SOIXANTE-DEUXIÈME JOURNÉE.
Mardi 19 février 1946.

Audience de l’après-midi.

COLONEL SMIRNOV

Le même tableau de dévastation systématique a été décrit par la Commission lors de son enquête sur Maïdanek. Je ne citerai pas en entier cette partie du rapport de la Commission extraordinaire polono-soviétique ; je n’en lirai qu’un seul passage constitué par un extrait de communiqué du SS-Hauptwirtschaftsamt, passage contenu dans ce rapport de la Commission extraordinaire polono-soviétique, que les membres du Tribunal pourront trouver page 66 du livre de documents, première colonne du texte, troisième paragraphe. Je commence ma citation :

« A tous les commandants de camps de concentration : d’après un rapport de l’Administration centrale de la sécurité, des paquets de vêtements ont été expédiés par certains camps de concentration, en particulier à la direction de la Gestapo de la ville de Brno. Il a été constaté que, dans plusieurs cas, ces vêtements étaient maculés de sang et troués de balles. Une partie de ces paquets a été endommagée et, de cette façon, des personnes étrangères ont pu avoir connaissance de leur contenu.

Étant donné que l’Administration centrale de la sécurité donnera bientôt des instructions réglementant l’emploi des biens et des vêtements des prisonniers décédés, il convient d’arrêter immédiatement l’envoi de leurs effets jusqu’à ce que cette question soit définitivement réglée. On procédera de même avec les effets ayant appartenu aux prisonniers exécutés.

Signé : Gucke, SS-Brigadeführer et général des SS. »

J’en arrive à la présentation des documents qui prouvent l’étendue des atrocités. Dans deux camps de la mort seulement, les criminels ont exterminé 5.500.000 hommes. Je vous apporte à l’appui les conclusions de la Commission extraordinaire d’État qui a été chargée de l’enquête sur Auschwitz. Je me limiterai à une courte citation précédée par une liste des chiffres exacts. Les membres du Tribunal trouveront le passage auquel je me réfère page 356 du livre de documents, deuxième colonne du texte, quatrième paragraphe. Je commence ma citation :

« Malgré le fait que la capacité maximum des fours crématoires n’a pas été atteinte, la Commission technique d’expertise a établi que, pendant tout le temps où a existé le camp d’Auschwitz, les bourreaux allemands ont anéanti dans ce camp près de 4.000.000 de citoyens de l’Union Soviétique, de Pologne, de France, de Yougoslavie, de Roumanie, de Hongrie, de Bulgarie, de Hollande, de Belgique et d’autres pays. »

Je cite le passage correspondant du rapport de la Commission extraordinaire polono-soviétique sur Maïdanek que le Tribunal trouvera à la page 66 du livre de documents, deuxième colonne, sixième paragraphe. Le voici :

« La Commission extraordinaire polono-soviétique a établi que pendant les quatre années où a existé le camp d’extermination de Maïdanek les bourreaux hitlériens, sur l’ordre direct de -leur gouvernement criminel, ont exterminé, en les fusillant ou en les assassinant collectivement dans des chambres à gaz, près de 1.500.000 hommes, notamment des prisonniers de guerre soviétiques, des prisonniers de guerre de l’ancienne Armée polonaise, des citoyens de diverses nationalités, Polonais, Français, Italiens, Belges, Hollandais, Tchèques, Serbes, Grecs, Croates et un grand nombre de Juifs. »

Je termine sur ce document la partie relative aux camps de concentration et j’en arrive à la dernière partie de mon exposé traitant du camouflage des traces de crimes.

A l’époque de leurs succès militaires provisoires, les criminels germano-fascistes se souciaient très peu de cacher les traces de leurs crimes. Souvent, ils ne jugeaient même pas nécessaire de masquer avec de l’herbe les tombes dans lesquelles étaient jetés pêle-mêle ceux qu’ils avaient assassinés. Cependant, après la défaite subie à Stalingrad par la machine de guerre hitlérienne, la situation changea. Poussés par la peur des représailles, les criminels se mirent à prendre des mesures urgentes pour cacher les traces de leurs crimes. Partout où c’était possible, ils brûlèrent les cadavres. Là où c’était impossible, les tombes furent soigneusement camouflées par de l’herbe ou des plantes diverses. La terre avec laquelle on recouvrait les tombes des fusillés fut nivelée au moyen de tracteurs ou de machines spéciales. Cependant, la principale méthode à laquelle avaient recours les criminels fascistes pour camoufler leurs crimes était l’incinération des corps. Les cendres des corps incinérés étaient éparpillées dans les champs, les os qui n’étaient pas complètement brûlés étaient broyés à l’aide de machines spéciales et mélangés au fumier pour en faire de l’engrais. Dans les camps importants, ces os broyés étaient vendus à des usines allemandes pour servir à la production de superphosphates.

