QUATRE-VINGT-QUATRIÈME JOURNÉE.
Lundi 18 mars 1946.
Audience de l’après-midi.
Depuis quelques jours le témoin Dahlerus est à Nuremberg où il attend de témoigner. Il m’a fait savoir qu’il devait absolument être de retour à Stockholm jeudi. C’est pourquoi il m’a prié, et à mon tour j’en prie le Tribunal, de bien vouloir l’entendre demain matin, même si le contre-interrogatoire n’est pas encore terminé. Les représentants du Ministère Public sont tous d’accord sur ma proposition.
Vous avez dit que les représentants du Ministère Public étaient d’accord sur votre proposition ?
Oui, Monsieur le Président. Je me suis mis en rapport avec les quatre représentants et ils se sont déclarés d’accord à ce sujet.
Combien de temps croyez-vous que durera l’interrogatoire principal ? Vous ne pouvez répondre pour le contre-interrogatoire.
En ce qui me concerne, je crois qu’il me faudra une demi-journée, c’est-à-dire jusqu’à demain après-midi. Je ne puis le dire avec certitude, mais on peut supposer que cela prendra tout ce temps.
Les déclarations du témoin ne portent que sur les quelques jours qui ont précédé le 1er septembre 1939 ?
Il s’y ajoute encore deux autres questions auxquelles il pourra répondre très brièvement. Il semble qu’il ait fait encore deux tentatives après le mois de septembre, mais ce sont des questions très brèves.
Il apparaît au Tribunal qu’une demi-journée représente un laps de temps bien long et vraiment inutile pour l’interrogatoire principal d’un témoin sur des événements qui se sont passés quelques jours avant la guerre.
Ce n’est pas ce que je veux dire, Monsieur le Président. Il ne s’agit pas seulement de quelques jours. Ces négociations ont commencé déjà à la fin du mois de juin ou au commencement du mois de juillet. Je voudrais ajouter aussi que je me bornerai naturellement aux questions présentant un intérêt dans ce Procès. Mais ces questions doivent être posées.
Le Tribunal est d’accord, si le Ministère Public y consent, pour intercaler maintenant ce témoignage Le Tribunal espère, cependant, que vous trouverez le moyen de rendre votre interrogatoire principal bien plus bref que vous ne l’avez laissé entendre.
Témoin, vous nous avez exposé comment vous-même et d’autres personnes ont collaboré pour concentrer entre les mains du Führer toute l’autorité de l’État allemand. Est-ce exact ?
Je parlais de moi-même et j’ai indiqué la mesure dans laquelle j’y avais pris part.
Connaissez-vous quelqu’un au banc des accusés qui n’ait pas travaillé de son mieux dans ce sens ?
Il est clair qu’au début, aucun des accusés ici présents ne s’est opposé ni n’a fait obstacle au Führer. Mais j’aimerais attirer votre attention sur le t’ait qu’il faut toujours tenir compte des différentes époques. Quelques-unes des questions qui me sont posées sont très générales et, après tout, il s’agit d’une période s’étendant au delà de 24 ou 25 ans, si l’on prend une vue d’ensemble.
Je désire maintenant attirer votre attention sur les résultats de ce système. Comme je le comprends, vous avez été informé en 1940 d’une attaque imminente sur la Russie soviétique par l’Armée allemande ?
J’ai expliqué la façon dont j’ai été informé de ces questions.
Vous pensiez qu’une attaque était non seulement inutile, mais aussi imprudente du point de vue de l’Allemagne elle-même ?
A l’époque en question, j’étais d’avis que cette attaque devait être retardée, afin de permettre l’accomplissement d’autres tâches que je considérais plus importantes.
Vous ne voyiez pas la nécessité militaire d’une attaque à ce moment-là, même au point de vue de l’Allemagne ?
J’étais naturellement pleinement au courant des mesures prises par la Russie en vue d’un déploiement de ses forces, mais j’espérais que nous arriverions à prendre auparavant des mesures stratégiques, telles que je les ai décrites, en vue d’améliorer la position de l’Allemagne Je pensais que le temps requis pour les élaborer retarderait le moment critique. Je savais bien, cela va sans dire, que ce moment critique pour l’Allemagne pourrait arriver, après cela, à n’importe quel moment
Je ne puis que répéter ma question, à laquelle vous n’avez pas répondu.
A ce moment-là, estimiez-vous qu’une attaque de l’Allemagne contre la Russie soviétique était une nécessité militaire ?
Je croyais, personnellement, qu’à ce moment-là, ce danger n’avait pas atteint son point culminant et, de ce fait, l’attaque n’était peut-être pas encore nécessaire ; mais c’était là mon point de vue personnel.
Et vous étiez alors, après Hitler, l’homme le plus en vue dans toute l’Allemagne ?
Cette question n’a rien à voir avec le degré de mon importance. Il existait deux points de vue contradictoires sur la stratégie Le Führer voyait un danger en tant que premier personnage et moi, en ma qualité de deuxième personnage si vous le voulez,] je désirais voir exécuter une mesure stratégique différente. Si j’avais imposé ma volonté à chaque occasion, je serais devenu alors ce premier personnage. Mais, étant donné que celui qui possédait ce titre avait une opinion différente, la sienne évidemment dominait car j’étais au-dessous de lui.
J’ai compris d’après votre déposition — je pense que vous pourrez me répondre par un « oui » ou par un « non » et je serais très heureux que vous le fassiez — j’ai compris, d’après votre témoignage, que votre opinion était défavorable à une attaque contre la Russie à ce moment-là et que vous en avez fait part au Führer. Est-ce exact ou non ?
C’est exact.
Vous vous opposiez à ce projet parce que vous pensiez qu’il était dangereux pour l’Allemagne de s’engager dans cette voie. Est-ce exact ?
Oui. J’étais d’avis que le moment — et je le répète encore une fois — n’était pas encore venu pour cette entreprise et que des mesures plus opportunes pour l’Allemagne devaient être prises d’abord.
Et pourtant, si je vous ai bien compris, en raison du Führerprinzip, vous ne pouviez avertir le peuple allemand, vous ne pouviez faire pression de quelque manière que ce fût pour empêcher cette action, ni même démissionner afin de préserver votre place dans l’Histoire ?
Voilà bien des questions. J’aimerais d’abord répondre à la première.
Répondez-y séparément si vous le désirez.
La première question était, je crois, de savoir si j’aurais pu saisir une occasion d’avertir le peuple allemand de ce danger. Je n’ai eu aucune occasion de le faire Nous étions en guerre et de telles divergences d’opinions, sur la stratégie, ne pouvaient être discutées en public pendant la guerre. Je crois, d’ailleurs, que ce n’est jamais arrivé dans l’histoire du monde.
Deuxièmement, en ce qui concerne ma démission, je ne désire même pas en discuter car, pendant la guerre, j’étais officier, militaire, et il ne m’intéressait pas de savoir si je partageais ou ne partageais pas une opinion. Je devais simplement servir mon pays en soldat.
Troisièmement, je n’étais pas homme à abandonner un chef auquel j’avais fait un serment de loyauté, chaque fois qu’il n’avait pas ma façon de penser. Si cela avait été le cas, point n’était besoin de m’attacher à lui dès le début. Il ne m’est jamais venu à l’esprit de quitter le Führer.
Autant que vous le sachiez, le peuple allemand fut conduit à la guerre, à l’attaque contre la Russie soviétique avec l’impression que vous approuviez cet état de choses ?
Le peuple allemand ignorait la déclaration de guerre contre la Russie. Ce ne fut que lorsque la guerre avec la Russie eut commencé qu’il l’apprit. Par conséquent, le peuple allemand n’eut rien à y voir. On ne lui a pas demandé son avis. On lui a exposé le fait et la nécessité de la guerre.
A quel moment avez-vous su que la guerre, en rapport avec les desseins que vous aviez l’intention d’accomplir, était une guerre perdue ?
C’est très difficile à dire. De toute façon, selon mes convictions, relativement tard. Je veux dire : ce ne fut que vers la fin que je devins convaincu que la guerre était perdue. Jusqu’alors, j’avais toujours pensé et espéré qu’on arriverait à une impasse.
En novembre 1941, l’offensive en Russie avait échoué ?
C’est tout à fait inexact. Nous avons eu des revers dus aux conditions atmosphériques ou plutôt, le but que nous avions projeté ne fut pas atteint. L’avance de 1942 prouve assez bien qu’il n’était pas question de débâcle militaire. Quelques formations qui s’étaient avancées furent simplement repoussées ; quelques-unes d’entre elles furent retirées. L’arrivée précoce des premiers gels, totalement inattendus, en fut la cause.
Vous avez dit « relativement tard ». L’expression que vous venez d’employer ne me dit rien, parce que j’ignore ce que vous entendez par « relativement tard ». Voulez-vous fixer dans le temps, ou au moyen d’événements, le moment où vous avez été convaincu que la guerre était perdue.
Le 12 janvier 1945, lorsque l’offensive russe arriva sur l’Oder et qu’à cette époque celle des Ardennes n’avait pas abouti à une percée, c’est alors que je fus forcé de me rendre compte que la défaite arriverait probablement lentement, mais sûrement. Jusqu’à ce moment, j’avais toujours espéré que, d’un côté, nos positions sur la Vistule et, de l’autre côté, sur le mur de l’Ouest, pourraient être maintenues jusqu’au moment où la sortie en série des nouvelles armes amènerait un ralentissement de la guerre aérienne anglo-américaine.
Voulez-vous maintenant nous indiquer la date ; vous nous avez indiqué les événements.
