QUATRE-VINGT-UNIÈME JOURNÉE.
Jeudi 14 mars 1946.
Audience du matin.
Avez-vous pris part à l’élaboration du programme du Parti ?
Non. Le programme du Parti avait déjà été établi et rendu public quand j’entendis parler du mouvement pour la première fois et que je manifestai l’intention d’y adhérer.
Quelle est votre position à l’égard des points de ce programme ?
Objective dans l’ensemble. C’est l’évidence même qu’un homme ayant le sens politique, admette et accepte rarement tous les points du programme d’un parti politique.
En dehors des points du programme du Parti qui sont généralement connus, y avait-il d’autres buts tenus secrets ?
Non.
Ces buts devaient-ils être atteints par tous les moyens, même illégaux ?
Évidemment, ils devaient être atteints par tous les moyens. Il convient sans doute d’éclaircir le sens du mot « illégaux ». Si mon but est une révolution, il s’agit bien alors d’une action illégale pour l’État existant à cette époque. Si je réussis, cette action devient un fait qui a par conséquent une existence légale et juridique. Jusqu’en 1923 et jusqu’aux événements du 9 novembre, nous étions tous, moi y compris, décidés à parvenir à notre but, au besoin par des moyens révolutionnaires. Quand cette méthode se révéla une erreur, le Führer, après son retour de forteresse décida que nous devrions à l’avenir agir légalement en utilisant les moyens de la lutte politique comme l’avaient fait les autres partis, et le Führer interdit toute action illégale afin d’éviter tout ralentissement dans l’activité du Parti.
A quel moment et dans quels buts les SS ont-elles été créées ?
Les SS ont été créées alors que j’étais à l’étranger ; je crois que c’était en 1926 ou 1927. Elles avaient pour but, autant que je m’en souvienne, en premier lieu de former, à l’intérieur du mouvement, un corps de troupes spécialement recrutées pour la protection de la personne du Führer. A l’origine, cette formation était très réduite.
Avez-vous appartenu, à un moment donné, aux SS ?
Je n’ai jamais et à aucun moment appartenu aux SS, ni activement, ni à titre honorifique.
Il est donc faux de prétendre que vous étiez général dans les SS.
Oui, absolument faux.
Qu’entendiez-vous par les mots « race des seigneurs » ?
Personnellement, je n’y entends rien, car ce mot vous ne le trouverez dans aucun de mes discours, dans aucun de mes écrits. Je pense, si l’on est un seigneur, qu’on n’a pas besoin de le faire remarquer.
Que comprenez-vous dans le concept : « espace vital » ?
C’est un sujet qui prête à beaucoup de controverses. Je comprends tout à fait bien que des puissances qui, ensemble — je fais allusion aux puissances signataires considèrent que plus des trois quarts du monde leur appartiennent, envisagent les choses fort différemment. Mais pour nous, qui avions 144 habitants au kilomètre carré, les mots « espace vital » signifiaient l’écart entre la population et le ravitaillement de cette population, entre son développement et son standard de vie.
Une expression qui revient fréquemment est celle de « prise du pouvoir ».
Je tiens à dire que « prise du pouvoir » est un terme technique. Nous aurions pu tout aussi bien employer un autre terme mais, en fait, celui-ci exprime aussi nettement que possible ce qui s’est effectivement passé ; nous avons bel et bien pris le pouvoir.
Quelle est votre position sur le « principe du chef » ?
J’étais partisan de ce principe et je le suis encore positivement en toute conscience. On ne doit pas faire l’erreur d’oublier que la structure politique dans les divers pays a des origines différentes et se modifie de différentes manières. Ce qui convient parfaitement à un pays peut échouer complètement dans un autre. L’Allemagne, au cours de longs siècles de régime monarchique, a toujours connu ce principe du chef. Le régime démocratique apparut en Allemagne à une époque où elle était en mauvaise posture et se trouvait au fond de l’abîme. J’ai expliqué hier le manque total d’unité qui existait en Allemagne, le nombre de partis, l’insécurité continuelle causée par les élections. A ce sujet, il s’était produit une altération totale des concepts d’autorité et de responsabilité qui avaient été complètement invertis. L’autorité était aux mains de la masse et la responsabilité aux mains du chef, contrairement à la normale. Je suis encore d’avis que le salut de l’Allemagne, particulièrement à ce moment-là de son déclin, alors qu’il était nécessaire que toutes ses forces fussent efficacement groupées, résidait dans le principe du chef ; c’est-à-dire l’autorité s’exerçant de haut en bas et la responsabilité assumée depuis le bas jusqu’en haut. Je comprends parfaitement que, là encore, un principe parfaitement sain en lui-même puisse conduire à des excès. J’aimerais faire quelques comparaisons. L’édifice de l’Église catholique repose maintenant, comme autrefois, manifestement sur le principe du chef et de la hiérarchie. Et je pense pouvoir dire aussi que la Russie n’aurait pas pu, sans le principe du chef, survivre à la pénible épreuve qui lui a été imposée par cette guerre.
Quant aux mesures de consolidation de votre pouvoir que vous avez décrites hier, ont-elles été prises en plein accord, avec le Président du Reich, von Hindenburg ?
Tant que le Président du Reich fut en vie, et par conséquent en activité, ces mesures furent prises avec son accord. Et chaque fois que, d’après le paragraphe 48 de la Constitution, son assentiment était nécessaire, il le donna.
Le Gouvernement national-socialiste a-t-il été reconnu par les puissances étrangères ?
Notre Gouvernement a été reconnu dès le premier jour de son existence et n’a pas cessé de l’être jusqu’au dernier ; ou, plutôt, jusqu’au moment où les hostilités causèrent la rupture des relations diplomatiques avec plusieurs États.
Des représentants diplomatiques des pays étrangers ont-ils assisté aux congrès de votre Parti à Nuremberg ?
Les représentants diplomatiques furent invités aux congrès du Parti, qui constituaient le plus grand événement et la principale manifestation du mouvement ; si tous ne vinrent pas chaque année, ils y assistèrent tous néanmoins. Je ne me souviens très bien que de l’un d’entre eux.
Jusqu’à quelle année y assistèrent-ils ?
Jusqu’au dernier congrès du Parti, en 1938.
Dans quelle mesure, après la prise du pouvoir, les biens des adversaires politiques furent-ils confisqués ?
Des lois furent publiées qui décrétaient la confiscation des biens des personnes hostiles à l’État, c’est-à-dire les biens des partis que nous avions déclarés hostiles à l’État. Les biens du parti communiste et des organisations affiliées, les biens du parti social-démocrate furent partiellement confisqués, mais non pas, je tiens à le souligner, les biens personnels des membres ni même des chefs de ces partis. Au contraire, un certain nombre des chefs sociaux-démocrates qui avaient été ministres ou fonctionnaires reçurent encore la totalité de leurs pensions. Pratiquement, ces dernières furent même augmentées par la suite.
Comment expliquez-vous les mesures prises contre les syndicats ? Comment expliquez-vous les mesures prises contre les associations de travailleurs libres ?
Voyons d’abord les syndicats. En Allemagne, la majorité des syndicats et les plus importants d’entre eux avaient des liens très étroits avec le parti social-démocrate et, de plus en plus, avec le parti communiste, devant l’influence et l’activité grandissantes des hommes de ce parti. Ils étaient en fait, sinon en titre, des organismes, et des organismes très actifs, de ces partis. Je ne veux pas parler de la masse des adhérents des syndicats, mais des dirigeants. De plus, il y avait un syndicat chrétien moins important, qui était, lui, un organisme du parti du centre.
Ces syndicats, à cause de leurs chefs et des liens étroits qui unissaient ces derniers avec les partis que nous considérions comme nos adversaires, étaient de connivence avec nos ennemis à un tel point qu’ils ne pouvaient en aucune façon, trouver place dans notre nouvel État. En conséquence, l’organisation des syndicats fut dissoute et on créa pour les travailleurs l’organisation du Front des travailleurs allemands. A mon avis, il n’en résulta nullement la destruction de la liberté du travailleur allemand ; au contraire, je suis convaincu que nous lui avons donné la vraie liberté Cette liberté résida en premier lieu dans la satisfaction donnée à son droit d’avoir un travail et nous avons attaché une particulière importance à sa place dans l’État.
Évidemment, nous avons supprimé deux choses que sans doute l’on considérait, à tort à mon avis, comme caractéristiques de la liberté : les grèves, d’une part et, de l’autre, les lockouts. Ces deux choses sont incompatibles avec le droit au travail et avec les devoirs que chaque citoyen doit remplir pour la grandeur de son pays. Ces deux facteurs de perturbation, qui avaient contribué à l’extension du chômage, nous les avons supprimés. Mais, à leur place, nous avons dressé un vaste programme de travaux.
