QUATRE-VINGT-DOUZIÈME JOURNÉE.
Mercredi 27 mars 1946.
Audience de l’après-midi.
Monsieur le Président, je vous demande simplement de m’autoriser à poser une question que je n’ai pu poser auparavant. M. le représentant du Ministère Public soviétique a demandé si le témoin avait discuté avec Kaltenbrunner de la question des policiers danois. Dans cette affaire, la question de savoir comment s’est comporté Kaltenbrunner est restée en suspens. Je désirerais poser cette seule question.
Oui, Docteur Kauffmann.
Témoin, voudriez-vous dire au Tribunal comment s’est comporté Kaltenbrunner lorsque vous avez discuté ensemble la question des policiers danois traités inhumainement ? Comment Kaltenbrunner s’est-il comporté ? Qu’a-t-il fait ?
La question n’est peut-être pas très bien posée. Vous parlez de policiers qui ont été maltraités. Ils ne pouvaient pas encore avoir été maltraités, ils venaient d’être introduits dans le camp de concentration. Aussitôt que je l’ai su, je suis allé voir Kaltenbrunner et je lui ai dit qu’on ne devait pas les mettre en camp de concentration, qu’il fallait les considérer comme des prisonniers de guerre ou comme des internés civils. Kaltenbrunner m’écouta et se montra de mon avis. En ma présence, il donna l’ordre de retirer ces gens du camp de concentration et de les transférer dans un camp de prisonniers de guerre. C’est pourquoi j’ai supposé que l’affaire était réglée. J’ai ensuite appris au bout de quinze jours qu’ils étaient encore en camp de concentration. J’en appelai avec vigueur à Kaltenbrunner qui me répondit qu’il ne pouvait pas se l’expliquer. Je ne me l’explique pas davantage, car l’ordre de transfert de ces personnes avait été donné en ma présence. De nouvelles négociations furent engagées. J’avais l’impression que certaines interventions s’étaient produites et que Kaltenbrunner ne put mettre ses intentions à exécution.
Etait-il donc contre ces traitements inhumains ?
Il m’a toujours dit qu’il voulait qu’on les transfère dans un camp de prisonniers de guerre, ce qui était évidemment une amélioration considérable.
Je n’ai plus de questions à poser.
Docteur Horn, voulez-vous que l’on continue le contre-interrogatoire ?
Je n’ai pas d’autres questions à poser au témoin.
Ribbentrop était-il pour la violation du Traité de Versailles, ou y était-il opposé ?
Je dirais...
Voulez-vous répondre oui ou non d’abord, et expliquer ensuite.
Il voulait une modification du Traité.
Est-ce que Ribbentrop était pour la réoccupation de la Rhénanie ?
A cette époque, je ne connaissais pas Ribbentrop. Par conséquent, je ne peux pas répondre à cette question.
Est-ce que Ribbentrop était contre le réarmement ?
Je ne le connaissais pas à cette époque, aussi ne puis-je répondre à cette question. Je le vis pour la première fois en 1936.
Etait-il pour l’Anschluss ?
Je le pense.
Etait-il pour le Pacte Tripartite ?
Oui.
C’est tout.
Le témoin peut se retirer.
J’ai terminé hier la présentation de mes documents sur Ribbentrop par le n° 10. Me basant sur ce document, page 35 du livre de documents, j’établissais que von Ribbentrop faisait une politique étrangère conforme aux directives politiques de Hitler. Je voudrais, avec les documents qui suivent, évoquer la situation internationale à laquelle eut à faire face von Ribbentrop lorsqu’il occupa son poste en février 1938.
Je prie le Tribunal de bien vouloir admettre d’office les documents suivants, dont j’indiquerai les numéros, sans qu’il me soit nécessaire d’en faire la lecture, afin, que, plus tard, je puisse m’y référer dans ma plaidoirie.
Le premier de ces documents est celui qui porte le n° 14, Ribbentrop. Il s’agit d’un extrait des Dokumente der Deutschen Politik, volume 1. Il porte comme en-tête « Proclamation du Gouvernement du Reich au peuple allemand du 1er février 1935 ». Ce document décrit brièvement la situation qui régnait alors en Allemagne et les projets du Gouvernement de Hitler qui venait de prendre le pouvoir le 30 janvier 1933.
