SOIXANTE-QUATRIÈME JOURNÉE.
Jeudi 21 février 1946.

Audience de l’après-midi.

GÉNÉRAL RAGINSKY

« Le pillage et la destruction des monuments historiques et artistiques de la ville de Pouchkino (Tsarskoïé-Sélo) ont été exécutés intentionnellement et sur ordre du Haut Commandement allemand. »

Je saute la fin de la page 47 et le début de la page 48 :

« Une grande partie du palais de Catherine a été incendiée par les Allemands ; l’enfilade de salons, longue de 300 mètres, création de Rastrelli, et les magnifiques antichambres qu’il avait décorées ont été détruites dans les flammes. »

Je passe un paragraphe et je cite :

« Le spectacle de destruction présenté par la grande salle, œuvre géniale de Rastrelli, est terrible. Ont été anéantis également les plafonds de Torelli, Giordano, Brullov et autres maîtres célèbres italiens et russes. »

Je passe encore un paragraphe :

« A été détruite et pillée l’église du palais, remarquable par sa décoration intérieure, une des œuvres les plus renommées de Rastrelli. »

Je passe encore un paragraphe :

« Lors de leur retraite, en janvier 1944, les envahisseurs allemands entreprirent la destruction de ce qui restait encore du palais de Catherine et des bâtiments adjacents. A cet effet furent placées au rez-de-chaussée du palais, de même que sous la galerie Cameron, onze bombes à retardement de gros calibre, pesant chacune de une à trois tonnes.

Les hitlériens dévastèrent le palais d’Alexandre à Pouchkino, construit à la fin du XVIIle siècle par le célèbre architecte Giacomo Quarenghi. »

Je passe un paragraphe :

« Tous les meubles emmagasinés dans les caves du palais de Catherine et d’Alexandre, transformé en musée, des porcelaines d’art, les livres de la bibliothèque du palais furent transférés en Allemagne. Le fameux plafond « Le festin des dieux de l’Olympe », dans la salle centrale du pavillon de l’Ermitage, fut enlevé et emporté en Allemagne. »

Je passe deux paragraphes :

« De grandes destructions ont été faites par les hitlériens dans les merveilleux parcs de Pouchkino où des arbres séculaires ont été abattus.

Les bataillons des missions spéciales de Ribbentrop et les commandos de l’État-Major de Rosenberg transférèrent du palais Pavlovsky vers l’Allemagne des meubles de grande valeur, exécutés d’après des esquisses de Voronikhine et des plus grands maîtres du XVIIIe siècle. »

Je passe la fin de la page 49 et le début de la page 50 :

« Lors de leur retraite, les envahisseurs fascistes incendièrent le palais de Pavlovsky. La presque totalité de l’édifice a complètement brûlé. »

Je passe les deux paragraphes suivants et je cite le paragraphe qui termine ce document :

« La Commission extraordinaire d’État a établi que la destruction des monuments artistiques de Peterhof, Pouchkine et Pavlovsk a été effectuée par des officiers et soldats de l’Armée allemande sur l’ordre direct du Gouvernement et du Haut Commandement allemand.

Nombreuses sont les grandes villes des territoires occupés de l’Union Soviétique qui furent détruites par les envahisseurs germano-fascistes. Et c’est avec une cruauté particulière qu’ils s’attaquèrent aux villes russes qui avaient conservé leurs monuments d’art ancien. Comme exemple, je vais citer la destruction des villes de Novgorod, Pskov et Smolensk.

Novgorod et Pskov faisaient partie de ces centres historiques où le peuple russe posa les fondations de son État. Pendant des siècles, une culture très développée unique en son genre y a fleuri. Elle a laissé un riche héritage qui constitue un bien précieux de notre peuple. Comme nombre de leurs anciens chefs-d’œuvre d’architecture religieuse ou profane avaient subsisté, de même que leurs peintures murales, sculptures et autres œuvres d’art, Novgorod et Pskov étaient appelées, à juste titre, les cathédrales de l’Histoire russe. »

Les barbares hitlériens détruisirent à Novgorod un nombre considérable de monuments des XIe et XIIe siècles d’une grande valeur artistique. Non seulement ils ont démoli les monuments, mais toute la ville a été transformée en un amas de décombres. Comme preuve, je vais lire quelques extraits du rapport présenté au Tribunal sous le n° URSS-50. Ces extraits se trouvent aux pages 333 et 334 du livre de documents. Je lis :

« L’ancienne cité russe de Novgorod a été transformée par les envahisseurs nazis en un amas de ruines. Ils ont en partie détruit les monuments historiques, pour construire des fortifications de défense.

Les vandales germano-fascistes ont détruit et anéanti à Novgorod les plus beaux monuments de l’art ancien russe. Dans la cathédrale Saint-Georges du monastère Youryev, construit au début du XIIe siècle, les fascistes ont détruit les voûtes et la tour dont les murs étaient décorés de fresques de l’époque.

La cathédrale Sainte-Sophie, construite au XIe siècle, était considérée comme un des chefs-d’œuvre les plus anciens de l’architecture russe. Les Allemands l’ont détruite. Les fascistes ont enlevé toute la décoration intérieure de la cathédrale, toutes les icônes de l’iconostase, les vieux encensoirs, y compris celui de Boris Godounov.

L’église de l’Annonciation d’Arkache du XIIe siècle a été transformée en caserne par les fascistes. »

Je passe un paragraphe :

« L’église de l’Assomption du champ de Volotov, monument de l’architecture de Novgorod des XIVe et XVe siècles, a été transformée par les Allemands en un monceau de pierres et de briques. »

Je passe un paragraphe :

« A été détruite l’église de la Transfiguration du Sauveur, dans la rue Ilyine, un des meilleurs témoignages de l’architecture de Novgorod au XIXe siècle, particulièrement célèbre par ses fresques exécutées à l’époque par un grand maître byzantin, Théophane le Grec. »

Je passe l’exposé de la page suivante et j’arrive à la page 54 :

« Plus de deux années d’occupation hitlérienne à Novgorod amenèrent la destruction d’un nombre considérable d’autres magnifiques monuments de l’architecture ancienne russe.

Sur l’ordre du commandant de la 18e armée allemande, le général Lindemann, les barbares allemands ont démantelé le monument du « millénaire de la Russie » et fait des préparatifs pour l’envoyer en Allemagne. Ce monument a été érigé sur la place du Kremlin en 1862 et symbolisait, dans ses différents motifs sculptés artistiques, les principales étapes du développement de notre pays jusqu’aux environs de 1860. Les barbares hitlériens démontèrent le monument, brisèrent les statues, mais ils ne réussirent pas à envoyer à la refonte les parties métalliques du monument. »

Sur la destruction barbare des monuments d’art ancien russe des villes de Novgorod et de Pskov par les allemands, Youri Nikolaevitch Dmitriev donne un compte rendu détaillé dans une déposition écrite. Le citoyen Dmitriev était depuis 1937 conservateur de la section d’art ancien russe au musée d’État de la ville de Leningrad. Il commença l’étude des monuments historiques de Novgorod et Pskov en 1926. En tant que grand spécialiste dans ce domaine, il a été chargé par la Commission extraordinaire d’État de participer à l’enquête sur les agissements criminels des envahisseurs germano-fascistes.

