intention, même dans les conditions actuelles, de prendre en représailles des mesures répressives à l’égard des prisonniers de guerre allemands, et tient, comme auparavant, à observer les engagements pris par l’Union Soviétique sur la question du traitement des prisonniers de guerre, prévu par la Convention de La Haye de 1907, que l’Allemagne a également signée mais si perfidement violée dans toutes ses dispositions. »
Un peu plus tard, je lirai une déclaration sous serment d’un groupe de prisonniers de guerre allemands. Les auteurs de ce document ont complété d’une part, par toute une série de faits nouveaux, la liste des crimes commis par les conspirateurs sur les prisonniers de guerre soviétiques ; d’autre part, ils ont confirmé que le Commandement soviétique s’en tenait aux principes d’humanité à l’égard des prisonniers de guerre allemands.
La victoire militaire des puissances démocratiques a révélé les secrets les plus cachés des archives hitlériennes. A côté d’une grande quantité de documents qui soulèvent le voile qui recouvrait les plans criminels des conspirateurs, nous avons en outre maintenant de grandes possibilités d’interroger des témoins vivants. La concordance des déclarations des témoins avec les témoignages documentaires des archives jette une lumière parfaite sur toute cette question. Nous avons également reçu beaucoup de preuves nouvelles sur les crimes contre les prisonniers de guerre.
Déjà la note du 27 janvier 1942, de V. M. Molotov, Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères de l’URSS, parlait des crimes perpétrés par les hitlériens, de l’anéantissement des prisonniers de guerre soviétiques. Je démontrerai que ces crimes ne représentent qu’une partie du complot général et qu’ils étaient conçus avant même le début de la guerre d’agression contre l’URSS. Le Tribunal verra que le régime des prisonniers de guerre n’était qu’une somme de différents moyens d’extermination.
Venons-en aux déclarations des témoins.
L’ex-chef d’État-Major de l’OKH, Franz Halder, interrogé le 31 octobre 1945, a déclaré (je soumets au Tribunal, sous le n° URSS-341, un extrait de l’interrogatoire de Halder) :
« Avant le début de l’attaque contre la Russie, le Führer réunit tous ses Commandants en chef et tous les officiers en rapport avec le Haut Commandement, en vue de l’attaque prochaine contre la Russie. Je ne puis me rappeler exactement la date de cette conférence. Je ne sais si c’était avant ou après l’attaque contre la Yougoslavie. Au cours de cette conférence, le Führer déclara que dans la guerre contre les Russes devaient être employées d’autres méthodes de guerre que celles employées à l’Ouest. »
Je prie le Tribunal de m’excuser, j’ai oublié de préciser que l’endroit que je cite se trouve page 24 de votre livre de documents :
« Question
Qu’a-t-il encore ajouté ?
« Réponse
Il a déclaré que la lutte entre la Russie et l’Allemagne était une lutte de races ; que puisque les Russes n’avaient pas adhéré à la Convention de La Haye, le traitement de leurs prisonniers de guerre ne devait pas être en accord avec les dispositions de cette convention. »
Monsieur le Président, le général Halder est en ce moment à la prison militaire de Nuremberg ; c’est, à tous points de vue, un témoin important que nous avons de surcroît sous la main. Et je crois que, conformément aux principes que le Tribunal a formulés dans l’article 21 du Statut, il serait préférable d’entendre le témoignage personnel du général Halder plutôt que de lire le procès-verbal de l’une de ses dépositions. Je prie le Tribunal de bien vouloir se prononcer sur ce point.
Colonel Pokrovsky, désirez-vous répondre à la requête du Dr Nelte ?
Si le Tribunal le permet, je désirerais formuler mon avis en la matière.
