SOIXANTE-QUINZIÈME JOURNÉE.
Mercredi 6 mars 1946.

Audience du matin.

LE PRÉSIDENT

Je désire annoncer une légère modification.

Le Dr Stahmer a fait une demande écrite, sollicitant un délai un peu plus long pour la préparation de ses documents, et pour d’autres raisons.

Il serait reconnaissant si le cas de l’accusé Göring n’était pas abordé jeudi, comme cela a été annoncé.

Le Tribunal se rend compte que l’exposé du cas du premier accusé entraîne un certain nombre de difficultés concernant la traduction des documents en temps voulu. Le Tribunal avait annoncé qu’il continuerait à recevoir les demandes de citations de témoins, jusqu’à ce qu’elles soient toutes terminées. Il reste fidèle à cette décision et espère que cela donnera au Dr Stahmer un jour de plus. Mais, lorsque nous en aurons fini avec les demandes de citations des témoins, la cause de l’accusé Göring sera entendue sans retard.

Le Tribunal désire établir clairement qu’aucune autre demande d’ajournement de la part des avocats ne sera prise en considération, sauf dans les cas tout à fait exceptionnels.

Dr SIEMERS

Pour l’accusé Raeder, je voudrais citer un premier témoin qui pourra fournir des renseignements sur la personnalité de Raeder...

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je demande la permission d’exprimer le point de vue du Ministère Public, et le Dr Siemers parlera ensuite.

Monsieur le Président, les Ministères Publics ne font aucune objection à ce que les témoins suivants soient appelés pour témoigner oralement : le témoin n° 3, l’ancien ministre Severing ; le témoin n° 5, le vice-amiral Schulte-Moenting ; le témoin n° 6 qui a déjà été demandé et accepté comme témoin de l’accusé Dönitz ; le témoin n° 10, amiral Boehm.

En ce qui concerne les témoins suivants, le Ministère Public suggère qu’on se contente de dépositions sous serment : Témoin n° 2, amiral Lohmann.

LE PRÉSIDENT

Un instant, voulez-vous dire un affidavit ou un interrogatoire ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je crois qu’une attestation serait suffisante dans ce cas, car il s’agit seulement du récit d’événements anciens.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Dans quel cas un affidavit ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Le témoin n° 2, amiral Lohmann.

Nous passerons ensuite au témoin n° 4, amiral Albrecht, car son témoignage coïncide avec celui du témoin n° 5. Peut-être un interrogatoire serait-il plus indiqué, mais la décision appartient à mes collègues.

Le témoin suivant, n° 7, le Dr Suechting, ingénieur, qu’on désire entendre à propos de l’Accord naval anglo-allemand, au sujet de questions techniques. Le Ministère Public pense qu’un affidavit serait indiqué pour ces questions techniques.

Le témoin n° 8 est le Feldmarschall von Blomberg. On m’a dit qu’il était malade. Je pense que le Dr Siemers lui a soumis des questions et qu’il en a reçu les réponses. Il serait plus indiqué de le soumettre à un interrogatoire. C’est probablement la solution la plus facile et la mieux appropriée dans le cas du Feldmarschall.

LE PRÉSIDENT

Cela n’était-il pas suggéré pour le cas d’un autre accusé ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Pour von Blomberg, oui. J’ai une note à son sujet disant qu’il a déjà été interrogé par un avocat ; je ne sais pas si c’était le Dr Siemers ou un autre avocat. Je crois que c’est le Dr Nelte, pour Keitel.

LE PRÉSIDENT

Oui, je le crois. C’est donc le témoin n° 8.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Le témoin suivant est von Weizsaecker, ancien secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères. Il sera interrogé sur l’affaire de l’Athenia. Je ne comprends pas pourquoi la Défense veut que cette personne se présente, mais je pense que, si nous pouvons obtenir une déposition sous serment de Weizsaecker, nous pourrons savoir ce dont il veut parler.

L’autre témoin est le colonel Soltmann, n° 14. Il désire donner les résultats d’un questionnaire présenté à des prisonniers de guerre anglais à Lillehammer. Ceci n’apportera que des preuves supplémentaires, qui ne font que renforcer celles du Livre Blanc allemand. En conséquence, l’Accusation estime qu’un affidavit serait suffisant.

Il y a deux témoins que le Ministère Public considère comme ayant une position plus générale, et qui pourraient soit être admis comme témoins, soit fournir une attestation. D’après le Ministère Public, ces témoins ne sont pas pertinents, mais le Tribunal voudra peut-être considérer cette question ? Ce sont les témoins : n° 1, un aumônier de la Marine, qui parlera des idées religieuses et de la conduite morale de l’accusé Raeder. De l’avis du Ministère Public, ceci n’est pas valable. Ce pourrait être tout au plus un affidavit. Même si l’on adopte une solution différente, le point de vue de l’Accusation reste le même : c’est en réalité hors du sujet, et il ne peut y avoir là matière à autre chose qu’un affidavit.

L’autre est le témoin n° 16, l’amiral Schultze. Il doit parler d’une entrevue avec l’amiral Darlan. Le Ministère Public considère que ceci est en dehors de ce sujet ; toutefois, si vraiment il y avait quelque chose de pertinent que le Ministère Public n’aurait pas vu, cela fournirait tout au plus la matière d’un affidavit.

Le Ministère Public propose que les témoins suivants ne soient pas retenus : le n° 11...

LE PRÉSIDENT

Sir David, en ce qui concerne le témoin n° 16, un interrogatoire ne serait-il pas préférable ? Le 9 février, le Tribunal a autorisé un interrogatoire dans ce cas, mais je ne pense pas qu’il ait encore été fait.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

De qui s’agit-il ?

LE PRÉSIDENT

Du témoin n° 16.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Eh bien, si le Tribunal estime que cette question doit être approfondie, je suis d’accord pour un interrogatoire.

Le Ministère Public fait absolument objection à la présentation des témoins suivants : N° 11, vice-amiral Gottlieb Bürckner, son témoignage faisant double emploi avec ceux des témoins n° 5 et 10 ; n° 12, commandant Schreiber, étant donné que, le 21 février, le Dr Siemers a déclaré qu’il acceptait de ne pas appeler ce témoin, si le témoin n° 5, Schulte-Moenting, était admis ; n° 13, Hugo Lackorn, un commerçant norvégien qui est censé parler des plans alliés, sans donner la source de ses renseignements. Ce témoin fut provisoirement abandonné, le 21 février ; n° 15, Alf Whist, ancien ministre du Commerce dans le Cabinet Quisling, d’après ce que je comprends. Rien n’indique que ce témoin soit compétent pour parler de la réputation de l’accusé Raeder.

Quant au témoin n° 16, son cas a déjà été traité.

Le n° 17, le colonel Goldenberg, interprète à la réunion entre Raeder et Darlan. Je cite ce qui a été dit à ce sujet : « L’accusé Raeder donne les preuves et l’amiral Schultze sera interrogé ». Je crois que c’est suffisant pour cette entrevue.

LE PRÉSIDENT

Oui. Docteur Siemers ?

Dr SIEMERS

Je remercie Sir David d’avoir pris position sur chaque point individuel, ce qui permet de penser que le Tribunal admettra les points sur lesquels Sir David est d’accord, sans que j’aie à les discuter.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal pense que le meilleur moyen pour vous serait d’examiner le cas des témoins que Sir David n’est pas d’avis d’appeler à la barre, puis il sera peut-être nécessaire de parler de ceux pour lesquels il était d’accord. Vous pouvez les prendre dans l’ordre qu’il a suivi : 2, 4, 7, 8, 9, si cela vous convient.

Pour le cas 2, il avait suggéré un affidavit.

