SOIXANTE-DIX-SEPTIÈME JOURNÉE.
Vendredi 8 mars 1946.
Audience du matin.
Le Tribunal vient de prendre trois décisions :
1° Pour éviter toute traduction inutile, les avocats indiqueront au Ministère Public, pour chaque document, les passages qu’ils ont l’intention d’utiliser, afin que celui-ci puisse avoir la possibilité de faire opposition à la citation des passages qui ne lui sembleraient pas pertinents. En cas de désaccord entre le Ministère Public et la Défense, quant à la recevabilité de tel ou tel passage, c’est le Tribunal qui décidera. Ainsi, il ne sera nécessaire de traduire que les passages cités, à moins que le Ministère Public ne demande une traduction intégrale du document.
2° Le Tribunal a été saisi d’une requête du Dr Nelte, défenseur de l’accusé Keitel, demandant si un accusé peut, à titre d’aide-mémoire, utiliser des notes prises au cours de sa déposition. Le Tribunal accède à cette requête sous réserve de décision contraire dans certains cas particuliers.
3° Dans certains cas, un accusé a reçu l’autorisation de poser des questions ou de recevoir un affidavit de témoins qui devront déposer pour un autre accusé. Si le témoin dépose avant que soit entendu l’exposé au cours duquel cet affidavit ou ce questionnaire doit être présenté, l’avocat doit alors procéder à un interrogatoire oral au lieu d’utiliser le questionnaire écrit ou l’affidavit.
C’est tout ce que j’avais à dire.
L’avocat de l’accusé Göring a la parole.
Monsieur le Président, vous avez fait remarquer à l’audience de l’après-midi d’hier que la demande de preuve n° 2 que j’avais proposée en supplément n’avait pas encore été discutée oralement. C’est bien exact. Malheureusement, je n’assistais pas à cette audience. Il s’agit là d’un supplément à mes demandes de preuves. En ce qui concerne les témoins Westhoff et Wielen, il m’a déjà été accordé de les faire citer, au cours de l’audience publique. J’ai de nouveau demandé leur comparution afin de compléter la présentation de mes preuves.
En supplément, je n’ai mentionné que le secrétaire d’État Stuckart, témoin dont la comparution m’avait déjà été accordée par une décision antérieure du Tribunal. Je crois donc qu’il n’est pas nécessaire de discuter l’opportunité de cette demande supplémentaire et que le Ministère Public ne fera pas d’objection.
Oui, Docteur Nelte. Il vous a déjà été accordé de citer les témoins Westhoff et Wielen ; il n’est donc pas nécessaire de réitérer cette demande.
M’est-il accordé également de citer le secrétaire d’État Stuckart ?
Je crains qu’il ne soit difficile de retenir tous ces noms, mais je crois que l’audition du témoin Stuckart vous a été accordée.
Oui.
En effet, on vient de me le confirmer.
Monsieur le Président, on a parlé, au cours de l’audience d’hier après-midi, des requêtes que j’avais présentées par écrit et que je dois maintenant présenter à nouveau de vive voix. Je suppose qu’il s’agit du mémorandum que j’ai transmis avec ma liste de documents et de témoins. C’était un assez long exposé où je vous demandais l’autorisation de citer des extraits d’œuvres philosophiques et d’ouvrages de théologie qui avaient, à l’époque où Rosenberg était ministre, une importance d’actualité. Je prie Monsieur le Président de bien vouloir me dire s’il s’agit de cette requête.
Je répète : Monsieur le Président m’a dit hier que je devais réitérer oralement ma demande écrite, et je désirerais savoir s’il s’agit de la requête que j’ai transmise au Tribunal avec ma liste de documents et de témoins ?
Docteur Thoma, tout sera réglé par les décisions écrites que rendra le Tribunal à propos de votre requête. Il n’est vraiment pas facile de trancher maintenant ces questions de vive voix, mais tout ce qui figure dans votre requête fera l’objet d’une décision écrite du Tribunal, sous réserve de la décision générale que j’ai fait connaître ce matin et qui doit éviter toute traduction inutile.
Monsieur le Président, Messieurs les juges. Avant de présenter mon exposé, je prie le Tribunal de me permettre de faire deux demandes supplémentaires de preuves. Je sais que ces requêtes doivent être formulées par écrit, mais comme il y en a plusieurs, je prie le Tribunal de décider si je peux les présenter maintenant ou si je dois le faire par écrit.
Vous pouvez maintenant présenter votre requête de vive voix, mais nous voudrions bien que vous le fassiez par écrit aussitôt que possible.
Je cite d’abord le commandant Blitz, qui est actuellement interné à Nuremberg et qui témoignera des faits suivants : au cours de l’été 1944, le Reichsmarschall Göring s’est opposé à plusieurs reprises aux mesures prises par Hitler contre les aviateurs terroristes. Ce témoin sait, en outre, qu’aucun ordre ne fut donné ni par la Luftwaffe, ni par la Wehrmacht, en application des directives données par le Führer à ce sujet. Il peut enfin témoigner des faits suivants : en mai 1944, à Munich, un officier de la Luftwaffe protégea un aviateur qui avait sauté en parachute, contre la foule qui voulait le lyncher ; Hitler, qui avait eu connaissance de cet incident, demanda à Göring de lui donner le nom de cet officier et de le punir. Malgré les demandes réitérées de Hitler, Göring, bien que connaissant le nom de cet officier, refusa de le donner et l’a ainsi protégé.
Telle est la requête concernant le commandant Bütz.
Une autre requête supplémentaire a trait aux faits suivants : lors de l’audience du 14 février 1946, le Ministère Public soviétique a déclaré qu’une formation militaire allemande, le bataillon de pionniers Stab. 537, avait procédé à des exécutions massives de prisonniers polonais dans la forêt de Katyn ; les chefs responsables de cette formation auraient été le lieutenant-colonel Ahrens, le lieutenant Rex, le sous-lieutenant Hott.
A l’appui de cette affirmation, le Ministère Public a présenté le document URSS-64, qui est un rapport officiel de la Commission extraordinaire chargée d’enquêter sur la fameuse affaire de Katyn. Je n’ai pas encore reçu ce document. A la suite de la parution dans la presse de cet exposé du Ministère Public, les membres de l’État-Major du groupe d’armées du Centre, dont dépendait directement le Stab. 537 et qui s’en trouvaient à 4 ou 5 kilomètres, se sont fait connaître. Ils ont déclaré que les faits relatés par le Ministère Public étaient faux.
Les personnes suivantes sont proposées comme témoins à ce sujet : le colonel Ahrens, commandant à l’époque le Stab. 537, qui devint chef de l’armement et commandant dans l’Armée de réserve, le lieutenant Rex, probablement fait prisonnier à Stalingrad, le sous-lieutenant Hott, probablement tombé aux mains des Russes près de Kœnigsberg, Eugène Oberhauser, général du service des transmissions, probablement prisonnier des Américains, enfin le lieutenant Graf Berg, officier d’ordonnance du Feldmarschall Kluge, prisonnier de guerre des Anglais au Canada. D’autres membres de la formation incriminée doivent m’être indiqués ultérieurement. Je cite ces témoins afin de prouver que la conclusion tirée par le Ministère Public dans la déclaration susmentionnée au sujet de la complicité de Göring, n’est pas compatible avec l’Acte d’accusation.