Les déclarations de Halder ne sont importantes pour nous que sur un seul point, à savoir : le passage où il établit le fait que Hitler réunit, avant la guerre, une conférence spéciale au cours de laquelle furent discutées, en particulier, les questions du traitement des prisonniers de l’Armée rouge. Ce fait est corroboré par d’autres témoignages que nous présenterons comme preuves à ce Tribunal. C’est pourquoi je n’estime pas nécessaire d’interroger ce témoin à l’audience, ce qui ne pourrait qu’entraîner une perte de temps, puisque, si je n’ai, quant à moi, que cette question à poser, les avocats ne manqueraient pas d’en poser un certain nombre d’autres. Au cas où la Défense estimerait judicieux d’adresser une requête au Tribunal aux fins de comparution personnelle de Halder, il serait utile, dans ce cas, qu’aux termes de la procédure établie, elle en fournît les raisons et indiquât les points sur lesquels elle a l’intention de faire porter ses questions. Le Tribunal aurait ainsi la possibilité d’examiner cette requête et d’y faire droit le cas échéant.
Voilà ce que j’avais à dire à ce sujet.
Le Tribunal estime que si ce procès-verbal d’interrogatoire doit être utilisé ou a été utilisé, le général Halder doit être interrogé contradictoirement à l’audience, s’il est exact toutefois qu’il se trouve à Nuremberg.
Lorsqu’un témoin est cité, on peut procéder à son contre-interrogatoire. La seule raison de se servir de ce procès-verbal résiderait dans la difficulté d’amener ce témoin à Nuremberg. C’est pourquoi, s’il est fait état de ce procès-verbal et si le témoin est à Nuremberg, ce dernier doit comparaître pour être interrogé contradictoirement, à un moment qui, naturellement, conviendra à la Défense.
Colonel Pokrovsky, si le général Halder se trouve à Nuremberg, vous le ferez comparaître devant nous à un moment opportun au cours de la présentation de votre exposé.
Si le Tribunal le permet, nous nous informerons sur la résidence actuelle de Halder et, s’il est réellement à Nuremberg, nous le citerons devant vous comme témoin.
Très bien.
Il est indispensable de souligner ici le mensonge propre aux fascistes. Hitler falsifiait les faits à bon escient. Il est universellement connu que l’Union Soviétique a pris des engagements découlant de la Convention de La Haye. Le droit pénal de l’Union Soviétique lui-même pourvoit à la défense des droits des prisonniers de guerre, en accord avec les règles du Droit international, et pour la violation de ces droits, les contrevenants répondent de leurs actes, conformément au code pénal.
Les engagements pris par l’Union Soviétique découlant de la Convention de La Haye sont rappelés encore une fois dans la note du 27 avril 1942, de M. V. M. Molotov, Commissaire du Peuple aux Affaires étrangères de l’URSS. Je viens de la citer.
Ces renseignements donnés, je continuerai à lire la déposition de Halder sur le discours de Hitler ; vous trouverez ce passage page 24 de votre livre de documents. Je cite :
« Il (Hitler) déclara ensuite qu’étant donné l’instruction politique des armées russes » — (ce passage du compte rendu est suivi de points de suspension) — « les « commissaires » ne devaient pas être considérés comme des prisonniers de guerre. »
On ne peut pas ne pas remarquer qu’en raison de l’éducation politique développée des soldats de l’Armée rouge, les hitlériens voyaient un communiste ou "un commissaire dans presque chaque prisonnier de guerre.
Puis le procès-verbal mentionne la question suivante du magistrat instructeur et la réponse de Halder :
« Question
Le Führer a-t-il dit quoi que ce soit au sujet de l’ordre qui devait être donné à propos de cette question ?
« Réponse
Ce dont je viens de vous parler était bien l’ordre lui-même. Il a dit qu’il voulait que cette directive fût suivie même si, ultérieurement, aucun ordre écrit n’intervenait. »
Dans le livre de documents qui est en votre possession, à la suite du procès-verbal de l’interrogatoire de Halder, vous trouverez des extraits des dépositions faites le 12 novembre 1945, sous la foi du serment, devant le lieutenant-colonel Hinkel de l’Armée américaine, par le général Warlimont, adjoint au chef d’État-Major d’opérations de l’OKW. Ce document est le résultat du travail de mes collègues américains et le Ministère Public américain a aimablement consenti à le mettre à notre disposition pour que nous le déposions sous le n° URSS-263 (a).
Je crois que la Défense a une nouvelle requête à présenter au Tribunal. Je lui cède ma place.