Je présente au Tribunal une série de documents prouvant le camouflage des crimes monstrueux des bandits nazis. Tout d’abord, le communiqué de la Commission extraordinaire d’enquête polono-soviétique sur Maïdanek. Ce document a été déposé sous le n° URSS-29 et le Tribunal trouvera le passage auquel je me réfère au verso de la page 65, deuxième colonne, dernier paragraphe. Afin d’abréger les débats, je me permettrai de résumer brièvement le contenu de ce document.

Dès le début de 1942, deux fours furent construits pour incinérer les cadavres :

« Étant donné qu’il y avait un grand nombre de cadavres, les Allemands ont commencé à construire, en 1942, un énorme four crématoire composé de cinq foyers, achevé en octobre 1943. Ces fours brûlaient sans arrêt. La température y pouvait atteindre 1.500 C. Pour pouvoir entasser dans ces fours le maximum de cadavres, les Allemands les dépeçaient et, notamment, enlevaient les membres à la hache. »

Je passe les paragraphes suivants et je voudrais seulement attirer l’attention du Tribunal sur le passage situé trois paragraphes plus loin.

« Il n’y avait pas assez de fours crématoires et, pour la destruction des cadavres, les Allemands avaient été forcés de recourir à des installations particulièrement primitives. Les opérations s’y passaient de la façon suivante. » Je commence ma citation au premier paragraphe du texte, page 334.

« Des planches étaient posées sur un wagon de chemin de fer ou sur un châssis d’automobile qui jouaient le rôle de gril et, sur les planches, des cadavres ; ensuite, une nouvelle couche de planches, puis une nouvelle couche de cadavres. On entassait ainsi sur le bûcher de 500 à 1.000 cadavres. On arrosait le tout de carburant et on y mettait le feu. »

Je cite encore un court passage qui confirme l’étendue de cette activité criminelle. A la page 336, premier paragraphe :

« La Commission a établi que, dans ces seuls fours crématoires, plus de 600.000 cadavres furent brûlés. Sur les bûchers gigantesques de la forêt de Krempetz furent brûlés plus de 300.000 cadavres. Dans les deux anciens fours crématoires, furent brûlés plus de 80.000 cadavres et enfin, sur les bûchers qui se trouvaient dans le camp lui-même, près du crématoire, furent incinérés au moins 400.000 cadavres. »

Pour apporter d’autres preuves de l’étendue de ce camouflage des crimes, je me réfère au rapport de la Commission extraordinaire d’État, sur la ville de Minsk. Les membres du Tribunal pourront trouver ce passage page 215 du livre de documents, deuxième colonne, quatrième paragraphe. Je cite un bref passage :

« A proximité de Blagovchtchina furent découvertes 34 fosses communes camouflées par des branchages. Quelques-unes d’entre elles atteignaient une longueur de 50 mètres. Lors de l’ouverture partielle de cinq de ces fosses on trouva, à une profondeur de trois mètres, des cadavres brûlés et une couche de cendre épaisse de 50 centimètres à 1 mètre. Aux environs de ces fosses, la Commission trouva une multitude de petits os humains, des cheveux, des prothèses dentaires et une grande quantité d’objets divers d’utilité courante. L’enquête a établi que les fascistes ont exterminé ici environ 150.000 personnes.

« A 450 mètres environ de l’ancien village de Petrachkevitchi furent trouvées huit fosses de 21 mètres de long -sur 4 mètres de large et 5 mètres de profondeur. Devant chacune de ces fosses, il y avait d’épaisses couches de cendres qui provenaient des cadavres brûlés. »

Je passe la page suivante et j’en arrive au rapport de la Commission extraordinaire d’État sur les atrocités des envahisseurs germano-fascistes dans la région de Lwow. Ce document a déjà été déposé sous le n° URSS-6. J’en lirai quelques extraits très courts. Le Tribunal trouvera le passage que je cite au verso de la page 164, deuxième colonne, cinquième paragraphe :

« Sur l’ordre du ministre du Reich, Himmler, et du général de la Police et des SS, Katzmann, des mesures spéciales furent prises, au mois de juin 1943, pour déterrer et brûler les cadavres des civils de différentes nationalités et des prisonniers de guerre soviétiques qui avaient été torturés jusqu’à la mort et fusillés. A Lwow, les Allemands créèrent un kommando spécial, le Sonderkommando 1005 qui se composait de 126 hommes. Le chef de cette bande était le Hauptsturmbannführer Scherlack, et son adjoint le Hauptsturm-bannführer Rauch. La tâche de ce Sonderkommando consistait à déterrer et à brûler les cadavres de civils et de prisonniers de guerre assassinés par les Allemands. »

Je me suis particulièrement arrêté sur ce passage parce que je voulais attirer l’attention du Tribunal sur ce numéro : « le Sonderkommando 1005 ». Ce commando était le prototype de ceux que les Allemands ont mis sur pied. Les Sonderkommandos ultérieurs créés dans le même but reçurent les numéros 1005-a, 1005-b, et ainsi de suite.