Je présente au Tribunal sous le n° URSS-312 l’original du procès-verbal des déclarations de Dmitriev, enregistrées suivant la procédure russe. Les membres du Tribunal trouveront ce document dans le livre de documents, pages 335 à 337. Au cours de la lecture de ces déclarations, je laisserai de côté la description des faits dont le Tribunal a déjà eu connaissance d’après le rapport de la Commission extraordinaire d’État. Je vais lire simplement quelques courts passages qui se trouvent pages 336 à 339. Dmitriev a déclaré :

« Novgorod a été en grande partie rasée et les quelques quartiers de la ville qui subsistent ont été abandonnés, en ruines, par les Allemands.

Pskov a été également transformée en ruines par les Allemands qui, au cours de leur retraite, ont fait sauter ses maisons et monuments. Sur 88 édifices de Novgorod ayant une valeur artistique et historique, deux sont restés sans dommages importants. Seuls quelques monuments isolés de Pskov sont restés intacts. Les monuments historiques et artistiques de Novgorod et de Pskov ont été systématiquement détruits par les Allemands.

En même temps qu’elles détruisaient et endommageaient ces monuments, les troupes allemandes se livraient au brigandage et au pillage d’objets de valeur matérielle et artistique qui se trouvaient dans ces monuments ou qui en faisaient partie.

Les troupes allemandes ont en même temps profané et abîmé toute une série de monuments religieux de Novgorod et de Pskov de valeur historique et artistique. »

Jour par jour, durant 26 mois, les hitlériens détruisirent la plus ancienne ville russe, Smolensk. Le Ministère Public soviétique a déposé le document URSS-56 qui contient le rapport de la Commission extraordinaire d’État. Je ne vais pas citer ce document, mais seulement m’y référer et je tâcherai d’en exposer moi-même les points essentiels.

A Smolensk, les envahisseurs fascistes allemands ont détruit et pillé les collections les plus précieuses des musées, souillé et incendié les monuments historiques, détruit les écoles et instituts, les bibliothèques, les hôpitaux et dispensaires ».

Ce rapport enregistre les faits suivants :

« Lorsqu’on avril 1943 les Allemands eurent besoin de pierraille pour la réfection des routes, ils firent sauter un lycée dans ce but. Les Allemands ont mis le feu à toutes les bibliothèques de la ville et à 22 écoles. Dans les bibliothèques incendiées par les Allemands, 646.000 livres ont été anéantis. »

Je passe à la page 57 du rapport :

« A Smolensk, avant l’occupation allemande, il y avait quatre musées renfermant de très précieuses collections. Le musée d’art avait des collections extrêmement riches surtout au point de vue ethnographique, relatives à l’histoire et à la sociologie russes et d’autres objets d’art : tableaux, icônes, bronzes, porcelaines, tissus. Ces collections avaient une valeur universelle et avaient été présentées lors d’une exposition en France. Les occupants ont détruit les musées et envoyé en Allemagne les objets d’expositions les plus précieux. »

Je cite seulement le dernier alinéa de la page 57 :

« L’État-Major spécial de Rosenberg pour la confiscation et l’exportation des objets de valeur des territoires occupés de l’Est avait à Smolensk une section spéciale dirigée par le Dr Norling, organisateur du pillage des musées et des monuments historiques. »

Tels sont, Messieurs les juges, quelques-uns des nombreux crimes perpétrés par les barbares fascistes. Ils montrent clairement comment fut réalisé le plan de brigandage des conspirateurs hitlériens.

On sait avec quelle inflexibilité les envahisseurs germano-fascistes ont réalisé le pillage économique du peuple ukrainien. La destruction et le pillage des trésors historiques et culturels ukrainiens tenaient une place, et non des moindres, dans les plans des conspirateurs nazis et furent exécutés avec non moins de cruauté.

Suivant leurs plans criminels d’asservissement du peuple libre d’Ukraine, les conspirateurs hitlériens s’efforcèrent d’en annihiler la culture. Réalisant leurs plans criminels, les hitlériens, dès les premiers jours de l’invasion de l’Ukraine, se mirent à anéantir systématiquement les écoles, les établissements d’enseignement supérieur, les instituts scientifiques, les musées, les bibliothèques, les clubs, les théâtres. Les trésors culturels et historiques de Kiev, Kharkov, Odessa, des régions de Stalino et de Rovno et d’autres villes grandes ou petites, ont été détruits ou pillés.

D’après le document présenté par le Ministère Public soviétique sous le n° URSS-32, qui contient les conclusions du Conseil de guerre du 4e front ukrainien du 15 au 18 décembre 1943, il ressort clairement que les troupes germano-fascistes, dans la ville de Kharkov et dans la région de Kharkov, ont, sur l’ordre direct du Gouvernement hitlérien, pillé, incendié et détruit des richesses matérielles et culturelles du peuple soviétique. Les membres du Tribunal trouveront cet extrait à la page 359 du livre de documents.

Je passe maintenant à la présentation des preuves sur les agissements des hitlériens à Kiev, capitale de la République ukrainienne. Je vais citer un paragraphe du document déposé par le Ministère Public soviétique sous le n° URSS-248. Il se trouve à la page 363 de votre livre de documents ; c’est un extrait du procès-verbal de la Commission extraordinaire d’État sur la destruction et le pillage de l’hôpital psychiatrique de Kiev par les envahisseurs fascistes. » Entre autres destructions, je cite :

« Ils ont incendié les archives de l’hôpital qui étaient d’une grande valeur scientifique. Ils ont anéanti la merveilleuse bibliothèque de l’hôpital contenant 20.000 volumes. Ils ont pillé un monument du XIe siècle, classé monument historique de grande valeur, la magnifique cathédrale de Saint-Cyrille, située sur le domaine de l’hôpital. »

Je passe ensuite à la lecture des extraits du rapport de la Commission extraordinaire d’État déposé devant le Tribunal sous le n° URSS-9. Les extraits cités correspondent aux pages 365 et 366 du livre de documents :

« A Kiev, avant l’invasion allemande, il y avait 150 écoles secondaires et primaires ; 77 d’entre elles ont été transformées en casernes ; 9 ont été aménagées en dépôts et ateliers ; dans 2 autres se sont installées des états-majors et 8 ont été utilisées comme écuries. A leur départ de Kiev, les barbares allemands ont détruit 140 écoles. »

Je passe le paragraphe suivant :

« Les occupants allemands ont pillé plus de 4 millions de livres dans les bibliothèques de Kiev. De la seule bibliothèque de l’Académie des sciences de la République soviétique d’Ukraine, les hitlériens ont emmené en Allemagne plus de 320.000 livres divers, de journaux et de manuscrits, précieux et souvent uniques.

Je prie les membres du Tribunal de remarquer que le pillage de la bibliothèque de l’Académie des sciences a été déjà exposé par mes soins et attesté par un document en date du 10 novembre 1942. C’est la déposition du Dr Förster, SS-Obersturmführer, attaché au bataillon spécial d’intervention, bataillon créé sur l’initiative de l’accusé Ribbentrop et agissant sous sa direction.