J’ai reçu ce matin une autre communication, portant sur le même sujet, qui me permet de présenter la requête suivante : le professeur Naville, professeur de médecine légale à l’université de Genève, qui a fait partie à l’époque d’une commission internationale chargée de procéder à l’examen des cadavres à Smolensk a établi, d’après l’état de conservation de ces cadavres et d’après les notes et autres pièces à conviction trouvées dans les poches des vêtements, que l’exécution remontait à 1940. Voilà ce que j’entends démontrer.
Vous voudrez bien présenter ces requêtes par écrit, le Tribunal les examinera.
J’en viens maintenant...
Un instant, je vous prie, Docteur Stahmer. Vous voudrez bien communiquer une requête écrite au Ministère Public, qui pourra alors produire une déclaration écrite s’il a des objections à présenter ; veuillez donc nous la faire parvenir le plus tôt possible ; nous devons avoir votre requête écrite et la réponse du Ministère Public.
Le Tribunal a ordonné, dans sa décision du 11 décembre 1945, que les avocats ne seraient entendus qu’une seule fois et cela seulement après l’exposé des preuves. Le Tribunal a, par la suite, décidé qu’ils auraient l’autorisation, au cours de cette phase des débats, de faire des remarques complémentaires sur la présentation des documents. J’ai déjà désigné des témoins. On a décidé de les faire comparaître et, avec l’accord du Tribunal, je vais en citer un sous peu.
Mais, auparavant, je voudrais commenter brièvement les documents auxquels je me référerai dans mes conclusions.
Le Ministère Public a accusé à maintes reprises le prévenu d’avoir violé le Traité de Versailles : cette accusation n’est pas justifiée. A notre avis, les avocats devront examiner cette question à fond dans leur plaidoirie finale. Dans la phase actuelle des débats, nous ne ferons que présenter des documents destinés à prouver non seulement qu’il n’y a pas eu de violation du Traité de Versailles par l’Allemagne, mais que celle-ci n’était plus liée par lui.
Je suppose que les quatorze points du président Wilson, qui sont la base de ce Traité, sont connus de tous et qu’il n’y a pas lieu, sur ce point, de s’étendre davantage, conformément à l’article 21 du Statut. Le texte du Traité de Versailles a déjà été communiqué au Tribunal : il a été publié dans le Reichsgesetzblatt de 1919, page 687. L’article 8 et la partie V de ce Traité sont importants pour son interprétation. Je cite les quatre premiers paragraphes de l’article 8 qui ont un intérêt en la matière.
« Les membres de la SDN reconnaissent que le maintien de la paix exige la réduction des armements au minimum compatible avec la sécurité nationale et avec l’exécution des obligations internationales découlant d’une action commune.
« Le Conseil, en tenant compte de la situation géographique et des conditions particulières de chaque État, préparera des projets de réduction qui seront soumis à l’examen et à la décision des divers Gouvernements. Ces projets feront l’objet d’un nouvel examen et, s’il y a lieu, d’une révision tous les dix ans au moins.
Après leur adoption par les divers Gouvernements, le niveau des armements ainsi fixé ne pourra être dépassé sans le consentement du Conseil. »
Partie V, je cite le premier paragraphe :
« Pour rendre possible une limitation générale des armements de toutes les nations, l’Allemagne s’engage à observer strictement les clauses militaires, navales et aériennes suivantes : »
Il en résulte que non seulement l’Allemagne devait désarmer, mais que les signataires du pacte s’y engageaient également. L’Allemagne s’était cependant engagée à désarmer la première, et elle a rempli entièrement cet engagement. Le 17 février 1927, le maréchal Foch déclarait : « Je puis vous assurer que l’Allemagne a effectivement désarmé ». Par conséquent, les signataires du pacte devaient tenir leur engagement à ce sujet. Comme ils ne l’ont pas fait, l’Allemagne, d’après les principes généraux du Droit, n’était plus liée par ce pacte et c’est à bon droit qu’elle s’en est dégagée.
Cette interprétation est conforme au point de vue exprimé par des hommes d’État français aussi bien que par des hommes d’État anglais. C’est pourquoi je voudrais me reporter au discours prononcé par Paul-Boncour, le 8 avril 1927, et au cours duquel il déclarait (livre de documents I, page 28) :
« Il est exact que l’introduction à la partie V du Traité de Versailles considère la limitation des armements qui fut imposée à l’Allemagne, comme un premier pas vers la limitation générale des armements. Voilà qui fait ressortir très clairement la différence qui existe entre cette limitation imposée à l’Allemagne et les autres limitations d’armement qui ont souvent suivi la conclusion des guerres, Cette fois, cette disposition — et c’est là qu’est toute sa valeur — n’a pas été seulement imposée à l’un seulement des signataires du Traité, mais c’est un devoir, une obligation morale et légale pour les autres signataires de réduire aussi leurs armements. »
De plus, je voudrais me référer au discours prononcé par David Lloyd George, le 7 novembre 1927, et dans lequel il parle du mémorandum sur la note du 16 juin 1919, en ces termes (livre de documents n° I, page 26) :
« ... document que nous avons transmis à l’Allemagne comme une promesse solennelle de la Grande-Bretagne, de la France, de l’Italie, de la Belgique et de vingt autres nations, de suivre son exemple lorsqu’elle aura désarmé. »
Le peuple allemand n’était pas le seul à considérer le Traité de Versailles comme une cruelle injustice. De nombreuses voix se sont élevées, même des pays étrangers, pour dénoncer l’injustice qu’il constituait pour l’Allemagne. Je cite les phrases suivantes de Rothermere dans Avertissements et prophéties (livre de documents I, page 30) :
« L’Allemagne avait raison de considérer Versailles comme une duperie. Sous le prétexte que... »
J’attire seulement l’attention du Tribunal sur le fait que les documents qui nous sont lus maintenant ont été déclarés irrecevables par le Tribunal quand la question de leur admission fut posée. Ils se rapportent à des faits de notoriété publique qui n’ont pas besoin d’être déposés, même s’ils ne doivent pas servir de moyens de preuves, mais je crois que leur exposé, au cours de ce Procès, constitue une violation des décisions du Tribunal.
Docteur Stahmer, le Tribunal se doutait que ces documents n’avaient pas été admis et a fait demander le procès-verbal original. Je dois maintenant préciser que le Tribunal attend des avocats qu’ils se conforment à ses décisions et n’essayent pas de lire à l’audience des textes qui n’ont pas été acceptés.
Puis-je continuer ?
Certainement.