Je termine cette citation par les conclusions de l’expertise médico-légale. Je cite, page 340, dernier paragraphe :

« Dans la région de Lwow, les assassins hitlériens employèrent les mêmes méthodes pour cacher les traces de leurs crimes que celles qu’ils avaient déjà utilisées auparavant, en assassinant les officiers polonais dans la forêt de Katyn. La Commission d’expertise a établi, de manière absolue, que les tombes avaient été camouflées d’une manière identique dans la forêt de Lisenitz et dans la forêt de Katyn.

« Afin d’étendre leurs expériences sur la façon de brûler les cadavres et de camoufler leurs opérations criminelles, les Allemands créèrent, à Lwow, dans le camp de Janov, une école particulière qui préparait des « cadres spécialisés ». Cette école fut fréquentée par les commandants des camps de concentration de Lublin, de Varsovie, de Cracovie et d’autres villes. Le chef du Sonderkommando 1005, Scherlack, donnait des instructions et des directives à ces commandants de camps sur la façon de déterrer les corps, de les entasser sur des bûchers et de les brûler, d’éparpiller les cendres, de broyer les os, de planter des arbres et des buissons pour camoufler les fosses. »

Je me réfère ensuite au document déjà déposé sous le n° URSS-61. C’est le procès-verbal de l’examen, à Lwow, d’une machine spécialement conçue pour broyer les os humains. Le Tribunal trouvera ce procès-verbal page 473 du livre de documents. Étant donné qu’il ne me reste que très peu de temps, je me limiterai à des citations très brèves. Je cite (page 342, premier paragraphe) :

« La machine à broyer les os brûlés a été, en vue de cette tâche spéciale, montée sur une remorque automobile. Cette machine est facile à déplacer, quelle que soit la distance, sans qu’il soit nécessaire de la démonter, au moyen d’une automobile ou de n’importe quel autre moyen de transport. »

Je saute le paragraphe suivant et je cite encore un bref passage :

« Cette machine peut travailler partout sans préparatifs spéciaux et ne demande pas d’aménagements particuliers. Elle peut être transportée sans démontage, par une automobile ou n’importe quel autre moyen de transport. Étant donné ses dimensions, la machine peut broyer en une heure environ 3 mètres cubes de petits os brûlés. »

Je saute quatre pages de mon exposé et je dépose comme preuve l’original du procès-verbal de l’interrogatoire de Gerhardt Adametz, qui fut interrogé par un officier de l’Armée américaine, le lieutenant Patrick Mac-Mahon. Gerhardt Adametz a été interrogé sous la foi du serment. Je m’arrête à ce document qui nous a été aimablement prêté par nos collègues américains, étant donné que les déclarations de Gerhardt Adametz corroborent nos moyens de preuve. Ces déclarations sont très étendues et je me limiterai à des extraits assez brefs. Gerhardt Adametz appartenait au Sonderkommando n° 1005-b. J’attire une fois de plus l’attention du Tribunal sur le fait que le premier Sonderkommando portait le n° 1005 et que celui-ci porte déjà le n° 1005-b. Les membres du Tribunal trouveront l’extrait que je désire citer, tiré des déclarations de Gerhardt Adametz, à la page 480 du livre de documents, au deuxième paragraphe. Gerhardt Adametz a déclaré, au préalable, qu’avec 40 autres fonctionnaires de la Police de sûreté, il avait quitté Dniepropetrovsk et avait été envoyé à Kiev. Je rappelle au Tribunal de nom de Baby-Yar qui lui est familier. Je commence par un passage (page 347) extrait des déclarations de Gerhardt Adametz : « Notre lieutenant, Winter, présenta notre colonne à l’Oberleutnant Hanisch, chef de la Police de sûreté du détachement 1005-a. A cet endroit se dégageait une odeur de cadavres qui nous rendait malades et nous étions obligés de nous boucher les narines et de retenir notre respiration. L’Oberleutnant Hanisch s’est adressé à nous, d’ans une allocution dont je me rappelle encore les passages suivants :

« Vous êtes arrivés à l’endroit où vous devez faire votre service et aider vos camarades. Vous sentez déjà l’odeur qui sort de la « cuisine » qui se trouve derrière nous. Nous devons tous nous y habituer et vous devez ici remplir votre devoir. Il faudra garder les détenus, et cela avec la plus grande vigilance. Tout ce qui se passe ici est secret d’État. Chacun de vous répondra sur sa tête si un détenu lui échappe, avec l’éventualité d’être soumis auparavant au traitement spécial. Le même sort attend celui qui « bavardera ou qui ne sera pas assez prudent dans sa correspondance. Je saute la phrase suivante et je continue :