Je passe un paragraphe et je continue la lecture des extraits du rapport de la Commission extraordinaire d’État :

« Le 5 septembre 1943, les Allemands ont incendié et fait sauter l’un des centres les plus anciens de la culture ukrainienne :

l’université d’État de Kiev, qui portait le nom de T. G. Chevtchenko et avait été créée en 1834. Des œuvres de très grande valeur, qui ont servi de base pendant des siècles aux travaux scientifiques de l’université, ont été anéanties dans les flammes, ainsi que des archives historiques, des documents anciens d’une valeur exceptionnelle. Ont été détruits : la bibliothèque qui possédait un fonds de plus de 1.300.000 livres, le musée zoologique de l’université qui avait plus de 2.000.000 de pièces, et toute une série d’autres musées.

Les occupants allemands ont également détruit les écoles supérieures de Kiev ; ils ont pillé et incendié la plupart des instituts médicaux. Les barbares fascistes ont incendié à Kiev les bâtiments du théâtre dramatique de l’Armée rouge, l’Institut de théâtre et le Conservatoire où les instruments, une bibliothèque très riche et toute l’installation ont été la proie des flammes. Ils ont incendié, avec tout l’équipement, le théâtre du « Jeune spectateur » qui portait le nom de M. Gorki. Ils ont détruit le théâtre juif...

Au musée de l’Art européen occidental et oriental, il ne reste que quelques grandes toiles que les brigands n’ont pas eu le temps d’enlever des murs élevés de la cage d’escalier. Au musée de l’Art russe, les hitlériens ont enlevé, avec toutes les autres pièces, une collection d’icônes russes de grande valeur. Ils ont pillé le musée de l’Art ukrainien. Des 41.000 pièces de la section de l’Art populaire de ce musée, il ne reste que 1.900. »

Je saute la fin de cette page et je passe à la page 62 :

« Les hitlériens ont pillé le musée de T. G. Chevtchenko. Ils ont pillé l’un des plus grands monuments des peuples slaves, la cathédrale Sainte-Sophie, de laquelle ils ont enlevé 14 fresques du XIIe siècle. »

Je passe un paragraphe :

Sur l’ordre du commandement allemand, les formations armées pillèrent et détruisirent à la dynamite le monument le plus ancien, l’abbaye de Kievo-Petchersk. Le 3 novembre 1941, les Allemands ont fait sauter la cathédrale Ouspenski, construite en 1075-1089 par le grand-duc Svyatoslav, et décorée à l’intérieur par le peintre bien connu Verechtchaguine.

Je laisse la fin de la page 62 et je passe à la page 63.

« On ne peut voir sans affliction », communique un membre de la Commission extraordinaire d’État, Nicolas, métropolite de Kiev et du diocèse de Galicie, « les ruines de la cathédrale Ouspenski, construite au XIe siècle par le génie de ses immortels bâtisseurs. Les explosions ont creusé dans le sol quelques énormes cratères tout autour de la cathédrale et on dirait à les voir que la terre elle-même a frémi à la vue des forfaits commis par ceux qui n’ont pas le droit de porter le nom d’hommes. Il semble qu’un ouragan formidable ait balayé le monastère ; il a renversé les puissants bâtiments de la cathédrale et dispersé leurs ruines. Pendant plus de deux ans, Kiev a vécu enchaînée. Les bourreaux hitlériens y ont semé la mort, la dévastation, la famine et les massacres. Tout cela s’estompera avec le temps, mais jamais ces crimes ne tomberont dans l’oubli, non seulement chez les peuples de l’Ukraine et de la Russie, mais encore chez les honnêtes gens du monde entier. »

Monsieur le Président, permettez-moi de m’arrêter encore sur deux documents. Le premier porte le n° PS-035 ; il est intitulé :

« Bref rapport sur les mesures de sécurité prises par le Groupe principal de travail en Ukraine au cours des manœuvres de décrochage opérées par l’Armée allemande »

Il a été présenté au Tribunal par nos collègues américains le 18 décembre 1945.

La particularité de ce document c’est qu’il montre sans fard comment s’opérait le pillage. Il est clair pour tout le monde qu’il y est question d’une bande de brigands, mais les hitlériens continuent toujours à donner le nom de « travail » à leur pillage. Les pièces les plus précieuses des musées d’Ukraine furent expédiées en Allemagne sous le nom de « textiles divers ».

Le rapport commence par la description des moyens employés pour installer en lieu sûr le butin de l’Einsatzstab ; dans ce but, les habitants d’un quartier entier furent expulsés de leurs appartements. Vient ensuite une liste de butin expédié, pris dans les musées de Kharkov et de Kiev, dans les archives et même dans les bibliothèques privées.

Je vais lire simplement un court extrait de ce document relatif aux collections des musées ukrainiens et des musées de préhistoire à Kiev. Cet extrait se trouve à la page 368 du livre de documents :

« 1er octobre 1943 — Collections du musée ukrainien à Kiev :

Conformément à l’ordre général d’évacuation du Commissaire de la ville, nous avons rassemblé et trié en vue de leur expédition à Cracovie des textiles de toutes sortes, un assortiment de modèles de broderies de valeur, des collections de brocards, de nombreux objets utilitaires en bois, etc. En outre, l’essentiel des pièces du musée de la préhistoire a été déménagé. »

Le second document, n° PS-1109, en date du 17 juin 1944, est intitulé : « Notes du groupe directeur P-4 » et adressé à von Milde-Schreden. Il se trouve à la page 369 de votre livre de documents et ne présente qu’un court extrait de ces notes, aussi me permettrai-je de le citer en entier :

Paragraphe 2. — Exportation de richesses culturelles. En automne 1943, une grande quantité de matériel, aussi bien des musées que des archives, instituts et d’autres établissements culturels de Kiev, a été exportée par les voies réglementaires. Ces mesures de conservation ont été prises aussi bien par l’Einsatzstab Rosenberg que par certains directeurs des instituts et des établissements culturels, sur l’ordre du commissaire du Reich. »

Je tiens à faire remarquer, Messieurs, que l’Einsatzstab Rosenberg figure dans certains documents sous la dénomination d’Einsatzstab R.R., ces initiales signifiant : Reichsleiter Rosenberg.

« Au début, une grande quantité des biens saisis furent envoyés seulement dans les régions de l’arrière, on les a ultérieurement transférés dans le Reich. Lorsque le soussigné, à la fin du mois de septembre reçut, de la Section culturelle du Commissariat du Reich la mission d’enlever de Kiev le restant de ces objets, le matériel présentant la plus grande valeur au point de vue culturel avait déjà été déménagé.

Au cours du mois d’octobre, on a expédié vers le Reich environ 40 wagons chargés d’objets d’intérêt culturel. Il s’agissait principalement d’objets de valeur appartenant aux instituts de recherches scientifiques des centres de recherches régionaux de l’Ukraine. Ces instituts poursuivent leur travail dans le Reich et pourraient être ramenés en Ukraine au moment opportun. Les richesses culturelles qui ne pouvaient pas être ainsi mises en sûreté ont été pillées. Mais il ne s’agit ici que de biens de moindre valeur, puisque les richesses principales ont été transportées selon le plan prévu. La Kommandantur de la ville a déménagé de Kiev, au cours du mois d’octobre 1943, tout l’appareillage des usines, ateliers, etc., mais j’ignore où tout cela a été transporté. »

Cette lettre se termine par la phrase suivante :

« A l’entrée des troupes soviétiques, rien de ce qui pouvait avoir une valeur à cet égard n’avait été laissé dans la ville. »

Messieurs les juges, d’après les documents qui vous ont été présentés par le Ministère Public soviétique, vous êtes au courant du complot perfide de Hitler et d’Antonesco. Comme prix de la livraison à l’Allemagne de chair à canon, de pétrole, de blé et de bétail, le Gouvernement hitlérien a autorisé la clique criminelle d’Antonesco à piller la population vivant entre le Bug et le Dniestr. Les envahisseurs allemands et roumains ont pillé et détruit des trésors culturels, des maisons de repos et des établissements sanitaires à Odessa. Les hitlériens ont pillé de concert avec la clique d’Antonesco et aussi de leur côté.

