QUATRE-VINGT-CINQUIÈME JOURNÉE.
Mardi 19 mars 1946.
Audience de l’après-midi.
La Défense désire-t-elle poser des questions au témoin ?
Témoin, pouvez-vous nous donner la raison pour laquelle l’entrevue du 29 août entre Hitler et Henderson eut des résultats défavorables ?
Non, je n’ai eu qu’un communiqué disant qu’ils n’étaient pas d’accord et se prirent à partie.
Savez-vous sur lequel des six points le dés-accord prit naissance ?
Autant que je me le rappelle, c’était sur la rédaction de la réponse allemande, aux termes de laquelle les représentants de la Pologne étaient attendus dans les 24 heures.
Est-ce que Hitler ne vous a pas expliqué alors, en présence de Göring, pourquoi il avait formulé cette exigence ? Les deux armées, la polonaise et l’allemande, se trouvaient l’arme au pied, l’une en face de l’autre, et à tout moment on devait craindre un conflit sérieux. C’est pourquoi Hitler ne voulait pas formuler d’ultimatum quant à la venue d’un plénipotentiaire polonais, mais il voulait uniquement éviter l’éclatement d’un conflit.
Oui, j’ai donné des explications en ce sens.
Et il est exact, témoin, comme vous l’écrivez dans votre livre, qu’à l’ambassade de Pologne, l’ambassadeur Lipski vous aurait dit qu’en cas de guerre l’Armée polonaise marcherait triomphalement sur Berlin.
Non, il ne m’a pas dit cela, mais il a fait des remarques dans ce sens à Forbes.
Et Forbes vous a rapporté ces réflexions ?
Oui.
Comment fut organisée votre entrevue avec M. Forbes le 24 septembre à Oslo ?
Je pris l’initiative d’aller le voir à Oslo.
S’il vous plaît, pouvez-vous brièvement donner le contenu de la lettre de Forbes ?
Je l’ai déjà lue.
Le Tribunal a déjà dit qu’il ne voulait pas l’entendre et je ne vois pas en quoi ces faits intéressent Ribbentrop.
L’ancien ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop est accusé, pour la conduite de toute la politique étrangère de l’Allemagne. Je crois donc qu’il importe de lire cette lettre qui donne des détails décisifs sur la politique étrangère ultérieure de von Ribbentrop, sur ce dernier essai en vue de la paix, par exemple.
« Pour arracher l’Europe à la menace d’une agression perpétuelle de la part de l’Allemagne... »
Cette lettre a-t-elle jamais été montrée à Ribbentrop, témoin Dahlerus ? Non ? Le Tribunal a déjà déclaré que cette lettre ne serait pas lue.
Le 26 septembre 1939, vous avez eu une entrevue avec Hitler. Est-il exact qu’il vous aurait dit à ce moment qu’il ne pouvait pas traiter avec l’Angleterre à propos de la Pologne, car la plus grande partie de la Pologne était occupée par la Russie et la Russie ne la lâcherait pas ?
Il déclara qu’il n’était pas prêt à discuter de la question polonaise et il ajouta après, qu’en dehors de cette décision il ne pensait pas que la Russie fût prête à discuter au sujet des territoires occupés par elle.
Au moment où vous meniez vos pourparlers, étiez-vous indépendant politiquement ?
Absolument.
Je vous remercie. Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Je n’ai qu’une question à poser au témoin : témoin, lors des nombreuses négociations que vous avez menées avec les autorités allemandes à cette époque, de hautes personnalités militaires y ont-elles activement participé ?
Jamais.
Je vous remercie.
Un autre avocat désire-t-il poser des questions ?
Monsieur Dahlerus, pourriez-vous me dire si j’ai bien compris vos réponses aux dernières questions du Dr Stahmer. Vous avez dit : « Je réalisais de plus en plus, le 26 septembre, que le but de Göring était de séparer la Pologne de la Grande-Bretagne et d’occuper la Pologne avec le consentement de la Grande-Bretagne. » Est-ce exact ?
Oui, c’est exact, mais j’aimerais préciser que c’était le but du Gouvernement allemand, au même titre que celui de Göring.
Oui, je comprends, c’était le but du Gouvernement allemand. Je vous remercie. Je voudrais maintenant que vous disiez au Tribunal très brièvement comment, ou plutôt pourquoi, vous n’aviez pas entrevu ce but plus tôt ?
Si j’ai bien compris ce qu’a dit le témoin tout à l’heure, il m’a répondu que c’était l’opinion de Hitler ; le témoin n’a pas parié du tout de Göring.
Vous pourrez à nouveau interroger le témoin sur ce point.
Je voudrais maintenant que vous expliquiez au Tribunal pourquoi vous n’avez pas entrevu ce but à ce moment-là ? Votre premier objectif en voyant Göring au début de juillet était de l’informer que l’opinion publique britannique s’était raffermie et s’opposerait à toute nouvelle agression. Est-ce exact ?
Oui.
La raison pour laquelle vous alliez voir Göring est rapportée à la page 8 de votre livre, dans la traduction anglaise.
Oui.
Et, Monsieur Dahlerus, je veux que vous soyez absolument sûr que je cite votre livre sans rien enlever au contexte. J’essayerai de le faire aussi brièvement que possible. A la fin du paragraphe de la page 8, vous dites textuellement : « Le fond du national-socialisme était belliqueux et agressif et complètement dénué de tous scrupules moraux dans son comportement envers les autres nations. Hitler et son protégé Ribbentrop étaient assoiffés de conquêtes. On a dit que Göring avait énergiquement recherché une solution pacifique à la crise de Munich et que cette tentative avait affaibli notablement sa position au sein du Gouvernement allemand »
C’est la raison pour laquelle vous êtes allé voir Göring ?
Oui.
Lorsque vous avez soumis votre point de vue à Göring, sa première réaction fut que le Gouvernement britannique « bluffait » sur la question de Dantzig et de la Pologne ?
Oui.
Et vous vouliez et avez réussi à préparer la première rencontre afin de convaincre Göring que, d’après l’opinion publique britannique, le Gouvernement britannique ne « bluffait » pas. Est-ce exact ?
Oui, c’est exact.
Maintenant, je voudrais que vous vous référiez à la page 29 de votre livre — tout en haut de la page — où vous décrivez la fin de votre conversation avec Göring, dans le train, avant la réunion du début d’août... Vous le rappelez-vous ?
Oui.
Göring expliqua ses intentions. Et si vous regardez à la seconde ligne, « c’était un accord mutuel relatif à une conférence anglo-allemande... », et prêtez attention, Monsieur Dahlerus, aux mots qui suivent :
« ... avec des plénipotentiaires des deux Gouvernements ». Göring a toujours montré très clairement qu’il demanderait le retour de Dantzig et certains droits sur le Corridor — le Corridor polonais — Est-ce exact ?
Oui.
Et dès le début, il voulait une conférence de plénipotentiaires afin que des territoires pussent éventuellement être cédés à l’Allemagne ; n’est-ce pas exact ?
Évidemment.
Maintenant, je voudrais que vous passiez au 24 août. lorsque vous vîtes Göring et qu’il vous demanda d’aller à Londres. Lui-même et le Gouvernement allemand pensaient que la situation militaire allemande s’était considérablement améliorée en raison du traité germano-soviétique. C’est l’un des points sur lequel il voulait que vous insistiez.
C’est exact.
Et si vous passez au bas de la page 35 de votre livre, puis au haut de la page 36 : « La raison était la suivante : il ne croyait pas que le ministère des Affaires étrangères allemand fût en état ou désirât établir un contact assez étroit avec le ministère des Affaires étrangères britannique ».
C’est exact.
Maintenant, vous souvenez-vous de la conversation que vous avez eue ce jour-là avec lui ? Plus tard, il vous appela à 11 h. 30 avant votre départ ?
Oui.
Je voudrais que vous rapportiez au Tribunal une ou deux choses qu’il ne vous a pas dites ce jour-là. Il ne vous a pas dit, n’est-ce pas, que deux jours avant, le 22 août, à l’Obersalzberg, Hitler lui avait annoncé ainsi qu’aux autres dirigeants allemands qu’il avait décidé, lui, Hitler, au printemps, qu’un conflit avec la Pologne était inévitable. Il ne vous a pas dit cela, n’est-ce pas ?
Je n’ai jamais eu aucune indication ou révélation sur la politique, que ce soit le 11 avril, le 23 mai ou même le 22 août.
Vous n’avez jamais entendu parler de cela ? Il s’agit du document PS-798, celui du 22 août. Comme vous nous l’avez dit, vous n’avez jamais entendu parler du « Fall Weiss » préparé en avril, mais je voudrais être parfaitement sûr en ce qui concerne l’autre, le document L-75, du 23 mai. Il ne vous a jamais fait part que Hitler lui avait dit ce jour-là que Dantzig n’était pas du tout l’enjeu de la dispute. « C’est une question d’expansion de notre espace vital vers l’Est ». Et je pense qu’il ne vous a pas dit non plus que Hitler annonçait ce jour-là :
« Notre tâche est d’isoler la Pologne ; le succès de cet isolement sera décisif ». Il ne vous a jamais parlé de l’isolement de la Pologne ?
Il n’a jamais fait la moindre mention à cet égard.
Mais je crois qu’il vous a dit dans une entrevue antérieure qu’il allait voir M. Lipski, ambassadeur de Pologne ?
Oui.
Il ne vous a pas dit, si je vous ai bien compris, qu’il allait informer M. Lipski que l’obstacle principal à toute diminution de tension entre les deux pays était l’alliance de la Pologne avec la Grande-Bretagne. Il ne vous a pas dit cela, n’est-ce pas ?
Non.
