QUATRE-VINGT-CINQUIÈME JOURNÉE.
Mardi 19 mars 1946.
Audience du matin.
Je désire entendre comme témoin M Dahlerus, ingénieur à Stockholm.
Comment vous appelez-vous ?
Birger Dahlerus
Veuillez répéter ce serment après moi : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Que Dieu me soit en aide ». (Le témoin répète les termes du serment.) Vous pouvez vous asseoir si vous le désirez.
Monsieur Dahlerus, veuillez raconter au Tribunal comment, en votre qualité d’homme privé et de Suédois, vous êtes arrivé à vous occuper d’un accord entre l’Angleterre et l’Allemagne.
Je connaissais très bien l’Angleterre pour y avoir vécu douze ans et je connaissais aussi très bien l’Allemagne, J’avais observé la première guerre mondiale des deux côtés, ayant habité successivement en Angleterre et en Allemagne pendant cette période.
Au cours d’une visite en Angleterre, à la fin de juin 1939, j’ai parcouru un certain nombre de villes, Birmingham, Coventry, Manchester et Londres. J’ai trouvé partout la même détermination bien assurée le peuple anglais ne permettrait plus une seule agression de la part de l’Allemagne. Le 2 juillet, j’ai rencontré des amis au Constitution Club et nous avons parlé de la situation en cours : ils m’ont fait une peinture très nette de l’opinion publique en Grande-Bretagne. Comme ce résumé de l’opinion publique anglaise fut à la base de mes discussions ultérieures avec Göring, je crois que je dois le rapporter ici. Il est fondé sur l’observation des conditions en Grande-Bretagne et sur des conversations avec des gens du peuple. Les conclusions sont les suivantes :
a) Unanimité sur le fait que Berchtesgaden et la Tchécoslovaquie ont ébranlé la confiance, et que, immédiatement après Berchtesgaden, avant la Tchécoslovaquie, il était possible de faire en coopération beaucoup de choses déjà décidées par l’Allemagne.
b) L’opinion publique anglaise est maintenant extrêmement amère. Elle est résolue : jusque là mais pas au delà.
c) La Grande-Bretagne a désormais des obligations qu’elle n’avait pas au moment de la réunion de Berchtesgaden.
La Pologne et Dantzig : Une attaque sur Dantzig signifie la guerre avec la Pologne et l’Angleterre. La Grande-Bretagne sera entraînée automatiquement en raison de ses obligations. De là, automatiquement, guerre avec la Grande-Bretagne.
d) La Grande-Bretagne ne fait pas connaître ses forces ; elles sont mêmes inconnues du public anglais.
Voici la deuxième constatation basée sur un discours de Lord Halifax : « Mes observations personnelles montrent que l’Angleterre s’en tient fermement à ses déclarations ».
Un instant, je vous prie. La traduction russe arrive sur le réseau français. Je crois que nous allons suspendre pendant quelques instants.
Avant que le témoin ne reprenne sa déposition, le Tribunal me demande de dire que le système des écouteurs avait été vérifié hier au soir, après la levée de l’audience. Le système a encore été vérifié ce matin à 9 h. 30 et une nouvelle fois à 10 heures moins 5. Tous ceux qui pénètrent dans cette salle doivent se rendre compte qu’il n’est pas possible de protéger complètement les circuits par des canalisations souterraines. Il est donc de première importance que tous ceux qui pénètrent ici fassent très attention pour éviter, si possible, de marcher sur les câbles qui, de cette façon, peuvent à la longue être endommagés ou sectionnés. Le réseau peut être abîmé et c’est ainsi qu’arrivent des erreurs. Tout est mis en œuvre pour l’entretien du matériel ; les personnes qui utilisent ce matériel devront faire également tout leur possible pour aider à le maintenir en bon état.
Monsieur Dahlerus, voulez-vous continuer.
Point numéro 2 : le discours de Lord Halifax. Ses observations personnelles montrent que l’Angleterre s’en tiendra fermement à ses déclarations. Lord Halifax sous-estime la situation de l’Angleterre, ce qui est une coutume chez les Anglais. C’est-à-dire qu’il fait état de la force de l’Angleterre en la tenant pour plus faible qu’elle ne l’est réellement. Peut-être en Allemagne n’a-t-on pas complètement réalisé cette situation.
Point numéro 3 : la Grande-Bretagne désire la paix, mais pas la paix à n’importe quel prix. Le peuple allemand est bien vu du peuple anglais et il ne semble pas y avoir de raison valable pour qu’il y ait un conflit armé. Comme dans le passé, l’Allemagne perdra sûrement la guerre et obtiendra beaucoup moins par le moyen des guerres que par des négociations pacifiques. L’Angleterre et ses amis souffriront aussi beaucoup d’une guerre, qui pourrait être la fin de la civilisation.
Ayant observé l’aversion du Troisième Reich pour les comptes rendus défavorables, je trouvai qu’il était de mon devoir et qu’il pourrait être utile de transmettre aux hautes sphères allemandes ces claires expressions de l’opinion anglaise.
Une question, Monsieur Dahlerus : est-ce que vos amis étaient membres du Parlement britannique ?
Non, c’étaient des hommes d’affaires, et si le Tribunal le désire, je peux fournir une liste de leurs noms.
Comment s’appelaient ces personnes ?
Dois-je remettre la liste de ces noms au Tribunal, afin d’éviter les pertes de temps ?
