SOIXANTE-DIX-HUITIÈME JOURNÉE.
Lundi 11 mars 1946.
Audience de l’après-midi.
Je voudrais vous poser quelques questions sur votre activité à l’Office central du Plan. Vous en fîtes partie, n’est-ce pas ?
Oui.
Pendant combien de temps ?
Depuis le début, en 1941 ou 1942, je crois, jusqu’à la fin.
L’accusé Speer faisait-il également partie de cette organisation ?
Oui.
L’accusé Funk ?
Oui, mais plus tard seulement.
Quand y a-t-il adhéré ?
Au moment où une grande partie de la production civile fut transférée au ministère de l’Armement, c’est-à-dire au ministère Speer.
Et Körner ? Körner était bien membre de ce service ?
Oui.
Qui était le Dr Sauer ?
Sauer était un fonctionnaire du ministère Speer, mais il n’appartenait pas à l’Office central du Plan.
Mais il a rédigé quelques-uns des procès-verbaux, n’est-ce pas ?
Non, pas à ma connaissance.
Sauckel a souvent assisté aux réunions, n’est-ce pas ?
Pas très souvent, mais de temps en temps.
Quelles étaient les attributions de cet Office central du Plan ?
Distribution de matières premières aux différents groupes habilités à en recevoir, comme l’Armée, la Marine, l’Aviation et certains groupements civils comme l’industrie, les mines, les constructions industrielles et privées, etc.
Et la main-d’œuvre ?
La main-d’œuvre ? Non. Nous n’avions pas à la répartir.
Vous n’aviez rien à voir avec la main-d’œuvre ? C’est bien cela, n’est-ce pas ?
Nous pouvions faire des propositions, mais nous n’étions pas chargés de la distribution.
Vous voulez dire par là que vous ne vous occupiez pas de la répartition de main-d’œuvre entre les différentes industries qui étaient en compétition sur ce terrain ?
C’était un point qui concernait davantage l’industrie de l’Armement que l’Office central du Plan.
Saviez-vous que Speer a donné aux Américains tous ses papiers personnels, y compris les archives de cet Office central du Plan ?
Je ne le savais pas, vous venez de me l’apprendre.
Je demanderai que les différentes archives qui constituent le document américain R-124, déposé sous le numéro français RF-30, soient mises à la disposition du témoin pour qu’il puisse en prendre connaissance dans le texte allemand. Je vous poserai des questions à ce sujet.
Bien.
Voulez-vous montrer au témoin la page 1059, à la vingt-deuxième ligne.
C’est là, témoin, le procès-verbal de la vingt et unième conférence de l’Office central du Plan qui eut lieu le 30 octobre 1942 au ministère du Reich pour l’Armement et les munitions. Le procès-verbal vous porte comme présent. Vous souvenez-vous avoir assisté à cette réunion ?
Cette seule phrase ne me dit rien, mais je veux bien l’admettre. Je vois ici dans le procès-verbal mon nom fréquemment mentionné.
J’attire maintenant votre attention à la page 1059, ligne 22. Voici une citation qui précisera peut-être vos souvenirs sur le fonctionnement de ce service :
« Speer
Nous devons également nous occuper des oisifs Ley a constaté que le nombre des malades était tombé du quart au cinquième dans les usines où exerçaient des médecins attachés à l’entreprise. Il n’y a rien à dire contre la Police et les SS qui prennent des mesures draconiennes et mettent les « tire-au-flanc » en camp de concentration. Il n’y a pas d’autre solution. Après quelques interventions de ce genre, la nouvelle s’en répandra rapidement. »
N’avez-vous pas examiné la question de la main-d’œuvre au cours de cette conférence et cela ne vous le rappelle-t-il pas ?
Je me souviens qu’on a traité la question des « tire-au-flanc » ; il s’agissait de gens qui, en temps normal, en temps de paix, ne faisaient pas partie de notre personnel ; c’est seulement à la suite de la mobilisation totale, pendant la guerre, qu’ils ont été requis, c’est d’eux dont je veux parler, c’est eux qui jetaient la perturbation dans le travail et nous nous en préoccupions.
C’étaient eux qui étaient envoyés en camp de concentration ?
Oui, on me l’a dit, mais aucune décision n’a été prise et nous n’étions pas compétents pour envoyer quelqu’un dans un camp de concentration.
Bon ; n’a-t-on pas dit qu’il n’y avait « rien à dire contre les SS qui les arrêtaient » ? Vous saviez que les SS dirigeaient les camps de concentration, n’est-ce pas ?
Oui, naturellement.
Vous saviez donc qu’en les confiant aux SS et en les envoyant dans des camps de concentration c’était un moyen de les forcer à produire davantage ?
Oui, naturellement, ces gens devaient être astreints à travailler ; il s’agissait d’Allemands qui ne voulaient pas remplir leur devoir envers leur patrie.
Est-ce qu’il s’agissait uniquement d’Allemands ?
Autant que je sache, il s’agissait uniquement d’Allemands. Lorsqu’on parlait de « tire-au-flanc » ou de travailleurs d’occasion, on entendait par là ceux qui changeaient à tout instant de lieu de travail, presque chaque semaine, et qui étaient dénoncés par les représentants de nos ouvriers Nos ouvriers se sont plaints de voir ces gens profiter de tous les avantages : ravitaillement, etc, alors qu’ils ne travaillaient pas du tout et saisissaient toujours le moment opportun pour quitter l’entreprise dans laquelle ils travaillaient. Chacun fut fort heureux d’en être débarrassé.
Vous vous débarrassiez d’eux en les envoyant dans les camps de concentration, sous la férule des SS ?
Aux fins de rééducation. On a supposé en effet que, si leurs rations supplémentaires, non leurs rations de base, dépendaient de leur rendement, ils seraient vite rééduqués et je me souviens qu’on a proposé de limiter ce traitement à deux ou trois mois et de les reprendre après, s’ils étaient revenus à de meilleurs sentiments, en leur rendant à nouveau entièrement leur liberté.
Vous êtes-vous occupé, à l’Office central du Plan, du travail des prisonniers de guerre ?
Non, pas que je sache.
Je vais demander qu’on vous montre le procès-verbal de la vingt-deuxième conférence de l’Office central du Plan, réunion du 2 novembre 1942, page 1042, ligne 24, où figure votre nom ; la traduction anglaise est à la page 27.
Je voudrais rafraîchir votre mémoire en lisant ce paragraphe :
« Milch
J’estime que l’agriculture doit obtenir de la main-d’œuvre. En supposant qu’on puisse donner 100.000 hommes de plus à l’agriculture, nous aurions donc 100.000 hommes de plus qui seraient bien nourris. Tandis que la main-d’œuvre que nous recevons d’habitude, surtout les prisonniers de guerre, n’est pas en état de travailler »
Vous avez bien dit cela ?
Je ne me souviens pas des détails, mais ce doit être vrai. Je ne crois pas avoir vu le procès-verbal, mais je sais que nous nous sommes occupés de la question de l’attribution de main-d’œuvre à l’agriculture, parce que la question du ravitaillement était de la plus haute importance et que l’agriculture pouvait nourrir les gens qu’elle employait, en dehors du rationnement. J’étais donc tout à fait d’avis d’affecter ces gens à l’agriculture, mais il ne s’agissait là que de propositions faites par l’Office central du Plan. Sauckel participait aussi à cet entretien. Nous avons également fait des suggestions aux représentants de l’armement au sujet de différents problèmes les concernant.
Et vous avez fait des recommandations au Reichsmarschall, n’est-ce pas ?
Je ne peux pas en parler de mémoire. Je ne le sais pas.
Vous ne l’avez pas fait ?
Je ne sais pas, je ne peux me le rappeler.
Et vous connaissiez les désirs du Reichsmarschall, concernant l’emploi des prisonniers de guerre, n’est-ce pas ?
Je savais que ces prisonniers de guerre travaillaient, surtout à la campagne.
Avez-vous assisté à une conférence chez le Führer où le ministre Speer était présent ?
A quelle date ?
Le 5 mars 1944.
Le 4 mars ?
Le 5 mars 1944.
Le 5 mars 1944, parfaitement, j’ai assisté à une réunion chez le Führer ; il était à ce moment question de créer un État-Major de chasse et de provoquer un effort général de toute l’industrie d’armement afin de produire le maximum d’avions de chasse.
Bien ; maintenant, je voudrais que l’on vous montre les notes de Speer sur cette conférence chez le Führer à laquelle le général Bodenschatz et le colonel von Below étaient également présents. Vous y étiez bien ? La traduction anglaise est à la page 35, le texte allemand à la page 139. J’attire votre attention sur ce paragraphe :
« J’ai fait part au Führer du désir du Reichsmarschall de faire davantage appel aux prisonniers de guerre et de confier la direction des Stalag aux SS, à l’exception des camps de prisonniers anglais et américains. Le Führer approuva cette proposition et demanda au colonel von Below d’agir en conséquence. »
Je vous demande comment les SS pouvaient augmenter le rendement des prisonniers de guerre ; quelle méthode pensiez-vous qu’ils devaient appliquer ? Répondez à ma question. Quelle méthode pensiez-vous que les SS emploieraient pour augmenter le rendement des prisonniers de guerre ?
Je ne puis plus le dire aujourd’hui. En tout cas, nous ne savions pas grand-chose à cette époque sur les agissements des SS, sur leurs méthodes telles que nous les connaissons aujourd’hui.
Cela se passait en mars 1944 ?
Oui.
Bien ; vous ne connaissez pas les méthodes qu’auraient employées les SS pour augmenter le rendement des prisonniers de guerre ? C’est bien cela que vous voulez dire ?
