SOIXANTE-QUATORZIÈME JOURNÉE.
Mardi 5 mars 1946.

Audience du matin.

LE PRÉSIDENT

J’ai une déclaration à faire.

L’attention du Tribunal a été attirée par les soins du Dr Hanns Marx, l’un des avocats allemands, membre de la Défense dans ce Procès, sur un article paru dans la Berliner Zeitung du 2 février sous le titre : « Un avocat ». Cet article, dont je n’ai pas l’intention de donner lecture, critique en termes très sévères le Dr Marx pour une erreur qu’il aurait commise au cours du contre-interrogatoire d’un témoin, alors qu’il remplaçait maître Babel, avocat des SS. L’article prétend qu’il fut tout à fait incorrect par sa manière de poser des questions, qu’il exprima, tout en ayant l’air d’agir en sa qualité d’avocat, ses vues intimes et personnelles et, étant donné la nature du témoignage en question, qu’il eût mieux fait de se taire.

L’affaire s’aggrave du fait que dans la suite de cet article, le Dr Marx est menacé à l’avenir d’un ostracisme complet, et cela en des termes violents et comminatoires.

Le Tribunal tient à déclarer de la façon la plus catégorique qu’une telle façon d’agir ne peut être tolérée. Le droit de tout accusé de se faire représenter par un avocat est indispensable à l’exercice de la Justice. L’avocat est investi d’une charge auprès du Tribunal et il doit lui être permis de présenter sa défense librement, sans avoir à craindre menaces et intimidations. Conformément aux dispositions formelles du Statut, le Tribunal a pris le plus grand soin de veiller à ce que personnellement les accusés ainsi que toutes les organisations impliquées jouissent du bénéfice d’être représentés par un avocat. D’autre part, les membres de la Défense ont déjà prouvé leur utilité incontestable dans ce Procès et leur conduite à cet égard ne peut donner lieu à aucun reproche de la part de qui que ce soit.

Le Tribunal, lui, est seul juge de la conduite à tenir au cours des débats et il veillera avec le plus grand soin à ce que le respect des règles professionnelles soit assuré au maximum.

Quant à la Défense, si dans l’exercice de ses fonctions elle se conforme au Statut, elle pourra compter sur tout l’appui dont le Tribunal peut disposer à son égard. Dans le cas présent, le Tribunal ne pense pas que le Dr Marx ait commis le moindre excès dans l’exercice de ses fonctions.

Le Tribunal considère cette question d’une telle importance pour le bon fonctionnement de la justice qu’il a demandé au Conseil de Contrôle pour l’Allemagne de faire une enquête sur les faits et de lui en communiquer les résultats.

Voilà tout ce que j’avais à dire.

Sir David, la première requête concerne l’accusé Streicher. Je donne la parole à l’avocat de l’accusé Streicher.

Dr HANNS MARX (avocat de l’accusé Streicher)

Monsieur le Président, l’accusation contre Streicher porte sur deux points. Il aurait participé en premier lieu à la préparation et au complot en vue d’une guerre d’agression et, en second lieu, à des crimes contre l’Humanité.

En ce qui concerne le premier point, la Défense ne pense pas qu’il soit nécessaire d’apporter le moindre témoignage à décharge, étant donné qu’au cours de ces débats, il n’y a pas eu un seul document où il fut question de l’accusé Streicher ; il n’y a pas eu non plus la moindre preuve qu’il ait participé à des entretiens privés avec Hitler. En conséquence, je n’ai pas jugé nécessaire de présenter le moindre témoignage à décharge.

Sur le second point, je voudrais tout d’abord citer comme témoin la femme de l’accusé, Madame Adèle Streicher, née Tappe.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je me demande s’il ne serait pas préférable que j’exprimasse le point de vue du Ministère Public sur ces témoins ; ils ne sont que six. Le Dr Marx pourra ensuite opposer ses arguments à mes suggestions.

LE PRÉSIDENT

Oui.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Le Tribunal verra qu’il y a six témoins et s’il consent à ce que j’adopte l’ordre de mon choix, j’indiquerai, pour chacun d’eux, le point de vue du Ministère Public.

Le témoin n° 3, Ernst Hiemer, fut le rédacteur en chef du Stürmer et apparemment le principal collaborateur de l’accusé ;

Le témoin n° 4, Wurzbacher, fut un chef de brigade SA à Nuremberg ; il doit être en mesure de parler des discours de l’accusé ;

Le témoin n° 2, Herrwerth, était le chauffeur de l’accusé ; il doit être entendu sur un point : le mécontentement de l’accusé devant la violence employée le 10 novembre 1938 ;

Le témoin n° 6, le Dr Friedrich Strobel, qui est avocat, pourra témoigner sur le même point : la réprobation exprimée par l’accusé en décembre 1938 au sujet des mesures prises en novembre.

Puis viennent deux membres de la famille de l’accusé : madame Streicher, qui fut sa secrétaire de 1940 à 1945, et son fils Lothar Streicher.

Le Ministère Public ne voit aucune objection à ce que M.Hiemer, en tant que principal collaborateur de l’accusé, vienne parler comme le demande le Dr Marx sur ce que ce dernier appelle la position fondamentale de l’accusé sur la question juive. Le Ministère Public pourrait s’élever contre un certain nombre de questions sur lesquelles ce témoin serait susceptible de nous donner des précisions, mais qui sont étrangères aux débats. Il sera toujours temps de le faire plus tard.

En ce qui concerne M. Wurzbacher, on nous dit qu’il a assisté à toutes les réunions au cours desquelles Streicher a parlé et cela, dès le début. Sur ce point, le Ministère Public ne présentera pas non plus d’objection ; mais nous faisons remarquer que, d’après les requêtes antérieures, M. Wurzbacher était susceptible d’apporter son témoignage sur le boycottage de 1933 et sur les événements de novembre 1938. Le Ministère Public rappelle respectueusement au Tribunal, que ce témoin peut parler des événements de 1938, mais qu’il n’est pas nécessaire, à notre avis, d’avoir sur ce sujet un nouveau témoignage oral. Le Ministère Public suggère donc qu’un affidavit serait suffisant puisque M. Herrwerth, le chauffeur de l’accusé, parlera en fait sur un point vraiment essentiel ; à savoir, la colère manifestée par l’accusé devant les événements de 1938. Il suggère la même solution en ce qui concerne le Dr Strobel, l’avocat dont il a été question tout à l’heure.

En ce qui concerne madame Streicher, le témoin n° 1, le Tribunal verra qu’elle a été la secrétaire de l’accusé pendant la période de mai 1940 à mai 1945. L’essentiel des charges qui pèsent sur l’accusé se rapporte à une période bien antérieure : avant et immédiatement après la prise du pouvoir. Le Ministère Public estime que le témoignage que l’on attend de madame Streicher est en fait une relation de la vie de l’accusé durant la guerre et nous proposons que ce témoignage soit, lui aussi, rendu par écrit.

