QUATRE-VINGT-QUATRIÈME JOURNÉE.
Lundi 18 mars 1946.
Audience du matin.
Le Docteur Kubuschock a t-il terminé son interrogatoire ?
Oui, Monsieur le Président.
Un autre avocat désire-t-il poser des questions ?
Je remplace mon confrère, le Dr von Lüdinghausen, avocat de M. von Neurath. Je demande au Tribunal de me permettre de poser quelques questions au témoin.
En effet, cette question fut réellement soulevée par le Führer au cours de la discussion. Le président du conseil Daladier, je ne me souviens pas de ses mots exacts, fit alors en substance la déclaration précédente. Et si je me souviens encore des faits avec une précision suffisante, il souligna qu’une décision qui aurait pour but de sauvegarder la paix. Il n’était pas question que les Tchèques, en refusant à nouveau la décision, missent la paix en danger, sans cela, au cas où la Tchécoslovaquie ne suivrait pas ce conseil, ni la France ni l’Angleterre ne se sentiraient plus engagées envers ce pays.
Témoin, depuis quand connaissez-vous von Neurath ?
Pour autant que je m’en souvienne, j’ai vu en coup de vent, on ne peut plus rapidement, M. von Neurath au moment où, en 1919, il était ambassadeur d’Allemagne au Danemark, très passagèrement. Ce n’est que plus tard seulement que je l’ai à nouveau rencontré, tout juste avant la prise du pouvoir.
Mais avez-vous eu connaissance de façon précise de l’activité de M. von Neurath quand il était ambassadeur à Londres ?
Exactement. J’étais au courant de ses activités parce que, à une époque déjà reculée, en 1931 et 1932, avant que M. von Neurath ne devienne ministre des Affaires étrangères, son nom avait été retenu au cours de conversations au Parti, bien qu’il n’y fût pas inscrit, comme candidat à la formation éventuelle d’un nouveau gouvernement. La raison essentielle en était l’influence que l’ambassadeur von Neurath avait en Grande-Bretagne, car nous pensions, Hitler et moi, que les relations de l’ambassadeur von Neurath avec le Gouvernement anglais étaient excellentes. Le Führer considérait la question comme un facteur décisif de sa politique extérieure, entretenir de bonnes relations avec l’Angleterre. M. von Neurath, en la matière, pouvait jouer un rôle primordial.
Je comprends donc que M. von Neurath poursuivit à Londres une politique de paix et d’entente ?
Précisément.
Oui. Et pouvez-vous affirmer également que M. von Neurath s’est efforcé, en tant que ministre des Affaires étrangères, de continuer cette politique de paix et d’entente ?
Lorsque le président du Reich, von Hindenburg, posa la condition à laquelle j’ai déjà fait allusion, que M. von Neurath devînt ministre des Affaires étrangères, le Führer n’eut pas de peine à se déclarer entièrement d’accord car il se rendait compte que l’on avait confié en de bonnes mains la mission d’établir des relations amicales avec la Grande-Bretagne et l’Ouest. M. von Neurath a toujours développé ses efforts en ce sens.
Je voudrais maintenant aborder un autre genre de questions. Avez-vous assisté à la réunion du Cabinet du Reich du 30 janvier 1937, au cours de laquelle Hitler remit l’insigne en or du Parti aux membres du cabinet qui n’y étaient pas inscrits et parmi lesquels se trouvait M. von Neurath ?
Oui, j’étais présent.
Et vous-rappelez-vous que Hitler déclara à cette occasion que la remise de cette décoration, toute semblable à celle d’un ordre, ne rendait pas les bénéficiaires membres du Parti et ne les engageait pas vis-à-vis de lui ?
Je n’exprimerais pas la chose tout à fait ainsi. Le Führer prit la parole spontanément, c’était en effet l’anniversaire de la prise du pouvoir, et déclara vouloir, ce faisant, exprimer ouvertement sa confiance à ceux des membres du Cabinet du Reich qui n’appartenaient pas au Parti. Je crois qu’il s’est servi à peu près des termes suivants : « J’aimerais leur demander de bien vouloir accepter l’insigne en or du Parti ». Il déclara alors que cela revenait à leur conférer un ordre et qu’il avait l’intention, ce qu’il fit plus tard, de créer différents degrés dans cet ordre. Cet insigne en or du Parti devait en être le premier. Il s’approcha ensuite spontanément des différents ministres et leur remit l’insigne. Mais ce faisant, il ne mentionna pas qu’ils dussent dorénavant se considérer comme membres du Parti, mais ne dit pas non plus le contraire.
Alors qu’il s’approchait de M. von Eltz-Rübenach, ce dernier lui demanda si, de ce fait, il se voyait obligé de soutenir les tendances anti-cléricales de certaines fractions du Parti, ou quelque chose de similaire. Le Führer, surpris un instant, lui demanda :
« Vous ne désirez donc pas recevoir l’insigne ? » Sur quoi, M. von Eltz répondit alors : « Je n’ai pas voulu dire cela, je désirais simplement faire quelques réserves ». Le Führer en fut choqué, fit demi-tour immédiatement et quitta la salle du cabinet. Sous ce rapport, il n’est pas exact de dire, comme il a été insinué, que M. von Eltz-Rübenach aurait démissionné de sa propre initiative à la suite de cet incident. Je suivis immédiatement l’attitude du Führer car je ressentais, de même qu’un certain nombre de personnes qui assistaient à l’entretien, que cet incident revêtait l’aspect d’une insulte à l’adresse du Führer, étant donné qu’il n’avait en aucune façon été question d’adhésion ou d’appartenance au Parti.
De plus, et c’est très important, le Führer envisageait déjà à cette époque de scinder le ministère des Transports, de rendre son autonomie au ministère des PTT et de placer Dorpmüller, expert en matière de questions ferroviaires, au ministère des Transports. Le Führer m’en avait informé à l’avance et, comme il m’avait aussi confié la tâche de le faire comprendre à von Eltz petit à petit, plus ou moins diplomatiquement, je profitais de l’occasion pour aller le trouver et lui dire : « Votre conduite a été inadmissible. Je crois qu’il ne vous reste plus qu’à donner votre démission. »
Il répondit :
« Je me suis mal exprimé » et ne voulut pas démissionner dans ces conditions. J’ai alors brusqué les choses et ai exigé que cela fût fait avant la fin de la journée. Je lui ai également envoyé le secrétaire d’État Meissner pour qu’il insiste auprès de lui en lui faisant comprendre qu’il serait préférable qu’il quittât le cabinet et donnât immédiatement sa démission d’une façon ou d’une autre. Et je lui donnai les explications relatives aux Postes et Chemins de fer que je viens de relater. Voilà les événements qui ont accompagné la remise de l’insigne en or du Parti au cours de cette réunion.
Témoin, étiez-vous présent lorsque, le 11 mars 1938 au soir, à la chancellerie, Hitler mit au courant M. von Neurath de l’entrée prochaine des troupes allemandes en Autriche, des raisons qui l’avaient motivée, et le pria d’informer le ministère des Affaires étrangères en conséquence, au moment où il s’apprêtait à s’absenter ?
J’ai déjà mentionné dans mon exposé sur l’Autriche que le ministre des Affaires étrangères, von Ribbentrop, était absent. Comme le Führer m’avait chargé de représenter le Reich, je l’avais prié de demander à M. von Neurath de mettre à ma disposition, durant cette période, son expérience des Affaires étrangères. A la suite de cela, M. von Neurath, dans la soirée je crois, fut prié de se rendre à la Chancellerie du Reich, et c’est alors que le Führer lui expliqua dans ses grandes lignes la situation telle que vous venez de la définir. Il devait donc me conseiller dans le domaine de la politique extérieure en cas de nécessité et si je l’exigeais. En effet, le ministre des Affaires étrangères était absent, je n’avais aucune expérience dans le domaine de la correspondance diplomatique et on s’attendait, pendant l’absence du Führer, à quelques interventions diplomatiques, tout au moins à des notes de protestations.
On doit donc conclure que M. von Neurath n’avait pas été chargé de représenter le ministre des Affaires étrangères et n’était, en son absence, qu’une sorte de conseiller diplomatique attaché à votre personne ?
Il n’était pas le représentant du ministre des Affaires étrangères, cela n’eût pas été conforme à sa position et à son rang. Le représentant du ministre des Affaires étrangères était le secrétaire d’État en fonctions.
Von Weizsäcker ?
Je crois que c’était M. von Mackensen à l’époque. Il signait aussi pour le ministre des Affaires étrangères toute la correspondance concernant les affaires courantes et ce n’est que pour des questions de politique extérieure qui, dans l’affaire autrichienne, étaient à escompter, que M. von Neurath m’avait été adjoint comme conseiller.
Connaissez-vous la lettre de protestation adressée le 11 mars 1938 et, ce qui est assez surprenant, à M. von Neurath par l’ambassadeur britannique, dans laquelle il protestait contre l’avance des troupes allemandes ?
Non, ce n’est pas surprenant du tout car le soir où les troupes se sont mises en marche, je me suis entretenu personnellement pendant deux heures, ainsi que je l’ai expliqué, avec l’ambassadeur britannique et lui ai dit que le Führer se rendait en Autriche le lendemain, que j’administrais le Reich et que j’avais à cet effet demandé à M. von Neurath de m’assister comme conseiller diplomatique, étant donné que Sir Nevile Hender-son avait déjà donné à entendre que tout cela ne pourrait advenir sans protestations. La nouvelle, l’ambassadeur britannique l’avait donc reçue de moi la veille au soir. Ce qui explique qu’il se soit adressé directement à M. von Neurath, d’autant plus que j’avais insisté en disant : « Si vous revenez à la charge avec ces vieilles histoires de notes de protestations, je ne pourrai pas personnellement faire grand-chose à leur sujet ».