Comme preuve à l’appui, je lirai les extraits correspondants du rapport de la Commission extraordinaire d’État, document déposé devant le Tribunal sous le n° URSS-47. Ces extraits se trouvent à la page 372 de votre livre de documents. J’omets un paragraphe et je commence la citation par l’avant-dernier paragraphe de cette page de mon exposé :

« Le Commandement militaire allemand a pillé les musées d’Odessa et a prélevé dans ces musées des centaines d’objets d’une valeur unique. »

Et plus loin, je saute ici deux paragraphes et je cite le dernier alinéa de la page 66 :

« D’après un plan préconçu, les envahisseurs germano-fascistes ont fait sauter et ont incendié 2.290 des plus grands édifices qui présentaient une valeur architecturale, artistique et historique, y compris la petite maison de Pouchkine, les casernes de Sabane construites en 1827 et autres monuments précieux représentatifs de la culture du début du XIXe siècle.

Les envahisseurs germano-roumains ont détruit à Odessa le premier hôpital pour malades contagieux, le deuxième hôpital régional, les hôpitaux stomatologique et psychiatrique, deux hôpitaux et une polyclinique pour enfants, sept centres de consultations d’enfants, cinquante-cinq crèches, deux maternités, un dispensaire, une léproserie, six polycliniques et des instituts de recherche scientifique sur la tuberculose, sur l’hydrothérapie et autres. Ils ont détruit vingt-neuf sanatoria situés près d’Odessa. »

Les crimes commis par les hitlériens dans la région de Stalino dépassent toutes les bornes. Je saute la fin de cette page et je passe à la suivante, page 68 de mon exposé. Le rapport de la Commission extraordinaire d’État, présenté par le Ministère Public soviétique sous le n° URSS-2, contient un très grand nombre de faits. Je ne veux pas les citer tous ici, Messieurs les juges, je me bornerai seulement à quelques extraits de ce document, qui n’ont pas encore été lus par mes collègues. Ces extraits se trouvent aux pages 374 et 375 de votre livre de documents. Je cite :

« En quittant Stalino, les hitlériens ont entièrement détruit 113 écoles, 62 jardins d’enfants, 390 magasins, les théâtres d’été et d’hiver, le Palais des pionniers, le théâtre de la radio, le musée de la révolution, la galerie de tableaux, le club de Dzerginski. Des équipes spéciales de sapeurs faisaient le tour des écoles, les arrosaient d’un liquide inflammable et les incendiaient. Les citoyens soviétiques qui essayaient d’éteindre les incendies étaient fusillés sur place par les gredins fascistes.

Les occupants causèrent des dommages exceptionnellement graves aux instituts médicaux de la ville. »

Je saute trois paragraphes de l’exposé, et je cite l’avant-dernier paragraphe de cette page :

« Sur l’ordre de l’Oberfeldarzt Roll, médecin-chef de l’hôpital militaire de Belindori et du médecin-chef Kuchendorf, l’institut médical a été détruit. C’était un établissement scientifique modèle, où 2.000 étudiants faisaient leurs études.

Les hitlériens ont brûlé 530.000 livres sur les 600.000 volumes qui constituaient la bibliothèque de littérature scientifique et artistique. Dans la ville de Makeevka, les envahisseurs germano-fascistes ont fait sauter puis incendié le théâtre de la ville de 1.000 places, le cirque de 1.500 places, 49 écoles, 20 crèches, 44 jardins d’enfants. Sur l’ordre du commandant de la place, Vogler, 35.000 livres de la bibliothèque centrale de Gorki ont été brûlés sur des bûchers. »

Je ne vais pas énumérer toutes les villes ; ces faits figurent d’ailleurs dans un document qui, en vertu de l’article 21 du Statut, constitue une preuve indiscutable. Suivant la décision du Tribunal, ce document peut ne pas être cité en totalité. Je voudrais seulement faire remarquer que dans toutes les villes industrielles de la région de Stalino, les hitlériens ont incendié écoles et théâtres, crèches et hôpitaux, mêmes les églises. Ainsi, dans la ville de Gorlovka, ils ont incendié l’hôpital municipal, cinq polycliniques, l’église et le palais de la Culture.

Dans la ville de Konstantinovka, les occupants ont fait sauter et incendié les 25 écoles de la ville, deux cinémas, la bibliothèque municipale centrale renfermant 35.000 livres, le club de pionniers, l’hôpital municipal et les crèches.

Avant de quitter Marioupol, les autorités allemandes d’occupation ont incendié les 68 écoles, les 17 jardins d’enfants, le palais des Pionniers. »

Je passe maintenant à la lecture de quelques extraits du document déposé devant le Tribunal sous le n° URSS-45. Ces extraits se trouvent à la page 378 du livre de documents Ce document se rapporte aux crimes des hitlériens dans la ville et la région de Rovno. La ville de Rovno avait une importance particulière. C’était la résidence du Reichsminister Erich Koch, collaborateur immédiat de l’accusé Rosenberg. C’est dans cette ville que les chefs hitlériens tenaient les conférences au cours desquelles ils préparaient minutieusement les plans d’asservissement du peuple ukrainien. Le compte rendu de la Commission extraordinaire d’État établit ce qui suit :

« Dans le territoire envahi de l’Ukraine, les hitlériens se sont efforcés de créer un régime d’esclavage et de servage et d’anéantir l’État ukrainien et la culture ukrainienne...

L’abondant matériel qui se trouve à la disposition de la Commission extraordinaire, comprenant des documents, des dépositions de témoins et les comptes rendus d’examens effectués par les membres de la Commission en personne, afin de connaître la situation de divers établissements culturels et pédagogiques sur le territoire de l’Ukraine, ne laisse aucun doute sur le fait que les barbares germano-fascistes avaient comme tâche d’anéantir la culture ukrainienne et d’exterminer les meilleurs représentants de la science et de l’art ukrainiens tombés entre leurs mains. »

Je passe deux paragraphes et je cite l’avant-dernier paragraphe de cette page :

« Les envahisseurs germano-fascistes ont fermé à Rovno presque toutes les institutions culturelles et pédagogiques. Le 30 novembre 1941, dans le journal Volyn, on a annoncé officiellement la fermeture des écoles dans le Commissariat Général de Volynie et de Podolie. »

Je passe la fin de la page 70 et je cite le dernier paragraphe de ce document à la page 71 :

« Le fait que tous ces crimes aient été commis dans la résidence de l’ex-Commissaire du Reich de l’Ukraine, Erich Koch, est une preuve de plus que tous les crimes des bandits hitlériens ont été exécutés afin de réaliser le plan d’extermination des citoyens soviétiques et la dévastation des territoires soviétiques temporairement occupés par les hitlériens. Ce plan fut élaboré et mis en pratique par le gouvernement hitlérien. »