« Sous le prétexte d’entreprendre un premier pas vers le désarmement mondial, l’Allemagne a été désarmée de force. En réalité, la Grande-Bretagne aussi avait été dupée, qui continua à désarmer pendant quinze ans. Mais la France, depuis la signature des différents traités de paix, a encouragé un certain nombre de petits pays à réarmer vigoureusement. Le résultat en fut que l’Allemagne, cinq ans après Versailles, était encerclée par un anneau de fer, plus étroitement qu’elle ne l’était cinq ans avant la guerre mondiale. Dans ces conditions, il était inévitable qu’un régime allemand, qui avait dénoncé le Traité de Versailles, réarmât à outrance à la première occasion. Il était évident que ses armes devaient être dirigées, sur le terrain diplomatique, d’abord contre les puissances signataires de Versailles. »
Pour les mêmes raisons, la Défense considère que c’est injustement que l’on reproche à l’accusé d’avoir violé le Pacte de Locarno. L’Allemagne s’est dégagée de ce Pacte et pouvait le faire à bon droit, car la France et la Russie avaient signé un traité d’assistance militaire, bien que le Pacte de Locarno ait garanti la frontière orientale française. Aux yeux de l’Allemagne, la France avait ainsi violé l’esprit du Pacte de Locarno.
Le 19 mars 1936, l’ancien plénipotentiaire von Ribbentrop a déclaré devant la Société des Nations (livre de documents I, page 32) :
« Mais il est évident que si une puissance mondiale comme la France... »
Docteur Stahmer, j’ai maintenant devant moi la décision du Tribunal du 26 février 1946, dont le paragraphe 4 est ainsi rédigé :
« Les documents suivants sont déclarés irrecevables », puis le titre : « Göring » ; le quatrième de ces documents est le discours de Paul-Boncour du 8 avril 1927 et le sixième est le discours de Lloyd George du 7 novembre 1927, que vous n’avez pas lu mais qui figure dans votre exposé. Je désire attirer de nouveau votre attention et l’attention de tous les avocats sur le fait qu’ils ne seront pas autorisés à citer les documents qui auront été rejetés par le Tribunal. Continuez.
Voici cette citation :
« Mais il est évident que si une grande puissance comme la France peut, en vertu de sa souveraineté, décider des alliances militaires d’une telle envergure sans s’embarrasser des traités existants, une autre grande puissance comme l’Allemagne doit alors avoir le droit d’assurer la protection de son territoire en rétablissant à l’intérieur de ses propres frontières les droits naturels de souveraineté qui sont reconnus à tous les peuples. »
Avant d’examiner en détail la question des guerres d’agression, je voudrais, avec la permission du Tribunal, citer comme premier témoin le général de la Luftwaffe, Karl Bodenschatz.
Oui, certainement.
(Le témoin s’approche de la barre.)
Quel est votre nom ?
Karl Bodenschatz.
Voulez-vous répéter ce serment après moi :
« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ».
(Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir si vous le désirez.
Général Bodenschatz, depuis quand connaissez-vous le Reichsmarschall Göring ?
Je connais le Reichsmarschall Göring depuis le mois de juin 1918.
Quelle était sa qualité à l’époque ?
Il commandait l’escadrille de chasse Richthofen ; j’étais alors officier d’ordonnance du capitaine baron von Richthofen qui venait d’être tué en combat aérien.
Êtes-vous entré dans la Reichswehr après la première guerre mondiale ?
Je suis entré en tant qu’officier de carrière dans la Reichswehr après la première guerre mondiale et j’y suis resté de l’année 1919 jusqu’en avril 1933.
Quand avez-vous repris vos relations avec Göring après la fin de la guerre mondiale ?
Je me trouvai avec Hermann Göring à Aschaffenburg, en novembre 1918, à la dissolution de l’escadrille Richthofen au printemps 1919, à Berlin, pendant plusieurs semaines. Nos routes ont alors divergé ; je l’ai rencontré à nouveau à son premier mariage en 1919 ou en 1920, je ne m’en souviens plus très bien ; jusqu’en 1929, nous sommes restés sans nous voir. Je le rencontrai plusieurs fois ici à Nuremberg, entre 1929 et 1933 ; j’étais alors commandant de compagnie au 21e régiment d’infanterie. Nos rencontres n’avaient d’autre but que d’entretenir une vieille camaraderie.
En 1933 vous êtes entré dans la Luftwaffe ?
En 1933, j’allai trouver Hermann Göring à Berlin : il était alors Commissaire du Reich à l’Aviation et je devins son aide de camp.
Combien de temps êtes-vous resté son aide de camp ?
Jusqu’en 1938 ; après quoi je devins chef d’un service ministériel.
Quelles étaient vos fonctions pendant la guerre ?
Pendant la guerre, je fus officier de liaison entre le Commandant en chef de la Luftwaffe et le Quartier Général du Führer.
Aviez-vous votre point d’attache au Quartier Général du Führer ou non ?
Je me trouvais tantôt au Quartier Général du Führer, tantôt à l’État-Major de l’Armée de l’air.
Quand avez-vous quitté ce poste ?
J’ai quitté ce poste le 20 juillet 1944, date à laquelle j’ai été grièvement blessé.
A quelle occasion avez-vous été blessé ?
Au cours de l’attentat contre Hitler.
Vous étiez présent ?
Oui.
Quelles fonctions remplissiez-vous au Quartier Général du Führer ?
Je devais faire des rapports sur les événements extraordinaires et j’avais à transmettre les demandes et les désirs du maréchal Göring en son absence. Je devais également transmettre à Hermann Göring toutes les demandes émanant du Quartier Général du Führer : je devais l’informer, sans passer par la voie officielle, de tout ce qui s’y passait, dans la mesure où cela concernait ses fonctions de Reichsmarschall.
Assistiez-vous régulièrement aux conférences ?
Oui, en tant qu’auditeur.
A partir de quel moment le Reichsmarschall a-t-il perdu son influence sur Hitler ?
A mon avis, Hermann Göring commença à perdre son influence au printemps 1943.
Quelles en furent les raisons ?
C’est à cette époque que se produisirent les premières grandes attaques nocturnes de la RAF sur les villes allemandes. Il s’ensuivit entre Adolf Hitler et Hermann Göring des divergences de vue qui s’aggravèrent par la suite. Malgré tous ses efforts, le Reichsmarschall ne put recouvrer le crédit qu’il avait auprès du Führer ; la perte de cet ascendant s’est manifestée de la façon suivante :
1° Le Führer critique de plus en plus Göring.
2° Les longues conversations qui avaient lieu entre Hitler et Göring s’écourtent, se raréfient et finissent par cesser complètement.
3° Le Reichsmarschall n’est plus invité à participer à des entretiens importants.
Et, enfin, au cours des derniers mois et des dernières semaines de la guerre, la tension entre Adolf Hitler et Hermann Göring prend une telle ampleur que ce dernier finit par être arrêté.
Savez-vous quelque chose au sujet de cette arrestation ? Pourquoi a-t-il été arrêté ?
Je ne le sais pas exactement ; je ne puis que vous répéter des on-dit. J’étais alors à Bad-Reichenhall, à l’hôpital militaire. J’ai simplement entendu dire que le Reichsmarschall avait envoyé un télégramme à Hitler lui disant que puisqu’il avait perdu sa liberté d’action, lui, Göring, pourrait agir à sa place. Après la réponse qui fut câblée de Berlin, Göring a été arrêté. Je voudrais souligner que ce sont là de simples bruits et que je ne possède aucune preuve pour appuyer les déclarations que je viens de faire.
Qui effectua l’arrestation ?
Je ne puis rien affirmer car je n’en sais rien ; mais j’ai entendu dire que l’opération fut exécutée par un commando SS à l’Obersalzberg.