Trouver du travail fut un autre point essentiel de notre programme social ; il fut également adopté par d’autres, mais sous un autre nom. Je n’ai pas l’intention de m’étendre sur ce programme social. Néanmoins, ce fut la première fois que le travailleur eut droit à des congés, des congés payés. Je le dis entre parenthèses. De grands centres de villégiature furent créés pour les travailleurs. Des sommes énormes furent investies dans un programme de logements pour travailleurs. Le standard de vie de l’ouvrier fut élevé sur toute la ligne. Jusqu’à cette époque, l’ouvrier avait été utilisé et exploité. C’est à peine s’il avait quelque chose qui lui appartînt, car, durant les années de chômage, il avait dû vendre ou engager ses biens. Aussi je voudrais, sans entrer dans les détails, dire en guise de conclusion que nous n’avons nullement mis les travailleurs libres en esclavage, mais plutôt que nous avons libéré le travailleur de la misère du chômage.
Vous avez parlé hier de la révolte de Röhm. Qui était Röhm et que fut au juste cette révolte ?
Depuis 1931, Röhm était le chef de l’État-Major des SA, c’est-à-dire qu’il était responsable des SA devant le Führer qui était lui-même le Chef suprême des SA ; Röhm commandait les SA au nom du Führer.
La principale divergence entre Röhm et nous était la suivante :
Röhm, comme son prédécesseur Pfeffer, était pour l’emploi de moyens violemment révolutionnaires, tandis que le Führer, comme je l’ai déjà dit, avait ordonné une action légale qui devait, en se poursuivant, conduire au succès final.
Après la prise du pouvoir, Röhm désirait à tout prix prendre en main le ministère de la Défense nationale. Le Führer s’y refusa catégoriquement, car il ne désirait pas que la Wehrmacht fut en aucune façon sous une direction politique ni qu’elle subît une influence politique.
La divergence entre la Wehrmacht et le groupe Röhm — c’est à dessein que je ne parle pas de divergence entre la Wehrmacht et les SA, qui n’existait pas — intéressait seulement ce groupe dirigeant, qui s’intitulait lui-même à cette époque la direction des SA et qui l’était en fait ; cette divergence résidait dans le fait que Röhm voulait éliminer le plus grand nombre des généraux et des officiers supérieurs qui avaient été jusque là membres de la Reichswehr En effet, il était d’avis que ces officiers n’offraient pas de garanties suffisantes pour le nouveau régime ; d’après ses propres termes, ils s’étaient usés sous le harnais au cours des années et n’étaient plus capables d’être des éléments actifs du nouvel État national-socialiste Le Führer et moi-même étions, à cet égard, de l’avis opposé.
En second lieu, les hommes de la tendance Röhm, si je puis m’exprimer ainsi, avaient des buts tout à fait différents, tendant à l’action révolutionnaire ; ils étaient opposés à ce qu’ils appelaient la réaction. Ils voulaient adopter définitivement une attitude plus à gauche. Ils étaient également violemment adversaires de l’Église et des Juifs. Dans l’ensemble, je parle seulement de la clique composée de quelques individus qui voulaient entreprendre une action révolutionnaire. C’est un fait avéré que Röhm avait mis des hommes à lui à tous les postes importants des SA et remplacé les bons éléments et que, d’autre part, il avait égaré, sans qu’ils s’en doutassent, les bons SA.
Si des abus furent commis à cette époque, ils furent toujours le fait des mêmes personnes en premier lieu, du Führer SA de Berlin, Ernst, en second lieu du Führer SA de Breslau, Heines, des Führer de Munich et de Stettin, etc. Quelques semaines avant le putsch de Röhm, un Führer SA de rang subalterne me confia qu’il avait entendu dire qu’une action était en préparation contre le Führer et contre les hommes de son entourage afin de remplacer le plus rapidement possible le Troisième Reich par le définitif Quatrième Reich, pour employer l’expression de ces gens.
Je fus moi-même prié et sommé de placer devant ma maison non seulement des gardes d’un régiment de police, mais aussi de prendre une garde d’honneur de SA. J’ai accédé à cette demande et j’appris plus tard par le commandant de ces troupes que le but de cette garde d’honneur était de m’arrêter le moment venu.
Je connaissais très bien Röhm Je le fis venir. Je lui dis ouvertement ce que j’avais entendu dire. Je lui rappelai le temps de notre combat en commun et lui demandai de conserver sa fidélité inconditionnelle au Führer Je développai devant lui les mêmes arguments que je viens de donner, mais naturellement il m’assura qu’il ne songeait pas à entreprendre quoi que ce fût contre le Führer. Peu de temps après, je reçus d’autres renseignements, relatifs aux relations étroites qu’il avait nouées avec les milieux de nos adversaires acharnés. Il s’agissait, par exemple, du groupe de l’ancien chancelier Schleicher, ainsi que du groupe de Gregor Strasser, ancien membre du Reichstag et ancien organisateur du Parti, dont il avait été exclu. Il y avait les groupes de ceux qui avaient appartenu autrefois aux syndicats et étaient plutôt orientés vers la gauche. Je considérai de mon devoir de consulter alors le Führer à ce sujet. A mon grand étonnement, le Führer me déclara que lui aussi connaissait déjà ces faits et les considérait comme un gros danger. Il dit qu’il voulait néanmoins attendre la suite des événements en les suivant de très près.
Les faits se déroulèrent ensuite à peu près comme le témoin Körner les a exposés ici ; je me dispenserai donc d’en parler. Je reçus l’ordre de prendre des mesures immédiates contre les hommes du groupe Röhm séjournant dans l’Allemagne du nord Il fut décidé que quelques-uns de ces hommes devaient être arrêtés. Quant à Ernst, Führer SA de Poméranie, et deux ou trois autres hommes, le Führer ordonna, dans le courant de la journée, qu’ils fussent exécutés. Lui-même se rendit en Bavière où se tenait la dernière réunion d’un certain nombre de chefs du groupe Röhm et il arrêta personnellement Röhm et ces gens à Wiessee.
A ce moment-là, l’affaire constituait déjà une menace sérieuse car quelques formations SA, grâce à des ordres truqués, avaient été armées et alertées. En un seul endroit il y eut un très bref combat au cours duquel deux chefs SA furent fusillés. Je chargeai la Police, qui se trouvait déjà en Prusse sous le contrôle de Himmler et de Heydrich, de procéder aux arrestations. Je me contentai de faire occuper le Quartier Général de Röhm, qui ne s’y trouvait pas, par le régiment de police régulière que j’avais sous mes ordres. Lorsqu’on fouilla le Quartier Général, à Berlin, du Führer SA, Ernst, on découvrit dans les caves plus de mitraillettes que n’en possédait toute la Police de Prusse.
Après que le Führer, à la suite des découvertes faites à Wiessee eut décidé qui devait être fusillé pour le salut de l’État, vint l’ordre d’exécuter Ernst, Heydebreck et quelques autres collaborateurs de Röhm. Il n’y eut pas d’ordre de fusiller les autres personnes qui avaient été arrêtées. Au cours de l’arrestation de l’ancien Chancelier du Reich, Schleicher, sa femme et lui furent tués. Une enquête sur ce fait fut entreprise et révéla que, lors de l’arrestation, d’après les déclarations de deux témoins, Schleicher fit le mouvement de saisir un revolver, sans doute afin de se suicider. Alors que les deux hommes levaient leur revolver, Mme Schleicher se jeta sur l’un d’eux, provoquant le coup de feu. Nous regrettâmes profondément cet incident.
Au cours de cette soirée, j’appris que d’autres personnes avaient été également fusillées, même des personnes qui n’avaient absolument rien à voir avec le putsch de Röhm. Le Führer arriva à Berlin le soir même. Après avoir appris ces faits tard dans la soirée ou au cours de la nuit, je me rendis auprès du Führer, le lendemain à midi, et je lui demandai de publier immédiatement un ordre interdisant toute nouvelle exécution, bien que deux personnes fortement compromises et dont le Führer avait ordonné l’exécution fussent encore en vie ; elles furent en conséquence épargnées. Je lui demandai d’agir ainsi car je craignais que l’affaire n’échappât à notre contrôle — comme cela s’était déjà produit dans une certaine mesure — et je dis au Führer qu’il ne devait plus y avoir, sous aucun prétexte, de nouvelles effusions de sang.
Le Führer donna alors en ma présence cet ordre qui fut communiqué immédiatement à tous les services. L’action fut ensuite annoncée au Reichstag et approuvée par le Reichstag et par le Président du Reich en tant que mesure d’intérêt national ou de salut public. On regretta que, comme toujours en pareil cas, des erreurs eussent été commises.
Le nombre des victimes a été bien exagéré. Autant que je m’en souvienne encore exactement aujourd’hui, il y eut 72 ou 76 personnes exécutées, dont le plus grand nombre dans l’Allemagne du sud.