M. von Neurath, après que le ministère des Affaires étrangères eut mis sur pied sa réponse à la note de protestations, vous a-t-il communiqué cette réponse téléphoniquement et vous a-t-il demandé si, en tant que représentant du Führer, vous la signeriez ?
Oui, naturellement, puisque j’étais le représentant du chef de l’État. Il devait me faire part de la réponse. Il était d’autre part évident aussi que je devais lui dire : « Signez », car en tant que représentant du chef de l’État, je ne pouvais pas signer de notes diplomatiques.
Je vous remercie.
Témoin, dans quelle mesure les chefs politiques furent-ils informés par avance des intentions du Führer en matière de politique extérieure ?
Le terme de chefs politiques est large. Il comprend tout ce qui sépare le Reichsleiter du Zellenleiter ou du Blockleiter. Il est évident que toutes les personnes que l’on englobe sous ce terme de chefs politiques n’ont pas été, ne pouvaient pas être informées de ces intentions diplomatiques, exception faite des occasions où le Führer s’adressait à tout le peuple, au Reichstag ou par la voie de la radio. Les plus importants des chefs politiques, par exemple les Reichsleiter ou les Gauleiter, ne furent, de même, jamais réunis pour se voir communiquer des intentions politiques que le Führer ne désirait pas porter à la connaissance du public. Il se peut qu’il ait informé personnellement de ses intentions l’un ou l’autre de ces chefs politiques qui, simultanément, occupait d’autres fonctions administratives ou qui, pour une autre raison, était dans ses confidences. Il faudrait d’abord que je me rappelle si un cas semblable s’est réellement présenté. Il est certain qu’il n’en a pas informé des groupes ou des sections.
Dans ses discours aux Gauleiter, il se référait simplement aux événements qui avaient eu lieu, exposait et expliquait ses intentions qui, à ce moment, s’étaient déjà traduites dans le domaine des faits.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Savez-vous dans quelle mesure von Ribbentrop avait été informé en sa qualité de ministre des Affaires étrangères des plans et projets militaires ?
Je ne sais rien de précis. D’une manière générale, était en ce cas appliqué le principe suivant lequel, et particulièrement en la matière, seuls les compétents étaient initiés aux projets militaires du Führer. Je ne sais pas ce que le Führer a pu révéler de temps à autre de ses plans militaires à von Ribbentrop au cours de conversations.
Est-il exact que Hitler décidait des grandes lignes de la politique, politique extérieure y compris ?
Cela va sans dire. Le domaine de la politique extérieure était, avant tout autre, propre au Führer. Je veux dire que la politique extérieure d’une part et la direction de la Wehrmacht de l’autre, intéressaient au plus haut point le Führer et absorbaient la plus grosse partie de son activité.
Dois-je en conclure qu’il réglait également les détails de la politique extérieure ?
Il s’appliquait avec un zèle exceptionnel à en régler tous les détails, et comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, il s’intéressait au plus haut point à ce dernier domaine particulièrement.
Hitler vous a-t-il expressément interdit de remettre à qui que ce soit le mémorandum à la Pologne du 30 août 1939 ?
Il ne me l’a pas expressément interdit J’ignore si le Führer savait que je l’avais eu en poche. Mais il en avait interdit le principe, puisqu’il avait interdit de le communiquer à la seule personne qui aurait dû le communiquer, c’est-à-dire M. von Ribbentrop, si bien que ce mémorandum, je le remis à l’encontre des volontés expresses du Führer, ce qui constituait un risque que, je vous prie de ne pas vous méprendre sur le sens de mes paroles, je pouvais seul assumer moi-même.
Il y a quelques jours, vous avez parlé de l’influence qu’avaient sur Hitler certaines personnalités. Connaissez-vous des faits permettant de conclure que Ribbentrop, lui aussi, n’avait aucune influence sur Hitler et qu’il ne l’avait jamais amené à modifier les décisions prises par lui ?
Le problème de l’influence exercée sur Hitler, sur le Führer, est un problème très complexe. Je me bornerai tout d’abord à la question de l’influence de M. von Ribbentrop.
Affirmer que M. von Ribbentrop ait pu amener Hitler à prendre telle ou telle décision est sûrement faux. Dans quelle mesure des arguments de nature objective ont pu, souvent peut-être, décider le Führer à adopter, à abandonner ou à modifier tel projet de politique extérieure, cela dépendait entièrement de la valeur et de la portée des arguments et des faits présentés ? Toutefois, je ne peux pas dire jusqu’à quel point ces considérations ont été déterminantes car je n’ai pas assisté à 99% des entretiens du Führer avec M. von Ribbentrop. Cependant, jamais ce dernier n’a possédé une influence telle qu’il ait pu dire à Hitler : « Faites ceci ou ne faites pas cela. Je considère ce point de vue comme erroné », ou lorsque le Führer était convaincu du bien-fondé d’une décision, M. von Ribbentrop n’a jamais à aucun moment bénéficié d’une influence de ce genre.
Connaissez-vous des faits ou des observations qui permettent de conclure à l’existence d’une conspiration dans les hautes sphères gouvernementales ?
Ce terme de conspiration peut être interprété de plusieurs manières. Si l’on veut dire par « conspiration » que des hommes se sont réunis secrètement et, dans le silence et l’isolement, ont discuté de vastes plans, de telles conspirations ne se sont naturellement jamais produites. Si l’on entend par conspiration que le Führer ait eu l’habitude de se livrer à des consultations approfondies à la suite desquelles on décidait en commun d’une action, on peut parler de conspiration dans la mesure où il s’agit encore une fois — je vous prie de ne pas mal interpréter mes paroles — de conversations qui eurent lieu entre le Führer et moi, disons jusqu’à l’année 1941. Personne d’autre que moi ne pouvait travailler aussi étroitement avec le Führer, être aussi familiarisé avec ses façons de penser et posséder sur lui une telle influence. C’est pourquoi le Führer et moi seul aurions pu à la rigueur conspirer. Il n’est absolument pas question de tierces personnes.
La propagande de guerre américaine insistait perpétuellement sur des intentions agressives de l’Allemagne dans l’hémisphère occidental. Que savez-vous à ce sujet ?
Qu’entendez-vous par l’hémisphère occidental ? Vous voulez dire l’Amérique ?
Oui.
Même si l’Allemagne avait dominé la totalité des pays d’Europe, il subsiste entre l’Allemagne et le continent américain à ma connaissance, si mes souvenirs de géographie sont exacts, environ 6.000 kilomètres d’océan Étant donné l’importance minime de la flotte allemande et le manque regrettable, dont j’ai déjà parlé, de bombardiers capables de franchir cette distance, il n’a jamais pu être question de menace pour le continent américain. Bien au contraire, c’est nous qui craignions toujours ce danger et nous aurions été bien aises de ne pas avoir été dans l’obligation d’y songer.
En ce qui concerne l’Amérique du Sud, je sais qu’on nous a toujours reproché, tout au moins par le canal de la propagande, de nous être fortement immiscés dans les affaires économiques de ces pays ou tout au moins d’avoir essayé de les dominer. Si l’on compare les possibilités financières et commerciales de l’Allemagne avant et pendant la guerre avec celles de la Grande-Bretagne et des États-Unis, il n’est pas besoin d’aller plus loin pour reconnaître que cette affirmation n’est pas soutenable. Avec le peu de devises dont nous disposions et les énormes difficultés d’exportation auxquelles nous devions faire face, nous ne pouvions jamais constituer un danger réel ou entrer en concurrence avec ces pays. Si tel avait été le cas, l’attitude des États sud-américains aurait probablement été différente. Ce n’était pas le mark, mais exclusivement le dollar qui, là-bas, faisait la loi.
Je vous remercie.
Le Ministère Public a présenté sous le n° PS-1809 le journal du Generaloberst Jodl. Dans ce journal se trouvent deux notes datant du premier semestre 1940, au sujet desquelles j’aimerais que vous me donniez votre avis.
Ces deux notes concernent la Russie à l’époque où l’Allemagne et la Russie entretenaient des relations amicales. Je voudrais encore auparavant remarquer que les projets qu’elles mentionnent paraissent un peu extraordinaires et c’est la raison pour laquelle je désirerais avoir votre opinion de Commandant en chef de l’Aviation.
La première note est datée du 13 février 1940 et ainsi conçue :
« Appris de l’amiral Canaris que l’escadrille Rewel doit être, au départ de la Bulgarie, engagée en masse en direction du Caucase. Luftwaffe priée donner éclaircissements quant à l’origine de cette idée extraordinaire ».
La deuxième note, datée du 3 mai 1940, est rédigée comme suit. Je cite textuellement : « Führer rejette requête Luftwaffe obtenir autorisation d’installer poste d’écoute dans le Caucase ».
J’aimerais que vous me donniez les motifs qui vous poussèrent à ces projets en tant que Commandant en chef de l’Aviation et que vous m’indiquiez les faits qui furent à l’origine de vos démarches.
Si ces insertions de Jodl basées sur l’information de l’amiral Canaris, chef de l’Ausland/Abwehr, mentionnent que l’escadrille Rewel de reconnaissance à longue distance a été affectée à ces missions spéciales, la raison en est que Canaris, qui lui confiait lui-même de fréquentes missions d’espionnage ou de renseignements, eut connaissance de mon intention que je voulais pourtant tenir secrète, d’utiliser cette escadrille et communiquer visiblement ce renseignement à l’OKW. Mes intentions à cet égard — d’après ce que j’avais personnellement ordonné — étaient particulièrement explicites. L’expression reconnaissance sur le Caucase ou en direction du Caucase n’est pas tout à fait exacte. Il eût été plus exact de dire en direction du Caucase, de la Syrie et de la Turquie, mais il est possible que l’erreur provienne du rapport transmis par Canaris.