Non. Ce n’est pas ce que je veux dire. Laissez-moi réfléchir un instant. Je crois qu’il s’agissait de savoir si l’on pouvait ou non avoir des prisonniers de guerre. Il ne s’agissait pas de savoir s’ils travaillaient pour les SS, mais seulement de les faire travailler. C’est tout au moins ce que je crois.
Vous voulez dire mis à la disposition des SS ?
Bien ; passons maintenant à la trente-troisième conférence de l’Office central du Plan, le 16 février 1943, à laquelle assistaient, entre autres, Speer et Sauckel. La traduction anglaise est à la page 28, le texte allemand pages 2276 et 2307. En résumé, il y eut sur la situation de la main-d’œuvre une longue discussion qui commença par un rapport de Schreiber, puis Timm donna un compte rendu général de la situation de la main-d’œuvre J’attire votre attention sur les paroles que vous avez prononcées, page 2298, en haut de la page.
Oui, je viens de les lire à l’instant.
Les voici ;
« Milch
Nous avons demandé qu’un certain pourcentage de Russes soit utilisé dans la DCA. 50.000 y seront affectés. Nous en avons déjà 30000 qui servent comme canonniers. Il est vraiment très drôle de faire servir nos canons par des Russes. »
Que voyez-vous d’amusant dans le fait que les prisonniers russes soient utilisés dans l’artillerie ?
Les mots « nous avons demandé » ne signifient pas « l’Office central du Plan a demandé... » mais cela signifie que Hitler avait fait cette demande.
« Nous » signifie Hitler ?
Oui, le Gouvernement allemand ; et je trouvais curieux qu’on fasse tirer des prisonniers de guerre sur les avions de leurs alliés. Nous ne le désirions pas, parce que cela signifiait que ces ouvriers ne pourraient plus travailler pour nous. Nous étions opposés à leur utilisation dans l’artillerie anti-aérienne.
Vous avez dit : « Il est vraiment très drôle de faire servir nos canons par des Russes ». Que trouviez-vous de drôle à cela ?
Si j’ai dit drôle, cela voulait dire singulier, curieux. Je ne peux pas dire cependant si j’ai réellement employé ce mot. Je n’ai pas vu le procès-verbal.
Maintenant, j’attire votre attention sur le reste de votre déclaration :
« Il nous faut encore 20.000 hommes. Hier, j’ai reçu une lettre du Haut Commandement de l’Armée nous avertissant qu’on ne pouvait plus lâcher un seul homme, de sorte que notre situation n’est pas très brillante. »
Que voulez-vous dire par « notre situation », si ce ne sont les besoins de votre industrie ?
Je crois que ce procès-verbal n’est pas exact. Je n’ai jamais dit cela. Je ne puis accepter le procès-verbal sous cette forme. Pour tirer cette affaire au clair, je précise qu’il s’agissait de prendre du personnel dans l’industrie d’armement et de le donner à la DCA. Nous qui nous occupions de l’armement nous ne voulions pas le faire, nous y étions opposés. Voilà toute l’affaire, et l’OKH n’avait jamais assez de personnel.
Ce que je comprends, c’est que vous avez demandé un certain nombre d’ouvriers pour l’industrie de l’armement, et que le Haut Commandement de l’Armée vous les a refusés sous prétexte qu’ils étaient déjà à faire des canons ou autre chose. C’est bien ce que vous avez voulu dire ?
Non, pas tout à fait.
Alors, précisez votre pensée.
Autant que je me souvienne, l’armement devait mettre à la disposition de l’Aviation 50 000 prisonniers russes qui devaient être employés dans la DCA. Or, ces hommes étaient indispensables à l’industrie d’armement.
Je crois qu’il y a quelques incidents techniques, il faut nous interrompre quelques instants.
Monsieur Justice Jackson, je dois vous avertir que l’audience sera levée aujourd’hui à 16h30.
J’espère en avoir fini avant. (S’adressant au témoin.) J’aimerais attirer votre attention sur la page 2297, page 28 de la traduction anglaise. Vous y dites ce qui suit :
« Milch
Il y a un front à l’Est. Il sera tenu un certain temps. La seule chose que les Russes pourront utiliser dans les territoires que nous évacuons, c’est la population. Il s’agit de savoir si nous ne ferions pas mieux d’évacuer par avance la population jusqu’à 100 kilomètres à l’arrière du front. »
Avez-vous trouvé la citation ?
Oui, je l’ai trouvée.
D’après votre déclaration de ce matin, j’ai compris, comme vous l’avez publié dans votre livre, que vous teniez à ce que la population civile ne soit pas inquiétée.
D’après la dernière phrase : « Ces personnes ne seront plus employées à des travaux de terrassement », nous pouvons conclure qu’elles furent en fait employées à ce travail. De quelles personnes s’agissait-il, je n’en sais rien. Je sais seulement qu’elles travaillaient quelque part.
Et vous saviez cela ? Vous saviez que ces personnes effectuaient un tel travail ?
D’après le procès-verbal, oui. Je ne m’en souviens plus aujourd’hui, mais dans la mesure où le procès-verbal est exact, ce doit être vrai.
Et vous saviez qu’on obligeait la population civile à creuser des tranchées pour vos troupes ?
Je ne m’en souviens plus, mais d’après le procès-verbal, ce doit être exact.
J’attirerai maintenant votre attention sur le procès-verbal de la conférence n° 11 de l’Office central du Plan, tenue le 22 juillet 1942, texte allemand page 3062, page 38 de la traduction anglaise. Assistaient apparemment à cette réunion : Speer, vous-même et Körner. Körner représentait-il le Reichsmarschall ?
Oui, c’était son représentant pour le Plan de quatre ans.
Et il le représentait à toutes les réunions de cet organisme, n’est-ce pas ?
Oui, il le représentait pour le Plan de quatre ans.
Sauckel était présent : il représentait le comité du fer, du charbon, et le ministère de l’Armement et des munitions ?
Oui.
On a longuement examiné les demandes de main-d’œuvre de ces industries. J’attire votre attention sur la page 3062, au passage suivant :
« Le Generalfeldmarschall Milch se charge d’accélérer le rythme des affectations de prisonniers de guerre russes à ces industries. »
Quelles mesures comptiez-vous prendre pour améliorer le rythme de ces affectations ?
En tant que militaire, j’ai décidé de poser la question à l’OKW dont dépendaient ces prisonniers.
Personnellement, vous ne vous êtes pas occupé des prisonniers de guerre mais vous en demandiez à l’OKW ?
Le Gouvernement avait mis à notre disposition des prisonniers de guerre et comme leur transport se faisait attendre et que nous avions affaire à l’OKW à ce sujet, on m’a chargé d’en parler et j’ai demandé à l’OKW d’accélérer ce transport.
Je me reporte à la conférence n° 36 du 22 avril 1943, page 13 de la traduction anglaise, page 2125 du texte allemand, Une fois de plus, j’attire votre attention sur le fait que Speer, vous-même, Sauckel et Körner étaient présents. Là aussi vous avez abordé le problème de la main-d’œuvre, n’est-ce pas ?
Oui.
Je cite Körner :
« Le 1er avril, il nous manquait environ 600.000 travailleurs pour l’agriculture. Ce déficit devait être comblé avec de la main-d’œuvre provenant de l’Est, surtout des femmes, qui devaient être mises à notre disposition avant que d’autres travailleurs fussent retirés de l’agriculture. Nous approchons de la saison où les travaux des champs demandent beaucoup d’ouvriers... »
Je ne perdrai pas de temps à poursuivre cette citation. J’attire votre attention sur la page 2128 relatant les paroles que vous avez prononcées au cours de cette conférence :
« Si l’on veut bien donner suite à mes suggestions qui sont aussi celles de Timm, les choses n’en iront que mieux : il faut s’y décider. En outre, j’estime qu’en tout état de ,cause il faut fournir de la main-d’œuvre aux exploitations minières. La plus grande partie de la main-d’œuvre que nous allons recevoir de l’Est sera de la main-d’œuvre féminine. Les femmes de l’Est sont habituées aux travaux des champs et surtout au genre de travail qu’il va falloir faire dans les semaines qui vont suivre : sarclage et démariage des betteraves, etc. C’est un travail de femme. L’important est d’affecter ces femmes à l’agriculture avant de retirer les hommes. Il ne faudrait pas retirer d’abord les hommes et laisser l’agriculture sans main-d’œuvre pendant quatre à six semaines ; les femmes pourraient arriver trop tard. »
Je vous demande maintenant combien de femmes ont été affectées à l’agriculture, à la suite de cette conférence ?
A la suite de cette conférence, aucune. Il ne s’agissait que de propositions visant à réaliser un accord entre l’industrie et l’agriculture afin de procurer la main-d’œuvre nécessaire à cette dernière. Sans mineurs, on ne pouvait pas poursuivre la guerre ; aussi fallait-il en trouver. C’est ce qui nous a amenés à proposer la relève des ouvriers agricoles par des femmes inaptes au travail à la mine.
A qui faisiez-vous ces suggestions ? Vous dites qu’il ne s’agissait que de suggestions et non de décisions ?
Ces suggestions furent faites au représentant du ministère du Travail ou à l’Office de placement de la main-d’œuvre. Je vois le nom de Timm ; c’était l’un des hauts fonctionnaires de ces services.
Et Sauckel ?
Je ne sais pas si Sauckel assistait à cette conférence, je ne vois que le nom de Timm.
D’après le procès-verbal, il semble qu’il y était, mais de toutes façons vous avez fait des propositions à Sauckel et vous lui avez demandé de vous fournir de la main-d’œuvre, n’est-ce pas ?
Oui. Nous avions besoin de nouveaux travailleurs pour les mines de charbon et nous ne pouvions pas en trouver ; pour en avoir, il fallait faire un échange.