Dr SIEMERS

Le n° 2 est le vice-amiral Lohmann. Je me réfère à ce sujet à la dernière page de ma requête, dans laquelle je parle des documents classés sous le chiffre romain III. J’y mentionnais la proposition que j’ai faite à la Délégation britannique de s’entendre avec moi au sujet des documents à produire en ce qui concerne le Traité de Versailles et l’Accord naval. La Délégation britannique m’a fait envisager la possibilité d’un accord, et a fait entre temps une demande à l’Amirauté britannique à Londres. Si, comme je le pense, nous arrivons à nous entendre, j’accepte tout à fait que l’amiral Lohmann ne fasse que produire un affidavit, car il n’aurait plus à témoigner que sur quelques points. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir l’accepter provisoirement, et je m’engage à ne pas l’appeler si j’arrive à m’entendre avec la Délégation britannique. Au cas où cet accord ne pourrait pas se faire, il serait long et difficile d’établir certains chiffres importants, et je serais obligé de demander Lohmann qui est très au courant de ces questions de chiffres. Sinon, je suis d’accord.

LE PRÉSIDENT

Qu’en dites-vous, Sir David ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

J’ai fait passer la note du Dr Siemers à mes collègues pour leur demander leur acceptation, puis je l’ai adressée à l’Amirauté. J’espère qu’elle pourra nous donner les renseignements demandés et qu’elle acceptera cet accord, mais j’attends une confirmation. Je pense que nous pourrions mettre de côté la question de ce témoin, jusqu’à ce que je voie si l’on peut obtenir un accord donnant satisfaction au Dr Siemers.

LE PRÉSIDENT

Oui, mais si vous ne pouvez pas arriver à cet accord, il faudra probablement appeler ce témoin.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui. Je ferai savoir au Dr Siemers si oui ou non il y a controverse et si je dois discuter ses assertions ; dans ce dernier cas, je n’aurais pas d’objection à ce que le témoin soit convoqué.

Dr SIEMERS

Dans ces conditions, il me suffira de savoir que j’aurai un affidavit. J’ai écrit à l’amiral Lohmann, lui demandant de répondre aux autres questions et, en ce qui concerne les principaux points, j’accepte le principe indiqué par Sir David.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SIEMERS

Témoin n° 4, Generaladmiral Albrecht ; c’est un des plus proches collaborateurs du Grand-Amiral Raeder. De 1926 à 1928, il était chef d’État-Major de Raeder, à Kiel. De 1928 à 1930, chef du Service du personnel à l’OKM. Il fut ensuite amiral commandant la flotte à Kiel, et à partir de 1939, Marinegruppenbefehlshaber à l’Est.

Je fais remarquer ici que, cette dernière année, il s’est aussi occupé de l’organisation sur la proposition du Sicherheitsgruppenbefehlshaber ; à ce point de vue également, il me paraît important de l’entendre. Je sais que le Generaladmiral Albrecht a adressé à ce sujet une lettre au Tribunal.

Albrecht connaît de longue date l’accusé Raeder ; aussi est-il au courant de ses opinions et pourrait-il donner des renseignements sur les principaux points de l’accusation : il le connaît depuis 1928, c’est-à-dire à partir du moment où commence l’accusation contre Raeder. Je vous prie de bien vouloir considérer l’importance extraordinaire des accusations portées contre Raeder et qui s’étendent sur une période de 15 ans. Il m’est impossible de faire réfuter toutes ces accusations par un ou deux témoins ; les nuances entre les différentes déclarations sont si importantes qu’on ne peut donc parler ici de témoignages cumulatifs.

Je vous prie en outre de bien vouloir prendre en considération le fait que je n’ai pas encore pu parler au vice-amiral Schulte-Moenting, témoin accepté par le Ministère Public et le Tribunal. Le Tribunal ne m’a pas encore fait savoir où se trouve Schulte-Moenting.

Je suppose qu’il est dans un camp de prisonniers en Angleterre, mais je ne sais pas s’il pourra être mis à ma disposition et si je pourrai lui parler à temps.

LE PRÉSIDENT

Vous parliez du Generaladmiral Conrad Albrecht, n’est-ce pas, le témoin n° 4 ?

Dr SIEMERS

Non, je sais que le Generaladmiral Albrecht se trouve à Hambourg. J’ai simplement fait remarquer que son témoignage n’était pas cumulatif et que Albrecht et Schulte-Moenting pourraient être entendus tous les deux.

LE PRÉSIDENT

La suggestion de Sir David était un interrogatoire pour l’amiral Albrecht et un affidavit pour l’amiral Schulte-Moenting.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je suis d’accord pour que l’amiral Schulte-Moenting soit convoqué ici.

LE PRÉSIDENT

Excusez-moi, je m’étais trompé de numéro. Oui, c’est exact : faire venir l’un, et envoyer un interrogatoire à l’autre. Avez-vous une objection à formuler ?

Dr SIEMERS

Oui, je voudrais que tous les deux soient entendus comme témoins ; en effet, le témoignage de Moenting porte sur une époque assez récente, et celui d’Albrecht sur la période qui suit immédiatement la conclusion du Traité de Versailles. Les deux témoins ont donc des points de vue très différents. En outre, le Tribunal ne m’a pas encore fait savoir si je peux compter d’une façon absolument certaine sur le témoin Schulte-Moenting, s’il a été trouvé, si l’on sait où il est actuellement.

LE PRÉSIDENT

D’après nos renseignements, on ne l’a pas encore trouvé.

Dr SIEMERS

Je n’ai reçu aucune nouvelle à ce sujet.

LE PRÉSIDENT

Un moment. Je ne sais pas si c’est vrai. Oui, on l’a retrouvé dans un camp de prisonniers de guerre, en Angleterre. Je le crois du moins. J’ai un document indiquant qu’il se trouve dans un camp de prisonniers de guerre en Angleterre.

Dr SIEMERS

Je vous remercie beaucoup, je ne le savais pas. Dans ces conditions, je suis prêt à me contenter, pour l’amiral Albrecht, d’un questionnaire ou d’un affidavit, naturellement sous réserve de la comparution de Schulte-Moenting.

Le témoin n° 7, Dr Suechting. Sir David propose ici un affidavit, pour accélérer le rythme des débats. J’accepte l’affidavit.

LE PRÉSIDENT

Bien.

Dr SIEMERS

Mais toujours sous la réserve que la question des chiffres soit clarifiée entre le Ministère Public britannique et moi, conformément à ma lettre dont nous avons parlé au sujet de l’amiral Lohmann. Je crois que Sir David est d’accord.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal aimerait savoir quel est, selon vous, le rapport qui existe entre ces questions de constructions navales d’après les accords navals anglo-allemands de 1935 et 1937, et les accusations portées contre l’accusé.

Dr SIEMERS

On a reproché à l’accusé Raeder de n’avoir pas respecté les clauses du Traité de Versailles et de l’Accord naval. Or, dans ce cas, l’accusation de violation de pacte porte essentiellement sur la construction des navires. En conséquence, je dois établir ce que, d’après le Traité de Versailles et l’Accord naval, on avait le droit de construire et ce qui a été effectivement construit, et quels furent les directives et les ordres donnés par la Marine à ce sujet. Comme je vous l’ai dit, je suis cependant d’accord pour un affidavit.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Le Tribunal prendra cet argument en considération.

Dr SIEMERS

Le témoin n° 8, le Feldmarschall von Blomberg. Le Ministère Public a proposé un affidavit ou un questionnaire. En considération de l’état de santé du témoin, je suis naturellement d’accord pour simplifier les choses ; étant donné qu’il ne s’agit pas là de questions très complexes, je propose un affidavit.

Témoin n° 9, l’ambassadeur baron von Weizsaecker. J’ai présenté ma requête, le 6 février, et je ne sais pas encore quelle est la position prise par le Tribunal à cet égard. Au moment de l’affaire de l’Athenia, Weizsaecker était secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères du Reich. Weizsaecker, en septembre 1939, eut un entretien avec l’ambassadeur des États-Unis au sujet de l’affaire de l’Athenia. Il s’en est entretenu également avec Hitler et avec Raeder. Il en connaît tous les détails et c’est sur ces détails qu’il doit être entendu. Je ne pense pas qu’un affidavit suffise ici. Je dois tout d’abord indiquer que je ne sais pas où se trouve le témoin. Cependant, ce point mis à part, l’accusation portée contre l’accusé Raeder dans cette affaire de l’Athenia est si lourde au point de vue moral que, bien qu’il ne s’agisse pas en fait d’une question de première importance, je dois lui apporter une attention particulière.