Je recevais de plus en plus fréquemment des rapports selon lesquels, d’Asie Mineure, des actions devaient être dirigées contre les champs pétrolifères russes du Caucase et de Bakou, et également des actions destinées à désorganiser gravement l’acheminement du pétrole brut roumain vers l’Allemagne.
En tant que Commandant en chef de l’Aviation, j’étais évidemment le premier intéressé à l’importation aussi bien des pétroles roumains que caucasiens, plus précisément de pétrole et d’essence, à la suite des accords commerciaux conclus avec la Russie. En effet, à cette époque, nos usines d’essence synthétique n’étaient pas tout à fait achevées et ne fonctionnaient pas encore à plein rendement. Toute perturbation dans l’approvisionnement aussi bien des livraisons en provenance de l’une ou de l’autre région aurait gravement touché ma Luftwaffe. Je devais donc être particulièrement vigilant à ce sujet. Je pensais avant tout aux troubles susceptibles d’intéresser les régions pétrolifères du Caucase.
J’ai fait contrôler ces rapports d’agents secrets par des gens très sûrs et j’avais pu établir qu’il existait une armée sous le commandement du général Weygand ; elle reçut le nom d’armée d’Orient. Mais ce qui m’intéressait davantage, c’était la concentration d’escadrilles aériennes sur le territoire syrien, aussi bien d’escadrilles anglaises que françaises. Si je me souviens bien, j’avais obtenu ces nouvelles de Turquie par des personnes de confiance, à vrai dire des Turcs. J’avais obtenu ces informations sur les projets de ces escadrilles franco-britanniques en formation, parce qu’on avait négocié avec la Turquie le survol de son territoire pour pouvoir leur permettre de mettre à exécution ce projet d’aller bombarder par surprise la région de Bakou et de sérieusement endommager ainsi les champs pétrolifères russes, d’empêcher ainsi les livraisons, de pétrole à l’Allemagne.
Je me voyais donc obligé, tout au moins moralement, de faire constamment vérifier par mes avions de reconnaissance à long rayon d’action si ces aérodromes syriens devenaient plus actifs. Il ne pouvait pas y avoir d’autres raisons expliquant ces rassemblements d’avions sur les aérodromes ; à ce moment précis, cette région n’était pas théâtre d’opérations et l’Allemagne ne la menaçait pas à ce moment. Au contraire, il ne faisait pas de doute que les avions anglais et même français eussent été utiles en Angleterre et en France.
Si donc mes avions de grande reconnaissance établissaient que les aérodromes syriens étaient plus que jamais utilisés, si, d’autre part, ils établissaient que sur quelques aérodromes de l’Est de la Turquie les concentrations d’avions augmentaient, cela démontrerait clairement et, de fait, cela démontrait les susdites intentions de l’adversaire.
Dans ce cas, dès que je m’en serais clairement et complètement rendu compte, je me voyais dans l’obligation d’aviser le Führer afin que l’Allemagne puisse avertir la Russie du danger qui la menaçait.
La seconde mention relative à l’installation de postes d’écoute, non pas dans le Caucase, mais devant le Caucase, concourait au même but, à savoir l’installation de stations radio secrètes, dans les parages de l’itinéraire généralement emprunté, Syrie-Caucase, Syrie-Bakou, Turquie orientale-Bakou. Il s’agissait d’une, deux ou trois stations destinées à détecter les vols préparatoires effectués dans cette direction par l’aviation franco-britannique c’est-à-dire avant tout des vols dé reconnaissance sur les champs pétrolifères, etc. pour se faire ainsi une idée plus exacte de la situation.
Étant donné qu’à ce moment-là je n’en avais pas encore terminé avec la réunion des derniers documents, je gardais ces faits pour moi et ne poursuivis l’affaire qu’avec les services responsables de l’Aviation, jusqu’à ce que je me sois fait une idée absolument claire de la situation. Ce n’est que plus tard, après la fin de la campagne de France, que nous eûmes entière confirmation de ces intentions en découvrant les rapports secrets de l’État-Major général français et les procès-verbaux des séances du Conseil supérieur interallié de la Guerre réunissant l’Angleterre et la France. Ces documents confirmaient entièrement mes informations sur ce projet de bombardement intensif et par surprise de tous les champs pétrolifères russes qui avait vu le jour. Nous eûmes confirmation du plan d’anéantissement des champs pétrolifères roumains beaucoup plus tôt et ce plan fut communiqué au Gouvernement roumain, ce qui empêcha cette attaque contre la Roumanie neutre.
Si je vous ai bien compris, ces plans ont été établis en commun par la France et l’Angleterre ?
Parfaitement.
... et les informations que vous avez reçues relataient que des attaques contre les champs pétrolifères devaient être dirigées tout d’abord contre la Russie, pays neutre à cette époque, et ensuite indirectement contre l’Allemagne qui aurait été ainsi menacée de manquer de carburants ?
Naturellement.
Merci.
Témoin, est-il exact, ainsi que l’avance le Ministère Public, que vous étiez Reichsführer des SA ?
Je n’ai pas été Reichsführer des SA. Ce titre n’a d’ailleurs jamais existé. En 1923, le 9 novembre, j’étais commandant des SA qui, à cette époque-là, n’existaient qu’en Bavière et, sur une petite échelle, en Wurtemberg.
Pendant combien de temps avez-vous ensuite été commandant des SA ?
Je viens de vous le dire, jusqu’en novembre 1923.
A partir de 1921 ?
Du début de 1923.
Quelle a été votre participation avant ou plutôt après 1923 à la direction des SA, à leur endoctrinement et à diffusion des ordres ?
Je vous prie de bien vouloir répéter la question.
Quelle a été votre participation à la direction des SA, à l’endoctrinement des SA et à la diffusion des ordres avant 1923 ou plutôt après 1923 ?
Du début de 1923 jusqu’au 9 novembre 1923, mon pouvoir a été absolu, c’est-à-dire que je commandais directement les SA à cette époque. Après 1923, je n’avais plus rien à voir aux SA et, d’ailleurs, je ne m’en suis plus occupé.
Vos relations avec les SA furent-elles les mêmes avant 1923 qu’après 1923 ?
Plaît-il ?
Vos relations avec les SA étaient-elles les mêmes avant 1923 qu’après ?
Je viens de l’expliquer de façon parfaitement précise. Jusqu’au 9 novembre 1923 je fus commandant des SA avec les pleins pouvoirs. Après 1923, je n’ai plus rien eu à faire avec les SA dans le domaine des ordres. Cependant — je ne sais plus à quelle époque exactement, c’était en 1936 je crois — je fus nommé membre honoraire des SA sans exercer aucune autorité. D’ailleurs je n’avais pas l’occasion de le faire.
Au cours des interrogatoires de ces derniers jours, vous avez exprimé l’opinion que les SA étaient toujours prêtes à faire de grands sacrifices. Je vous prie de me dire de quelle nature étaient ces sacrifices.
Pour moi, leurs sacrifices, c’était aussi bien abandonner volontairement et sans contre-partie leurs loisirs pour se mettre à la disposition de notre mouvement que de renoncer à la vie familiale et autres joies pour perpétuellement se mettre à notre disposition aux moments difficiles de la lutte pour le pouvoir, les batailles électorales, les manifestations en permanence, les services d’ordre aux réunions, etc. Cela représente à mes yeux de très grands sacrifices si l’on pense que la majeure partie des SA était composée d’ouvriers et de petits employés qui, à vrai dire, auraient aussi bien pu — ce n’aurait pas été superflu — employer les quelques heures de loisir dont ils disposaient pour se reposer. Cependant, à tous moments, ils se mettaient entièrement à la disposition du Parti et s’engageaient politiquement pour soutenir leur idéal politique.
A-t-on promis à ces personnes des avantages matériels ?
En aucune façon.
Est-il exact qu’après la prise du pouvoir en particulier un grand nombre de provocateurs communistes se glissèrent dans les rangs des SA ?
Je vous prie, s’il vous plaît, de répéter la question.
Est-il exact, après la prise du pouvoir en particulier, qu’un grand nombre de provocateurs communistes seraient arrivés à se glisser dans les rangs des SA ?
Il s’agit même là d’une affaire digne d’attention et très importante. Le parti communiste s’attendait, ce qui est logique, aux mesures qui furent prises contre lui après la prise du pouvoir ; quantité d’adhérents de l’organisation de combat « Le Front rouge » en particulier, dans les grandes villes où c’était plus facile, se firent inscrire dans les SA. C’était d’autant plus facile à cette époque que le chef d’État-Major des SA, Röhm, acceptait volontairement dans les SA même des hommes qui, contrairement à ce qui se faisait autrement, n’étaient pas membres du Parti. Donc, n’importe qui pouvait devenir membre des SA sans être, pour autant, membre du Parti.
Le parti national allemand de Hugenberg créa lui aussi à cette époque une organisation politique de combat qui s’appelait les « Chemises vertes ». Les membres de cette organisation, de même que ceux du « Stahlhelm », pouvaient également être acceptés dans les SA, parce que ces organisations semblaient ne poursuivre aucun but.
Je me souviens personnellement qu’un jour, environ quatre à cinq cents de ces sortes de gens s’étaient rassemblés dans la Wilhelmstrasse pour se faire incorporer dans les SA. Je les vis de ma fenêtre et je reconnus très clairement qu’il s’agissait là d’éléments qui n’avaient pas à en faire partie. Je fis immédiatement appeler la Police d’ordre et les fis contrôler : 98% de ces hommes avaient encore dans leur poche leur carte d’adhérents communistes du Front rouge.