C’est le document GB-39 (PS-72), page 119. Ainsi, tandis qu’il vous demandait, à vous, d’aller en Angleterre poursuivre les négociations, il rendait cette démarche inutile par son attitude envers M. Lipski. Je voudrais simplement éclaircir la situation du 24. Vous a-t-il dit qu’on avait pris la décision d’attaquer la Pologne le 26 au matin ?
Non, absolument pas.
Vous avez été prié d’entreprendre ce voyage dans les buts généraux que je vous ai indiqués. Vous savez aujourd’hui, Monsieur Dahlerus, que le lendemain, 26, une note verbale de Hitler fut donnée à Sir Nevile Henderson ?
Oui.
Et que cette note, contrairement à ce qu’on vous a dit plus tard, établissait en termes généraux comment la question polonaise devait être résolue ; si bien que la conséquence des plans tels qu’ils étaient conçus le soir du 24, lorsque Göring vous téléphona, était que vous partiez le lendemain matin avec la mission de transmettre le désir général d’une solution pacifique. La note verbale devait être donnée à Sir Nevile Henderson l’après-midi du 25 ; à ce moment, le plan était le suivant : la Pologne serait attaquée le matin du 26, après que vous auriez déjà donné votre message et que Sir Nevile Henderson aurait reçu sa note verbale. Telle était la situation ?
Oui.
Göring vous a-t-il jamais dit pourquoi le plan d’attaque avait été reporté du 26 au 31 ?
Non, il ne m’a jamais mentionné de plan d’attaque, ni de changement...
Il ne vous a pas dit — c’est le document TC-90 (GB-64) — je cite les propres paroles de Göring :
« Le jour où la Grande-Bretagne donna sa garantie officielle à la Pologne » — c’était le 25 — « le Führer m’appela au téléphone et me dit qu’il avait stoppé l’attaque contre la Pologne. Je lui demandai si c’était temporaire ou définitif. Il me dit : « Non, il « faudra que je voie si nous pouvons éliminer l’intervention britannique ». Puis je lui demandai : « Pensez-vous que ce sera différent « dans quatre ou cinq jours ? »
Göring ne vous a jamais dit qu’au moment où vous étiez envoyé à Londres, tout ce qu’on voulait obtenir de vous était d’éliminer l’intervention britannique ?
Non, pas du tout.
Je voudrais simplement revenir brièvement sur ce point. Vous êtes parti et vous êtes revenu avec la lettre de Lord Halifax. Je voudrais que vous éclaircissiez ce point, Monsieur Dahlerus : Lord Halifax a clairement déclaré tout au long que l’Angleterre remplirait ses obligations vis-à-vis de la Pologne ; c’est bien cela ?
Oui.
Puis dans la nuit du 26 au 27 août, à minuit et demie, vous avez eu une entrevue avec Hitler. A ce moment, Monsieur Dahlerus, Hitler, pour la première fois, vous montra clairement que ses conditions voulaient que l’Angleterre aidât l’Allemagne à recevoir Dantzig et le Corridor ?
Oui.
Non pas « des droits sur le Corridor », mais « le Corridor ». Vous souvenez-vous, quand vous l’avez dit à M. Chamberlain, qu’il se soit montré surpris de la différence entre votre parole et ce qui avait été dit à Sir Nevile Henderson ?
C’est exact.
Je ne peux pas maintenant reprendre tous ces faits, mais je voudrais simplement, à la lumière de votre livre qui, dites-vous, a été écrit d’une façon objective, soigneuse, rétablir l’état d’esprit des chefs de l’Allemagne à cette époque. Voudriez-vous d’abord, en ce qui concerne Hitler, regarder à la page 47 ? C’est le passage dont vous avez déjà parlé au Tribunal, lorsqu’il s’écriait : « Je construirai des sous-marins ».
Oui.
Je vais me permettre de vous le relire très rapidement et vous me direz si vous êtes d’accord avec moi :
« Si une guerre devait éclater », disait-il, « je construirais des sous-marins, des sous-marins, encore des sous-marins. »
Et à chaque mot, il élevait la voix ?
Oui.
« Sa voix devenait de moins en moins distincte et, à la fin, on ne pouvait plus le suivre. Alors il rassembla ses forces, éleva la voix comme s’il s’adressait à une nombreuse assistance et s’écria : « Je construirai des avions, des avions et encore des avions, et j’anéantirai mes ennemis ». Et vous continuez : « Il ressemblait plus alors à un fantôme sortant d’un livre d’histoire qu’à une personne vivante. Je le regardai fixement avec surprise et me retournai pour voir comment réagissait Göring, mais il ne bougea pas ».
Pouvez-vous maintenant passer à la page 53 ? C’est juste une phrase avant celle que j’ai lue page 47 Je voudrais également éclaircir ce point. Vous dites : « Sa voix était devenue indistincte et son comportement était celui d’un homme absolument anormal ».
Maintenant, page 53. Je voudrais que vous disiez au Tribunal votre impression sur la façon dont Hitler traita l’accusé Göring. Le Tribunal a déjà beaucoup entendu parler des relations qui existaient entre eux. Au bas de la page, vous dites ceci :
« Dès le début de notre conversation, j’avais été défavorablement frappé par son comportement envers Göring, son plus intime ami et son camarade des années de lutte. Son désir de dominer était explicable, mais exiger une telle humilité obséquieuse de Göring, son plus étroit collaborateur, me répugnait considérablement et me paraissait singulièrement désagréable. »
Voulez-vous, je vous prie, passer à la page 54, cinq lignes avant la fin :
« Je me rendais compte que je traitais avec un homme qu’on ne pouvait pas considérer comme normal. »
C’est bien là votre point de vue, n’est-ce pas, Monsieur Dahlerus ?
Ce fut l’opinion que je retirai de notre première entrevue.
Il s’agissait du Chancelier d’Allemagne. J’aimerais maintenant que vous nous parliez du ministre des Affaires étrangères en le décrivant tel que vous l’avez vu. En général, je crois que vous aviez l’impression que Ribbentrop faisait tout ce qu’il pouvait pour entraver vos tentatives et les faire avorter ?
C’est exact.
Mais aux dires de Göring, il alla plus loin. Voulez-vous prendre la page 76 ? C’était, vous vous en souvenez, au moment où vous preniez congé de Göring, lors de votre dernière visite à Londres. Après qu’il eut établi la carte dont je parlerai un peu plus tard, vous avez dit ceci :
« Avant de nous séparer, il revint encore sur le point de vue allemand et me dit finalement que si nous ne nous revoyions plus, il aimerait saisir cette occasion de me remercier de tout ce que j’avais fait et de mon énergie inlassable pour la cause de la paix. Je fus quelque peu surpris de cet adieu et je ne pus m’empêcher de répondre que, de toute évidence, nous nous reverrions bientôt. Son expression changea et il me dit solennellement : « Peut-être, mais certaines personnes font tout ce qu’elles peuvent pour vous empêcher de sortir vivant de cette affaire ».
Monsieur Dahlerus, cela vous a bien été dit d’un ton sérieux et solennel ?
Oui.
Et vous continuez :
« Lors d’une réunion en octobre de la même année, Göring me dit que Ribbentrop avait essayé de faire en sorte que mon avion s’écrasât. Et c’est la raison de l’attitude plus grave de Göring lorsqu’il prit congé de moi. »
Il venait une minute plus tôt de citer le nom de Ribbentrop, et lorsqu’il parla de cet avion qui devait s’écraser, il employa le mot « il ». Je supposai qu’il s’agissait de Ribbentrop.
C’était bien le ministre des Affaires étrangères que Göring voulait désigner. Je voudrais maintenant que vous passiez à la page 100, car je désire rassembler ces éléments. C’est une description de l’entrevue du 1er septembre, l’après-midi du jour où la Pologne fut attaquée. Vous avez vu l’accusé Göring, au ministère de l’Air, je crois, ou à l’un de ses services. Avez-vous trouvé ce passage, avant la deuxième phrase ?
« Pour lui », c’est-à-dire Göring, « tout était établi d’après un plan que rien ne pouvait modifier. Enfin, il appela les secrétaires d’État Körner et Gritzbach et leur fit une longue harangue en présentant à chacun d’entre eux une épée d’honneur qu’ils devaient porter glorieusement dans la guerre. On avait l’impression que tous ces gens se trouvaient dans un état d’ivresse. »
Ce sont bien là les mots que vous avez écrits ?
Oui.
C’était votre impression ? Naturellement, vous vouliez dire qu’ils étaient enivrés moralement par l’idée de la guerre ?
Ils changèrent d’état d’esprit très rapidement.
En d’autres termes, des trois principaux personnages d’Allemagne, le Chancelier du Reich était un homme anormal, le Reichsmarschall ou Feldmarschall, comme il l’était à ce moment-là, était dans un état de surexcitation morale et, selon Göring, le ministre des Affaires étrangères était un assassin qui voulait faire écraser votre avion ? (Le témoin acquiesce.) Nous passerons maintenant, très brièvement, à ce qui advint plus tard.
Les 26 et 27 août, à la fin de la semaine, vous êtes allé en Angleterre. Vous m’avez dit que vous ne saviez pas que l’on avait arrêté l’attaque du 26 et que vous ignoriez que les intentions de Hitler tendaient à éliminer l’intervention britannique. Vous ne connaissiez pas ces faits, de sorte que vous êtes allé en Angleterre le 27 avec les conditions détaillées ; la réponse britannique fut alors que l’Angleterre, tout en maintenant ses obligations, espérait que les Gouvernements allemand et polonais pourraient sur ce point entamer des négociations entre eux ?
Oui.