Je viens de dire janvier 1945, au milieu ou à la fin de janvier 1945. Après cela, il n’y eut plus d’espoir.
Vous voulez donc que l’on admette qu’en tant qu’homme militaire vous ne vous êtes rendu compte qu’en janvier 1945 que l’Allemagne ne pouvait gagner la guerre ?
Comme je l’ai déjà fait remarquer, nous devons établir une distinction nette entre deux possibilités : premièrement, la conclusion heureuse de la guerre et, deuxièmement, la fin d’une guerre, sans que l’un des adversaires en soit le vainqueur Il y a longtemps que nous avions eu conscience qu’il nous était impossible de remporter la victoire. Tandis que la réalité de la défaite n’apparut qu’au moment dont je viens de parler.
Il y a donc longtemps que vous saviez qu’une issue heureuse de la guerre ne pouvait être trouvée que si vous arriviez à un accord quelconque avec l’ennemi, n’est-ce pas ?
Évidemment, l’issue heureuse d’une guerre ne peut être considérée comme réellement heureuse que si je terrasse l’ennemi ou bien si, par des négociations avec lui, j’arrive à une conclusion qui me garantit le succès. C’est ce que j’appelle une fin heureuse. Mais je suis dans une impasse lorsque je suis obligé de conclure un accord avec l’ennemi. Cela ne me procure pas le succès que m’aurait apporté la victoire mais, d’un autre côté, la défaite est évitée. C’est une fin sans vainqueurs ni vaincus.
Mais vous saviez qu’il était de la politique de Hitler de ne jamais négocier et vous saviez que, aussi longtemps que ce dernier serait à la tête du Gouvernement, l’ennemi ne négocierait pas avec l’Allemagne, n’est-ce pas ?
Je savais que la propagande ennemie insistait sur le point qu’il n’y aurait, en quelque circonstance que ce soit, de négociations avec Hitler. Je savais aussi que Hitler lui-même ne voulait négocier à aucun prix, mais pas sous ce rapport. Hitler aurait désiré négocier s’il avait eu en vue la perspective de résultats, mais il était absolument contraire aux négociations désespérées et vaines.
Après le débarquement en Afrique, l’ennemi de l’Ouest déclara, autant que je m’en souvienne, qu’en aucune circonstance il ne négocierait avec l’Allemagne, mais la forcerait à la reddition sans conditions. C’est alors que la résistance de l’Allemagne se renforça au plus haut point et que des mesures furent prises en conséquence. Si je n’ai aucune chance de conclure une guerre par des négociations, alors il est inutile de tenter de négocier et il faut déployer tous ses efforts pour essayer de forcer le destin en faisant appel aux armes.
A partir de janvier 1945, vous saviez aussi que vous étiez incapable de protéger les villes allemandes contre les attaques aériennes des alliés, n’est-ce pas ?
En ce qui concerne la défense des villes allemandes contre les attaques aériennes alliées, j’aimerais décrire ainsi la possibilité de la faire : en elle-même...
Pouvez-vous répondre à ma question ? Le temps n’a peut-être pas la même importance pour vous que pour nous. Voulez-vous répondre par « oui » ou par « non » ? Vous rendiez-vous compte que la guerre était perdue, que les villes allemandes ne pouvaient être protégées efficacement contre les attaques aériennes ennemies ? Veuillez nous répondre par l’affirmative ou par la négative.
Je puis dire que je me rendais compte alors que c’était impossible.
Et, après cette période, vous saviez parfaitement que les attaques aériennes poursuivies contre l’Angleterre ne pourraient pas changer le cours de la guerre et étaient poursuivies dans le but unique de prolonger ce que vous saviez être alors un conflit désespéré ?
Je crois que vous faites erreur. Après le mois de janvier 1945, il n’y eut plus d’attaques sur l’Angleterre, à l’exception peut-être de quelques avions isolés, parce qu’à ce moment-là j’avais besoin de toute l’essence pour les avions de chasse destinés à la défense Si j’avais disposé de bombardiers et de carburant, j’aurais, bien entendu, continué jusqu’à la dernière minute, quelles qu’eussent été nos chances, les attaques de ce genre comme mesures de représailles contre les attaques qui étaient dirigées sur les villes allemandes.
En ce qui concerne les attaques par avions robots, y eut-il encore des avions robots après le mois de janvier 1945 ?
Grâce à Dieu, nous avions encore une arme dont nous pouvions nous servir ! Je viens de dire qu’aussi longtemps que durerait le combat, nous devrions riposter. En tant que soldat, je puis seulement regretter que nous n’ayons pas eu suffisamment de ces bombes VI et V2, car une diminution des attaques sur les villes allemandes ne pouvait s’obtenir qu’en infligeant à l’ennemi des pertes aussi lourdes que les nôtres.
Et il n’y avait aucun moyen d’empêcher la guerre de continuer, aussi longtemps que Hitler restait à la tête du Gouvernement allemand, n’est-ce pas ?
Aussi longtemps que Hitler était le Führer du peuple allemand, lui seul décidait de la poursuite de la guerre. Aussi longtemps que mes ennemis me menacent et exigent une reddition sans conditions, je me bats jusqu’à mon dernier souffle, car il ne reste rien, à l’exception peut-être de la chance de voir changer la destinée, d’une manière quelconque, bien que la situation semble désespérée
Si le peuple allemand avait cru qu’il était temps d’arrêter ce massacre, n’avait-il d’autre moyen de le faire que la révolution ou l’assassinat de Hitler ?
Une révolution, si elle réussit, change toujours la situation, c’est certain. L’assassinat de Hitler à cette époque, disons en janvier 1945, aurait amené ma succession. Or, si l’ennemi m’avait donné la même réponse, c’est-à-dire la reddition sans conditions ou aux conditions terriblement lourdes dont on faisait état, j’aurais continué le combat en dépit de toutes les circonstances.
Un attentat a eu lieu sur la personne de Hitler le 20 juillet 1944, n’est-ce pas ?
Oui, malheureusement.
Et à un certain moment, en 1945, Hitler fit un testament à Berlin dans lequel il remettait la présidence du Reich à votre co-accusé, l’amiral Dönitz. Êtes-vous au courant de ce fait ?
C’est exact. C’est ici que j’ai pris connaissance de ce testament.
Au sujet de ce testament qui remettait entre les mains de l’amiral Dönitz le Gouvernement de l’Allemagne, j’attire votre attention sur cette déclaration : « Göring et Himmler, en mettant tout à fait à part leur manque de loyauté à mon égard, ont fait un tort considérable au peuple et à la nation tout entière en négociant secrètement avec l’ennemi, à mon insu et sans mon autorisation, et en essayant de s’emparer illégalement du pouvoir dans l’État ».
Par ce testament, il vous excommunia ainsi que Himmler, hors du Parti et vous éloigna de toutes les fonctions de l’État.
Je ne puis répondre qu’en ce qui me concerne. J’ignore ce que fit Himmler. Je n’ai ni trahi le Führer, ni négocié à ce moment-là avec un seul soldat étranger. Ce testament ou ce dernier acte du Führer est fondé sur une erreur extrêmement regrettable, qui me blesse profondément : la pensée que le Führer ait pu croire dans ses derniers moments que j’avais pu, un jour, lui manquer de loyauté. Tout cela est dû à une erreur de transmission d’un rapport radiophonique et peut-être aussi à une interprétation erronée des faits, transmise par Bormann au Führer Je n’ai jamais songé une minute à m’emparer illégalement du pouvoir ou à agir contre le Führer de quelque façon que ce fût.
En tout cas, vous avez été arrêté et vous vous attendiez à être fusillé ?
C’est exact.
Maintenant, en relatant l’accession du Parti au pouvoir, vous avez omis certains faits tels que l’incendie du Reichstag, le 27 février 1933. Il y eut une épuration importante à la suite de cet événement, n’est-ce pas, au cours de laquelle un grand nombre de personnes furent arrêtées et exécutées ?
Je ne connais aucun cas d’exécution du fait de l’incendie du Reichstag, à l’exception de l’incendiaire, van der Lubbe, qui fut condamné par un tribunal. Les deux autres accusés furent acquittés au cours du procès. Contrairement à l’opinion que vous avez formulée jusqu’ici par erreur, M. Thälmann ne fut pas accusé. Il s’agissait du député communiste Torgier. Il fut acquitté. de même que le Bulgare Dimitroff. Il y eut relativement peu d’arrestations en rapport avec l’incendie du Reichstag. Celles que vous attribuez à l’incendie du Reichstag sont en réalité des arrestations de fonctionnaires communistes. J’ai répété à plusieurs reprises et désire une fois de plus insister sur le fait que ces gens furent arrêtés pour de tout autres raisons et indépendamment des mesures prises à la suite de l’incendie du Reichstag. Au contraire cet incendie ne fit que précipiter leur arrestation et les projets que nous avions préparés avec beaucoup de soin ; un certain nombre de fonctionnaires purent ainsi échapper à ces mesures
Autrement dit, vous aviez déjà préparé des listes de communistes au moment de l’incendie du Reichstag, avec les noms des personnes qui devaient être arrêtées ?
Les listes des fonctionnaires communistes qui devaient être arrêtés étaient, pour la plupart, prêtes depuis longtemps. C’était tout à fait en dehors de la question de l’incendie du Reichstag.
Ces arrestations furent mises à exécution aussitôt après l’incendie du Reichstag ?
Contrairement à mon intention de reporter ces mesures à quelques jours afin que tout se déroulât selon le programme établi et qu’il n’y eût aucune fausse manœuvre, le Führer exprima la nuit même son désir de procéder immédiatement à ces arrestations. Ce qui eut l’inconvénient, comme je l’ai mentionné, de précipiter les événements.