Monsieur Boehm, le Tribunal estime que l’accusé ne fait que répéter ce qu’il a déjà indiqué au cours de son interrogatoire principal. Au cours de cet interrogatoire, il nous a déjà expliqué longuement ce qu’étaient les SA, et il n’a jusqu’à présent rien ajouté de nouveau.
Le Ministère Public prétend que les SA auraient été composés de gangsters terroristes. Je crois qu’il est de mon devoir, en posant la question, de rectifier ou d’éclaircir cette opinion de l’Accusation.
Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai dit. Il se peut que le Ministère Public l’ait prétendu, c’est même probable. Mais ce que je veux vous faire remarquer, c’est que l’accusé Göring a déjà commenté avec précision toutes ces questions dans sa déposition et que le Tribunal ne désire pas entendre deux fois de suite les mêmes déclarations.
C’était peut-être, dans un certain sens, le cas pour les trois premières questions. (Au témoin) Je désirerais maintenant continuer en vous demandant quelle a été votre attitude aux SA envers le Traité de Versailles ? Leur avez-vous dit que le Traité de Versailles devait être aboli par la voie diplomatique ou au moyen d’une guerre ?
Il est extrêmement difficile de répondre à cette question Lorsqu’en 1923 je m’adressais à mes SA, je ne pouvais pas leur parler beaucoup de diplomatie. Ils n’y auraient rien compris. La question était très simple : « A bas Versailles ». Le SA moyen ne cherchait pas le pourquoi et le comment de la chose. C’était l’affaire des dirigeants. D’un côté, je ne leur ai pas promis qu’ils n’auraient jamais la guerre, je ne leur ai pas dit que nous étions une organisation pacifiste et que de simples protestations débarrasseraient le monde du Traité de Versailles. Je ne leur ai pas dit non plus que dans les années à venir nous attaquerions et nous ferions la guerre Au fond je ne leur ai rien dit du tout. Je leur ai dit qu’ils devaient obéir et avoir confiance dans leurs chefs, qu’ils devaient s’en remettre à eux de ce qu’ils faisaient. Que cette façon de penser fût juste et fondamentale, chaque adhérent des SA le savait par le programme du Parti, par nos discours. Le plus cher des vœux de l’opinion publique et de chaque Allemand honnête, je l’espère, était de se débarrasser du Traité de Versailles. A bas Versailles !
A votre connaissance et en dehors de la période de 1923, les SA ont-elles été avisées, entre 1921 et 1945 — aussi bien les chefs SA que chaque adhérent à cette organisation — que la NSDAP avait l’intention, après la prise du pouvoir, de s’emparer d’autres États, en entreprenant une guerre et en la conduisant, si c’était nécessaire, en violation des lois de la guerre et des exigences de l’humanité ?
Oui, je ne sais pas si l’on se fait une idée exacte de la direction des SA et de l’organisation SA en général. Il m’est impossible d’envisager qu’un individu quelconque aille annoncer : « Écoutez : 1° Nous voulons soumettre asservir et dominer tous les autres états ; 2° Nous voulons faire la guerre en permanence ; 3° Nous voulons tout détruire et nous comporter de la manière la plus inhumaine possible et 4° Nous ne voulons, ce faisant, respecter aucune des lois de la guerre, à aucun prix ».
Je ne peux m’imaginer que quelqu’un, si ce n’est un dément, se soit exprimé ainsi devant les SA ou qui que ce soit. Les SA ne furent jamais, d’aucune manière, endoctrinés politiquement. On leur disait : « Demain, il y a une manifestation », « Après-demain on distribue des tracts », etc., ce que j’ai déjà expliqué en détail.
Au moment de la prise du pouvoir, toutes sortes d’excès ne furent-ils pas commis par les membres des SA ? S’agissait-il d’initiatives individuelles ou bien ces mesures correspondaient-elles à des instructions de la direction des SA ?
En aucun cas, je crois, à des directives issues de services plus ou moins influents des SA. Dans une organisation groupant des millions de jeunes hommes il y aura toujours un certain pourcentage de voyous auxquels il faut ajouter, particulièrement dans les grandes villes, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, un nombre non négligeable de provocateurs. Il fallait donc toujours s’attendre à des excès de ces individus ou de petits groupes de ces individus. C’était absolument inévitable.
Les SA toléraient-elles en principe de telles initiatives individuelles de la part de leurs adhérents ?
J’ai déjà dit que j’avais eu très peu à faire avec la direction des SA. Mais je ne crois pas qu’elles l’eussent toléré.
Est-il exact qu’il avait été interdit à la Police d’intervenir lors d’excès commis par des adhérents des SA ?
Au début, ce n’était pas du tout le cas, et, bien au contraire, la Police avait, à ce propos, reçu l’ordre d’intervenir des plus énergiquement et l’amiral A. D. von Levetzow, président de la Police de Berlin, qui n’était pas membre du Parti, avait pris des mesures extrêmement sévères sur ce point. C’est sans doute la raison pour laquelle, deux ans plus tard, je crois, le Führer le démit de ses fonctions, à la suite de protestations continuelles de Goebbels, Gauleiter de Berlin.
Et que s’est-il passé plus tard ? Vous avez expliqué, si j’ai bien compris, qu’au début ce n’était pas le cas. Plus tard, on avait donc interdit à la Police d’intervenir lors d’excès commis par des adhérents SA ?
Non, il ne faut pas comprendre la chose ainsi. De tous temps la Police, pour autant que je m’en souvienne, est toujours intervenue lors d’excès commis par des membres individuels des SA. D’ailleurs toute une série de membres des SA ont été condamnés.
Dans la Police de Prusse et dans les Polices des autres régions de l’Allemagne, employait-on exclusivement des membres des SA ou bien alors tous les Allemands pour entrer à cette époque dans la Police étaient-ils l’objet d’une enquête décidant de leur admission ?
On procéda à ce que nous appelions une épuration de la Police, c’est-à-dire qu’on détermina d’abord les éléments qui, dépendant trop étroitement des partis politiques ennemis, ne paraissaient plus devoir être employés. Ces éléments furent impitoyablement éliminés. Ce n’était d’ailleurs qu’un pourcentage très faible de la Police existante. Elle fut complétée, en particulier la Police d’ordre qui portait l’uniforme fut renforcée. Des demandes de volontariat à ces postes affluaient de tous côtés. Naturellement, on favorisa dans une certaine mesure les membres de nos organisations. Cependant, nombre d’individus furent engagés qui n’en faisaient pas partie. Les candidats qui venaient des organisations devaient passer un examen d’aptitude pour entrer dans les services de la Police. Quelques-uns d’entre eux ont échoué et n’ont pas été admis.
Voilà ce qui s’est passé aussi longtemps que je me suis occupé de la Police. Je ne puis plus donner d’indications précises sur ce qu’il advint ultérieurement.
Est-il exact qu’après 1934 les SA, en dehors de l’entraînement sportif, n’étaient plus engagés en gros que lors de catastrophes, ou employés à former des gardes d’honneur lors de manifestations, à nettoyer les rues après les chutes de neige, à parer aux dégâts causés par des bombes, etc. ?
Après 1934, l’importance des SA diminua dans des proportions considérables C’est d’ailleurs compréhensible puisque leur tâche propre n’avait plus de raison d’être après la prise du pouvoir. Les activités que vous venez de mentionner étaient en effet celles auxquelles les SA étaient principalement employées. Pendant la guerre, les SA devaient être le centre de regroupement des anciens cercles militaires et ces derniers auraient été englobés dans les SA en tant qu’association d’anciens combattants. C’était ce que nous projetions pour conserver aux SA un domaine d’activité ultérieur.
Savez-vous que le « Stahlhelm », à la suite d’un accord entre le Führer et Seldte, a été transféré en bloc à la réserve des SA ?
Oui.
Est-il exact qu’après 1933, à la suite de ce que l’on a appelé l’uniformisation, les associations hippiques furent également incorporées aux SA, tout comme le Stahlhelm ?
Oui, je crois que c’est vrai.
La direction des SA et ses membres furent-ils jamais informés, avant ou après 1933, du résultat des consultations du cabinet ou plutôt des décisions prises en Conseil de Cabinet ?
Non, naturellement pas. J’ai déjà indiqué dans mon exposé général la façon dont il faut se représenter la direction des SA
Le Tribunal affirme, sur le point de guerre d’agression et de la collaboration des SA à sa préparation, que les SA, avant la guerre, formaient annuellement environ 25.000 officiers dans des écoles spéciales. Il me semble que vous devez certainement savoir quelque chose à ce sujet.
L’instruction des officiers de la Wehrmacht avait exclusivement lieu dans des écoles militaires spéciales à la Wehrmacht, et je ne pourrai jamais comprendre comment les SA, tant au point de vue technique qu’au point de vue organisation, auraient été capables de former des officiers pour la Wehrmacht. En second lieu, il me semble que le nombre de 25.000 officiers par an est quelque peu exagéré par rapport aux besoins en officiers de l’Armée C’eût été trop beau si nous en avions eu un tel nombre. Ces chiffres, même pour plusieurs années, sont aussi inexacts que le fait selon lequel les SA auraient procédé à l’instruction des officiers C’était exclusivement le fait de la Wehrmacht.
Mais il me semble néanmoins qu’on a instruit un certain nombre d’hommes. Savez-vous où et dans quel but ? Savez-vous quelque chose sur les écoles de cadres ?
Oui. Chaque organisation avait son école de cadres.
Chaque organisation avait des écoles où l’on instruisait et éduquait ceux qui, dans les cadres de ces organisations, devaient occuper quelque poste de commandement. Tout ce que je peux imaginer c’est que le Ministère Public a peut-être confondu ou voulait-il peut-être dire qu’un certain nombre de chefs SA avaient reçu une certaine instruction prémilitaire provisoire, telle que lecture de cartes et autres enseignements semblables. Ces questions, cependant, dépassent mes connaissances.