Avez-vous été au courant des différentes attitudes adoptées par le Parti et l’État à l’égard de l’Église au cours de ces années ?
Certainement. Mais, pour en finir avec le putsch de Röhm, je tiens à déclarer que j’assume la pleine responsabilité des mesures prises contre ces gens : Ernst, Heydebreck et quelques autres, tous ordres du Führer que j’ai mis à exécution ou transmis moi-même. Aujourd’hui encore, je pense que j’ai fort bien agi et conformément à mon devoir. Je reçus l’approbation du Président du Reich. Mais cette approbation n’était pas nécessaire pour me convaincre que j’avais évité un grand danger à l’État.
Quant à l’attitude à l’égard de l’Église, celle du Führer fut généreuse ; au début, elle le fut totalement. En disant que son attitude fut positive, je n’entends pas par là qu’il adhéra positivement et de façon convaincue à une confession quelconque ; mais son attitude fut généreuse et positive en ce sens qu’il reconnaissait la nécessité de l’Église. Bien qu’il fût personnellement catholique, il désirait que l’Église protestante eût une position plus forte en Allemagne, puisque l’Allemagne était aux deux tiers protestante.
L’Église protestante néanmoins était divisée en Églises d’États, entre lesquelles il y avait quelques petites différences auxquelles les tenants du dogme attachaient une grande importance. Il y eut même, à notre connaissance, une lutte dans le passé qui dura entre eux trente années ; mais ces différences ne nous paraissaient pas tellement importantes. Il y avait les luthériens réformés, les luthériens unis et ceux qui n’étaient pas luthériens. Personnellement, je ne suis pas très versé en cette matière.
D’après la Constitution, en tant que président du Conseil de Prusse, j’étais summus episcopus de l’Église de Prusse, mais je m’occupais très peu de ces choses-là.
Le Führer voulait arriver à l’unification des Églises protestante et évangélique en nommant un évêque du Reich, afin qu’il y eût un haut dignitaire de l’Église protestante et un haut dignitaire de l’Église catholique. A cette fin, il laissa tout d’abord le choix aux Églises évangéliques. Elles ne parvinrent pas — comme il leur arrive fréquemment — à se mettre d’accord. En fin de compte, elles prononcèrent un nom, la seule réponse qui ne nous convînt pas. Un homme devint alors évêque du Reich, qui jouissait de la confiance du Führer plus que tous les autres évêques des pays.
Avec l’Église catholique, le Führer ordonna un concordat qui fut signé par M von Papen. Moi-même, peu avant la conclusion par M. von Papen de ce concordat, je rendis visite au Pape. Par ma mère qui était catholique, j’avais de nombreuses relations avec le haut clergé catholique et de cette façon — étant moi-même protestant — j’avais mes entrées dans les deux camps.
Il y avait naturellement une chose à laquelle le Führer et nous tous, moi y compris, nous tenions : c’était que l’Église se tînt autant que possible à l’écart de la politique. Je ne trouvais pas juste, je tiens à le dire ouvertement, que le prêtre un jour s’occupât humblement dans son église de l’intérêt spirituel de ses ouailles et que le lendemain il vînt au Parlement prononcer un discours plus ou moins combatif.
Cette séparation avait été voulue par nous, c’est-à-dire que le clergé devait se cantonner dans sa propre sphère et éviter de se mêler des affaires politiques. Par suite du fait que nous avions en Allemagne des partis politiques qui avaient de fortes tendances cléricales, il en résulta une confusion considérable. Cela explique qu’à la suite de l’opposition politique qui se manifesta au début sur le plan politique au Parlement et dans les campagnes électorales, il y eut dans une certaine partie de la population une attitude hostile à l’égard de l’Église. Car il ne faut pas oublier que les controverses et les discours électoraux se déroulèrent devant les électeurs et mirent aux prises les représentants politiques de notre Parti et des hommes d’Église représentant les partis politiques qui étaient les plus étroitement inféodés à l’Église.
En raison de cette opposition et d’une certaine animosité qui subsista, il est compréhensible qu’une faction particulièrement agitée, si j’ose m’exprimer ainsi, n’ait pas oublié ces discordes et ait de sa propre initiative transporté à tort la lutte sur un autre terrain. Mais le point de vue du Führer demeurait que les Églises devaient avoir toutes les possibilités d’exister et de se développer. Dans un mouvement et dans un Parti qui, peu à peu, absorbèrent la plus grande partie de la population allemande et qui, dans le domaine de la politique active, absorbèrent aussi toute l’activité politique des citoyens, il est naturel que tous les membres n’aient pas eu, en dépit du principe du chef, les mêmes opinions sur tous les sujets. Les impulsions, les méthodes, les attitudes diffèrent au sein de mouvements d’une telle ampleur même s’ils sont conduits de façon autoritaire, certains groupes se forment pour répondre à certains problèmes. Et si je devais parler du groupe qui voyait toujours dans l’Église, sinon un danger politique, du moins une institution indésirable, je devrais alors citer au premier chef deux personnages : Himmler, d’une part, Bormann — qui devait plus tard se montrer beaucoup plus radical que Himmler — de l’autre.
Les mobiles de Himmler n’étaient pas tant d’ordre politique, mais provenaient surtout d’une mystique confuse. Les buts de Bormann étaient beaucoup plus nets. Il était évident également que dans le grand nombre des Gauleiter il pût y en avoir qui se consacrèrent plus que les autres à la lutte contre l’Église. Il y avait ainsi un certain nombre de Gaue où tout allait très bien pour l’Église ; dans un petit nombre d’autres il y avait une lutte violente contre l’Église. J’eus effectivement à intervenir personnellement à plusieurs reprises. Tout d’abord, pour manifester mon attitude et pour le bon ordre des choses, j’appelai au conseil de l’État de Prusse en tant qu’hommes jouissant de toute ma confiance, deux dignitaires de l’Église protestante et de l’Église catholique.
Je ne suis pas ce que l’on pourrait appeler un dévot, mais j’allais à l’église de temps en temps et j’ai toujours considéré que j’appartenais à l’Église et j’ai toujours, chez moi, eu recours à l’Église pour toutes les cérémonies qu’elle consacre : mariage, baptême, funérailles, etc.
Mon intention, en agissant ainsi, était de montrer aux personnes indécises qui au milieu des opinions divergentes, ne savaient pas trop que faire, que si le deuxième homme de l’État allait à l’église, se mariait religieusement, faisait baptiser et confirmer son enfant, etc., ils pouvaient en toute tranquillité en faire autant. D’après le nombre de lettres que j’ai reçues sur ce sujet, je vois que j’ai eu raison d’agir ainsi.
Mais à mesure que le temps s’écoulait, ’dans ce domaine comme dans d’autres, la situation devint plus critique. Au cours des premières années de la guerre, je parlai encore une fois au Führer à ce sujet et je lui dis que l’important était alors que chaque Allemand fît son devoir et que chaque soldat allât, s’il le fallait, courageusement à la mort. Si en cette circonstance sa foi religieuse lui apportait aide et soutien, qu’il appartînt à telle ou telle confession, cela ne présentait que des avantages. Tout conflit à ce sujet aurait pu nuire considérablement à la force morale du soldat. Le Führer fut entièrement de mon avis. Dans la Luftwaffe, je n’avais pas volontairement désigné d’aumôniers, car j’étais d’avis que chaque membre de l’Armée de l’air pouvait se rendre auprès du ministre du culte dans lequel il avait le plus de confiance.
On l’annonça périodiquement aux soldats et aux officiers au cours des appels. Mais quant à l’Église elle-même, je disais qu’il serait bon qu’il y eût une séparation très nette avec elle. A l’église vous devez faire des prières et non pas l’exercice ; à la caserne vous devez faire l’exercice et non des prières. De cette façon, dès le début, j’ai écarté tout conflit religieux dans la Luftwaffe et j’ai assuré à chacun la plus complète liberté de conscience.
La situation devint rapidement plus critique — et je ne peux sincèrement pas en donner les raisons — principalement au cours des deux ou trois dernières années de la guerre. Cela doit sans doute tenir au fait que dans quelques-uns des territoires occupés, notamment en Pologne et en Tchécoslovaquie, les prêtres étaient les tenants les plus vigoureux du sentiment national, ce qui entraîna sur le plan politique des conflits qui dégénérèrent tout naturellement sur le plan religieux. Je ne suis pas sûr que ce soit là l’une des raisons, mais c’est bien probable. En tout cas, je tiens à dire que le Führer n’était pas personnellement adversaire de l’Église. Il me dit effectivement, un jour, qu’il était certaines questions dans lesquelles il lui était impossible de s’immiscer, même en tant que Führer, eussent-elles dû requérir une réforme ; il croyait qu’on pensait et qu’on parlait beaucoup, à l’époque, de réforme en matière religieuse. Il disait qu’il ne se sentait pas l’âme d’un réformateur de l’Église et qu’il ne désirait pas non plus que ses chefs politiques recherchassent des lauriers sur ce terrain.