D’accord. Vous nous feriez perdre beaucoup moins de temps si vous répondiez simplement à la question. J’attire votre attention sur la cinquante-quatrième conférence de l’Office central du Plan qui a eu lieu le 1er mars 1944, page 1 de la traduction anglaise, page 1762 du texte allemand. Je vous rappelle qu’étaient présents à cette conférence Sauckel, Milch, Schreiber et Körner. Elle a eu lieu au ministère de l’Air. Il a été question de requérir des jeunes gens en France, pour être sûr qu’ils ne prendraient pas le maquis en cas d’invasion par les alliés du territoire français. Vous souvenez-vous de cette conférence ?
Je ne m’en souviens pas en détail. J’ai déjà dit au cours de mes autres interrogatoires ici, à Nuremberg, et en Angleterre, qu’il m’était impossible de me souvenir des détails d’événements qui se sont succédé à un rythme accéléré, d’autant plus que ma mémoire a beaucoup souffert depuis que j’ai été gravement blessé à la tête lorsque je fus fait prisonnier.
Si vous vous reportez à la page 1799, après « Milch », le passage suivant vous rafraîchira la mémoire :
« Milch
Si le débarquement en France réussit, nous aurons affaire à un soulèvement de partisans comme nous n’en avons jamais eu dans les Balkans et dans l’Est, non parce que les gens s’y sont particulièrement préparés, mais parce que nous avons rendu la chose possible en négligeant de nous occuper des jeunes gens. Quatre classes de jeunes gens de 18 à 23 ans ont grandi en France. C’est à cet âge que, poussé par le sentiment patriotique ou excité par des fauteurs de troubles, on fait n’importe quoi pour satisfaire un sentiment de haine, et il est évident que ces jeunes gens nous haïssent. Ils auraient dû être appelés par tranches et envoyés en Allemagne, car ils représentent le plus grand danger en cas de débarquement. Je suis fermement convaincu, et je l’ai dit plusieurs fois, que lorsque l’invasion commencera, le sabotage des chemins de fer, des industries et des centres d’approvisionnement sera à l’ordre du jour. La Wehrmacht ne pourra faire face à cette situation car elle aura à combattre sur le front en laissant à l’arrière un ennemi très dangereux qui menacera ses approvisionnements, etc. Si des mesures sévères sont prises, tout sera aussi tranquille qu’un cimetière derrière le front, quand le débarquement aura lieu. Je l’ai souvent répété mais on n’a rien fait. Quand on voudra commencer à tirer, il sera trop tard car les hommes manqueront pour réduire les partisans. »
Vous prétendez ensuite que, seule, la Wehrmacht pourra en venir à bout. Ceci vous rappelle-t-il quelque chose ?
Oui, c’est en substance ce que j’ai dit, je ne me souviens pas si ce sont les termes exacts. C’était pour notre pays une question de vie ou de mort, il fallait prendre les mesures nécessaires pour éviter l’éclosion, dans notre dos, de cette armée secrète, comme ce fut malheureusement le cas.
Et vous proposiez d’éliminer la population à l’arrière des lignes afin qu’elle ne pût pas constituer une menace pour vos opérations lors de l’invasion ?
Non, on voulait, comme le Gouvernement français l’avait promis, que les ouvriers fussent envoyés en Allemagne ; c’était là ma pensée, au lieu de leur permettre de rejoindre le maquis et de commettre des actes de sabotage entraînant des exécutions, à titre de représailles.
Vous ne réserviez pas le travail forcé à vos ennemis, vous l’avez aussi imposé à vos alliés, n’est-ce pas ? Par exemple page 1814, n’avez-vous pas pris part à cette discussion :
« Milch
Ne serait-ce pas préférable, pour protéger les entreprises S, de mettre la main sur le ravitaillement italien et de dire : Vous n’aurez à manger que si vous travaillez dans les usines S ou si vous allez en Allemagne. »
C’était après la perte de l’Italie ; il s’agissait de soldats italiens qui avaient pris parti contre Mussolini ; ils étaient derrière le front, ne voulaient pas travailler et commettaient des actes de sabotage dirigés contre la Wehrmacht. Il fallait donc leur proposer le marché suivant : « Vous aurez vos rations alimentaires, mais vous devrez travailler dans les usines d’Italie ou d’Allemagne. »
Je crois que vous avez dit dans votre interrogatoire ou peut-être un peu plus tôt dans votre contre-interrogatoire, que vous ne saviez rien du travail forcé dans les territoires occupés. Confirmez-vous cette déclaration ?
Je n’ai pas très bien compris. Travail forcé ?
Travail forcé, oui.
Parfaitement.
Vous ne saviez rien du travail forcé ?
Il s’agissait de prisonniers de guerre italiens dont nous disposions pour le travail, conformément à l’accord conclu avec le Gouvernement italien que nous avions reconnu. Mussolini avait formellement mis ces hommes à notre disposition dans ce but.
Excusez-moi de vous interrompre, nous ne nous occupons pas de Mussolini ici. Je vous ai demandé si vous mainteniez la déclaration que vous avez faite antérieurement, selon laquelle vous n’aviez aucune connaissance des déportations de travailleurs en Allemagne, en provenance des pays occupés. Confirmez-vous cette déclaration ?
Dans la mesure où il s’agissait de travailleurs libres, je le prétends toujours ; il s’agissait d’hommes mis à notre disposition et, Monsieur le Procureur, à cette époque le Gouvernement italien existait encore ; on l’a peut-être oublié aujourd’hui, mais à cette époque il existait.
Je vous demande de vous reporter à la page 1827 du compte rendu de la conférence à laquelle vous assistiez et au cours de laquelle la discussion que vous venez d’admettre a eu lieu. Reportez-vous à la ligne où figure le nom de Sauckel ; celui-ci déclare : « Sur 5.000.000 de travailleurs étrangers arrivés en Allemagne, il n’y en a pas même 200.000 qui soient venus volontairement ».
Je ne m’en souviens nullement.
Vous ne vous en souvenez pas ? Bien.
Non, je ne m’en souviens pas.
Nous allons continuer en passant à la conférence n° 23 de l’Office central du Flan, le 3 novembre 1942, page 27 de la traduction anglaise, page 1024 du texte allemand. Il me semble que vous y avez pris une part active. J’attire votre attention sur la page 1024, dixième ligne :
« Speer
Nous pourrions peut-être faire croire aux Français que nous allons libérer leurs prisonniers tourneurs et fondeurs, s’ils veulent bien nous donner leurs noms.
Rohland
Nous avons un bureau à Paris. Vous dites donc que les Français pourraient fournir les noms des ouvriers fondeurs prisonniers en Allemagne ?
Milch
Je dirais simplement vous aurez deux hommes en échange d’un spécialiste de cette catégorie.
Speer
Les usines françaises savent bien quels sont les prisonniers de guerre qui sont ouvriers fondeurs Officieusement, on pourrait donner l’impression qu’ils vont être libérés : on nous donnera les noms et nous pourrons mettre la main dessus. Essayons.
Rohland
C’est une bonne idée. »
Votre idée était de donner deux hommes en échange d’un. Est-ce exact ?
Oui, c’est-à-dire, deux hommes d’une profession quelconque pour l’un de ces spécialistes. Vous voyez à quel point ils faisaient défaut...
C’était là tout ce que vous désiriez ?
Le but était d’en garder quelques-uns et de leur en donner d’autres en échange.
Reportons-nous maintenant à la cinquante-troisième conférence de l’Office central du Plan du 16 février 1944, page 26 de la traduction anglaise, page 1851 du texte allemand Vous étiez au nombre des présents Elle a eu lieu au ministère de l’Air du Reich. J’attire d’abord votre attention sur la page 1863 à partir du nom « Milch » :
« L’industrie de l’armement emploie de nombreux ouvriers étrangers, d’après les derniers chiffres, 40 % Les derniers envois du plénipotentiaire général à la main-d’œuvre sont composés principalement d’étrangers. Nous avons perdu beaucoup de personnel allemand par suite de la mobilisation. L’industrie d’armements aériens, industrie jeune, emploie beaucoup de jeunes gens et a été particulièrement touchée. Pour donner une idée des difficultés, je signale que les gens employés aux stations expérimentales ne doivent pas être comptés. Dans l’ensemble de la production, les ouvriers étrangers dominent et, dans certains cas, représentent 95 % et même davantage du nombre total. 88 % des ouvriers produisant notre meilleur moteur sont des prisonniers de guerre russes et 12 % sont des Allemands et des Allemandes, Sur les Ju-52, avions de transport dont la production mensuelle est de 50 à 60 appareils, il n’y a que 6 ou 8 travailleurs allemands, les autres sont des femmes ukrainiennes qui ont dépassé le rendement obtenu auparavant avec des ouvriers spécialisés ». Vous vous souvenez de cela ?
Oui, je m’en souviens très bien.
Et à la page 1873, vous faites la proposition suivante :
« Milch
On devrait remettre à Himmler la liste des « tire-au-flanc », il se chargera de les faire travailler Du point de vue éducatif, ce serait excellent et cela ferait peur à ceux qui auraient l’intention d’en faire autant. »
Oui, il s’agit de nouveau de ces oisifs dont j’ai parlé ce matin à propos de l’agriculture.
Il s’agissait d’étrangers, n’est-ce pas ?
Non, les « tire-au-flanc » étaient des Anglais.
Les Anglais sont des étrangers en Allemagne, autant que je sache. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire en disant que ce n’étaient pas des étrangers, mais des Anglais.
Les prisonniers anglais n’ont jamais travaillé chez nous. Il ne peut s’agir d’Anglais.
Quelle était donc leur nationalité ? Vous dites qu’ils étaient tous Allemands ?