Puis-je vous demander de nous expliquer les rapports entre le régiment « Feldherrnhalle » et les SA ou plutôt la Wehrmacht. Existait-il une garde ou un régiment dénommé « Feldherrnhalle » ? Qu’avait-il de spécial ?
Les SS avaient été autorisés par le Führer à former plusieurs unités armées, de véritables formations militaires, telles que la « Leibstandarte » et le régiment « Grossdeutschland » et autres. A la suite de cela, le commandement des SA demanda que lui fût au moins accordée l’autorisation de former une unité armée pourvue d’un armement léger et de fusils dans l’intention d’en faire une formation de parade. Cette formation porta la dénomination de « Feldherrnhalle ». Le chef d’alors des SA, Lutze, proposa au Führer de me mettre à la tête de cette unité. C’était un grand honneur que d’être nommé chef d’un régiment ou d’une « Standarte ». Lorsque j’ai vu pour la première fois cette unité, lors d’une réunion du Parti à Nuremberg, je crois, elle me plut spécialement car son personnel était particulièrement jeune et bien choisi.
Au fond, je n’ai pas été très reconnaissant envers les SA pour l’honneur insigne qu’elles m’avaient fait car quelques semaines après avoir vu défiler cette unité d’élite, je me la suis appropriée pour l’incorporer en bloc dans la Luftwaffe et en faire mon premier régiment de parachutistes Ainsi cette unité devint, peu après sa formation, une unité de la Wehrmacht, un régiment de la Luftwaffe Il s’écoula longtemps après cet événement peu agréable pour les SA, avant que leur chef Lutze se décidât à reformer une unité similaire, portant le nom de « Feldherrnhalle ». Mais cette unité était bien moins importante, elle assura surtout des gardes autour de la direction suprême des SA. Je ne fus pas nommé une seconde fois chef de cette unité.
A ma connaissance, d’après ce que j’appris personnellement des Gruppenführer et Obergruppenführer SA, et aussi d’après mes lectures, cette unité « Feldherrnhalle » n’avait jamais été armée avant d’être affectée à l’Aviation. Est-ce exact ?
Non, ce n’est pas exact. Je crois, mais je ne puis l’affirmer ici avec certitude et sous la foi du serment, que peu de temps avant d’être transférée dans la Luftwaffe cette unité reçut des fusils, mais il ne s’agissait que de fusils. Mais, comme je l’ai déjà dit, je ne pourrais fournir plus de précisions.
A ce propos, étant donné que le Ministère Public a soulevé cette question, je voudrais souligner encore que ce régiment était déjà prévu comme régiment de parachutistes dans le « Cas Vert ».
Après que le « Cas Vert » eut été réglé pacifiquement ou plutôt après que la question des Sudètes eût été réglée pacifiquement et bien après l’occupation de la région des Sudètes, je fis lâcher ce régiment de parachutistes, là où l’on devait à l’origine le faire parachuter, mais uniquement comme manœuvres, à titre d’exercice. Ce fut le parachutage de Freudenthal, qui a joué un certain rôle dans l’Accusation. A cette époque, ces troupes furent déjà parachutées en uniforme bleu et faisaient partie de la Luftwaffe. C’est par pure courtoisie que j’ai invité le chef des SA Lutze à venir assister à ces manœuvres de parachutage.
Les SA, dans cette guerre, ont-elles joué un rôle stratégique ou tactique dans les opérations militaires ?
Non. Les SA, en tant qu’unités SA n’ont jamais été engagées dans cette guerre à des fins tactiques ou autres. Il est possible qu’à la fin certains détachements SA soient entrés dans le Volkssturm.
Est-il exact que les SA, lors de l’occupation de l’Autriche, du pays des Sudètes ainsi que de la Tchécoslovaquie, aient participé aux côtés de l’Armée aux opérations en tant qu’unités autonomes ?
Dans le cas de l’Autriche, il existait sur place une organisation SA autrichienne. Elle n’a pas participé à l’occupation, mais avait assumé en certains endroits des missions de police auxiliaire ; la formation dénommée « Légion autrichienne » qui se trouvait dans le Reich fut très longtemps retenue en Allemagne, sur mon ordre formel. C’est ce que désirait aussi Seyss-Inquart. Elle ne devait regagner l’Autriche qu’après l’amélioration radicale de la situation en Autriche. Elle était en effet originaire de ce pays.
Après l’annexion à l’Allemagne du pays des Sudètes, il se peut que ces unités des SA s’y soient rendues. Je ne suis pas très bien informé sur ce point. J’ai entendu dire qu’il s’agissait de Sudètes allemands qui avaient dû évacuer la région et la regagnaient à ce moment-là. Lors de l’occupation du reste de la Tchécoslovaquie, je ne vois pas comment des unités constituées des SA auraient pu prendre une part quelconque à l’avance.
Les membres des SA étaient-ils à même de se rendre compte, qu’éventuellement, les projets de leurs chefs pouvaient les amener à participer à la perpétration de certains actes répréhensibles ?
Je n’ai pas très bien compris le sens de la question.
Les membres des SA pouvaient-ils se rendre compte que les projets des dirigeants des SA pouvaient éventuellement les amener à participer à la perpétration de certains crimes ?
Des crimes, jamais.
Je voudrais poser une dernière question, bien que dans une certaine mesure vous y ayez déjà répondu. Les membres des SA ont-ils à quelque moment que ce soit, connu les buts et les objectifs des SA ? Pouvaient-ils les connaître ou auraient-ils pu savoir que l’intention de la direction des SA ou de son état-major consistait à commettre des crimes tels que des crimes contre la Paix, des crimes contre l’Humanité ou des crimes de Guerre, ainsi qu’ils sont définis dans l’Acte d’accusation ?
J’ai déjà répondu à cette question.
Le Tribunal suspend l’audience pour dix minutes.
Monsieur le Président, je voudrais vous prier de me laisser poser une question fondamentale, à savoir, la question de l’honorariat. Dans les SA, il y a eu des postes honoraires, ceux par exemple d’Obergruppenführer, de Gruppenführer, de Brigadeführer, de Standartenführer et de Sturmführer.
Témoin, j’aimerais que vous m’expliquiez quelle était la part prise par les détenteurs de fonctions honorifiques de l’organisation des SA dans l’instruction des SA, la diffusion des ordres qui leur étaient destinés et quel genre d’influence ils pouvaient avoir ?
Les chefs honoraires des SA étaient nommés pour les raisons et les motifs les plus divers. Ils jouaient un rôle exclusivement représentatif, c’est-à-dire qu’ils prenaient part en uniforme SA aux démonstrations du Parti. Ils n’étaient en aucune façon membres actifs des SA et n’étaient pas avisés des activités intérieures de l’organisation, des manifestations et autres tâches. Leur rôle était purement décoratif.
Témoin, peut-on affirmer que la Gestapo, lorsque vous l’avez créée en 1933, était une unité de combat nationale-socialiste ou était-ce plutôt une institution d’État telle que par exemple la Police criminelle et autres institutions du Reich ?
J’ai déjà souligné qu’il s’agissait d’une véritable institution d’État rassemblée autour de l’ancienne Police politique qui fut tout bonnement réorganisée et orientée suivant les nouveaux principes de l’État Cet organisme n’avait pas la moindre relation avec le Parti à cette époque. Le Parti ne possédait aucune influence, aucune compétence pour donner des ordres ou des directives de quelque nature que ce fût. C’était exclusivement une institution d’État. Ses membres, qui en faisaient partie ou y étaient nouvellement incorporés, étaient à cette époque fonctionnaires avec tous les droits et tous les devoirs impartis à leur qualité.
A votre connaissance, cet état de choses changea-t-il en quoi que ce fût entre le moment où Himmler prit sous ses ordres la Police d’État en 1945 ?
Jusqu’en 1934, la situation demeura exactement celle que je viens de décrire. Ensuite, lors de l’élargissement de cette formation l’élément SS prédomina à cause d’apports plus nombreux en provenance de ce secteur. Mais, quant à l’incorporation, même à cette époque, de ces éléments SS, ils devaient, quelles que fussent les circonstances, passer un examen. Ils devenaient fonctionnaires et le restaient. J’ai appris plus tard qu’aucune modification n’était intervenue dans leur qualité de fonctionnaires. Cependant, peu à peu, au cours des années, tous les fonctionnaires, qu’ils le veuillent ou non je crois, recevaient un poste quelconque dans les SS. Si bien qu’un fonctionnaire de la Gestapo qui n’avait peut-être jusqu’en 1939 ou 1940 rien eu à voir avec les SS et dont la carrière remontait à l’ancienne époque, c’est-à-dire était déjà fonctionnaire de police sous la république de Weimar, obtenait automatiquement un rang quelconque dans les SS. Mais il restait fonctionnaire, c’est-à-dire que la Gestapo était une administration de la Police allemande.
Savez-vous si, après la prise du pouvoir, Himmler, en sa qualité de président de la Police de Munich, remplissait en même temps les fonctions de chef de la Police politique et de la Police criminelle de Bavière ?
Autant que je sache et comme je l’ai déjà dit, Himmler fut d’abord Polizeipräsident de Munich. Très peu de temps après — une ou deux semaines environ — il se nomma Polizeikommandeur de Bavière et un mois ou un mois et demi plus tard (ce fut fait très vite) il devint pratiquement — je ne sais plus comment cela s’intitulait — de facto il devint Chef suprême de la Police de tous les pays allemands et villes libres, à l’exception de la Prusse.