Monsieur le Président, en ce qui concerne le général Warlimont, nous excipons des mêmes raisons que j’ai mentionnées tout à l’heure à propos du général Halder. Le général Warlimont se trouve également à Nuremberg, et il est à votre disposition pour une comparution personnelle.
Quel est l’objet de votre requête ?
Ma demande tend à ne pas autoriser la lecture des documents présentés par le Ministère Public soviétique et à demander que Warlimont et Halder, qui sont présents à Nuremberg, soient- entendus comme témoins.
Le Tribunal a déjà décidé que l’interrogatoire du général Halder peut être utilisé comme il l’est en ce moment ; Halder devra être soumis à un contre-interrogatoire par les avocats des accusés. Que voulez-vous de plus ?
Mais il ne s’agit pas pour l’instant du général Halder ; il s’agit dans ma demande du général Warlimont.
Je croyais qu’on avait déjà décidé, hier ou avant-hier, que le général Warlimont devait être appelé comme témoin.
Cette décision, je pense, a échappé au représentant du Ministère Public soviétique, sans quoi il ne lirait pas ce document, mais citerait le général Warlimont en personne devant le Tribunal.
Aux termes des règles du Tribunal, les Ministères Publics peuvent utiliser les interrogatoires à condition de faire comparaître les témoins pour le contre-interrogatoire. C’est pourquoi le Ministère Public soviétique est habilité à lire ce procès-verbal d’interrogatoire puisque le général Warlimont sera soumis à un contre-interrogatoire.
Est-il obligé de le faire ou ce soin est-il laissé à sa discrétion ?
Je suppose que le Ministère Public a la libre disposition de son droit et peut appeler un témoin s’il le désire.
Voyez-vous, Dr Nelte, la position du Tribunal est la suivante :
Si le Ministère Public désire citer un témoin et ne pas se servir d’un procès-verbal d’interrogatoire, il convoque le témoin, l’interroge, mais ce témoin est soumis à un contre-interrogatoire de la part de la Défense. Si le Ministère Public désire utiliser les procès-verbaux d’interrogatoires qu’il possède déjà, il peut le faire, mais si le témoin est près de Nuremberg, il doit être convoqué pour un contre-interrogatoire. Il est laissé à la discrétion du Ministère Public soit d’exploiter les procès-verbaux des interrogatoires qu’il possède déjà, soit de citer le témoin. Mais dans les deux cas, s’il est à Nuremberg, le témoin doit comparaître pour un contre-interrogatoire.
Les deux témoins, le général Halder et le général Warlimont sont à Nuremberg et restent à votre disposition ; je désirerais simplement connaître la date à laquelle le Ministère Public a l’intention de les convoquer. Nous aurions intérêt à ce que ce contre-interrogatoire ait lieu quand le Ministère Public soviétique aura terminé la lecture des dépositions écrites.
Vous pouvez régler avec le Ministère Public la question de savoir si vous désirez contre-interroger les témoins immédiatement après que les procès-verbaux d’interrogatoires auront été versés aux débats, ou après un court délai. Si je décide que les témoins seront contre-interrogés immédiatement après le dépôt des procès-verbaux d’interrogatoires, la Défense demandera un délai pour étudier son contre-interrogatoire. Vous pouvez certainement vous entendre sur ce point avec le colonel Pokrovsky.
Je débattrai cette question avec le Ministère Public soviétique. Je vous remercie.
Veuillez poursuivre, je vous prie.
Je me permettrai donc de reprendre au point où je m’étais arrêté. Je présente au Tribunal sous le n° URSS-263 (a) le document qui nous a été aimablement prêté par la Délégation américaine, procès-verbal de la déposition sous serinent du général Warlimont devant le lieutenant-colonel Hinkel de l’Armée américaine. Je ne citerai pas cette déposition en totalité ;
Warlimont répète sur bien des points ce que dit Halder. La chose importante est qu’il confirme entièrement deux faits :
1. Hitler a bien réuni la conférence qui est mentionnée dans les dépositions de Halder.
2. Hitler, même avant la guerre, avait donné l’ordre de fusiller les prisonniers de guerre et a décidé que, dans ce but, seraient créés des groupes spéciaux et que le SD suivrait l’Armée.