Il reste le lieutenant Lothar Streicher, fils aîné de l’accusé. Le Tribunal me permettra d’évoquer le sujet sur lequel ce témoin est appelé à comparaître. Dans un rapport de la Commission Göring sur la corruption à laquelle a donné lieu « l’aryanisation », il est fait état de la visite que cet accusé fit à trois jeunes garçons détenus en prison et des faits obscènes et cruels qui se produisirent. Le Ministère Public estime évidemment que ces faits ne se rapportent pas aux charges qui pèsent sur l’accusé ; mais il sait que cette affaire a nui considérablement à la cause de l’accusé ; ce rapport a été lu et a produit le plus mauvais effet. C’est pourquoi nous pensons que sur ce point le Tribunal et le Ministère Public — puisqu’un rapport portant sur ces faits a été déposé — ne devront pas élever d’autre objection que celle de l’inopportunité de ce témoignage. Cependant, si le Tribunal juge que l’accusé doit bénéficier du témoignage à décharge de son fils sur ce sujet déplaisant, le Ministère Public ne s’y opposera pas malgré l’obligation dans laquelle il se trouve de signaler que cette question est inopportune.

LE PRÉSIDENT

Le Ministère Public pense-t-il qu’un affidavit serait souhaitable ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Certainement, c’est la solution que le Ministère Public préconiserait.

C’est pourquoi, pour me résumer, je dirai que le Ministère Public ne verra aucune objection à ce que MM. Hiemer et Wurzbacher comparaissent en personnes et à ce que les autres témoins fassent leurs dépositions par écrit.

Dr MARX

Permettez-moi de ne pas partager entièrement les vues du représentant du Ministère Public. Le Ministère Public ne croit pas à l’opportunité du témoignage de Mme Adèle Streicher. Je tiens à déclarer, au contraire, que ce témoin a été, durant cinq longues années, à savoir de 1940 à 1945, aux côtés de l’accusé, qu’elle s’est occupée de toute sa correspondance et connaît tous les contacts pris par Streicher pendant toute la durée de la guerre.

La Défense tient tout particulièrement à prouver que Streicher n’eut point d’accointances avec les chefs de l’État ou du Parti durant son exil à Pleikershof. Il n’y eut aucun échange de lettres ou d’idées entre lui et Hitler, Himmler, Kaltenbrunner, Heydrich, ni aucun autre personnage important. Streicher était absolument solitaire, il ne joua aucun rôle politique et n’eut pas la moindre autorité. Pour cette raison, en tant qu’avocat, je ne puis renoncer à la comparution de ce témoin ; car, dans le cas contraire, les intérêts essentiels de l’accusé Streicher seraient lésés. Je demande que ma requête relative à la comparution de Mme Streicher devant le Tribunal soit prise en considération afin que des questions particulièrement opportunes dans cette affaire puissent être posées à ce témoin.

Il en est de même pour le témoin Herrwerth. On ne peut vraiment pas dire que ce témoin ne puisse donner des renseignements que sur des faits sans intérêt ou des incidents sans importance. Bien au contraire, il s’agit d’un incident d’une importance capitale. Ce Herrwerth était présent dans la nuit du 9 au 10 novembre, quand le Gruppenführer SA von Obernitz avisa Streicher, qui était alors Gauleiter, que des démonstrations contre la population juive étaient préparées. Il sait donc très bien, pour les avoir personnellement entendues, les paroles qu’échangèrent ces deux hommes et comment Streicher s’opposa à cette démonstration qu’il jugeait tout à fait inopportune. Streicher donc, contrairement à la volonté et à l’ordre du Führer, se tint à l’écart de cette démonstration contre la population juive. Il ne peut y avoir de doute, il s’agit là d’un incident d’importance. Il est clair que l’attitude de Streicher, qui se trouvait à cette heure-là dans son lit, recevant von Obernitz dans sa chambre à coucher, apporte une confirmation éclatante à la position prise par son avocat. Je demande donc que Fritz Herrwerth comparaisse personnellement devant le Tribunal, afin qu’il puisse être interrogé par moi-même et, si besoin est, par le Ministère Public. Quant au témoin Hiemer, il semble que le Ministère Public et moi-même soyons d’accord pour le voir ainsi que Wurzbacher, comparaître devant le Tribunal. Je dois signaler que Wurzbacher se trouve actuellement dans le camp d’Altenstädt, près de Schongau. C’est le camp n° 10.

Quant au témoin Lothar Streicher, l’accusé attache une importance particulière à ce que le témoin confirme la fausseté des allégations du rapport Göring sur les prétendues paroles et les actes indécents de Streicher au cours de sa visite de la prison.

Si le Ministère Public est prêt à déclarer qu’il ne retiendra pas ce point et qu’il ne fera aucun usage de ce rapport, je n’insisterai pas pour que ce témoin soit cité. Mais s’il en est autrement, je considérerai de mon devoir d’insister pour que ce témoin vienne ici devant le Tribunal afin de défendre l’honneur de mon client. Ce résultat ne pourrait pas être atteint avec un affidavit ; c’est pourquoi je demanderai en ce cas que la requête de la Défense soit agréée.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Sur ce dernier point, Monsieur le Président, j’ai déjà signalé que le Ministère Public considère que ces faits n’ont rien à voir avec les charges qui pèsent sur l’accusé Streicher. Nous avons évidemment déposé ce rapport et je croyais avoir clairement exposé qu’il s’agissait là de faits qui ont été rapportés à titre subsidiaire. C’est pour cette raison que le Ministère Public ne s’opposera pas à un affidavit de Lothar Streicher. Mais l’accusation principale qui pèse sur Streicher est l’excitation et la provocation continues à la persécution des Juifs. Je ne crois pas nécessaire de m’étendre plus longuement sur ce point, mais j’espère avoir montré assez clairement que l’incident n’avait en lui-même aucun intérêt en cette affaire. Ce passage figure dans le rapport sur l’aryanisation des propriétés juives. Or, ce rapport lui-même offre un intérêt incontestable pour l’Accusation dans le domaine de la persécution des Juifs.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal examinera la question.

Dr MARX

Monsieur le Président, puis-je faire encore quelques remarques ?

Les faits sur lesquels Lothar Streicher doit témoigner sont exposés dans un passage du rapport Göring et on ne peut parler de ces faits en faisant abstraction du texte qui les consigne.

L’accusé soutient que ce rapport Göring a été rédigé par un homme qui désirait lui nuire, un homme qui, après avoir reçu de lui de nombreuses faveurs, devint son ennemi et se servit de cette Commission Göring, créée à de tout autres fins, pour porter un coup violent à l’accusé, qu’il haïssait.

Il est grave de dire d’un homme qu’il s’est livré à des actes de sadisme répugnants en présence d’autres personnes. C’est pourquoi l’accusé tient à voir publiquement démontrée la fausseté de cette allégation.

Je demande donc, une fois de plus, que Lothar Streicher soit cité devant ce Tribunal.

Pour ce qui est du dernier témoin, l’avocat Strobel, j’eusse aimé me conformer au vœu exprimé par Sir David Maxwell-Fyfe ; mais ici encore j’ai le regret de ne pouvoir le faire. Nous demandons le témoignage de l’avocat Strobel pour les raisons suivantes : Trois semaines environ après les événements de la nuit du 9 au 10 novembre 1938, Streicher prit la parole à une réunion de l’association des juristes à Nuremberg. Au cours de cette réunion publique de juristes, Streicher précisa sa position à l’égard des événements du 9 novembre 1938 et manifesta clairement qu’il avait été opposé à la démonstration et à l’incendie des synagogues. L’avocat Strobel fut alors, comme il l’a dit plus tard, très surpris que Streicher eût pris aussi ouvertement position contre l’ordre de Hitler et n’eût pas caché qu’il avait dit à Obernitz qu’il ne prendrait pas part à la démonstration et qu’il considérait toutes ces mesures comme une erreur.