Et c’est la réponse que vous avez ramenée. Je voudrais que vous vous rappeliez un instant l’entrevue que vous avez eue au petit déjeuner avec Göring, dans son train, je crois, ou à son Quartier Général, le 28 août. Vous trouverez ceci page 65 du livre, si vous voulez rafraîchir vos souvenirs. A ce moment, est-ce que Göring n’a pas essayé de vous convaincre que le retour de Dantzig et du Corridor ne changerait en rien la situation militaire de la Pologne ?
Oui.
Parce que, illustrant ce point par ses propres cartes militaires, il croyait que l’Allemagne pouvait, en tous les cas, battre la Pologne, qu’elle ait le Corridor ou non ?
Oui.
Et son aviation et ses troupes étaient déjà en campagne pour la réalisation de ce projet ?
Oui.
Je voudrais maintenant que vous passiez à la question de l’entrevue au cours de laquelle les conditions furent remises à Sir Nevile Henderson. C’était à 19 h. 15 le 29 août, et la réunion se poursuivit pendant un certain temps. Vous souvenez-vous de cette réunion ?
Oui.
Puis, comme un représentant du Ministère Public l’a déjà appris de vous, des difficultés s’élevèrent du fait qu’un plénipotentiaire devait être de retour dans un délai de 24 heures. C’est bien ce que vous avez expliqué ?
Oui.
Je crois que Sir George Ogilvie Forbes vous a dit que cette réunion s’était déroulée d’une façon défavorable puisqu’à 11 h. 30 vous avez vu Göring qui vous rapporta à peu près les mêmes choses que Sir Ogilvie Forbes sur le déroulement de cette réunion.
Oui.
Et il vous a dit que ce qui avait monté le Chancelier c’était que Sir Nevile Henderson avait donné à comprendre que cette exigence suivant laquelle le plénipotentiaire devait venir dans un délai de 24 heures, équivalait à un ultimatum ?
Oui.
Vous souvenez-vous qu’à ce moment Göring souligna certaines conditions ? Je me réfère à la préface de votre livre...
Oui.
Vous voyez le fac-similé. Avez-vous une copie ?
J’ai ici l’original.
Très bien. Regardez-le. Il est en allemand. Je lirai simplement les parties que Göring a soulignées. Je les lirai en anglais et vous suivrez sur le texte allemand. Vous vérifierez si je lis au bon endroit :
« Quant au reste, en faisant ces propositions, le Gouvernement allemand n’a jamais eu l’intention de toucher aux intérêts vitaux de la Pologne ou de mettre en question l’existence d’un État polonais indépendant. C’est pourquoi le Gouvernement allemand, dans ces conditions, est d’accord pour accepter l’offre de médiation proposée par le Gouvernement de Sa Majesté britannique pour l’envoi à Berlin d’une personnalité polonaise nantie des pleins pouvoirs. L’arrivée de cet émissaire est attendue le mercredi 30 août 1939. Le Gouvernement allemand établira immédiatement des propositions pour une solution acceptable, et si possible les mettra à la disposition du Gouvernement britannique avant l’arrivée du négociateur polonais. »
C’est bien le passage que l’accusé Göring a souligné, peu avant l’endroit qui traite de l’envoi du plénipotentiaire polonais ?
Oui.
Si bien que l’accusé Göring, sans aucun doute, était convaincu de l’importance de ce point ?
Oui.
Maintenant, vous souvenez-vous qu’à ce moment, durant cette entrevue, c’est-à-dire dans la nuit du 29, l’accusé Göring se lança dans une grande tirade contre les Polonais ?
C’est exact.
Je ne veux pas entrer dans les détails, mais, à la suite de cela, il vous a dit que le Führer préparait une « offre magnanime » ?
Oui.
Et pour vous montrer combien cette offre était magnanime, il a annexé une partie de la Pologne. Cela figure dans la préface de votre livre.
Oui.
Il y a deux remarques à faire sur cette annexion : d’abord, en fait, cela représentait une étendue bien plus grande que celle qui avait été prise à l’Allemagne, après le Traité de Versailles. En second lieu, c’était entièrement différent de la proposition que Ribbentrop télégraphia à Henderson la nuit suivante.
C’est exact.
Et je ne crois pas, Monsieur Dahlerus, pouvoir m’exprimer mieux que vous ne l’avez fait vous-même. Voici comment vous vous exprimez à la page 75 de votre livre. C’est bien ce que vous avez écrit à la deuxième phrase :
« Cette carte, dont je donne une reproduction dans ce livre, est extrêmement intéressante parce qu’elle illustre la rapidité et la détermination avec lesquelles les décisions furent prises sur ce point. J’avais la carte sur moi en partant pour Londres quelques heures plus tard, mais les frontières qui y étaient portées étaient tout à fait différentes de celles qu’on avait indiquées dans le projet bien connu que Ribbentrop lut en toute hâte à Henderson au cours de la nuit du 29 au 30 août. »
C’est-à-dire moins de 24 heures après.
Oui.
Puis vous continuez en montrant ce que faisait ressortir cette carte. Elle montrait très clairement que, 24 heures avant le télégramme à Sir Nevile Henderson, le Gouvernement allemand n’avait pas encore déterminé d’une manière sérieuse la portion du Corridor qu’il réclamerait et celle qu’il abandonnerait. Est-ce bien cela ? Göring, la veille, vous proposait quelque chose de tout à fait différent, n’est-ce pas ?
Je rapportais la première proposition le dimanche matin 27. Il ne s’agissait que d’un petit corridor, mais ils étendirent leurs réclamations sur la base de ce dernier plan.
Ils étendirent si bien leurs réclamations que ce que vous avez soumis comme une offre magnanime était devenu en réalité une réclamation plus substantielle, tout à fait différente de ce que suggéra, la nuit suivante, l’accusé Ribbentrop.
C’est exact.
Je voudrais rapidement vous poser une question sur une entrevue du 31 août. Vous la trouverez à la page 87. Au cours de cette entrevue, Sir George Ogilvie Forbes vous communiqua ce qu’avait dit Lipski. Je voudrais simplement que vous me disiez si vous avez rencontré M. Lipski.
Oui.
Et, naturellement, on aurait pu dire cela de tout le monde, de vous aussi, j’en suis sûr. M. Lipski souffrait d’une extrême tension dans cette période si critique ?
Il était très nerveux.
Très nerveux. Est-ce que Sir George Forbes vous a dit que M. Lipski avait exprimé clairement son opinion, que l’offre allemande était une violation de la souveraineté polonaise et, qu’à son point de vue, la Pologne, la France et l’Angleterre devaient se soutenir fermement et constituer un front uni et que, si la Pologne était abandonnée à son sort, elle se battrait et mourrait seule. C’était le point de vue de M. Lipski, n’est-ce pas, à ce moment-là ?
Oui.
En ce qui concerne l’autre question, je ne veux pas entrer dans les détails, mais il y a une différence considérable et significative entre la version polonaise du télégramme envoyant des instructions à M. Lipski et la version que l’accusé Göring vous a donnée.
Oui.
Le matin du 1er septembre, je crois que vous avez vu Göring à 8 heures. Serait-il exact de dire qu’il vous. a annoncé la nouvelle de l’attaque de la Pologne d’une façon extrêmement lente et presque hésitante ?
C’est exact, à tel point que j’appelai immédiatement Londres, pris contact avec le ministère des Affaires étrangères et déclarai que, selon les informations que j’avais reçues, la Pologne était attaquée. Naturellement on se demandait ce qui m’arrivait pour donner de tels renseignements.
En tout cas, Göring mentionna le fait qu’on avait attaqué la Pologne. Et vous avez eu une autre entrevue avec Hitler. Il y a encore un point que je voudrais éclaircir et dont, je crois, vous n’avez pas parlé au Tribunal : c’est le moment où Hitler vous a dit qu’il combattrait pendant dix ans. Voulez-vous regarder page 98 ?
Oui.
C’est immédiatement après avoir dit : « Nous combattrons dix ans » qu’il abattit son poing avec une telle violence qu’il toucha presque terre.
Oui.
Je pense qu’il était à peu près dans le même état que lors de votre précédente entrevue ?
Non, il était encore plus nerveux.
Une dernière question. Je me réfère à la page 102, puis je laisserai votre livre. Vous vous souvenez avoir vu l’accusé Göring le matin du samedi 2 septembre ?
Oui.
Vous dites : « A ma grande surprise, il était plus enclin à la discussion car, dès que nous nous fûmes assis, dans son wagon-salon, il me dit qu’on parlait d’une médiation qui devait être assurée par Mussolini. On disait que Mussolini faisait tous ses efforts pour arrêter la guerre et, avant tout, pour l’empêcher de s’étendre ».
A la phrase suivante, vous écrivez que « Göring dit qu’il voulait inaugurer un nouveau Munich ». Je ne voudrais pas commettre d’erreur, c’est pourquoi je vous demande simplement si vous faisiez allusion à Göring ou à Mussolini ?
Je crois que c’était de Mussolini qu’il s’agissait.
Vous croyez qu’il s’agissait de Mussolini. C’est bien ce que je pensais ; c’est pourquoi je ne poursuivrai pas davantage. Je voudrais cependant vous poser encore une question. Je vous ai interrogé brièvement — et j’espère que j’ai agi loyalement — mais je voudrais vous demander si ces différentes données, que vous vous accordez à considérer comme des faits réels, constituent la base de votre opinion selon laquelle le but du Gouvernement allemand — y compris Göring — était de séparer la Grande-Bretagne et la Pologne et d’occuper la Pologne avec le consentement de la Grande-Bretagne ?
Si j’avais eu connaissance des faits que j’ai appris plus tard...
Je crois que cette question sort du cadre de notre sujet ; je m’oppose à ce qu’elle soit posée. Elle se réfère au Gouvernement en général, et à un chiffre indéterminé de personnes. En outre, elle est fondée sur une impression subjective et non sur un fait sur lequel le témoin puisse déposer.