Warlimont dépose plus loin et je cite (vous trouverez ce passage page 26 du livre de documents) :
« Hitler ajoute qu’il n’attend nullement de ses officiers la compréhension de ses ordres ; la seule chose qu’il exige d’eux est une obéissance sans discussion. »
Nous possédons encore une autre déposition, celle du général de l’Armée allemande Kurt von Oesterreich, chef du service des prisonniers de guerre de la région militaire de Dantzig ; il a personnellement déposé devant les représentants de l’Armée rouge, le 29 décembre 1945. Ses dépositions, enregistrées sous le n° URSS-151, sont contenues dans votre livre de documents. J’en lirai quelques extraits :
« Mon activité au poste de chef du service des prisonniers de guerre à l’État-Major de la région militaire de Dantzig a commencé le 1er février 1941. Je commandais auparavant la 207e division d’infanterie qui avait ses quartiers en France.
« Aux environs de mars 1941, je fus rappelé à Berlin pour assister à une conférence secrète au Quartier Général du Commandement en chef. Cette conférence fut présidée par le général Reinecke, chef de la direction des prisonniers de guerre au Quartier Général. Étaient également présents plus de vingt chefs de section, préposés aux services des prisonniers de guerre des diverses régions militaires, ainsi que des officiers d’État-Major. Je ne puis me rappeler actuellement le nom de ces officiers.
« Le général Reinecke nous communiqua en grand secret que, probablement au début de l’été 1941, l’Allemagne envahirait le territoire de l’Union Soviétique et qu’en conséquence le Haut Commandement avait élaboré des mesures indispensables, y compris l’établissement de camps pour les prisonniers de guerre russes qui seraient capturés après l’ouverture des hostilités sur le front de l’Est. »
Je passe trois paragraphes et j’en arrive à un passage plus important. Je cite :
« Il indiqua en même temps qu’au cas où il ne serait pas possible de construire à temps sur place des camps avec des baraques couvertes, il faudrait organiser pour l’internement des prisonniers de guerre russes, des camps en plein air, entourés seulement de fil de fer barbelé.
« Puis Reinecke nous donna des instructions sur le traitement des prisonniers de guerre russes, prévoyant l’exécution, sans aucun avertissement, des prisonniers de guerre qui essayeraient de s’évader. »
Il me semble que les deux paragraphes suivants peuvent être omis afin de gagner du temps. Je cite la page 28 de votre livre de documents :
« ... Au bout de quelque temps, je reçus du Haut Commandement une directive qui confirmait l’instruction de Reinecke sur l’exécution sans aucun avertissement des prisonniers de guerre russes, à toute tentative d’évasion. Je ne me rappelle pas actuellement qui a signé cet ordre. »
Le témoin déclare ensuite qu’il a été appelé à Berlin, soit à la fin de 1941, soit au début de 1942, pour une conférence des chefs de service des prisonniers de guerre dans les régions militaires. Le général von Gravenitz la présidait. On examina la question de savoir ce qu’il fallait faire des prisonniers de guerre russes qui, par suite de blessures, de maladie ou d’inanition, n’étaient plus aptes au travail. Il me semble qu’il serait utile d’en citer quelques lignes. Ce passage se trouve à la page 29 de votre livre de documents :
« Sur la proposition de Gravenitz, plusieurs officiers présents et, parmi eux, des médecins, donnèrent leur avis sur cette question et déclarèrent que ces prisonniers de guerre devaient être rassemblés en un même lieu, camp ou hôpital, et supprimés par empoisonnement. A la suite de la discussion, Gravenitz nous donna l’ordre de tuer les prisonniers de guerre inaptes au travail, en utilisant à cet effet le personnel médical des camps. »
Le témoin affirme qu’au cours de l’été de 1942, il est arrivé en Ukraine pour des raisons de service, et y apprit, comme il le déclare (vous trouverez ces deux lignes à la page 29) :
« ... que la méthode de suppression des prisonniers de guerre russes par le poison y était déjà appliquée. »