Le témoignage de Strobel aura certainement plus de poids que celui du chauffeur Herrwerth, car pour ce dernier le Ministère Public pourra objecter à la Défense que Herrwerth, qui a été au service de l’accusé, peut être enclin à prendre son parti. Mais cet argument n’est pas valable pour l’avocat Strobel qui lui, dans une lettre adressée au Tribunal, a tenu à exprimer son aversion pour l’accusé et n’a fait qu’incidemment allusion à cette réunion.

En conséquence, Strobel peut être considéré comme un témoin impartial, tandis que l’on serait en droit de dire de Herrwerth qu’il n’est pas complètement désintéressé. C’est pourquoi je suggère que l’avocat Strobel soit appelé lui aussi devant le Tribunal afin de permettre à la Défense, et si nécessaire, également au Ministère Public, de lui poser directement des questions.

LE PRÉSIDENT

Vous en avez terminé avec la question de vos témoins, n’est-ce pas ? Vous pouvez maintenant passer aux documents. Vous n’avez pas de documents ? Très bien, le Tribunal examinera vos requêtes.

Dr MARX

Monsieur le Président, puis-je ajouter un mot ? Jusqu’à présent il ne m’a pas été possible de réunir tous les documents dont nous avons besoin. Je désirerais présenter au Tribunal un certain nombre d’articles de journaux et je demande que l’on m’accorde un délai pour présenter la liste des documents. Je prendrai auparavant contact avec le Ministère Public pour déterminer les documents qui devront être écartés et ceux qui devront être présentés.

LE PRÉSIDENT

Oui, Docteur Marx, le Tribunal ne verra aucun inconvénient à ce que vous preniez contact, plus tard, avec le Ministère Public au sujet des documents, mais vous devez comprendre qu’aucun délai ne peut être accordé.

Je donne la parole à l’avocat de l’accusé Funk.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Si le Dr Sauter me le permet, je voudrais dire qu’en ce qui concerne ces requêtes, le Ministère Public a très peu d’objections à formuler. Pour gagner du temps, il serait préférable d’exposer d’abord le point de vue du Ministère Public ; le Dr Sauter pourra dire ensuite ce qu’il aura à ajouter. Je pourrais être très bref, mais je ne voudrais pas précéder le Dr Sauter, s’il y voit le moindre inconvénient.

LE PRÉSIDENT

Est-ce que cela vous convient, Docteur Sauter ?

Dr FRITZ SAUTER (avocat des accusés Funk et von Schirach)

Que je présente mes requêtes maintenant et que le Ministère Public y réponde ensuite ?

LE PRÉSIDENT

Non. Je crois que Sir David voudrait tout d’abord exposer ses objections et que vous présentiez votre point de vue ensuite.

Dr SAUTER

Je suis tout à fait d’accord, Monsieur le Président.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Plaise au Tribunal. On peut considérer quatre groupes de témoins. Le premier groupe se compose de trois témoins ayant appartenu au ministère de l’Économie, les n° 1, 2 et 10 de la liste. Si j’ai bien compris le Dr Sauter, il désire la comparution du n° 2, M. Hayler, et les dépositions par écrit des témoins Landfried (n° 1) et Kallus (n° 10). Le Ministère Public n’a aucune objection à présenter, sauf pour le témoin Landfried. Nous pourrions en effet avoir quelques observations à faire sur la forme à donner aux questionnaires qui lui seront envoyés et qui, sans aucun doute, doivent être établis par le Dr Sauter et soumis ensuite à l’approbation du Tribunal. En second lieu, nous désirons nous réserver le droit d’élaborer par la suite des questionnaires contradictoires. En dehors de ces détails de peu d’importance, nous sommes d’accord pour que cette requête soit acceptée.

Le second groupe est composé de deux témoins ayant appartenu à la Reichsbank, le n° 5 est M. Puhl, le n° 7 le Dr August Schwedler. Si j’ai bien compris le Dr Sauter, il désire un affidavit rédigé sous la forme de réponses à un questionnaire. Le Ministère Public ne voit là aucune objection, bien que nous nous réservions ici aussi le droit, si cela est nécessaire, d’élaborer des questionnaires contradictoires ; et, d’après les réponses que nous recevrons, peut-être demanderons-nous au Tribunal que ces témoins comparaissent pour être contre-interrogés. Nous voulons simplement nous réserver ce droit ; mais naturellement nous ne prendrons position qu’après avoir pris connaissance des réponses aux questionnaires.

Dans le troisième groupe, il n’y a qu’un seul témoin, le Dr Lammers, qui est cité par la plupart des accusés. Le Ministère Public ne fait aucune objection et pense que le Dr Sauter pourra poser des questions au Dr Lammers au moment où il viendra témoigner pour les autres accusés.

Enfin, le quatrième groupe comprend des témoins divers. Il y a M. Oeser, n° 6, qui est un rédacteur en chef, le n° 8, M. Amann, le n° 9, M. Rösen, et enfin le n° 4, Mme Funk. Si je comprends bien, pour chacun de ces témoins, le Dr Sauter désire soit un questionnaire, soit un affidavit. Là encore nous n’élevons aucune objection, tout en nous réservant le droit de réclamer des questionnaires contradictoires ou, si le besoin s’en fait sentir, de demander au Tribunal de faire comparaître un de ces témoins. Ces réserves faites, il n’y a absolument aucune divergence entre les vues exprimées par le Dr Sauter et les nôtres ; car, si j’ai bien compris, il résulte de tout ceci que le Dr Sauter demande le témoignage oral de deux témoins ici à l’audience et huit questionnaires différents pour les autres.

LE PRÉSIDENT

Sir David, ne faites-vous pas de distinction entre un affidavit et des questionnaires ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Si, Monsieur le Président, mais le Dr Sauter nous a montré, pour la plupart des témoins, les questionnaires qu’il leur soumettra, sauf évidemment pour le Dr Lammers qui sera entendu en personne, puisqu’il a été cité comme témoin devant le Tribunal. Lorsque le Dr Sauter parle d’affidavit, je comprends qu’il s’agit d’une déposition sous serment faite sous forme de réponses à ces questions, comme celles qu’il a présentées dans l’annexe de sa requête.

LE PRÉSIDENT

Bien, Sir David. Le Ministère Public adoptera donc l’attitude que vous avez suggérée, c’est-à-dire qu’il entendra par déclarations sous serment des questionnaires aux fins d’audition ou, si c’est nécessaire, des questionnaires contradictoires.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Exactement.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Je vous écoute, Docteur Sauter ?

Dr SAUTER

Monsieur le Président, je suis d’accord avec le Ministère Public pour ces requêtes particulières. Quant à la forme des questionnaires qui seront envoyés à ces témoins, je m’entendrai à ce sujet avec le Ministère Public.

LE PRÉSIDENT

Un instant je vous prie. Peut-être pourrions-nous, Docteur Sauter, choisir le numéro 6 comme exemple. Vous avez écrit à son sujet : « Je possède une déclaration de ce témoin suivie d’un appendice. » Cela signifie-t-il des réponses à un questionnaire ou bien s’agit-il d’un affidavit, d’une déclaration. Voyez-vous le passage ?