Mais, au cours de ces années, un grand nombre d’hommes d’Église d’Allemagne, mais surtout des pays occupés — vous avez vous-même cité la Pologne et la Tchécoslovaquie — ont été emmenés dans des camps de concentration. Savez-vous quelque chose à ce sujet ?
Je savais tout d’abord qu’en Allemagne un certain nombre d’hommes d’Église avaient été envoyés dans des camps de concentration. Le cas de Niemöller était de notoriété publique. Je ne donnerai pas de détails à son sujet car ils sont bien connus. Un certain nombre d’autres prêtres furent envoyés dans des camps de concentration mais seulement au cours des dernières années, lorsque la lutte devint plus critique ; ces prêtres avaient fait en chaire des discours politiques, critiquant des mesures prises par l’État ou le Parti ; en raison de la gravité de ces critiques, la Police eut à intervenir.
J’ai dit une fois à Himmler que je ne croyais pas qu’il fût intelligent d’arrêter des ecclésiastiques. Tant qu’ils ne parlaient qu’à l’église, ils pouvaient bien dire tout ce qu’ils voulaient. Mais s’ils faisaient des discours politiques en dehors de leurs églises, Himmler pouvait alors les poursuivre, comme toute autre personne ayant fait des discours hostiles à l’Etat. Plusieurs prêtres qui étaient allés très loin dans leurs critiques ne furent pas arrêtés. J’ai entendu parler de l’arrestation de prêtres dans les territoires occupés, j’en ai entendu parler et j’ai dit tout à l’heure qu’elles eurent lieu non point pour des motifs religieux et simplement parce qu’il s’agissait de prêtres mais parce qu’ils étaient en même temps des nationalistes — je me place ici à leur point de vue — et qu’ils s’étaient en conséquence, compromis dans des actions hostiles aux forces occupantes.
Le programme du Parti comprenait je crois deux points relatifs à la question des Juifs. Quelle fut votre position à ce sujet ?
Cette question sur laquelle on a particulièrement insisté dans l’Acte d’accusation m’oblige, en tout état de cause, à faire quelques déclarations préliminaires.
Après l’écroulement de l’Allemagne en 1918, la juiverie devint très puissante en Allemagne ; dans tous les domaines, principalement politique, intellectuel en généra], culturel et plus particulièrement, dans le domaine économique. Les combattants qui revenaient du front n’avaient absolument aucune situation devant eux ; ils voyaient par contre beaucoup d’éléments juifs qui étaient venus pendant la guerre de Pologne et de l’Est, occuper des situations et principalement des situations dans l’Économie. Tout le monde sait que, par suite de la guerre et de ses conséquences économiques, la démobilisation, qui offrait de grosses possibilités de faire des affaires, l’inflation, la déflation, de grands changements et de grands déplacements de fortunes se produisirent dans les classes possédantes.
Beaucoup de Juifs ne firent pas preuve de la retenue nécessaire et prirent de plus en plus de place dans la vie publique, de sorte qu’ils suscitèrent des comparaisons entre leur importance numérique et les positions qu’ils occupaient par rapport aux gens de souche allemande. De plus, certains partis, qu’évitaient ceux qui avaient conservé l’esprit national, offraient une proportion de cadres juifs sans aucun rapport avec le nombre total des Juifs. Cela se produisit non seulement en Allemagne mais aussi en Autriche, que nous avons toujours considérée comme faisant partie de l’Allemagne, En Autriche, la direction du parti social-démocrate était presque exclusivement aux mains des Juifs Ils jouaient un rôle très important dans la vie politique, en particulier dans les partis de gauche ; ils étaient également très puissants dans la presse de toutes les opinions politiques.
A cette époque, il en résulta des attaques ininterrompues contre tout ce qui était national, le concept national et l’idéal national. Je rappelle toutes les publications et tous les articles qui traînèrent dans la boue tout ce qui nous était sacré. J’attire également l’attention, dans le domaine artistique, sur la dépravation de ces pièces de théâtre qui traînèrent dans la boue les combats du front et bafouèrent l’idéal de bravoure du soldat. Je pourrais apporter ici une pile énorme de ces articles, livres, pièces, etc. Mais cela nous conduirait trop loin et je ne suis pas, somme toute, très compétent en cette matière Pour toutes ces raisons, un mouvement de défense se créa, qui ne fut en aucune façon suscité par le national-socialisme ; il existait déjà auparavant, il se fortifia durant la guerre et prit plus d’ampleur encore après la guerre, lorsque l’influence de la juiverie se traduisit de cette façon.
De plus, dans le domaine culturel et intellectuel, il y eut des manifestations qui ne correspondaient pas aux sentiments allemands.
Ici encore un abîme se creusa. Il y eut encore le fait que dans les affaires économiques, si l’on excepte l’industrie de l’Ouest, se révéla une domination presque exclusivement juive, exercée en fait par des éléments auxquels s’opposaient vivement les familles juives depuis longtemps établies en Allemagne.
Lorsque le programme de notre parti fut élaboré, par quelques gens simples — à ma connaissance Adolf Hitler n’y prit personnellement pas part, du moins en tant que chef — cette position, qui à cette époque était considérée par une grande partie du peuple allemand comme un acte de défense, fut adoptée dans ce programme. Peu de temps avant, avaient eu lieu à Munich le conseil de la République (Räterepublik), des meurtres d’otages : là encore, presque tous les chefs étaient des Juifs. On comprend donc aisément qu’un programme dressé à Munich par des gens simples ait pris tout naturellement cette position défensive. Des nouvelles nous parvenaient aussi d’un conseil de la République en Hongrie, constitué, lui aussi, principalement par des Juifs. Tout cela avait causé une très forte impression. Lorsque son programme fut connu, le Parti, qui à l’époque était insignifiant, ne fut pas pris au sérieux et attira les risées. C’est alors, tout au début, qu’une attaque concentrée et très violente contre le mouvement, fut déclenchée par toute la presse Juive ou d’influence juive. La juiverie était partout à la tête de l’attaque contre le national-socialisme, que ce fût dans la presse, sur le plan politique, sur le plan culturel, en le ridiculisant et en le couvrant de mépris et sur le terrain économique également. Quiconque était national-socialiste ne pouvait obtenir une situation ; l’homme d’affaires national-socialiste ne pouvait recevoir de fournitures ni faire de publicité, etc. Tout cela eut pour conséquence un raidissement de l’attitude défensive du Parti et l’amena à une intensification de la lutte jusqu’à un point qui n’avait pas été prévu à l’origine dans le programme. Car il est très net que ce programme ne visait en définitive qu’un seul but : l’Allemagne dirigée par des Allemands Et on voulait que le destin politique du peuple allemand fût entre les mains d’hommes allemands susceptibles de rénover l’esprit de ce peuple, ce dont d’autres étaient incapables. Le principal était donc, au début, d’éliminer la juiverie de la politique, de la direction de l’État. Plus tard, le secteur culturel fut compris dans le plan des opérations, en raison du violent combat qui s’étendit tout particulièrement sur ce terrain et qui mettait aux prises la juiverie, d’une part, et le national-socialisme, de l’autre.
Je crois, à ce sujet, que si l’on rapportait ici les violences de notre langage à l’égard des Juifs et de la juiverie, je pourrais à mon tour produire des publications, livres, journaux et discours provenant du clan opposé, dont le ton et les injures les ont largement dépassées. Tout cela ne pouvait naturellement qu’aggraver la situation.
Peu après la prise du pouvoir, il y eut d’innombrables mesures de discrimination. Des Juifs qui avaient pris part à la guerre mondiale et qui avaient obtenu des décorations furent traités de manière différente et jouirent de certains égards ; ils ne furent pas, comme les autres, touchés par les mesures les excluant des administrations, Comme je l’ai déjà dit, la tâche principale consistait à exclure les Juifs du secteur politique, puis du secteur culturel.
Les lois de Nuremberg avaient pour but d’effectuer une nette séparation des races et, en particulier, d’en finir à l’avenir avec la notion des sangs mêlés, puisque cette notion de demi-Juif ou de quart de Juif entraînait des distinctions continuelles et des confusions sur leur état. Je tiens ici à le souligner : j’eus personnellement de fréquentes discussions avec le Führer au sujet des personnes de sang mêlé ; je prouvais au Führer qu’une fois les Juifs séparés des Allemands, il serait impossible d’avoir affaire encore à une autre catégorie intermédiaire qui constituerait une portion mal définie du peuple allemand et qui ne serait pas sur le même plan que les autres Allemands. Je lui suggérai d’en finir par un acte de générosité de sa part, avec cette notion de personnes de sang mêlé et de placer ces gens exactement sur le même plan que les autres Allemands. Le Führer accueillit favorablement cette idée ; il adopta effectivement mon point de vue et ordonna certaines mesures préparatoires en conséquence. Puis, vinrent des temps plus troublés, tout au moins dans le domaine de la politique extérieure : la crise des Sudètes, celle de Tchécoslovaquie, l’occupation de la Rhénanie et, enfin, la crise polonaise. La question des personnes de sang mêlé fut reléguée à l’arrière-plan Mais, au début de la guerre, le Führer me dit qu’il était décidé, après la guerre, à résoudre ce problème de façon effective et généreuse.