Le témoin donne des chiffres sur les faits liés à ces crimes. Il est important de noter ce passage à la page 4 du texte russe, troisième alinéa à partir du haut, page 29 de votre livre de documents :
« Me trouvant en Ukraine, j’ai reçu du Quartier Général un ordre très secret signé de Himmler et stipulant qu’à partir du mois d’août 1942, on devait procéder à la marque sur les prisonniers de guerre russes d’un signe distinctif. Les prisonniers de guerre russes qui étaient gardés dans des camps dans des conditions très pénibles étaient mal nourris, subissaient des humiliations morales et mouraient de faim et de maladie. »
Oesterreich énumère des faits qui confirment cette déclaration. L’épisode suivant est particulièrement caractéristique. Je citerai le deuxième alinéa de la cinquième page qui se trouve à la page 31 de votre livre de documents :
« Au début de 1942, au cours du voyage d’un convoi de prisonniers de guerre russes d’Ukraine jusqu’à la ville de Thorn, environ 75 hommes sont morts ; leurs cadavres ne furent pas enlevés et restèrent dans les wagons parmi les vivants. Près de 100 prisonniers de guerre qui n’avaient pu supporter ces conditions et avaient tenté de s’évader furent fusillés. »
Le témoin connaît un assez grand nombre de cas semblables. Il les énumère, mais il me semble qu’il n’est pas indispensable de les citer tous au Tribunal, car ils ont une grande ressemblance.
Veuillez continuer, je vous prie.
Les membres du Tribunal me semblaient se consulter : c’est pourquoi je me suis arrêté.
Merci.
Oesterreich dit aussi que les instructions prévoyaient les exécutions en masse des agents politiques de l’Armée rouge, des communistes et des Juifs. Pratiquement, une telle décision donnait la possibilité d’exterminer tout prisonnier de guerre soviétique sous le prétexte qu’il était soupçonné d’appartenir au parti communiste ou de ressembler à un Juif.
Afin de compléter la déposition d’Oesterreich, il me faut citer une phrase de la directive (déjà mentionnée, me semble-t-il), du Commandant en chef, le Generalfeldmarschall von Reichenau sur « le comportement des troupes à l’Est ». Je présente ce document au Tribunal sous le n° URSS-12. Le passage que je cite se trouve à la page 33 du livre de documents :
« L’approvisionnement en vivres des populations civiles et des prisonniers de guerre n’est qu’un humanitarisme inutile. »
Je soumets au Tribunal cet ordre ignoble du maréchal hitlérien et je le prie de l’accepter comme preuve. Ce document est enregistré, je le répète, sous le n° URSS-12.
Trois officiers hitlériens de haut rang ont confirmé que, dès le début de la guerre, lors d’une conférence spéciale...
Pourriez-vous nous dire si cet ordre émanait du maréchal von Reichenau lui-même ?
L’ordre est signé par le Generalfeldmarschall von Reichenau.
A-t-il été saisi ou comment est-il tombé entre vos mains ?
Ce document est un trophée de l’Armée rouge.
De l’Armée rouge ?
De l’Armée rouge.
Merci.
Trois officiers hitlériens de haut rang ont confirmé que, dès le début de la guerre, lors d’une conférence spéciale, la question de l’extermination des prisonniers de guerre soviétiques fut décidée. Leurs déclarations divergent sur les détails, mais elles établissent le fait lui-même d’une façon absolument certaine. La phrase que j’ai extraite de la directive du maréchal von Reichenau prouve également que même l’approvisionnement en vivres des combattants de l’Armée rouge capturés par les Allemands était considéré comme un acte d’humanitarisme inutile.
Peut-être serait-il utile ici de vous présenter le document PS-884 (URSS-351) ; il est signé par Warlimont et porte une annotation de Jodl ; il a été dressé au Quartier Général du Führer le 12 mai 1941. On peut y lire et je cite :
« Le Haut Commandement de l’Armée de terre a soumis un projet de directive relative au comportement à observer vis-à-vis des agents politiques responsables et individus semblables. » Ce passage se trouve page 35 de notre livre de documents ainsi que les deux extraits que je vais encore lire. Ce projet prévoyait la « suppression » des personnes de cette catégorie. La question de savoir si un prisonnier de guerre rentrait dans cette catégorie était tranchée par un officier...