Leurs noms n’ont pas beaucoup d’importance s’il ne s’agit que d’hommes d’affaires.
Après être tombé d’accord avec mes amis sur l’opportunité d’un voyage en Allemagne, je m’y suis rendu et j’ai obtenu un rendez-vous avec Göring pour le 6 juillet à 16 heures, à Karinhall.
Je lui ai exposé ce que j’avais observé en Grande-Bretagne et j’ai appuyé fortement sur la nécessité de faire tout ce qui était possible pour éviter la guerre. Göring se demanda ? i ces observations n’étaient pas un essai de plus du côté anglais, et me fit aussi remarquer qu’il pensait que la Grande-Bretagne voulait contrôler tous les développements sur le continent. Je lui répondis que je ne voulais pas qu’il acceptât mes déclarations de neutre et suggérai que fût provoquée une réunion où lui-même et d’autres membres du Gouvernement allemand auraient l’occasion de rencontrer des citoyens britanniques connaissant très bien les conditions existantes. Je suggérai qu’une première réunion pourrait avoir lieu en Suède, par exemple sur l’invitation de Sa Majesté le roi de Suède ou du Gouvernement suédois.
Le 8 juillet, je reçus de Göring une réponse : Hitler était d’accord avec ce projet, Je suis parti immédiatement pour la Suède pour voir s’il était possible de faire les préparatifs nécessaires en Suède. Le Gouvernement suédois, pour certaines raisons, a considéré qu’il était inopportun que le roi de Suède ou lui même fît une invitation semblable, mais il n’a fait aucune objection à ce que cette réunion fût organisée par des personnes privées. Le comte Trola Wach-meester a mis son château de Trola Beelda à notre disposition pour cette rencontre. Le 19 juillet, je suis parti pour Londres afin de tout préparer.
Docteur Stahmer, ne pouvez-vous dire au témoin, pour éviter une perte de temps, d’en venir au fait même, à la réunion même ? Tous ces préliminaires ne semblent pas très importants au Tribunal.
Oui, Monsieur le Président. Le témoin va venir tout de suite à la question des discussions préliminaires qui ont eu lieu le 7 août à Sosnke-Nissen-Koog. Témoin, voulez-vous nous parler de cette rencontre ? Vous vouliez dire, je crois, que le 19 juillet, vous êtes parti en avion pour Londres où vous avez rencontré Lord Halifax le 20 ?
Oui.
Je tiens ce rapport pour très important. Voulez-vous raconter au Tribunal ce qui s’est passé lors de cet entretien du 20 juillet avec Lord Halifax ?
J’ai rencontré Lord Halifax le 20 juillet. Il m’a fait remarquer qu’il désirait qu’aucun membre du Gouvernement britannique ou du Parlement ne participât à cette rencontre. Néanmoins, le Gouvernement de Sa Majesté attendait le résultat de cette réunion avec le plus grand intérêt. La réunion eut lieu à Soenke-Nissen-Koog dans le Schleswig-Holstein, près de la frontière danoise. Cette maison appartient à ma femme. Sept Anglais, Göring, Bodenschatz et le Dr Schöttl étaient présents.
Quel jour était-ce ?
C’était le 7 août, et la réunion a commencé à 10 heures. La réunion a commencé lorsque Göring invita les Anglais à poser les questions qui étaient les leurs. Par la suite, de longues discussions eurent lieu à propos du développement politique, surtout à propos des relations entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Finalement, des deux côtés, on en vint à discuter de Munich et des événements qui suivirent. Les représentants britanniques soulignèrent la nécessité d’arrêter la politique d’agression en Europe ; la question du Corridor et de Dantzig fut également discutée. Les Anglais ont très clairement manifesté qu’au cas où l’Allemagne essayerait d’occuper par la force un territoire étranger, l’Empire britannique, en accord avec ses obligations vis-à-vis de la Pologne, se tiendrait aux côtés de cette dernière.
Göring fit remarquer, sur son honneur de soldat et d’homme d’État, bien qu’il eût la charge et la direction de la plus puissante aviation du monde et qu’il pût être tenté de la mener au combat, qu’il ferait tout ce qu’il pourrait pour aider à empêcher une guerre.
Le résultat de cette rencontre fut que toutes les personnes présentes adoptèrent la conclusion qu’il serait de la plus haute importance que les délégués britanniques et allemands pussent se rencontrer le plus rapidement possible.
La conférence se termina tard dans la nuit et, le matin suivant, les délégués britanniques proposèrent que cette conférence s’étendît à quatre nations : Grande-Bretagne, France, Italie et Allemagne. J’allai à Sylt où demeurait Göring qui consentit, pour l’Allemagne, à ces modifications de la proposition.
Des membres du Parlement britannique ont-ils également pris part à ces discussions ?
Non, il n’y avait que des hommes d’affaires anglais.
Est-ce qu’un rapport sur cette visite a été envoyé à Lord Halifax ?
Les membres britanniques ont quitté l’Allemagne de bonne heure le 9 août et il fut convenu qu’une fois rentrés ils adresseraient immédiatement un compte rendu de cette entrevue au ministère des Affaires étrangères.
Est-ce qu’il a été pris des décisions lors de cette rencontre et comment se sont déroulés les événements ultérieurs ?