La question est la suivante : ces faits constituent-ils la base de votre opinion ?
Le Tribunal estime que cette question peut valablement être posée. Elle découle directement de l’interrogatoire précédent.
Monsieur Dahlerus, vous commenciez à répondre. Je voulais vous demander si les faits que je vous ai soumis...
Je vous demande, Monsieur le Président, de bien vouloir faire préciser ce qu’on doit entendre par les termes Gouvernement allemand dont parle toujours le représentant du Ministère Public. Le Gouvernement allemand comprend toute une série de ministres ; si l’on fait sans cesse allusion ici au Gouvernement allemand sans préciser le personnage visé en particulier, on a alors l’impression que chaque ministre est responsable et qu’il a pris part à ces pourparlers, alors qu’en réalité il n’en a absolument rien su. Je représente un de ces ministres qui n’a jamais été au courant de ces pourparlers. C’est pour cette raison que je demanderai à Monsieur le représentant du Ministère Public d’avoir l’amabilité de préciser le contenu de l’expression Gouvernement allemand et de me dire, par exemple, si ce terme englobe le ministre de l’Économie Funk ou, simplement, deux ou trois personnalités.
Monsieur le Président, je ne suppose pas...
Nous ne sommes pas du tout d’accord avec ce qu’a dit le Dr Sauter. Nous avons déjà entendu très longuement l’accusé Göring sur la composition du Gouvernement allemand, et les avocats conservent la latitude de pouvoir, au moment opportun, apporter la preuve que leurs clients n’en faisaient pas partie. Les avocats semblent ne pas comprendre que des éclaircissements de cette nature ne manqueront pas de survenir dans la suite des débats. Le Dr Sauter aura toujours toute possibilité de poser au témoin les questions qu’il désire.
Monsieur Dahlerus, je vais vous poser cette question de la façon suivante : les faits que vous avez entendus et sur lesquels vous êtes tombé d’accord cet après-midi, constituent-ils la base de l’opinion que vous avez formulée ce matin dans la réponse à la question du Dr Stahmer ?
Oui. Je croyais à ce moment que je pouvais tenter d’entreprendre quelque chose pour empêcher une nouvelle guerre et je pouvais surtout prouver que tout avait été fait du côté du Gouvernement anglais pour éviter la guerre. Mais si j’avais su ce que je sais aujourd’hui, je me serais rendu compte, dès ce moment, que mes efforts ne pourraient pas être couronnés de succès.
Monsieur le Président, je demande l’autorisation d’aborder une autre question. Le Dr Stahmer a demandé les noms des industriels anglais. Je suis désireux, en ma qualité de représentant du Gouvernement anglais, de faire toute la lumière sur ce point et c’est pourquoi je sollicite respectueusement du Tribunal l’autorisation pour cette seule raison de demander ces noms à M. Dahlerus.
Certainement, si vous le désirez.
Monsieur Dahlerus, pouvez-vous nous donner les noms des personnes que vous avez rencontrées dans la propriété de votre épouse dans le Schleswig-Holstein.
Puis-je les lire ou dois-je les donner ?
Lisez-les, je vous prie.
Charles Mac Larn, S. W. Rossen, A. Holden, Sir Robert Renig, Bryon S. Mountain, C. F. Spencer, T. Menceford.
Je vous remercie.
D’autres représentants du Ministère Public voudraient-ils contre-interroger le témoin ? Docteur Stahmer ?
Monsieur le Président, je vous prie de me permettre de vous poser une question. Puis-je demander, sans risquer d’être mal compris, pourquoi l’autorisation n’a pas été donnée ce matin, comme l’avait demandé le Dr Stahmer, de lire les noms qui viennent d’être cités ?
Pourquoi posez-vous cette question et en quoi cela concerne-t-il l’accusé Ribbentrop ?
Le témoin Dahlerus était également cité pour l’accusé von Ribbentrop. Nous nous sommes entendus, le Dr Stahmer et moi, sur un certain nombre de questions et la question de ce matin relative à ces participants m’aurait également intéressé.
On n’a pas permis de citer ces noms ce matin parce que nous voulions activer les débats et que nous pensions que les noms de ces personnes étaient sans intérêt. Mais puisque Sir David Maxwell-Fyfe a demandé l’autorisation de la donner afin de ne pas laisser supposer qu’on eût quelque chose à cacher, le Tribunal l’a accordée.
Je vous remercie.
Monsieur Dahlerus, vous avez dit ce matin que le 23 août Göring vous avait téléphoné à Stockholm et qu’il vous avait déclaré que la situation était devenue sérieuse et qu’il désirait vous voir immédiatement. Vous a-t-il indiqué pour quelles raisons il considérait à ce moment-là que la situation était sérieuse ? Ne le lui avez-vous pas demandé ?
Non.
Vous êtes venu à Berlin le 24, vous avez eu immédiatement une entrevue avec Göring. Vous a-t-il dit pourquoi la situation était devenue plus sérieuse ?
Pas clairement.
Qu’a-t-il dit au sujet de la tension ? D’où venait le sérieux de la situation ?
Il indiqua que le fait que la question polonaise ne fût pas réglée et qu’il n’y eût aucun espoir qu’elle le fût, rendait la situation grave. Il dit aussi qu’elle dépendait entièrement de l’attitude britannique et de ses initiatives, quant à la solution à trouver.
Vous avez donc appris par cette réponse que la Pologne représentait le point critique ?
Oui.
Vous avez alors, le 27 août, transmis des propositions envisageant la solution de la question polonaise ?
Oui.
Ce matin, à la suite de mes questions se rapportant aux événements du 26 septembre, vous avez répondu — d’après mes notes — que vous pensiez à cette époque que les projets de Hitler n’étaient pas aussi limpides. Mais, cet après-midi, vous avez parlé de Göring. A quoi correspond cette différence dans vos réponses ?
Je pensais à ce moment que tous les membres du Gouvernement allemand travaillaient en étroite collaboration.
Vous aviez donc tiré cette conclusion uniquement en partant de ces faits ? Vous avez déclaré tout à l’heure que si vous aviez su à cette époque ce que vous savez aujourd’hui, vous n’auriez pas servi d’intermédiaire. A quoi est dû ce changement ?
Aux faits révélés principalement pendant les débats de ce Tribunal ou qui ont pu être publiés.
De quels faits s’agit-il ?
Des événements que j’ai cités, les déclarations du 11 avril, du 23 mai et du 22 août.
Il n’y a rien d’autre ?
Non, mais ce sont là les motifs principaux.
Et quels sont les points secondaires ? Quels sont vos autres scrupules ?
Mon expérience du 26 septembre 1939, le discours de Hitler du 6 octobre 1939 et un certain nombre d’autres déclarations faites depuis.
Vous avez parlé tout à l’heure d’un accident d’avion. Si j’ai bien compris, vous avez parlé de Ribbentrop ; parliez-vous vraiment sérieusement.
J’ai rectifié ma déclaration, en disant que je pensais que c’était Ribbentrop parce que son nom avait été mentionné une minute auparavant.
J’ai encore une question à vous poser : qu’était cette carte de Pologne que Göring vous aurait montrée ?
Je possède l’original de cette carte.
Et quelles explications vous a-t-on données ?
Que c’était un territoire contenant en majorité des Allemands et non pas des Polonais.
Comment expliquez-vous cette différence entre l’offre ultérieure et cette carte ?
Je ne peux que présumer que la question n’avait pas été discutée entièrement et que des propositions diverses avaient été faites, avant qu’on prît la décision finale.
Le témoin peut se retirer. L’audience est suspendue.
Monsieur Justice Jackson, voulez-vous continuer votre interrogatoire ?
Étant donné que l’interrogatoire de Göring a été interrompu pour permettre à Dahlerus de déposer sur des faits susceptibles de modifier les déclarations de cet accusé, je pensais que le Dr Stahmer pourrait en terminer avec l’audition du témoin Dahlerus, avant que je ne finisse moi-même mon contre-interrogatoire.
Je vous demande pardon. Docteur Stahmer, voulez-vous poser à l’accusé Göring des questions qui se rapportent aux déclarations du témoin Dahlerus ?
Je ne peux lui poser ces questions qu’après en avoir conféré avec lui. J’estime donc opportun que M. Justice Jackson continue maintenant son contre-interrogatoire. Je pourrai aussi utilement poser ces questions plus tard.
Docteur Stahmer, le Tribunal pense que vous devriez être prêt à continuer maintenant. C’est vous qui avez demandé le témoignage de Dahlerus. Dahlerus est votre témoin, et non celui du Ministère Public. Vous deviez connaître, de ce fait, le contenu de ses déclarations.
Je vous prie de bien vouloir me donner la possibilité de pouvoir parler de cette question avec l’accusé lui-même.
L’audience vient d’être suspendue pendant dix minutes.
Il ne m’a pas été possible de le faire en un si court laps de temps.
Le Tribunal estime que vous devez poser ces questions immédiatement. Si vous voulez interroger Göring sur ces questions, il faut le faire maintenant.
Très bien. (A l’accusé qui a repris place à la barre.) On a mentionné récemment une carte, supposée avoir été dessinée par vos soins qui est incluse dans le livre de M. Dahlerus. Il a ce matin, sur ma demande, confirmé son authenticité. Je vous la présente à la page 53 de l’ouvrage et je vous prie de me donner des explications sur cette carte.