Vous avez dit tout à l’heure que tous les fonctionnaires de la Gestapo avaient été incorporés dans les SS. Était-ce volontaire de leur part, ou une certaine pression fut-elle exercée par les services administratifs pour obtenir cette appartenance aux SS ?
Je crois, mais je l’ai seulement entendu dire par quelques fonctionnaires que je connaissais depuis longtemps qu’ils étaient obligés de le faire. Ils n’étaient pas intégrés aux SS mais on leur conférait un grade SS. Il était probablement dans les intentions de Himmler de fusionner la Police et les SS. En tant que chef unique de ces deux organisations, je ne sais pas comment il voyait la chose et quels étaient les détails de la question. C’est pourquoi j’ai pu ici donner des explications peut-être pas tout à fait exactes. J’ai fait au mieux.
Vous avez dit tout à l’heure qu’en 1933 les fonctionnaires de la Police politique d’alors furent mutés dans la Police d’État. Le fit-on sur leur propre demande, ou bien furent-ils mutés d’autorité, sans que, dans certains cas, ils fussent consentants ?
Il n’est pas exact de dire que les fonctionnaires de la Police politique du précédent régime, furent en bloc incorporés dans la Gestapo. Au contraire, le tri fut très rigoureux car dans ces services, comme il s’agissait d’une Police politique, se trouvaient justement les représentants des partis qui nous étaient hostiles. Il fallait les éloigner. En conséquence, de nouveaux éléments arrivèrent, d’autant plus que ses effectifs augmentèrent considérablement. Ces nouveaux fonctionnaires provenaient d’autres services policiers : Police criminelle et autres Polices et, comme je l’ai déjà dit, de l’extérieur,ces nouveaux engagements furent décidés en tenant compte naturellement dans une large mesure de nos propres candidats J’ignore dans quelle mesure les mutations furent légales, telle par exemple celle de M. Müller qui de la Police criminelle fut muté à la Police secrète d’État. Je ne saurais aussi dire exactement si on lui a demandé son avis. Je ne le crois pas. J’ai laissé ce soin au chef de la Police secrète d’État. J’ai élaboré les grandes lignes de l’affaire. Je ne pouvais me préoccuper personnellement de chaque fonctionnaire de la Police criminelle.
Connaissez-vous l’Obergruppenführer Müller qui était chef de la section IV du RSHA ?
Je l’ai connu.
Saviez-vous que lui-même et ses collaborateurs immédiats provenaient de la Police politique de Bavière, telle qu’elle existait avant 1933 ?
Je l’ignorais. Je ne savais qu’une seule chose, c’est qu’il était originaire de Bavière.
Savez-vous que la Police secrète d’État ne prit pas part aux troubles du 9 novembre 1938 ?
J’ai toujours été convaincu qu’elle n’y avait pas participé. J’ai vu ici un document qui lui donnait au moins l’ordre de ne pas intervenir. Je ne pense pas qu’elle soit intervenue.
Si je vous ai bien compris, vous avez dit récemment que, au cours de cette journée contestée du 9 novembre, après votre retour à Berlin, vous auriez téléphoné immédiatement au chef de la Gestapo. Avez-vous uniquement téléphoné pour obtenir des informations plus précises ou bien parce que vous pensiez que la Gestapo avait participé activement à ces manifestations, les avait organisées et réalisées ?
Si j’avais été convaincu que la Gestapo était l’instigatrice de ces troubles, je ne lui aurais certainement pas demandé de renseignements. J’ai donné des ordres à mes collaborateurs par l’intermédiaire de la Police, dans ce cas par la Gestapo, parce qu’elle avait les relations nécessaires ou par le moyen de la Police criminelle ; c’était pour moi la même chose. Je ne pouvais que m’adresser au chef de la Police, Heydrich, et lui dire que je désirais le plus vite possible un rapport objectif sur ce qui s’était passé. Un rapport relatant simplement des faits.
Est-il exact que, lorsque vous avez transmis vos fonctions de chef de la Police à Himmler, vous ayez déclaré qu’il était indigne pour un fonctionnaire allemand de maltraiter des prisonniers et que vous séviriez toujours très sévèrement contre tout fonctionnaire coupable d’un tel acte ?
Le discours que j’ai fait à cette occasion est connu et contient de tels passages.
Savez-vous qu’il existait un ordre du RSHA, donc postérieur à la remise de vos pouvoirs, interdisant à tout fonctionnaire et employé de la Police d’État de frapper ou de maltraiter les détenus, sous peine des sanctions les plus sévères ?
C’est possible. Je ne suis pas au courant des ordres distribués après la transmission de mon service.
Pouvez-vous affirmer, pour poser la question négativement, qu’il n’y eut jamais d’ordre de maltraiter des internés ou de les torturer, soit au moment où vous étiez chef de la Police d’État soit plus tard ?
Je puis affirmer avec certitude que je n’ai moi-même jamais donné ou permis que l’on donnât de tels ordres.
Par ailleurs, je n’ai jamais eu connaissance de ce qui aurait pu se faire à ce sujet dans d’autres provinces que la Prusse ou postérieurement à mon mandat.
Auriez-vous appris que, contrairement à ces ordres, de semblables traitements étaient coutumiers à la Gestapo ou affirmez-vous que de tels agissements réellement perpétrés n’étaient que des cas individuels ou des transgressions individuelles ?
A l’époque où je participais aux activités de la Police secrète d’État, comme je l’ai déjà dit ouvertement, des excès de ce genre ont eu lieu. Pour les réprimer, il fallait naturellement les découvrir. On sévissait alors. Les fonctionnaires savaient donc parfaitement que s’ils se comportaient ainsi, ils encouraient le danger de se voir condamner. Un grand nombre d’entre eux furent punis. J’ignore ce qui s’est passé dans la pratique plus tard.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Témoin, les mêmes conditions étaient-elles requises pour la nomination des chefs honoraires SS ?
Je pense que oui.
Etes-vous au courant de directives ou autres règlements concernant la nomination à des fonctions honorifiques ?
Non.
Était-il possible de refuser une nomination ?
Je pense que oui.
Connaissez-vous les raisons de l’élargissement des Waffen SS en organisation permanente après 1939 ?
Je vous demande pardon.
Je répète : connaissez-vous les raisons de l’élargissement des Waffen SS, après 1939, en organisation permanente ?
Les premières divisions des Waffen SS, dont le personnel était spécialement sélectionné, se sont battues avec une bravoure exemplaire. En conséquence, le Führer accepta volontiers la suggestion de Himmler de créer d’autres divisions Waffen SS. L’Armée de terre ainsi que l’Aviation protestèrent à juste titre car cet accaparement des meilleurs éléments volontaires faisait que l’on manquait dans l’Armée de terre et dans l’Aviation de ces hommes qui auraient également constitué d’excellents officiers. C’est pourquoi ces dernières se sont opposées à l’extension des Waffen SS. Au début, le Führer n’était, lui aussi, pas très pressé de voir se constituer sur une grande échelle des formations armées autres que la Wehrmacht. Il en arriva cependant petit à petit à approuver le projet. Au moment où la continuation de la guerre souleva des difficultés accrues, difficultés de recrutement de nouveaux contingents de remplacement, Himmler abusa plus ou moins le Führer en lui déclarant qu’il était en mesure de mettre sur pied un grand nombre encore de divisions SS, que ses possibilités de recrutement étaient très importantes et autres raisons de ce genre. Le Führer accueillit naturellement ces déclarations avec plaisir car il avait alors un besoin urgent de troupes. Mais en vérité Himmler employait déjà à cette époque de tout autres méthodes, qui n’avaient plus grand-chose de commun avec un recrutement volontaire. Il créa d’abord sur le papier une série de nouvelles divisions SS avec cadres. Mais les hommes lui firent défaut. Il dit alors au Führer : « J’ai prélevé sur mes autres divisions SS mes meilleurs Unterführer et les ai transférés dans ces nouvelles divisions ». Mais pour telle ou telle raison, le recrutement des hommes ne s’effectuait pas normalement. C’était la Wehrmacht et la Luftwaffe, surtout la Luftwaffe, qui en supportaient les conséquences. Je devais combler en partie les vides de ces divisions SS avec mon personnel à terre et les hommes de mes batteries de DCA. Les hommes de la Luftwaffe en étaient très mécontents et aucun d’eux n’était volontaire pour ces formations. Mais, à la fin, le Führer ordonna que les hommes fussent pris dans les unités de réserve de l’Armée de terre, et autant que je m’en souvienne, dans les unités de réserve de la Marine également. Je ne puis parler que du contingent prélevé de force et par ordre sur la Luftwaffe et que j’estimerai de tête à approximativement 50.000 hommes et officiers au moins.
Comme cela avait provoqué un mécontentement particulier, je m’arrangeai pour obtenir que les hommes de la Luftwaffe susceptibles d’être engagés dans des combats à terre ne fussent plus mutés dans les SS à l’avenir, mais dans de nouvelles divisions de parachutistes en formation. Le Führer fut d’accord, car dans la dernière phase de la guerre, les divisions de parachutistes se montrèrent les plus fidèles et les meilleures de toute la Wehrmacht. Leur résistance et leur esprit combatif étaient supérieurs à ceux des divisions SS. A partir de ce moment, plus aucun autre contingent ne passa de la Luftwaffe aux SS et, pour autant que je sache, il ne se créa plus de nouvelles formations SS.
Je n’ai pas d’autres questions.
Témoin, quelle était l’opinion de l’État-Major général de l’Armée de terre sur les possibilités d’un conflit avec d’autres puissances ?