Le général Rudenko, Procureur Général soviétique, a, dans le chapitre 5 de son discours d’ouverture, cité un extrait d’une lettre du Commissaire général de Russie blanche Kube, adressée à l’accusé Rosenberg. Ce document est une lettre écrite à la machine et signée à l’encre « Kube ». On y trouve différentes annotations au crayon, manifestement de la main de Rosenberg ; puis un cachet :

« Bureau du ministère » et la date : 3 octobre 1941. Ce document porte le n° PS-1099 et je le présente au Tribunal sous le n° URSS-374, afin de prouver que la destruction et le pillage des trésors historiques perpétrés partout par les hitlériens ont pris une énorme extension. Je me permettrai, avec votre autorisation, de citer encore quelques extraits de ce document qui prouvent également que les richesses raflées étaient non seulement transportées en Allemagne, mais aussi pillées par différents généraux de l’armée hitlérienne. La lettre de Kube témoigne aussi de la présence d’un plan préétabli de pillage des trésors culturels de Leningrad, de Moscou et des centres de culture de l’Ukraine. Le vandalisme des hitlériens a pris de telles proportions que même Kube, le bourreau du peuple de Russie blanche, en était outré. Il avait peur d’être frustré de son bénéfice et essayait de s’entendre avec Rosenberg pour obtenir une compensation.

Je cite le second paragraphe du début de cette lettre :

« A Minsk se trouvait une riche collection d’œuvres d’art et de toiles de grande valeur dont la plus grande partie a été emportée. Sur l’ordre du Reichsführer SS, le Reichsleiter Heinrich Himmler, la plupart des tableaux, encore à l’époque où j’étais à la tête du service, ont été emballés par les soins de SS et envoyés en Allemagne. Il s’agit d’œuvres d’art d’une valeur de plusieurs millions enlevées dans la région centrale de Russie blanche. Les tableaux devaient être envoyés à Linz et à Königsberg en Prusse-Orientale. Je demande que ces collections de prix soient mises de nouveau à la disposition de la région centrale de la Russie blanche, ou en tout cas de sauvegarder leur valeur matérielle pour le ministère des régions occupées de l’Est. »

Kube, de même que l’accusé Rosenberg, estimait que lui aussi avait un droit exclusif sur les trésors pillés et se plaint en ces termes : je cite la deuxième partie du 2e paragraphe de cette lettre :

« Le général Stubenrauch s’est emparé d’une grande partie de ces collections de Minsk et les a emportées dans la zone d’opérations militaires. Des Sonderführer dont les noms ne m’ont pasencore été communiqués ont emmené (sans reçus) trois camions de meubles, de tableaux et d’objets d’art. »

Ayant, de concert avec d’autres chefs fascistes, pillé le peuple de Russie blanche, ayant pris une part directe à la torture et au massacre de citoyens soviétiques, Kube déclarait hypocritement (je cite le dernier paragraphe de sa lettre) :

« La Russie blanche, déjà pauvre en elle-même, a subi à la suite de ces traitements de graves préjudices. » Et Kube recommandait à Rosenberg (je cite) :

« Il est possible que, pour diriger ces mesures, des experts soient désignés d’avance pour Leningrad et Moscou ainsi que pour certaines villes historiques d’Ukraine. »

Voilà quel était le but de leurs pensées. Maintenant tout le monde sait ce que signifient les « mesures » des hitlériens dans les territoires occupés : c’est un régime de terreur sanglante et de violence, de pillage effréné et d’arbitraire.

Après avoir envahi Minsk — capitale de la Russie blanche — les usurpateurs germano-fascistes ont essayé d’anéantir la culture du peuple blanc-russien et de transformer les Blancs-Russiens en dociles esclaves des Allemands. Comme il a été établi à la suite d’une enquête spéciale, les autorités militaires hitlériennes, à l’instigation directe du Gouvernement allemand, détruisaient implacablement les instituts de recherches scientifiques et les écoles, les théâtres et les clubs, les hôpitaux et les cliniques, les jardins d’enfants et les crèches.

Je cite maintenant un extrait du rapport présenté par le Ministère Public soviétique, sous le n° URSS-38.

« Pendant trois ans, les envahisseurs germano-fascistes ont détruit de façon systématique les instituts de recherches scientifiques, les établissements d’instruction supérieure, les bibliothèques, les musées, les institutions de l’Académie des Sciences, les théâtres et les clubs de Minsk.

La bibliothèque Lénine avait été créée à Minsk il y a plus de 20 ans. En 1932, on termina la construction d’un nouveau bâtiment comprenant un grand dépôt de livres remarquablement organisé. Les allemands ont enlevé de la bibliothèque, pour les transporter à Berlin et à Königsberg, un million et demi de volumes très précieux, parmi lesquels nombre de livres ayant trait à l’histoire de la Russie blanche. »

Je passe la fin de la page 73 du rapport.

« Les envahisseurs germano-fascistes, dans le but d’extirper la culture du peuple blanc-russien, détruisirent à Minsk toutes les institutions culturelles pédagogiques et transportèrent en Allemagne les bibliothèques de l’académie des sciences, qui avait un fonds de 30.000 volumes, de l’université d’État, de l’Institut polytechnique, de la Bibliothèque de médecine et des sciences et de la Bibliothèque municipale publique Pouchkine.

Les hitlériens ont détruit l’université d’État de Russie blanche avec ses musées zoologique, géologique, minéralogique, d’histoire et d’archéologie. Ils ont détruit l’Institut médical avec toutes ses cliniques et ravagé l’Académie des Sciences avec ses neuf instituts. »

Je passe la fin de ce paragraphe.

« Ils ont détruit la galerie d’art d’État, après avoir exporté en Allemagne les tableaux et les sculptures des maîtres russes et blancs-russiens. Ils ont pillé le théâtre d’Opéra et de ballet, le premier théâtre dramatique d’État de Russie blanche, la maison de l’Art populaire, et les maisons des Unions d’écrivains, artistes et compositeurs.

Les fascistes ont anéanti à Minsk 47 écoles, 24 jardins d’enfants, le palais des Pionniers, 2 maternités, 3 hôpitaux pour enfants, 5 cliniques municipales, 27 crèches et 4 dispensaires pour enfants. Ils ont transformé en ruines l’Institut pour la protection de la maternité et de l’enfance. »

Le Ministère Public est en possession d’un document PS-076, constitué par un rapport du caporal allemand Abel au sujet des bibliothèques de Minsk. Ce caporal note dans son rapport, après avoir inspecté les bibliothèques de Minsk, qu’elles ont été presque toutes détruites. Je dépose ce rapport sous le n° URSS-375 et je pense, Monsieur le Président, qu’il sera tout à fait suffisant d’en lire quelques extraits. Il n’est pas indispensable de lire ce rapport en entier.

Il est indiqué à la page 75 de mon exposé :

« La bibliothèque Lénine est la bibliothèque centrale de la Russie blanche. Il est difficile de fixer le nombre des volumes, qu’elle contenait, le fonds devait être approximativement de 1.500.000 volumes. Les rayons de cette bibliothèque offrent un aspect désolant. »

Je passe deux paragraphes de mon exposé et je cite plus loin :

« La bibliothèque de l’Institut Polytechnique, au sous-sol de l’aile gauche, fut aussi lamentablement pillée et mise en désordre, ainsi qu’un grand nombre de laboratoires. »

Le rapport se termine par la phrase suivante :

« Le but de ce rapport ne saura être atteint que lorsqu’il sera soumis pour examen au Commandement suprême et que celui-ci donnera les ordres nécessaires, interdisant explicitement au soldat allemand de se conduire comme un barbare. »

Mais un tel ordre n’a pas été donné et ne pouvait pas l’être, car la barbarie et le fascisme sont inséparables. Le fascisme, c’est la barbarie.