Au cours de la discussion qui eut lieu dans la nuit du 29 au 30 août entre Dahlerus et moi, je crois que c’était chez le Führer, j’ai arraché une carte d’un atlas, sous l’impulsion du moment, et j’ai, avec .des crayons rouges, verts et bleus, esquissé les régions, non pas les régions que nous demanderions, ainsi que l’a prétendu l’Accusation, mais les régions de Pologne dans lesquelles habitaient des sujets allemands. Le témoin Dahlerus l’a parfaitement compris et l’a fait clairement ressortir du fait qu’il a répété les mêmes indications sur une autre carte avec les mots suivants : « La partie striée indique la population allemande d’après Göring et la partie pointillée la population polonaise d’après Göring ». Il continue à écrire, en mentionnant les frontières : « La première proposition de frontières de Göring », qui concorde avec les indications des populations polonaise et allemande. Ce n’était pas une proposition de frontière mais l’indication de la séparation entre les deux populations. Il écrit ensuite : « Proposition de Hitler ». C’était la proposition définitive, la véritable et la seule qui eût été présentée aussi bien au Gouvernement polonais qu’au Gouvernement britannique. Mais si l’on compare avec ma carte, on peut voir qu’ici, spontanément et en toute hâte, avec des crayons de deux couleurs différentes, j’ai fait un tracé sommaire des zones de peuplement de ces régions, une dans laquelle la majorité est allemande et l’autre où il n’y a exclusivement que des Polonais. Seul a été remis dès le début à M. Dahlerus, mais seulement dans les grandes lignes, un projet de tracé de frontières qui fut, un peu plus tard, révisé pour plus d’exactitude. C’est le seul en question, le même qui a été publié et lu à l’ambassadeur Henderson. Comme celui-ci ne l’avait ni saisi ni compris, j’ai prié Dahlerus, pendant la nuit, de le téléphoner à l’ambassade, afin qu’elle pût l’examiner le lendemain.
Je vous demanderais de bien vouloir répéter la dernière phrase que je n’ai pas entendue.
Je répète : le tracé du Corridor établi d’après le projet de Hitler était le projet officiel, car seul le Führer était habilité à faire des plans définitifs. C’est ce projet qui a été lu à l’ambassadeur Henderson. Comme il ne l’avait pas compris, j’ai remis moi-même à Dahlerus, au cours de la nuit, cette note qui avait été lue à l’ambassadeur Henderson, afin qu’il pût en dicter les termes par téléphone. J’étais sûr, ainsi, que l’ambassadeur anglais pourrait la connaître en entier. Ainsi que je l’ai déjà dit, c’était réellement courir là un très gros risque étant donné que le Führer avait interdit pour l’instant de rendre cette information publique. Comme je le répète, je pouvais seul mener cette affaire à bien et prendre le risque de l’opération à mon compte. Mais pour le reste, mes croquis montrent clairement sur la carte « Population allemande d’après Göring », « Population polonaise d’après Göring » Ce n’était qu’une approximation que j’ai faite très vite, au cours de la nuit, sur une carte que j’ai déchirée d’un atlas, simplement pour donner une indication à mon interlocuteur.
M. Dahlerus a dit que le 23 août vous l’aviez appelé par téléphone et l’aviez prié de venir immédiatement à Berlin, parce que la situation entre temps était devenue sérieuse. Qu’est-ce qui vous faisait considérer la situation comme sérieuse ?
C’est sur les indications que le Führer m’avait communiquées le 22 août à l’Obersalzberg, que je constatai alors que la tension avait considérablement augmentée. Le Führer avait dit qu’il ne voyait qu’une solution à la question, s’il était impossible d’apporter une solution diplomatique. Comme il ne s’agissait alors que d’une allocution sans discussion, adressée à tous les officiers de haut rang qui, en cas de guerre, auraient commandé les troupes, je me suis contenté, en ma qualité d’officier le plus ancien, de dire au Führer à la fin : « La Wehrmacht fera son devoir. Tout naturellement. La Wehrmacht remplira son devoir si elle est appelée à le faire ».
En même temps, je voulais faire les plus grands efforts pour que, dans les délais les plus courts — il s’agissait là d’une question de jours ; la date exacte devait être le 25 ou 26, on ne le savait pas encore — on fit à nouveau une tentative pour arriver à des négociations, afin de pouvoir dire au Führer que si une négociation pareille pouvait réussir, là encore il y aurait une possibilité d’arriver à une solution diplomatique et politique. De là le concours des événements du 22 après-midi : le discours du Führer et ma réaction immédiate de faire venir immédiatement Dahlerus de Stockholm. Mais, naturellement, je ne lui ai pas dit et je ne pouvais pas non plus en ma qualité d’Allemand le dire à un étranger — et particulièrement en ma qualité d’officier — que mes raisons reposaient sur les facteurs que je viens d’exposer. Les choses sont présentées de telle façon maintenant qu’on serait tenté de croire qu’il n’aurait jamais dû exister en Allemagne de conceptions telles que « le secret militaire », « l’affaire secrète de commandement » ou « l’affaire très secrète » dans la politique et la vie militaire allemandes ; comme si nous avions été obligés de faire connaître par avance, à la presse étrangère, toutes nos actions militaires et politiques. Je vous fais remarquer que nous avions ici les mêmes conditions à remplir que tout autre pays du monde entier.
Comment se fait-il que vous-même, personnellement, vous vous soyez occupé de l’affaire et que vous ne soyez pas passé par le ministère des Affaires étrangères ?
Je tenais à l’époque, autant que possible, à ce que cette question fût réglée par des moyens pacifiques. Le travail du ministère des Affaires étrangères est un travail officiel. Ici nous travaillions n’importe comment, simplement d’après les directives du Führer. Je pouvais faire sentir mon influence dans un sens qui était aussi direct que possible et qui n’était pas expressément officiel, car je ne pouvais pas, vis-à-vis de l’étranger, avoir des pouvoirs comparables à ceux d’un ministre des Affaires étrangères. A ce moment-là, il m’a paru clair qu’il ne s’agissait pas d’une question de formalités mais d’une possibilité pratique et rapide pour atteindre un but. Si je voulais agir sur le Führer, ce ne m’était possible que si j’avais quelque chose entre les mains, c’est-à-dire si je pouvais lui dire : « Sous ma propre responsabilité, en pleine connaissance de cause de votre part et sans engager ni votre personne ni votre politique allemande, je dirige des négociations afin, autant que les circonstances le permettent, de créer une atmosphère susceptible de faciliter les discussions officielles dans le but d’un règlement pacifique ». Par-dessus tout, c’était plus rapide.
Le Gouvernement anglais avait-il pleinement conscience qu’il s’agissait là d’une initiative personnelle de votre part qui s’exerçait parallèlement aux négociations diplomatiques officielles ?
Tout mon comportement a dû lui révéler clairement qu’il ne s’agissait là que d’une démarche officieuse qui ne se rattachait aux négociations officielles que par un ou deux points. Ce fut par exemple le cas de la phase au cours de laquelle l’ambassadeur Henderson, au lieu de retourner immédiatement à Berlin, resta un jour ou deux à Londres, en vue principalement d’expliquer au Gouvernement anglais, par le moyen du négociateur non officiel qu’était Dahlerus, la base de ses intentions, des négociations ou du contenu de la note, si je puis m’exprimer ainsi. Et quand ce fut fait, les préparatifs en vue de ces conférences avaient sérieusement avancé. Que je ne fusse pas le seul à avoir la réelle conviction qu’en ce jour un pas considérable avait été fait dans le sens d’une politique pacifique — je crois que c’était le 28 — est prouvé par le fait que c’était également le point de vue de l’ambassade britannique, comme le conseiller d’ambassade Sir Ogilvie Forbes l’a clairement établi. Les choses n’ont empiré que le 29 août. Lors de toutes ces négociations, il ne s’agissait pas de ma part d’isoler la Pologne et de tenir l’Angleterre à l’écart, mais il s’agissait plutôt, le problème du Corridor et de Dantzig étant venu sur le tapis, de le régler pacifiquement, autant que possible dans le sens de la solution de Munich. Ce fut mon désir jusqu’à la dernière minute. S’il ne s’était agi que d’une exclusion de l’Angleterre, la diplomatie anglaise n’aurait pu manquer de le voir immédiatement. A ce sujet, elle est suffisamment renseignée. Mais elle est entrée dans ces négociations. Et secondement, j’aurais employé une tactique absolument différente. Ce n’est pas que je modèle les faits à ma guise aujourd’hui ; je parle de ce qui s’est passé réellement pendant ces quelques jours, de ce que je pensais et désirais.
Les déclarations que le témoin Dahlerus a données aujourd’hui et les explications contenues dans son livre sur ses entretiens avec le Führer, ne représentent en rien la façon dont ils ont eu lieu. Ses descriptions sont assez subjectives, car le Führer ne se serait pas prêté longuement à un tel entretien.
Il y a également d’autres interprétations subjectives dans cet ouvrage qui ne paraissent pas en rapport avec la question, mais que néanmoins Sir David Maxwell-Fyfe nous a lues : C’est ainsi que j’aurais, d’une manière théâtrale, tendu deux épées, à deux de mes collaborateurs, afin qu’ils accomplissent des actions d’éclat. Or, l’un d’entre eux que j’aurais ceint d’une épée, était mon secrétaire Körner, un civil et non un soldat. J’aurais pu tout au plus lui donner une plume, car il s’occupait des prescriptions relatives au Plan de quatre ans. Le second était le chef de mon service d’État-Major, un directeur ministériel qui, lui non plus, n’était pas un soldat et ne désirait pas récolter de lauriers sur les champs de bataille, mais dont le seul devoir pendant la guerre consistait exclusivement à s’occuper de mon état-major civil et non de mon état-major militaire, de le faire fonctionner et d’assurer la conduite de ses travaux. Dans les deux cas, ces deux messieurs n’avaient besoin ni d’épées ni d’encouragements pour faire la guerre.