Dr SAUTER

Oui, j’ai un affidavit de ce témoin, Albert Oeser, qui sera déposé devant le Tribunal avec mon livre de documents. Je suis déjà en possession de cet affidavit.

LE PRÉSIDENT

Bien, Sir David, ce n’est pas là à proprement parler un questionnaire. Je ne sais pas si vous avez vu cet affidavit. Je pense que c’est à une phase ultérieure du Procès que vous éprouverez le besoin de contre-interroger ou d’envoyer des questionnaires contradictoires à ces témoins.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui, Monsieur le Président. Je dois m’en réserver le droit tant que je n’aurai pas vu l’affidavit. Ceux qui sont joints à la requête du Dr Sauter se présentent tous sous forme de questionnaires, mais si le document est sous la forme d’une déclaration, le Ministère Public doit se réserver ces droits. En réalité, nous ne pouvons prendre de décision avant d’avoir vu ces documents.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, avant de déposer cet affidavit du témoin Oeser, le n° 6, je le communiquerai naturellement au Ministère Public afin qu’il ait largement le temps de décider s’il désire contre-interroger ce témoin. Cela va sans dire.

LE PRÉSIDENT

Où se trouve ce témoin-là ? Où est-il ?

Dr SAUTER

C’est le témoin n° 6, Votre Honneur.

LE PRÉSIDENT

Oui, mais où se trouve-t-il à l’heure actuelle ? Est-il à Nuremberg ou ailleurs ?

Dr SAUTER

Le témoin Oeser est à Schramberg dans la Forêt Noire, dans l’état de Baden, non loin du Rhin. C’est assez loin de Nuremberg. De plus, Monsieur le Président, les points sur lesquels ce témoin doit déposer sont relativement de si peu d’importance que cela ne vaudrait pas la peine de le faire venir à Nuremberg. Personnellement, je ne connais pas le témoin, mais une personne de ma connaissance m’a signalé qu’il pouvait donner des renseignements favorables sur la conduite de l’accusé Funk. Aussi avons-nous réussi à entrer en rapports avec le témoin Oeser et à obtenir de lui un affidavit que nous communiquerons en temps utile au Ministère Public.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

En ce qui concerne les documents, Votre Honneur, le premier est une biographie de l’accusé Funk. Des extraits ont été déposés et constituent une partie de l’exposé de l’Accusation. Je demande au Dr Sauter d’indiquer les passages qu’il désire utiliser, le Ministère Public pourra alors faire les objections et les commentaires qui seront peut-être nécessaires.

La seconde requête est, je pense, la même que celle qui vous a été présentée hier pour obtenir le procès-verbal des débats de Dachau et de la déposition du Dr Blaha, témoin dans ce Procès. Le Ministère Public américain se fera un plaisir de communiquer au Dr Sauter le compte rendu de la déposition du Dr Blaha au cours de ce Procès.

En ce qui concerne les discours de l’accusé Funk, si le Dr Sauter veut bien, ici aussi, nous signaler les passages dont il compte faire usage, le Ministère Public tient à en prendre connaissance. A première vue ils semblent tout à fait pertinents.

Quant au document n° 4, l’exemplaire du journal où figure le compte rendu du discours de l’accusé, lui aussi à première vue semble pertinent et nous en prendrons connaissance. Il est très improbable qu’il y ait la moindre objection ; mais nous devons en prendre connaissance pour être à même, si cela est nécessaire, d’en parler lorsque le Dr Sauter fera son exposé.

LE PRÉSIDENT

Le Docteur Sauter a-t-il ce journal ?

Dr SAUTER

Monsieur le Président, le journal cité à la rubrique 4, ainsi que les discours de la rubrique 3, sont maintenant en ma possession. Je n’utiliserai pas dans mon dossier le texte entier de ces discours.

LE PRÉSIDENT

Vous êtes donc en mesure d’indiquer au Ministère Public les passages des documents 1, 3 et 4 que vous avez l’intention d’utiliser, de façon à ce qu’ils puissent être traduits ?

Dr SAUTER

Oui, Votre Honneur. Je ne ferai figurer dans mon livre de documents que très peu d’extraits du livre qui constitue le n° 1 ; deux ou trois pages, je pense, et des discours et des articles de journaux, seuls les passages dont je compte faire usage. Et j’en informerai le Ministère Public à temps pour que la traduction puisse être faite. Quant au procès-verbal des débats de Dachau, cette requête a été satisfaite par la déclaration faite hier par le Ministère Public à propos de l’accusé Frick. Je crois que le compte rendu sténographique de Dachau est déjà à notre disposition ; je le lirai avec attention ; de sorte que cette question se trouvera réglée.

LE PRÉSIDENT

Très bien, je donne maintenant la parole à l’avocat de l’accusé Schacht.

Dr DIX

Je suis très heureux de pouvoir dire au Tribunal que je crois être d’accord avec Sir David au sujet de l’ensemble des preuves que je présenterai, en particulier en ce qui concerne les requêtes auxquelles je dois renoncer complètement ou partiellement.

Pour faciliter les choses, puis-je indiquer tout d’abord au Tribunal les requêtes qui figurent sur ma liste et auxquelles je renonce, celles dont je restreins les exigences de façon à ce qu’il ne subsiste plus que celles que je maintiens. Je retire la demande n° 5 pour l’interrogatoire du Dr Diehls. J’ai appris hier que le Dr Diehls avait été cité comme témoin dans une requête faite par un autre avocat. Si le Tribunal accepte la requête présentée hier et fait comparaître Diehls, j’aimerais alors me réserver le droit de l’interroger. Néanmoins, je ne ferai pas personnellement de requête à son sujet.

J’aimerais attirer votre attention sur les demandes suivantes :

n° 6, le colonel Gronau ; n° 7, M. von Scherpenberg ; n° 8, le secrétaire d’État Karl Schmid ; n° 9, le consul général Dr Schniewind ; n° 10, le général Thomas de la Direction de l’armement ; n° 11, le Dr Walter Asmus ; n° 12, le Dr Reuter et n° 13, le Dr Berckemeyer. Pour chacun de ces témoins, je me contente de demander un affidavit. Je comprends fort bien que je doive communiquer ces affidavits au Ministère Public et que celui-ci ait le droit de demander la comparution de ces témoins afin de les contre-interroger.

Il ne reste donc plus à faire comparaître devant le Tribunal que les témoins suivants : le témoin n° 1, le Dr Gisevius ; le témoin n° 2, madame Strünck ; le n° 3, l’ancien directeur de la Reichsbank, Vocke, et le n° 4, l’ancien directeur de la Reichsbank, Ernst Hülse. Pour ces témoins, je demande instamment qu’ils comparaissent à la barre des témoins. La Défense de Schacht ne peut se passer de leur interrogatoire oral. Puis-je en exposer les raisons pour chacun d’eux. Les témoignages de ces témoins ne feront aucunement double emploi. Chacun d’eux connaît des choses que les autres ignorent. Vocke et Hülse étaient les collaborateurs les plus intimes de Schacht à la Reichsbank et à la Banque Internationale de Bâle. Ils connaissent des faits et l’évolution de certains événements dont Schacht n’est peut-être pas capable de se souvenir dans le détail. L’interrogatoire de ces témoins ne peut donc pas être remplacé par des questionnaires écrits, car l’accusé n’est plus suffisamment au courant pour poser les questions adéquates. Ces témoins doivent être informés du sujet sur lequel ils seront interrogés afin de faire des déclarations d’ensemble.