Le Feldmarschall Göring avait-il été préalablement mis au courant des manifestations anti-juives de la nuit du 9 au 10 novembre 1938 ?
Non. C’est l’attitude qu’il adopta en ma présence, lorsqu’il en fut informé, qui m’en a convaincu : il fut consterné et condamna expressément ces événements. Quelques jours après, muni de documents, il se rendit auprès du Führer et protesta contre les auteurs de ces manifestations. Le capitaine Wiedemann, aide de camp du Führer, peut fournir sur ce sujet plus de détails.
Quelques semaines après, Hermann Göring convoqua les Gauleiter à Berlin pour leur expliquer son point de vue sur les événements du 9 au 10 novembre. Il déclara qu’il était violemment opposé à ces excès isolés, qu’ils étaient injustes et de nature à troubler la vie économique, tout en portant un grave préjudice au prestige allemand à l’étranger. L’ancien Gauleiter, le Dr Uiberreither, qui prit part à cette réunion, a déjà donné de plus nombreux détails sous la foi du serment.
Avez-vous assisté à un entretien qui s’est déroulé au début d’août 1939 à Soenke-Nissen-Koog près de Husum ?
J’ai participé moi-même à cet entretien.
Qui y assistait ?
Autant que je puisse m’en souvenir, étaient présents : Hermann Göring, Dahlerus de Stockholm, six ou huit hommes d’affaires anglais, dont je ne me rappelle pas les noms, moi-même, et, comme interprète, le Dr Böcker, Ministerialrat.
Pouvez-vous nous dire quel était l’objet de cette entrevue ?
Je ne me souviens pas exactement des paroles qui y furent prononcées, mais en substance Hermann Göring déclara ce qui suit :
Le témoin a-t-il précisé le lieu où cette conférence s’est déroulée ?
Parfaitement.
Voulez-vous nous le dire ?
Voulez-vous répéter et nous dire le lieu de cette conférence ?
A Soenke-Nissen-Koog, près de Husum, dans le Schleswig-Holstein.
Voulez-vous continuer. Vous alliez justement exposer île contenu de cet entretien.
Je répète : Hermann Göring a déclaré en substance : « Les relations politiques entre l’Angleterre et l’Allemagne sont actuellement très tendues et cette tension ne doit s’aggraver sous aucun prétexte, sinon la paix en serait compromise. La vie économique de nos deux pays ne peut prospérer et, par conséquent, le bien-être ne peut être maintenu qu’en période de paix, L’Allemagne et l’Europe ont le plus grand intérêt au maintien de l’Empire britannique. » De plus, Hermann Göring a déclaré avec vigueur qu’il ferait tout son possible pour maintenir la paix. Il a prié les Anglais d’utiliser leur influence à leur retour, auprès des milieux dirigeants, pour concourir au même but.
Le Reichsmarschall Göring vous a-t-il exposé ses idées sur la politique extérieure du Reich ? Quand et à quelle occasion ?
Hermann Göring a souvent abordé ces sujets avec moi, en 1938 et 1939, surtout au cours de la période qui a suivi les accords de Munich. Nos entretiens se déroulaient à l’issue de ses conférences ou dans son train spécial. Hermann Göring a toujours été de l’avis que la meilleure politique à suivre par le Reich était celle qui était la plus propre à éviter la guerre. Il a exprimé cette idée de façon particulièrement nette lors d’une entrevue avec les Gauleiter à Karinhall, au cours de l’été 1938. Le Dr Uiberreither, que j’ai cité tout à l’heure, a déjà donné, sous la foi du serment, de nombreux détails à ce sujet.
Avant son départ pour Munich, en septembre 1938, le Reichsmarschall Göring s’est-il entretenu avec vous ?
Avant de partir pour Munich, il m’a dit qu’il ferait l’impossible pour trouver une solution pacifique :
« La guerre ne peut avoir lieu » a-t-il dit. Il a employé dans ce sens toute l’influence qu’il avait sur le Führer et, pendant les conférences à Munich, il a contribué de façon décisive au maintien de la paix. Lorsqu’il sortit de la salle de conférence, à Munich, après la réunion, il nous dit spontanément : « C’est la paix. »
Vous a-t-il dit souvent pourquoi il était hostile à la guerre et à quelle occasion vous l’a-t-il dit ?
Avant son départ pour Munich, il me répéta souvent : « Pendant la première guerre mondiale, j’ai toujours été au front, comme officier d’infanterie et d’aviation. Je connais les horreurs d’une guerre, c’est pourquoi je m’efforcerai, autant que je le pourrai, d’en préserver le peuple allemand. Mon ambition est de résoudre les conflits de façon pacifique ». D’une façon générale, son opinion pouvait se traduire de la façon suivante :
« Une guerre est toujours une chose incertaine et risquée, même quand on la gagne, les avantages obtenus ne sont pas en rapport avec les sacrifices consentis. Dans les circonstances actuelles, si vous perdez la guerre, vous perdez tout. Notre génération a déjà connu les horreurs d’une grande guerre mondiale et ses amères conséquences. Cette même génération ne pourrait en supporter une seconde. »
Je dois ajouter que le caractère et le comportement de Hermann Göring le poussaient à rejeter la guerre. Rien ne lui était plus étranger que l’idée de la guerre.
Le maréchal Göring vous a-t-il dit à quels buts visait l’Allemagne en poursuivant son réarmement ? Quand et à quelle occasion ?
Hermann Göring m’en a parlé en 1935, après que fut proclamée la liberté des armements. Il considérait le réarmement de l’Allemagne, après les vains efforts déployés pour arriver à un désarmement général, comme une tentative pour mettre les armements allemands à la hauteur de ceux des autres pays, afin de pouvoir participer à la politique mondiale sur un pied d’égalité
De tels entretiens eurent-ils lieu également après 1935 ?
Oui. De temps à autre, nous sommes revenus sur ce sujet et il a toujours exprimé la même opinion,
Le Reichsmarschall vous a-t-il mis au courant des buts du Plan de quatre ans ?
J’ai eu l’occasion d’en parler avec Hermann Göring, en 1936, après la publication du Plan de quatre ans. Il m’a déclare qu’il voyait dans ce plan un moyen de procurer à l’Allemagne les matières premières qu’elle ne pouvait pas importer en temps de paix, faute de devises ou dont on pouvait éventuellement lui couper l’importation.
Quand et à quelle occasion Göring vous a-t-il exposé ses opinions sur la campagne de Russie ?
A la fin de 1941. Après les premiers échecs subis dans la campagne de Russie, Hermann Göring m’a parlé des combats à l’Est : « Adolf Hitler », m’a-t-il dit, « avait bien prévu des opérations difficiles mais il n’avait pas compté sur de tels revers. Avant cette campagne, j’ai essayé en vain de faire renoncer Hitler à son projet d’attaquer la Russie ; je lui ai rappelé que lui-même dans son livre Mein Kampf avait repoussé l’idée d’une guerre sur deux fronts. De plus, je lui ai montré que le gros de la Luftwaffe serait engagé à l’Est et que l’Angleterre, dont l’industrie aérienne avait été sévèrement endommagée, pourrait respirer à nouveau et reprendre des forces. »
Peut-être est-il opportun de suspendre l’audience pendant 10 minutes.