Le document suivant — je prie le Tribunal de l’admettre d’office — est le document Ribbentrop n° 15. Il est également tiré des Dokumente der Deutschen Politik. Il porte comme en-tête : « Allocution d’Adolf Hitler à l’occasion de la cérémonie de Potsdam du 21 mars 1933 ». On y trouve des déclarations importantes sur la politique intérieure et extérieure du nouveau Gouvernement.
Le document suivant — je prie le Tribunal de l’admettre d’office — est le document n° 16 Ribbentrop. Il s’agit ici encore d’un document tiré du recueil dont je viens de parler. Ce document est intitulé : « Discours d’Adolf Hitler sur son programme à la réunion du Reichstag à l’Opéra Kroll, le 23 mars 1933 ».
Je prie le Tribunal d’admettre d’office le document suivant, document Ribbentrop n° 17. C’est encore un extrait des Dokumente der Deutschen Politik.
Il m’est désagréable d’avoir à vous interrompre, Docteur Horn, mais pas un seul des documents cités par vous, du n° 14 au n° 44 inclus, n’a été mis à la disposition du Ministère Public soviétique. Il ne semble donc pas que nous puissions être de quelque secours au Tribunal dans l’examen de ces documents tant que nous ne les aurons pas reçus. Je pense que le Tribunal jugera utile de remettre l’examen de ces documents jusqu’à ce que le Ministère Public soviétique soit entré en leur possession.
Puis-je donner de brèves explications à ce sujet ? Je me suis renseigné pour savoir où en étaient les traductions. J’ai remis mes documents dans les délais prescrits, les premiers il y a trois semaines et les derniers il y a dix jours environ. On m’a annoncé que le service de traduction disposait malheureusement de trop peu de traducteurs français et russes pour pouvoir traduire les documents aussi rapidement dans ces deux langues qu’en anglais. Ce sont, bien entendu, des contingences auxquelles je ne puis rien.
Docteur Horn, le Tribunal reconnaît que vous avez fait tout ce que vous pouviez pour remplir vos obligations et croit donc que les documents doivent être déposés, sous réserve de pouvoir formuler des objections après la remise des traductions.
Oui, Monsieur le Président. J’ai déjà, par précaution, informé le colonel Pokrovsky de cet état de choses sans savoir d’ailleurs quels documents avaient été traduits en russe. Je n’ai pu faire davantage, étant donné que le reste n’est pas en mon pouvoir.
Peut-être serait-il possible au Dr Horn d’exposer brièvement pour chaque document les raisons pour lesquelles il le présente. Je sais que nous aurons des objections à présenter pour certains, mais une partie de ces objections pourrait être évitée si nous avions auparavant une vue claire des buts du Dr Horn.
Monsieur Dodd, le Dr Horn est sur le point de déposer des documents assez nombreux d’ailleurs devant le Tribunal pour qu’il les admette d’office. Si le Ministère Public veut soulever quelque objection, il serait préférable qu’il le fasse postérieurement.
Je pensais que ce serait simplifier et nous épargner d’intervenir souvent que de nous donner un aperçu des buts poursuivis en déposant les documents.
Je crois que cela prendrait plus de temps.
Puis-je donner quelques éclaircissements sur la question ?
Depuis 1933, mon client a occupé des postes officiels qui l’ont étroitement associé à la politique étrangère. Il est accusé d’avoir mené une politique étrangère qui visait à une guerre d’agression. A l’aide de ces documents, je montrerai au Tribunal comment cette politique s’est développée et prouverai que l’accusé von Ribbentrop a fait des efforts continus et répétés pour éviter une guerre d’agression.
Le document Ribbentrop n° 17, par exemple, que je prie le Tribunal de bien vouloir admettre, — il se trouve au livre de documents, page 40 — renferme un discours d’Adolf Hitler prononcé le 17 mai 1933 devant le Reichstag allemand et concernant la politique pacifique du national-socialisme. Ce document du 17 mai 1933, je le produis...
Oui. continuez, Docteur Horn.
... pour démontrer la volonté générale de désarmement de l’Allemagne, et le fait que le Gouvernement du Reich a accompli des efforts pour contribuer à une paix générale en Europe.