Lorsque nous parlions de « tire-au-flanc » il s’agissait d’Allemands qui furent contraints au travail pendant la guerre mais ne faisaient pas normalement partie de notre personnel.
Nous y reviendrons tout à l’heure, mais je veux tout d’abord vous demander de quelle façon Himmler les obligeait à travailler ; quelle méthode employait-il ? Quels moyens avait-il à sa disposition et pourquoi avez-vous fait des propositions à Himmler à cette occasion ?
Parce que Himmler, au cours d’une conférence, avait exposé ses idées sur les suppléments alimentaires. L’ouvrier, en Allemagne, avait les mêmes rations de base que le reste de la population, mais il touchait des suppléments qui, pour certains travailleurs de force, multipliaient plusieurs fois la ration de base. Les services du ravitaillement les distribuaient sans tenir compte du lieu et du genre de travail des bénéficiaires. Himmler proposait que l’on fît varier l’importance de ces suppléments suivant le genre de travail et le rendement des ouvriers. La chose était possible pour les ouvriers dépendant de Himmler dont beaucoup sortaient des camps de concentration, mais nous ne pouvions pas appliquer ce système aux travailleurs libres. D’où la proposition de mettre à la raison ceux qui sabotaient le travail dans leur propre pays en proportionnant les rations supplémentaires au travail fourni.
Vous connaissez la différence existant entre les camps de travail et les camps de concentration ?
Oui, naturellement.
Ces ouvriers étaient hébergés principalement dans les camps de travail, n’est-ce pas ? Leurs rations étaient contrôlées sans intervention de Himmler ?
Non, les ouvriers allemands n’étaient pas dans les camps de travail ; ils vivaient chez eux et ils recevaient leurs rations supplémentaires des services du ravitaillement. J’insiste encore une fois sur le fait que ces mesures avaient été réclamées par les ouvriers allemands eux-mêmes et par les contremaîtres d’usines, exaspérés de voir ces gens ne rien faire et être mieux traités que la moyenne de la population pendant que leurs pays traversait des temps difficiles.
Vous maintenez que tous ceux dont vous parlez étaient des ouvriers allemands et jamais des travailleurs étrangers ? Exprimez-vous clairement sur ce point.
Par le mot "tire-au-flanc" je n’entends que l’ouvrier allemand ; à mon avis, il ne s’agissait que de celui-ci.
J’attire votre attention sur la page 1913. Vous vous y exprimez ainsi :
« Milch
Il n’est donc pas possible d’obtenir le rendement maximum des étrangers tant que nous ne les ferons pas travailler aux pièces et que nous n’aurons pas la possibilité de prendre des mesures contre ceux qui ne feront pas leur travail ».
Avez-vous trouvé le passage ?
Oui.
Et vous poursuivez :
« Si un contremaître porte la main sur un prisonnier de guerre, cela fait toute une histoire et il Va en prison. Il y a beaucoup de fonctionnaires en Allemagne pour penser qu’il est plus important de défendre la dignité humaine que de s’occuper de la production de guerre. Je suis, moi aussi, pour le respect des droits humains, mais lorsqu’un Français vous déclare : « Vous serez tous pendus et « on commencera par couper la tête au directeur » et que celui-ci menace de lui envoyer une paire de gifles, il est poursuivi. Il n’existe de protection que pour le « pauvre type » qui a proféré la menace et pas pour le directeur. » Avez-vous dit cela à cette réunion ?
C’est bien possible.
Qu’avez-vous proposé ?
Je me souviens que des ouvriers étrangers ont porté la main sur leurs chefs allemands ; on a poursuivi ces Allemands lorsqu’ils se sont défendus et j’ai trouvé cela injuste.
Votre remède, vous l’indiquez à la ligne suivante :
« J’ai dit à mes ingénieurs : « Si, dans un tel cas, vous n’envoyez « pas une paire de gifles au coupable, vous serez punis Plus vous le « ferez, plus vous serez félicités, et il ne vous arrivera rien. » On ne le sait pas encore suffisamment et je ne puis adresser la parole à tous les chefs d’usine en particulier, mais je voudrais bien connaître l’homme qui retiendra mon bras, car je lui réglerai son compte. »
Trouvez-vous la citation ?
Je ne me souviens pas des mots mais je pense qu’il était impossible de laisser un ouvrier étranger ou un prisonnier menacer son chef de lui couper la gorge et que ce chef.
Voulez-vous dire que si un prisonnier de guerre menaçait de couper la gorge à son employeur, les officiers allemands le soutenaient contre son patron ? Vous savez bien vous-même que cela n’est pas vrai.
Bien. Nous allons continuer :
« Si un petit chef d’entreprise » — je cite encore vos paroles — « fait cela, il est mis dans un camp de concentration... »
Vous trouvez ce passage ?
Oui, je le vois.
« ... et il court le risque de perdre ses prisonniers de guerre ». Je vous cite et je pense que vous suivez :
« Deux officiers russes se sont un jour enfuis dans un avion, mais celui-ci s’écrasa. J’ai ordonné que ces deux hommes fussent pendus tout de suite. Ils ont été fusillés ou pendus hier ; j’ai laissé ce soin aux SS, J’ai voulu qu’ils fussent pendus dans l’usine pour que les autres pussent les voir. »
Vous trouvez le passage ?
Je l’ai trouvé et je peux dire que je n’ai jamais fait pendre quelqu’un. Je n’ai jamais donné de tels ordres. Il est impossible que j’aie dit cela, je n’ai rien à voir dans cette question, je n’ai jamais entendu dire d’autre part que des officiers russes aient essayé de s’évader avec un avion.
Désirez vous ajouter encore autre chose ?
Non, je n’ai rien à dire ; cela m’est tout à fait inconnu et je ne crois pas avoir jamais rien dit de semblable.
C’est tout ce que j’ai à vous demander pour l’instant.
Témoin, j’ai quelques questions à vous poser au nom de la Délégation britannique. Le premier point est le suivant : vous avez dit, vendredi, qu’au début de 1935, une aviation militaire fut créée en Allemagne dans des buts défensifs ; vous souvenez-vous de cela ?
Oui, en 1935.
Et vous dites qu’elle est restée défensive jusqu’en décembre 1939 ?
Oui.
Vous l’affirmez. Je veux que vous écoutiez ces trois passages d’un discours de votre chef, l’accusé Göring. Je cite un extrait du procès-verbal de l’audience du 8 janvier (Tome IV, page 559). En mai 1935, Göring déclara :
« J’ai l’intention de créer une Lüftwaffe qui, au moment voulu, fondra sur l’adversaire comme un chœur de vengeance. L’ennemi doit avoir l’impression qu’il est perdu avant même d’avoir combattu. »
S’agit-il là d’une aviation défensive ?
Non, pas précisément. Mais il faut distinguer entre les paroles et les actes.
Je passerai aux actes dans un instant.
Je ferai évacuer la salle au premier rire.
Le 8 juillet 1938, Göring, s’adressant à un groupe de constructeurs d’avions allemands, déclarait :
« La guerre avec la Tchécoslovaquie est imminente L’Aviation allemande est déjà supérieure à l’Aviation anglaise. Si l’Allemagne gagne la guerre, elle sera la plus grande puissance du monde, elle dominera les marchés mondiaux et sera une nation riche, mais il nous faut prendre des risques »
S’agit-il là encore d’une aviation défensive ?
Non, certainement pas ; mais tout à l’heure, quand vous aurez terminé, je pourrai peut-être dire quelque chose.
Limitez-vous, s’il vous plaît, à répondre à mes questions qui sont brèves ; cela fera perdre moins de temps. Puis-je encore vous lire un discours prononcé par Göring le 14 octobre 1938, moins d’un mois après l’accord de Munich. Il est dit dans ce document :
« ... Hitler m’a donné des instructions pour organiser un programme d’armement gigantesque à côté duquel tout ce qu’on a vu jusqu’à ce jour paraîtra insignifiant... On m’a demandé de construire le plus rapidement possible une arme aérienne cinq fois plus puissante que celle actuellement existante. »
Cela ressemble-t-il à une aviation construite dans des buts défensifs ?
L’exécution de ce programme aurait encore demandé plusieurs années.
Je vous fais remarquer que votre témoignage sur ce point était totalement inexact. J’en arrive maintenant au deuxième point.
Étiez-vous présent à la conférence des chefs à la Chancellerie, le 23 mai 1939 ?
Voudriez-vous répéter la date, s’il vous plaît.
J’aimerais vous montrer le document L-79, vous l’avez déjà vu vendredi je crois.
Le 23 mai, n’est-ce pas ?
Oui, c’est cela. Je vais vous rappeler qui était présent. Il y avait le Führer, Göring, Raeder, von Brauchitsch, Keitel, vous-même, Halder, le général Bodenschatz, Warlimont ; Warlimont était-il le représentant de Jodl ?
Je ne sais pas qui il représentait.
Très bien,... et d’autres que je ne nommerai pas. Témoin, c’étaient bien là les chefs des Forces armées allemandes ?
Je crois me rappeler que le maréchal Göring n’était pas présent.
Sa présence est indiquée. Vous croyez qu’il n’était pas là ?
Si mes souvenirs sont exacts, j’ai été appelé pour le remplacer au dernier moment.
Donc, à part Göring, dans la mesure où il était absent, il y avait la plus grande partie des chefs des Forces armées allemandes. C’est exact, n’est-ce pas ?
Oui, il y avait le Commandant en chef de l’Armée de terre, le Commandant en chef de la Marine et l’OKW ; oui.
D’après ce que vous savez d’eux, pouvez-vous les considérer comme des hommes d’honneur et de parole ?
Oui.
Est-ce le propre d’un homme d’honneur de tenir sa parole ?
Oui.
Vous saviez naturellement que l’Allemagne s’était engagée à respecter la neutralité de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg ?