« Après ce discours de l’Oberleutnant Hanisch, on nous fit sortir pour que nous fissions connaissance avec l’endroit où nous devions servir. On nous fit sortir du cimetière, et on nous amena sur le champ attenant. La route qui traversait ce champ était jalonnée, des deux côtés, de policiers qui écartaient tous ceux qui voulaient en approcher. Sur le champ nous vîmes près de 100 détenus qui se reposaient après le travail. Les pieds de chacun de ces détenus étaient liés par des chaînes de 75 centimètres de long. Ils étaient tous habillés de vêtements civils ». Je passe la dernière partie du paragraphe et je continue :

« Le travail des détenus consistait, comme nous l’avons constaté plus tard, à déterrer les cadavres qui avaient été enterrés là dans deux fosses communes, à les transporter sur des tas et à les brûler. Il est difficile d’établir un chiffre exact, mais je pense qu’à cet endroit 40.000 à 45.000 cadavres environ avaient été enterrés. Un fossé anti-chars avait été en grande partie rempli de cadavres. Ce fossé mesurait environ 100 mètres de long sur 10 mètres de large et 4 à 5 mètres de profondeur. »

J’interromps la citation et je lis le dernier paragraphe :

« Le jour où nous arrivâmes à cet endroit (aux environs du 10 septembre 1943), il y avait dans le champ, trois à quatre petits amoncellements de cadavres. »

Il est intéressant de savoir ce que les fascistes désignaient sous le nom de « petits amoncellements ». Je continue la citation :

« Chacun de ces petits amoncellements était composé d’environ 700 cadavres, avait à peu près 7 mètres de long, 4 mètres de large et 2 mètres de haut. »

J’interromps ici ma citation et je la reprends à la page suivante :

« Ici comme ailleurs, j’ai pu observer que la méthode de travail suivante était employée pour l’incinération des cadavres : au moyen de crochets de fer, les cadavres étaient traînés jusqu’à l’endroit désigné, puis ils étaient entassés sur des supports de bois. On mettait du bois autour, on arrosait le tout de pétrole et on y mettait le feu. »

« Les policiers du détachement 1005-b, dont nous faisions partie, furent ensuite ramenés au cimetière dans une chapelle.

Cependant plusieurs d’entre nous ne purent manger, à cause de l’horrible odeur et du souvenir de ce que nous avions vu. »

Bien que la suite du témoignage soit intéressante, je la laisse de côté, pour gagner du temps, et je continue, page 351, deuxième paragraphe. Je voudrais lire ce passage, parce que, dans le rapport de la Commission extraordinaire d’État sur Kiev, que j’ai déjà eu l’honneur de citer il y avait des dépositions de prisonniers qui se sont évadés de ce commando. Dans les déclarations d’Adametz, nous trouvons une confirmation complète des dépositions de ces rescapés. Je cite :

« Aux environs du 29 septembre 1943, à 4 h. 15, à la faveur d’un brouillard très épais, près de trente détenus s’échappèrent. Ils avaient arraché leurs chaînes et s’échappèrent en hurlant de leurs baraques, s’enfuyant dans toutes les directions. Six d’entre eux environ furent tués. Les autres purent s’échapper à la faveur du brouillard intense. »

J’interromps ma citation et j’attire l’attention du Tribunal sur le fait qu’une fois ce travail d’incinération de cadavres terminé, les détenus étaient mis à mort. Je cite à cet effet la page suivante des déclarations d’Adametz page 352, deuxième paragraphe :

« Dans d’autres localités où j’ai eu à remplir ces fonctions de garde, les détenus, leur travail d’exhumation et d’incinération de cadavres terminé, furent mis à mort après avoir été emmenés dans un endroit désigné par le SD, en groupe ou un par un, sous la garde de détachements de police. Puis les policiers étaient renvoyés à l’arrière pour ramener de nouveaux détenus. Les membres du SD ordonnaient aux détenus de se coucher face contre terre sur un châssis de bois, et les tuaient immédiatement d’un coup de feu dans la nuque. Dans la plupart des cas, les détenus obéissaient à cet ordre sans récrimination en se couchant à côté de leurs camarades déjà fusillés. »

J’attire l’attention des membres du Tribunal sur l’itinéraire parcouru par ce Sonderkommando. Vous en trouverez la confirmation dans le même procès-verbal. Il alla à Krivoï-Rog, à Nicolaïev, à Voznessensk et à Riga ; c’est-à-dire que ce commando a parcouru un itinéraire allant de la mer Noire à la Baltique. C’est une route qui s’étend sur des milliers de kilomètres et, partout, ce commando accomplissait la même besogne. Pour le prouver, je cite seulement un court extrait du rapport sur le travail accompli dans la dernière étape de ce Sonderkommando, à Riga. Je commence ma citation (page 357 du texte) :

« Le détachement 1005-b, auquel nous appartenions, reçut ensuite l’ordre de se diriger sur des baraques qui avaient été construites depuis peu de temps et qui étaient disposées à environ 250 mètres de six à sept fosses communes. »

Je cite ce passage parce que les membres du Tribunal verront la forêt de Bikemek dans le film qui leur sera présenté.