Vous avez rencontré le Führer sur les lieux de l’incendie, n’est-ce pas ?
C’est exact.
Et vous avez décidé, sur place, d’arrêter tous les communistes dont vous aviez préparé la liste ?
Je répète encore une fois que leur arrestation avait été décidée depuis plusieurs jours ; ils furent simplement arrêtés cette nuit-là. Personnellement, j’aurais préféré attendre encore quelques jours, conformément au plan prévu. Cela aurait évité l’évasion de certains personnages importants.
Et, le lendemain matin, on présenta au président von Hindenburg le décret qui abolissait les clauses de la Constitution dont on a parlé ici, n’est-ce pas ?
Oui, je le crois.
Qui était Karl Ernst ?
Karl Ernst... Je ne sais pas si son prénom était Karl, mais Ernst était le chef des SA de Berlin.
Et qui était Helldorf ?
Le comte Helldorf a été également plus tard chef des SA de Berlin.
Et Heines ?
Heines était, à ce moment-là, chef SA de Silésie.
Bien. Vous savez, n’est-ce pas, que Ernst fit une déclaration dans laquelle il avoua que c’étaient ces trois hommes qui avaient mis le feu au Reichstag, que vous et Goebbels en aviez fait les plans et fourni les produits incendiaires, du phosphore liquide et du pétrole que vous aviez fait déposer prêts à être utilisés dans un passage souterrain qui conduisait de votre maison au bâtiment du Reichstag. Cette déposition vous est connue, n’est-ce pas ?
Je ne connais pas de déclaration du chef SA Ernst ; mais j’ai entendu parler d’un roman qui fut publié, peu de temps après, dans la presse étrangère par le chauffeur de Röhm ; et cela après 1934.
Mais il existait bien, en fait, un passage, conduisant du bâtiment du Reichstag à votre résidence, n’est-ce pas ?
D’un côté de la rue se trouvait le bâtiment du Reichstag et, en face, le palais du président du Reichstag ;
entre les deux, il y avait un passage servant aux wagonnets transportant le coke destiné au chauffage central.
En tout cas, peu de temps après, Ernst fut tué sans jugement et sans qu’il ait eu la possibilité de raconter son histoire, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas exact. L’incendie du Reichstag eut lieu en février 1933 ; Ernst a été fusillé le 30 juin 1934 parce qu’il avait préparé avec Röhm un coup d’État et un attentat contre le Führer. Il aurait donc eu le temps pendant quinze mois, s’il avait voulu le faire, de fournir des déclarations sur l’incendie du Reichstag.
Il avait pourtant commencé à faire certaines déclarations, n’est-ce pas, et les choses en étaient arrivées au point où l’on vous accusait d’avoir provoqué l’incendie du Reichstag ? Vous étiez bien au courant de cela ?
L’accusation selon laquelle j’aurais incendié le Reichstag provenait d’une certaine presse étrangère. Elle ne m’affectait guère, car cela ne correspondait pas à la réalité. Je n’avais aucune raison d’incendier le Reichstag. Du point de vue artistique, je ne regrette pas que la salle des séances ait brûlé ;
j’espérais faire construire un bâtiment de meilleur goût. Mais je regrettai beaucoup de me voir dans la nécessité de chercher un nouveau local pour les réunions du Reichstag. N’en ayant pas trouvé, je fus obligé de céder ma salle d’opéra Kroll qui était le second opéra national. L’opéra me semblait alors bien plus important que le Reichstag.
Ne vous êtes-vous jamais vanté d’avoir incendié le Reichstag, même en plaisantant ?
Non. J’ai fait une fois une plaisanterie ;
c’est peut-être celle à laquelle vous faites allusion ; j’ai dit, à la suite de cet événement, que j’allais bientôt faire concurrence à Néron. On dirait sous peu que, drapé dans une toge écarlate et tenant une lyre, je contemplais le feu et jouais tandis que le Reichstag brûlait. Voilà la plaisanterie. En réalité, j’ai failli périr dans l’incendie du Reichstag, ce qui eût été très agréable pour les ennemis du Reich, mais l’eût été beaucoup moins pour le peuple allemand.
Vous n’avez donc jamais déclaré avoir incendié le bâtiment du Reichstag ?
Non Je sais que M. Rauschning a écrit dans son livre, auquel on s’est fréquemment référé ici, que j’avais abordé ce sujet en sa présence. Je n’ai vu M. Rauschning que deux fois dans mon existence et, à chacune de ces occasions, pendant un temps très court. Si vraiment j’avais incendié le Reichstag, je n’aurais probablement confié la chose qu’à mes plus intimes confidents, mais certes pas à un homme que je ne connaissais pas et dont il me serait impossible aujourd’hui de faire la description. C’est une déclaration absolument fausse.
Vous souvenez-vous du déjeuner donné à l’occasion de l’anniversaire du Führer, en 1942, au mess des officiers du Quartier Général du Führer en Prusse orientale ?
Non.
Vous ne vous en souvenez pas ? Je vais demander qu’on vous montre la déposition écrite du général Franz Halder et j’attirerai votre attention sur un passage susceptible de vous rafraîchir la mémoire Voici ce que je lis :
« A l’occasion d’un repas en l’honneur de l’anniversaire du Führer, en 1942, les personnes qui l’entouraient vinrent à parler du bâtiment du Reichstag et de sa valeur artistique. J’entendis de mes propres oreilles Goring lancer au milieu de la conversation : « La « seule personne qui connaisse vraiment le Reichstag, c’est moi, car « j’y ai mis le feu ». Et, en prononçant ces mots, il se tapa sur les cuisses. »
Cette conversation n’a pas eu lieu et je demande qu’on veuille bien me confronter avec M. Halder. Je voudrais souligner tout d’abord que tout ce qui est écrit là est une pure absurdité. Il est écrit : « Le seul qui connaisse le Reichstag c’est moi ». Le Reichstag était connu de tous les députés. Le feu prit seulement dans la salle des séances. Des centaines de milliers de personnes connaissaient cette salle aussi bien que moi. Une telle déclaration est vraiment un non-sens Je me demande comment M. Halder a pu déclarer une chose pareille. Apparemment, sa mémoire déficiente, qui lui causa maints ennuis dans le domaine militaire, est la seule explication plausible.
Vous connaissez Halder ?
Je ne le connais que trop bien.
Pouvez-vous nous dire quelle position il occupait dans l’Armée allemande ?
Il était chef de l’État-Major général de l’Armée de terre et, à diverses reprises, j’ai attiré l’attention du Führer, après le début de la guerre, sur la nécessité de trouver un chef qui fût au courant de ces questions.
Venons -en maintenant à la liquidation de Röhm, que vous avez laissée un peu de côté. Pourquoi Röhm a-t-il été fusillé ? Qu’avait-il fait ? Quels actes avait-il commis ?
Röhm avait préparé un coup d’État au cours duquel le Führer devait être tué. Il désirait qu’une révolution s’ensuivît, dirigée surtout contre l’Armée, le Corps des officiers, c’est-à-dire ceux qu’il considérait comme « réactionnaires ».
Et vous aviez des preuves de ce fait ?
Nous avions suffisamment de preuves.
Mais il n’a jamais été jugé devant un tribunal quelconque, où il aurait eu la possibilité de se défendre, comme vous le faites en ce moment ?
C’est exact, il voulait procéder à un putsch et, pour cette raison, le Führer jugea bon d’étouffer l’affaire dans l’œuf ; sans autre procédure, et de briser ainsi immédiatement la révolte.
Les noms des personnes tuées au cours de cette liquidation, à la suite de l’arrestation de Röhm, furent-ils jamais publiés ?
Oui, on en a publié une partie, mais pas tous je crois.
Savez-vous qui, en fait, a tué Röhm ?
Je ne connais pas la personne qui procéda à cette exécution.
A quelle organisation l’ordre fut-il donné ?
Je l’ignore également, car l’exécution de Röhm avait été ordonnée par le Führer et non pas par moi, étant donné que je n’étais compétent que pour l’Allemagne du nord.
Qui arrêta ceux qui étaient destinés à être internés dans des camps de concentration, et combien étaient-ils ?
La Police procéda à l’arrestation de ceux qui devaient tout d’abord être interrogés, ceux contre lesquels les charges n’étaient pas très importantes et dont on ne savait pas dans quelle mesure ils avaient ou n’avaient pas été impliqués. Un certain nombre d’entre eux furent très vite relâchés, d’autres ne le furent que plus tard. Vous dire exactement combien de personnes ont été arrêtées à cette occasion, je ne le puis ; mais les arrestations ont été opérées par la Police.
Vous voulez dire la Gestapo ?
Je le présume.
Et quand Milch déclare avoir vu 700 ou 800 personnes à Dachau en 1935, il dut y avoir un bien plus grand nombre d’arrestations puisque vous dites que beaucoup de gens furent relâchés. Savez-vous le nombre de ceux qui furent arrêtés ?
Je déclare encore une fois ne pas savoir le nombre de personnes arrêtées, car les arrestations jugées nécessaires ou celles de ceux qui étaient considérés comme ayant pris part à cette action ne passaient pas par moi. Mon activité se termina, si je puis dire, à la date où fut brisée la révolte. J’ai compris Milch d’une façon un peu différente et j’ai envoyé une note à mon avocat afin que tout cela soit éclairci par une question : Milch voulait-il dire, en mentionnant ces 700 personnes, qu’elles étaient internées à la suite de la liquidation de Röhm ou voulait-il dire simplement qu’il y avait vu en tout 700 personnes qui avaient été arrêtées. Voilà comment je l’ai compris ; mais pour éclaircir cette déclaration, il faudrait à nouveau interroger Milch car, à mon avis, ce chiffre de 500, 600 ou 700 est beaucoup trop important pour la totalité des personnes arrêtées à la suite de la liquidation de Röhm.