Je ne connaissais pas ces accords, mais je le suppose.
Ne saviez-vous pas que moins d’un mois avant cette réunion, c’est-à-dire le 28 avril, Hitler, au Reichstag, avait donné l’assurance qu’il respecterait la neutralité de nombreux pays d’Europe, y compris celle des trois pays que je viens de nommer. Ne connaissiez-vous pas ces faits ?
Si, bien entendu.
Nous avons vu ici, sur ces événements, un film montrant l’accusé Göring au moment où il présidait le Reichstag, lorsque cette assurance a été donnée.
Je n’ai pas vu ce film. Je ne le connais pas.
C’est un documentaire allemand. Vous souvenez-vous qu’à la conférence du 23 mai, Hitler avait prononcé les paroles bien connues du Tribunal : « Les bases aériennes hollandaises et belges devront être occupées militairement. Il ne faudra faire aucun cas des déclarations de neutralité . Efforçons-nous de donner à l’ennemi un coup brutal et décisif dès le début... Les considérations de morale et les traités n’ont rien à voir avec cela. »
Vous souvenez-vous d’avoir entendu prononcer ces paroles ?
Je ne me souviens pas très bien du texte exact ; je sais qu’il s’agissait de la question du corridor polonais, de Dantzig, et qu’ensuite Hitler a exposé les complications qui pourraient surgir à l’Ouest et comment il comptait y faire face. Mais je ne me souviens plus des détails de sa déclaration.
Un seul de ces hommes d’honneur a-t-il protesté lorsque l’Allemagne a failli à sa parole ?
Au cours de ces conférences, il était impossible à quiconque était présent de parler Hitler s’adressait à nous derrière son pupitre et, après le discours, il partait. Toute discussion était impossible, il ne l’aurait pas permise.
Vous dites, témoin, qu’il était impossible à un homme d’honneur de protéger son honneur ?
Je ne me souviens pas exactement des paroles de Hitler que vous avez citées ici.
Pouvez-vous donner votre opinion à ce sujet au Tribunal ?
Je n’avais pas l’impression que Hitler eût dit quelque chose allant à rencontre des accords en vigueur. Je n’en ai pas le souvenir.
Estimez-vous que ce procès-verbal soit faux ?
Cela non plus, je ne peux l’affirmer. Je peux seulement dire que je ne me souviens pas des termes employés Je ne sais pas non plus si le procès-verbal est absolument exact. Si mes souvenirs sont exacts il a été rédigé ultérieurement par l’un des aides de camps présents.
Mais, nous savons que c’est exactement ce que l’Allemagne a fait douze mois plus tard. Elle a failli à sa parole envers la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg et elle a semé la misère et la mort parmi des millions de personnes. Vous le savez parfaitement aujourd’hui, n’est-ce pas ?
Évidemment, je le sais mais, en tant que soldat, nous n’avions pas à faire de politique, on ne nous demandait pas notre avis...
Appelez-vous honneur.
Je ne parle pas pour Schacht, mais au nom de toute la Défense. Je prie le Tribunal d’interroger le témoin sur des faits et non sur des jugements de valeur.
Il est interrogé sur des faits.
Vous venez de dire que vous savez aujourd’hui que douze mois plus tard l’Allemagne violait la neutralité de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg.
Mais nous n’en connaissions pas les motifs ; nous ignorions également les autres obligations que ces pays pouvaient avoir assumées. Les soldats n’avaient pas à prendre parti dans de telles questions.
N’était-ce pas le devoir d’un soldat de faire des objections lorsqu’on lui demandait de contribuer à violer les engagements pris par son pays ?
Je suis de votre avis, si le manquement à la parole donnée s’effectue dans un domaine qui est le sien. Mais pour ce qui est en marge de sa compétence, on ne peut le tenir pour responsable ni lui demander des comptes.
Ne parlez que de ce qui vous regarde. Prétendez-vous ignorer que votre pays s’était engagé à respecter la neutralité de ces trois petits pays ?
Je l’ai lu dans le discours du Reichstag, mais je ne savais pas quelle était la contre-partie de cet engagement. Je ne savais pas, ce qui aurait très bien pu être le cas, que ces petits pays n’avaient aucune envie de notre protection ou de cette garantie. Un soldat ne pouvait pas s’en rendre compte ; seuls les chefs politiques pouvaient le savoir.
Bien. Nous le demanderons aux soldats du Haut Commandement qui sont au banc des accusés lorsqu’ils témoigneront. Mais je vous demande de me dire que tout le monde en Allemagne devait connaître les garanties données par Hitler à ces petits pays.
Hitler a fait beaucoup de propositions et d’offres. C’est ainsi qu’il a proposé une limitation générale des armements ; il a offert de renoncer aux bombardements aériens, mais ses propositions n’ont pas été acceptées. C’est pourquoi seuls les chefs politiques pouvaient savoir ce qu’ils pouvaient et ce qu’ils devaient exiger des soldats. Le soldat n’avait qu’un seul devoir : obéir.
Voulez-vous, s’il vous plaît, répondre à mes questions. Ce n’est pas du tout ce que vous faites. Nous connaissons les faits, témoin, d’après les documents allemands. Je vous demande ce que vous savez et les idées qui sont les vôtres sur l’honneur. Ne croyez-vous pas qu’il soit déshonorant de donner sa parole le 28 avril et de prendre la résolution secrète de rompre ses engagements le 23 mai ?
Si les données sont toujours les mêmes, vous avez raison, mais c’est justement ce que je ne sais pas.
Vous devez avoir un code d’honneur à vous bien que vous soyez dans l’Armée. Vous savez naturellement que la neutralité de la Norvège a été violée.
Oui. A notre point de vue, elle a d’ailleurs été doublement violée.
Savez-vous que les 12 et 13 mars 1940 Jodl écrivait dans son journal : « Le Führer cherche encore une excuse à présenter au monde pour l’invasion de la Norvège » ? Vous le savez, n’est-ce pas ?
Je ne connais ni ce journal ni cette remarque.
Vous avez pris activement part à l’invasion de la Norvège, n’est-ce pas ?
Quelques jours après le début de l’invasion, j’ai commandé l’Aviation sur ce front, pendant un temps très court.
Vous avez eu un commandement en chef en Norvège ?
Oui.
Je crois qu’il est nécessaire d’apporter une précision au sujet d’une erreur de traduction. Je viens d’entendre qu’on a cité une annotation de l’accusé Jodl en traduisant de la façon suivante : « Le Führer cherche encore une excuse... ». Or, dans le texte allemand, il est dit « justification ». Dans ce cas-là, il n’est pas permis de traduire par « prétexte » ou « excuse » ; c’est là une signification toute différente.
Quelle que soit la traduction, cette annotation prouve que le Führer cherchait toujours soit une raison, soit une excuse. Je veux seulement vous poser une autre question à ce sujet. Vous savez que Belgrade a été bombardé. Je crois que c’était au mois d’avril 1941.
Je l’ai su à l’époque par les communiqués de l’Armée.
Sans qu’il y eût de déclaration de guerre et sans que la population civile fût prévenue ? Le savez-vous ?
Non, je l’ignore.
N’en avez-vous pas parlé avec Göring ?
De l’attaque de Belgrade ?... Non, je ne m’en souviens pas.
A-t-il jamais exprimé disons, des regrets, d’avoir bombardé une grande capitale sans même prévenir la population civile, même pas une heure avant ?
Je n’en ai pas eu connaissance, je ne me souviens pas d’une telle conversation.
C’est de l’assassinat, n’est-ce pas ? (Le témoin ne répond pas.) Peut-être préférez-vous ne pas répondre à cette question ?
Je ne peux pas répondre par oui ou par non, car j’ignore les circonstances de cette attaque. Je ne sais pas si la guerre avait été déclarée, je ne sais pas si un avertissement préalable avait été donné, je ne sais pas si Belgrade était une forteresse, ni quel but on poursuivait. Je connais bien d’autres bombardements au sujet desquels on pourrait poser la même question, sous la même forme.
Je ne poserais pas cette question, témoin, si je n’avais devant moi un document relatant l’ordre donné par Hitler de détruire Belgrade par des vagues de bombardiers, sans ultimatum et sans interventions diplomatiques préalables. Vous aurais-je posé la question si je n’avais pas ce document entre les mains ? Passons donc à autre chose.
Je dois dire que j’ai eu aujourd’hui, pour la première fois, connaissance de ce document, par votre bouche.
Je veux maintenant parler d’une affaire concernant le Stalag Luft IlI à Sagan ? Savez-vous de quoi je veux parler ?
Oui, maintenant je le sais.
Savez-vous que, les 24 et 25 mars 1944, environ 80 officiers de la RAF, originaires d’Angleterre et des Dominions, se sont évadés de ce Stalag Luft III avec quelques autres prisonniers ?
Oui, J’ai appris ces faits au camp de triage anglais où je me trouvais et où toute cette affaire a été relatée par voie d’affiche.
Je vous demanderai comment vous l’avez su, tout à l’heure. Savez-vous que, sur ces 80 officiers, 50 ont été fusillés ?
Oui.
Dans différentes régions d’Allemagne ou des pays occupés, de Dantzig jusqu’à Sarrebruck. Vous l’avez entendu dire ?
Oui, j’ai entendu dire qu’environ 50 d’entre eux avaient été fusillés, mais je ne sais pas où.
Avez-vous entendu dire que leurs corps ne furent jamais retrouvés et que des urnes que l’on supposait contenir leurs cendres furent ramenées au camp ? Vous êtes au courant de ces faits ?
Je l’ai appris par le discours de M, Eden aux Communes, que j’ai lu au camp où je me trouvais.