LE PRÉSIDENT

Quelles preuves vous proposez-vous de présenter après la suspension d’audience ?

GÉNÉRAL RAGINSKY

Après la suspension d’audience, Monsieur le Président, je vais présenter quelques documents écrits qui se rapportent à la destruction des richesses culturelles des Républiques de Lituanie, d’Estonie et de Lettonie. Ensuite, avec l’autorisation du Tribunal, je voudrais faire projeter un film documentaire, pour arriver ainsi à la fin de l’audience à épuiser la présentation des preuves et terminer par là mon exposé.

LE PRÉSIDENT

Combien de temps durera la projection du film ?

GÉNÉRAL RAGINSKY

La projection du film va durer environ 30 à 35 minutes.

LE PRÉSIDENT

Ne pensez-vous pas qu’après la grande quantité de faits de pillages et de destructions sur lesquels vous avez attiré notre attention, il serait suffisant de résumer et de nous nommer simplement les pays dans lesquels des spoliations analogues ont eu lieu. Il est difficile de s’assimiler cette grande quantité de détails.

GÉNÉRAL RAGINSKY

J’ai l’intention, Monsieur le Président, de soumettre au Tribunal un document résumant tous les chiffres et donnant un aperçu général.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Nous allons maintenant suspendre l’audience pendant 10 minutes.

(L’audience est suspendue.)
GÉNÉRAL RAGINSKY

Avant de présenter le document dont j’ai parlé tout à l’heure, je demanderai au Tribunal quelques minutes d’attention afin de pouvoir lire d’abord un document allemand relatif au sujet traité.

Ayant occupé les Républiques soviétiques de Lituanie, d’Estonie et de Lettonie, les envahisseurs germano-fascistes essayèrent de transformer les provinces soviétiques de la Baltique en une colonie allemande et d’asservir les peuples de ces Républiques. Cette intention criminelle du gouvernement hitlérien trouva sa pleine expression dans un pillage et une destruction générales, des violences et des insultes, des assassinats en masse de vieillards, de femmes et d’enfants. Afin de germaniser les populations des Républiques Socialistes soviétiques de Lituanie, d’Estonie et de Lettonie, les hitlériens anéantissaient leur culture par tous les moyens. Je saute la fin de la page 76, les pages 77 et 78 et je cite seulement un paragraphe de la page 79.

« La capitale de la Lettonie soviétique, Riga, fut désignée par les nazis comme capitale de l’« Ostland », (c’est-à-dire des territoires de l’Est) et résidence de l’État-Major de Rosenberg. »

Dans les documents déposés au Tribunal par le Ministère Public sous les n05 URSS-7, URSS-39 et URSS-41, il est question de nombreux faits qui naturellement, n’épuisent pas et ne peuvent pas, tant s’en faut, épuiser tous les crimes commis par les envahisseurs germano-fascistes contre la culture des peuples des provinces soviétiques de la Baltique. Dans ces crimes monstrueux contre les peuples des Républiques Baltes soviétiques, l’accusé Rosenberg, ancien ministre du Reich, a joué un rôle éminent. Je me réfère à la page 81. Même lorsqu’il fut évident que l’effondrement menaçant l’Allemagne fasciste était imminent, alors que l’heure du jugement sévère et équitable était déjà toute proche pour les criminels hitlériens, alors même l’accusé Rosenberg continuait ses pillages. A la fin du mois d’août 1944, Rosenberg organisait et dirigeait encore le pillage des richesses culturelles de Riga, de Reval, de Dorpat et de beaucoup d’autres villes de la République d’Estonie.

Je voudrais attirer l’attention du Tribunal sur le document PS-161 du 23 août 1944, intitulé : « Instruction » et signé par Utikal, chef de l’État-Major de Rosenberg. Ce document est présenté par nos soins au Tribunal sous le n° URSS-376 ; il figure au livre de documents à la page 400. Je cite ce document :

« 23 août 1944. Ordre.

Le 21 août 1944, le Reichsleiter Alfred Rosenberg a convoqué le commandant en chef de l’Einsatzstab RR, Friedrich Schuller, afin d’avoir un compte rendu sur les possibilités d’évacuation des richesses culturelles des régions de l’Est. Sur la base de ce compte rendu, le Reichsleiter a décidé que les valeurs culturelles de l’Ostland les plus précieuses pouvaient encore être expédiées par son État-Major, dans la mesure où cela pouvait se faire sans préjudice pour les troupes d’opérations.

Le Reichsleiter considère comme particulièrement précieux les biens suivants :

De Riga : les archives municipales, les archives d’État (dont la majeure partie était à Edvalene) ;

De Reval : les archives municipales, celles de la société de littérature d’Estonie et de menus objets en provenance du Schwarzhäupterhaus, de l’Hôtel de Ville, du Consistoire évangélique luthérien et de l’Église Saint-Nicolas ;

De Dorpat : la bibliothèque de l’Université ;

Des collections estoniennes diverses, objets rassemblés à Jerlep, à Wodya, à Weissenstein, à Lachmess.

Le Haupteinsatzführer Schüller est chargé d’exécuter ce transport en tant que futur chef du principal groupe d’opérations à l’Est de l’Einsatzstab Rosenberg. Il lui est recommandé de se tenir en liaison étroite avec le groupe Nord afin de coordonner l’exécution des instructions du Reichsleiter avec les besoins en moyens de transports des unités opérant dans ces régions.

Signé : Utikal, chef de l’Einsatzstab. »

Il est indispensable, Messieurs les juges, d’attirer encore votre attention sur une particularité. Dans ce cas-là également, le pillage était conduit par Rosenberg de concert avec le commandement militaire, et même à l’automne 1944, on choisissait encore les futurs chefs de l’État-Major de Rosenberg.

L’analyse de toutes ces circonstances nous permet d’affirmer une fois de plus très catégoriquement que la destruction et le pillage des valeurs culturelles étaient inspirés, dirigés et exécutés par un centre unique, et que ce centre était constitué par le criminel gouvernement hitlérien, de concert avec le Haut Commandement militaire dont les représentants se trouvent sur ce banc des accusés et doivent en porter la responsabilité, conformément à l’article 6 du Statut du Tribunal Militaire International.

Messieurs les juges, lorsqu’il est question du système de dévastation et de pillage généralisé, il est impossible et ce n’est peut-être même pas nécessaire, d’énumérer tous les faits, même s’ils sont très importants. Dans les territoires occupés de l’Union Soviétique, les hitlériens ont en effet appliqué un système très étendu et extrêmement varié quant à ses méthodes, de destruction et de pillage des richesses culturelles des peuples de l’URSS.

Il est encore impossible en ce moment de dresser une liste complète des crimes commis par les accusés. Mais, avec votre permission, je vais présenter un document dont les indications, bien qu’incomplètes, sont tout à fait exactes et témoignent des dégâts énormes causés par les hitlériens. Je veux parler du rapport de la Commission extraordinaire d’État, déposé sous le n° URSS-35. Ce document se trouve aux pages 404 et 405 de votre livre de documents. Je n’en lirai que des extraits, qui n’ont pas encore été cités et qui se rapportent au sujet que je traite.