Parmi les personnes tuées se trouvaient von Schleicher et sa femme. C’était l’un de vos adversaires politiques, n’est-ce pas ?
C’est exact.
Il y avait aussi Erich Klausner, qui avait été chef de l’action catholique en Allemagne ?
Klausner se trouvait également parmi les personnes qui ont été fusillées. C’est justement le cas de Klausner qui m’a incité, comme je l’ai dit récemment, à demander au Führer de faire cesser immédiatement toute activité de ce genre car, à mon avis, Klausner avait été fusillé à tort.
Et Strasser, qui avait été jadis le bras droit de Hitler et s’était trouvé en désaccord avec lui en décembre 1932, fut tué aussi, n’est-ce pas ?
On ne peut pas dire que Strasser fut le bras droit de Hitler. Il a joué un rôle très important au sein du Parti, avant la prise du pouvoir ; mais avant cet événement, il avait déjà été chassé du Parti. Strasser participa à cette révolte et fut fusillé également.
Et lorsqu’il ne resta plus que deux personnes sur la liste de ceux qui devaient être tués, vous êtes intervenu et vous avez demandé qu’on mît fin à ces exécutions ? C’est bien cela, n’est-ce pas ?
Non, ce n’est pas tout à fait ainsi Je me suis pourtant exprimé assez clairement, mais je le répéterai brièvement : ce n’est pas lorsqu’il ne resta plus que deux personnes sur la liste que je suis intervenu. Je suis intervenu lorsque j’ai constaté qu’on avait fusillé un certain nombre de gens qui n’étaient pour rien dans l’affaire ; et, à ce moment-là il restait encore deux personnes qui, elles, avaient participé activement à la préparation de ce complot et dont l’exécution avait été ordonnée par le Führer lui-même. L’un de ces individus d’ailleurs, auquel le Führer en voulait particulièrement, était le principal instigateur de la révolte. Je désirais préciser que je déclarai au Führer qu’il était préférable de renoncer à l’exécution de ces deux principaux coupables et de mettre fin à tout ceci au plus tôt. Voilà ce que je voulais dire.
A quelle date était-ce ? Pouvez-vous préciser l’époque ?
Oui, je peux vous indiquer le moment précis. Si je me souviens bien, la journée décisive fut le samedi : le samedi soir, entre 6 et 7 heures, le Führer revint de Munich en avion. Ma requête en vue de faire cesser la répression fut faite le dimanche entre 2 et 3 heures de l’après-midi.
Et qu’advint-il des deux hommes qui restaient sur la liste ? Furent-ils jamais traduits devant un tribunal ?
Non L’un, si je me souviens bien, fut envoyé dans un camp de concentration, et l’autre mis temporairement aux arrêts, si mes souvenirs sont exacts.
Revenons à l’époque de votre rencontre avec Hitler ; vous disiez, si j’ai bien compris, que c’était un homme qui avait un but grave et défini, qui ne voulait pas admettre la défaite de l’Allemagne ni le Traité de Versailles. Vous en souvenez-vous ?
Je regrette, l’interprétation comportait un certain nombre de lacunes et je n’ai pas très bien compris. Veuillez répéter, je vous prie.
Lorsque vous avez rencontré Hitler, si j’ai bien compris le sens de votre déposition, vous vous êtes trouvé en présence d’un homme qui avait un but grave et précis, comme vous le dites, parce qu’il n’acceptait pas la défaite de l’Allemagne dans la guerre précédente et voulait abolir le Traité de Versailles.
Je crois que vous ne m’avez pas très bien compris, car je ne me suis pas exprimé de cette manière. J’ai dit que j’avais remarqué que Hitler avait une conception très nette sur la futilité de certaines protestations ; que, d’autre part, il estimait que l’Allemagne devait être libérée du Diktat de Versailles. Mais cela n’était pas l’avis d’Adolf Hitler seul. Tout patriote allemand partageait les mêmes sentiments et, parce que j’étais moi-même un patriote enflammé et que je ressentais amèrement la honte de ce Traité de Versailles, je me suis lié à l’homme qui, selon moi, avait reconnu le plus clairement les conséquences de ce Diktat et qui serait probablement celui qui trouverait peut-être le moyen d’annuler ses effets.
Tout ce qui se disait en dehors de cela au sein du Parti au sujet de Versailles — pardonnez-moi l’expression — était de pures sornettes.
Si je vous ai bien compris, dès le début, publiquement et de façon notoire, on affirmait au sein du parti nazi que le Traité de Versailles devait être aboli et que des protestations dans ce but étaient parfaitement vaines ?
Dès le début, Adolf Hitler et son Parti n’eurent d’autre but que de libérer l’Allemagne des lourdes entraves du Traité de Versailles, non pas d’abolir l’ensemble du Traité, mais ses clauses qui nuisaient à l’avenir de l’Allemagne.
Et de l’obtenir par la guerre, si c’était nécessaire ?
On ne discutait pas alors de cet aspect de la question. On discutait seulement de la condition primordiale : celle d’obtenir pour l’Allemagne une autre structure politique qui serait seule capable de lui permettre d’élever des protestations contre ce Diktat ; tout le monde l’appelait la Paix mais nous, en Allemagne, nous l’appelions toujours le « Diktat ». Non seulement des protestations formelles, mais des protestations dont on aurait à tenir compte.
C’était là le moyen : la réorganisation de l’État allemand. Mais votre but était de vous débarrasser de ce que vous appeliez le Diktat de Versailles ?
La libération des dispositions du Traité de Versailles qui rendaient impossible, à la longue, la vie du peuple allemand : c’étaient notre but et notre intention. Mais nous ne disions pas à ce moment-là que nous voulions déclencher la guerre et vaincre nos ennemis. Le but que nous nous fixions était plutôt d’adapter nos méthodes à la situation politique. C’étaient là nos considérations fondamentales.
Et c’était à ces fins que vous, et tous les autres individus qui devinrent membres du parti nazi, donnèrent à Hitler tous les pouvoirs de décider pour eux et tombèrent d’accord pour lui prêter un serment de loyauté et d’obéissance absolue ?
Voilà de nouveau plusieurs questions. Voyons la première : la lutte contre le Diktat de Versailles était pour moi le facteur le plus important, la raison primordiale pour laquelle j’ai adhéré au Parti. Il se peut que, pour certains, d’autres points du programme ou de l’idéologie ou d’autres conceptions, semblant peut-être plus importantes, puissent avoir été plus décisives.
Donner au Führer pleins pouvoirs n’était pas la nécessité fondamentale en vue de nous débarrasser du Traité de Versailles, mais devait lui permettre de donner suite à notre conception du principe du chef. Lui prêter serment avant qu’il ne devînt chef de l’État était une chose toute naturelle, dans les conditions qui régnaient alors, pour nous qui étions membres de son corps spécial des dirigeants. Je ne saurais dire exactement dans quelles circonstances on procédait à cette prestation de serment, avant la prise du pouvoir. Je ne peux vous indiquer que ce que j’ai fait moi-même : après un certain moment de réflexion, lorsque j’eus acquis une connaissance plus approfondie de la personnalité du Führer, je lui ai donné la main et lui ai dit : « Je lie mon destin au vôtre, quoi qu’il arrive, dans le succès ou dans l’adversité, pour le meilleur ou pour le pire ; je m’engage à vous suivre même au péril de ma vie ». Pour moi, ce serment est encore valable aujourd’hui
Si vous vouliez répondre à trois ou quatre de mes questions par oui ou non, je vous laisserais alors volontiers donner votre version complète de la chose. Vous vouliez d’abord un État allemand puissant pour vaincre les conditions imposées par Versailles ?
Nous voulions un État fort, complètement indépendant de Versailles ; mais pour se défaire des conditions de Versailles, il fallait en premier lieu devenir un État puissant, car on n’écoute jamais un État faible, nous l’avions appris par expérience.
Et le principe du chef ? Vous l’avez adopté parce que vous croyiez que cela servirait le but à atteindre ?
Exactement.
Et ce but, l’un de ceux du parti nazi, tendant à modifier les conditions du Traité de Versailles, était public et notoire, et un but auquel s’associaient la plupart des gens. C’était, en fait, l’un de vos meilleurs moyens pour gagner des adhérents au Parti, n’est-ce pas ?
Le Diktat de Versailles était de nature à engager, me semble-t-il, tout Allemand à être en faveur d’une modification, et l’on peut admettre que c’était l’une des raisons majeures qui attiraient les gens vers notre mouvement.
Un certain nombre d’hommes qui ont participé à ce mouvement ne sont pas ici actuellement. Afin que ce point figure au procès-verbal, je vous demande s’il n’y a aucun doute dans votre esprit que Adolf Hitler soit bien mort ?
Je crois qu’il ne peut y avoir aucun doute à ce sujet.
Et il en est de même pour Goebbels ?
En ce qui concerne Goebbels, je n’ai pas le moindre doute, parce que quelqu’un, en qui j’ai une confiance absolue, m’a dit qu’il avait vu Goebbels mort.
Et vous n’avez aucun doute au sujet de la mort de Himmler, n’est-ce pas ?
Je n’en suis pas sûr, mais je crois que vous devez l’être, puisque vous le savez bien mieux que moi, attendu qu’il était votre prisonnier et est mort en captivité. Je n’y étais pas.