La Délégation britannique a particulièrement insisté sur l’affaire de l’Athenia, et a porté à ce sujet des accusations blessantes contre l’accusé. Pour sauvegarder la réputation absolument irréprochable de mon client, je me sens obligé d’éclaircir complètement cette affaire. Seul Weizsaecker peut le faire.

LE PRÉSIDENT

Docteur Siemers, à ce propos, rien en dehors de la situation même qu’occupait le témoin proposé ne prouve qu’il ait su quoi que ce soit de cette affaire. Dans ces circonstances ne croyez-vous pas qu’un interrogatoire serait la procédure la plus appropriée ? Vous n’avez pas prouvé que le témoin était au courant de cette affaire. Dans votre proposition, vous dites seulement qu’il était secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères du Reich.

Dr SIEMERS

Je me permets de signaler que j’ai dit dans ma requête que le témoin connaissait les détails de l’affaire de l’Athenia.

LE PRÉSIDENT

En raison de sa situation de secrétaire d’État ?

Dr SIEMERS

Aussitôt après l’affaire de l’Athenia, l’ambassadeur américain s’est rendu auprès de Weizsaecker pour éclaircir cette affaire. C’est pourquoi Weizsaecker en a parlé à Raeder, mais seulement après avoir déclaré à l’ambassadeur américain qu’aucun sous-marin n’y avait participé. L’explication de l’affaire de l’Athenia, à savoir qu’il s’agissait d’un sous-marin allemand ne fut apportée qu’au retour de ce sous-marin. Jusque là, l’accusé Raeder lui-même n’était pas au courant. Le sous-marin rallia sa base le 27 septembre, tandis que le naufrage avait eu lieu le 3 septembre.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous parlé de cette conversation entre l’ambassadeur des États-Unis et le secrétaire d’État Weizsaecker dans l’une de vos demandes précédentes ?

Dr SIEMERS

Oui, le 6 février, j’ai fait parvenir ma requête, dans laquelle je mentionnais en termes généraux la question de l’Athenia. Je voudrais ajouter ici que Weizsaecker est également au courant des événements qui suivirent. Il sait avec certitude que la Kriegsmarine et, tout particulièrement, l’accusé Raeder, n’ont pris absolument aucune part à l’article que le ministère de la Propagande a fait paraître dans les journaux. Weizsaecker fut aussi indigné que Raeder à la suite de cet article. Cependant, c’est une des accusations portées contre Raeder par le Ministère Public.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal prendra vos paroles en considération.

Dr SIEMERS

Je voudrais encore ajouter que je me suis trompé. Je viens d’apprendre que Weizsaecker est au Vatican, à Rome ; nous connaissons donc son adresse.

LE PRÉSIDENT

Bien.

Dr SIEMERS

Témoin n° 14, le colonel Soltmann.

Je crois que le colonel Soltmann a été également demandé comme témoin par l’accusé Generaloberst Jodl, et on lui a déjà fait parvenir un affidavit ou un questionnaire. En conséquence, je suis d’accord avec Sir David, un affidavit suffit pour Soltmann, sous réserve de l’acceptation de la requête du défenseur du général Jodl.

LE PRÉSIDENT

Il ne semble pas avoir été trouvé.

Dr SIEMERS

Le témoin Soltmann ? J’ai donné son adresse dans ma demande.

LE PRÉSIDENT

Vraiment ?

Dr SIEMERS

Il habite à Falkenberg, près de Moosach, en Haute-Bavière.

Témoin n° 16, le Generaladmiral Schultze. Le Generaladmiral Schultze se trouve actuellement à Hambourg. Il est très facile de le faire venir ici à Nuremberg pour l’entendre. Le Ministère Public a reproché à l’accusé Raeder de s’être associé à la politique de conquête du national-socialisme. Or, ce reproche est injustifié. Raeder, aussi bien en Norvège qu’en France, a constamment travaillé pour la paix, en d’autres termes, il n’a pas cherché à conquérir de façon définitive ces pays. Raeder se trouvait sur ce point en opposition avec Hitler, et ce n’est qu’après avoir beaucoup insisté que Raeder fut autorisé à avoir une entrevue avec Darlan à Paris, en vue d’une paix éventuelle. Je crois qu’une intervention aussi positive pour essayer de terminer rapidement la guerre avec la France est suffisamment importante pour que, dans un procès comme celui-ci, on puisse entendre ce témoin. Je ne comprends pas comment Sir David, étant donné l’accusation qu’il a portée, peut dire que ce point est sans importance. L’Accusation a constamment déclaré que l’accusé Raeder était un fauteur de guerre.

LE PRÉSIDENT

Je ne crois pas que Sir David ait dit que ce point était sans importance. Il a proposé un questionnaire.

Dr SIEMERS

J’ai noté la déclaration de Sir David selon laquelle le témoignage n’est pas recevable ; Sir David propose cependant un questionnaire comme une concession.

LE PRÉSIDENT

Je m’étais donc trompé.

Dr SIEMERS

Je voulais seulement prendre position sur la question de savoir si ce témoignage est recevable ou non. Je crois avoir montré qu’il l’était.

LE PRÉSIDENT

Vous voulez faire venir ce témoin ? Vous ne seriez pas d’accord pour un interrogatoire ou une attestation, n’est-ce pas ?

Dr SIEMERS

Je prie le Tribunal d’entendre le témoignage de Schultze ici à Nuremberg, car, à mon sens, vu les principes de l’Acte d’accusation, il est essentiel de déterminer la position de Raeder dans l’ensemble du problème en s’appuyant sur l’état de fait à cette époque et non sur des assertions et des déclarations actuelles.

J’en arrive aux témoins auxquels Sir David a fait objection ; n° 11, vice-amiral Bürckner. J’ai fait parvenir une demande le 31 janvier. Je n’ai pas encore de réponse à ce sujet. J’ai demandé d’avoir la possibilité de parler au témoin Bürckner pour me mettre au courant de certains détails. Cet entretien m’a été refusé, tant que ce témoin n’aura pas été agréé. Il faut par conséquent, pour que je puisse lui parler, qu’il ait été auparavant accepté comme témoin. S’il ressort de cet entretien que sa déclaration est cumulative, je suis tout prêt à y renoncer. Je suppose que Sir David acceptera cet arrangement.

LE PRÉSIDENT

Sir David, le Tribunal ne comprend pas pourquoi l’avocat n’a pas pu voir cet officier qui est prisonnier à Nuremberg, toutes les mesures de sécurité nécessaires ont pourtant été prises.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Nous n’avons aucune objection à ce que l’avocat voie l’amiral Bürckner. Le Ministère Public a probablement considéré que la question à propos de laquelle le Dr Siemers voulait voir l’amiral Bürckner était en dehors du sujet. Je ne crois pas que le Tribunal ait donné des règles sur ce point.

LE PRÉSIDENT

Le point de vue du Tribunal est que l’avocat doit entrer en rapport avec ces témoins auparavant pour voir s’ils peuvent donner des preuves pertinentes ou non. On ne peut prouver que le témoignage est pertinent avant de savoir de quoi parlera le témoin.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Nous n’élevons aucune objection, en ce qui nous concerne. Le Dr Siemers est libre de prendre toutes ses dispositions pour voir l’amiral Bürckner aussitôt qu’il le voudra.

Dr SIEMERS

Je suis très reconnaissant au Tribunal de cette mise au point. Ceci a compliqué extraordinairement le travail de la Défense. J’attends depuis plus d’un mois de pouvoir parler à Bürckner. C’est pour la même raison que, depuis quatre semaines, je ne puis arriver à parler à l’amiral Wagner ; j’aurais voulu parler encore à d’autres personnes qui se trouvent dans la prison du Palais de Justice. Tous ces entretiens m’ont été refusés parce que le Tribunal n’avait pas admis ces personnes comme témoins. Je crois que la question est maintenant claire.