J’ai reçu une confirmation personnelle de Göring me disant que Hitler était d’accord pour qu’une telle conférence eût lieu. L’affaire a été discutée à Londres et, le 19 août, j’ai reçu une convocation pour me rendre à Paris, évidemment pour recevoir une réponse du côté britannique Avant de partir, le 21 août, je fus informé qu’un traité commercial avait été conclu entre la Russie et l’Allemagne, et le jour suivant ce traité s’était étendu aux questions politiques. Le matin du 23, vers 10 h. 30, on me demanda, par téléphone, de la part de Göring, de me rendre à Berlin immédiatement, si possible.
Est-ce que pendant cette conversation on a envisagé la gravité de la situation ?
Oui, Göring en a parlé. Il a dit qu’entre temps la situation était devenue très sérieuse.
Quand avez-vous rencontré Göring ?
Je suis arrivé à Berlin le 24 et j’ai vu Göring à 14 heures.
De quoi avez-vous traité dans ces discussions ?
Il m’a dit que la situation était devenue très grave, parce qu’on n’avait réussi à faire aucun accord entre l’Allemagne et la Pologne. Il m’a demandé si je pouvais me rendre à Londres et y expliquer la situation.
Est-ce qu’on a particulièrement mentionné que l’Allemagne était prête à faire un accord avec l’Angleterre ?
Oui, Göring a expliqué que l’Allemagne désirait s’entendre avec la Grande-Bretagne.
Quand êtes-vous parti pour Londres ?
Le matin suivant, le vendredi 25.
Savez-vous si Hitler était d’accord avec ce voyage ?
Je ne sais pas, je ne pourrais le dire.
Avec qui avez-vous pris part aux discussions à Londres dans la soirée du 25 ?
Une réunion importante eut lieu vers 18 h. 30, avec Lord Halifax.
Que vous a dit Lord Halifax à cette occasion ?
Il m’a dit que ce jour-là Henderson avait parlé à Hitler et qu’en attendait Henderson à Londres, le samedi 26. Il a exprimé l’espoir qu’un arrangement serait possible puisque les voies officielles étaient ouvertes. Il m’a remercié de mes efforts et m’a dit qu’il ne pensait pas qu’on eût besoin de moi plus longtemps.
Le même soir avez-vous encore eu un entretien téléphonique avec Göring ?
Oui.
Sur quoi portait cet entretien ?
J’ai essayé de l’atteindre par téléphone à 8 heures du soir, mais c’est seulement avec l’aide du ministère des Affaires étrangères que j’ai pu le toucher au téléphone. Göring m’a dit à ce moment-là que la situation était très grave. Il m’a demandé de faire tout ce qui était en mon pouvoir pour organiser une conférence entre les délégués de Grande-Bretagne et d’Allemagne.
Avez-vous mis Lord Halifax au courant de cette conversation ?
Oui. M. Roberts, des Affaires étrangères, a eu le compte rendu exact de notre conversation, et, avant minuit, Lord Halifax en avait le communiqué entre les mains.
Est-ce que le lendemain matin, c’est-à-dire le samedi 26 août, vous n’avez pas eu une autre conversation avec Lord Halifax, et de quoi avez-vous parlé au cours de cette conversation ?
J’ai rencontré Lord Halifax le samedi 26 à 11 heures. Je lui ai dit que j’avais appris que le Gouvernement allemand essayait d’arriver à une décision en toute hâte ; j’essayai de lui faire voir l’importance d’une telle tentative qui, dans une situation aussi grave, commandait d’agir en prenant toutes ses responsabilités et tous ses soins. Je lui ai demandé d’appuyer auprès du Gouvernement allemand sur le fait que le Gouvernement anglais souhaitait une entente.
A-t-on jamais exprimé que Göring fut le seul homme en Allemagne pouvant éviter la guerre ?
J’avais l’impression que Göring était le membre du Gouvernement allemand qui probablement travaillait le plus à la sauvegarde de la paix ; c’est à la suite des conversations que j’ai eues avec lui que j’ai acquis cette impression.
Quelles propositions avez-vous alors faites à Lord Halifax ?
Je suggérai à Lord Halifax d’écrire une lettre à Göring. Je me rendrais tout de suite à Berlin et je la lui communiquerais.
Est-ce qu’on a donné suite à votre projet ?
Oui. Lord Halifax a consulté Chamberlain et a écrit une excellente lettre dans laquelle il indiquait de façon claire et distincte le désir du Gouvernement de Sa Majesté d’en arriver à un règlement pacifique.
Et vous êtes reparti pour Berlin en avion avec cette lettre ?
Oui. J’étais à Berlin le soir et je rencontrai Göring à 22 heures.
Pourriez-vous rapporter au Tribunal ce qui arriva pendant la conversation que vous avez eue et qui fut la conséquence de votre entretien avec Lord Halifax ?
J’ai rencontré Göring dans son train, alors qu’il se rendait à l’État-Major. Je lui ai donné les conditions de Londres et ai souligné l’importance du fait qu’il n’y avait aucun doute que, si le Gouvernement allemand attaquait Dantzig, il y aurait immédiatement une guerre avec la Grande-Bretagne, mais que j’étais convaincu que le Gouvernement allemand ferait son possible pour éviter la crise. Après lui avoir donné cette explication, je lui ai tendu la lettre. Il l’a ouverte et, après l’avoir lue, il me l’a montrée et m’a demandé de la lui traduire avec soin, car il était très important que son contenu soit bien compris. Ensuite, il a appelé immédiatement son adjoint et a demandé que le train s’arrêtât à la gare suivante. Il a déclaré qu’il sentait qu’il était nécessaire d’informer Hitler immédiatement du contenu de cette lettre. Je le suivis en automobile jusqu’à Berlin et à minuit exactement nous arrivions à la Chancellerie ; Göring alla immédiatement parler à Hitler et je me rendis à mon hôtel.