Vous êtes sûr de la mort de Heydrich ?
J’en suis tout à fait sûr.
Et Bormann, probablement ?
Là, je ne suis pas absolument sûr. Je n’ai aucune preuve, ni d’un côté, ni de l’autre ; je le suppose seulement.
Et ce sont là les principaux personnages que votre déposition nous a dépeints comme responsables : Hitler pour le tout, Goebbels pour avoir incité à des manifestations contre les Juifs, Himmler qui a trompé Hitler, et Bormann qui l’a induit en erreur sur son testament ?
L’influence exercée sur le Führer a varié suivant les époques. Jusqu’à la fin 1941 ou au début 1942 tout au moins, c’est moi qui ai exercé la plus grande influence sur le Führer, dans la mesure où l’on peut parler d’influence. Puis, à partir de ce moment, mon influence diminua progressivement jusqu’en 1943, après quoi elle s’évanouit rapidement. Mais je crois que personne d’autre n’a joui de la confiance du Führer comme moi-même. Après moi ou à part moi, Goebbels a pu avoir une certaine influence, dès le début, parce que le Führer l’avait souvent près de lui. Cette influence, qui était très faible, a subi des oscillations de temps à autre, mais elle a beaucoup augmenté pendant les dernières années de la guerre, car il était aisé de gagner de l’influence par certains moyens. Avant la prise du pouvoir et au cours des années qui l’ont suivie, Hess a eu une certaine influence sur le Führer, mais uniquement dans son domaine spécial. Himmler eut ensuite une influence, qui devint plus forte avec le temps, mais diminua beaucoup à la fin de l’année 1944. C’est M. Bormann qui exerça l’influence la plus décisive sur le Führer, pendant la guerre et spécialement vers 1942, après le départ de Hess en 1941. Elle se révéla, vers la fin, avoir une puissance désastreuse. Elle ne fut possible que parce que le Führer était, après le 20 juillet 1944, devenu plein de méfiance, et que Bormann, toujours à ses côtés, lui faisait des rapports continuels sur ce qui se passait. Telles sont, dans les grandes lignes, les personnes qui ont pu, à un moment quelconque, exercer une influence sur le Führer.
En 1933, vous aviez en charge une organisation spéciale d’espionnage qui avait pour but de surveiller les conversations téléphoniques des fonctionnaires et autres personnes à l’intérieur et à l’extérieur de l’Allemagne, n’est-ce pas ?
J’ai expliqué que j’avais fait installer un appareil technique qui, comme vous le dites exactement, surveillait les conversations des étrangers importants — conversations avec l’étranger et venant de l’étranger — télégrammes, communications radiodiffusées, transmises non seulement de l’Allemagne, mais également d’un pays étranger à un autre et qui étaient interceptées. Cet appareil surveillait de même les conversations téléphoniques faites à l’intérieur de l’Allemagne : premièrement, par tous les étrangers de marque ; deuxièmement, par certaines maisons importantes, parfois et, troisièmement, par des personnes qui, pour des raisons quelconques de nature politique ou ayant affaire avec la Police, devaient être surveillées.
Afin d’éviter les abus de la Police, on imposa l’obligation de demander mon autorisation pour procéder à ce contrôle ; mais, en dépit de cette clause, il était toujours possible d’installer des postes d’écoute clandestins, comme il est possible de le faire partout de nos jours du point de vue technique.
Vous avez conservé les rapports de toutes ces conversations.
Non. Voici comment cela se passait : les rapports qui intéressaient le ministère des Affaires étrangères lui étaient transmis. Les rapports importants pour le Führer étaient soumis à ce dernier. Les rapports qui avaient de la valeur pour l’Armée étaient envoyés au ministère de la Guerre, au ministère de l’Air ou au ministère de l’Économie. C’est moi, ou mon adjoint, qui décidions de l’importance de la teneur de ces rapports et les transmettions au service intéressé. Dans chaque bureau il y avait un employé qui avait la responsabilité de ne remettre lesdits rapports qu’au chef. Je pouvais évidemment à tout moment prendre la décision de garder exclusivement pour moi un rapport de n’importe quelle nature et de ne pas le transmettre. C’était toujours possible.
Vous aviez certaines difficultés avec d’autres autorités policières qui voulaient mettre la main sur cette organisation, n’est-ce pas ?
C’est exact. Certes la Police s’efforça de s’emparer de cet instrument, mais elle ne l’a pas obtenu de moi. Il se peut qu’elle ait elle-même fait, ça et là, installer des postes d’écoute ; mais le contrôle définitif ne pouvait se faire sans être branché sur le ministère des PTT, et cela devait obligatoirement passer par moi.
Vous avez entendu les preuves apportées par le Ministère Public contre tous les accusés, n’est-ce pas ?
Oui.
Y a-t-il un acte quelconque de l’un de vos co-accusés, que vous prétendez n’avoir pas été raisonnablement nécessaire à l’exécution des plans du parti nazi ?
Il ne s’agit là que des affirmations du Ministère Public ; ce ne sont pas encore des faits qui ont été prouvés. Parmi ces affirmations figurent un certain nombre d’actions inutiles.
Pourriez-vous préciser les actes que vous prétendez être en dehors du domaine des plans du parti nazi et les accusés auxquels ils se rapportent.
Voilà une question très difficile, à laquelle je ne puis répondre d’emblée sans avoir de données à ce sujet.
J’élève une protestation contre cette question. Je ne crois pas qu’il s’agisse ici de faits, mais plutôt d’un jugement de valeur, et il n’est pas possible de donner une réponse à une question d’un ordre si général.
Monsieur Justice Jackson, le Tribunal pense que la question est un peu trop générale.
Vous avez déclaré que le programme du parti nazi était de rectifier certaines injustices qui existaient, prétendez-vous, dans le Traité de Versailles. Je vous demande si votre programme ne dépassait pas de beaucoup en fait toutes les questions envisagées par ce Traité ?
Évidemment, le programme contenait toute une série d’autres points qui n’avaient rien à voir avec le Traité de Versailles.
J’attire votre attention sur la déclaration suivante qui figure dans Mein Kampf :
« Les frontières de 1914 ne signifient rien pour l’avenir du peuple allemand. Elles n’ont pas représenté une défense dans le passé, pas plus qu’elles ne représentent une force pour l’avenir. Elles ne donneront pas au peuple allemand une sécurité intérieure et n’assureront pas sa nourriture. D’ailleurs ces frontières ne semblent, du point de vue militaire, ni favorables ni satisfaisantes ».
Tout cela est bien vrai, n’est-ce pas ?
Il faudrait que je relise les passages originaux de Mein Kampf afin de vérifier s’ils correspondent exactement à ce que vous venez de lire. Mais en admettant que ce soit exact, je peux répondre qu’il s’agit du texte d’un livre qui a été publié et non pas du programme du Parti.
Le premier pays absorbé par l’Allemagne a été l’Autriche. Or, l’Autriche ne faisait pas partie de l’Allemagne avant la première guerre mondiale et elle n’avait pas été enlevée à l’Allemagne par le Traité de Versailles ; est-ce exact ?
C’est bien pourquoi ce point avait été nettement écarté de Versailles dans le programme L’Autriche n’est en relation directe avec Versailles qu’en ce qui regarde le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; il y a été proclamé, et s’est trouvé gravement enfreint, étant donné que l’Anschluss réclamé depuis 1918, après la révolution, était refusé à l’Autriche et à la population purement allemande
Le deuxième territoire annexé par l’Allemagne fut la Bohême, puis la Moravie et la Slovaquie. Il n’avait pas été retiré à l’Allemagne par le Traité de Versailles et ne faisait pas partie du territoire allemand avant la première guerre mondiale.
Pour autant qu’il s’agisse du pays des Sudètes, je ferai la même remarque que pour l’Autriche. Les représentants allemands du pays des Sudètes siégeaient également au Parlement autrichien et sous les ordres de leur chef Lottmann, votèrent la même déclaration. Quant au dernier acte — la déclaration du Protectorat — c’est différent. Ces parties du territoire tchèque, surtout la Bohême et la Moravie, n’étaient pas parties intégrantes du petit Reich allemand avant le Traité de Versailles, mais elles avaient autrefois été rattachées depuis des siècles à l’Allemagne. C’est un fait historique.
Vous n’avez pas encore répondu à ma question, bien que vous ayez répondu à tout le reste. Ces territoires ne vous ont pas été retirés par le Traité de Versailles ?
L’Autriche nous a évidemment été retirée par le Traité de Versailles, de même le pays des Sudètes. Ces deux pays, en effet, n’auraient jamais été séparés de l’Allemagne sans le Traité de Versailles et le Traité de Saint-Germain ; ils seraient devenus des territoires allemands en vertu du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Sous ce rapport ces Traités en sont responsables.
Vous avez déclaré, au cours de l’un de vos interrogatoires, que Hitler avait des renseignements selon lesquels les États-Unis n’entreraient jamais en guerre même s’ils étaient attaqués et qu’il comptait sur les isolationnistes pour empêcher ce pays de le faire ?