LE PRÉSIDENT

Continuez, Docteur Siemers.

Dr SIEMERS

Il me reste toujours la possibilité, après avoir parlé à ce témoin, de renoncer à le présenter, surtout depuis que je sais maintenant que Schulte-Moenting pourra être appelé à la barre, si Boehm est accepté.

LE PRÉSIDENT

Si quel témoin est accepté ?

Dr SIEMERS

Boehm, le témoin n° 10.

LE PRÉSIDENT

Oui. C’était la seule objection élevée par Sir David au sujet du témoin n° 11, n’est-ce pas, que sa déposition faisait double emploi avec celles des témoins 5 et 10 ?

Dr SIEMERS

Le n° 12, capitaine Schreiber. Sir David indique à juste titre que j’avais envisagé de renoncer éventuellement à ce témoin. Je reste sur cette déclaration. En effet, si les témoins Schulte-Moenting et Boehm viennent, le témoignage de Schreiber n’est pas nécessaire.

Le n° 13, le témoin Lackorn de Leipzig. Le témoin Lackorn, avant l’occupation de la Norvège, se trouvait pour affaires à Oslo. Il n’a rien à voir avec les questions militaires. C’est tout à fait par hasard qu’il entendit parler à l’hôtel Bristol à Oslo d’un débarquement imminent de troupes anglaises. Ce point est important, car on ne peut pas juger de la position de l’accusé dans les opérations de Norvège, sans considérer la question norvégienne dans son ensemble. La question norvégienne dans son ensemble, c’est-à-dire les rapports de la Norvège avec l’Allemagne, l’Angleterre, la Suède et tous les autres pays limitrophes. Dans une question aussi décisive, on ne peut pas n’en considérer qu’une petite partie. Je suis d’accord cependant pour que le témoin ne soit pas entendu ici. C’est pourquoi en attendant la décision du Ministère Public, j’ai écrit au témoin pour en obtenir un affidavit. Je me contenterai donc de déposer un affidavit. Il n’aura pas besoin d’être accepté comme témoin.

LE PRÉSIDENT

Sir David, vous n’aviez pas parlé d’un affidavit à ce sujet ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je crains que le Ministère Public n’estime que cette histoire, qui vient vraisemblablement du bar d’un hôtel d’Oslo, ne puisse pas être une preuve admissible et recevable et ne soit d’aucun poids dans une affaire de ce genre. Telle a toujours été notre conception.

LE PRÉSIDENT

Docteur Siemers, il ressort de la requête que nous avons devant nous qu’à l’origine vous aviez fait pour ce témoin, le 19 janvier 1946, une demande qui semble avoir été formulée en termes tout à fait généraux ; c’est pourquoi le Tribunal vous avait ordonné, le 14 février, de fournir des détails supplémentaires sur les preuves que vous attendiez de ce témoin. Sur ce, vous avez retiré votre demande le 21 février.

Or, vous avez réitéré cette demande sans donner aucun détail, déclarant simplement que le témoin avait été à Oslo pour affaires et qu’il avait eu là-bas des renseignements sur un débarquement prochain des Alliés en Norvège. A vrai dire c’est une déclaration tout à fait générale, tout aussi générale que la demande originale. Vous n’avez pas l’air de vous conformer aux demandes du Tribunal.

Dr SIEMERS

Le 21 février, j’ai retiré ma demande, en considération de mon point de vue fondamental que j’ai d’ailleurs présenté au Tribunal. J’ai fait remarquer qu’à mon avis on ne pouvait pas demander à la Défense de donner des détails circonstanciés alors que, pendant trois mois, nous n’avons pas pu avoir le moindre renseignement sur les témoins du Ministère Public et que nous n’avions pas la possibilité de prendre position sur la valeur de ces témoignages.

LE PRÉSIDENT

J’ai déjà montré plusieurs fois que, si les avocats de la Défense doivent faire des requêtes pour leurs témoins, c’est qu’ils ne peuvent atteindre leurs témoins eux-mêmes, et qu’ils doivent recourir au Tribunal pour que celui-ci fasse venir leurs témoins et leur procure leurs documents. Or, c’est un travail considérable que de trouver les témoins et de les amener à Nuremberg.

Je crois comprendre qu’en ce qui concerne ce témoin, vous essayez maintenant d’obtenir de lui un affidavit.

Dr SIEMERS

Oui, en tous cas je l’ai essayé. Il reste à voir si je pourrai recevoir, en temps voulu, la réponse de Leipzig qui se trouve en zone russe. Entre temps, pour faciliter les choses et pour éviter un retard, j’ai écrit au témoin Lackorn.

LE PRÉSIDENT

Bien.

Dr SIEMERS

J’espère avoir à temps l’affidavit. C’est pourquoi je suis prêt à renoncer à le faire témoigner ici même.

LE PRÉSIDENT

Quand vous aurez l’affidavit, vous pourrez indiquer au Tribunal quel genre de preuves peut donner votre témoin, et le montrer au Ministère Public qui pourra alors dire s’il désire que le témoin vienne ici pour être contre-interrogé.

Dr SIEMERS

Certainement.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal va prendre cette demande en considération.

Dr SIEMERS

Le témoin n° 15 est un Norvégien nommé Alf Whist, qui était alors ministre du Commerce. Par décision du 14 février 1946, son témoignage fut refusé par le Tribunal comme non recevable.

Whist peut attester que la Marine allemande a joui d’une excellente réputation en Norvège pendant toute l’occupation et que les griefs exprimés par les Norvégiens concernaient uniquement l’administration et non la Marine allemande.

Enfin Whist sait, comme tous les autres Norvégiens, que jamais la Marine allemande n’a participé en Norvège à des mesures illégales ou criminelles pendant l’occupation.

En considérant ce témoignage comme irrecevable, je pense que Sir David estime que la Marine ne s’est rendue coupable d’aucun crime pendant l’occupation de la Norvège. Évidemment, cette question doit être nettement distinguée de celle que je traiterai plus tard, à savoir la question de l’occupation et de l’attaque contre la Norvège. Je ne parle, à l’heure actuelle, que de la période pendant laquelle la Norvège fut effectivement occupée.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Voici la position du Ministère Public : Quels que soient les faits, en admettant même que la Marine allemande se soit conduite d’une façon parfaitement correcte à tous les points de vue, l’opinion de M. Alf Whist, ancien ministre du Commerce du Gouvernement Quisling, sur le comportement de la Marine, ne présente aucun intérêt et n’est d’aucun poids dans cette affaire. Tel est le point de vue du Ministère Public.

Dr SIEMERS

J’avais espéré que Sir David prendrait position sur la question de savoir si des griefs ont été relevés contre la Marine. Sir David parle des Allemands en général. J’attire votre attention sur le fait que l’administration générale en Norvège était une administration civile et que la Marine n’avait rien à voir avec cette administration qui dépendait de Terboven ; si je ne demande qu’un témoin là où j’aurais pu en nommer cent, je le fais uniquement pour donner au Tribunal une image de la façon dont se sont comportés l’amiral Boehm, la Marine et Raeder.

LE PRESIDENT

Le Tribunal prendra cette question en considération.

Dr SIEMERS

Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT

Vous avez ensuite le témoin n° 17, l’interprète.

Dr SIEMERS

En ce qui concerne le lieutenant-colonel Goldenberg, Sir David estime que son témoignage est superflu ; si le Generaladmiral Schultze est accepté comme témoin, il me suffira d’avoir un affidavit de Goldenberg. Un bref affidavit me paraît important, étant donné que Goldenberg a assisté, en tant qu’interprète et comme tel, neutre, à tous les entretiens de Darlan et de Raeder. Un affidavit est suffisant pour ce cas.