Je prie le Tribunal de bien vouloir admettre d’office le document suivant, Ribbentrop n° 18. Il s’agit encore d’un document tiré de la même collection. Il porte comme en-tête : « Traité d’accord et de collaboration du 15 juillet 1933 ». Il est connu sous le nom de Pacte à quatre et se trouve à la page 42 du livre de documents. Ce Pacte à quatre suggéré par Mussolini entre l’Allemagne, la France, l’Angleterre et l’Italie, avait pour but d’arriver à un désarmement général et avant tout de rendre effectif la clause de révision n° 19 du Pacte de la Société des Nations. Mais ce Pacte n’entra pas en vigueur parce que la France ne le ratifia pas.
Comme pièce suivante, je prie le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office, le document Ribbentrop n° 20. Il s’agit là d’une
« Proclamation du Gouvernement du Reich au peuple allemand à la suite de son retrait de la Société des Nations, le 14 octobre 1933 ». Cette proclamation du Gouvernement du Reich établit la faillite de la conférence du Désarmement et donne brièvement les motifs qui amenèrent l’Allemagne à se retirer de la Société des Nations. A la suite de cette proclamation, Hitler tint le jour même un discours à la radio, où il justifia le retrait de l’Allemagne de la Société des Nations. Ce discours, je le soumets au Tribunal, sous la référence Ribbentrop n° 21, en le priant de bien vouloir l’admettre d’office. Il figure à la page 45 du livre de documents.
Pour justifier cette politique étrangère ou plutôt pour obtenir ratification de cette politique, le Président du Reich, von Hindenburg, fit, le 11 novembre 1933, un discours appelant aux urnes le peuple allemand. La proclamation figure au document Ribbentrop n° 23 et se trouve à la page 48 du livre de documents. Je la produis au Tribunal en priant ce dernier de l’admettre d’office.
En outre, je vous demande la même chose pour le document Ribbentrop n° 24 dans lequel le résultat des élections est rendu public. Il se trouve à la page 49 du livre de documents qui est placé devant vous.
Au sujet de la politique de désarmement, l’Allemagne, le 18 décembre 1933, fit paraître un mémorandum pour préciser la position prise par elle à propos du problème du désarmement. Ce document Ribbentrop n° 25, je prie le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office.
Le document suivant se trouve à la page 51 du livre de documents et décrit les négociations pour le désarmement et le point de vue de l’Allemagne dans ces négociations. Je prie le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office ; c’est le document Ribbentrop n° 26. Il se trouve à la page 51 de mon livre de documents et porte l’en-tête : « Mémorandum sur le désarmement du 19 janvier 1934 ».
Le point de vue allemand sur le désarmement est à nouveau exposé dans le document suivant, Ribbentrop n° 27, à la page 53 du livre de documents, qui est intitulé : « Mémorandum allemand du 13 mars 1934 ». Je prie le Tribunal de l’admettre d’office.
Le Gouvernement allemand répondit le 16 avril 1934 à un mémorandum anglais sur le désarmement par un aide-mémoire au Gouvernement britannique. Je prie le Tribunal d’admettre d’office ce document Ribbentrop n° 28.
Dans le cadre des négociations de désarmement, la France proposa en 1934 un pacte, connu sous le nom de Pacte de l’Est. Le Gouvernement allemand fit connaître son point de vue sur ce Pacte de l’Est, le 10 septembre 1934, dans un communiqué du Gouvernement du Reich allemand, qui figure à la page 56 du livre de documents, que je présente comme document Ribbentrop n° 30, en priant le Tribunal de bien vouloir à nouveau l’admettre d’office.
Le document suivant figure à la page 57. Je le présente comme pièce Ribbentrop n° 31 et je vous prie également de l’admettre d’office. Il est constitué par un extrait des Dokumente der Deutschen Politik, volume 3, en l’occurrence la réponse du Gouvernement du Reich en date du 14 février 1935 aux propositions de Londres de pacte aérien. Pour ce qui est de ce pacte aérien, la position de l’Allemagne était la suivante (je cite ce document, deuxième paragraphe) :
« Le Gouvernement allemand accueille avec faveur la proposition tendant à accroître la protection contre des attaques aériennes brusquées par la voie d’un accord qui devra être conclu aussi rapidement que possible et qui prévoiera l’utilisation immédiate des forces aériennes des signataires en faveur de la victime d’une attaque aérienne non provoquée. »
En 1935, le service militaire obligatoire fut rétabli en Allemagne. A cette occasion, le Gouvernement du Reich s’adressa par proclamation au peuple allemand. Cette proclamation se trouve à la page 59 du livre de documents et constitue la pièce Ribbentrop n° 37. Je dépose cet extrait de la proclamation en demandant qu’il soit admis d’office.