Les lois de Nuremberg devaient supprimer, pour l’avenir, cette notion de personnes de sang mêlé, en séparant nettement les races. En conséquence, il était prévu, dans les dispositions pénales des lois de Nuremberg, que jamais la femme, mais seulement l’homme, serait susceptible d’être puni, qu’il fût juif ou allemand. La femme allemande ou juive ne devait pas être punie. Puis il y eut des temps plus calmes. Le Führer fut alors d’avis que, pour le moment, les Juifs pouvaient s’occuper d’affaires économiques, à l’exclusion des postes directeurs ou de premier plan, en attendant qu’une émigration contrôlée, organisée progressivement et s’intensifiant petit à petit, résolût définitivement ce problème. En dépit des difficultés et des troubles continuels de l’économie, les Juifs, dans l’ensemble, conservèrent sans ennui leurs situations dans les affaires économiques.
L’aggravation exceptionnelle qui se produisit ensuite ne commença véritablement qu’après les événements de 1938 et prit une plus grande extension au cours de la guerre. Mais ici encore ce fut naturellement le fait d’un groupe plus extrémiste pour lequel la question juive était d’une importance plus grande que pour les autres groupes du mouvement. C’était exactement ce qui se passait — et je tiens à le préciser ici — pour l’idée de nationalisme qui, dans sa conception philosophique, était comprise différemment : les uns ne la voyaient que sous l’angle philosophique, d’autres sous l’angle mystique, d’autres enfin sous l’angle positif et politique. Il en était de même pour les différents autres points du programme Pour une personne, certains points étaient plus importants ; pour une autre, ils l’étaient moins. Dans l’article du programme intitulé « Finissons-en avec Versailles », l’un voyait un moyen de créer une Allemagne grande et forte et de la rendre libre ; il le considérait comme essentiel ; pour un autre, ce pouvait être la question juive.
Je crois qu’il est temps de suspendre l’audience. Docteur Stahmer, pouvez-vous dire au Tribunal le temps que durera à votre avis votre interrogatoire de l’accusé Göring ?
Je crois que nous en finirons dans le courant de la matinée de demain.
C’est très long.
Je m’efforcerai de l’abréger.
Quel rôle avez-vous joué dans la promulgation des lois de Nuremberg de 1935 ?
C’est en temps que président du Reichstag, lorsque celui-ci s’est réuni à Nuremberg, que j’ai promulgué ces lois en même temps que la loi sur les nouvelles couleurs nationales.
L’Accusation a soutenu que l’extermination de la race juive faisait partie du plan des guerres d’agression.
Cela n’a rien à voir avec les guerres d’agression ; d’ailleurs, l’extermination de la race juive n’a pas non plus été préméditée.
Avez-vous participé aux manifestations antijuives qui se sont déroulées dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 ?
Je voudrais dire quelques mots à ce sujet Je me suis rendu compte hier, au cours de l’interrogatoire du témoin Körner, qu’il y avait un malentendu à ce sujet Le 9 novembre comme chaque année à la même date, nous avons fêté la marche sur la Feldherrnhalle en la reproduisant symboliquement. Après cette cérémonie se tenait une réunion des dirigeants du Parti. C’est ce qu’a voulu dire Körner en déclarant que tout le monde venait à Munich.
Après cette reconstitution, la plupart des personnalités se rencontraient à l’Hôtel de Ville de Munich pour un dîner auquel participait également le Führer.
Je n’ai jamais participé à ce dîner car je profitais de mon séjour à Munich ce jour-là pour m’occuper d’autre chose dans mon après-midi ; cette année-là, non plus, je n’ai pas participé à ce dîner, et Körner non plus n’y a pas participé. Nous sommes rentrés ensemble à Berlin, le soir, dans mon train spécial. J’ai appris plus tard, lors de l’examen de ces questions, que c’était pendant ce dîner, après le départ de Hitler, que Goebbels a fait savoir que le conseiller d’ambassade blessé à Paris était mort de ses blessures. Ce fait a provoqué une certaine agitation. C’est probablement à la suite de cela que Goebbels a parlé de représailles ; il était peut-être l’antisémite le plus violent. Il a dû exposer ses vues sur la question après le départ du Führer.
Quant à moi, je n’ai appris ce qui se passait que lors de mon arrivée à Berlin. C’est d’abord le conducteur de mon train qui m’a dit qu’il avait vu des incendies à Halle. Une demi-heure plus tard, je fis venir mon aide de camp qui me dit que, pendant la nuit, il y avait eu des manifestations, que des magasins juifs avaient été pillés et que des synagogues avaient été incendiées. C’est tout ce qu’il savait.
Je me rendis à mon appartement et je téléphonai immédiatement à la Gestapo. J’ai demandé un rapport sur les événements de la nuit. C’est le rapport auquel on s’est référé ici, et qui m’a été envoyé par Heydrich, chef de la Gestapo, qui y a porté tout ce qu’il savait à ce moment, c’est-à-dire, je crois, le lendemain soir. Le Führer arriva également à Berlin dans le courant de la matinée. J’avais entendu dire entre temps que Goebbels était l’un des instigateurs de ces événements et je dis au Führer que je ne pouvais tolérer de pareilles choses à un moment comme celui-ci ; que je faisais mon possible au Plan de quatre ans pour tendre à l’extrême toute l’économie, que j’avais demandé au peuple dans de nombreux discours, de récupérer tous les vieux tubes de pâte dentifrice, tous les clous rouilles et tout le matériel utilisable. J’ai ajouté que je ne pouvais tolérer qu’un étranger à ces questions pût entraver ma tâche déjà si difficile en détruisant tant d’objets de valeur et en causant d’autre part un tel trouble dans la vie économique.
Le Führer excusa Goebbels dans une certaine mesure, mais dans l’ensemble il se déclara d’accord avec moi et me dit que de telles choses ne devaient pas se reproduire et qu’on n° pouvait les tolérer. J’ai également attiré l’attention du Führer sur le fait que ces événements, surgissant peu après l’accord de Munich, pouvaient avoir des conséquences fâcheuses en politique extérieure.
L’après-midi de ce même jour, j’eus une nouvelle discussion avec le Führer. Entre temps, Goebbels avait été le voir et j’avais exposé mon point de vue, par téléphone, à ce dernier, en termes énergiques et non équivoques. Je lui ai dit alors expressément que je n’avais aucune envie de supporter les conséquences de ses intempérances de langage en ce qui touchait les questions économiques.
Entre temps, le Führer, influencé par Goebbels, avait quelque peu changé d’avis. Je ne sais pas au juste ce que Goebbels lui avait dit et dans quelle mesure il lui avait parlé de l’excitation de la foule, de l’urgence de certaines concessions. Toujours est-il que le Führer n’était plus le même qu’au cours de ma première visite.
Pendant que nous parlions, Goebbels, qui était dans l’immeuble, nous rejoignit et commença ses discours habituels : que ces choses ne pouvaient durer, que c’était le deuxième ou le troisième national-socialiste assassiné à l’étranger par un Juif. C’est à cette occasion qu’il fit pour la première fois la proposition d’imposer une amende aux Juifs. Il voulait même que chaque Gau perçût cette amende et il fixa une somme incroyablement élevée.
J’intervins alors et dis au Führer que s’il devait y avoir une amende, elle ne pouvait être perçue que par l’État. En effet, M. Goebbels avait à Berlin le plus grand nombre de Juifs et ne semblait pas être l’homme indiqué pour cette tâche, car il y aurait été le plus intéressé. De plus, si l’on prenait une telle mesure, le droit n’en appartenait qu’à l’État souverain. Après une courte discussion sur le montant de la somme, on fixa l’amende à 1.000.000.000. J’ai signalé au Führer que, dans certaines circonstances, ce chiffre pourrait avoir des répercussions sur les impôts. Le Führer souhaita et ordonna d’en venir immédiatement à la solution économique.
Pour éviter de pareils événements dans l’avenir, il fallait procéder à l’aryanisation des entreprises juives connues comme telles et non camouflées et, en particulier, des grands magasins, causes de fréquentes frictions, car les fonctionnaires et les employés des ministères qui ne pouvaient faire leurs emplettes qu’entre 6 et 7 heures du soir allaient souvent dans ces magasins et avaient des difficultés. Le Führer ordonna, en gros, les mesures à prendre dans ce domaine.