« ... Ces fosses communes se trouvaient à environ 4 kilomètres des faubourgs de Riga, dans la forêt de Bikemek. » (Dans le procès-verbal, le nom de la forêt est mal indiqué.) « Il y avait là environ 10.000 à 12.000 cadavres. Un nouveau détachement de 50 à 60 détenus y fut amené par le SD et, au milieu de juin 1944, commença le travail qui consistait à déterrer et à brûler les cadavres, de la façon qui a été décrite auparavant. Ce travail fut terminé à la fin de juin 1944. Je pense qu’à ce moment le front se trouvait à 300 kilomètres de là. Ces 10.000 à 12.000 cadavres étaient ceux d’hommes, de femmes et d’enfants de tous les âges et avaient été enterrés environ deux ans auparavant. »

Je rappelle au Tribunal un passage du rapport de la Commission extraordinaire d’État, rapport qui a été déposé par mes soins et où il est dit que les exécutions ont eu lieu en 1942. Ainsi, nous voyons que les déclarations d’Adametz concordent avec le rapport de la Commission extraordinaire d’État. Je continue :

« Nous autres, policiers, croyions, en général, qu’ils avaient été tués par des SS. Cependant, ce n’était là qu’une supposition. Le nouveau groupe de 50 à 60 détenus fut mis à mort à la fin de juillet 1944 de la façon précédemment décrite. »

Je passe toute la partie qui suit, et je me permettrai de citer la conclusion du procès-verbal de l’interrogatoire de Gerhardt Adametz, page 359, quatrième paragraphe :

« Nous avons cru, par la suite, qu’en réalité les nazis avaient peur que les énormes fosses communes fussent découvertes par les armées soviétiques qui avançaient et que ces horribles assassinats en masse fussent portés à la connaissance du monde civilisé. Je pense qu’environ 100.000 cadavres furent déterrés de ces énormes fosses par les hommes du SD des détachements 1005-a et 1005-b. Je crois que d’autres commandos similaires accomplissaient le même travail, mais je n’en connais pas le nombre. Si j’avais pensé ou su qu’un jour j’aurais été obligé de faire cette besogne répugnante et avilissante, je serais parti n’importe où. »

J’omets la suite, c’est-à-dire le texte du serment et la signature du témoin.

Avant de présenter les preuves d’un nouveau crime des hitlériens, je demanderai au Tribunal la permission de faire quelques remarques préliminaires. Le meurtre de plusieurs millions d’hommes fut accompli par les fascistes allemands pour des motifs dictés par leur haine de l’humanité, par les « théories » antropophagiques du racisme et de la race des seigneurs qui leur permettaient d’anéantir les peuples. Tous ces meurtres et tous ces assassinats furent froidement prémédités. Ces atrocités, sans précédent par leur étendue, furent accomplies ponctuellement dans les délais prévus ; comme je l’ai déjà montré auparavant, une technique spéciale avait été mise au point pour les exécutions en masse et pour le camouflage de ces crimes. Mais il y a plus ; dans de nombreux crimes des fascistes allemands, il y a un trait qui les rend encore plus répugnants. Dans toute une série de cas, les Allemands ayant déjà tué leurs victimes n’arrêtaient pas là leurs crimes. Ils continuaient en profanant le cadavre même de la victime qu’ils venaient d’assassiner. Il en était ainsi dans tous les camps d’extermination. Je rappelle au Tribunal que les os des cadavres qui n’étaient pas complètement brûlés étaient vendus par les fascistes allemands à la firme Strehm et que les cheveux des femmes assassinées étaient coupés, mis en sacs et expédiés en Allemagne.

Dans le même ordre d’idées, on trouve des crimes dont j’apporterai maintenant des preuves. J’ai déjà montré auparavant, à plusieurs reprises, que la méthode essentielle pour le camouflage de ces crimes consistait à brûler les cadavres. Mais ce même esprit fourbe des SS qui concevait tout du point de vue national, après avoir inventé les chambres à gaz et les camions de la mort, se mit en quête de découvrir les moyens qui lui permettraient de faire intégralement disparaître toute trace de ses victimes, tout en retirant certains produits de cette opération. A l’institut anatomique de Dantzig, avaient déjà eu lieu des expériences sur la fabrication de savon à partir de cadavres humains et sur les possibilités de tannage de la peau humaine, dans des buts industriels. Je présente au Tribunal, sous le n° URSS-197, la déposition d’un homme qui prit part lui-même à la fabrication du savon à partir de graisse humaine. Il s’appelle Sigmund Masur, préparateur à l’institut anatomique de Dantzig. Je saute deux pages de sa déposition et j’arrive page 363 où je commence ma citation, qui est assez longue et que j’ai raccourcie vu le peu de temps dont je dispose pour la présentation des preuves. J’attire l’attention du Tribunal sur cet extrait :

« Question

Racontez-nous comment on procédait à la fabrication du savon, à partir de la graisse humaine, à l’institut anatomique de la ville de Dantzig ?