La même remarque, à savoir que ces témoins se rappellent encore les détails des événements dont Schacht ne se souvient plus, s’applique à madame Strünck et à Gisevius qui peuvent notamment témoigner sur la préparation des divers attentats contre Hitler, de 1938 à 1944.

Voilà tout ce que j’avais à dire à l’appui de mes demandes de témoins.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Plaise au Tribunal, le Dr Dix et le professeur Kraus ont eu l’amabilité de nous indiquer hier, à mes collègues et à moi-même, les propositions que le Dr Dix avait l’intention d’émettre devant le Tribunal. Le Ministère Public estime qu’en limitant tous les témoignages aux points 1 et 2, le Dr Dix a fait une proposition raisonnable. Le Ministère Public réserve naturellement tous ses droits quant à la pertinence des différentes questions posées à ces témoins ; mais il estime que la proposition est, comme je l’ai dit, raisonnable. Sur les points n° 5 3 et 4, la Défense restreint les témoignages sur la politique générale de l’accusé au domaine économique ; là encore, le Ministère Public estime que cette proposition est raisonnable. Sur les autres points, le Ministère Public doit, comme je l’ai dit — et le Dr Dix est d’accord — , se réserver tous les droits d’envoyer des questionnaires contradictoires aux témoins ou de demander leur comparution. Mais le Ministère Public estime qu’il ne pourra vraiment décider de l’usage qu’il fera de ses droits et de l’attitude qu’il prendra que lorsqu’il aura vu les affidavits déposés. Tel est le point de vue du Ministère Public en la matière.

LE PRÉSIDENT

Et pour les documents, Docteur Dix ?

Dr DIX

En ce qui concerne les documents, je voudrais préciser que, chaque fois que sur ma liste j’ai cité des livres, des discours imprimés et autres documents de ce genre, principalement à la rubrique 2, cela ne veut pas dire que j’ai l’intention de présenter au Tribunal de longs extraits de ces livres. Je ne ferai que de brèves citations et ces citations seront...

(Incident technique dans le système de transmission.)
LE PRÉSIDENT

Le mieux serait, pour nous, de suspendre l’audience afin que l’on puisse remédier à cet incident technique.

(L’audience est suspendue.)
LE PRÉSIDENT

Un instant, Docteur Dix. J’ai deux ou trois déclarations à faire. En premier lieu, le Tribunal rejette la requête présentée par les accusés aux fins de disjoindre de cette procédure celle menée contre les organisations désignées aux articles 9 et 10 du Statut.

Ma seconde déclaration concerne la requête faite au nom de l’accusé Bormann par son avocat. Le Tribunal a pris en considération la requête adressée le 23 février 1946 par le Dr Bergold, avocat de l’accusé Bormann, dans laquelle il demande que la cause de Bormann soit appelée en dernier lieu, après celles de tous les autres accusés. Le Tribunal a décidé d’accéder à cette requête.

Le Tribunal décide également que les demandes de témoins et de documents du Dr Bergold pour le compte de l’accusé Bormann, conformément à l’article 24 d, ne seront pas entendues maintenant, en même temps que les demandes de tous les autres accusés, mais plus tard à une date qui sera fixée dans le courant des trois prochaines semaines.

Troisièmement, en raison des tâches qui incombent au Tribunal, celui-ci siégera en chambre du conseil quand il aura terminé avec les requêtes relatives aux quatre accusés d’aujourd’hui. Demain, le Tribunal statuera sur les requêtes relatives aux quatre accusés suivants, et jeudi il entendra l’exposé sur l’accusé Göring.

Je vous écoute, Docteur Dix.

Dr DIX

Quand l’audience a été suspendue, j’allais dire au Tribunal, à propos du n° 2 de la liste des documents, que je me contenterai de très brèves citations d’un intérêt majeur dont le Ministère Public pourra auparavant prendre connaissance dans notre livre de documents. Voilà pour le n° 2.

Le n° 1 consiste en extraits de documents déjà déposés par le Ministère Public. Je ne donnerai qu’un seul exemple : le rapport de l’ambassadeur Bullitt au secrétaire d’État à Washington. L’Accusation a présenté la dernière partie de ce rapport qui avait un intérêt pour elle ; pour ma part, je veux me réserver le droit de soumettre la première partie, qui établit les intentions pacifiques de Schacht et à quel point il était dénué de toute influence politique sur Hitler, ce qui est fort important pour la Défense.

J’en arrive maintenant au n° 3, alinéa (a), qui est le mémorandum adressé par Schacht à Hitler le 3 mai 1935 sur les droits juridiques des Juifs, sur la dissolution de la Gestapo, etc. Puis-je demander au Ministère Public de faire son possible pour que ce document, qui n’a pas encore été déposé, soit communiqué en même temps que le document PS-1168 qui a été présenté, au moment de l’interrogatoire de Schacht, par le colonel Gurfein ? D’après ce que j’ai entendu hier, le document n’a pas encore été trouvé, mais le colonel Gurfein, bien qu’il soit déjà reparti, pourra peut-être nous donner des renseignements utiles. Ces deux documents sont très importants car ils font partie d’un mémorandum de Schacht qui ne peut être compris et estimé à sa juste valeur que s’il est complet.

De plus, voici une lettre adressée par Schacht au Feldmarschall von Blomberg. Elle est relative au contrôle des armements, etc., et son intérêt est, je crois, évident.

Encore un mot sur l’alinéa (c). C’est un mémorandum de Hitler d’août 1936 relatif au Plan de quatre ans. Ce mémorandum, dans lequel Hitler va jusqu’à accuser Schacht de sabotage, est d’une importance primordiale pour nous. Bien qu’il soit porté sur la liste, je ne suis pas en mesure de présenter un exemplaire convenable de ce mémorandum, qui pourrait cependant, dans une certaine mesure, remplacer l’original. Je ne possède qu’un extrait, qui en aucune façon ne peut être considéré comme suffisamment digne de foi pour être déposé comme pièce à conviction devant le Tribunal. Afin de nous assurer du contenu exact de ce mémorandum, il nous faut obtenir le texte original. A ma connaissance, l’original de ce document se trouvait dans les archives du camp de Dustbin, dans le Taunus, et je demande encore au Ministère Public de vouloir bien nous prêter son assistance afin de l’obtenir.

Il y a ensuite la lettre écrite par Schacht à Göring en novembre 1942. La réponse de Göring fut le renvoi de Schacht pour défaitisme ou plutôt, à la suite de cette lettre, Schacht fut révoqué pour défaitisme. Une autre conséquence de cette lettre fut son exclusion par Göring du Conseil de l’État de Prusse. Schacht aperçut pour la dernière fois une copie de cette lettre entre les mains d’un certain von Schlaberndorff, qui travaillait alors avec le général Donovan, mais qui n’est plus ici. Où se trouve Schlaberndorff à l’heure actuelle, je l’ignore. Puis-je demander au Ministère Public de me prêter à ce sujet aussi son assistance ? Il y a, en outre, un télégramme que Göring envoya à Schacht en janvier 1943 pour lui signifier son exclusion du Conseil de l’État de Prusse.