C’était alors le 27 août dans la nuit, ou plutôt le matin du 27 août ?
Oui.
Avez-vous eu un entretien avec Hitler ce jour-là ?
J’ai reçu la visite de deux officiers vers minuit 15. Ils m’ont demandé de venir avec eux chez Hitler immédiatement. Je fus reçu par Hitler aussitôt mon arrivée. Il était seul avec Göring.
Décrivez-nous cette conversation en détail.
Hitler a commencé, comme d’habitude, à m’expliquer les tenants et les aboutissants de la politique allemande. Cela a duré environ vingt minutes et je pensais que rien d’utile ne pourrait résulter de ma visite. Quand il invectiva l’Angleterre et les Anglais, je l’ai interrompu et je lui ai dit que j’avais travaillé en Grande-Bretagne, comme ouvrier et comme ingénieur, que je m’occupais d’industrie en Angleterre, que je connaissais bien la population anglaise et n’étais pas d’accord avec sa déclaration Ensuite, au cours d’une longue discussion, il m’a posé de nombreuses questions sur l’Angleterre et le peuple britannique. Puis il a commencé à me donner des explications sur le bel équipement des Forces armées allemandes. Il marchait de long en large et, à la fin, très nerveux et très agité, il me dit que s’il y avait la guerre il construirait des sous-marins et encore des sous-marins. Il parlait, mais n’avait pas l’air de se rendre compte de notre présence. Un moment après, il s’est mis à crier qu’il construirait des avions et encore des avions et qu’il gagnerait la guerre. Puis il s’est un peu calmé et a parlé à nouveau de l’Angleterre et m’a dit : « Monsieur Dahlerus, dites-moi, s’il vous plaît, pourquoi je n’ai pu arriver à obtenir un accord avec le Gouvernement britannique ? Vous qui paraissez connaître si bien l’Angleterre, peut-être pourriez-vous me résoudre cette énigme ? » J’ai hésité, d’abord, mais j’ai fini par lui dire, avec mon intime connaissance du peuple britannique, que j’étais personnellement d’avis que cela venait de son manque de confiance en lui et en son Gouvernement. La conversation se poursuivit. Il me fit un long rapport sur son entretien du vendredi avec Henderson. A la fin, il me demanda de me rendre tout de suite à Londres et d’exposer son point de vue. J’ai naturellement refusé en lui disant que je ne pouvais me présenter comme représentant du Gouvernement allemand, mais que, si le Gouvernement anglais demandait à ce que j’aille le voir, je me rendrais volontiers à cette invitation. Les conditions que je posais consistaient à connaître toutes les propositions qu’il avait à faire. Pendant une heure et demie nous avons éclairci et établi les différents points en les détaillant beaucoup plus qu’il ne l’avait fait avec Henderson.
Quelles propositions deviez-vous faire en particulier ?
En résumé, je devais faire les propositions suivantes :
1° L’Allemagne signait un accord ou concluait une alliance avec la Grande-Bretagne.
2° L’Angleterre devait soutenir l’Allemagne dans l’annexion de Dantzig et du corridor.
3° L’Allemagne donnait sa parole qu’elle sauvegarderait les frontières polonaises.
4° On devait arriver à un accord sur les colonies allemandes.
5° Des garanties suffisantes devaient être données en ce qui concernait le traitement des minorités allemandes.
6° L’Allemagne s’engageait sur parole à défendre l’Empire britannique avec l’Armée allemande, au cas d’attaque de cet empire.
Monsieur Dahlerus, au sujet du point 2, n’assurait-on pas à la Pologne un port libre comme Dantzig ? Connaissez-vous quelque chose de ces assurances données à la Pologne ? Savez-vous quelque chose à ce sujet ?
Oui, mais ce sont là des propositions résumées. Elles étaient naturellement beaucoup plus détaillées.
Est-il exact que la Pologne devait recevoir un port libre à Dantzig et avoir un corridor vers Gdynia, d’après ces propositions ?
C’est ce que Hitler m’avait dit.
Merci. Quelles furent les suites de cette conversation ?
Je suis parti en avion spécial le lendemain matin après m’être mis en relation avec Londres. J’ai rencontré M. Chamberlain, Lord Halifax, Sir Horace Wilson, Sir Alexander Cadogan.
C’était le 27 août, n’est-ce pas ?
Le 27 août, oui.
Je vous remercie.
Et au 10 Downing Street.
Sur quel sujet ont porté ces conversations avec Lord Halifax et M. Chamberlain ?
Nous avons parlé en détail des propositions faites. Sur certains points, qui sont révélés dans le Livre Bleu britannique, ces propositions n’étaient pas semblables à celles qui avaient été faites à Henderson. J’ai donc suggéré au Gouvernement britannique que s’il avait entière confiance en moi comme intermédiaire, il pouvait me communiquer jusqu’où il pouvait ou non accepter ces propositions, je retournerais à Berlin le même jour pour discuter le point de vue britannique avec Hitler et Göring. Henderson devrait demeurer à Londres jusqu’au lundi, de façon à ce que la réponse pût être donnée après qu’il aurait été informé de l’attitude de Hitler vis-à-vis du point de vue britannique.