C’est à la suite de ces entretiens que j’ai convoqué, le 12 novembre, les services intéressés à la question. Malheureusement, le Führer avait demandé que Goebbels fût représenté à cette commission, car une commission devait être créée. Et quoique j’aie insisté sur le fait qu’il n’avait rien à voir avec les questions économiques, il y assista.
La discussion fut très animé et nous étions tous nerveux, J’ai fait établir des projets de lois économiques et je les ai fait promulguer plus tard. J’ai refusé mon accord à d’autres projets qui ne concernaient pas le secteur de l’économie, tels que les restrictions en matière de voyages, de stations thermales, etc., car je ne me sentais pas compétent dans cette matière et je n’avais pas reçu d’ordres spéciaux. Ces réglementations ont été établies plus tard par les autorités de police et non par moi et, plus tard, je suis intervenu pour y apporter des adoucissements.
Je voudrais insister sur le fait que, malgré les ordres écrits et oraux que m’avait donnés le Führer sur la promulgation et l’exécution de ces lois, je prends la responsabilité entière de toutes ces lois portant ma signature, car c’est moi qui les ai promulguées ; j’en suis par conséquent responsable et je ne veux pas m’abriter en quelque manière que ce soit derrière un ordre du Führer.
Autre chose encore. Quelles sont les raisons qui ont déterminé le refus de l’Allemagne de participer à la Conférence du désarmement, et son retrait de la SDN ?
En voici les raisons essentielles : premièrement, les autres États qui, après le désarmement complet de l’Allemagne, devaient aussi désarmer, ne désarmèrent pas.
Deuxièmement, les demandes justifiées de révision de la part de l’Allemagne n’ont jamais rencontré la moindre compréhension.
Troisièmement, un certain nombre de violations du Traité de Versailles et des Statuts de la SDN ont été commises par d’autres États tels que la Pologne, la Lituanie, etc et la SDN, après les avoir blâmés, les enregistra comme faits accomplis.
Quatrièmement, si toutes les plaintes formulées par l’Allemagne en ce qui concerne la question des minorités ont bien été examinées, et si l’on a prodigué des conseils bienveillants aux États contre lesquels nous les élevions, rien n’a été fait en réalité pour aplanir ces difficultés.
Voilà les raisons pour lesquelles nous nous sommes retirés de la SDN et de la Conférence du désarmement.
Qu’est-ce qui a déterminé Hitler à procéder au réarmement et à rétablir la conscription ?
Lorsque l’Allemagne eut quitté la SDN et la Conférence du désarmement, elle fit part en même temps aux Puissances qui y étaient intéressées de sa décision très nette de parvenir à un désarmement général C’est alors que le Führer fit un certain nombre de propositions, qui sont de notoriété publique : réduction des effectifs de l’Armée, restriction dans l’utilisation de certaines armes et suppression de certaines autres, les bombardiers par exemple. Toutes ces propositions ont été rejetées et n’ont même pas été discutées.
Lorsque le Führer et nous-mêmes nous aperçûmes que la partie adverse ne songeait pas à désarmer, mais qu’au contraire, et spécialement la puissance formidable que représentait à l’Est la Russie, procédait à un réarmement plus intensif que jamais, il devint nécessaire, pour sauvegarder les intérêts vitaux du peuple allemand, sa vie et sa sécurité, de nous libérer, nous aussi, de nos engagements et de réarmer dans la mesure où l’exigeaient nos propres intérêts et la sécurité du Reich. C’est ainsi que s’est avéré nécessaire le rétablissement de la conscription.
Dans quelle mesure l’Aviation participa-t-elle à ce réarmement ?
On ne parlait pas encore de réarmement en 1933, lorsque j’ai créé le ministère de l’Air. J’en ai cependant jeté les premiers jalons. J’ai augmenté la production, intensifié la circulation aérienne au delà des besoins de l’époque pour pouvoir former un plus grand nombre de pilotes. J’ai muté un certain nombre de jeunes gens, lieutenants, aspirants, qui durent quitter la Wehrmacht et entrer dans l’aviation commerciale pour y apprendre à piloter.
Je voyais dès le début qu’une des conditions les plus importantes de la sécurité de mon peuple résidait dans la sécurité aérienne. J’avais cru d’abord qu’une aviation défensive, c’est-à-dire composée de chasseurs, serait suffisante ; mais en y réfléchissant, je reconnus, et je tiens à le souligner, c’est ce qu’a dit le Feldmarschall Kesselring dans sa déposition, que des chasseurs ne seraient pas suffisants pour assurer la défense, et qu’une force aérienne même purement défensive doit posséder des bombardiers qu’elle puisse utiliser dans une action offensive au sol contre les forces aériennes ennemies. J’ai donc fait transformer des avions commerciaux en bombardiers. Au début, le réarmement progressa lentement. Le matériel aérien étant inexistant, tout devait être créé. J’ai dit au Führer en 1935 que je croyais le moment venu, puisque nos propositions s’étaient heurtées à des fins de non recevoir, de déclarer ouvertement au monde que nous étions en train de créer une force aérienne et que j’avais déjà pris mes dispositions à cet effet Cette déclaration fut faite sous la forme d’une interview que j’avais accordée à un journaliste anglais.
Je pouvais maintenant réarmer sur une plus grande échelle ; mais malgré cela, nous nous sommes contentés au début de ce que nous appelions une « aviation de secours », de telle sorte qu’un agresseur éventuel eût à compter sur le fait qu’en cas d’attaque de sa part, il se heurterait à une armée aérienne. Mais elle était loin d’être assez forte pour faire pencher la balance.
C’est en 1936 que fut établi le fameux rapport présenté au témoin Bodenschatz ; j’y déclarais que nous devions maintenant travailler sous le régime de la mobilisation, que l’argent ne comptait pas. Bref, je pris la responsabilité des dépenses dépassant le budget.
Comme nous partions à zéro, je ne pouvais atteindre rapidement le but fixé que si d’un côté la production des appareils marchait à plein rendement sous le régime de la mobilisation, et si d’autre part, l’instruction du personnel, l’édification des installations au sol et autres questions similaires étaient exécutées avec la plus grande rapidité.
Dans ce rapport, j’ai décrit à mes collaborateurs la situation de 1936 comme sérieuse. Les autres États qui n’avaient pas désarmé avaient peut-être, pour quelques-uns, négligé leur Aviation, mais ils essayaient de combler ce retard ; de violents débats eurent lieu en Angleterre sur la modernisation et la construction de l’Aviation ;nous recevions des rapports dignes de confiance sur l’activité fiévreuse qui se déroulait en Russie. Je parlerai ultérieurement du réarmement russe.
Lorsque la guerre civile éclata en Espagne, Franco appela l’Allemagne à son secours et lui demanda son appui, en particulier dans le domaine de la guerre aérienne. Il ne faut pas oublier que Franco se trouvait avec ses troupes en Afrique et ne pouvait traverser car la flotte était aux mains des communistes, ou, comme on disait à l’époque, du Gouvernement révolutionnaire espagnol, du Gouvernement légal. L’important, c’était d’abord de faire passer les troupes en Espagne.
Le Führer hésitait et je me prononçai avec énergie pour qu’on vînt en aide à l’Espagne. D’abord pour éviter l’extension du communisme dans ce pays, et deuxièmement c’était une occasion de contrôler du point de vue technique le rendement de ma jeune aviation.
J’ai donc envoyé, avec la permission du Führer, une grande partie de mon aviation de transport et un certain nombre d’unités de chasseurs, de bombardiers et de DCA. J’ai eu ainsi l’occasion de mettre ce matériel à sévère épreuve et de voir si sa valeur correspondait au but auquel il était destiné. D’autre part, pour aguerrir les hommes, je les fis relever le plus souvent possible.
L’armement aérien demandait la création d’industries nouvelles ; c’en était une condition première. Il était en effet inutile de mettre sur pied une puissante Aviation si je ne pouvais lui fournir l’essence nécessaire. J’étais donc obligé de pousser les raffineries jusqu’à l’extrême limite. Il y avait d’autres industries complémentaires, celle de l’aluminium surtout Comme, à mon avis, dans l’état actuel de la technique, l’Aviation me semblait être l’arme la plus nécessaire à la sécurité du Reich, il était de mon devoir, en tant que Commandant en chef, de tout faire pour la développer au maximum, et comme je partais de rien, il fallait travailler avec acharnement. C’est ce que j’ai fait.
On a beaucoup parlé ici, au cours des interrogatoires, de bombardiers quadrimoteurs, bimoteurs, etc. Les témoins ont déposé de leur mieux et ont dit ce qu’ils savaient, mais ils n’avaient que des données fragmentaires et n’ont pu juger que d’après elles.