Quant à l’alinéa (f), je dois demander au Ministère Public russe de m’aider à me procurer ce document. Il consiste en notes diverses ou en lettres trouvées dans une cassette dans la propriété de Schacht, à Gühlen, près de Lindow (Mark Brandenburg), en zone d’occupation russe. D’après les renseignements que j’ai reçus, cette cassette a été saisie par les troupes soviétiques. Je serais très reconnaissant à la Délégation russe si elle pouvait faire son possible pour obtenir cette cassette et son contenu.

Les documents mentionnés sous le n° 4 sont déjà en notre possession. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de les énumérer et de faire des commentaires ; à leur sujet ; ils figureront dans notre livre de documents et le Ministère Public aura l’occasion de faire des remarques sur l’opportunité de leur présentation.

C’est tout ce que j’avais à dire pour l’instant sur les documents.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Avec l’agrément du Tribunal je me contenterai de quelques remarques sur le paragraphe 3 du mémorandum du Dr Dix. Quant au document réclamé par le Dr Dix, il n’a pas dû nous être procuré. J’ai demandé à mes collègues de faire des recherches ; mais pour l’instant ils n’ont pas encore pu retrouver certains de ces documents, malgré tous leurs efforts.

C’est le cas de la rubrique (a), note remise à Hitler à la même date (document PS-1168). M. Dodd m’a signalé que les recherches approfondies ont été faites depuis deux mois par la Délégation américaine qui reste convaincue que ce document n’est pas en sa possession. La Délégation russe m’a fait la même réponse au sujet de la rubrique (e).

LE PRÉSIDENT

Quel était le magistrat chargé de l’interrogatoire ? Le juge Gurfein ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Le colonel Gurfein, qui a mis sur pied le Ministère Public américain, a procédé aux premiers interrogatoires.

LE PRÉSIDENT

Où se trouve-t-il à l’heure actuelle ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

A New-York. Ce point a été mis en lumière au cours des interrogatoires. Chaque fois qu’il est question d’un document, la référence en est rigoureusement donnée ;

or, les membres de la Délégation américaine m’informent qu’ils ont fait des recherches dans ce sens, mais qu’ils n’ont néanmoins pas pu trouver ce document. De même, pour le n° (e), mes collègues russes m’ont dit qu’ils n’ont pas retrouvé le document réclamé.

LE PRÉSIDENT

Vous voulez dire qu’il n’est pas question du document lui-même dans l’interrogatoire conduit par le juge Gurfein ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

C’est exact. Il n’a pas été possible de trouver la moindre trace de ce document dans tout l’interrogatoire.

LE PRÉSIDENT

Savez-vous si l’on est entré en rapport avec le juge Gurfein ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je ne suis pas sûr qu’on s’en soit occupé lorsque les recherches ont été entreprises il y a deux mois. Je suis certain que la Délégation américaine se chargera de ce soin. Quant au n° (e), mes collègues soviétiques m’ont informé que les autorités russes n’ont trouvé aucune trace de ce document. Pour les autres, le Ministère Public aimerait avoir encore un délai afin de faire des recherches plus approfondies ; il avertira le Dr Dix et le secrétaire général, si ses recherches n’aboutissent pas. Dans la mesure où il sera question des documents mentionnés par le Dr Dix et de leurs extraits, le Ministère Public approuve pleinement les intentions du Dr Dix, si le Tribunal y consent.

LE PRÉSIDENT

Je donne la parole à l’avocat de l’accusé Dönitz.

FLOTTENRICHTER OTTO KRANZBÜHLER (avocat de l’accusé Dönitz)

Je prie le Tribunal de bien vouloir m’accorder la citation des témoins suivants : le premier témoin est l’Admiralrichter Kurt Eckhardt. L’Admiralrichter Kurt Eckhardt était conseiller juridique de la direction des opérations navales, en matière de droit international. Il doit établir l’existence des considérations juridiques de droit international qui présidèrent à la conduite de la guerre sous-marine de la part des Allemands. Ce témoignage est parfaitement opportun car le Ministère Public a déposé des documents tendant à prouver que la guerre sous-marine a été conduite sans aucune considération pour le Droit international.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Ici encore il sera sans doute préférable pour le Dr Kranzbühler et pour le Tribunal, que j’expose les vues du Ministère Public. Celui-ci ne fera aucune objection pour les témoins numéros 1, 2 et 4 : l’amiral Eckhardt, le contre-amiral Wagner ainsi que le contre-amiral Godt. Quant au n° 3, le capitaine de frégate Hessler, le Ministère Public pense que son témoignage ferait double emploi avec celui du contre-amiral Godt, étant donné qu’il cessa de commander un sous-marin à la fin de l’année 1941, avant que la plupart des ordres incriminés n’eussent été donnés. C’est la seule objection, puisque, je le répète, nous n’émettons pas d’objection pour les trois autres témoins. En ce qui concerne la seconde partie et les questionnaires, celui de M. Messersmith a été accordé. Quant à ceux des trois témoins suivants : le vice-amiral Kreisch, le capitaine de vaisseau Rösing et le capitaine de frégate Suhren, ils ont été accordés le 14 février. Une légère erreur d’ordre purement technique a été commise par le Ministère Public. Celui-ci déclara alors qu’il n’avait aucune objection de principe à présenter et qu’il ne désirait pas réclamer de questionnaires contradictoires. Il n’élevait d’objection que sur les questions 7 et 8 qui devaient être posées au capitaine de frégate Suhren. Mais en réalité, cette objection doit s’appliquer également aux deux autres témoins, afin que ces deux questions ne leur soient pas posées. Or, le document ne mentionne que l’objection relative au capitaine de frégate Suhren. Mais il n’y a, à part celle déjà présentée pour le n° 5, aucune objection générale.

LE PRÉSIDENT

Sir David, ces erreurs relatives aux témoins 2 et 3 ont-elles été rectifiées ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je n’en suis pas absolument certain. Je voudrais soulever la même objection et en limiter la portée à ces deux questionnaires. C’est la première fois, à ma connaissance, que le problème de ces trois questionnaires est posé au Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Oui.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Quant à la déposition du capitaine Eck, elle a été enregistrée par un mandataire du Tribunal ; il n’y a donc point d’objection. Enfin, en ce qui concerne l’amiral Nimitz, le Ministère Public s’oppose à cette requête car elle constitue une demande nouvelle et, s’il va jusqu’au fond des choses, le Tribunal verra qu’il s’agit d’admettre que : premièrement, les sous-marins américains attaquèrent sans avertissement tous les navires quittant les États-Unis, sauf les bâtiments alliés ; deuxièmement, qu’ils attaquèrent tous les navires japonais sans avertissement, tout au moins à partir du jour où l’on put admettre que les bâtiments japonais opposeraient une résistance à leur arraisonnement ; troisièmement, que les sous-marins américains ne portaient point secours aux naufragés dans les eaux où une telle aide risquait de mettre le sous-marin en danger. Le Dr Kranzbühler prétend que nous n’avons pas de témoignage prouvant que l’Amirauté des États-Unis agissait en vertu des mêmes considérations militaires et juridiques que l’Allemagne pour la conduite de la guerre sous-marine. Selon le Ministère Public, ce raisonnement n’est pas pertinent. L’Amirauté a pu agir en vertu des mêmes considérations juridiques que l’Allemagne, par mesure de représailles. Dans ce cas, la question de savoir si les États-Unis ont enfreint les lois et coutumes de la guerre n’est pas recevable. Car, pour le Tribunal, il s’agit de savoir si le Haut Commandement allemand a enfreint les lois et coutumes de la guerre. Et cela pose à nouveau le vieux problème des preuves dressées en vertu de l’argument tu quoque , argument que tout au long de ce Procès le Ministère Public n’a cessé de déclarer irrecevable.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je me bornerai à parler des points sur lesquels Sir David a élevé des objections.