Ce jour-là avez-vous eu aussi une conversation avec Sir Alexander Cadogan ?
Après la réunion avec les membres du Gouvernement dont j’ai parlé, j’ai eu une conversation très longue avec Cadogan.
Avez-vous été mis au courant des propositions qui ont été faites ?
Qui.
Quelles étaient-elles ?
Je dois dire que les Anglais ont pris la peine, avec beaucoup de soin, de s’occuper de chaque point. Naturellement, le point 6, offres de défense de l’Empire britannique, fut repoussé. Ils ont également refusé de discuter la question des colonies avant que l’Allemagne ne démobilisât. Ils voulaient que les frontières polonaises fussent garanties par les cinq grandes Puissances : la Russie, l’Allemagne, l’Italie, la France et l’Angleterre. Quant au Corridor, ils proposaient des négociations immédiates avec la Pologne. Sur le point 1, l’Angleterre, en principe, acceptait la conclusion d’un accord avec l’Allemagne.
C’est avec ces propositions que vous êtes retourné en Allemagne ?
Oui, après avoir téléphoné à Berlin ; le Gouvernement britannique ayant promis de renvoyer Henderson le jour même, j’ai obtenu confirmation de Berlin qui acceptait le retard du retour de Henderson. Je suis parti ce même soir et suis arrivé peu avant minuit à Berlin.
Avec-vous eu à nouveau des conversations avec Göring ?
J’ai rencontré Göring à 11 h. 30 le dimanche soir et je lui ai fait part des résultats obtenus.
Pourriez-vous nous décrire cette conversation en détail ?
Il ne considérait pas la réponse comme très favorable. Je lui ai dit, en considérant les événements de l’année précédente, qu’il ne pouvait pas s’attendre à ce que la Grande-Bretagne fût satisfaite par la garantie par l’Allemagne seule, des frontières polonaises. A propos de la question coloniale, je lui ai expliqué que n’importe quel gouvernement anglais qui aborderait un tel sujet au Parlement, pendant que se poursuivrait la mobilisation des forces allemandes, ne pourrait tenir. A propos du point 6, je me suis efforcé de lui faire comprendre clairement que la Grande-Bretagne ou l’Empire britannique, préférait se défendre tout seul. A la fin, il m’a dit qu’il serait préférable qu’il rencontrât Hitler seul. Il est allé immédiatement à la Chancellerie du Reich et je suis reparti chez moi. Le matin du lundi 28, vers 1 heure, j’ai reçu un coup de téléphone m’informant que Hitler acceptait le point de vue britannique, sous réserve que la réponse attendue d’Henderson le jour suivant, serait dans l’ensemble semblable à la mienne.
Est-ce dans la même nuit que vous vous êtes rendu à l’ambassade d’Angleterre ?
Oui, je me suis rendu directement à l’ambassade britannique où j’ai fait part de mes conversations avec Göring à Sir George Ogilvie Forbes, qui câbla à Londres aussitôt.
Avez-vous mis Göring au courant de la conversation que vous avez eue avec Forbes ?
Naturellement. J’ai dit à Göring, tout à fait ouvertement, quelles étaient mes intentions. Le Gouvernement allemand aurait fini par savoir que j’avais eu cette conversation avec Forbes.
Quand avez-vous ensuite rencontré Göring à nouveau ?
J’ai rencontré Göring le lundi matin 28 à son Quartier Général.
Je crois que c’était plutôt le mardi matin ?
Non, le lundi matin. C’était bien le lundi matin 28,
De quoi a-t-on traité lors de cette conversation avec Göring ?
On a parlé de la situation en général ; Göring parut satisfait que Forbes eût télégraphié à Londres.
Avez-vous de nouveau rendu visite à Forbes ?
Oui, mais cela ne présentait plus une grande importance.
Ensuite, vous avez revu Göring le mardi, le mardi matin n’est-ce pas ?
L’événement le plus important fut que le mardi matin ou juste après minuit, vers 1 h. 15 du matin, le 29, j’ai reçu un coup de téléphone de la Chancellerie du Reich en l’espèce du lieutenant-colonel Konrad à la demande de Göring. Il me dit que Henderson avait donné sa réponse par écrit, qu’elle était très satisfaisante et que l’on pouvait espérer que la menace de guerre était passée. J’ai alors rencontré Göring à nouveau, qui me dit qu’il était très heureux que les choses se fussent aussi bien passées.
N’a-t-il pas fait cette déclaration : « Nous aurons la paix, la paix est assurée » ?
Oui, il a dit quelque chose d’approchant.
C’est alors que, dans la journée du 29 août, Göring vous a appelé encore une fois au téléphone. A quel sujet ?