« Réponse

En été 1943 fut construit, à côté de l’institut anatomique, au fond d’une cour, un bâtiment en pierres, à un étage, comprenant trois pièces. Ce bâtiment avait été construit pour l’utilisation des cadavres et pour le traitement des os. C’est ce qui avait été officiellement déclaré par le professeur Spanner. Ce laboratoire portait le nom de « Laboratoire pour la préparation des squelettes humains et la crémation de la chair et des os inutiles ». Dès l’hiver 1943-1944, le professeur Spanner ordonna de recueillir la graisse humaine et de la conserver. Cet ordre fut donné à Reichert et à Borkmann. En février 1944, le professeur Spanner me donna une formule pour préparer le savon à partir de la graisse humaine. Cette formule prescrivait de prendre cinq kilogs de graisse humaine, dix litres d’eau et 500 ou 1.000 grammes de soude caustique, de faire bouillir deux à trois heures et de laisser refroidir. Le savon surnageait alors, tandis que les résidus et l’eau restaient au fond des récipients. On ajoutait à ce mélange une poignée de sel et de la soude. Ensuite, on ajoutait de l’eau froide et on faisait bouillir à nouveau le mélange pendant deux à trois heures. Après refroidissement, le savon était coulé dans des, moules. »

LE PRÉSIDENT

Nous allons suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue.)

COLONEL SMIRNOV

Je me permettrai maintenant de montrer au Tribunal un de ces moules dans lesquels était coulé le savon bouilli et, ensuite, j’apporterai la preuve que du savon humain non fini a été saisi à Dantzig.

Je continue ma citation :

« Ce savon avait une odeur désagréable et, pour enlever cette odeur, on y ajoutait du benzaldehyde. »

Je saute le paragraphe suivant où il est question de la provenance des cadavres, car ce fait n’a aucune importance en ce qui concerne la partie de la documentation que je viens de déposer. Je continue la citation, page 364, quatrième paragraphe :

« Borkmann et Reichert recueillaient la graisse des cadavres. Je préparais du savon avec cette graisse. Une opération de cuisson durait plusieurs jours (trois à sept). Personnellement, je n’ai pris une part directe qu’à une seule opération de cuisson sur deux, dont j’ai eu connaissance. Ces deux opérations eurent pour résultat 25 kilogs de savon, dont la fabrication demanda 70 à 80 kilogs de graisse humaine, tirée d’environ 40 cadavres. Le savon terminé allait au professeur Spanner qui le conservait chez lui.

« Autant que je sache, la fabrication de savon à partir de cadavres humains intéressait également le Gouvernement hitlérien. L’institut anatomique a reçu la visite du ministre de l’Éducation populaire (Volksaufklärung), Rust, du ministre de la Santé, Conti, du Gauleiter de Dantzig, Albert Forster et de nombreux professeurs de différents instituts médicaux.

« J’ai employé moi-même ce savon fait de graisse humaine pour ma toilette et ma lessive ; j’en ai pris quatre kilogs. »

Je saute l’alinéa suivant et je continue :

« Reichert, Borkmann, von Bargen et notre chef, le professeur Spanner, se sont également servis de ce savon pour leur usage personnel. »

Je passe les paragraphes suivants et je termine ma citation à la page 365 du texte russe, en lisant un passage où il est question de l’utilisation industrielle de la peau humaine :

« De même que pour la graisse humaine, le professeur Spanner avait ordonné de recueillir la peau humaine qui, après avoir été dégraissée, était soumise à un traitement par certaines substances chimiques. Le préparateur von Bargen et le professeur Spanner s’occupaient de traiter cette peau humaine qui était ensuite emballée dans des caisses et utilisée à des fins spéciales qui me sont inconnues. »

Je dépose maintenant, sous le n° URSS-196, une copie de la formule du savon, sur laquelle je ne m’arrêterai pas car elle est identique à celle qui a été citée dans les déclarations du témoin Masur. La preuve que cette formule est authentique se trouve dans les déclarations de Masur qui ont été consignées dans un procès-verbal, déposé sous le n° URSS-197. Je ne lirai donc pas ce procès-verbal. Par contre, je me permettrai de citer deux documents qui nous ont été très obligeamment transmis par le Ministère Public britannique et qui confirment la déposition de Masur. Il s’agit des déclarations, faites sous la foi du serment, de deux prisonniers de guerre britanniques, et en particulier du soldat, John Henry Witton, du régiment Royal-Sussex. Ce document sera déposé sous le n° URSS-264. Messieurs les juges le trouveront à la page 495, cinquième alinéa. J’en cite un passage très bref, vu le peu de temps dont je dispose :