Est-il exact qu’on avait d’abord prévu une attaque contre la Pologne, le 26 août, et que cette date a été reportée par la suite ?
Il était prouvé que si, à ce moment — à cette date il y avait déjà eu des négociations officielles auparavant, il ne faut pas l’oublier — ces négociations n’étaient pas arrivées à une solution du problème, c’était à cause de la mobilisation générale en Pologne et du déploiement des troupes et en raison de très sérieux incidents de frontières qui étaient arrivés récemment. Je fais allusion au dimanche sanglant de Bromberg, aux 70.000 Allemands qui ont été massacrés et dispersés. En d’autres termes, l’atmosphère était telle que le Führer en était arrivé à trouver une solution dans la guerre. Survint alors un nouveau sursis, précisément parce qu’on croyait encore trouver une solution diplomatique. C’est pourquoi il était naturel de ma part de poursuivre par la voie officieuse que j’avais déjà empruntée et malgré la tension existante, les efforts que j’avais entrepris pour arriver à une solution. Tout cela explique les fréquentes conférences de Dahlerus à Londres et à Berlin et tous ses voyages aller et retour. On n’a pas rapporté d’une manière très exacte la raison suivante de la dernière tentative que j’ai personnellement effectuée le 3 septembre. Le Gouvernement anglais, après le 1er septembre, n’a pas envoyé un ultimatum, mais une note dans laquelle il demandait le retrait...
L’interprète veut-il répéter au Tribunal la dernière question posée par l’avocat ? Peut-être ne se la rappelle-t-il plus ? Les sténotypistes pourraient-ils nous répéter cette dernière question ?
Oui.
Oui, c’était la question, mais, d’après ce que j’ai entendu, on n’y a pas encore répondu.
Je n’ai pas bien compris, Monsieur le Président.
Vous avez demandé si l’attaque de la Pologne avait été prévue par le Führer pour le 26 août et l’accusé Göring a parlé pendant longtemps sans répondre à cette question.
J’ai répondu à cette question que le Führer avait en fait prévu cette date du 26 août pour l’invasion. Il considérait cette date comme nécessaire à cause de la situation que j’ai décrite. Cependant, il fut encore possible de le persuader d’accorder un sursis pour poursuivre d’autres négociations.
Comment expliquer que les propositions de Hitler aient échoué ?
Quelles propositions ?
La dernière proposition du 27 août que M. Dahlerus a transmise à Londres.
Cette proposition n’avait rien d’officiel, mais elle fut suivie d’une proposition officielle qui fut transmise sous forme de note à l’ambassadeur d’Angleterre ; on communiquait, en d’autres termes, au Gouvernement anglais, les exigences que l’Allemagne formulait à l’égard de la Pologne. Cette proposition ne fut pas entièrement comprise et fut alors officieusement, mais de facto, intégralement transmise, non seulement au Gouvernement britannique, mais aussi par la voie officieuse décrite par Dahlerus, à l’ambassadeur de Pologne. Elle échoua du fait que le Gouvernement polonais ne voulut pas consentir à la discuter. On fixa d’abord le 30 ou le 31 comme délai pour la désignation d’un plénipotentiaire. On continuait même à attendre ce plénipotentiaire. On croyait que l’ambassadeur polonais pourrait assumer cette charge, si les circonstances le permettaient, et on s’attendait à une conférence avec lui. Lorsqu’il eût déclaré qu’il n’était autorisé à accepter aucune condition, le Führer décida alors l’invasion pour le lendemain. J’ai aussi envoyé à l’ambassadeur de Grande-Bretagne, par l’intermédiaire de Dahlerus, le télégramme adressé par le Gouvernement polonais à son ambassadeur, lui interdisant dans un post-scriptum d’entreprendre quelque conversation que ce soit sur des propositions qui pourraient être faites, ou d’accepter toute proposition ou toute note dans ce sens. J’ai immédiatement communiqué à Dahlerus ce télégramme déchiffré que j’avais reçu du service de recherches dont il fut question avant-hier, afin de le transmettre à Sir Henderson. Je lui disais en même temps, en dépit des scrupules que j’aurais pu avoir, que, du fait de l’importance extrême de cette affaire, le Gouvernement anglais devait se rendre compte aussi rapidement que possible de l’attitude intransigeante de la Pologne, afin qu’il pût, suivant les circonstances, influer sur le Gouvernement dans le sens d’une conférence. Je faisais ainsi le sacrifice du secret puisque je lui montrais que nous avions le chiffre du code diplomatique polonais et gaspillais de ce fait, au préjudice de l’Allemagne, une réelle et importante source de renseignements. Je n’ai agi ainsi que pour prouver mon grand désir et ma détermination de détourner le conflit au dernier moment. Je voudrais vous lire l’appendice de la dépêche officielle ; il est bref : « Le Gouvernement polonais à M. Lipski, ambassadeur de Pologne à Berlin ». Je laisse la première partie et je lis ce qui suit :
« Les instructions particulièrement secrètes qui suivent sont adressées à l’ambassadeur : éviter de conduire des négociations officielles, en quelque circonstance que ce soit. Au cas où des propositions orales ou écrites seraient faites par le Gouvernement du Reich, dire que vous n’avez aucun pouvoir pour les accepter ou les discuter, que vous ne pouvez que transmettre le message à votre Gouvernement et que vous devez attendre des instructions complémentaires. »
Il en ressort clairement que l’ambassadeur, comme on nous l’avait dit, n’était nullement autorisé à faire quoi que ce soit. Et ce télégramme que le Führer a lu l’a très fortement renforcé dans l’idée qu’il n’y avait plus d’espoir d’arriver à un accord avec la Pologne.
Avez-vous entrepris ces négociations avec la ferme volonté de maintenir la paix ?
C’est ce qui ressort de l’ensemble de cet ouvrage. Je ne voudrais pas cependant m’appuyer sur le témoignage de cet ouvrage mais sur ce que j’ai dit moi-même ici, sous la foi du serment. J’étais fermement résolu à tout faire pour que cette question qui avait été soulevée fût réglée pacifiquement. Je n’ai pas voulu la guerre et c’est pourquoi, dans la mesure de mes moyens, j’ai tout fait pour l’éviter. Cela n’a rien à voir avec les préparatifs que, moi, j’ai été obligé de faire en ma qualité d’officier de haut rang.
On a parlé ici de l’hypothèse d’un accident d’avion qui aurait pu coûter la vie à M. Dahlerus. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Le témoin Dahlerus a dit à la fin de sa déposition qu’il se devait de la rectifier, car il n’avait pas reçu de moi cette absurde information. C’était là, au contraire, une hypothèse de sa part parce que je venais, très peu de temps auparavant, et à propos d’un tout autre sujet, d’évoquer le nom de Ribbentrop. Une seule chose m’inquiétait, et c’est ce que je lui ai dit : Dahlerus partait pour Londres dans mon propre avion ; à cette époque, la tension était déjà extraordinairement grande ; dans tous les pays, on avait déjà mobilisé et proclamé l’état de siège. Depuis longtemps, la circulation aérienne officielle était interrompue. Je ne pouvais donc pas affirmer, dans ces conditions, que l’avion allemand qui emportait un courrier à Londres ou que l’avion anglais qui revenait d’Angleterre et arrivait à Berlin à cette époque, ne constituât pas une cible pour nos batteries de défense contre avions, ou pour les autres. Je désirais obvier à ce danger autant que possible, en téléphonant aux services hollandais et anglais, si mes souvenirs sont exacts. Voilà la seule raison de mes souhaits à Dahlerus ; j’espérais qu’il arriverait et reviendrait sans encombre car, à cette époque, un accident pouvait facilement survenir. M. von Ribbentrop n’a absolument rien su du départ de Dahlerus. Pendant toute cette période je n’avais même jamais parlé de Dahlerus à M. von Ribbentrop. Il ne savait pas du tout que M. Dahlerus partait en avion, il ne savait même pas qu’il servait de truchement entre le Gouvernement anglais et moi. C’est une invention pure et simple.
Avez-vous assisté, le 26 septembre 1939, à la conversation entre Dahlerus et Hitler ?
Oui.
Comment Hitler s’est-il exprimé sur la Pologne ?
Il est exact qu’il déclara qu’un rétablissement de la Pologne, dans l’état ou elle était avant l’ouverture des hostilités, ne pouvait plus être envisagé, après le cours pris par les événements et après la décision des armes. Mais il voulait, bien entendu, que les vieilles provinces allemandes qui nous avaient été enlevées en 1918 nous revinssent désormais. A ce moment-là, déjà, il fit remarquer que le Gouvernement Général, y compris Varsovie, ne l’intéressait pas. Il insista vivement auprès de Dahlerus en disant que c’était là un problème d’importance primordiale qui ne devait être réglé qu’entre l’Allemagne et la Russie et qu’il n’était pas question d’un règlement unilatéral avec l’Angleterre, puisque la plus grande partie de la Pologne était déjà occupée par la Russie. Par conséquent, ces accords ne pouvaient en aucune façon être conclus d’une manière unilatérale, par l’Angleterre et par lui. Telles sont, dans leurs grandes lignes, les explications du Führer.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
J’attire votre attention sur les déclarations que vous avez faites hier et je vous demande si elles sont exactes :
« Je crois que j’en étais vice-président (il s’agit du Conseil de Défense du Reich). Je ne le sais même pas, mais je l’ai entendu dire. Je vous assure, sous la foi du serment, qu’à aucun moment je n’ai participé à une seule réunion du Conseil de Défense du Reich lorsqu’il s’est réuni. »
Est-ce que c’est une traduction fidèle de votre témoignage ?