J’étais à mon hôtel, tard, le soir, aux environs de 22 h. 30. Je fus appelé au téléphone par Forbes qui me dit qu’il désirait me voir immédiatement. Il se rendit à mon hôtel et m’expliqua qu’une réunion entre Hitler et Henderson, le mardi soir, n’avait pas donné de bons résultats et qu’ils s’étaient séparés après une violente discussion. Il me demandait alors de lui suggérer ce que l’on pouvait faire. Au cours de notre conversation, je fus appelé au téléphone par Göring qui me demanda de me rendre tout de suite à sa résidence à Berlin. Il me répéta la même chose et semblait bouleversé du développement de la situation. Il me montra la réponse allemande à la note britannique, qu’il examina point par point. Il essaya de m’expliquer les raisons du contenu de cette note. A la fin, il me demanda de me rendre à Londres une fois de plus et d’essayer d’expliquer ce malheureux incident au Gouvernement britannique. Il termina en expliquant que Hitler était très occupé et qu’il travaillait à une proposition pour la Pologne qui serait sans doute prête le jour suivant.
Après une conversation avec le ministre de l’Air, Sir Kingsley Wood, sur une nouvelle visite en Angleterre, je partis de nouveau le mercredi matin à 5 heures. Dès mon atterrissage à Londres, je rencontrais les mêmes membres du Gouvernement britannique.
Et qui avez-vous vu là-bas ?
Les mêmes personnalités : M. Chamberlain, Lord Halifax, Sir Horace Wilson, Sir Alexander Cadogan.
De quoi a-t-on parlé au cours de ces conversations ?
On voyait très bien qu’à ce moment-là le Gouvernement britannique nourrissait les plus grands soupçons à l’égard de l’Allemagne et semblait croire que n’importe quel effort qu’il pourrait faire n’empêcherait pas désormais Hitler de déclarer la guerre à la Pologne. Le Gouvernement britannique avait fait les plus grands efforts. Il avait exprimé par la voix de son ambassadeur à Varsovie le vœu que le Gouvernement polonais fît tout ce qui était en son pouvoir pour éviter des incidents le long des frontières polonaises. Mais on m’expliqua, en même temps, qu’il ne fallait pas attendre du Gouvernement polonais qu’il envoyât des délégués à Berlin pour négocier, en raison des expériences subies par d’autres pays qui avaient fait les mêmes démarches au cours des années précédentes.
Je téléphonai à Berlin et me mis en relation avec Göring afin d’essayer de le persuader d’organiser une réunion de délégués hors d’Allemagne, mais il me répondit seulement que c’était impossible, que Hitler était à Berlin et que la réunion devait avoir lieu dans cette ville. On disait aussi que des propositions avaient été faites à la. Pologne et que les membres du Gouvernement britannique considéraient ces propositions avec défiance. Le Gouvernement polonais entier devait se réunir dans l’après-midi et câbler à Berlin les résultats de ce conseil. Entre temps, je retournai à Berlin.
Quand y avez-vous rencontré Göring ?
Je rencontrai Göring...
Ne pouvez-vous pas abréger quelque peu, Docteur Stahmer ?
Je trouve que ce témoignage est remarquablement court eu égard aux circonstances essentielles qu’il relate. Cependant, je pense que nous allons pouvoir épargner le temps du Tribunal.
Monsieur Dahlerus, le Tribunal aimerait que vous en arriviez le plus rapidement possible au point important de votre témoignage.
J’ai rencontré Göring peu après minuit, le mercredi. Il m’a parlé des propositions faites à la Pologne. Il m’a montré la note. J’ai téléphoné à Forbes pour lui donner cette information. Il me dit que Ribbentrop avait refusé de lui donner la note, après la lui avoir lue rapidement. Je me rendis immédiatement auprès de Göring auquel je fis remarquer que c’était impossible et qu’on ne pouvait traiter de cette manière l’ambassadeur d’un empire comme la Grande-Bretagne. Je lui suggérai de me permettre de téléphoner à Forbes afin de lui communiquer le contenu de cette note. C’est ce que j’ai fait vers 1 heure, jeudi matin.
Göring se rendait-il compte qu’il prenait une lourde responsabilité en vous donnant cette autorisation ?
Oui, Göring s’en était rendu compte.
Est-ce le lendemain que vous êtes allé à l’ambassade britannique pour vous assurer si votre communication téléphonique avait été bien comprise ?
Oui, j’ai vu Henderson vers 10 heures, jeudi matin 31. J’ai discuté avec lui au sujet de la note et il m’a demandé d’aller voir sur-le-champ M. Lipski, l’ambassadeur de Pologne, et de lui en donner une copie.
Cela s’est-il effectivement produit ?
Il dépêcha Forbes chez Lipski en ma compagnie. Je lus la note à Lipski, mais il ne sembla pas comprendre son contenu. Je quittai la pièce et dictai une note au secrétaire et la lui remis. Pendant ce temps-là, Lipski expliqua à Forbes qu’il ne s’intéressait pas à la discussion de cette note avec le Gouvernement allemand.
Pourriez-vous nous répéter cette conversation le plus exactement possible, étant donné qu’elle est très importante ?
Il dit qu’il n’avait aucune raison de négocier avec le Gouvernement allemand. Si la guerre avait lieu entre la Pologne et l’Allemagne, il savait, parce qu’il vivait en Allemagne depuis cinq ans et demi, qu’une révolution éclaterait en Allemagne et qu’ils marcheraient sur Berlin.
Avez-vous alors fait part de votre conversation à Londres, par téléphone ?
J’ai téléphoné aussitôt de l’ambassade d’Angleterre et ai informé Sir Horace Wilson de la conférence que nous avions eue.
Une conversation eut-elle encore lieu l’après-midi chez Göring ?