« Destruction des Institutions culturelles et d’utilité générale, d’organisations publiques et de coopératives.

Sur le territoire occupé de l’URSS, les pillards allemands ont détruit des établissements variés ; clubs, stades, centres de repos, sanatoria, appartenant à des coopératives industrielles ou de consommation, à des syndicats ou à d’autres organismes publics. Ils détruisirent plus de 87.000 bâtiments industriels, qui appartenaient aux syndicats, coopératives et autres organisations sociales, 10.000

maisons d’habitation, et 1.839 établissements culturels et d’utilité sociale. Ils ont emmené en Allemagne environ huit millions de livres.

Les envahisseurs allemands ont détruit entièrement 120 sanatoria et 150 maisons de repos, propriété des syndicats professionnels dans lesquels chaque année étaient soignés plus de 3 millions d’ouvriers, d’ingénieurs, de techniciens et d’employés. Sur ce chiffre global, ils ont détruit 59 sanatoria et maisons de repos en Crimée, 32 sanatoria et maisons de repos dans les stations thermales du Caucase, 33 sanatoria et maisons de repos dans la région de Leningrad et 88 sanatoria et maisons de repos en Ukraine.

Les envahisseurs germano-fascistes ont détruit les bâtiments de 46 camps de pionniers et des maisons de convalescence pour enfants qui appartenaient aux syndicats. Ils ont détruit 189 clubs et palais de la culture. »

Je saute un paragraphe et je cite le dernier paragraphe de cette page :

« Sur le territoire de l’Union Soviétique soumis à l’occupation allemande, il y avait au début de 1941 environ 82.000 écoles primaires et secondaires fréquentées par 15 millions d’élèves. Toutes les écoles secondaires comportaient des bibliothèques qui avaient de 2.000 à 25.000 livres chacune, ainsi que des laboratoires de physique, de chimie, de biologie, et autres...

Les envahisseurs germano-fascistes ont incendié, détruit et pillé ces écoles avec tout leur mobilier et leurs installations. »

Je saute la fin de ce paragraphe.

« Les envahisseurs germano-fascistes ont détruit en totalité ou en partie, 334 écoles supérieures, dans lesquelles on comptait jusqu’à 233.000 étudiants. Quant aux installations des laboratoires et des salles d’études, des pièces uniques des collections universitaires, des instituts et des bibliothèques, elles furent toutes emmenées en Allemagne. Des dégâts très étendus ont été causés aux écoles supérieures de médecine. Les occupants ont détruit et pillé 137 instituts pédagogiques et écoles de professorat. Ils ont enlevé dans les bibliothèques spéciales du matériel d’archives, des documents historiques et des manuscrits anciens. Ils ont dévasté et détruit dans les bibliothèques publiques plus de 100.000.000 de livres. »

Je saute le paragraphe suivant :

« Ils détruisirent en tout 605 instituts scientifiques de recherches. »

Je saute la fin de la page 85 et le premier paragraphe de la page 86 de mon exposé.

« Les Allemands ont causé des dommages énormes aux établissements sanitaires de l’URSS. Ils ont détruit et pillé 6.000 hôpitaux, 33.000 polycliniques, dispensaires et centres de consultations, 976 sanatoria, 656 maison de repos. »

Je saute les trois paragraphes suivants.

« Destruction des musées et des monuments historiques.

Les envahisseurs germano-fascistes ont détruit dans les territoires occupés 427 musées sur les 992 que comptait l’Union Soviétique. »

Je saute la fin de cette page et je cite le début de la page 87.

« Les Allemands ont également détruit le musée du poète paysan S. D. Drodjine dans le village de Savidovo, le musée du poète national I. S. Nikitine à Voronej et le musée du célèbre poète polonais Adam Mickiewicz à Novogroudka en République Socialiste soviétique de Russie blanche. A Alaguir, ils ont brûlé les manuscrits du chantre populaire Osetine Kosta Kretagonroff.

Les envahisseurs germano-fascistes ont détruit 44.000 théâtres, clubs, « centres rouges ».

Avec l’autorisation du Tribunal je voudrais maintenant présenter un film documentaire et des documents qui en garantissent l’authenticité. Ce film s’appelle : « Destructions d’œuvres d’art et de monuments de culture nationale commises par les Allemands sur le territoire de l’URSS. »

Ce film et les documents qui certifient son authenticité et son caractère documentaire sont déposés sous le n° URSS-98. Dans ce film figurent des photographies documentaires prises pendant la période 1941-1945 et il y a également des passages d’un film pris en 1908 ; on v voit par exemple « Yasnava Polyana » et Léon Tolstoï, tandis que d’autres prises de vues montrent ce que les occupants ont fait de cette relique du peuple soviétique.

Puis-je passer à la projection du film, Monsieur le Président ?

LE PRÉSIDENT

Oui, certainement.

(Projection du film.)
GÉNÉRAL RAGINSKY

Je dois, Messieurs les juges, m’arrêter à une autre catégorie de crimes commis par les hitlériens, à savoir le pillage et la destruction d’églises, de monastères et d’autres établissements réservés aux cultes.

En détruisant les monastères, les temples, les mosquées et les synagogues, en pillant leurs biens, les envahisseurs allemands ont, avec sadisme, tourné en dérision les sentiments religieux des populations. Ces crimes blasphématoires ont été commis sur toute l’étendue des territoires soumis à la domination allemande. Les soldats et les officiers organisaient des orgies sanglantes dans les temples, se servaient des églises pour y installer chevaux et chiens, revêtaient les vêtements d’églises et transformaient les icônes en lits de camp.

Je n’ai pas le temps de lire les nombreux documents qui se trouvent en possession du Ministère Public soviétique. Je me limiterai à quelques-uns d’entre eux, et notamment aux photocopies documentaires dont je présente l’album au Tribunal, sous le n° URSS-99. Je voudrais, avec votre permission, présenter encore quelques documents écrits, et notamment un court extrait du document déjà déposé au Tribunal sous le n° URSS-51 (3). Cet extrait se trouve dans votre livre de documents à la page 321. Je cite :

« Les occupants hitlériens n’épargnent pas les sentiments religieux de la population soviétique croyante. Ils ont incendié, pillé, fait sauter et profané sur le territoire soviétique des centaines d’églises, y compris plusieurs monuments irremplaçables de l’ancienne architecture religieuse. »

Je saute deux paragraphes et je cite le paragraphe suivant :

« Le prêtre Amvrosy Ivanov écrit du village de Iklinskoye, dans la région de Moscou :

« Avant l’arrivée des Allemands, l’église était dans un état « parfait. Un officier allemand m’ordonna de déménager tout ce « qui se trouvait à l’intérieur.. . Les troupes arrivèrent la nuit, « occupèrent l’église et y installèrent des chevaux. Ensuite, « elles se sont mises à tout casser dans l’église, à installer des lits « de camp. Tout fut jeté dehors : l’autel, les portes, les tabernacles, « les bannières, les habits sacrés. En un mot, l’église devint une « caverne de voleurs. »

Je saute la fin de la page 88 et j’arrive page 89.