LE PRÉSIDENT

Je crois que vous pouvez passer maintenant aux documents. Je voudrais attirer votre attention sur une observation présentée à la fin de votre requête, d’après laquelle vous avez l’intention de convoquer encore un ou plusieurs témoins. De qui s’agit-il ?

Dr SIEMERS

Le Tribunal a déclaré que l’on devait donner des indications détaillées sur les témoins, longtemps avant de les présenter, uniquement pour la raison que c’est le Tribunal qui doit se charger de les faire venir. Quand il s’agit d’un témoin qui viendrait de lui-même à Nuremberg, je serais très obligé au Tribunal, pour les besoins de ma cause, de vouloir bien décider s’il accepte ou non d’entendre ce témoin.

LE PRÉSIDENT

Docteur Siemers, j’ai donné l’une des principales raisons pour lesquelles les avocats de la Défense doivent présenter des requêtes ; il y a une autre raison capitale, c’est que ce Procès doit se faire le plus rapidement possible ; rapidité et sécurité sont de rigueur. La question de sécurité est importante ; aussi devons-nous insister pour savoir quels sont les témoins que vous voulez appeler. Sinon, vous ne pourrez pas les faire venir.

Dr SIEMERS

Y suis-je également obligé quand le témoin se trouve déjà dans le bâtiment du Palais de Justice ?

LE PRÉSIDENT

Certainement, car, comme je vous l’ai dit, il y a 20 ou 21 accusés sur le banc des accusés et nous devons faire ce Procès le plus rapidement possible. Nous ne pouvons donc pas leur permettre d’appeler autant de témoins qu’ils veulent. Même, si vous ne pouvez pas donner le nom des témoins parce que vous ne vous en souvenez pas pour l’instant, vous pourrez certainement le faire un peu plus tard, ou demain.

Dr SIEMERS

Je donnerai prochainement des indications à ce sujet. Je ne voudrais pas donner le nom de ce témoin avant de lui en avoir parlé.

LE PRÉSIDENT

Docteur Siemers, le Tribunal ne voit aucune objection à ce que vous fassiez une demande pour d’autres témoins, pourvu que nous ayons cette demande pour demain.

Dr SIEMERS

Oui, je sais que le témoin en question n’est pas pour l’instant à Nuremberg, je ne peux donc pas lui parler maintenant. Je prie le Tribunal de bien vouloir excuser ma prudence. Le Tribunal sait sans doute que des témoins ont été arrêtés. Je ne peux me rendre responsable de l’arrestation de quelqu’un en le citant comme témoin. C’est la raison de mon silence, mais je donnerai des indications dès que le témoin sera à Nuremberg et que je pourrai lui parler, c’est-à-dire d’ici 24 heures. Il s’agit d’un témoignage qui demanderait dix minutes au plus ; je ne pense pas imposer ainsi une trop lourde charge au Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SIEMERS

Je voudrais ajouter encore que je suis à même de donner l’adresse du témoin Severing. Je l’ai reçue hier par télégramme. Severing est le témoin n° 3 ; le Ministère Public est d’accord pour qu’il soit entendu. Je donnerai l’adresse par écrit à M. le Secrétaire général. Il se trouve à Bielefeld et pourra être atteint sans difficultés.

LE PRÉSIDENT

Oui, donnez-la au Secrétaire général, c’est tout ce que vous avez à faire ; et, maintenant, il serait sans doute temps de suspendre l’audience.

M. DODD

Votre Honneur, voici quel est le cas de l’amiral Bürckner. A notre connaissance, le Dr Siemers a fait une demande pour l’amiral Bürckner il y a quelque temps. On lui a déclaré alors, si j’ai bien compris, que l’amiral Bürckner devait être appelé comme témoin à charge ou que le Ministère Public avait l’intention de le convoquer. Nous n’avons donc pas cru convenable de le laisser parler à l’amiral Bürckner avant que nous n’ayons convoqué celui-ci comme témoin.

Presque jusqu’à la fin de notre exposé, nous avons gardé l’intention de faire venir l’amiral Brückner. Je crois même qu’on y a fait allusion devant le Tribunal à propos du témoin Lahousen. C’est pour cette raison que nous avons dit au Dr Siemers que nous n’estimions pas qu’il dût parler au témoin avant qu’il eût témoigné ou que le Tribunal eût pris une décision au sujet de son témoignage. Nous nous sommes toujours efforcés de coopérer avec la Défense et de permettre aux avocats d’entrer en rapport avec les personnes incarcérées ici.

LE PRÉSIDENT

L’audience est suspendue pour 10 minutes.

(L’audience est suspendue.)
Dr SIEMERS

Puis-je ajouter quelques mots au sujet des témoins ? En ce qui concerne le témoin n° 1, le Marinedekan Ronneberger, je suis d’accord sur l’affidavit proposé par Sir David. Pour le témoin Bürckner, je voudrais mentionner que la déclaration de M. Dodd est basée sur une erreur. Il ne m’a été interdit de parler au témoin que parce qu’il n’avait pas encore été accepté comme tel par le Tribunal. On ne m’a donné aucune autre raison.

LE PRESIDENT

Noua ne pensons pas qu’il soit nécessaire de discuter encore cette question. Je vous ai déjà dit que les membres du Tribunal prendront les dispositions nécessaires.

Dr SIEMERS

Je n’ai pas compris si M. Dodd est d’accord pour que je puisse voir maintenant le témoin Bürckner.

LE PRÉSIDENT

Je crois qu’il l’a dit. Il a déclaré que le Ministère Public, ayant terminé son exposé, n’a plus d’objection à ce que vous voyiez le témoin.

Dr SIEMERS

En dernière remarque, le Tribunal s’est rendu compte que je n’ai produit aucun témoin en ce qui concerne la conduite de la guerre navale et de la guerre sous-marine. La raison en est que le Dr Kranzbühler et moi avions convenu que le Dr Kranzbühler traiterait toute la question de la guerre navale et de la guerre sous-marine, bien qu’elle ne concerne pas seulement le Grand-Amiral Dönitz, mais aussi, et de façon essentielle, le Grand-Amiral Raeder en sa qualité de Commandant en chef de la Marine. Pour ces questions, le Dr Kranzbühler représentera le Grand-Amiral Raeder dans la mesure où celui-ci y est intéressé.

Je voudrais seulement insister sur le fait que la très importante requête du Dr Kranzbühler concernant les questions à adresser à l’amiral Nimitz n’intéresse pas seulement le Grand-Amiral Dönitz, mais tout particulièrement le Grand-Amiral Raeder et, au-dessus de lui, toute l’organisation de l’État-Major général, en ce qui concerne la Marine.

Puis-je maintenant passer aux documents ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

En ce qui concerne le document n°  l — journaux de guerre de la Seekriegsleitung (direction de la guerre navale) et du BDU (commandant de la flotte sous-marine) — l’assistant du Dr Kranzbühler ; le Dr Merkel, est allé à Londres pour les consulter à l’Amirauté.

Pour le document n° 2 — livre de bord de Weyer, et l’article de l’Annuaire de la Marine — il n’y a pas d’objection à ce que le Dr Siemers les reçoive. Nous avons indiqué comme à l’ordinaire les meilleurs passages à utiliser.

En ce qui concerne le rapport du 10 octobre 1945 du général Marshall, j’avoue que je n’en vois pas actuellement la raison, mais si le Dr Siemers veut bien indiquer quels sont les passages qu’il a l’intention d’utiliser, nous pourrons en discuter quand il les présentera au Tribunal.

Enfin, le n° 4, les documents de l’Amirauté britannique, de mai 1939 à avril 1940, qui sont demandés parce qu’ils exposent les préparatifs de débarquement en Scandinavie et en Finlande. Bien que seuls les faits connus de Raeder soient strictement pertinents, je me renseignerai au sujet de ces documents, et si le Tribunal m’accorde un bref délai, j’espère pouvoir lui faire bientôt un rapport à ce sujet.

Il faut que vous sachiez bien que je ne peux évidemment pas m’engager à donner des détails sur les documents alliés, mais j’espère pouvoir produire des documents susceptibles d’être utiles au Tribunal et m’en servir en toute indépendance. Mais je préférerais n’avoir pas à donner de détails pour le moment.