J’ai vu Göring vers 13 heures. Il reçut à ce moment-là une copie d’un câblogramme du Gouvernement polonais à Lipski, disant que ce dernier ne devait pas, sauf s’il avait des instructions spéciales de Varsovie, négocier avec le Gouvernement allemand. Il était clair que les Polonais manifestaient des craintes sous le poids de ces circonstances. Ce télégramme a froissé le Gouvernement allemand.
Est-ce que, dans l’après-midi, vous êtes encore une fois allé chez Göring avec l’ambassadeur d’Angleterre ?
La situation semblait être devenue impossible. Hitler s’était querellé avec Henderson. Ribbentrop l’avait également pris à partie et j’ai vu que la seule possibilité qui restât fût que Göring s’entendît avec Henderson. J’ai suggéré une réunion entre les deux. Celle-ci eut lieu à 4 h. 50 de l’après-midi chez Göring. Forbes était présent et moi aussi.
De quoi a-t-on parlé au cours de cette conversation ?
Avant la réunion, déjà, Henderson avait exprimé les soupçons que le Gouvernement allemand tenterait de conclure un accord avec l’Angleterre et de causer une rupture entre l’Angleterre et la Pologne. Henderson fut donc très circonspect pendant cette conversation de deux heures et le résultat de l’entretien résida dans le fait que les deux parties tombèrent d’accord pour estimer qu’il était nécessaire d’organiser une réunion entre des délégués des deux pays, pour tenter si possible d’éviter la guerre.
A cette occasion, avez-vous également proposé que Göring se mît immédiatement en relation avec les délégués britanniques ?
J’ai suggéré qu’une rencontre eût lieu tout de suite en Hollande où Göring eût représenté l’Allemagne.
Comment Henderson a-t-il réagi à cette proposition ?
Henderson promit qu’il soumettrait cette proposition à son Gouvernement. Cependant, j’eus l’impression qu’il savait déjà que les Forces militaires allemandes étaient en marche et qu’il ne croyait guère aux chances d’une telle rencontre.
Savez-vous si Göring a dit que, si les Polonais ne cédaient pas, l’Allemagne les écraserait comme des poux et que si l’Angleterre déclarait la guerre, il le regretterait, mais que ce serait très maladroit de la part de la Grande-Bretagne ?
Je ne peux pas me souvenir de ces paroles, mais il est possible qu’au cours d’une conversation de deux heures elles aient été prononcées.
Comment se termina alors cette conversation ?
Le soir, vers 7 heures, ils se sont séparés. Tous les représentants étaient d’accord pour essayer d’organiser une réunion en Hollande.
Êtes-vous alors, le 1er septembre, revenu encore une fois voir Göring ?
Le 1er septembre, je l’ai rencontré à 8 heures à son Quartier Général. Après quelques hésitations, il me dit que la guerre avait éclaté parce que les Polonais avaient attaqué une station de radiodiffusion à Gleiwitz et avaient fait sauter un pont près de Dirschau. Plus tard, il me donna plus de détails dont je conclus que l’Armée allemande entière était passée à l’attaque de la Pologne.
N’avez-vous pas, le 3 septembre, encore une fois rencontré Göring et, à cette occasion, lui avez-vous proposé de se rendre à Londres en avion immédiatement pour avoir une explication directe ?
Avant de répondre sur ce point, je crois que je devrais dire que j’avais rencontré Hitler à la Chancellerie le 1er septembre, immédiatement après son discours à l’opéra Kroll. Il était extrêmement nerveux et très agité. Il me dit qu’il avait tout le temps soupçonné que l’Angleterre désirait la guerre et me rapporta qu’il allait écraser la Pologne et annexer le pays entier. Göring l’interrompit en indiquant qu’ils avanceraient jusqu’à certains points déterminés. Mais Hitler n’avait plus le contrôle de lui-même. Il commença à s’écrier qu’ils se battraient pendant un an, deux ans, et il finit en disant qu’ils combattraient dix ans si c’était nécessaire.
Puis, le dimanche 3 septembre, de bonne heure le matin, Forbes me communiqua qu’un ultimatum serait présenté à 9 heures, aux termes duquel les hostilités devaient cesser immédiatement et les Forces combattantes allemandes devaient reculer jusqu’aux frontières allemandes. Je me rendis aussitôt près de Potsdam au Quartier Général de Göring, Göring se trouvait là, mais non auprès de Hitler. Je lui demandai d’essayer de tenter quoi que ce soit pour donner une réponse raisonnable à l’ultimatum. J’avais l’impression que certains membres du Gouvernement allemand étaient favorables à la guerre, et je craignais, si l’on donnait une réponse écrite, que ce ne serait que pour empêcher la guerre avec l’Angleterre. C’est pourquoi je suggérai à Göring de se déclarer lui-même prêt à se rendre en Angleterre immédiatement, avant 11 heures du matin, pour négocier.
Comment Göring a-t-il pris cette proposition ?
Il a accepté la proposition et a téléphoné à Hitler. Ce dernier était d’accord.
Avez-vous, à cette occasion, téléphoné à Londres ?
Oui, j’ai téléphoné à Londres. J’ai pu téléphoner au ministère des Affaires étrangères. Il me fut répondu que cette proposition ne pourrait être prise en considération avant qu’une réponse écrite fut donnée à l’ultimatum.