Cet interrogatoire doit avoir été enregistré de façon tout à fait inexacte. C’est la raison même pour laquelle je me suis toujours refusé, dès le début, à prêter serment lors de ces interrogatoires avant que je puisse étudier avec attention le procès-verbal allemand et constater si l’on avait bien compris et bien traduit ma pensée. Une fois seulement, et ce fut par la Délégation soviétique — un procès-verbal rigoureusement exact m’a été remis et je l’ai signé page par page en persistant dans mes déclarations. Mais je voudrais rectifier cette opinion. J’ai dit que le Führer n’avait pas cru, au début, que l’Amérique interviendrait dans la guerre et qu’il avait été renforcé dans son opinion par l’attitude de la presse isolationniste ; tandis que moi, au contraire, malheureusement, je croyais, dès le début, que l’Amérique interviendrait de toute façon dans la guerre. Vous comprendrez facilement — j’espère que vous me pardonnerez le terme — que je n’ai jamais pu dire une telle sottise en déclarant que l’Amérique n’entrerait pas en guerre même si elle était attaquée, car si un pays est attaqué, il se défend.
Connaissez-vous Axel Wennergren ?
C’est un Suédois, que j’ai rencontré deux ou trois fois.
Vous lui avez parlé à ce sujet, n’est-ce pas ?
Au sujet de l’entrée éventuelle de l’Amérique en guerre ? J’ai très bien pu lui en parler ; c’est même probable.
Vous lui avez dit qu’une démocratie ne pouvait pas mobiliser et ne voudrait pas se battre, n’est-ce pas ?
Je n’ai certainement jamais prononcé une telle bêtise, car nous avions justement une démocratie, l’Angleterre, comme adversaire principal. Nous savions depuis la dernière guerre mondiale comment cette démocratie allait se battre et nous en avons fait l’expérience une fois de plus au cours de celle-ci. Quand j’ai parlé à Wennergren, nous étions en guerre avec l’Angleterre.
Vous avez déclaré au cours d’un interrogatoire, si je vous comprends bien, que Hitler avait en tête deux idées fondamentales : ou bien s’allier avec la Russie et chercher à augmenter son espace vital par l’acquisition de colonies, ou bien s’allier avec l’Angleterre et chercher à prendre des territoires à l’Est. Mais compte tenu de ses penchants, il aurait préféré de beaucoup s’allier avec la Grande-Bretagne, est-ce vrai ?
Oui, c’est vrai. Je n’ai besoin que de me référer à Mein Kampf où Hitler a exposé cette affaire en détail.
Dès 1933, vous avez établi un programme sérieux de réarmement de l’Allemagne, sans tenir compte des limitations imposées par les traités en général, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas exact.
Très bien ; dites-nous, alors, quand vous avez commencé.
Après le refus de toutes les propositions de désarmement qu’il avait faites, c’est-à-dire peu de temps après notre retrait de la Conférence du Désarmement, le Führer lança plusieurs propositions de restrictions ; mais puisqu’elles ne furent pas prises au sérieux ou même discutées, il ordonna un réarmement intégral. A la fin de l’année 1933, j’entrepris quelques légers préparatifs dans le domaine des questions aéronautiques et j’entrepris aussi de militariser la police en uniforme ; je l’ai fait personnellement et j’en suis le seul responsable.
La militarisation de la police auxiliaire n’était pas une affaire d’État. C’était votre affaire personnelle. Que voulez-vous dire par là ?
Non pas la police auxiliaire, mais la police de protection ou la police municipale ; c’est-à-dire qu’il y avait d’un côté une police en uniforme, qui effectuait le service purement policier dans les rues ; et une deuxième police qui était groupée en formations et mise à notre disposition pour des opérations plus importantes. Ce n’est pas nous qui l’avons créée, bien entendu, elle existait au moment de la prise du pouvoir. Cette police municipale était formée d’unités portant l’uniforme, elle était armée et en caserne ; je la transformai très rapidement en un instrument militaire en isolant ces membres du service policier et en les instruisant de façon militaire, en leur fournissant des fusils-mitrailleurs en plus du faible armement dont ils disposaient. Cela, je l’ai accompli sous ma propre responsabilité. Ces mêmes formations, lors du rétablissement du service militaire, furent transformées en unités de la Wehrmacht.
Je voudrais vous poser des questions se rapportant à votre interrogatoire du 17 octobre 1945. Je vais d’abord vous lire les questions et les réponses, telles qu’elles sont rapportées dans l’interrogatoire, et je vous demanderai ensuite si vous avez donné ces réponses. Vous pourrez alors fournir des explications si vous le désirez, et je suppose que vous le ferez.
L’interrogatoire est ainsi conçu :
« Question
Je voudrais vous interroger aujourd’hui sur l’histoire économique de cette période ; quand le programme d’armement a-t-il été discuté pour la première fois, c’est-à-dire le programme de réarmement ? En quelle année ?
Réponse
Immédiatement, en 1933.
Question
Autrement dit, Schacht avait déjà accepté la tâche, à ce moment-là, de trouver les fonds nécessaires pour le programme de réarmement ?
Réponse
Oui, mais naturellement en coopération avec le ministre des Finances.
Question
Au cours des années 1933 à 1935, avant que le service militaire obligatoire ne fût établi, le réarmement se faisait naturellement en secret, n’est-ce pas ?
Réponse
Oui.
Question
Si bien que l’argent utilisé en dehors du budget devait être trouvé par des moyens secrets qui devaient rester inconnus des puissances étrangères ?
Réponse — Oui, à moins qu’il n’ait été prélevé sur les fonds normaux de l’Armée
Question, — C’est-à-dire que vous aviez un petit budget officiel pour votre Armée de 100 000 hommes et que le reste du réarmement devait provenir de ressources secrètes ?
Réponse
Oui ».
Vous a-t-on posé ces questions et avez-vous donné ces réponses ?
Dans l’ensemble, c’est à peu près exact ; mais j’ai les remarques suivantes à faire. D’abord on me demanda quand on décida ce réarmement, et non quand il commença. Il est évident que, dès 1933, on parla de réarmement, car il fut tout de suite clair que notre Gouvernement devait agir dans ce domaine. c’est-à-dire exiger que les autres désarment, et réarmer nous-mêmes s’ils refusaient de désarmer. Tous ces points devaient être discutés. La conclusion de cette discussion et la transmission d’ordres précis et nets n’eut lieu qu’après l’échec de nos tentatives en vue d’un désarmement général par les autres pays. Dès que nous eûmes ou plutôt dès que le Führer reconnut que ses propositions ne seraient en aucune circonstance acceptées, un réarmement progressif commença. Il n’y avait pas de raisons d’informer le monde de ce que nous faisions pour notre réarmement ; nous n’avions aucune obligation de le faire, et cela ne répondait à aucun but.
Au début de 1933, M. Schacht ne pouvait même pas trouver les fonds nécessaires, car à ce moment-là il ne remplissait aucune fonction ; il ne fut capable de le faire que plus tard. Il était évident que les fonds devaient être préparés par les soins du ministre des Finances et du président de la Reichsbank, selon les ordres et les désirs du Führer, d’autant plus que nous n’avions pas laissé de doute sur nos intentions de réarmer si les autres ne désarmaient pas. Le programme du Parti déjà le spécifiait ouvertement depuis 1921.
N’est-ce pas un fait que, le 21 mai 1935, par un décret secret, Schacht fut nommé plénipotentiaire général à l’Économie de guerre ?
A quelle date ? Je vous prie de vouloir bien me montrer le décret afin que je puisse vous le dire exactement. Je n’ai pas présentes à la mémoire les dates des décrets et des lois, surtout lorsqu’ils ne me concernent pas personnellement ; mais on peut s’en rendre compte par le décret.
De toute façon, peu de temps après sa nomination, il vous a proposé comme commissaire aux matières premières et aux devises étrangères, n’est-ce pas ?
Si M Schacht l’a proposé peu de temps après sa nomination, celle-ci n’a pu survenir qu’en 1936, car ce n’est qu’en été 1936 que M. Schacht, en commun avec le ministre de la Guerre von Blomberg, a proposé que je devienne commissaire aux matières premières et aux devises étrangères.
Je voudrais vous demander si le 10 octobre 1945 vous n’avez pas donné, en parlant de Schacht, la réponse suivante au magistrat instructeur américain : « Il a suggéré que je devienne commissaire aux matières premières et aux devises étrangères. Il pensait que, dans cette position, je pourrais être un soutien appréciable pour le ministre de l’Économie et le président de la Reichsbank ».
Avez-vous fait cette réponse ? Ces renseignements sont-ils exacts ?
Je vous demande de bien vouloir répéter, s’il vous plaît.
Pariant de Schacht, le procès-verbal rapporte que vous avez dit : « Il a suggéré que je devienne commissaire aux matières premières et aux devises étrangères Il pensait que, dans cette position, je pourrais être un soutien appréciable pour le ministre de l’Économie et le président de la Reichsbank ».
C’est tout à fait exact, à l’exception du terme président du Reichstag qui doit être remplacé par celui de président de la Reichsbank.
Oui, c’est ainsi que je l’ai lu.
Avec les écouteurs, il me semblait avoir entendu président du Reichstag.
« De plus il déclara très nettement dans les suggestions qu’il fit à Blomberg, que je devais prendre la direction du Plan de quatre ans. Néanmoins, aux dires de Schacht, je ne connaissais pas grand-chose à l’économie ; il pourrait aisément se mettre à l’abri derrière moi. »
C’est bien ce que j’ai déclaré très clairement l’autre jour.
A partir de ce moment, Schacht et vous avez collaboré pendant quelque temps pour la préparation d’un programme de réarmement, n’est-ce pas ?
A partir de ce moment-là, j’ai collaboré avec M. Schacht sur le plan économique, au développement de toute l’économie allemande y compris le programme de l’armement, condition essentielle du rétablissement des droits militaires de l’Allemagne.
Et vous avez eu tous deux des conflits de compétence et vous avez fini par conclure un accord qui régla la question de vos pouvoirs respectifs, n’est-ce pas ?