Bien que tous ces officiers aient été signalés par votre Gouvernement comme ayant été abattus au cours de leur tentative d’évasion ou pour avoir opposé une résistance, vous avez bien appris qu’aucun d’entre eux ne fut blessé, mais que tous les cinquante furent fusillés.
J’ai appris en Allemagne la nouvelle officielle que ces officiers auraient été tués lors d’une tentative de résistance ou au moment d’une évasion. Nous ne l’avons pas crue sous cette forme : nous avons beaucoup discuté à ce sujet et, bien que nous n’ayons alors aucune connaissance particulière des faits, nous craignions qu’ils n’eussent été assassinés.
Vous aviez peur que ces hommes aient été assassinés ? C’est bien cela, n’est-ce pas ?
Oui, nous en avons eu cette impression, après avoir entendu de nombreux détails qui ne concordaient pas.
Il est tout à fait clair que, si ce fut un assassinat, l’ordre de le commettre avait dû venir de haut, n’est-ce pas ?
Certainement. J’ai entendu là-dessus les explications données par le général Westhoff, chef de la direction des prisonniers de guerre lorsque j’étais avec lui en captivité en Angleterre.
Je voudrais vous poser une question à propos de l’organisation des prisonniers de guerre. L’organisation des prisonniers de guerre dépendait-elle de l’OKW ?
A mon avis, oui.
Cette organisation ne s’appelait-elle pas la KGW (Kriegsgefangenenwesen) ou Direction des prisonniers de guerre ?
Je ne peux pas le dire, car je l’ignore. Je savais seulement qu’il y avait un chef qui s’occupait des questions de prisonniers de guerre, à l’OKW.
Et le chef de ce service était-il, à ce moment-là, le Generalmajor von Graevenitz ?
Von Graevenitz, oui.
Le Stalag Luft III était un camp d’aviateurs ?
Oui, il portait ce nom, mais j’étais convaincu que tous les prisonniers dépendaient de l’OKW. C’était mon avis. Je ne puis toutefois l’affirmer puisque je ne savais rien de cette organisation.
La direction de la surveillance des camps d’aviateurs ou de leur inspection était-elle l’inspection 17 ?
Il y avait une inspection qui, d’après son nom, était qualifiée pour s’occuper de ces questions, mais je ne sais pas quel était son rôle, quels étaient ses devoirs ; je ne sais pas s’il s’agissait seulement d’interrogatoires par exemple.
A sa tête se trouvait le Generalmajor Grosch ?
C’est possible, mais je ne puis l’affirmer. Je connais ce nom, mais je ne sais pas s’il occupait ces fonctions.
Et son second était le colonel Waelde ?
Je l’ignore.
Vous étiez le second au ministère de l’Air au mois de mars 1944, n’est-ce pas ?
Il y avait plusieurs commandants en second. J’occupais le même rang que le chef de l’État-Major, que le chef du service du personnel et que le chef de l’armement technique, qui étaient indépendants de moi, mais au même niveau. J’étais, à l’ancienneté, le second officier de l’Aviation.
Y a-t-il eu une conférence à Berlin dans la matinée du samedi 25 mars au sujet de cette évasion ?
Je ne m’en souviens pas.
Göring ne vous a-t-il pas parlé de cette conférence ?
Je ne m’en souviens pas.
Göring ne vous a-t-il jamais dit qu’il y avait eu une conférence entre Hitler, Himmler, lui-même et Keitel ce samedi matin ?
Non, je n’en sais rien, je ne m’en souviens pas.
A qui fut donné l’ordre d’assassiner ces prisonniers de guerre lorsqu’ils furent repris ?
Je ne peux m’en souvenir. D’après ce que j’ai entendu ultérieurement, cela a dû se passer tout autrement. J’ai entendu là-dessus la communication du général Westhoff, qui a été cité tout à l’heure, et celle du général Bodenschatz.
Le général Westhoff va venir ici comme témoin. Il a fait une déclaration à ce propos disant
Je m’excuse, mais je n’ai rien entendu. L’allemand m arrive très faiblement. Je vous entends, mais pas la traduction allemande.
Le général Westhoff...
Oui.
A donné une explication...
Oui.
Et nous allons l’entendre ici comme témoin.
Oui.
C’est pourquoi il est peut-être préférable de ne pas vous interroger sur ce point Ce sera plus courtois vis-à-vis de la Défense Mais pensez-vous, si ces officiers ont été assassinés, pour employer vos propres paroles, en essayant de s’échapper d’un camp de prisonniers de la RAF, que cela se soit passé sans que Göring le sache ?
Je crois que c’était parfaitement possible, surtout en raison de la grande confusion qui régnait dans les milieux officiels à l’époque.
Une grande confusion, au mois de mars 1944 ?
Il a toujours régné une épouvantable confusion dans ces services.
Il est pourtant clair...
Hitler s’occupait de tout et donnait des ordres directement en passant par-dessus les chefs de la Wehrmacht.
N’avez-vous jamais parlé de cette affaire avec Göring ?
Non, je ne me souviens pas en avoir parlé à Göring.
Ne croyez-vous pas que cette affaire jette la honte sur les Forces armées allemandes ?
Oui, c’est une grande honte.
Et pourtant Göring ne vous en a jamais parlé ? En avez-vous parlé à Keitel ?
Je ne saurais le dire. A cette époque, je ne voyais presque jamais Göring.
En avez-vous parlé à Keitel ?
Non, jamais. Je le voyais encore bien moins.
Y avait-il au ministère de l’Air un général Foster ou Förster ?
Oui.
Le général Förster ?
Oui.
Était-il chef de l’État-Major d’opérations ?
Non, il était chef de la Luftwehr et il devait, à ce titre, s’occuper du remplacement du personnel et des équipages. Il s’occupait de questions de personnel avec l’État-Major général ou avec le Reichsmarschall. Pendant la guerre, il était aussi responsable de l’Aviation civile, domaine dans lequel il a collaboré avec moi, mais pendant la guerre c’était peu de chose.
Je voulais vous demander s’il vous a jamais parlé de ce massacre ?
On m’a déjà posé cette question, mais je ne m’en souviens pas, avec la meilleure volonté. Il n’est pas impossible qu’au cours d’une conversation il m’ait dit que des officiers aient été fusillés ; comment et à la suite de quelles circonstances, je ne le sais plus. Il ne m’a pas fait de rapport de service et je n’avais pas à en demander.
Si Förster vous l’avait dit, l’auriez-vous jamais signalé à Göring ?
Je ne me souviens même pas d’une conversation avec Förster et je ne crois pas lui avoir parlé à ce sujet. Il ne m’a pas remis de compte rendu à transmettre à Göring, mais il l’aurait fait plus directement et plus rapidement en le faisant parvenir à Göring par ses soins.
Avez-vous pris des mesures pour empêcher ces fusillades ?
Lorsque j’en ai entendu parler pour la première fois, je n’ai pas compris exactement ce qui s’était passé. Mais même si j’en avais eu une idée très nette, il était évident, d’après les paroles de M. Westhoff, qu’il aurait été beaucoup trop tard pour intervenir.
Pourquoi trop tard ?
Parce que Westhoff fut le premier officier a en avoir connaissance et, lorsqu’il l’a su, l’ordre avait déjà été exécuté. Je signale que le général Westhoff me l’a dit et il pourra le confirmer.
Vous prétendez donc que vous n’êtes jamais allé voir Göring à cette occasion ?
Non, je ne m’en souviens pas.
Il y a encore trois points sur lesquels je voudrais avoir des explications. Ils concernent l’utilisation de la main-d’œuvre pour l’industrie d’armement. M. Justice Jackson vous a posé des questions à ce sujet. Avez-vous employé de la main-d’œuvre provenant des camps de concentration ?
Oui.
Voulez-vous regarder le document PS-1584 qui figure au procès-verbal de l’audience de l’après-midi du 12 décembre (Tome III, page 475) ?
S’agit-il d’un télégramme de Göring à Himmler en date du 14 février 1944 ? Il y a plusieurs noms de code qui désignent le Reichsführer SS, c’est-à-dire Himmler, ministre du Reich. Qui l’a envoyé ? Ce télégramme est signé de Göring, mais celui-ci ne s’occupait pas de questions de main-d’œuvre, n’est-ce pas ?
Je ne puis le dire. Je n’en connais pas la provenance
Vous vous occupiez bien des attributions de main-d’œuvre à l’armement aérien, n’est-ce pas ?
Aussi longtemps que je me suis occupé des armements aériens, j’ai envoyé des demandes de main-d’œuvre aux services compétents, mais ce télégramme n’émane pas de mes services.
S’il n’émane pas de vos services de quel service vient-il ?
Tout cela est très complexe ; il y a d’abord la question d’une autre escadrille...
Répondez à ma question, je vous prie De quel service émane-t-il ?
Je ne peux pas le dire maintenant.
Très bien.
Je ne le sais pas.
La deuxième phrase est la suivante : « Je vous demande également de mettre à ma disposition le plus grand nombre possible d’internés des camps de concentration pour les constructions aéronautiques, étant donné que ce type de main-d’œuvre s’est avéré très utile » Vous avez souvent utilisé la main-d’œuvre des camps de concentration, n’est-ce pas ?
A la fin, oui. Puis-je demander de quel mois est ce télégramme daté 15 ?
Je vous l’ai dit, témoin, il est en date du 14 février 1944. C’est indiqué en haut du document.
Oui, je ne pouvais pas le lire.
Non. Je comprends. Himmler a-t-il réagi en vous fournissant les 90 000 internés des camps de concentration ? Je parle du document PS-1584 n° 3, en date du 9 mars 1944. Il est adressé au « Très honoré Reichsmarschall » par Heinrich Himmler. En voici le contenu :
« ... L’Aviation emploie en ce moment 36.000 internés environ. Il en faudrait 90 000. »
Puis, au dernier paragraphe : « L’installation sous terre de l’industrie aéronautique demande encore environ 100 000 prisonniers ». Il s’agissait d’internés des camps de concentration, n’est-ce pas, témoin ?