Son attitude était purement professionnelle, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire que l’État-Major général devait étudier en théorie et en pratique toutes les éventualités, toutes les possibilités d’une situation de guerre. Le comportement qui aurait dû être sien de par ses propres tendances et façons de voir était — je dois le dire ouvertement — particulièrement réservé et timide pour un État-Major général. Cela vient probablement du fait que la plus grande partie des officiers de l’État-Major général provenait de la Reichswehr. Et les pensées qui, pendant une quinzaine d’années, avaient prédominé dans la Reichswehr si réduite, étaient telles qu’on a de la peine à se les imaginer. Cet État-Major de l’Armée était à vrai dire imprudemment pacifiste, beaucoup plus qu’il n’est normalement de coutume dans l’Armée.
Connaissez-vous des généraux ou des amiraux qui aient poussé ou incité à la guerre ?
Non.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Le Ministère Public désire-t-il commencer son contre-interrogatoire ?
Êtes-vous conscient d’être le seul homme vivant qui puisse nous exposer les buts véritables du parti nazi et le fonctionnement de sa direction ?
Oui, parfaitement.
Depuis les tout premiers débuts, vous et ceux qui vous étaient associés aviez l’intention de renverser — et par la suite vous l’avez effectivement fait — la République de Weimar ?
En ce qui me concerne, j’y étais fermement décidé.
Et lorsque vous avez pris le pouvoir, vous avez immédiatement aboli le régime parlementaire en Allemagne ?
Il ne nous était plus d’aucune utilité. Je voudrais cependant souligner que nous étions d’ailleurs le parti parlementaire le plus fort et avions la majorité. Néanmoins, vous avez raison de dire que le parlementarisme fut aboli puisque plusieurs partis furent dissous et interdits.
Vous avez introduit le Führerprinzip que vous nous avez décrit comme clef de voûte d’un système dans lequel l’autorité venait d’en haut, était transmise aux échelons inférieurs et exercée à rencontre du peuple. Est-ce exact ?
Afin d’éviter tout malentendu, j’aimerais une fois de plus exposer très brièvement comment j’entends la question.
Dans le défunt système parlementaire allemand, la responsabilité incombait aux échelons supérieurs, responsables de la réalisation des désirs anonymes de majorités, qui exerçaient donc l’autorité. Avec le Führerprinzip, nous avons entrepris de renverser la vapeur. L’autorité s’exerçait de haut en bas tandis que l’échelon inférieur était responsable devant son supérieur.
En d’autres termes, vous n’imaginez pas et n’avez pas autorisé un gouvernement qui, comme nous disons, gouverne avec le consentement du peuple et dans lequel le peuple, par l’intermédiaire de ses représentants, est à la source du pouvoir et de l’autorité ?
Ce n’est pas entièrement exact. Nous avons demandé au peuple à plusieurs reprises de se prononcer sans équivoque et clairement sur notre système. Mais ces consultations se déroulèrent différemment de ce qui se faisait précédemment et peut-être ainsi dans d’autres pays. Nous dirigions dans le sens des décisions populaires. Nous étions également d’avis qu’avec le Führerprinzip un gouvernement ne peut à la longue subsister que s’il jouit de quelque façon que ce soit de la confiance populaire. S’il n’en avait plus été ainsi le Gouvernement aurait dû gouverner sous la protection des baïonnettes. Et le Führer a toujours été d’avis qu’il était à la longue impossible de gouverner contre la volonté du peuple.
Mais vous n’avez pas permis que soient choisies par voie électorale les personnes qui auraient dû être mandatées par le peuple. Elles étaient toujours nommées par l’échelon supérieur, n’est-ce pas ?
C’est exact. Le peuple avait simplement à reconduire l’autorité du Führer ou disons, à se déclarer d’accord avec le Führer. Lorsqu’il avait donné sa confiance au Führer, il lui appartenait alors d’exercer les autres fonctions. Ce n’était donc pas quelques individus qui étaient choisis selon les désirs du peuple mais uniquement les dirigeants.
Ce principe avait donc été adopté définitivement par vous en Allemagne. L’a-t-il été parce que vous pensiez qu’aucun peuple n’est capable de se gouverner lui-même ou bien parce que vous pensiez que si quelques-uns en étaient peut-être capables, le peuple allemand, lui, ne l’était pas. Sans considération de savoir si quelques-uns d’entre nous sont capables de gouverner d’après nos conceptions, celles-ci ne devaient pas être autorisées en Allemagne ?
Je vous demande pardon, mais je n’ai pas très bien saisi le sens de la fin de cette dernière question. Je pourrais peut-être répondre de la façon suivante :
J’ai considéré le Führerprinzip nécessaire car le régime précédent, que nous appelions parlementaire ou démocratique, avait amené l’Allemagne au bord de l’abîme. A ce propos, pourrais-je vous rappeler que votre propre Président Roosevelt déclarait, autant que je m’en souvienne — je ne le citerai pas mot à mot — que certains peuples en Europe avaient déserté la démocratie, non pas parce qu’ils ne la désiraient pas comme telle mais parce que la démocratie avait engendré des dirigeants trop faibles pour donner au peuple du travail et du pain et pour le satisfaire. C’est pourquoi les peuples ont abandonné ce système et ses hommes. Cette déclaration contient beaucoup de vérité. Ce système avait apporté la ruine et, j’en suis convaincu, seule une organisation forte et hiérarchisée et clairement définie pouvait à nouveau rétablir l’ordre. Bien entendu non pas contre la volonté du peuple, mais seulement après que ce dernier, à la suite de plusieurs votes échelonnés, eût de plus en plus clairement exprimé son désir de confier sa destinée à un gouvernement national-socialiste.
Les principes du gouvernement autoritaire que vous aviez institué exigeaient, si je vous ai bien compris, que ne fût tolérée aucune opposition venant de partis politiques capables de déjouer ou de faire obstacle à la politique du parti nazi ?
Vous l’avez parfaitement bien compris. Jusqu’alors, nous avions vécu d’opposition et nous en avions assez. L’opposition nous avait conduits à la déchéance. Le moment était venu de se défaire de cette habitude et de commencer enfin à construire.
Après vous être emparés du pouvoir et comme cela devenait nécessaire pour maintenir votre emprise, vous avez décidé d’interdire tous les partis d’opposition, n’est-ce pas ?
Oui, nous considérions qu’il était nécessaire de ne plus tolérer d’opposition.
Et vous avez aussi considéré comme nécessaire de supprimer toute opposition individuelle de peur qu’elle ne soit à l’origine d’un parti d’opposition ?
Lorsque cette opposition gênait sérieusement notre travail constructif, nous ne la tolérions naturellement pas. Lorsqu’il ne s’agissait que de bavardages inoffensifs, elle n’était pas prise en considération.
Afin donc d’être certain de contrôler aussi bien les partis que les particuliers, vous aviez jugé nécessaire de disposer d’une Police secrète d’État qui vous aidât à découvrir toute forme d’opposition ?
J’ai déjà dit que je le considérais comme nécessaire ; d’ailleurs il existait autrefois une Police politique. Cette nouvelle Police était seulement plus importante et plus forte.
Et dès votre arrivée au pouvoir vous avez également jugé nécessaire de faire établir des camps de concentration pour accueillir des adversaires incorrigibles.
Je l’ai déjà dit : l’idée des camps de concentration n’a pas vu le jour à la suite du raisonnement suivant :
voilà tout un groupe d’opposants qui doivent être placés en internement préventif. Il s’agissait là d’une mesure brusquée prise contre les fonctionnaires du parti communiste qui, à cette époque, étaient des milliers à nous harceler. Comme, d’autre part, ils étaient internés préventivement, ils n’étaient pas mis en prison. Mais il fallut, comme je l’ai déjà dit, établir un camp, deux ou trois camps.
Mais vous qui étiez un haut dirigeant de ce système, n’oubliez pas que vous expliquez tout cela à des hommes qui ne sont pas très familiers de ces questions et je désirerais connaître ce que vous jugiez nécessaire pour asseoir un régime introduit par vous en Allemagne. Les camps de concentration appartenaient à celles des institutions que vous avez jugées nécessaires dès votre arrivée au pouvoir, n’est-ce pas ? Et vous avez établi ces camps de concentration comme mesure préventive selon vos idées.
La traduction est déficiente, car vous parliez trop vite. Mais je crois avoir compris le sens de vos remarques. Vous me demandiez si la création de camps de concentration en vue d’éliminer l’opposition était une des mesures que j’estimais immédiatement nécessaires. C’est exact.
Dois-je considérer votre réponse comme affirmative ?
Oui.
Était-il également nécessaire, dans ce système, de retirer aux gens le droit de pouvoir être jugés publiquement par des tribunaux indépendants ? Et avez-vous, en conséquence, publié une ordonnance suivant laquelle les décisions de votre Police secrète d’État ne pouvaient être soumises à révision de la part d’une juridiction ?
Vous devez distinguer deux catégories de gens, ceux qui d’abord s’étaient rendus coupables de trahison active vis-à-vis du nouvel État ou que l’on pouvait convaincre de tels agissements. Ils étaient naturellement traduits devant les tribunaux. Les autres, cependant, de la part desquels on pouvait attendre de tels agissements, mais qui n’avaient encore rien entrepris, étaient internés préventivement et ce sont ceux-ci qui furent internés dans des camps de concentration. Je parle actuellement de ce qui est arrivé au début. Plus tard, les choses ont beaucoup changé. Et, pour répondre à votre question, quand, pour des raisons politiques ou des raisons d’État, des internements de cette sorte avaient été réalisés, cette décision n’était sujette à examen ou à réformation de la part d’aucun tribunal. Par la suite, certaines personnes furent également placées en internement préventif pour des raisons qui n’étaient pas politiques, pour d’autres formes d’opposition au régime. Je me souviens qu’une fois, en tant que président des ministres de Prusse et ministre de l’Intérieur du Reich...