Oui.
Et cela se passait bien en 1937, le 7 juillet ?
Ce jour-là, on fit, en vue d’un accord, certaines propositions qui n’amenèrent rien de décisif. La nature de nos deux fonctions et nos personnalités étaient à la base de ces divergences. Tous deux, moi en qualité de plénipotentiaire au Plan de quatre ans, et M. Schacht en qualité de ministre de l’Économie de guerre et président de la Reichsbank, étions capables d’exercer une très grande influence sur l’économie allemande. Comme M. Schacht avait une forte personnalité dont il était vivement conscient et que je n’étais pas disposé non plus à dissimuler ma lumière sous un boisseau, peu importait notre amitié ; nous ne pouvions faire autrement que de nous heurter mutuellement en raison de cette question d’autorité, et l’un devait finir par céder la place à l’autre.
Et le moment vint où il quitta le ministère et la Reichsbank ?
Il démissionna d’abord du ministère de l’Économie du Reich, en novembre 1937 et, autant que je sache, de la présidence de la Reichsbank, à la fin de 1938. Mais je ne voudrais pas être trop affirmatif sur cette date.
Il n’y avait aucun désaccord entre vous sur la nécessité de poursuivre le programme du réarmement, n’est-ce pas ? Vous étiez simplement en désaccord sur les méthodes employées à cette fin ?
Je suppose que M. Schacht en bon Allemand également, était tout naturellement prêt à consacrer toute son énergie au réarmement de l’Allemagne, afin que son pays fût fort ; nous n’avons donc pu avoir de divergences de vue que sur les méthodes à employer, car ni M. Schacht ni moi-même ne réarmions en vue d’une guerre d’agression.
Et après avoir quitté son poste au réarmement, il est resté ministre sans portefeuille et siégea au Reichstag pendant quelque temps encore, n’est-ce pas ?
Oui, c’est exact. Le Führer le désirait ainsi, car il voulait, je crois, exprimer sa reconnaissance à M. Schacht.
Vous souvenez-vous de l’époque où vous envisagiez la mobilisation d’adolescents de quinze ans ?
Vous voulez dire pendant la guerre ?
Oui.
Il s’agissait d’auxiliaires de la Luftwaffe ; c’était en effet des garçons de 15 ou 16 ans, je ne me souviens pas exactement, qui étaient appelés comme auxiliaires de la Luftwaffe.
Je désirerais que l’on vous montrât le document PS-3700, afin que vous puissiez nous dire si vous avez reçu de Schacht la lettre dont voici une copie au papier carbone.
Oui, j’ai certainement reçu cette lettre. L’année n’est pas indiquée sur la copie.
Pouvez-vous nous dire la date approximative à laquelle vous l’avez reçue ?
On dit ici le 3 novembre ; d’après les événements décrits au verso, je pense que cela se passait en 1943. Il est curieux que la date soit omise sur cet exemplaire, mais je crois que je l’ai reçu en 1943.
Avez-vous répondu à cette lettre, à ce document PS-3700 ?
Je ne puis m’en porter garant aujourd’hui, mais c’est possible.
Le Plan de quatre ans avait pour but de placer toute l’économie en état de préparation pour la guerre, n’est-ce pas ?
J’ai exposé qu’il avait deux tâches à remplir : premièrement, sauvegarder l’économie allemande contre les crises et la protéger des variations des exportations et, autant que possible des récoltes incertaines affectant les ressources alimentaires ; deuxièmement, la rendre capable de résister à tout blocus, en utilisant l’expérience que nous avait apportée la première guerre mondiale et de placer l’économie sur une base telle que, dans le cas -d’une seconde guerre mondiale, les conséquences d’un pareil blocus ne seraient pas aussi désastreuses. Il va sans dire que le Plan de quatre ans était l’instrument principal du développement de l’industrie d’armement. Sans lui, le réarmement n’aurait jamais pu atteindre de telles proportions.
Donnez-moi, si possible, une réponse précise : dans une lettre, en date du 18 décembre 1936, adressée à Schacht, n’avez-vous pas déclaré, en propres termes, que vous estimiez de votre devoir « de mettre en quatre ans toute l’économie du pays sur un pied de guerre » ?
Je l’ai dit, bien entendu.
Maintenant, vous souvenez-vous du rapport de Blomberg de 1937 — vous pouvez, si vous le désirez, examiner le document C-175 — qui commence ainsi : « La situation politique générale justifie la supposition que l’Allemagne n’a pas besoin d’entrevoir une attaque de quelque côté que ce soit » ?
A cette époque, c’était bien possible. En 1937, je considérais la situation en Allemagne comme tout à fait rassurante. Après les Jeux Olympiques, la situation générale était extraordinairement calme ; mais cela n’empêchait pas que je me sentisse obligé, abstraction faite d’une atmosphère plus ou moins tranquille, de mettre l’économie allemande sur un pied de guerre et lui permettre de supporter les crises ou les blocus car, un an plus tard exactement, d’autres événements surgirent de nature bien différente.
Blomberg continue ainsi : « Les raisons en sont, en dehors de l’absence de désir d’agression de la part de presque toutes les nations, surtout les puissances occidentales, le manque de préparatifs pour la guerre de nombreux états, de la Russie en particulier ». Telle était la situation en 1937, n’est-ce pas ?
C’est ainsi que M. von Blomberg considérait la situation. En ce qui concernait les préparatifs de guerre de la Russie, M. von Blomberg, comme tous les autres représentants de l’opinion de la Reichswehr, s’est, en vérité, toujours trompé, à l’encontre des avis exprimés dans d’autres milieux sur l’armement de la Russie. Il ne s’agit ici que de l’opinion de M. von Blomberg et non pas de celle du Führer ou de la mienne, ni de l’opinion d’autres personnalités importantes.
Tel était, néanmoins, le compte rendu du Commandant en chef de la Wehrmacht, le 24 juin 1937, n’est-ce pas ?
Oui, c’est exact.
Un mois plus tard, vous avez organisé les entreprises Hermann Göring ?
C’est exact.
Et les entreprises Hermann Göring contribuaient à rendre l’Allemagne prête pour la guerre, n’est-ce pas ?
Non, ce n’est pas exact. Les entreprises Hermann Göring s’occupèrent d’abord, exclusivement et uniquement, de l’extraction du minerai de fer allemand des gisements de Salzgitter et du Haut Palatinat, et après l’Anschluss, des entreprises d’extraction du minerai de fer en Autriche.
Les entreprises Hermann Göring édifièrent ensuite et exclusivement des installations destinées à préparer et à purifier le minerai et construisirent des hauts fourneaux. Ce n’est que beaucoup plus tard qu’elles y ajoutèrent des aciéries et des usines de transformation ; c’est-à-dire, toute une industrie
Les entreprises Hermann Göring faisaient partie du Plan de quatre ans, n’est-ce pas ?
C’est exact.
Et vous avez déjà dit que le Plan de quatre ans avait pour but de préparer l’économie allemande pour la guerre ; les entreprises Hermann Göring étaient organisées pour l’exploitation des minerais de fer et la fabrication de l’acier, dans le but de produire des canons et des chars d’assaut, n’est-ce pas ?
Non, ce n’est pas exact ; les entreprises Hermann Göring, au début, ne possédaient pas leurs propres usines d’armement, mais produisaient simplement, je le répète, de l’acier, de l’acier brut.
En tout cas, vous avez poursuivi vos efforts et, le 8 novembre 1943, vous avez décrit ces efforts aux Gauleiter dans un discours que vous avez prononcé à la Maison du Führer à Munich ?
Je ne connais pas la date exacte, mais à ce moment-là j’ai fait aux Gauleiter un bref exposé — un parmi tant d’autres — sur la situation de l’Aviation et peut-être aussi, autant que je m’en souvienne, sur l’état de l’armement. J’ai, dans leur ensemble, oublié les termes de ce discours, car on ne m’a rien demandé sur ce point jusqu’à maintenant, mais le fait existe.
Laissez-moi vous rappeler, afin de vous rafraîchir la mémoire, que vous avez employé ces termes :
« L’Allemagne, au début de la guerre, était le seul pays au monde à posséder une aviation suffisamment prête, à tous points de vue Les autres pays avaient divisé leur flotte aérienne en aviation de la Marine et de l’Armée et considéraient uniquement l’Armée aérienne comme un auxiliaire important et nécessaire des autres armes. En conséquence, il leur manquait les appareils seuls aptes à concentrer les efforts et porter des coups décisifs, c’est-à-dire une aviation d’opération. En Allemagne, nous avions poursuivi ces buts dès le début ; le gros de l’Aviation était disposé de telle sorte qu’elle était en mesure de frapper profondément dans le territoire ennemi et d’obtenir des résultats stratégiques, pendant qu’une partie moindre de l’Aviation comprenant des Stukas et, naturellement, des avions de combat, engageait la lutte dans les premières lignes des champs de bataille. Vous connaissez tous les résultats étonnants obtenus par cette tactique et la supériorité que nous avons eue au début de la guerre, grâce à une aviation moderne ».
C’est parfaitement exact. Je l’ai certainement dit et, qui plus est, j’ai agi en conséquence. Mais afin que ce soit bien compris et interprété de même, je dois m’expliquer brièvement : dans ces exposés, je m’occupais de deux conceptions stratégiques différentes, qui sont encore discutées aujourd’hui, sans qu’une décision ait été prise à leur sujet : l’Aviation doit-elle former une arme auxiliaire de la Marine et de l’Armée et être divisée en vue de constituer une partie de l’Armée et de la Marine, ou doit-elle, au contraire, constituer une arme distincte et séparée des deux autres ?