Oui, j’ai dit qu’à aucun...
Cela suffit. C’est tout ce que je voulais savoir. Je vous demande de fixer votre attention sur le document PS-3575 (USA-781), qui est un procès-verbal d’une réunion du Conseil de Défense du Reich du 18 novembre 1938, que vous avez présidée. J’attire votre attention sur votre déclaration aux termes de laquelle la réunion consista en un discours de trois heures du Feldmarschall, après lequel aucune discussion n’eut lieu. Est-ce exact ?
Je dois d’abord lire ce document, car je l’ai entre les mains pour la première fois.
Vous ne saviez pas hier, lorsque vous avez témoigné, que nous possédions ce document, n’est-ce pas ? Répondez à cette question.
Je n’ai jamais vu ce document ; il me faut d’abord le lire. Je lis : « Observations sur la séance du Conseil de Défense du Reich du 18 novembre 1938 ».
Le Conseil de Défense du Reich, tel qu’il a été décrit ici, était composé de peu de personnes. Cependant étaient présents à cette réunion : tous les ministres et secrétaires d’État du Reich, les commandants en chef de l’Armée de terre et de la Marine de guerre, les chefs d’État-Major des trois subdivisions de la Wehrmacht, le Reichsleiter Bormann, représentant l’adjoint du Führer, le général Daluege, le SS-Gruppenführer Heydrich, le chef du travail du Reich, le commissaire aux prix, le président du Service du travail du Reich et d’autres.
Lorsque j’ai donné mes explications, je n’ai parlé que du Conseil de Défense du Reich en tant que tel. Il s’agit ici d’une séance de ce Conseil dans le cadre d’une grande assemblée. Je n’avais pas pensé à cela. Il s’agit donc d’une séance de ce Conseil au sein d’une assemblée qui débordait singulièrement le cadre du Conseil de Défense du Reich.
J’attire votre attention sur le fait que le Feldmarschall a déclaré que la tâche du Conseil de Défense du Reich consistait à rassembler toutes les ressources de la nation pour accélérer l’armement allemand. Avez-vous trouvé ce passage ?
Oui, je l’ai trouvé maintenant.
Le second paragraphe.
Oui.
Au chiffre romain Il, il est dit : « Les tâches matérielles : la première tâche est de hausser le niveau de l’armement de 100 à 300 ».
Oui.
Je ne vois pas pourquoi la Défense continue en permanence à ne pas recevoir les documents qui sont discutés et soumis au Tribunal. Le document dont il est question en ce moment nous est inconnu, à moi tout au moins. J’ai déjà remarqué à plusieurs reprises ces derniers jours que des documents étaient brusquement présentés par l’Accusation sans que l’on se donnât la peine de nous en faire part le moins du monde.
C’est parfaitement exact. Je crois que tout avocat doit savoir que la bonne foi préside, entre autre, à ces débats. Si nous devons, au cours du contre-interrogatoire, soumettre chaque document qui est en notre possession avant qu’il nous soit possible d’en faire état après avoir entendu le témoignage, toute l’utilité du contre-interrogatoire est détruite de ce fait. Le témoin, au demeurant, ne le savait pas. Nous avons usé de cette pratique de soumettre à leur attention document après document en les assortissant toujours de quelque explication, en les préparant soigneusement et en les lisant ici à l’aide de notes. Aucun accusé n’eut jamais meilleure facilité de préparer sa défense que ces accusés, et j’estime que le contre-interrogatoire ne doit pas être anéanti par aucune exigence aux termes de laquelle nous soumettrions les documents par avance.
Avez-vous quelque chose à dire ?
Oui. Je voudrais dire deux choses : en premier lieu, je suis absolument d’accord si M. Justice Jackson veut faire usage d’un élément de surprise. Je lui serais simplement reconnaissant de bien vouloir autoriser également la Défense à utiliser à son tour l’élément de surprise. Jusqu’à présent, en effet, on a toujours dit que nous devions produire, plusieurs semaines à l’avance, tous les documents que nous avions l’intention d’utiliser ici, afin que l’Accusation ait plusieurs semaines pour prendre position.
En second lieu. en admettant qu’on puisse utiliser l’effet de surprise, je crois que nous ne devrions pas, nous, avocats, avoir cette surprise au moment où le document est soumis au Tribunal et au témoin. Or, en ce moment, je n’ai ni ce document ni ceux des jours précédents.
Ce que vous venez de dire n’est pas juste. Vous n’avez jamais été obligés de révéler les documents que vous vouliez proposer à un témoin au cours d’un contre-interrogatoire. Or, nous assistons à un contre-interrogatoire ; le Ministère Public peut, par conséquent, présenter n’importe quel document, sans en avoir fait état au préalable. Les avocats peuvent aussi présenter n’importe quel document au cours du contre-interrogatoire des témoins cités par le Ministère Public.
Je suis convaincu que si la Défense désire poser de nouvelles questions au témoin sur de tels documents, des copies peuvent en être mis à sa disposition dans ce but. Le Tribunal décide que ce document peut être présenté au témoin maintenant.
La Défense a-t-elle la possibilité, à l’heure où toute la salle d’audience connaît le document, de l’avoir entre les mains ?
Oui, certainement.
Je vous serais très reconnaissant de m’en faire remettre un exemplaire maintenant.
Je m’excuse, mais je ne puis dire si nous avons suffisamment d’exemplaires pour en remettre maintenant à la Défense.
C’est possible, mais vous pouvez peut-être en donner un ou deux exemplaires ?
Mais je ne crois pas que nous devions fournir ces copies de documents avant que l’accusé ait été entièrement interrogé sur ce sujet, ce qui signifie...
Oui, Docteur Dix.
Je voudrais formuler une requête : qu’il soit permis — au moins aux avocats des accusés qui doivent faire l’objet d’un contre-interrogatoire — d’obtenir en même temps que le Tribunal une copie du document qui doit être présenté afin que la Défense soit en mesure, ainsi que le Tribunal, de suivre l’interrogatoire.
Quand M. Justice Jackson nous dit qu’il estime équitable que la Défense — en ce cas mon collègue Stahmer — n’ait ces documents qu’après l’interrogatoire — en ce cas celui de Göring — je demande instamment, pour la dignité et le prestige de la Défense, la permission de m’opposer à cette suggestion de M. Justice Jackson. Je ne crois pas qu’il veuille insinuer que l’avocat pourrait, en ayant ces documents en mains en même temps que le Tribunal et que le témoin, d’une façon quelconque, par signes ou autrement, influencer l’accusé et par là troubler son contre-interrogatoire exécuté par le Ministère Public. Je suis persuadé qu’il n’en est pas ainsi, mais on pourrait en tirer cette conclusion. C’est pourquoi je formule à nouveau ma requête : si, au cours d’un contre-interrogatoire, un document est, dans ce but, et en considération de l’effet de surprise, présenté à un témoin et en même temps au Tribunal, l’avocat intéressé, qu’il s’agisse de celui qui a cité le témoin ou de celui de l’accusé qui dépose à la barre, doit, au même moment, en recevoir une copie, afin qu’il puisse se faire une idée de ce qui est présenté au témoin.
Göring, à l’instant, pouvait prendre connaissance de ce document, tandis que le Dr Stahmer ne le pouvait pas. Il n’est donc pas en mesure de suivre le contre-interrogatoire mené par M. Justice Jackson.
Cette anomalie n’est pas voulue ; c’est pourquoi je demande à M. Justice Jackson de bien vouloir répondre à ma suggestion, dans un souci d’unité et pour que le Tribunal prenne une décision, sur ma demande qui est parfaitement justifiée.
Monsieur Justice Jackson, le Tribunal pense que vous avez absolument raison d’estimer qu’il n’y a pas lieu, comme je l’ai déjà approuvé, de révéler les documents aux accusés avant de procéder à leur contre-interrogatoire. Mais au moment où vous y procédez, vous opposez-vous à ce qu’on fasse parvenir un exemplaire de ce document à l’avocat dont le client est interrogé ?
Ce fait s’est révélé maintes fois impossible en raison de la situation de ces documents. Beaucoup d’entre eux nous sont parvenus tout dernièrement et nous avons moins de facilités pour nos reproductions.
Je ne demande pas que vous en donniez à tous les avocats, mais seulement au Dr Stahmer.
Si nous possédons des exemplaires, je ne vois aucune objection à ce qu’on le fasse, mais la difficulté a toujours consisté à obtenir des exemplaires allemands de ces documents...
Puis-je encore ajouter quelque chose ? Si ces documents n’existent pas en allemand, il en existe tout de même des copies anglaises. Surtout quand il s’agit de témoins allemands comme Göring, on leur remet le document en allemand. Je crois donc qu’il est possible d’arriver à un accord sur ce point.
Nous n’avons pas besoin d’entendre plus d’un seul avocat à ce sujet. Le Tribunal a déjà repoussé votre objection selon laquelle le document devait être remis avant le contre-interrogatoire.
Je regrette, Monsieur le Président, ma demande tendait simplement à ce que la Défense obtint les documents en même temps que le Tribunal. Je ne suis pas de l’avis du Dr Dix qui pense qu’un seul avocat doive les recevoir car, quand il s’agit, par exemple, d’un procès-verbal d’une séance du Conseil de Défense du Reich, plusieurs accusés sont intéressés. Il ne suffit donc pas de donner un exemplaire à un avocat, il faut en donner à tous les défenseurs. Je crois que M. Justice Jackson...
Mais pas en ce moment. Il se présente, comme nous le savons tous, bien des difficultés pour reproduire tous ces documents ; des efforts considérables ont été faits par le Ministère Public et les sections de traduction pour permettre de donner aux accusés des documents allemands. Il n’est pas nécessaire que tous les avocats aient un document au moment où l’on contre-interroge le témoin. Je suis sûr que le Ministère Public fera tout son possible pour faire parvenir des exemplaires de documents en temps voulu.