Le Tribunal a remarqué que le témoin emploie des notes au cours de sa déposition. La décision que j’ai prise ce matin ne concernait que les accusés et non les témoins ; néanmoins, le Tribunal consentira à étendre le bénéfice de cette règle à ces derniers, mais la déposition ne doit pas être lue. Ces notes ne doivent être que des aide-mémoire. Continuez, Docteur Stahmer.
Savez-vous si certaines personnes se sont adressées au Reichsmarschall pour lui demander de libérer des membres de leur famille internes dans des camps de concentration ou de les aider dans leurs démêlés avec la Gestapo ?
C’est le chef du bureau de l’État-Major qui est compétent pour répondre à cette question. Pour ma part, je ne connais l’existence de telles requêtes que par ouï-dire.
N’avez-vous pas eu à examiner de telles demandes dans le domaine militaire ?
Dans le domaine militaire, je n’ai examiné que les demandes qui concernaient l’Aviation ; mais ce n’étaient là que des requêtes concernant des arrestations de citoyens allemands qui se plaignaient de ne pas connaître la raison de leur arrestation. C’étaient aussi des rapports sur des arrestations de Juifs ou sur des violences commises à cette occasion, mais ces requêtes ne m’étaient adressées que par les milieux de l’Aviation ou par certaines de mes relations.
Quel était le sort de telles requêtes ?
Il en advenait toujours ce qui suit : la plupart des demandes, qui provenaient de la population civile, étaient présentées au Reichsmarschall par l’intermédiaire du bureau de l’État-Major. Les demandes qui provenaient de l’Aviation étaient de ma compétence ; quant à celles présentées par des amis ou connaissances du Reichsmarschall, celui-ci s’en occupait lui-même. Le Reichsmarschall n’a jamais refusé son appui. Dans certains cas individuels, il a demandé personnellement au Führer de prendre une décision. Dans tous les cas qui m’ont été soumis, il fut possible d’intervenir.
De nombreux Juifs ne se sont-ils pas adressés à Göring pour lui demander d’intervenir en leur faveur ?
Il y a eu aussi des Juifs et surtout des demi-Juifs qui se sont adressés au Reichsmarschall Göring.
Quel fut le sort de ces requêtes ?
Le Reichsmarschall n’a pas refusé son appui et donnait des instructions en faveur des réclamants toutes les fois que cela lui était possible.
Quelles étaient, du point de vue social, les idées de Göring ?
Ses conceptions sociales étaient les suivantes : par ses pensées, ses sentiments et ses actions, il fut le bienfaiteur de tous les nécessiteux. Il était toujours prêt à porter secours à ceux qui étaient dans la misère, aux malades, aux blessés, aux parents de disparus et de prisonniers de guerre ; l’aide à la classe ouvrière lui tenait particulièrement à cœur Je voudrais en donner un exemple : la création de la caisse de secours pour les mineurs. Chaque mineur, après 25 ans de travail assidu, recevait une prime de plus de 20.000 Mark. C’est là une de ses réalisations les plus importantes dans le domaine social.
Connaissiez-vous les conditions de vie dans les camps de concentration ?
Non, je n’en ai jamais eu connaissance.
Au Quartier Général, lors des conférences du Führer ou à d’autres occasions, a-t-on parlé des camps de concentration ?
Je n’ai jamais entendu le Führer en parler à son Quartier Général, Il n’en a jamais dit un mot en notre présence
Y a-t-on parlé de l’extermination des Juifs ?
Non. Il n’a pas parlé de l’extermination des Juifs, pas avec moi en tout cas.
Même dans les discussions sur la situation militaire ?
Non, je ne me souviens pas qu’on ait abordé la question de l’extermination des Juifs en ma présence.
D’autres personnes en ont-elles parlé ?
Non.
Himmler ?
Göring n’en a pas non plus parlé avec Himmler ; j’ai seulement entendu dire, au cours de ma captivité, que certaines personnes ont posé la question à Himmler. Il aurait alors répondu : « Ce n’est pas exact, ce que vous entendez dire est faux ». Moi-même, je n’ai pas parlé de ces questions avec Himmler.
Saviez-vous combien il y avait de camps de concentration ?
Chacun savait qu’il y avait des camps de concentration, mais j’ignorais qu’il y en eût tant. Les noms de Mauthausen, de Buchenwald, n’ont été portés à ma connaissance qu’après la guerre, par ce que j’ai lu dans les journaux Je ne connaissais que le nom de Dachau et par hasard puisque je suis né en Bavière.
N’avez-vous rien appris sur ces atrocités ?
Non, je n’en ai jamais entendu parler. Je l’ai appris pour la première fois l’année dernière au milieu de mars 1945, lorsque j’ai rendu visite au Reichsmarschall avant de partir en permission de convalescence. Le Reichsmarschall me dit alors, à midi, au cours du déjeuner, que de nombreux Juifs avaient été mis à mort et que cela nous coûterait cher. Ce fut la première fois que j’entendis parler de ces crimes
Je n’ai pas d’autres questions à poser. Le témoin est à la disposition des représentants de la Défense et du Ministère Public.
Un avocat a-t-il des questions à poser à ce témoin ?
Je n’ai que quelques questions à poser.
Témoin, en votre qualité d’officier de liaison du chef de l’Aviation auprès de l’État-Major du Führer, vous avez participé aux discussions sur la situation militaire ; étiez- vous présent lorsque les chefs de l’Armée faisaient leurs rapports à Hitler ?
Non, je ne participais pas à ces discussions ; j’ai cependant assisté à deux conversations qui eurent lieu dans une pièce attenante. Une fois, il s’agissait d’une conférence avec le Feldmarschall von Kleist, et la deuxième fois, ce fut lorsque le Commandant en chef de l’armée de Crimée fut convoqué au Quartier Général pour faire un rapport après l’évacuation de la Crimée Comme je l’ai dit, je n’ai pas assisté à ces discussions, mais le ton élevé des voix m’a fait supposer qu’il y avait entre Hitler et son interlocuteur des divergences d’opinion. Je ne peux pas en dire davantage.
En avez-vous entendu suffisamment pour suivre le cours de la discussion ?
Non je n’ai pas pu suivre le cours de la discussion et je ne peux pas donner de détails sur son contenu,
Dans ce cas, je n’ai pas d’autres questions à poser.
Un autre avocat a-t-il des questions à poser ? Le Ministère Public ?
Plaise au Tribunal. Vous êtes actuellement prisonnier de guerre des État-Unis ?
Pardon, je vous prie de répéter la question, je ne l’ai pas entendue
Vous êtes en ce moment prisonnier de guerre des États-Unis ?
Oui, je suis actuellement prisonnier de guerre des États-Unis.
Vous avez été interrogé à plusieurs reprises par des représentants américains ?
Oui J’ai été interrogé à maintes reprises par des représentants américains.
Vous avez eu également bon nombre d’entretiens avec le Dr Stahmer ; qui vient de vous interroger ?