Laissons de côté cet aspect de la question. Je ne vous ai pas questionné sur ce sujet. En ne répondant qu’à la question vous épargnez notre temps. Votre avocat aura la possibilité de vous demander d’exposer n’importe quel sujet sur lequel vous désirez donner des explications.
Vous avez interdit tout contrôle par les tribunaux et estimiez nécessaire en particulier d’interdire ce contrôle dans le cas de personnes placées en internement préventif comme vous le disiez ?
J’ai répondu très clairement à la question. Je désirerais néanmoins répondre à ce que vous venez de dire.
C’est l’affaire de votre avocat. Au sujet des camps de concentration et de la mise en internement préventif...
Le Tribunal pense que le témoin est autorisé à fournir toute explication jugée nécessaire pour répondre à cette question.
Le Tribunal pense que vous pouvez maintenant fournir vos explications ; il prendra vos réponses en considération.
Je n’ai pas voulu dire que cela s’appliquait à toutes les réponses en général, mais à cette réponse en particulier.
En ce qui concerne votre question sur le refus aux tribunaux d’un droit de regard, je voulais encore dire qu’un décret avait été promulgué conjointement par Frick et par moi-même, suivant lequel les personnes qui étaient internées dans les camps devaient connaître, au bout de 24 heures, la raison de leur internement, et dans un délai de 48 heures (c’était un délai rapide), pouvaient, si elles le désiraient, choisir un avocat. Mais l’ordre que j’avais donné interdisant révision par les tribunaux des mesures d’internement préventif politiquement nécessaires, n’avait pas été levé pour autant ; on donnait uniquement à ces personnes la possibilité immédiate d’élever une protestation.
L’internement préventif signifiait que vous interniez aussi des gens qui n’avaient pas commis de crime, mais qui vous semblaient susceptibles d’en commettre.
Oui. Des personnes furent arrêtées et mises en internement préventif qui n’avaient pas encore commis de crimes mais desquelles on pouvait s’attendre à ce qu’elles en commissent si elles restaient en liberté tout comme encore aujourd’hui on prend en Allemagne d’extraordinaires mesures préventives sur une très vaste échelle.
C’était également une nécessité dans le genre d’État dont vous étiez le promoteur de disposer d’un organisme pour travailler le peuple au point de vue propagande, surveiller ses réactions et en informer les dirigeants, n’est-ce pas ?
La dernière partie de cette question a également été traduite de façon décousue.
Ne vous fallait-il pas, dans un tel État, des organismes chargés d’élaborer et de diffuser la propagande ?
Naturellement nous avons fait de la propagande. Pour ce faire, nous possédions des organismes de propagande.
Et vous avez utilisé pour cela le Corps des chefs politiques du parti nazi, n’est-ce pas ?
Le Corps des chefs politiques était d’un côté naturellement là pour répandre nos idées parmi le peuple. D’autre part, son but était aussi d’organiser et de diriger les gens qui composaient le Parti.
Avec votre système de Gauleiter, Kreisleiter jusqu’aux Blockleiter, les ordres et les instructions parvenaient des dirigeants jusqu’au peuple et des renseignements sur les réactions du peuple remontaient par le même canal jusqu’aux dirigeants ?
C’est exact. Les ordres, les missions que l’on se proposait de donner, les questions de propagande ou autres, étaient communiqués aux échelons inférieurs au moment voulu et, d’un autre côté, les réactions de la grande masse du peuple étaient retransmises aux échelons supérieurs par les divers organismes qui s’y ramifiaient profondément et, sur les questions courantes, nous tenaient au courant de l’opinion du peuple.
Et vous deviez avoir également certaines organisations pour exécuter les ordres ; des organes d’exécution, des organismes qui, si le besoin s’en faisait sentir, combattaient pour vous.
Oui. Des services administratifs sont sans aucun doute nécessaires. Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire par organisation de combat, combattre quoi ?
Eh bien, si vous désiriez faire disparaître certaines personnes, il vous fallait une organisation pour le faire, n’est-ce pas ? Röhm et les autres n’ont pas été tués par les mains de Hitler, ni par les vôtres, que je sache ?
Röhm... J’ai exposé clairement ici l’affaire Röhm. C’était une affaire d’État...
Je ne vous ai pas demandé...
... et c’est la Police qui s’en est chargée.
Mais lorsque c’était une nécessité d’État d’abattre un individu, il vous fallait bien quelqu’un pour le faire ?
Oui, comme dans les autres États. Peu importe le nom qu’on lui donne : service secret ou quelque autre dénomination.
Et les SA, les SS et le SD ? Les organisations de ce genre étaient celles qui exécutaient ces ordres et liquidaient les gens ?
Les SA n’ont jamais reçu l’ordre de tuer qui que ce fût, ni de mon temps, ni après. N’importe comment, je n’avais aucune influence en la matière. Le seul ordre d’exécution dont je me souvienne qui fut donné sans l’intervention d’un tribunal, le fut contre quelques personnes lors du putsch de Röhm. Cet ordre a été exécuté par la Police, donc par un organisme d’État.
Quelle Police ?
Autant que je m’en souvienne, par la Gestapo. De toute façon, c’était elle qui avait à en être chargée. Il s’agissait d’une action contre des ennemis de l’État.
Et les SS étaient utilisés dans le même but, n’est-ce pas ?
Pas en Allemagne du Nord à cette époque. Dans quelle mesure c’était le cas en Allemagne du Sud, où la Gestapo et les SS étaient encore séparés, et qui dirigea l’action en Allemagne du Sud, je l’ignore...
Pourtant les SS ont opéré des arrestations et ont assuré le transfert des personnes dans les camps de concentration. Vous-même avez été arrêté par les SS, n’est-ce pas ?
Oui, oui, mais plus tard.
Eh bien, à quelle époque les SS ont-elles exercé pour le parti nazi ces fonctions d’exécution ?
Lorsque, après la prise du pouvoir, la Police fut tombée de plus en plus entre les mains de Himmler.
Il m’est difficile d’expliquer à une personne qui n’est pas initiée à l’affaire dans quels domaines les SS et la Gestapo exerçaient respectivement leurs activités. J’ai dit tout à l’heure qu’elles travaillaient ensemble, en étroites relations. Il est connu que les SS gardaient les camps et plus tard remplirent des fonctions de police ;plus tard.
Et étaient chargées de diverses autres fonctions dans les camps, n’est-ce pas ?
De quelles fonctions voulez-vous parler ?
Elles ont assuré tous les services des camps de concentration, n’est-il pas vrai ?
Lorsqu’une unité SS gardait un camp et qu’un chef SS se trouvait être le commandant de ce camp, cette unité remplissait alors toutes les autres tâches.
Ces procédés n’étaient pas tenus secrets. L’opinion connaissait tout le système gouvernemental. Ses mérites étaient loués publiquement par vous-même et par d’autres, et toute personne entrant au parti nazi était en mesure de s’informer sur le type de gouvernement que vous vous proposiez d’instituer ?
Toute personne qui entrait au Parti savait que nous avions adopté le Führerprinzip et connaissait les principes de base bien définis que nous désirions employer, pour autant qu’ils figuraient au programme. Mais tous ceux qui entraient au Parti ne savaient pas, ce faisant, tout ce qui allait se passer ultérieurement jusque dans les derniers détails.
Mais ce système a été instauré ouvertement et était connu dans chacun de ses détails ? En ce qui concerne l’organisation, tout le monde savait ce qu’était la Gestapo ?
Oui. Chacun savait ce qu’était la Gestapo.
Et savait quel était son programme, sinon en détail, du moins en gros ?
J’ai expliqué clairement ce programme. Dès le début, je l’ai présenté à l’opinion, je lui ai également exposé les tâches de la Gestapo et j’ai même parié de ses tâches en pays étrangers.
Ce n’était pas non plus un secret que la Gestapo était une police politique, que des gens étaient mis en internement préventif, qu’il existait des camps de concentration. Ces faits n’étaient pas tenus secrets, n’est-ce pas ?
De cela rien ne fut tout d’abord tenu secret.
De fait, l’efficacité de la Police secrète et des camps de concentration résidait en partie dans le fait que les gens savaient qu’il existait des organismes de ce genre ?
Il est exact que chacun savait que s’il entreprenait une action contre l’État, il finirait soit dans un camp de concentration, soit serait accusé de haute trahison et traduit devant un tribunal, selon la gravité de son acte. Mais le but initial de la création des camps de concentration était d’y accueillir les individus que nous considérions, à juste titre, comme des ennemis de l’État.
Maintenant, le type de gouvernement que nous venons de décrire était-il à vos yeux le seul avec lequel on pût diriger l’Allemagne ?
Je ne voudrais pas dire que la caractéristique fondamentale de ce régime et ce qu’il jugeait le plus nécessaire ait été la création immédiate de camps de concentration et la mise sur pied d’une Gestapo à l’usage de nos adversaires. Par-dessus tout, nous avions indu dans notre programme de gouvernement des choses bien plus importantes et il ne s’agit pas là des principes de base de notre régime.
Toutes ces choses étaient nécessaires dans des buts de protection, si je comprends bien ?
Oui, ces choses devinrent nécessaires du fait de l’opposition.
Et je suppose que c’était là, d’après vous, le seul type de gouvernement capable de fonctionner en Allemagne dans de telles conditions ?
Étant donné les conditions qui existaient à l’époque, c’était à mon avis la seule forme possible et les faits l’ont aussi prouvé puisque, en très peu de temps, l’Allemagne sortit de sa profonde misère, de la pauvreté et du chômage et acquit une prospérité relative.
Toute l’autorité de l’État était concentrée entre les mains d’une seule personne. J’aborde maintenant un autre sujet.
Le Tribunal désire-t-il suspendre maintenant l’audience ?
L’audience est suspendue.