J’ai expliqué que pour les pays possédant une marine puissante il est peut-être compréhensible qu’une telle séparation soit faite. Mais, grâce à Dieu, nous avons toujours suivi dès le début la bonne voie, qui était de construire une aviation puissante, — j’insiste sur le mot puissante — et indépendante, à côté de la Marine et de l’Armée ; et j’ai décrit comment nous sommes passés d’une aviation d’essai à une aviation d’opération.
En qualité d’expert, je suis encore d’avis aujourd’hui que seule une aviation d’opération peut avoir des résultats décisifs. J’ai également exposé, à propos des bombardiers bimoteurs et quadrimoteurs, que les bimoteurs me suffisaient d’abord parce que : premièrement, je n’avais pas de bombardiers quadrimoteurs et, deuxièmement, le rayon d’action des bombardiers bimoteurs était suffisamment étendu pour atteindre l’ennemi avec lequel nous étions aux prises à ce moment-là. J’ai, de plus. souligné que la raison principale de la conclusion rapide de la campagne de Pologne et de l’Ouest était due à l’action de l’aviation. Donc, c’est parfaitement exact.
Je vous rappelle que le témoin Milch, que vous avez cité, a déposé sous la foi du serment sur un sujet que je ne vous ai pas entendu traiter. Il a dit : « J’avais l’impression que, déjà au moment de l’occupation de la Rhénanie, lui, — c’est-à-dire Göring — craignait que la politique de Hitler ne conduisît à la guerre ».
Vous en souvenez-vous ?
Oui.
Est-ce vrai ou faux ? Peut-être devrais-je dire vrai ou erroné ?
Non, je ne voulais pas la guerre ; mais je pensais que la meilleure façon de l’éviter était d’être fortement armé car, selon l’adage bien connu : « Celui qui possède une épée aiguisée possède la paix ».
Êtes-vous toujours de cet avis ?
Je suis de cet avis aujourd’hui, et même plus que jamais, quand je vois la confusion qui règne.
Est-il vrai, comme Milch l’a dit, que vous craigniez que la politique de Hitler ne menât à la guerre, au moment de l’occupation de la Rhénanie ?
Je vous demande pardon. Je viens de comprendre que vous me demandiez si j’étais encore d’avis que seule une nation fortement armée pût maintenir la paix ; c’est à cette question que je désirais répondre tout à l’heure. Si vous rapprochez cette question de la déclaration de Milch, selon laquelle je craignais que la politique du Führer ne menât à la guerre, j’aimerais dire que je craignais de voir arriver la guerre et que je désirais, si possible, l’éviter ; mais non pas dans le sens que la politique du Führer y conduisait, car le Führer désirait également réaliser son programme par des accords et des négociations diplomatiques. En ce qui concerne l’occupation de la Rhénanie, j’étais quelque peu inquiet à cette époque sur les réactions qui pouvaient se produire, mais en dépit de cela, cette occupation était nécessaire.
Et lorsque rien ne se manifesta, la seconde mesure à prendre fut pour l’Autriche ?
Ces deux faits n’ont aucun rapport. L’Autriche ne m’a jamais autant donné la crainte d’une guerre que l’occupation de la Rhénanie car, dans le cas de l’occupation de la Rhénanie, je m’imaginais fort bien certaines réactions. Mais je ne voyais pas comment une réaction venant de l’étranger pouvait se produire du fait de l’union de deux peuples frères, de pur sang germanique. Surtout de la part de l’Italie qui avait toujours prétendu avoir un intérêt vital dans la séparation de ces deux pays et qui, depuis, avait quelque peu modifié son point de vue. Pour la France et l’Angleterre, cela n’avait pas la moindre importance, car ces pays ne pouvaient absolument pas s’intéresser à cette annexion. Par conséquent, je ne voyais aucun danger de guerre.
Je vais seulement vous poser quelques questions sur l’Autriche. Vous avez dit que Hitler et vous-même aviez profondément regretté la mort de Dollfuss Mais je vous demande s’il ne fit pas apposer une plaque commémorative, à Vienne, en l’honneur des hommes qui assassinèrent Dollfuss et ne déposa pas une couronne "sur leurs tombes lorsqu’il s’y rendit ? N’est-ce pas un fait ? Pouvez-vous me répondre par oui ou par non ?
Non, je ne puis répondre à cela par oui ou par non, si je dois présenter la vérité sous la foi du serment. Je ne peux pas dire : « Oui, il l’a fait », parce que je ne le sais pas. Je ne peux pas dire : « Non, il ne l’a pas fait », parce que je ne le sais pas non plus. Je voudrais simplement déclarer que j’ai entendu parler de ce fait ici pour la première fois.
En juin 1937, Seyss-Inquart et le secrétaire d’État Keppler se sont présentés à vous et vous avez eu quelques entretiens ?
Oui.
Seyss-Inquart désirait une Autriche indépendante, n’est-ce pas ?
Autant que je m’en souvienne, oui.
Et Keppler était l’homme qui fut envoyé à Vienne par Hitler au moment de l’Anschluss et qui lui envoya un télégramme pour l’avertir de ne pas envahir l’Autriche. Vous en souvenez-vous ?
Oui.
C’est le télégramme que vous avez qualifié d’insolent et d’absurde, de la part d’un homme qui était sur place et qui avait négocié auparavant avec Seyss-Inquart ; vous le rappelez-vous ?
Je n’ai pas utilisé, pour qualifier ce télégramme, cet adjectif que l’on vient de me traduire en allemand par le mot insolent. J’ai dit que ce télégramme n’avait plus d’utilité et était superflu, étant donné que les troupes étaient en route et avaient reçu leurs ordres. L’action était déjà en train.
Vous aviez demandé que Seyss-Inquart fût nommé Chancelier. Est-ce exact ?
Pas moi personnellement ; ce sont les circonstances qui l’ont voulu, car à ce moment il était le seul à pouvoir prendre la chancellerie, puisqu’il était déjà au Gouvernement.
Seyss-Inquart est-il devenu Chancelier d’Autriche en sachant qu’il devait abandonner son pays à l’Allemagne, ou lui avez-vous fait croire qu’il resterait indépendant ainsi que son pays ?
J’ai déjà expliqué l’autre jour que, même lorsque le Führer partit en avion le lendemain matin, il subsistait encore des doutes dans son esprit quant à la meilleure façon de réaliser l’union avec l’Autriche, en nommant simplement un chef d’État commun avec le Reich. J’ai également fait remarquer que je considérais alors cette solution comme insuffisante et que j’étais en faveur d’un Anschluss absolu, direct et total.
Je ne connaissais pas exactement l’attitude de Seyss-Inquart à ce moment-là ; néanmoins, je craignais que ses idées ne fussent plutôt dirigées vers une séparation tout en maintenant une certaine coopération et qu’il n’allât pas aussi loin que moi dans le sens d’une annexion complète. Aussi je fus particulièrement heureux lorsqu’au cours de la journée l’Anschluss total se réalisa.
Je me permets de remarquer que ces réponses ne concordent pas. Je vais donc répéter ma question :
Seyss-Inquart est-il devenu Chancelier d’Autriche avec le sentiment qu’il devait faire appel aux troupes allemandes et abandonner l’Autriche à l’Allemagne ou lui avez-vous fait croire qu’il pouvait continuer à garder une Autriche indépendante ?
Je vous demande pardon, vous me posez une série de questions auxquelles je ne peux pas répondre simplement par oui ou par non. Si vous me demandez : « Seyss-Inquart est-il devenu Chancelier selon le désir de Hitler et le vôtre ? », je réponds « oui ». Si vous me demandez en outre : « Devint-il Chancelier à la condition qu’il envoyât un télégramme demandant l’intervention des troupes ? », je répondrai par « non », car à ce moment-là il n’était pas du tout question de nous faire parvenir ce télégramme.
Si, en troisième lieu, vous me demandez : « Devint-il chancelier avec l’assurance qu’il pourrait maintenir une Autriche indépendante ? », je dois déclarer encore une fois que le Führer, ce soir-là, ne se rendait pas encore compte de la tournure définitive que devaient prendre les événements.
Voilà ce que j’ai essayé d’expliquer.
N’est-il pas exact que vous soupçonniez les intentions de Seyss-Inquart de demeurer aussi indépendant que possible et que c’est là l’une des raisons pour lesquelles les troupes ont franchi la frontière ?
Non. Je vous demande pardon. Là encore il s’agit de deux questions : je soupçonnais fortement que Seyss-Inquart désirait demeurer le plus indépendant possible. L’envoi des troupes n’avait rien à voir avec cette méfiance ; point n’eût été besoin d’un seul soldat pour cela. J’ai donné les raisons de cet envoi de troupes.
Mais on n’a jamais laissé entendre à Seyss-Inquart que l’Autriche ne resterait pas indépendante, jusqu’au moment où — comme vous le dites — le Führer et vous-même avez eu le sort de l’Autriche entre vos mains. Est-ce exact ?
Le Führer ne le lui a certainement pas dit auparavant. Quant à moi, on savait bien que je le désirais et je suppose qu’il devait connaître mon attitude.
Vous avez déclaré que, lors d’une conversation avec Ribbentrop à Londres, vous avez souligné qu’aucun ultimatum n’avait été présenté à Seyss-Inquart et vous avez dit que c’était un fait légal.
Je n’ai pas dit légal, mais diplomatique.
Il me semble qu’il serait indiqué de suspendre l’audience maintenant.
Oui, Monsieur le Président.