Dr SIEMERS

Je suis d’accord avec Sir David. J’espère obtenir sous peu les livres n° 2 et 3 afin d’éviter tout retard. Le rapport du général Marshall du 10 octobre 1945, pour autant que j’en puisse juger d’après les extraits que j’en ai vus, est important pour la raison suivante : le général Marshall prend, à propos de différents faits, une position diamétralement opposée à celle de M. Justice Jackson. Je pense qu’une confrontation de deux opinions aussi éminentes est assez importante pour que l’on puisse entendre ici le rapport des faits du général Marshall.

En ce qui concerne le n° 4, j’attends de connaître la position définitive du Ministère Public.

Je n’ai plus qu’une seule requête à exprimer en m’excusant d’avoir, par erreur, omis de mentionner le n° 5 dans mon livre de documents. Voici de quoi il s’agit : le Ministère Public a donné, à différentes reprises, des citations du livre d’Adolf Hitler, Mein Kampf, et il en a déduit que tous les accusés qui occupaient dès 1933 des postes influents auraient dû savoir, d’après ce livre, dès avant 1933, que Hitler préméditait des guerres d’agression. J’ai remarqué que les citations qui figurent au livre de documents présenté au mois de novembre se réfèrent toutes à une édition du livre, parue seulement en 1933. Or, sur beaucoup de points, l’édition de 1933 diffère essentiellement de l’édition originale. Malheureusement, je ne possède personnellement qu’une édition postérieure à 1933. Pour pouvoir examiner ces questions, c’est-à-dire se rendre compte de ce que quelqu’un pouvait lire dans ce livre en 1928, et non en 1933, je prie le Ministère Public d’essayer de se procurer un exemplaire du livre dans la première édition. Si mes souvenirs sont exacts, il a paru aux éditions Franz Eher, le premier volume a paru en 1925, le second en 1927.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Nous essaierons de trouver une édition antérieure, afin que le Dr Siemers puisse comparer les passages.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous parler de la page 2 du document ? Sir David, vous n’en n’avez pas encore parlé, n’est-ce pas ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je suppose que le Dr Siemers indiquera en temps utile quels sont les passages qu’il a l’intention d’utiliser ; lorsqu’il les présentera, nous pourrons voir si le Ministère Public a des objections à présenter.

LE PRÉSIDENT

Bien. Docteur Siemers, vous aviez l’intention d’indiquer, je crois, dans votre livre de documents, les passages sur lesquels vous voulez vous appuyer.

Dr SIEMERS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Nous avons déjà discuté le point mentionné à la page 3, à savoir la question du tonnage construit, etc., et je vous ai dit que je faisais une enquête à ce sujet.

LE PRÉSIDENT

On attire mon attention, Sir David, sur le paragraphe 4-B, à la page 2. Proposez-vous que le Tribunal lui fournisse les documents sur la politique allemande sans aucune réserve ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je m’excuse. C’est une omission. Je pensais que c’était sous-entendu dans la phrase qui se trouve en haut de la page : « Je soumettrai, de plus, des documents et des affidavits dont quelques-uns sont déjà entre mes mains ; je me procurerai moi-même les autres sans avoir recours au Ministère Public. » Je considérais que le Dr Siemers, possédant certains documents sur la politique allemande, indiquerait les passages qu’il veut utiliser. Je m’excuse de ne l’avoir pas mentionné.

LE PRÉSIDENT

Cette partie de la requête veut-elle dire qu’en ce qui concerne tous ces documents, le Dr Siemers les a déjà et qu’il ne désire pas que le Tribunal prenne d’autres mesures à ce sujet ?

Dr SIEMERS

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Je donne la parole au défenseur de l’accusé von Schirach.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Le Dr Sauter estime qu’il serait préférable que j’expose d’abord le point de vue du Ministère Public.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Puis-je faire remarquer au Tribunal que le Dr Sauter demande les témoins de 1 à 8, sauf le témoin 5, comme témoins oraux ? Il demande donc 7 témoins et les n° 5 5 et 9 à 13 pour témoigner par affidavits.

Le Ministère Public propose qu’en ce qui concerne les témoins oraux, l’accusé puisse avoir les n° l ou 2, c’est-à-dire Wieshofer ou Hoepken, car ces témoins semblent devoir traiter la même question, il pourrait avoir le n° 3, le témoin Lauterbacher, qui était chef d’État-Major de la Direction de la jeunesse (Reichs-Jugendführung), il pourrait avoir également le n° 8, le professeur Heinrich Hoffmann, c’est je crois son beau-père ; étant donné que neuf pages de la requête sont consacrées à l’exposition de son cas, il est évident que c’est un témoin très important.

Puis le Ministère Public propose des affidavits pour les témoins n° 5, Scharizer qui était le Gauleiter adjoint de Vienne ; n° 11, Madame Vasseau ; n° 12, M. Schneeberger et n° 13, le Feldmarschall von Blomberg.

Les témoins au sujet desquels le Ministère Public présente des objections sont d’abord : le n° 4, Madame Maria Hoepken. On ne donne aucun détail dans la requête, sinon qu’elle était secrétaire de von Schirach ; le n° 6, le témoin Heinz Schmidt, qui de toute évidence répétera mot pour mot une partie du témoignage de Lauterbacher ; le n° 7, le Dr Schluender, qui répéterait lui aussi mot pour mot le témoignage de Lauterbacher ; le n° 9, Dr Klingspor, qui donnerait son opinion personnelle sur l’accusé, ce qui, de l’avis du Ministère Public, n’est pas une preuve vraiment utile ; enfin, le n° 10, le Dr Roesen qui déposerait au sujet d’un acte de bonté isolé de l’accusé, en faveur de la famille du musicien Richard Strauss.

Voici la position du Ministère Public en ce qui concerne les témoins.

Dr FRITZ SAUTER (avocat de l’accusé von Schirach)

Messieurs les juges. J’ai, dans le cas de Baldur von Schirach, limité mes preuves dans la mesure du possible. J’ai proposé comme témoins à convoquer devant le Tribunal pour une déposition personnelle, les n° 1, 2, 3, 6, 7 et 8 et je dois vous prier instamment, Messieurs les juges, de m’accorder ces témoins.

La présentation des preuves dans le cas Schirach se complique du fait qu’il faut produire des preuves relatives à deux séries de questions, d’abord à l’activité de l’accusé von Schirach en tant que chef de la jeunesse allemande, puis, pour la période 1940-1945, à son activité à Vienne, à côté de laquelle il exerçait toujours, et cumulativement, certaines activités dans la Direction de la jeunesse. J’ai donc besoin de témoins pour l’une et l’autre des activités de l’accusé von Schirach.

Une seconde difficulté s’ajoute à la première : l’accusé von Schirach était chef de la jeunesse du Reich ; en conséquence, tous ses collaborateurs ou presque tous étaient des gens relativement jeunes, qui pendant la seconde guerre mondiale furent longtemps mobilisés. Il est donc très possible que pendant plusieurs années, les années de la guerre mondiale, un des témoins ne sache absolument rien, parce qu’il n’a pas travaillé, pendant cette période, à l’État-Major de l’accusé von Schirach, et que pour cette raison un autre collaborateur de von Schirach doive être appelé pour témoigner sur son activité.

Messieurs les juges, dans des requêtes écrites, présentées antérieurement, j’avais demandé des témoins supplémentaires mais, dans la requête que je présente maintenant, j’ai renoncé dès l’abord à ces témoins pour contribuer ainsi à l’accélération de la procédure, dans la mesure où cela m’est possible. Mais, Messieurs, ces six témoins dont j’ai demandé la comparution à la barre, je vous prie de me les accorder, car je ne puis renoncer à aucun d’entre eux, si je veux tracer une image quelque peu claire de l’activité de von Schirach. Je voudrais aussi vous faire remarquer que ces six témoins que j’ai présentés sous les numéros indiqués pour qu’ils soient cités, m’ont déjà été accordés par le Tribunal et qu’ainsi le consentement qu’il accordera maintenant ne fait que répéter la décision antérieure.