Oui, je le vois d’après cette lettre.
Vous avez dit que vous étiez à peu près ignorant des conditions existant dans les camps de concentration ?
Je n’en savais rien.
Vous n’avez pas vu les films établis après la libérations des camps ?
Non.
L’effrayant contraste existant entre les gardiens et les civils gras à souhait et bien nourris et Les internés, véritables squelettes ambulants ?
Je n’ai pas vu le film, mais j’ai vu des photographies en Angleterre.
Avez-vous délibérément fermé les yeux sur tout ce qui se passait en Allemagne ?
Non, nous n’avions aucune possibilité de nous en rendre compte.
Même vous, dans votre situation, vous ne pouviez pas savoir ce qui se passait ?
C’était tout à fait impossible.
Maintenant, je voudrais parler brièvement d’une question qui a été effleurée par M. Justice Jackson Ce dernier n’a pas lu la lettre à l’audience. C’est la question des expériences qui devaient servir à l’Aviation. Je vais me référer au plus petit nombre possible de documents pour vous poser des questions, mais je pourrai donner la référence.
Savez-vous que, le 15 mai 1941, c’est le document PS-1602, le Dr Rascher a envoyé une lettre à Himmler ?
Je ne connais pas cette lettre. Je crois que je l’ai dit au cours des interrogatoires.
On voulait réaliser de très dangereuses expériences pour lesquelles aucun volontaire ne se présentait et elles ne pouvaient être réalisées sur des singes. Aussi demandait-il qu’on lui procurât des êtres humains, ce que Himmler a accepté très volontiers. Ceci se passait en 1941. Étiez-vous au courant ?
Non, je n’en sais rien.
Rascher était...
Je ne l’ai pas connu personnellement.
Il était médecin à l’État-Major de la Lüftwaffe.
Mais, monsieur Roberts, je ne vois pas de lettre adressée à ce témoin !
Monsieur le Président, la lettre suivante est une lettre signée par ce témoin. C’était là une question préliminaire. Peut-être ferais-je mieux d’en venir à la lettre qu’il signa. Je vous remercie.
Je vais maintenant vous présenter les documents PS-343 et PS-607, si le secrétaire veut avoir l’obligeance de vous les remettre.
Monsieur Roberts, il a déjà été interrogé sur cette lettre au cours du contre-interrogatoire, n’est-ce pas ?
Je ne pensais pas que cette lettre eût été lue ou qu’on en eût parlé suffisamment. Est-ce le cas ?
Cette lettre lui a été présentée. Je ne sais pas si elle a été lue à l’audience.
Je m’en remets au Tribunal. Je sais que le sujet a été traité. Je pensais cependant que cette lettre devait être lue à l’audience, mais je peux me tromper.
On m’a dit que cette lettre n’a pas été lue mais que les deux lettres ont été présentées au témoin.
Je suis d’accord.
Si vous voulez bien patienter quelques minutes, Monsieur le Président, je crois qu’il me sera possible de régler cette affaire qui est très importante (S’adressant au témoin.) Voici la lettre du 20 mai 1942 que vous avez envoyée à « Wölffchen », c’est-à-dire à l’Obergruppenführer Wolff, et qui est signée par vous, n’est-ce pas ?
Oui, c’est exact. C’est la lettre qui, comme je l’ai dit ce matin, me fut présentée par l’Inspection du service de santé et dont il ressort que nous ne voulions pas nous mêler de cette affaire. Nous l’avons rédigée le plus poliment possible.
Voici ce qu’il y a d’important dans cette lettre, si vous nous permettez de la résumer. Vous avez dit :
« En réponse à votre télégramme du 12 mai, l’Inspection du service de santé... »
Monsieur Roberts, si je me souviens bien, quand ces lettres lui ont été présentées, le témoin a dit qu’il les avait signées sans les avoir lues.
Très bien, Monsieur le Président ; je vais alors abandonner cette question puisque vous estimez qu’elle a déjà été épuisée, (Au témoin.) Vous voulez faire croire au Tribunal que vous avez signé ces deux lettres à Wolff, qui était officier de liaison, n’est-ce pas ?... Qui était Wolff ?
Wolff n’était pas officier de liaison. Il était l’adjoint de Himmler ; il nous avait envoyé un télégramme probablement à l’attention de l’Inspection du service de santé ; l’inspecteur répondit, en passant par moi parce que pour une raison ou pour une autre il ne paraissait pas opportun que ce fût lui qui répondit directement. J’ai dit, lors de mes interrogatoires, que j’avais signé ces lettres, mais qu’elles n’émanaient pas de mes services, qu’elles n’avaient pas été dictées dans mon bureau et que l’on avait employé mon papier à lettres pour la réponse de l’Inspection du service de santé, ce qui arrivait fréquemment. Je n’avais rien à voir avec nos expériences sur les hautes altitudes, ni avec l’Inspection du service de santé, et je n’avais aucun rapport avec les expériences des SS.
Saviez-vous que ces expériences des chambres de pression furent réalisées avec des êtres humains, sur des êtres vivants fournis par Dachau ?
Les sujets d’expériences sont indiqués dans la lettre présentée par l’Inspection du service de santé. Dans la Lüftwaffe, nous tentions ces expériences sur nos propres officiers du service de santé qui étaient des volontaires, et comme nous les faisions avec notre propre personnel, nous considérions que cela n’intéressait que nous. Nous ne voulions pas collaborer dans ce domaine avec les SS, car leurs résultats ne nous intéressaient pas Ces expériences avaient déjà été tentées chez nous depuis longtemps sur nos propres hommes. Les SS s’occupaient de ce qui ne les regardait pas et nous n’avons jamais compris pourquoi ils s’étaient mêlés de cette question.
Mais Himmler ne vous a-t-il pas écrit une lettre en novembre 1942 ? C’est le document PS-1617, dans lequel il dit que les expériences de résistance à l’eau froide et aux hautes pressions atmosphériques ont été exécutées et que lui, Himmler, a fourni à cet effet des criminels et des éléments asociaux provenant des camps de concentration. Vous souvenez-vous de cette lettre ?
On m’a montré cette lettre, mais je ne m’en souviens pas. Je ne sais pas du tout pourquoi M Himmler m’a écrit, alors que de mes services ces lettres allaient directement, sans que je les voie, à l’autorité compétente, l’Inspection du service de santé ; les réponses en revenaient par l’intermédiaire de mes services. Il m’était impossible de prendre position au sujet de ces questions, car je ne savais pas de quoi il s’agissait et je ne pouvais pas apprécier ce qui se passait au point de vue médical.
Si vous prétendez ne rien savoir de lettres que vous avez vous-même signées, il est inutile d’insister. Venons-en au dernier point.
J’avais, chaque jour, plusieurs centaines de lettres à signer et je ne pouvais pas toujours savoir de quoi il s’agissait. Dans ce cas particulier, cela demandait des connaissances spéciales que je n’avais pas. J’ai simplement signé afin de dégager l’inspecteur du service de santé d’une responsabilité qu’il ne voulait pas assumer, pour les raisons que j’ai données ce matin.
Très bien, je laisse ce sujet.
Un dernier point maintenant Vous avez dit, vendredi, qu’un général allemand avait été exécuté pour avoir volé des bijoux. Où ce vol a-t-il eu lieu ?
Je ne puis pas le dire. Il me semble que ces faits se sont passés à Belgrade. Il s’agit du général Wafer. Je m’en souviens encore.
Il s’agissait de bijoux volés à Belgrade ?
Je ne puis le dire, je n’en sais pas plus que ce que j’ai dit vendredi.
Les autorités allemandes ont estimé que le vol méritait la peine de mort, n’est-ce pas ? C’est bien cela ?
Je n’ai pas pu entendre la question
C’était une remarque. Je passe à la question suivante : quelle était la valeur des bijoux volés ?
Je ne sais pas. Je ne connais ni les conditions du vol, ni sa nature, ni son importance. Je sais seulement qu’on a volé des bijoux et que ce vol fut puni de mort.
Göring ne vous a-t-il jamais parlé de la collection d’objets d’art qu’il était en train de se constituer dans les pays occupés ?
Je ne sais rien là-dessus.
Puis-je vous lire un extrait de document ? C’est un ordre signé de Göring, du 5 novembre 1940, et adressé au chef de l’administration militaire à Paris et à l’Einsatzstab Rosenberg, disposition des objets d’art apportés au Louvre dans l’ordre suivant :
1° Tous les objets d’art...
Monsieur Roberts, le témoin n’a jamais vu ce document et ne sait rien à ce sujet.
Bien, Monsieur le Président (Au témoin.) Vous dites que Göring n’a jamais parlé avec vous de sa collection d’objets d’art ?
Non.
Ne saviez-vous pas que des objets d’art de grande valeur, au nombre de 21.000, avaient été pris dans les pays occupés à l’Ouest ?
Non, je n’en savais rien.
Qu’aurait pu faire le général qui avait volé des bijoux à Belgrade ? Les offrir au Führer ou à Göring ?
Je vous prie de ne pas m’obliger à répondre à cette question.
Pouvez-vous me dire quand vous avez été mis au courant de la guerre que Hitler projetait contre l’Union Soviétique ? En janvier 194l ?
En janvier, j’ai appris, comme je l’ai dit vendredi, par le Reichsmarschall Göring, que Hitler lui avait dit qu’il s’attendait à une attaque de la part de la Russie. Puis, pendant plusieurs mois, je n’en ai plus entendu parler, lorsque, par hasard, un subordonné m’a dit qu’une guerre avec la Russie était imminente et que les préparatifs nécessaires étaient faits pour l’habillement des hommes.