« On amenait en moyenne sept à huit cadavres par jour ; ils étaient tous décapités et nus. Ils étaient amenés tantôt dans une automobile de la Croix-Rouge, qui contenait cinq à six cadavres dans une caisse en bois, tantôt dans une petite camionnette qui en contenait trois ou quatre. »

Je passe la phrase suivante. « Les cadavres étaient habituellement très rapidement déchargés et portés dans la cave, qu’on pouvait atteindre par une porte latérale située dans le couloir de l’entrée principale. »

Je saute la phrase suivante :

« Ensuite, on les mettait dans de grands récipients en fer où on les laissait environ quatre mois. »

Je saute les trois phrases suivantes et je cite à nouveau : « Grâce au produit spécial dans lequel ces cadavres étaient conservés, il était très facile de détacher des os le tissu cellulaire. On mettait ensuite ce tissu cellulaire dans une cuve qui avait les dimensions d’une petite table de cuisine. Après ébullition complète, on versait le liquide obtenu dans des récipients blancs environ deux fois plus grands qu’une feuille de papier ministre et ayant environ 7, 5 cm de profondeur. »

II s’agit de moules semblables à celui que je viens de montrer au Tribunal.

« On pouvait remplir journellement environ trois à quatre moules avec le liquide tiré de la cuve. »

Ce témoin n’a pas vu lui-même l’emploi de ce savon, mais je dépose maintenant comme preuve, sous le n° URSS-272, les déclarations écrites du caporal William Andersen Nealy, du Royal-Signals de l’Armée britannique. Messieurs les juges trouveront ce passage à la page 498, tome II du livre de documents :

« On amenait environ deux ou trois cadavres par jour. Ils étaient nus et la plupart d’entre eux étaient décapités. »

Je saute deux alinéas et continue la citation :

« Le montage de la machine à fabriquer le savon fut terminé en mars ou avril 1944. Des prisonniers de guerre anglais avaient terminé en juin 1942 la construction du bâtiment dans lequel cette machine devait être installée. La machine elle-même fut montée par une entreprise civile de Dantzig, nommée Aird, qui ne s’occupait pas de production d’armements. Autant que je me souvienne, cette machine comportait une chaudière électrique, dans laquelle on faisait fondre les os des cadavres mélangés à un acide. Le processus de liquéfaction durait environ 24 heures. Les parties grasses, provenant en particulier de cadavres de femmes, étaient mises dans un grand récipient en émail, chauffé par deux becs Bunsen. Là aussi on se servait d’un acide ; je crois que c’était de l’acide chlorhydrique. Quand le processus d’ébullition était terminé, on laissait refroidir le mélange et, par la suite, on en faisait des coupes en vue d’examens microscopiques. »

Je continue en citant l’alinéa suivant :

« Je ne peux pas donner une idée exacte des quantités obtenues, mais j’ai vu employer le produit à Dantzig pour nettoyer des tables dans les salles de dissection. Le personnel qui s’en servait trouvait que c’était le produit le plus approprié à cette besogne. »

Je dépose maintenant quelques fragments du savon en question, soit mi-fini, soit terminé : voici un petit morceau de savon qui est resté emmagasiné plusieurs mois, il rappelle le savon de ménage le plus ordinaire. Je présente également quelques spécimens de cuir à moitié terminé, préparé à base de peau humaine. Les échantillons que j’ai amenés démontrent que la fabrication du savon à l’institut de Dantzig était pratiquement mise au point. En ce qui concerne la peau, elle rappelle par son aspect un produit semi-fabrique. Le morceau que vous apercevez sur le côté gauche de la table est celui qui ressemble le plus à du cuir industriel. On peut donc en déduire qu’à l’institut de Dantzig les essais de fabrication industrielle de savon avec de la graisse humaine étaient déjà achevés, tandis que les expériences en vue de tanner la peau humaine étaient encore en cours. L’avance victorieuse de l’Armée rouge mit un terme à ces nouvelles manœuvres criminelles des nazis.

Il me reste, messieurs les juges, à vous présenter une dernière preuve dans la série de celles que l’URSS a fournies concernant les crimes commis contre les populations civiles. Peut-être que, par la suite, différents témoins arriveront de l’Union Soviétique et qu’ils traiteront des questions que j’ai soulevées ici. Je demanderai au Tribunal l’autorisation de faire comparaître ces témoins après la présentation de ces documents. Avant de passer à la présentation de ma dernière preuve, je prie le Tribunal de me permettre de faire quelques remarques pour résumer les débats.