Oui, j’ai eu plusieurs conversations avec le Dr Stahmer qui vient de me poser des questions
Ces questions vous avaient été adressées il y a quelque temps, et vous avez préparé les réponses par écrit ?
Ces questions m’ont été posées antérieurement et j’ai préparé les réponses.
Nous en arrivons à la question des camps de concentration et du rôle qu’a joué votre service dans l’élargissement des internés. Si j’ai bien compris, beaucoup de demandes d’élargissement sont parvenues dans les bureaux de Göring ?
J’ai dit tout à l’heure que les demandes d’élargissement des camps de concentration n’étaient pas adressées à mon service, mais aux services de l’État-Major. Je ne recevais que les demandes d’assistance venant de personnes qui avaient été arrêtées et de Juifs en instance d’arrestation.
Les demandes qui vous parvenaient étaient-elles nombreuses ?
Ma compétence ne s’étendait qu’à l’Aviation. Il y avait à peu près dix à vingt demandes par jour.
Ces demandes émanaient-elles de personnes menacées d’internement, de personnes internées, ou des deux ?
En partie, de personnes menacées d’arrestation et, en partie, de personnes déjà arrêtées.
Si je comprends bien, vous avez donné suite à toutes ces requêtes ?
Suivant les instructions du Reichsmarschall, je suis venu en aide chaque fois que l’on s’est adressé à moi.
Connaissez-vous d’autres demandes parvenues à l’État-Major concernant des personnes emprisonnées auxquelles aucune suite n’a été donnée ?
Je ne sais rien là-dessus. J’ai seulement entendu dire par le Dr Gritzbach, chef du bureau d’État-Major, que les demandes qu’il recevait étaient examinées dans un esprit d’humanité
Êtes-vous intervenu en faveur d’innocents ou de gens qui avaient des crimes à se reprocher ?
Les personnes auxquelles je suis venu en aide étaient innocentes.
Vous saviez donc que des personnes innocentes étaient internées dans les camps de concentration ?
Elles n’étaient pas internées, mais devaient y être envoyées.
Il me semblait que vous aviez dit avoir aidé des personnes déjà arrêtées.
Oui, mais ces personnes n’avaient pas été envoyées dans un camp de concentration. En voici un exemple pratique. Un de mes camarades de l’escadrille « Richthofen », un israélite répondant au nom de Luther, fut arrêté par la Gestapo Il s’agissait d’une simple arrestation et non d’une mise en camp de concentration. Son avocat me le fit savoir. J’en ai fait part au Reichsmarschall qui m’a ordonné de faire libérer cet homme de la prison de Hambourg où il se trouvait. Il n’était donc pas encore dans un camp de concentration. Ce fait s’est passé en 1943.
De quoi était-il accusé quand il a été arrêté ?
Il a été arrêté parce qu’il était Juif et on l’avait accusé d’attentat aux mœurs, car il avait été surpris dans un hôtel avec une aryenne.
Avez-vous fait une enquête pour savoir si cette accusation était vraie ?
Il ne m’a pas été nécessaire de prendre des renseignements puisque j’ai obtenu son élargissement sans difficulté. Il a été relâché sur mon coup de téléphone et, depuis lors, bénéficia de la protection de Hermann Göring.
Qui avez-vous appelé au téléphone pour le faire relâcher ?
On a téléphoné au chef de la Gestapo de Hambourg dont j’ignore le nom. Je ne l’ai pas fait personnellement, mais j’en ai chargé un de mes collaborateurs, le Ministerialrat Dr Boettger.
Ainsi, la Gestapo relâchait des personnes à la demande des services de Hermann Göring ?
Non, pas des services de Hermann Göring, mais le Reichsmarschall donnait des instructions dans ce sens et elles étaient exécutées.
Vous avez pourtant dit que c’est votre collaborateur qui avait téléphoné. Göring appelait-il aussi personnellement la Gestapo ?
En l’occurrence, il ne l’a pas fait lui-même.
En d’autres termes, même si cet homme avait été coupable, du moment qu’il appartenait à la Luftwaffe, les instructions du Reichsmarschall suffisaient à le faire relâcher ?
Cet homme ne faisait pas partie de la Luftwaffe. Il était civil. Il avait été autrefois un de nos camarades de l’escadrille Richthofen, mais pendant la guerre il ne faisait plus partie de l’Armée.
Mais vous aviez l’ordre de relâcher toutes les personnes qui étaient juives ou qui faisaient partie de la Luftwaffe. C’étaient bien là les instructions de Göring ?
Le Reichsmarschall m’a toujours dit que lorsqu’un cas de ce genre se présentait, je devais agir humainement ; c’est ce que j’ai fait dans tous les cas.
Avez-vous eu connaissance de cas où des Juifs ont été arrêtés sans qu’on puisse leur reprocher quoi que ce soit ?
Dans un cas, celui des deux familles Ballin, de Munich. Il s’agissait de deux couples âgés de plus de 70 ans et qui devaient être arrêtés. On m’en a informé et j’en ai fait part au Reichsmarschall qui m’ordonna de les faire passer à l’étranger.
Il s’agissait des deux familles Ballin, qui, en 1923, lorsque Hermann Göring avait été grièvement blessé à la Feldherrnhalle, l’avaient reçu dans leur propre maison et l’avaient soigné. Ces deux familles devaient être arrêtées.
Pour quelle raison devaient-elles être arrêtées ?
Parce qu’on avait donné l’ordre général d’arrêter tous les Juifs et de les rassembler dans des camps.
Et vous connaissiez cet ordre ?
Non. Je ne connaissais pas cet ordre. Ce n’est que par ces exemples que j’ai appris l’existence d’une telle mesure. Je n’ai jamais lu l’ordre lui-même et je n’en ai jamais entendu parler, car cette affaire ne me concernait pas.
Avez-vous su que les Juifs devaient être internés dans des camps de concentration uniquement parce qu’ils étaient Juifs ?
Je ne parle pas ici des camps de concentration, mais des camps de rassemblement où ces gens devaient être envoyés.
Et où devaient-ils aller ensuite ?
Je ne sais pas.
Et où se trouvait ce camp spécial dont vous venez de parler ?
Je ne le sais pas non plus. Je ne sais pas où ils devaient être emmenés ; on m’a dit simplement qu’ils devaient être emmenés.
Ni vous, ni Göring ne soupçonniez que s’ils étaient emmenés dans des camps de concentration, il leur arriverait malheur ?
Je ne savais rien sur ce qui se passait dans les camps de concentration.
Vous n’aviez pas entendu parler des camps de concentration, et votre but en épargnant à ces gens d’y aller était de les soustraire aux mauvais traitements ?
Je dois encore répéter que j’ai libéré ces gens immédiatement après leur première arrestation par la Gestapo Ils n’étaient pas encore dans des camps de concentration.
Pourquoi la Gestapo les arrêtait-elle si ce n’était pour les mettre dans des camps de concentration ?
Le but poursuivi par la Gestapo, dans ces arrestations, m’est inconnu.
Vous êtes cependant intervenu pour les arracher à la Gestapo, sans même savoir si la Gestapo avait des raisons pour les arrêter ?
Lorsque la Gestapo arrêtait quelqu’un, c’était sans doute qu’elle avait une raison de le faire.