Connaissiez-vous le « Cas Barbarossa » ?
J’ai entendu ce nom et j’ai entendu exposer ce plan lors d’une conférence chez le Führer avec les Commandants en chef et les chefs des différents groupes d’armées, un ou deux jours avant l’attaque.
Et quand cela se passait-il ? Un ou deux jours avant l’invasion ?
Je puis vous dire exactement la date. Une seconde, s’il vous plaît.
Je vous en prie.
Le 14 juin. C’était environ huit jours avant l’attaque qui eut lieu le 22.
Et, avant cela, vous n’aviez jamais entendu parler du « Cas Barbarossa » et vous ne l’aviez jamais vu ?
Je vous ai déjà dit que j’ai dû entendre ce nom auparavant.
Combien de temps avant ?
Je ne puis le dire, car j’ai passé les mois de janvier, février, mars et avril à l’étranger, et je ne suis revenu qu’au mois de mai. Je suis allé en Afrique, en Grèce, en Yougoslavie et à l’Ouest.
A quel moment étiez-vous au Haut Commandement de la Lüftwaffe. En décembre et janvier, étiez-vous en Allemagne ?
En décembre 1940 ?
Oui.
En partie seulement car pendant ce mois je me suis également trouvé en France et en Italie.
Et en janvier 1941 vous vous trouviez être en Allemagne ?
Je suis resté à l’Ouest en permanence et, si je me souviens bien, je ne suis pas allé un seul jour en Allemagne.
Mais vous venez de déclarer qu’au mois de janvier 1941 vous avez eu un entretien avec Göring au sujet du plan d’agression contre l’URSS. En janvier, n’est-ce pas ?
Oui, je...
En janvier 1941 ?
Oui, le 13 janvier, et je ne sais plus très bien si j’ai parlé à Göring en France, ou si c’était par téléphone, ou si je suis allé un ou deux jours en Allemagne. Je ne m’en souviens plus. Je n’ai aucune note là-dessus.
Je vous demande pardon, vous dites que vous avez pu avoir une conversation téléphonique sur une attaque contre la Russie ?
Non, pas d’une attaque contre la Russie, mais d’une attaque de la Russie contre l’Allemagne. C’est de cela qu’on a parlé à l’époque et nous avions…
Vous voulez dire que vous avez discuté au téléphone de la question d’une attaque de la Russie contre l’Allemagne ?
Je n’ai rien déclaré de ce genre. Je dis seulement que je ne sais pas si l’on m’a donné l’indication par câble spécial, qui ne pouvait être écouté, ou si le Reichsmarschall me l’a dit en France, ou encore si ce jour-là je me trouvais en Allemagne.
Mais quand vous avez discuté cette question avec Göring et que Göring vous a déclaré qu’il ne voulait pas la guerre avec la Russie, à quelle époque était-ce ?
C’était le 22 mai.
Le 22 mai 1941 ?
1941, oui.
Où cette question a-t-elle été discutée ?
Ici, près de Nuremberg, à Veldenstein.
Avez-vous discuté cette question seulement avec Göring, ou quelqu’un d’autre prenait-il part à la conversation ?
A ce moment-là, seulement avec Göring. Nous étions seuls tous les deux.
Et vous affirmez que Göring ne voulait pas la guerre contre l’URSS ?
C’était mon impression.
Pourquoi donc Göring ne voulait-il pas faire la guerre à un pays qui avait l’intention d’attaquer l’Allemagne ? C’était une guerre défensive dans ce cas ?
Göring était ennemi d’une telle guerre, parce qu’il savait...
Il était aussi ennemi d’une guerre défensive ?
Personnellement, il était opposé à toute guerre.
Bizarre. Peut-être pourriez-vous me donner les raisons précises de cette hostilité de Göring à une guerre contre l’URSS ?
Parce qu’une guerre sur deux fronts, et en plus de cela une guerre contre la Russie, était impossible à gagner. Et je crois que beaucoup de soldats et autres étaient de mon avis.
Ainsi, vous étiez également opposé à la guerre contre l’URSS ?
J’étais un ennemi déterminé d’une guerre avec la Russie.
Bizarre ; vos déclarations ne sont pas logiques. D’une part vous dites que l’URSS allait attaquer l’Allemagne et d’autre part vous dites que Göring et d’autres officiers allemands de haut rang ne voulaient pas la guerre contre l’URSS.
Puis-je encore une fois m’expliquer à ce sujet : le 13 janvier, Göring me dit que Hitler avait l’impression que la Russie voulait faire la guerre à l’Allemagne. Ce n’était ni l’opinion de Göring, ni la mienne, mais c’était celle que Hitler avait exprimée.
Je vous demande pardon. Dois-je comprendre que ni Göring ni vous n’aviez la même certitude que Hitler ?
Je ne puis parler qu’en mon nom. J’ai souvent dit que je ne croyais pas à une attaque venant de Russie. Ce que Göring en pensait, je ne puis le dire, car il ne m’en a pas parlé. Vous devriez le lui demander.
Pour le moment, c’est à vous que je pose la question. Vous voulez dire que, personnellement, vous ne partagiez pas l’opinion de Hitler et que Göring également ne voulait pas la guerre contre la Russie ?
Le 22 mai, lorsque j’en parlai à Göring, et que je le priai instamment d’éviter une guerre contre la Russie, Göring me dit que lui-même avait tenu le même langage à Hitler mais qu’il avait été impossible de le faire changer d’avis, que sa décision était prise et qu’aucune force au monde ne pourrait y changer quelque chose.
Je comprends. Göring était opposé à une guerre contre la Russie parce qu’il la considérait comme impossible à mener conjointement avec la guerre contre l’Angleterre. C’était sans doute pour éviter la guerre sur deux fronts ?
Du point de vue purement militaire, oui, mais je crois que si, à cette époque, on n’en n’était pas venu aux mains, par la suite le conflit aurait été définitivement évité.
Et vous pensez sérieusement qu’on peut parler de guerre préventive si longtemps à l’avance et élaborer en même temps le « Cas Barbarossa » et les préparatifs de son exécution. Croyez-vous vraiment que cette guerre était une guerre préventive ?
Je n’ai pas compris le sens de la question.
Comment expliquer que d’une part la Russie voulût attaquer l’Allemagne et que, d’autre part, d’après les dates des documents officiels, on eût préparé l’agression contre l’URSS dès décembre 1940 ?
A mon avis Hitler, attendant une attaque de la Russie, en admettant que ce fut le cas, prétendait la prévenir par une guerre préventive, mais cela n’a rien à voir avec ce que l’on m’a demandé ici. Personnellement, je ne croyais pas que la Russie allait nous attaquer. Sans pouvoir juger la situation dans son ensemble, je croyais que la Russie ne le ferait pas, et ceci dans son intérêt, comme j’ai cru le comprendre.
Je comprends. J’ai encore quelques questions à vous poser au sujet des prisonniers de guerre. On a déjà parlé ici de l’emploi des prisonniers de guerre et, notamment, des prisonniers de guerre soviétiques, dans l’industrie aéronautique.
Oui.
Que pensez-vous du fait consistant à faire travailler les prisonniers de guerre contre leur propre patrie ?
C’est évidemment peu élégant, mais je crois que tous les pays l’ont fait avec nos propres prisonniers.
Je vous parle de l’Allemagne en ce moment. Vous dites que ce n’est pas très élégant. N’est-ce pas une appréciation un peu faible ?
Ce que font les autres importe. Toutes les lois de la guerre sont basées sur la réciprocité, tant que celle-ci existe.
Je vous prierai encore une fois de répondre à mes questions. Quelle fut l’attitude du Haut Commandement allemand à l’égard de ce procédé ? Ne croyez-vous pas que ce soit en contradiction flagrante avec les dispositions du Droit international ?
C’est une question qui n’est pas très claire pour moi aujourd’hui encore. Je sais seulement que l’ordre fut donné, pour défendre notre existence, d’utiliser ces hommes et ces femmes.
Pensez-vous que cet ordre soit légitime ?
Je ne peux pas en juger ; cela dépend des circonstances et de la réciprocité.
Monsieur le Président, je demande qu’on supprime du procès-verbal la dernière question et la dernière réponse. On a demandé au témoin un jugement de valeur sur une question de Droit ; ce n’est pas là son rôle, et comme la question ne saurait être recevable, il n’y a pas lieu de tenir compte de la réponse.
Général Rudenko ?
Je voudrais préciser que j’ignorais que le témoin ne sût pas si c’était là ou non une violation du Droit international. Au contraire, j’ai toutes les raisons de croire qu’il est compétent en la matière, d’autant plus qu’au début de sa déposition, aujourd’hui et vendredi, il a cité dix règles que les soldats avaient à respecter et a ajouté qu’elles étaient fondées sur le Droit international Je pense donc que le témoin peut répondre à la question de l’emploi que la Lüftwaffe a fait, contre leur patrie, de certains prisonniers de guerre. Si le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de poser cette question, je la retirerai bien volontiers.
La question aurait pu être posée différemment ; on aurait pu demander au témoin si ces faits étaient en contradiction avec les règles que les soldats avaient dans leur livret individuel. Mais pour autant qu’il s’agisse d’une règle de Droit international, c’est le Tribunal qui statuera ; il n’a donc pas besoin sur ce point des déclarations du témoin.
Certainement J’ai encore deux questions à poser au témoin.
Nous voulions lever l’audience à 16 h. 30. Si vous avez l’intention de poser encore des questions, il vaudrait peut-être mieux lever l’audience maintenant. Ou bien avez-vous terminé ?
Je pense qu’il vaut mieux suspendre maintenant, car j’ai encore quelques questions à poser au témoin.