Avez-vous communiqué cet avis à Göring ?
Oui, je l’ai dit à Göring.
Quelle impression votre communication a-t-elle faite sur Göring ?
Göring semblait regretter que l’on n’eût pas accepté.
Le 4 septembre, vous avez parlé encore une fois avec Göring ?
Oui, j’ai eu une brève entrevue avec Göring le 4 septembre, mais sans grande importance.
A cette occasion, Göring vous a-t-il expliqué que, quoi qu’il arrivât, il s’efforcerait de conduire la guerre de la façon la plus humaine possible ? Que l’Allemagne, en aucun cas, ne commencerait la première les hostilités contre l’Angleterre, mais que si l’Angleterre commençait à tirer, la réponse ne tarderait pas à venir.
Oui, c’est exact.
Avez-vous publié un livre sous le titre Derniers essais ?
Oui.
Est-ce que la relation faite dans cet ouvrage est conforme à la vérité ?
Oui.
Cette relation est-elle basée sur des notes que vous aviez prises sur ces événements ?
Oui.
Quand avez-vous rédigé ces notes ?
Immédiatement après mon retour en Suède, le 5 septembre 1939.
Monsieur le Président, j’ai encore trois brèves questions à poser ; dois-je interrompre ? Ces questions se rapportent à la période ultérieure.
Vous feriez mieux de poser ces questions maintenant.
Très bien, Monsieur le Président. (Au témoin.) Avez-vous parlé avec Forbes, le 24 septembre 1939, à Stockholm ?
Non, j’ai rencontré Forbes le 24 septembre à Oslo. C’était après l’occupation de la Pologne. C’était un essai pour établir s’il y avait encore des possibilités d’empêcher la guerre mondiale. Il m’a indiqué par écrit le point de vue du Gouvernement britannique, que l’on peut résumer ainsi : le Gouvernement britannique et le Gouvernement français...
Un instant ; qu’est-ce que ces faits ont à voir avec l’accusé Göring ?
Cela prouve que, même plus tard encore, il a fait des efforts pour arriver à une solution pacifique. Je voudrais encore poser une question qui concerne indiscutablement Göring.
Le fait que M. Dahlerus ait rencontré Forbes le 24 septembre, à Oslo, ne semble pas avoir quelque chose à faire avec Göring.
La chose est tellement importante qu’elle a amené M. Dahlerus à se mettre en relations avec Berlin et Göring afin d’essayer, une fois encore, à cette époque, de conclure la paix.
Continuez avec la question suivante.
Les conditions étaient les suivantes : pour éviter à l’Europe les continuelles agressions allemandes et pour permettre aux peuples d’Europe...
Attendez un instant. Qu’est-ce que la lettre que Sir George Ogilvie Forbes a écrite a à voir avec Göring ?
M. Dahlerus a parlé de cette lettre, du contenu de cette lettre du 26 septembre avec Göring et a essayé, sur ces bases, d’arriver à un accord.
Puis-je faire une autre objection ? Cela n’a rien à voir avec le contenu de l’Acte d’accusation. Nous n’avons pas prétendu que la guerre contre l’Angleterre fût une guerre agression. Mais nous prétendons que la guerre contre la Pologne fut une guerre d’agression. Toutes ces négociations entreprises pour empêcher l’Angleterre d’entrer en guerre pendant que les Allemands occupaient la Pologne, sont totalement étrangères à l’accusation. Je propose respectueusement que cette lettre qui n’a rien à voir avec l’accusation, soit rejetée.
Docteur Stahmer, si le témoin a eu une entrevue ultérieure avec Göring, vous pouvez en parler ; mais ne parlez plus des conférences préliminaires avec Sir George Ogilvie Forbes.
Mais tout cela sera incompréhensible. Il faut d’abord que le témoin rapporte ce que Forbes lui a dit. Il est chez Forbes. Forbes lui fait certaines propositions et avec ces propositions, M. Dahlerus se rend à Berlin. Il est tout à fait naturel qu’il communique à Göring ce que Forbes lui a dit. Il ne serait donc pas possible autrement...
Laissez le témoin donner un compte rendu de sa rencontre avec Göring.
Très bien. Monsieur Dahlerus, le 26 septembre, vous avez rendu visite à Göring à Berlin, n’est-ce pas ?
Oui, j’ai rencontré Göring et Hitler le 26 septembre.
Avez-vous informé Göring des propositions que Forbes vous avait faites ?
J’ai demandé à Hitler les conditions auxquelles il était prêt à dédommager la Pologne du tort qu’il lui avait fait et à faire la paix. A ma grande déception, il m’a déclaré définitivement qu’il n’était pas prêt du tout à discuter la question de la Pologne, que la Pologne était occupée et que ceci n’avait rien à voir désormais avec la Grande-Bretagne. Je me suis rendu compte alors que son but avait été de séparer la Pologne et la Grande-Bretagne et, avec le consentement de la Grande-Bretagne, d’avoir l’occasion d’occuper la Pologne sans courir le risque d’une guerre avec la Grande-Bretagne et la France.
En juillet 1940, avez-vous encore rencontre Göring ?
Oui, Göring a proposé, en juillet 1940, que Sa Majesté le roi de Suède, essaye de rapprocher les différentes Puissances en vue de négociations pour la paix.
Je n’ai plus d’autres questions à poser,
L’audience est suspendue.