Mais vous n’avez pas fait d’enquête ?
J’ai déjà dit qu’il était de notoriété publique que ces gens devaient être envoyés dans des camps de rassemblement, non dans des camps de concentration. Beaucoup d’Allemands savaient que ces gens devaient être envoyés dans des camps de travail où ils devaient être employés.
De travail forcé ?
Comment ?
De travail forcé ?
Il s’agissait de travaux normaux. Je sais par exemple qu’à Lodz, ces gens travaillaient dans l’industrie textile.
Et où étaient-ils hébergés pendant qu’ils faisaient ce travail ?
Cela je ne peux pas le dire, je ne le sais pas.
N’étaient-ils pas logés dans des camps ?
Tout cela, je ne peux pas le dire, parce que je ne le sais pas.
Vous n’en savez rien ?
Je n’en ai aucune idée.
Quelle est la différence entre un camp de travail et un camp de concentration, puisque vous en faites une ?
Un camp de travail est un camp dans lequel les gens sont hébergés sans qu’ils soient en aucune façon maltraités.
Et les camps de concentration sont des camps où ils sont maltraités ? Est-ce là votre déclaration ?
Oui, je puis répondre maintenant affirmativement, car je l’ai appris entre temps par la presse au cours de ma captivité. A l’époque, je ne le savais pas encore. Je l’ai su par les journaux. J’ai été en captivité en Angleterre pendant un certain temps, c’est là que je l’ai lu.
Vous avez parlé des camps de rassemblement. Beaucoup de gens, dites-vous, savaient qu’ils étaient emmenés dans les camps, déportés. Savez-vous où on les emmenait après ?
Je ne le sais pas.
Ne vous en êtes-vous jamais inquiété ?
Non, je n’ai pas entrepris de recherches à ce sujet.
Vous étiez l’adjoint du deuxième personnage d’Allemagne, n’est-ce pas ?
Oui.
Et vous n’avez jamais osé lui demander de détails sur les camps de concentration ?
Non, je ne me suis pas entretenu avec lui sur cette question.
Les seules instructions que vous aviez étaient de faire sortir tous les gens que vous pouviez faire sortir ?
Chaque fois qu’une demande ou une plainte m’était présentée je m’en suis occupé et j’ai porté secours.
Vous saviez bien que Hermann Göring était un proche collaborateur de Himmler, n’est-ce pas ?
Je ne savais pas qu’il était collaborateur de Himmler, car il ne travaillait jamais directement avec lui. Himmler venait souvent conférer avec Hermann Göring, et ces entretiens se déroulaient sans témoins.
Et vous saviez qu’il était non seulement un ami de Kaltenbrunner, mais qu’il avait aidé celui-ci à obtenir la place qu’il occupait ?
Non, cela, je l’ignore. Je ne sais pas si le Reichsmarschall a recommandé Kaltenbrunner pour qu’il obtienne son poste Je ne m’occupais que des questions militaires. J’étais adjoint militaire du Reichsmarschall. Je n’avais rien à voir dans ces affaires-là.
Vous êtes-vous occupé de l’aryanisation des demi-Juifs ?
En ce qui concerne les demi-Juifs, je recevais les demandes provenant des milieux de l’Armée de l’air. Il s’agissait d’officiers qui, conformément aux dispositions en vigueur, devaient être mis à pied en tant que demi-Juifs. Dans de nombreux cas, le Reichsmarschall a donné l’ordre de ne pas prendre une telle mesure.
Que se passait-il alors ?
Le chef du personnel de l’air recevait l’ordre de ne pas les mettre à pied.
Dans certains cas, a-t-on pris des dispositions leur conférant tous les droits des aryens cent pour cent, sans tenir compte de leur sang juif ?
Pour le moment, je ne peux me souvenir d’aucun cas de ce genre.
Vous avez parlé des demandes d’assistance émanant de nombreuses personnes et adressées à Göring. Ces demandes passaient par son État-Major, n’est-ce pas ?
Oui.
Qui était le chef de cet État-Major ?
C’était le chef du Bureau de l’État-Major, le Dr Gritzbach.
Combien d’adjoints avait-il ?
Il y avait trois sections : les deux autres étaient la section de presse, dirigée par le Dr Gerner, et le Secrétariat privé.
Laquelle de ces sections s’occupait des demandes d’élargissement ?
Ces questions étaient réglées par le Dr Gritzbach et le Dr Gerner.
A qui parlaient-ils de ces questions ? Le savez-vous ?
Ces messieurs, tout comme moi, en référaient au Reichsmarschall.
Celui-ci savait donc parfaitement ce que vous faisiez et ce qu’ils faisaient ?
Je vous prie de répéter cette question encore une fois.
Le Reichsmarschall Göring était informé de ces demandes adressées à vous et aux autres sections ?
En ce qui me concerne, il était parfaitement renseigné.
Et, si je comprends bien, il n’a jamais manqué de donner satisfaction aux demandes qui lui étaient faites, d’après ce que vous dites ?
Dans la mesure où ces demandes ont été adressées à mes services ou à moi personnellement, il n’a jamais refusé de porter secours, et il le faisait effectivement.
Il n’a jamais cherché à savoir si les personnes qu’il aidait étaient coupables ou innocentes ?
Elles étaient innocentes, il n’y avait pas de doute là-dessus.
Vous étiez présent, le 20 juillet, au moment de l’attentat, si j’en juge par votre interrogatoire ?
Le 20 juillet, j’ai assisté à la discussion sur la situation générale, et la bombe explosa non loin de moi.
Où était Hermann Göring, ce jour-là ?
Hermann Göring, ce jour-là, se trouvait à son Quartier Général, qui était éloigné d’environ 70 kilomètres du Quartier Général du Führer.
70 kilomètres seulement ?
Et à quelle heure avez-vous reçu l’ordre de le représenter à cette discussion ?
Je n’ai pas reçu l’ordre de le représenter à cette discussion. J’ai assisté à cette discussion comme à toute autre en tant qu’auditeur. Je n’avais pas reçu l’ordre de le représenter. D’ailleurs, je n’avais jamais à représenter le Reichsmarschall au Quartier Général du Führer. Ma seule tâche consistait à être présent et à lui rendre compte des questions qui avaient été traitées.
Vous l’avez représenté comme auditeur, et non comme participant ?
Je n’avais pas grand-chose à dire à cette époque. Je n’étais qu’auditeur et je devais lui fournir un rapport sur ce qui s’était dit à la conférence qui eût pu l’intéresser en tant que Reichsmarschall.
Combien de temps avant cette réunion avez-vous reçu l’ordre d’y assister ?
A cette réunion du 20 juillet ? J’avais été envoyé en mission spéciale, au camp de Münster, pour inspecter une division italienne. Le 20 juillet, je revins à midi en avion au Quartier Général du Führer, fis un rapport à Adolf Hitler qui me déclara : « Venez avec nous ». Je n’avais pas l’intention d’y aller, mais je me joignis à eux, et un quart d’heure après, l’attentat se produisit.
Qui vous a chargé d’un message, de la part de qui deviez-vous le remettre ?