Le Tribunal pense qu’il est tout à fait suffisant qu’un seul exemplaire des documents soit fourni à l’avocat que le témoin intéresse. Comme je l’ai déjà dit, le Ministère Public vous fera sans aucun doute remettre des copies de ces documents en temps voulu.
Vous défendez l’accusé Raeder. Je crains fort, qu’au rythme où se déroulent les débats, cet accusé ne soit pas appelé avant longtemps à la barre des témoins.
Il en résulte que les avocats non directement intéressés ne peuvent pas comprendre le contre-interrogatoire. Je prie le Tribunal de bien vouloir considérer qu’il m’est, sur cette question technique, impossible de suivre M. Justice Jackson. Le document est tiré à plusieurs exemplaires à l’aide d’une matrice, il n’y a aucune différence qu’il le soit à 20, 40, 80 ou 100 ou 150 exemplaires. La différence de temps ne sera que de quatre à cinq minutes. Je crois donc que la considération technique ne peut pas intervenir.
Le Tribunal va prendre vos explications en considération, mais il n’y a aucune règle qui stipule que les documents doivent être remis à chaque avocat pour les contre-interrogatoires.
Je voudrais parler encore de ce document. Il ne s’agit pas là...
Je demande respectueusement qu’on prie le témoin de répondre aux questions et de garder ses explications pour son avocat ; sans cela, ce contre-interrogatoire ne pourra être poursuivi avec succès et nous perdrons beaucoup de temps.
J’ai déjà expliqué à plusieurs reprises que les accusés venant à la barre comme témoins devaient répondre directement aux questions, et si possible par oui ou par non. S’ils ont des explications à donner, ils peuvent le faire après avoir répondu directement à la question.
J’attire votre attention sur l’article 3, sous-titre II, Finances. Il est ainsi rédigé :
« Situation très critique des finances du Reich. Elle sera améliorée par le milliard imposé aux Juifs et par les bénéfices provenant de l’aryanisation des entreprises juives. »
Vous le trouvez dans ce procès-verbal ?
Il s’y trouve.
Et ce procès-verbal est signé par Wörmann, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas exact. Je vous demande pardon. Je vois Wörmann sur cette photocopie. Et non Bormann, je connais très bien la signature de Bormann. Ce n’est pas là sa signature.
J’ai dit Wörmann et non Bormann.
C’est cela, Wörmann, oui.
N’avez-vous pas établi et organisé au sein du Conseil de Défense du Reich un comité de travail qui se réunissait de temps à autre et poursuivait certains travaux ?
Je l’ai déjà expliqué récemment ; c’était le comité des rapporteurs.
Et j’attire votre attention sur le document EC-405, procès-verbal de la dixième réunion du comité de travail du Conseil de Défense du Reich.
J’ai compris, Monsieur le Président, qu’après avoir répondu aux questions, je peux ensuite donner une explication si elle me paraît nécessaire. Étant donné que j’ai répondu clairement à votre question sur le premier document, je veux maintenant expliquer, encore une fois, qu’il ne s’agit pas d’une séance du Conseil de Défense du Reich, mais d’une réunion générale de tous les ministres et secrétaires d’État et de nombreuses autres personnes. J’ai commencé ainsi mes déclarations ; I. Organisation du Conseil de Défense du Reich. Le Conseil de Défense du Reich était prêt, par décisions du cabinet de 1933 et 1934, à commencer ses travaux, mais il ne se réunit jamais. La loi de défense du Reich, du 4 septembre 1938, le rétablit. Le président est le Führer qui délègue en permanence le Feldmarschall Göring pour le remplacer J’ai déjà dit, et je pourrais encore l’attester par écrit, que ce Conseil de Défense du Reich dont il a été question et qui comprenait le plénipotentiaire général à l’Économie, Schacht, ou, pour mieux m’exprimer encore, le Collège des trois, ne s’est jamais réuni. Je demande maintenant qu’on me répète la question qui concerne ce deuxième document et que j’ai oubliée.
Vous avez déclaré que l’occupation de la Rhénanie n’avait pas été préparée à l’avance ?
Très peu auparavant, ai-je précisé.
Combien de temps environ ?
Autant que je me souvienne, deux ou trois semaines avant, tout au plus.
Maintenant, j’attire votre attention sur le procès-verbal de la dixième réunion du comité de travail du Conseil de Défense du Reich qui se trouve à la fin du document EC-405 ; c’est la discussion suivante, du 26 juin 1935.
Puis-je demander à quelle page ? Ce document est très long et nouveau pour moi.
Je n’ai pas suffisamment d’exemplaires...
A quelle page, je vous prie ? Sinon je serai obligé de lire tout le document.
Voyez le dernier paragraphe, puis nous remonterons : « La rédaction des directives de mobilisation n’est autorisée que si c’est absolument nécessaire pour une exécution harmonieuse des mesures prévues pour les zones démilitarisées. Les archives doivent, sans exception, être conservées en sûreté dans des coffres-forts ». Avez-vous trouvé ce passage ?
Le document qu’on m’a remis contient des déclarations alternées de différents personnages. C’est un dialogue. Puis-je vous poser à nouveau la question ? Le dernier paragraphe ne contient rien de ce que vous m’avez dit ; il doit y avoir une différence entre le texte allemand et le texte anglais, car le dernier paragraphe ici n’a aucune importance. Voulez-vous me dire où je dois lire ?
Vous trouverez ce passage au troisième paragraphe avant la fin, si mon document est exact. Est-ce que nous avons le même document ?
Il faut me dire qui parle ici, car ce document rapporte les paroles de différentes personnes. (On indique le passage en question à l’accusé.) On vient de me le montrer, sous le nom de Jodl. Il faut au préalable que je le lise.
L’avez-vous trouvé ? « La zone démilitarisée demande un traitement spécial. Dans son discours du 21 mai 1935 et au cours d’autres explications, le Führer et Chancelier du Reich a déclaré que les stipulations du Traité de Versailles et du Pacte de Locarno devaient être observées ». Avez-vous trouvé ce passage ?
Oui.
Et au paragraphe suivant : « Puisque, pour l’instant, les embarras internationaux doivent être évités par tous les moyens, seules les mesures préparatoires absolument nécessaires doivent être poursuivies. L’existence de tels préparatifs et leurs plans doivent être gardés strictement secrets dans la zone elle-même aussi bien qu’à l’intérieur du Reich ». Avez-vous trouvé ce passage ?
Oui.
Et vous trouverez aussi : « Ces préparatifs comprennent en particulier, les suivants : a et b sont sans importance sur ce point ; c) préparatifs pour la libération du Rhin...
Oh non ! vous faites une grave erreur. Le mot original en allemand signifie préparation pour la libération du Rhin ; c’est une question de préparation technique qui n’a rien à voir avec la libération de la Rhénanie. On parle ici d’abord de la mobilisation des transports et des moyens de transmission puis, c), des préparatifs effectués pour rendre le Rhin libre, c’est-à-dire que le Rhin ne devait pas transporter trop de bateaux pendant la mobilisation, afin de rester libre pour les mesures militaires. Vous trouverez ensuite d) Préparation pour la défense locale, etc. Vous voyez qu’il s’agit de mesures tout à fait générales ordinaires et usuelles de préparation de la mobilisation. Le terme libération n’a pas été bien compris par le Ministère Public...
Préparatifs de mobilisation ? Exactement...
Si vous vous le rappelez, j’ai spécifié clairement dans ma déclaration que, dans la zone démilitarisée, des préparatifs généraux de mobilisation avaient été faits. J’ai cité, par exemple, des achats de chevaux, etc. Il y a une erreur quant au mot « Freimachung » qui ne désigne pas la libération de la Rhénanie, mais simplement le fait de rendre libre le cours du Rhin.
Ces préparatifs étaient des faits en vue de l’occupation armée de la Rhénanie, n’est-ce pas ?
Non, c’est complètement faux. Si l’Allemagne devait être entraînée dans une guerre, que ce soit de n’importe quel côté, même à l’Est, il fallait que les mesures de mobilisation fussent prises et que, dans ce cas, on y procédât même dans la Rhénanie démilitarisée ; mais non pas dans le but de libérer la Rhénanie.
Ces préparatifs n’étaient pas des préparatifs militaires ?
C’étaient des préparatifs généraux de mobilisation, tels que tous les pays en font, mais pas du tout dans le but d’occuper la Rhénanie.
Mais ils étaient d’une nature telle qu’ils devaient être gardés absolument secrets vis-à-vis des puissances étrangères ?
Je ne crois pas me rappeler avoir lu quelque part l’annonce des préparatifs de mobilisation entrepris par les États-Unis.
Je fais très respectueusement remarquer au Tribunal que ce témoin n’a cessé de faire preuve de mauvaise volonté au cours de son interrogatoire. Il est parfaitement inutile de perdre notre temps si nous ne pouvons pas obtenir de réponses aux questions. Jusqu’ici nous avons perdu notre temps et ce témoin me semble avoir adopté à la barre des témoins et sur le banc des accusés une attitude méprisante et arrogante envers le Tribunal qui lui accorde un procès tel qu’il n’en a lui-même jamais accordé à âme qui vive.
Je demande respectueusement que des instructions soient données à ce témoin pour qu’il rédige des notes contenant, s’il le veut, ses explications, et qu’il soit prié de répondre à mes questions et de réserver ses explications pour son avocat qui en fera état plus tard.
J’ai déjà établi une règle générale qui s’applique aussi bien à cet accusé qu’aux autres témoins. Nous allons maintenant lever l’audience.