Le témoin Wieshofer, Messieurs, qui est inscrit sous le n° 1, a été, de 1940 à 1945 — c’est-à-dire la période au cours de laquelle von Schirach a exercé son activité à Vienne en tant que Gauleiter de Vienne et Reichsstatthalter — l’aide de camp de l’accusé von Schirach.

Ce collaborateur s’est trouvé tous les jours aux côtés de l’accusé von Schirach et le connaît très bien. Je l’ai cité, bien qu’il pût naturellement témoigner sur bien d’autres points, pour qu’il atteste spécialement que von Schirach, en tant que Gauleiter de Vienne, mena une politique entièrement différente de celle de son prédécesseur, l’ancien Gauleiter Buerkel ; contrairement à ce dernier, il s’est efforcé d’avoir des rapports corrects avec l’Église catholique, et il influença et forma les collaborateurs dans ce sens avec un plein succès. Je dis avec succès, car les efforts de l’accusé von Schirach pour améliorer les relations avec l’Église catholique ont été reconnus à plusieurs reprises par l’Église elle-même, ainsi que par la population catholique de Vienne.

Le témoin Wieshofer doit attester également que l’accusé von Schirach n’a absolument rien à voir dans la déportation des Juifs de Vienne et que la question des Juifs était plutôt...

LE PRESIDENT

Est-ce que les n° 1 et 2, Wieshofer et Hoepken, ne traitent pas en substance des mêmes questions ? Ne serait-il pas suffisant d’en faire venir un comme témoin tandis que l’autre ferait son attestation sous forme de questionnaire ?

Dr SAUTER

Je ne crois pas, Monsieur le Président, car le témoin Hoepken, cité sous le n° 2, n’était, dès 1938, qu’un collaborateur de l’accusé von Schirach, à la Direction de la jeunesse du Reich ; il doit, notamment, renseigner sur l’activité de l’accusé von Schirach en tant que chef de la jeunesse du Reich, en particulier sur ses efforts pour établir des relations de compréhension et d’amitié avec la jeunesse d’autres pays, par exemple celles d’Angleterre et de France et je crois, Messieurs les juges, qu’on pourrait reconnaître la retenue dont l’accusé a fait preuve dans la citation de ses témoins, en lui accordant, non pas un témoin au choix, mais les deux. J’ai transmis au Tribunal l’adresse de ces deux témoins qui se trouvent dans un camp et je crois, Messieurs, qu’il est absolument indispensable d’avoir ces deux témoins pour établir les faits.

LE PRÉSIDENT

Je ne vois toujours pas en quoi consiste la différence essentielle entre ces deux témoins.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, je viens d’indiquer que le témoin n° 2, Hoepken, avait une situation importante à la Direction de la jeunesse du Reich et que, par conséquent, ce témoin n° 2, Hoepken, est susceptible de renseigner sur l’activité de l’accusé von Schirach, en tant que chef de la jeunesse du Reich.

LE PRÉSIDENT

Mais, Docteur Sauter, vous avez déclaré que Wieshofer, le témoin n° 1, était aide de camp de von Schirach en sa qualité de Reichsleiter à l’Éducation de la jeunesse, de sorte qu’il était en contact étroit avec l’accusé pour les questions concernant l’éducation de la jeunesse, au même titre que Hoepken.

Dr SAUTER

Oui, mais Hoepken s’occupait officiellement de l’éducation de la jeunesse, tandis que l’activité du témoin Wieshofer se limitait à ses fonctions d’aide de camp de l’accusé von Schirach, principalement en sa qualité de Gauleiter de Vienne. C’est là la différence essentielle : les témoins qui peuvent donner des renseignements sur l’activité de l’accusé à Vienne sont d’abord le témoin Wieshofer et, dans une plus petite mesure, Hoepken. Mais j’ai absolument besoin de Hoepken, comme je l’ai dit, pour éclairer l’activité de von Schirach à la Direction de la jeunesse du Reich.

Monsieur le Président, puis-je encore faire remarquer que pour l’accusé von Schirach l’enjeu est énorme et, pour le Tribunal, ce n’est vraiment pas une grande différence, dans une question si importante pour von Schirach de convoquer un ou deux témoins ?

Messieurs les juges, j’aurais pu proposer sur ce point quatre témoins, dans l’espoir que vous m’en accordiez deux. Mais, étant donné que, au nom de l’accusé von Schirach, je n’ai proposé que deux témoins, je trouverais injuste que, sur ces deux témoins, vous en refusiez un.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal examinera vos arguments.

Dr SAUTER

Messieurs les juges, j’ai cité, en troisième lieu, le témoin Hartmann Lauterbacher. Si j’ai bien compris, le Ministère Public est d’accord, je puis donc être très bref.

Le témoin Lauterbacher, ancien chef d’état-major à la Direction de la jeunesse du Reich, peut attester, en particulier, que l’accusé von Schirach n’a jamais, par des moyens psychologiques et pédagogiques, préparé la jeunesse allemande à la guerre, certainement pas à des guerres d’agression. Il peut attester, en outre, que les assertions d’un rapport polonais produit par le Ministère Public soviétique au cours d’une audience de février, le 9 février 1946 je crois, sont absolument fausses. D’après ce rapport, la Jeunesse hitlérienne aurait envoyé en Pologne des agents parachutés pour en faire des espions. Tout cela est faux et le témoin Lauterbacher réfutera ces assertions...

LE PRÉSIDENT

Docteur Sauter, Sir David a déclaré qu’il ne faisait aucune objection à l’assignation du témoin n° 3, mais il a élevé des objections contre les témoins 6 et 7 dont vous avez demandé la comparution personnelle, parce qu’à son avis ils répéteraient le témoignage de Lauterbacher — n° 5 6 et 7, ce sont Schmidt et Schluender.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, ici se présente encore la difficulté que j’indiquais tout à l’heure.

D’après le rapport du Gouvernement polonais qui a été lu par le Ministère Public soviétique à l’audience du 9 février 1946, on ne peut voir à quel moment se seraient exercées ces activités d’espionnage de la Jeunesse hitlérienne.

Il peut donc arriver que, si je n’ai qu’un témoin, on prétende que ces faits se soient passés à un autre moment où le témoin cité était mobilisé et c’est pourquoi, afin d’éclairer entièrement cette affaire, je demande que le témoin n° 6, le témoin Schmidt, soit entendu ici.

LE PRÉSIDENT

D’après vos déclarations, il semble bien qu’en ce qui concerne Schluender, sa collaboration avec l’accusé s’étende de 1933 à 1945 et, par conséquent, s’il est cité ou s’il donne un affidavit ou un questionnaire, avec Lauterbacher dont le témoignage ne s’étend que de 1933 à 1940, toute la période serait couverte et vous pourriez supprimer Schmidt.

Dr SAUTER

Si j’ai bien compris, Monsieur le Président, vous voulez dire un questionnaire pour Lauterbacher.

LE PRESIDENT

Non, Sir David était disposé à faire venir Lauterbacher comme témoin.

Dr SAUTER

Lauterbacher serait appelé comme témoin et Schmidt recevrait un questionnaire.

LE PRÉSIDENT

Il a déclaré que les témoignages de Schmidt et de Schluender étaient cumulatifs. Puis, vous avez dit que les deux témoins ne traitaient pas de la même période, si j’ai bien compris, et que cela pourrait soulever une difficulté. Mais je vous faisais remarquer que le n° 7 peut témoigner sur toute la période, c’est-à-dire de 1933 à 1945, dépassant la période traitée par Lauterbacher ; par conséquent, si l’on citait Schluender, son témoignage couvrirait toute la période et, si l’on faisait venir Lauterbacher et Schluender en supprimant Schmidt...

Dr SAUTER

Vous voulez dire un questionnaire à remplir pour Schmidt ? Je suis tout à fait d’accord.