Je vous demande pardon ; continuez maintenant.
Je cite :
« ... par un officier ayant le droit d’infliger des peines disciplinaires. »
Ainsi, tout officier subalterne de l’Armée hitlérienne recevait le droit de vie et de mort sur tout combattant de l’Armée rouge fait prisonnier et ce, indépendamment de sa situation de service et de son grade.
Le troisième paragraphe de ce document prévoit :
« ... les commissaires politiques de l’Armée ne sont pas considérés comme prisonniers de guerre et doivent être exterminés au plus tard dans les camps de transit. Ils ne doivent en aucun cas être évacués à l’arrière. »
L’accusé Jodl a porté l’annotation suivante, bien caractéristique de sa mentalité (vous la trouverez page 37 du livre de documents) :
« Il faut tenir compte de la possibilité de représailles contre les aviateurs allemands et, pour cette raison, il vaut mieux présenter ces mesures comme des représailles. »
Les déclarations du général Oesterreich sur l’ordre de marquer les prisonniers de guerre soviétiques sont entièrement confirmées.
Je présente au Tribunal sous le n° URSS-15 l’ordre n° 14.802-42 du commandant de la gendarmerie près le gouverneur de la province de Styrie qui déclare qu’il s’agit de la promulgation de l’ordonnance du chef de la Police. Le premier paragraphe de cet ordre du chef du SD stipule (le passage que je cite se trouve page 38 de votre livre de documents) :
« 1. Les prisonniers de guerre soviétiques seront marqués au moyen d’un signe spécial indélébile.
« 2. La marque, en forme d’angle aigu de 45 environ et de 1 cm de côté, la pointe vers le haut, doit être apposée sur la fesse gauche à une main du rectum, au moyen d’une lancette réglementaire dans toutes les formations militaires. Comme matière colorante on emploiera de l’encre de Chine. »
Et le troisième paragraphe souligne que :
« 3. La marque n’est pas une mesure sanitaire. »
Au paragraphe 5 il est dit que sont soumis à la marque tous les prisonniers de guerre soviétiques arrivant dans les régions contrôlées par les Forces Armées allemandes dans les pays baltes, en Ukraine et dans le Gouvernement Général, ainsi que tous les autres prisonniers de guerre se trouvant sous le contrôle du Haut Commandement de l’Armée (OKW) au 30 septembre 1942.
La même instruction fut envoyée aux chefs des administrations régionales du Travail et au plénipotentiaire à la main-d’œuvre.
Dans ce document n° PS-1191, page 40 de votre livre de documents, il est dit que l’ordre de l’OKW du 10 juillet 1942 est envoyé pour information aux chefs des administrations régionales du Travail et au plénipotentiaire à la main-d’œuvre.
Nos documents portant les n° URSS-121, 122, 123 et 124, qui sont des extraits des ordres des autorités militaires allemandes telles que commandants de régiments et de divisions, prouvent que l’on obligeait les prisonniers de guerre à nettoyer les champs de mines et à exposer leur vie pour des travaux dangereux « dans le but de conserver le sang allemand ». Pour expliquer les mauvais traitements envers les combattants soviétiques, un ordre n° 16641 de la 60e division d’infanterie allemande déclare :
« Les soldats russes et les cadres subalternes sont très braves au combat ; même en petite formation, ils acceptent toujours le combat. C’est pourquoi on ne peut admettre un traitement humain pour ces prisonniers. » (Cette citation est à la page 44 du livre de documents.)
Nous avons déjà entendu cette phrase, je crois ou quelque chose d’identique.
Vous avez raison, Monsieur le Président. J’ai cité ce passage extrait de la note du Commissaire aux Affaires étrangères Molotov, et je le cite maintenant en le tirant d’un ordre allemand. Il me semble que c’est là un fait sans précédent dans l’Histoire : au lieu de respecter l’ennemi en raison même de sa valeur militaire, les officiers de l’Armée hitlérienne ordonnaient à leurs subordonnés d’agir sans pitié et sans humanité envers lui.