« Dans le village de Gostiechevo, les Allemands saccadèrent l’église, abattirent les bannières saintes, éparpillèrent les livres, pillèrent et emmenèrent avec eux dans une autre région le prêtre Mikhail Strakhov. Dans le village de Kholm, près de Mozhaisk, les Allemands volèrent et frappèrent le prêtre, âgé de 82 ans. En quittant Mozhaisk, les Allemands firent sauter les églises de l’Assomption, de la Trinité et la cathédrale de Nicolas le Miraculeux. En règle générale, les Allemands, avant de partir, rassemblaient dans les églises une partie de la population des villages détruits par le feu et incendiaient ensuite ces églises avec les gens qu’ils y avaient enfermés. »

Je cite maintenant un extrait très bref du document déjà déposé sous le n° URSS-312 :

« Dans un autel latéral de la partie nord de la cathédrale de Znamensky, les Allemands installèrent des latrines pour les soldats qui logeaient dans la crypte de la cathédrale. Dans l’église du prophète Elie, sur la Slavna, on installa une écurie. A Pskov, les églises de Bogoyavienie sur le Zapskovie, Cosima et Demiane sur la montagne de Gremiatche, de Constantin et d’Hélène, et de Saint-Jean l’Évangéliste, furent transformées en écuries. »

Le document présenté au Tribunal sous le n° URSS-279 présente la profanation blasphématoire qui eut lieu dans la ville de Gjatsk, où les églises furent transformées par les Allemands en écuries et en entrepôts. Dans l’église de l’Annonciation, les Allemands installèrent un abattoir pour les bêtes à cornes.

Dans le document que je présente maintenant au Tribunal sous le n° URSS-246 — c’est un rapport de la Commission extraordinaire d’État — on trouve des faits et des données d’ordre général concernant les églises, chapelles et autres établissements religieux détruits et endommagés. Il y est dit :

« Les envahisseurs germano-fascistes ont détruit totalement ou en partie 1.670 églises, 69 chapelles, 237 cathédrales catholiques romaines, 4 mosquées, 532 synagogues et 254 autres établissements religieux. »

Ces données générales, Messieurs les juges, se trouvent également dans le document déposé sous le n° URSS-35. Je n’abuserai pas de votre temps en lisant tout ce document, mais je voudrais simplement en citer quelques extraits très brefs. Je cite :

« La responsabilité matérielle des Allemands ne pourra compenser entièrement la destruction des édifices religieux, des plus anciens monuments historiques, car la majorité d’entre eux ne pourra jamais être restaurée. »

Je passe le reste de cette page ainsi que les quatre premiers paragraphes de la page 91. Je lis le dernier paragraphe de la page 91 :

« Beaucoup d’églises et de monuments anciens furent détruits par les envahisseurs allemands en Russie blanche. C’est ainsi que dans la ville de Vitebsk fut détruite l’église de la Nativité, monument intéressant de l’architecture du XIIe siècle en Russie blanche. Les églises en bois des Saints Apôtres et de Saint-Nicolas, datant du XVIIIe siècle, furent complètement détruites.

Des dégâts difficilement réparables ont été causés à l’église de Voskressensk-Zarutchovsk construite au XVIIIe siècle, qui était une construction intéressante par son architecture bielo-russienne classique. Dans la ville de Vitebsk, les Allemands détruisirent une église catholique du XVIIIe siècle...

Dans la ville de Desna, province de Polotsk, les Allemands incendièrent une église catholique romaine du XVIIe siècle après l’avoir pillée.

Dans la ville de Rozniatov, province de Stanislav, le commandant de la garnison allemande, Timoschel Rudolf, fit utiliser trois synagogues comme casernes puis les fit détruire, après les avoir mises à sac. »

Je saute le paragraphe suivant.

« En détruisant les bâtiments réservés aux cultes, les Allemands pillaient et détruisaient tous les biens qu’ils contenaient. Un grand nombre d’icônes et d’ornements d’églises provenant de ces édifices furent expédiés en Allemagne. Le monastère de Yossifo-Voloko-lomski fut pillé et les vieilles reliques du monastère, ainsi que les objets ayant appartenu au fondateur du monastère Joseph Wolotski, ont disparu.

En 1941, les soldats et les officiers allemands volèrent dans l’église Staritski tous les vases sacrés, les croix d’autel, les couronnes, les mitres et les tabernacles.

« Dans la ville de Dobschitza, région de Polotsk, les Allemands pillèrent et emportèrent tous les biens de la mosquée locale. Presque toutes les églises se trouvant sur le territoire occupé par les Allemands partagèrent le même sort. Partout les Allemands mirent à sac les édifices religieux, églises orthodoxes et églises catholiques, synagogues, mosquées et autres édifices du culte. »

Les conspirateurs hitlériens, non contents de piller, de torturer et d’assassiner, s’efforcèrent également d’humilier moralement et de dépouiller spirituellement les croyants.

Telles sont, Messieurs les juges, les preuves documentaires concernant les crimes contre la culture commis par Rosenberg, Frank, Göring, Ribbentrop, Keitel et les autres participants à la conspiration.

Les crimes commis par les accusés contre la culture sont véritablement horribles dans leurs conséquences. Les villes et les villages détruits par les hitlériens pourront être à la rigueur reconstruits, quoique au prix de grandes difficultés. Il sera également possible de restaurer les usines et les fabriques qu’ils ont fait sauter ou qu’ils ont incendiées. Mais l’Humanité a perdu pour toujours des œuvres d’art uniques que les hitlériens ont détruites de façon barbare. Elles sont irrémédiablement perdues, de même que la vie de ces millions de gens qu’ils ont assassinés à Auschwitz, à Treblinka, à Baby-Yar et à Kertch.

Ayant emprunté leurs théories de la haine de l’homme aux âges les plus sombres du passé, les Huns modernes ont rejeté dans l’ombre les pages les plus noires de l’Histoire, par leur cruauté et leur vandalisme sans précédent.

Ayant arrogamment défié l’avenir de l’Humanité, ils ont foulé aux pieds le meilleur héritage de son passé. N’ayant eux-mêmes ni idéal, ni foi, ils détruisirent de façon sacrilège les églises et les reliques des saints.

Dans le combat sans précédent entre la culture et l’obscurantisme, entre la civilisation et la barbarie, la culture et la civilisation ont finalement remporté la victoire. Les conspirateurs hitlériens qui rêvaient de domination mondiale, de l’anéantissement de la culture des peuples slaves et des autres peuples, sont maintenant sur ce banc des accusés.

Puisse un juste châtiment leur être réservé.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous poursuivre vos explications jusqu’à cinq heures ?

GÉNÉRAL RAGINSKY

Comme il vous plaira, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Continuez, je vous en prie, jusqu’à cinq heures.

GÉNÉRAL RAGINSKY

Je voudrais vous demander seulement une suspension de quelques minutes pour prendre des documents. Il ne s’agit que de quelques minutes.

LE PRÉSIDENT

Ce n’est peut-être pas la peine de continuer, si vous demandez une interruption, car nous devons suspendre à 17 heures.

GÉNÉRAL RAGINSKY

Peut-être alors vaudrait-il mieux que je ne commence que demain ?

LE PRÉSIDENT

Très bien, nous allons maintenant lever l’audience.

(L’audience sera reprise le 22 février 1946 à 10 heures.)