J’étais et suis le seul responsable, car j’étais Commandant en chef et ministre. J’étais responsable de l’armement et de la création de l’Aviation, j’étais responsable de l’instruction des hommes et de l’esprit qui régnait dans l’Armée de l’air. Si je n’ai pas construit dès le début des bombardiers quadrimoteurs, ce n’est pas du tout parce que je craignais qu’on me reprochât de créer une arme offensive. Ceci ne m’aurait pas gêné un seul instant. La seule raison en fut que les conditions techniques de sa production n’existaient pas. Mon industrie n’avait tout simplement pas encore mis au point un bombardier de ce genre, en tout cas pas suffisamment pour que je puisse m’en servir. Deuxièmement, je n’avais pas assez d’aluminium, et qui possède quelques notions dans ce domaine connaît la quantité d’aluminium nécessaire pour fabriquer un bombardier quadrimoteur, et combien de chasseurs, ou même de bombardiers bimoteurs rapides, peuvent être produits avec la même quantité d’aluminium.
Il fallait d’abord savoir qui serait l’adversaire probable de l’Allemagne dans une guerre éventuelle. Les conditions techniques présidant à la conduite d’une telle attaque contre l’Allemagne étaient suffisantes. J’estimais que, de tous les adversaires probables, la Russie était le principal, mais l’Angleterre, la France et l’Italie devaient être aussi prises en considération. Il était de mon devoir d’envisager toutes les possibilités.
Pour le moment, sur le théâtre d’opérations européen, il me suffisait d’avoir des bombardiers capables d’atteindre les centres importants de l’industrie d’armement ; je n’avais pas besoin à l’époque d’avions plus puissants. Il était plus important de posséder une grande quantité de tels appareils.
Dans une allocution que j’ai adressée aux industriels de l’aviation, j’ai dit très clairement qu’il me fallait d’urgence un bombardier capable, avec son chargement de bombes, de faire le trajet Allemagne-Amérique et de revenir à sa base. Je leur ai demandé d’y travailler avec diligence car si, éventuellement, l’Amérique entrait en guerre contre l’Allemagne, je pourrais ainsi être en mesure d’atteindre les industries d’armement américaines. J’ai même, si je m’en souviens bien, institué un concours pour l’élaboration d’un projet de bombardiers pouvant voler à hautes altitudes et à grande vitesse sur un long parcours. Nous avions, même avant la guerre, mis au point des avions sans hélices.
En conclusion, j’ai fait tout mon possible, compte tenu de l’évolution de la technique et des conditions de production qui existaient à cette époque, pour reconstruire et armer une aviation forte. L’expérience a toujours montré que cinq années de guerre ne sont pas sans progrès techniques. Je voulais être prêt à avoir une aviation qui, quel que fût le développement de la situation politique, fût assez forte pour protéger la nation et pour porter des coups aux ennemis de la patrie. M. Justice Jackson a tout à fait raison de demander si l’Aviation allemande, opérant d’après les principes modernes, a tellement contribué à l’écrasement rapide de la Pologne et de la France. C’en fut en fait la condition la plus déterminante.
D’un autre côté, quoique cela ne me regarde pas, l’emploi de l’Aviation américaine fut aussi la condition de la victoire alliée.
Le fait de vous avoir donné le contrôle sur les matières premières dès avril 1936 a-t-il un rapport avec la reconstruction de l’Aviation ?
Il n’est pas nécessaire que je répète ce qui a été dit hier et avant-hier par le témoin Körner sur mon rôle dans la direction des affaires économiques. Le point de départ fut la crise agricole de 1935. Au début de l’été 1936, M von Blomberg, ministre de la Guerre, Schacht, ministre de l’Économie et président de la Reichsbank, et le ministre Kerrl sont venus me demander de donner mon accord au projet qu’ils voulaient soumettre au Führer, aux termes duquel je devais être nommé commissaire aux matières premières et aux devises étrangères. Il ne s’agissait pas pour moi d’assumer les fonctions d’un expert économique, car je n’en étais pas un ; mais on avait besoin de quelqu’un pour s’occuper des difficiles problèmes posés par la pénurie de monnaie étrangère, malgré nos demandes incessantes, et pour se procurer des matières premières, quelqu’un possédant une autorité suffisante pour prendre des mesures qui ne seraient peut-être pas comprises. Il a été décidé que dans ce domaine, mais non comme expert, je serais la force dirigeante et ferais emploi de mon énergie.
Le ministre Schacht qui était un spécialiste, était en difficulté avec le Parti ; il n’était pas membre du Parti. Il était à l’époque en excellents termes avec le Führer et avec moi mais il n’en était pas de même avec certains membres du Parti. Il était à craindre que les mesures qu’il prendrait pourraient n’être pas comprises par ces milieux On a pensé que j’étais l’homme le plus à même de les faire entériner par le peuple et le Parti.
Ainsi fut fait. Mais, en ma qualité de ministre de l’Air, j’étais, comme je l’ai déjà expliqué, intéressé dans la question des matières premières et je jouais un rôle de plus en plus important. Les dissentiments entre les milieux agricoles et économiques dans la question des devises devinrent plus aigus, et je fus obligé de prendre des décisions plus sévères. C’est ainsi que j’en vins à diriger toute l’économie à laquelle je consacrais une grande partie de mon temps et en particulier aux achats des matières premières qui lui étaient nécessaires et au réarmement. C’est de là que naquit le Plan de quatre ans qui me conféra les pouvoirs les plus étendus.
Quel était le but du Plan de quatre ans ?
Le Plan de quatre ans avait deux buts : premièrement, dans la mesure du possible, et particulièrement dans le domaine agricole, mettre l’économie allemande à l’abri des crises ; deuxièmement, en cas de guerre, permettre à l’Allemagne de faire face à un blocus. Il était donc nécessaire : premièrement, de développer l’agriculture au maximum, la contrôler et la diriger sérieusement, de contrôler la consommation et de constituer des réserves par des négociations avec les pays étrangers ; et il fallait, deuxièmement, déceler les matières premières jusqu’alors importées qui pouvaient être trouvées en Allemagne et déterminer celles qui, d’importation difficile, pouvaient être remplacées par d’autres d’obtention plus facile En peu de mots, dans le domaine agricole, utiliser tout espace disponible, adopter les emblavures aux besoins, intensifier l’élevage, créer des stocks pour les périodes de disette et les années de mauvaises récoltes. Dans le domaine industriel, créer des industries destinées à nous procurer les matières premières. Il y avait assez de charbon mais il fallait néanmoins augmenter considérablement sa production car il est la matière première fondamentale de laquelle dépendent beaucoup d’autres choses, dont le fer. Notre industrie du fer dépendait tellement des pays étrangers, qu’en cas de crise il pouvait en résulter une situation des plus désastreuses. Je sais très bien qu’au point de vue purement financier et commercial c’était parfait, mais néanmoins il fallait bien favoriser l’utilisation du minerai de fer allemand puisqu’il y en avait, malgré sa qualité inférieure à celle du minerai suédois ; il fallut obliger l’industrie d’abord à les mélanger jusqu’à se contenter du minerai allemand.
J’ai donné à l’industrie un délai d’un an, ce qui était hasardeux, et comme au terme de ce délai elle ne s’était pas encore transformée, j’ai fondé les « Reichswerke » auxquels on a donné mon nom et qui étaient des entreprises chargées de transformer le minerai de fer allemand Il fallut créer des raffineries, des industries d’aluminium et différentes autres entreprises, puis favoriser le développement de l’industrie de produits dits synthétiques, pour remplacer les matières premières nécessaires qui ne pouvaient être obtenues que de l’étranger avec beaucoup de difficultés. C’était impliquer dans le domaine des textiles la conversion de l’industrie du textile et de l’I. G. Farben.
Voilà ce qu’était dans ses lignes générales la tâche du Plan de quatre ans.
Il y avait naturellement une troisième question qui était importante, la question de la main-d’œuvre. Là aussi la coordination était nécessaire. Les industries les plus importantes reçurent des ouvriers, les industries les moins importantes durent en rendre. Le contrôle de l’emploi de la main-d’œuvre qui, avant la guerre, ne fonctionnait qu’à l’intérieur de l’Allemagne, était encore une autre tâche du Plan de quatre ans et de son service de l’emploi de la main-d’œuvre.
Le Plan de quatre ans, en tant que tel, prit très rapidement les proportions d’un organisme d’État. Après le départ de Schacht, je dirigeai pendant deux mois le ministère de l’Économie et j’y incorporai le Plan de quatre ans avec un très petit nombre de collaborateurs ; j’ai mené cette tâche à bien, assisté par les ministères compétents qui existaient à ce moment.
La réalisation de ces plans avait-elle pour but la préparation d’une guerre d’agression ?