LE PRÉSIDENT

Les déclarations que vous faites au sujet de Schmidt et de Schluender sont pratiquement identiques.

Dr SAUTER

Oui, mais elles se réfèrent à des époques différentes, car chacun s’est trouvé mobilisé ; si l’un d’eux vient témoigner, il ne peut évidemment rien dire pour la période pendant laquelle il faisait son service militaire. Il ne pourra pas indiquer si, pendant son service militaire, on a utilisé des agents.

LE PRÉSIDENT

Je ne sais rien sur ce point. Mais vous avez déclaré qu’ils avaient été collaborateurs de l’accusé de 1938 à 1945, dans le premier cas, et de 1933 à 1945 dans l’autre cas ; si c’est exact, ils ne peuvent pas avoir été dans l’armée et y avoir exercé une activité quelconque.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je serais disposé à accepter la proposition que vient d’exprimer Votre Honneur ; toute la période serait ainsi couverte. Si Lauterbacher et Schluender étaient tous les deux appelés, il ne serait plus nécessaire de faire venir Schmidt.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, je dois insister sur le fait que j’ai besoin, en tous cas, de Schluender, qui a d’ailleurs été arrêté il y a quelques semaines parce qu’il était spécialiste d’éducation physique à la Direction de la jeunesse du Reich et que je veux prouver, grâce à son témoignage, que l’éducation de la jeunesse, telle que l’a dirigée l’accusé von Schirach, n’avait rien d’extraordinaire et n’était pas spécialement militarisée ; l’accusé von Schirach, au cours des phases précédentes du Procès, a toujours, dans ses interrogatoires...

LE PRÉSIDENT

Il me semble que, sur les points essentiels, vous êtes d’accord avec Sir David pour que soient cités les témoins n° 1 et 3 et peut-être le n° 7, mais je ne sais pas si Sir David accepte qu’on accorde un affidavit ou un questionnaire au n° 6.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je n’y vois aucune objection, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

C’est, en substance, ce que vous vouliez, Docteur Sauter.

Dr SAUTER

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Nous pouvons continuer maintenant.

Dr SAUTER

Messieurs les juges, j’ai encore annoncé, sous le n° 4, un affidavit du témoin Maria Hoepken. Je soumettrai cet affidavit, que j’ai déjà entre les mains, au Tribunal et au Ministère Public, en temps voulu, avec mon livre de documents.

J’ai encore, permettez-moi de les mentionner maintenant, le n° 9, Dr Klingspor, et le n° 10, Dr Roesen. Comme pour le précédent, le Tribunal et le Ministère Public recevront les affidavits en même temps que mon livre de documents.

En ce qui concerne le témoin n° 8, Hoffmann, le Ministère Public consent à le faire appeler comme témoin étant donné qu’il se trouve à Nuremberg. Je n’ai donc pas à donner d’autres explications.

Il en est de même pour les témoins n° 12 et 13. L’un, un certain Gauobmann Schneeberger, de Vienne, doit nous renseigner sur la situation de l’accusé dans la question des travailleurs étrangers pendant la période où il exerçait les fonctions de Gauleiter de Vienne. Le n° 13, le Feldmarschall von Blomberg, doit nous renseigner sur la situation de l’accusé von Schirach dans la question de l’instruction prémilitaire de la jeunesse, sur la question de son entraînement physique, sur celle de son éducation patriotique, toutes choses qui dépendaient de lui. Le Ministère Public est d’accord pour que ces témoins soient questionnés par voie d’interrogatoire, ce que j’avais déjà moi-même suggéré.

Et maintenant, Messieurs les juges, j’en viens au chiffre de ma liste qui nous tient le plus à cœur, à mon client et à moi. C’est le n° 11, concernant une enquête sur une Française portant le nom d’Ida Vasseau. Nous avons entendu parler de ce témoin pour la première fois lorsque le Ministère Public soviétique présenta le rapport d’une Commission qui avait enquêté sur « les atrocités des envahisseurs germano-fascistes dans le secteur de Lemberg » (titre du document URSS n° 6).

Ce document contient une phrase indiquant qu’une Française, Ida Vasseau, qui travaillait dans une maison pour enfants à Lemberg, aurait rapporté que la Jeunesse hitlérienne avait perpétré de particulières atrocités à Lemberg. Elle aurait soutenu que de jeunes enfants du ghetto auraient été vendus, mais il n’est cependant pas révélé par qui et à qui ces enfants l’auraient été. Et, cependant, ce serait naturellement la Jeunesse hitlérienne qui se serait servie de ces enfants comme cibles.

Messieurs, nous sommes parfaitement conscients que de tels événements constitueraient un acte d’atrocité des plus ignobles et je peux vous dire qu’au cours de ces trois derniers mois il n’y a pas d’allégation du Ministère Public qui ait plus bouleversé l’accusé von Schirach que cette assertion. L’accusé von Schirach a toujours, même au cours des tout premiers interrogatoires, maintenu que, placé à la tête de la jeunesse allemande, il assumait la pleine responsabilité de son éducation et de son instruction et qu’il est prêt et consentant, bien qu’accusé, à expliquer au Tribunal quels principes l’ont guidé, quels étaient ses buts et les résultats qu’il a obtenus. Il n’a, par exemple, jamais nié que cette instruction fût basée sur le patriotisme.

LE PRESIDENT

Docteur Sauter, vous ne faites en ce moment que de requérir des témoins, n’est-ce pas ? Vous pouvez constater que vous réussissez dans votre demande d’affidavit.

Dr SAUTER

Je n’ai pas compris, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Je vous faisais remarquer que c’est seulement une requête pour des témoins et dans votre demande vous dites : « Cependant, en considération du grand éloignement du témoin de Nuremberg, j’accepte qu’un affidavit soit décidé. »

Dr SAUTER

Oui.

LE PRÉSIDENT

Sir David accepte qu’un affidavit soit décidé. Vous êtes donc d’accord et je ne vois pas pourquoi nous nous occuperions plus longtemps de cette proposition.

Dr SAUTER

Cependant, Monsieur le Président, j’ai ajouté quelque chose d’autre à ma requête. J’ai écrit que la comparution de ce témoin, en personne, devant le Tribunal, présenterait l’avantage de pouvoir le questionner. Son témoignage, en effet, est important si l’on veut juger la Jeunesse hitlérienne en tant qu’organisation. J’ai donc ajouté...

LE PRÉSIDENT

Votre demande spécifie bien que vous vous réservez ce droit. Vous pouvez préparer l’affidavit, l’envoyer ensuite au témoin et, alors, vous verrez si vous avez besoin du témoin pour un contre-interrogatoire. Sir David lui aussi accepte cette procédure.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, si mon client attache tant d’importance à une telle question, c’est pour les raisons suivantes : la HJ, c’est-à-dire la Jeunesse hitlérienne, dont il assurait la direction, comprend environ huit millions de membres. Elle était, de ce fait, plus étendue que...

LE PRÉSIDENT

Mais, Docteur Sauter, le Tribunal comprend parfaitement pourquoi l’intéressé porte tant d’intérêt à la question. Cependant, il lui semble que l’on serait pleinement satisfait de l’établissement d’un affidavit qui serait envoyé au témoin. Vous verriez ensuite s’il est nécessaire de faire comparaître le témoin, dont l’adresse actuelle est d’ailleurs inconnue.

Dr SAUTER

Monsieur le Président, mon client faisait remarquer le fait qu’il ne s’est produit, parmi les huit millions de membres d’une organisation de jeunesse, que ce cas, dont jamais au monde il n’entendit d’ailleurs parler à la Direction de la jeunesse allemande.

De toutes façons, pour des raisons d’opportunité, j’accepte qu’un affidavit soit établi, mais précisément dans ce cas il me faut me réserver le droit de faire appeler le témoin si l’affidavit n’était pas suffisant.

LE PRÉSIDENT

Nous en avons terminé avec la question des témoins et il vaut mieux lever l’audience.

(L’audience est suspendue jusqu’à 14 heures.)