Tout d’abord, voyons le témoin n° 3, le capitaine de frégate Hessler. Je ne considère pas que sa déposition fasse double emploi. Sa déposition doit porter sur la date à laquelle l’ordre n° 154, déposé par le Ministère Public, fut abrogé. Ce témoignage est d’importance, car le Ministère Public prétend que l’ordre de septembre 1942 n’avait pas à être diffusé et qu’il était suffisant de se conformer alors à l’ancien ordre 154. Pour infirmer cette allégation, le capitaine de frégate Hessler doit témoigner que l’ordre n° 154 n’était plus en vigueur à cette époque. De plus, le capitaine de frégate Hessler, qui était à l’État-Major de l’arme sous-marine depuis 1941, donnait à la plupart des commandants de sous-marins en partance, communication des ordres prescrits, en particulier des ordres concernant le traitement des naufragés. Pour ces raisons, j’estime que son témoignage est indispensable pour vérifier les déclarations du témoin Möhle.

Je passe maintenant aux questionnaires à remettre aux numéros 2, 3 et 4 : l’amiral Kreisch, le capitaine de vaisseau Rösing et le capitaine de frégate Suhren. Je pense que les objections du Ministère Public à deux des questions que j’ai posées ne pourront être discutées que lorsqu’on aura les réponses. J’apprends seulement aujourd’hui qu’on élève des objections, mais j’ignore sur quoi elles se basent.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal est-il en possession des questionnaires et des objections du Ministère Public concernant le n° 4 ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Le Tribunal n’a reçu que les questionnaires que je lui ai remis.

LE PRÉSIDENT

Est-ce que le Ministère Public nous a présenté son objection sur l’une de ces questions ? Si je comprends bien, il s’agit de l’objection relative au questionnaire adressé à Suhren, et cette objection est valable pour les questions des deux autres témoins ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui. Le texte en est court. Si le Dr Kranzbühler me le permet, je vais le lire. Voici les deux questions :

« Savez-vous si, en septembre 1942, des sous-marins allemands ont sauvé des naufragés après avoir torpillé le vapeur anglais « Laconia », et s’ils ont été bombardés par un avion allié pendant le sauvetage ? »

N° 8 : « Savez-vous si cet incident fut la raison pour laquelle le commandant en chef de la Flotte sous-marine interdit aux chefs de bâtiments le sauvetage des naufragés pour ne pas mettre en péril leurs propres navires et déclara que cela ne constituait pas une violation des lois de la guerre sur mer ? »

Quant aux objections, je vais les lire :

« Question 7 : L’objection porte sur l’inutilité de cette question, étant donné que les faits sont avérés.

Question 8 : Objection élevée : On ne voit pas comment le témoin pourrait connaître les raisons pour lesquelles l’accusé Dönitz donna ces ordres. »

Telles sont nos objections.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Puis-je y répondre ? Je crois que les officiers cités peuvent donner les raisons des ordres qu’ils reçurent du commandant en chef de la Flotte sous-marine ; car les événements qui aboutirent à l’ordre de septembre 1942 étaient généralement connus des commandants de sous-marins et les commandants des sous-marins qui se trouvaient sur les différents théâtres d’opération ont très bien pu entendre les messages radio-télégraphiques envoyés aux sous-marins engagés dans l’action du « Laconia ». C’est tout ce qui est à mentionner sur ce point.

J’en arrive maintenant à la requête touchant le questionnaire qui doit être envoyé à l’amiral Nimitz. La position prise par le Ministère Public diffère entièrement de la conception sur laquelle est basée ma requête. Il n’est pas dans mon intention de prouver, ni même d’admettre que l’Amirauté américaine, dans sa guerre sous-marine contre le Japon, viola le Droit international. Au contraire, je suis d’avis qu’elle s’est strictement conformée au Droit international. Dans leur guerre navale contre le Japon, les Américains eurent à se poser la même question que les Allemands au cours de la guerre navale contre l’Angleterre, sur le champ d’application et l’interprétation de l’Accord de Londres de 1930, relatif à la guerre sous-marine. Les États-Unis et le Japon étaient également signataires de cet accord.

Mon point de vue est que, étant donné l’ordre donné aux navires marchands de résister, l’accord de Londres n’était plus applicable aux navires marchands. De plus, cet accord n’était pas applicable dans les zones d’opération déclarées, pour lesquelles un avertissement général avait été donné à tous les navires, rendant ainsi - inutile l’avertissement individuel avant l’attaque.

Par le questionnaire adressé à l’amiral Nimitz, je désire établir que, dans la pratique, l’Amirauté américaine interpréta l’accord de Londres exactement de la même manière que l’Amirauté allemande, et prouver ainsi que la conduite de la guerre navale par les Allemands fut parfaitement légale.

La même remarque vaut également pour le traitement des naufragés dans les eaux où le sous-marin se serait mis lui-même en danger du fait de ces mesures de sauvetage.

LE PRÉSIDENT

Oui, Docteur Kranzbühler.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je passe maintenant aux documents.

LE PRÉSIDENT

Si vous en avez terminé avec l’amiral Nimitz, j’aimerais poser une question à Sir David.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je vous en prie, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Sir David, si je vous ai bien compris, vous prétendez que ces questions posées à l’amiral Nimitz sont entièrement inopportunes ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui.

LE PRÉSIDENT

Votre suggestion serait-elle la même si la marine allemande avait attaqué des navires marchands sans avertissement dès le début de la guerre contre l’Angleterre ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Dans ce cas, la violation du traité eût été plus évidente ; car, à cette époque, il n’était pas, autant que je sache, question d’armement dans la marine marchande et il est certainement hors de question que les commandants de sous-marins allemands étaient à ce moment en mesure d’estimer qu’ils attaquaient des navires armés, voire même des navires de guerre.

On en arrive alors au point de vue que le Ministère Public a déjà exposé : La situation se trouve modifiée du fait que l’Allemagne avait engagé cette guerre sous-marine ; c’est pourquoi les bâtiments britanniques furent armés. Mes assertions seraient, de ce fait, modifiées, même si l’on devait s’en tenir au point de vue que le Dr Kranzbühler vient d’exprimer.

Ma question devient véritablement ardue si, pour comprendre ces traités, il nous faut revenir à une enquête générale sur la manière dont ils ont été interprétés par les divers commandants en chef.

Quant à la question que vous m’avez posée, Monsieur le Président, il y a un fait parfaitement établi par nos documents, c’est que l’armement des navires marchands fut la conséquence des attaques sans avertissement qui se produisirent durant les premiers mois de la guerre.