Non, le but de ces plans était, comme je l’ai dit, de préserver l’Allemagne des crises économiques, d’assurer sa sécurité contre le blocus en cas de guerre et, naturellement, dans le cadre du Plan de quatre ans, d’assurer les conditions nécessaires au réarmement. C’était l’une de ses tâches importantes.
Comment en est-on venu à l’occupation de la Rhénanie ?
L’occupation de la Rhénanie ne fut pas, comme on l’a prétendu ici, préparée de longue date. Les discussions préalables n’avaient pas trait à une occupation de la Rhénanie mais, en cas d’attaque contre l’Allemagne, à la question des mesures de mobilisation en Rhénanie.
L’occupation de la Rhénanie eut lieu pour deux raisons :
L’équilibre créé par le Pacte de Locarno avait été rompu en Europe occidentale par l’apparition d’un facteur nouveau dans le système d’alliance de la France, la Russie qui, déjà à cette époque, disposait d’une armée extraordinairement développée. De plus il y avait le Pacte d’assistance russo-tchèque. C’est pour ces raisons qu’à notre avis les conditions sur lesquelles le Pacte de Locarno avait été fondé n’existaient plus. Cette situation créait une telle menace pour l’Allemagne ou du moins la possibilité d’une telle menace, que c’eût été, de la part du Gouvernement, perdre tout sens de l’honneur et du devoir que de ne pas tout faire pour assurer, là aussi, sa sécurité. En tant qu’État souverain, le Reich fit usage de son droit de sauvegarder sa souveraineté et se libéra de l’obligation déshonorante de laisser une partie du Reich en dehors de sa protection : il la mit à l’abri de solides fortifications.
La construction d’une fortification d’une telle envergure et d’une telle ampleur n’est justifiée que si cette frontière est considérée comme finale et définitive. Si j’avais eu l’intention dans un proche avenir de reculer cette frontière, une entreprise comme la construction du mur de l’Ouest, si coûteuse pour toute la nation n’aurait pas été possible. Cette construction a été faite, et je veux, dès le début, le souligner particulièrement, dans un esprit défensif et ce fut effectivement une mesure défensive.
La frontière occidentale du Reich était ainsi protégée devant la menace que faisaient peser sur nous la récente combinaison d’alliances et le nouveau regroupement de forces que représentait le Pacte d’assistance mutuelle franco-russe. La décision d’occuper la Rhénanie et l’occupation de fait intervinrent immédiatement. Les troupes qui entrèrent en Rhénanie étaient si peu nombreuses, c’est un fait historique, qu’elles ne pouvaient exécuter qu’une occupation purement théorique. L’Aviation ne put même pas y prendre part, car il n’y avait, sur la rive gauche du Rhin, aucun terrain d’atterrissage convenable Elle s’installa dans le territoire qualifié de démilitarise, sur la rive droite du Rhin, à Düsseldorf et dans d’autres villes. En d’autres termes, ce n’était pas comme si la Rhénanie eût été soudainement occupée par un déferlement de troupes, mais, comme je l’ai déjà dit, il n’y eut que quelques bataillons d’infanterie et quelques batteries d’artillerie qui y pénétrèrent, symbolisant ainsi le nouvel état de fait : la Rhénanie était, dès maintenant, réintégrée dans le Reich souverain et serait dans l’avenir défendue en conséquence.
Quels étaient les buts poursuivis par Hitler en créant le Conseil de Défense du Reich et en promulguant la loi de défense du Reich ?
Le Conseil de Défense du Reich a joué ici un rôle important pendant ces derniers mois. J’espère ne pas être mal compris ; je crois qu’on a parlé du Conseil de Défense à cette époque plus qu’on en a parlé lors de sa création. En premier lieu, il s’appelle Conseil de Défense et non Conseil d’attaque du Reich ; son existence est un fait évident ; il existe dans tous les autres pays sous une forme quelconque, même s’il porte un autre nom. Il y avait déjà un Comité de Défense du Reich avant notre accession au pouvoir. Il y avait dans ce comité des experts officiels venant de tous les ministères et chargés d’assurer les préparatifs de mobilisation, ou pour mieux dire les mesures de mobilisation qui interviennent automatiquement dans certaines circonstances... la guerre, la possibilité d’une guerre, une guerre se déroulant aux frontières et nous obligeant à défendre notre neutralité ; ce sont les mesures habituelles : fixer le nombre de chevaux à réquisitionner en cas de mobilisation, des usines à transformer, décider ou non le rationnement du pain et des matières grasses, réglementer la circulation, etc. Toutes ces questions sont tellement évidentes qu’il est inutile d’entrer dans les détails.
Ces entretiens avaient lieu au sein du Comité de Défense du Reich ; ils réunissaient les experts officiels présidés par Keitel qui était à l’époque chef du Service ministériel du ministère de la Guerre du Reich. Le Conseil de Défense du Reich fut maintenu comme mesure de précaution quand la Wehrmacht fut rétablie, mais il subsista sur le papier. J’en étais, je crois, vice-président ou président. C’est en tout cas ce qu’on m’a dit ici. J’affirme sous la foi du serment qu’à aucun moment je n’ai participé à une séance du Conseil de Défense du Reich en tant que tel.
Ces entretiens, nécessaires à la défense du Reich, étaient très différents suivant les circonstances. Il y avait naturellement des débats sur la sécurité du Reich, mais sans rapport avec le Conseil de Défense du Reich. Le Conseil existait sur le papier mais ne s’est jamais réuni. Il aurait été du reste tout à fait logique qu’il se réunisse puisqu’il s’agissait de défense et non d’attaque.
La loi de défense du Reich ou plutôt le Conseil des ministres pour la défense du Reich, dont vous voulez probablement parler, fut créé la veille du déclenchement de la guerre car, en fait, le Conseil de Défense du Reich n’existait pas. Ce Conseil ministériel pour la défense du Reich ne doit pas être assimilé à ce qu’on appelait le Cabinet de Guerre par exemple, qui fut formé en Angleterre quand la guerre éclata, et peut-être aussi dans d’autres États. Le Conseil des ministres pour la défense du Reich ne devait au contraire promulguer, selon une procédure sommaire, que certaines dispositions législatives indispensables, des lois ayant trait aux questions du jour, ce qui avait pour but d’alléger le travail du Führer dans une grande mesure car il s’était réservé la direction des opérations militaires Le Conseil ministériel a également promulgué toutes ces lois qui accompagnent dans chaque pays le début d’une guerre. Le Conseil ne s’est réuni que trois ou quatre fois au début et ne s’est plus réuni depuis. Moi non plus je n’ai pas eu le temps de m’en occuper. Pour abréger la procédure, ces lois furent appliquées puis promulguées par la suite. A peu près un an et demi après, je ne me souviens pas exactement, le Führer se réserva à nouveau personnellement la promulgation directe des lois. En ma qualité de président du Conseil des ministres, j’ai signé plusieurs de ces lois Mais dans les dernières années cette pratique tomba en désuétude. Je crois qu’après 1940 le Conseil des ministres pour la défense ne s’est plus réuni.
Le Ministère Public a présenté un document PS-2261 faisant état de la loi de défense du Reich du 21 mai 1935, qui a été mise en application sur 1 ordre du Führer. Je vais vous montrer ce document et vous demande de dire ce que vous en savez.
Je le connais.
Voulez-vous nous en parler ?
Après l’institution du Conseil de Défense du Reich, en 1935, on promulgua une loi de défense du Reich qui devait intervenir en cas de mobilisation. La décision en fut prise au cabinet du Reich et cette loi devait entrer en vigueur en cas de mobilisation. En fait, elle fut abolie au moment des mesures de mobilisation par l’entrée en vigueur de la loi déjà mentionnée sur le Conseil des ministres pour la défense du Reich. Cette loi, qui existait déjà en 1935, avant le Plan de quatre ans, créait un poste de plénipotentiaire général à l’administration, c’est-à-dire que, en cas de guerre, tous les services administratifs seraient concentrés entre les mains d’un seul ministre comme dans le domaine de l’Économie et de l’Armement. Le plénipotentiaire à l’administration n’entrait pas en fonction avant la mobilisation. Le plénipotentiaire à l’Économie, au contraire — ce titre ne devait pas être connu du public — commençait immédiatement l’exécution des tâches qui lui incombaient. C’était également nécessaire. Ce fait explique que la création du Plan de quatre ans amena un conflit entre le plénipotentiaire à l’Économie et le commissaire au Plan de quatre ans, ces deux personnnalités ayant en effet plus ou moins les mêmes tâches. C’est pour cela que lorsqu’en 1936 je fus chargé de l’exécution du Plan de quatre ans, les activités du plénipotentiaire à l’Économie cessèrent pratiquement.
Monsieur le Président, dois-je m’arrêter maintenant ?
Oui, je crois qu’il est temps.