Dans le document qui vous est soumis sous le n° PS-3257 (URSS-352), se trouve une phrase se rapportant directement au sujet que je traite. Elle a déjà été lue. Ce document est un rapport secret de l’Inspecteur de l’armement en Ukraine, en date du 2 décembre 1941, adressé au chef de la section de l’armement à l’OKW. Il y est dit (ce passage se trouve pages 45 et 46 de votre livre de documents) :
« Les conditions de vie, la situation du ravitaillement, de l’habillement et l’état de santé des prisonniers de guerre ne sont pas satisfaisants. La mortalité est très forte. On peut s’attendre encore à ce que des dizaines et des centaines de milliers d’hommes périssent cet hiver. »
Sous le, n° D-339 (URSS-350), je vous présente un autre document. Jaeger, médecin-chef du camp et de l’usine, rapportait après une inspection du camp de la rue Noeggerath, dans son compte rendu secret et spécifiquement médical, en date du 2 septembre 1944, adressé à la section sanitaire de la direction générale des camps (vous trouverez ce passage page 47 du livre de documents) :
« Le camp de prisonniers de guerre de la rue Nbeggerath est dans un état épouvantable ; les gens vivent là dans des niches à chien, dans de vieux fours et dans des abris de fortune ; la nourriture est à peine suffisante. Krupp est responsable de l’approvisionnement en vivres. En ce qui concerne la fourniture de médicaments et de pansements, la situation est actuellement si mauvaise qu’il a été impossible en général de donner des soins médicaux ; toute la faute en revient au stalag. »
Dans les archives de l’accusé Rosenberg a été découvert, au milieu d’autres documents, celui auquel on a donné le n° PS-081 (URSS-353) : pour autant que nous le comprenions, c’est une lettre de Rosenberg à Keitel du 28 février 1942 concernant les prisonniers de guerre. Cette lettre, découverte chez Rosenberg, ne porte pas sa signature, mais ne permet pas le moindre doute sur le fait qu’elle a été, soit envoyée à Keitel, soit préparée pour être envoyée au Haut Commandement des Forces armées. Il est dit dans cette lettre que le sort des prisonniers de guerre soviétiques en Allemagne est une tragédie de grande envergure. Je commence à citer la deuxième phrase du cinquième alinéa du texte russe ; vous la trouvez page 48 de votre livre de documents :
« Sur 3.600.000...
Je crois que le Ministère Public américain a lu cette lettre, n’est-il pas vrai ?
Ce document a été partiellement lu et je demanderai au Tribunal la permission d’en citer encore une partie, car il est très important pour la suite de mon exposé. Cette lecture ne prendra pas plus d’une minute et demie.
Colonel Pokrovsky, nous avons essayé d’empêcher les autres Ministères Publics de lire les documents qui ont déjà été déposés et le Statut prescrit de hâter les débats le plus possible. Je ne vois pas la possibilité de le faire si on lit plusieurs fois un même document.
Ce document, qui est déjà connu du Tribunal, expose très clairement ce qui se passait dans les camps. L’auteur de cette lettre dit qu’il y eut des tentatives de la part de la population civile pour faire passer des aliments aux prisonniers, mais que, la plupart du temps, les commandants de camp interdisaient énergiquement ces pratiques. Il n’y a pas lieu de penser que l’auteur de la lettre ait exagéré ou voulu être agréable au Ministère Public soviétique. Il faut au contraire en conclure que cette question n’a pas encore été entièrement tirée au clair.
Ce document adressé par un accusé à un autre accusé nous permet de nous rendre compte de ce qui se passait dans les camps de prisonniers de guerre soviétiques.
J’ai commencé à vous lire dans un but bien défini deux documents d’origine allemande. Quand vous saurez quelle était l’attitude des hitlériens envers les prisonniers de guerre soviétiques et quand vous aurez appris, ne serait-ce que très brièvement, ce que représentaient les camps de prisonniers soviétiques, selon les paroles mêmes des hitlériens, il vous sera d’autant plus facile d’apprécier la force probante des documents qui ne sont pas d’origine allemande.
Je m’arrête, pensant que le Tribunal désire suspendre l’audience.
Je crois qu’il est en effet temps de suspendre l’audience.