LE PRÉSIDENT

Mais prétendez-vous que les questions posées à l’amiral Nimitz sont inopportunes du fait que les États-Unis sont entrés en guerre en décembre 1941, alors que la guerre navale entre l’Allemagne et l’Angleterre en était arrivée à cette phase, où les attaques étaient faites sans avertissement ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

C’est exact, Monsieur le Président. C’est ce que je voulais dire. Je vous suis reconnaissant d’avoir présenté avec clarté l’argument dont je voulais faire état.

LE PRÉSIDENT

Cela vous paraît-il clair, Docteur Kranzbühler ? A mon avis, Sir David estime que ces questionnaires sont en fait sans intérêt, en raison de la date de l’entrée en guerre des États-Unis. A cette époque, la guerre sur mer entre l’Angleterre et l’Allemagne, était, pour des raisons qui restent à déterminer, arrivée à cette phase où les sous-marins attaquaient les navires marchands sans avertissement et où les navires marchands se défendaient eux-mêmes contre ces attaques.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Oui, Monsieur le Président. Je prétends néanmoins que les conditions de la guerre navale entre l’Allemagne et l’Angleterre n’auraient pas dû nécessairement influer sur les mesures prises au cours de la guerre navale entre les États-Unis et le Japon ; car c’était un théâtre d’opérations entièrement différent sur lequel les Forces allemandes n’opéraient pas. A mon avis, les directives pour la conduite de la guerre navale sur le théâtre des opérations de l’Extrême-Orient auraient dû être basées sur les conditions particulières de cette zone et non sur les expériences faites dans la zone européenne.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal prendra cet argument en considération.

M. BIDDLE

Comment les actions entreprises par la marine d’un pays pourraient-elles nous donner une interprétation correcte d’une règle de droit ?

Nous pouvons ainsi apprendre ce que pensait un amiral, mais en quoi l’interprétation de cette règle par tel ou tel amiral nous intéresse-t-elle ? Est-ce que c’est cela que nous devons juger ? Est-ce que cela constitue une preuve ? N’êtes-vous pas de mon avis, Sir David ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Certainement.

M. BIDDLE

Comment tout cela pourrait-il nous éclairer sur le sens d’une règle de droit ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je ne crois pas que les directives générales, sur la conduite d’une guerre sur mer dépendent d’un seul amiral ; mais en raison de leurs considérables répercussions, ces directives sont devenues une affaire gouvernementale. Il est reconnu dans le Droit international que la conduite d’une guerre ne découle pas seulement des traités, mais également des actes des Gouvernements. Puis-je citer en exemple le fait que M. le Procureur Général Jackson, dans son premier rapport au Président Truman, a particulièrement insisté sur le fait que le Droit international évolue grâce aux actes des Gouvernements. Si donc le traité naval de Londres de 1930 n’avait prévu aucune exception pour les navires de commerce, tous les actes de Gouvernement qui auraient prévu des stipulations semblables de la part de toutes les nations, auraient réussi à créer sur ce point un nouveau Droit international. C’est pourquoi je suis d’avis que l’attitude adoptée dans ce domaine par les États-Unis, en tant que l’une des plus grandes puissances maritimes, est d’une importance décisive si l’on veut donner une interprétation valable de l’accord de Londres et juger en conséquence la conduite de l’Allemagne.

M. BIDDLE

Prétendez-vous que l’accord de Londres soit ambigu ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Oui.

M. BIDDLE

Quels sont les termes de l’accord que vous trouvez ambigus ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

L’expression « navires marchands ».

M. BIDDLE

Avez-vous ici le passage en question. Non ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Lequel ?

M. BIDDLE

La phrase de l’accord de Londres que vous trouvez ambiguë.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je n’ai pas le texte ici, mais je puis en faire une citation parfaitement exacte. Il déclare que les sous-marins sont soumis aux mêmes règles que les bâtiments de surface dans leur conduite vis-à-vis des navires marchands.

J’apporterai plus tard les preuves que l’expression « navire marchand » a déjà été considérée comme ambiguë lors de la conférence de Washington en 1922, et que dans les ouvrages de Droit international publiés après cette conférence, il a été à plusieurs reprises souligné que cette expression était ambiguë.

M. BIDDLE

Docteur Kranzbühler, vous voulez que l’amiral Nimitz nous donne son opinion sur l’interprétation qu’il a faite de ce traité, n’est-ce pas ? C’est bien là le but de ces questionnaires ?

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Non, je ne veux pas connaître l’opinion de l’amiral Nimitz mais la conduite des États-Unis au cours de la guerre sur mer qu’ils ont menée contre le Japon.

LE PRÉSIDENT

Docteur Kranzbühler, le Tribunal examinera les arguments que vous lui avez présentés.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

J’en viens maintenant aux documents. Comme Sir David vient de le dire, il n’y a pas à leur sujet d’objections du Ministère Public. Je ne sais pas si je dois donner pour chacun d’eux les raisons sur lesquelles je fonde leur admission.

Il y a tout d’abord les journaux de bord et les ordres et règlements de l’Amirauté et du Commandant en chef de la Flotte sous-marine. Ils ont déjà été acceptés et le Ministère Public n’élève aucune objection.

A la rubrique 3, je demande la permission de présenter « Les ordres confidentiels de la Flotte britannique » et « Les instructions de l’Amirauté pour les navires marchands », émanant de l’Amirauté britannique.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, cette question a été soulevée au cours d’une audience du Tribunal en chambre du Conseil à la suite d’une requête du Dr Kranzbühler. Je ne sais pas encore si l’Amirauté britannique y consent, mais j’ai demandé au Dr Kranzbühler de patienter une dizaine de jours, tout en espérant que nous pourrons lui donner satisfaction. Si le Dr Kranzbühler accepte ce délai de dix jours, je l’avertirai, bien entendu, dès que j’aurai reçu une réponse précise.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je suis d’accord. A la rubrique 4, je déclare mon intention de présenter un certain nombre de déclarations et de lettres que j’ai reçues de commandants et d’officiers de sous-marins allemands, quelques-unes par l’intermédiaire du secrétariat général. Ces déclarations contiennent des détails sur la conférence que fit à Gotenhafen le commandant en chef de la Marine, à laquelle a fait allusion le témoin Heisig. Il s’agit des instructions données aux commandants de sous-marins par le témoin Möhle et des ordres relatifs au traitement des naufragés. J’ai compris que le Ministère Public ne faisait pas d’objection à leur sujet.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous une objection à faire, Sir David ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, pour un grand nombre de ces questions, nous ne pourrons nous faire une opinion que lorsque les documents nous seront présentés. Nous n’avons pas d’objection de principe à leur égard.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Je tiens à dire que je serai sans doute obligé de déposer par la suite quelques nouveaux documents, quand je me serai entretenu avec l’Admiralrichter Eckhardt. Puis-je demander encore une fois au Tribunal de me permettre de citer ce témoin le plus rapidement possible ; son témoignage qui porte sur la question des méthodes employées dans la conduite de la guerre sous-marine est particulièrement important pour la Défense.

LE PRÉSIDENT

Oui, je pense que le Tribunal vous donnera satisfaction, à condition toutefois que cela n’entraîne pas de retard pour d’autres requêtes.

FLOTTENRICHTER KRANZBÜHLER

Oui.

LE PRÉSIDENT

Nous allons maintenant lever l’audience.

(L’audience sera reprise le 6 mars 1946 a 10 heures.)