Le Reichsmarschall Göring m’avait confié la mission d’inspecter une division italienne qui se trouvait au camp de Münster, et je devais dire au maréchal Graziani que les hommes de cette division devaient être mis à la disposition de l’artillerie anti-aérienne. Comme le maréchal Graziani n’était pas d’accord, je dus retourner au Quartier Général du Führer en avion. Primitivement, il avait été décidé que je prendrais le train spécial de Mussolini, qui, dans la nuit du 19 au 20...
Répondez simplement à ma question, témoin, s’il vous plaît, vous nous épargneriez les pertes de temps. Vous portiez au Führer un message de la part de qui ?
Je rapportais un message du maréchal Graziani qui ne voulait pas mettre ses soldats à la disposition de la défense anti-aérienne. Ce message...
Avant de partir pour l’État-Major du Führer, vous vous êtes mis en rapport avec Göring, n’est-ce pas ?
Quelques jours avant mon départ en avion pour le camp de Münster, j’ai eu une conversation avec lui, et lorsque je suis revenu, avant d’aller chez le Führer, j’ai téléphoné à Hermann Göring à son Quartier Généra] et je lui ai fait part de ce message.
Et vous a-t-il alors donné l’ordre d’aller à l’État-Major du Führer et de lui porter ce message ?
Ce départ du camp de Münster, je l’ai décidé moi-même, car il était important pour Adolf Hitler de connaître ce message avant Mussolini qui était attendu au Quartier Général, le 20 juillet, à 3 heures de l’après-midi...
Si je vous comprends bien, Göring voyait dans les négociations de Munich une solution pacifique du conflit ?
C’est ce qu’il m’a dit plusieurs fois.
Et se montra-t-il très satisfait des résultats obtenus ?
Il en était très satisfait. J’ai insisté là-dessus tout à l’heure en rapportant que lorsqu’il revint de la salle où avait eu lieu cette réunion, il dit spontanément : « C’est la paix ».
Et lorsque vous dites que Göring voulait la paix avec la Pologne, il voulait ce même genre de paix, n’est-ce pas ?
En ce qui concerne la paix avec la Pologne, je n’ai pas eu de conversation avec lui.
A-t-il envoyé quelqu’un, ou a-t-il fait en sorte que Hitler envoyât quelqu’un à Munich pour éprouver Ribbentrop ?
Tout ce que je puis dire là-dessus c’est qu’ici, au cours de ma captivité, le capitaine Wiedemann m’a rapporté que Hermann Göring avait exprimé le désir d’emmener von Neurath et, toujours selon Wiedemann, Adolf Hitler aurait accédé à ce désir.
Vous avez été interrogé par un représentant américain avant que Wiedemann n’arrive ici, n’est-ce pas ?
Avant ?
Avant que Wiedemann ne soit amené ici ?
Pas sur la question de l’accord de Munich et de M. von Neurath.
N’avez-vous pas été interrogé le 6 novembre 1945, et n’avez-vous pas dit à ce moment-là que Göring avait eu des paroles très dures pour Ribbentrop et qu’il avait demandé à Hitler d’emmener Neurath à Munich avec lui afin d’avoir un représentant ? N’avez-vous pas dit cela lorsque vous avez été interrogé par le représentant américain ?
Je ne peux pas m’en souvenir actuellement mais si cela figure au procès-verbal, ce doit être vrai.
Cette réunion... Au fait, vous savez qu’après Munich, Göring avait donné sa parole d’honneur aux Tchèques qu’ils ne subiraient aucune agression. Vous le saviez, n’est-ce pas ?
Je vous prie de bien vouloir répéter, parce que je n’ai pas bien compris.
Vous savez qu’après Munich, Göring, satisfait des résultats obtenus, avait donné sa parole d’honneur qu’il n’y aurait pas d’agression contre la Tchécoslovaquie ?
Non, je l’ignorais.
Cette réunion qui eut lieu à Londres, je veux dire cette réunion à laquelle assistaient des Anglais...
A Husum ? Oui.
Quel était le représentant de la Suède.
C’était M. Dahlerus.
Quelles étaient les personnalités anglaises présentes ?
Il y avait six ou huit experts économistes britanniques, mais leurs noms me sont inconnus.
A cette époque... Au fait, quelle est la date exacte de cette réunion ?
Je ne peux pas le dire exactement. C’était au début du mois d’août.
N’était-ce pas le 7 août ?
Je ne peux pas le dire.
M. Dahlerus était-il là ?
Je n’en suis pas absolument sûr ; j’ai appris par mon avocat qu’il était présent, mais je ne pourrais pas le jurer. J’ai supposé qu’il était là parce que le Dr Stahmer me l’a dit. C’est pourquoi j’ai dit tout à l’heure que Hermann Göring et Dahlerus assistaient à cette réunion.
Et on a parlé des relations entre la Pologne et le Reich allemand ?
Il ne fut pas question de la Pologne, mais des relations entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Il ne fut pas question des relations avec la Pologne.
Et Göring désirait voir les Anglais s’employer à éviter une attaque de l’Angleterre contre l’Allemagne ?
Je n’ai pas tout à fait dit cela : il a déclaré aux délégués anglais qu’ils devaient faire, lorsqu’ils seraient rentrés chez eux, les mêmes efforts que lui en faveur de la paix, et y employer leur influence auprès des milieux compétents.
N’est-ce pas à l’occasion des négociations avec la Pologne qu’il a prononcé ces paroles ?
Je ne me souviens pas qu’il ait été question de négociations avec la Pologne.
Étiez-vous en rapport avec Hermann Göring lorsque la guerre avec la Pologne éclata ?
J’étais à Berlin à cette époque.
Vos services dépendaient-ils de Hermann Göring ?
J’étais alors sous les ordres de Hermann Göring.
Quand avez-vous pris les premières mesures de préparation à l’entrée de vos troupes en Pologne ?
Je ne suis pas compétent pour donner des renseignements sur cette question. C’était l’affaire de l’État-Major Tout ce que je sais, c’est qu’au cours de la période qui précéda la déclaration de guerre, le chef de l’État-Major avait plusieurs fois rendu visite à Göring, chef de l’Aviation, avec lequel il s’était entretenu de ces problèmes. Je ne sais pas moi-même quelle était l’importance des forces engagées dans la campagne de Pologne.
Étiez-vous présent à la conférence au cours de laquelle, peu après Munich, Hermann Göring a déclaré qu’il avait Tordre d’augmenter de cinq fois l’importance des forces aériennes ?
Je ne me souviens pas d’avoir assisté à une conférence de ce genre.
Mais vous savez que les forces aériennes ont été considérablement accrues après Munich ?
Non, je ne le sais pas. Il y avait un plan, et l’Aviation a été développée conformément à ce plan. Je puis d’ailleurs dire avec certitude à ce sujet que l’Aviation allemande, au début de la campagne de Pologne, n’était pas à la hauteur des circonstances, tant en ce qui concerne sa direction et ses plans que son matériel.
Monsieur Justice Jackson, voulez-vous qu’on lève l’audience maintenant ou préférez-vous continuer ?
Il est préférable de nous arrêter maintenant ; nous ne pourrons pas finir avant l’heure du déjeuner,
Nous pouvons donc suspendre l’audience.
Oui.
Très bien.