La longue série des crimes commis contre la population civile des territoires temporairement occupés par les criminels germano-fascistes en Union Soviétique, en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Yougoslavie et en Grèce ne peut pas être totalement examinée, même dans le rapport le plus détaillé. On ne peut que retenir ce qu’il y a de plus caractéristique parmi les atrocités, les méthodes cruelles et ignominieuses qui sont le fait des principaux criminels, ceux qui avaient imaginé ces crimes, aussi bien que de leurs sbires qui les ont perpétrés. Ceux qui se trouvent maintenant sur le banc des accusés ont libéré de « la chimère qu’on appelle conscience » des centaines de milliers et même des millions de criminels. Ils ont instruit ces criminels, ils leur ont créé une atmosphère d’impunité et ont ameuté ces chiens sanguinaires contre de paisibles populations civiles. Ils ont bafoué la conscience et la dignité humaines. Mais ceux qui ont été asphyxiés dans les camions de la mort et dans les chambres à gaz, qui ont été déchirés en morceaux, ceux dont les cadavres ont été brûlés dans les fours crématoires et dont les cendres ont été éparpillées au vent, ceux-là font appel à la conscience du monde.

Nous ne pouvons pas dénombrer maintenant tous les endroits où des millions d’hommes ont été martyrisés et atrocement assassinés.

Mais sur les murs humides des chambres à gaz, sur les lieux des exécutions, sur la pierre des cachots, dans les citadelles de la mort, nous pouvons encore lire les brèves inscriptions faites par ces hommes voués à la mort, inscriptions pleines d’une indicible douleur et appelant la vengeance. Puissent les vivants ne jamais oublier les voix de ces victimes de la terreur germano-fasciste, les mots inscrits sur les murs des prisons demandant justice et vengeance. Pour conclure aujourd’hui l’exposé des preuves, je présente maintenant au Tribunal un film documentaire accompagné des déclarations sous serment des auteurs de ce film, que je prie le Tribunal d’accepter comme preuve. En vue des préparatifs qu’exige la projection du film, je demanderai au Tribunal une courte suspension d’audience de 10 minutes.

(L’audience est suspendue.)
COLONEL SMIRNOV

Monsieur le Président, vous permettez qui l’on commence la projection du film ?

LE PRÉSIDENT

Certainement.

(Le film documentaire Les atrocités des envahisseurs germano-fascistes est projeté. On n’entend que le commentaire russe ; la traduction ne parvient pas.)
COLONEL SMIRNOV

Monsieur le Président, il a dû se produire un malentendu. Je ne sais pas par quoi l’opérateur a commencé. Permettez que je me renseigne.

(Interruption.)
COLONEL SMIRNOV

L’erreur est due à une méprise de l’opérateur.

(Le film Les atrocités des envahisseurs germano-fascistes, présenté par le Ministère Public soviétique, est de nouveau projeté.)
LE PRÉSIDENT

Colonel Smirnov, avez-vous terminé votre exposé ?

COLONEL SMIRNOV

J’ai terminé la présentation de mes preuves, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Pouvez-vous indiquer au Tribunal de combien de temps aura encore besoin le Ministère Public soviétique ?

COLONEL SMIRNOV

Il m’est difficile de répondre à cette question, Monsieur le Président ; je vais demander au Procureur Général de vous répondre.

GÉNÉRAL RUDENKO

Demain, nous commencerons par la présentation de preuves concernant le pillage de biens publics et privés. Nous croyons que le rapporteur qui traitera cette question terminera son exposé dans la journée. Ensuite, nous présenterons au Tribunal des preuves sur la destruction des villes, des villages, des monuments de la culture nationale et des monuments religieux. Cet exposé prendra à peu près un jour et demi, autrement dit une journée d’audience de jeudi ou vendredi et une demi-journée de l’audience suivante, en tenant compte du fait que nous devons projeter encore un film documentaire traitant de cette question. Ensuite, seront présentées au Tribunal les preuves relatives au chapitre « Déportation en vue du travail forcé », ce qui prendra environ trois ou quatre heures. Le dernier chapitre sera consacré aux crimes contre l’Humanité. Au cours de la présentation des preuves correspondant à ces différents chapitres, nous entendrons, avec l’autorisation du Tribunal, les dépositions de quelques témoins. Je n’ai pas pu en présenter aujourd’hui la liste au Tribunal, du fait que nous avons quelques difficultés pour les faire venir. Je déposerai cette liste au plus tard demain, à la fin de l’audience. Je pense que la présentation de l’exposé de la Délégation soviétique prendra fin mardi ou mercredi de la semaine prochaine.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie.

(L’audience sera reprise le 20 février 1946 à 10 heures.)