La pièce Ribbentrop n° 34 est un communiqué du Gouvernement du Reich en date du 14 avril 1935, définissant l’attitude de l’Allemagne vis-à-vis du Pacte de l’Est. Il se trouve à la page 61 du livre de documents et je prie le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office sans qu’il soit cité.
L’introduction du service militaire obligatoire fut considérée par les signataires du Traité de Versailles comme une violation de l’article V de ce Traité. Ces Etats protestèrent contre la réintroduction du service militaire obligatoire en Allemagne. Le Gouvernement du Reich éleva une protestation contre les décisions du Conseil de la Société des Nations du 17 avril 1935, qui figure à la page 63 du livre de documents. C’est le document Ribbentrop n° 35 et je prie le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office.
Dans ce document, le Gouvernement allemand conteste aux Gouvernements représentés à la Société des Nations qui auraient approuvé la décision du 17 avril le droit de s’ériger en juges de l’Allemagne. L’Allemagne déclare dans cette protestation qu’elle considère le comportement du Conseil comme une nouvelle manifestation de suspicion vis-à-vis de l’Allemagne et qu’elle la repousse par conséquent.
Je passe ensuite au document Ribbentrop n° 36 qui figure à la page 64 du livre de documents. Il s’agit du mémoire allemand aux Puissances de Locarno du 25 mai 1935. Ce mémoire concerne l’incompatibilité du Pacte soviétique avec le Traité de Locarno. L’accusé Ribbentrop prit une part prépondérante aux négociations qui conduisirent à la rédaction de ce mémorandum et à la présentation du point de vue allemand devant la Société des Nations et devant les Puissances de Locarno. Je demande au Tribunal d’admettre d’office ce document car il contient la position juridique de l’Allemagne à l’égard de ce problème.
Vous trouverez à la page 68 du livre de documents, pièce Ribbentrop n° 36, un autre mémoire aux Puissances de Locarno. Ce document expose de nouveau brièvement l’incompatibilité du Pacte soviétique avec le Traité de Locarno. Je vous prie de bien vouloir admettre d’office ce mémoire du 25 mai 1935 aux Puissances de Locarno.
Les considérations juridiques qui formaient la base de ce mémorandum furent détaillées dans un discours de Hitler tenu au Reichstag le 21 mai 1935 et qui démontrait à nouveau la volonté de paix de l’Allemagne ainsi que son désir de désarmer. En même temps, von Ribbentrop communiqua les propositions allemandes de désarmement à Londres. Je prie le Tribunal de bien vouloir admettre d’office ce document, ce discours de Hitler, comme pièce Ribbentrop n° 37. Elle se trouve aux pages 69 et suivantes de mon livre de documents.
Le document suivant prouve que l’Allemagne fit des efforts prolongés pour amener un désarmement, de même que des efforts de conciliation. Je présente la pièce Ribbentrop n° 38, page 77 du livre de documents. Il s’agit de l’accord naval anglo-allemand du 18 juin 1935 auquel Ribbentrop fut particulièrement mêlé et dont la ratification fut l’objet de toute sa sollicitude En outre, il amena le Gouvernement français, en particulier à la suite de démarches personnelles, à donner son accord à ce traité. Cela était devenu nécessaire car ce traité naval rendait indispensable une refonte de l’article 5, déjà mentionné, du Traité de Versailles, relatif au désarmement et contenant certaines dispositions sur les armements. Ribbentrop réussit à amener le Gouvernement français à donner son accord. Je présente ce document comme pièce Ribbentrop n° 38, en vous priant de bien vouloir l’admettre d’office.
Je puis encore ajouter ici que ce traité était, à l’époque, considéré, aussi bien par von Ribbentrop que par Hitler, comme la pierre angulaire d’un projet à long terme d’entente complète et d’alliance entre l’Allemagne et l’Angleterre. Von Ribbentrop, pendant les années qui ont suivi, c’est-à-dire pendant son séjour comme ambassadeur à Londres et en tant que ministre des Affaires étrangères, s’est constamment efforcé de faire aboutir ce traité entre l’Allemagne et l’Angleterre.
Je présente maintenant le document suivant, la pièce Ribbentrop n° 39, à la page 79 du livre de documents.
En ce qui concerne la réoccupation de la Rhénanie, le Gouvernement allemand se vit encore une fois dans l’obligation, le 7 mars 1936, de préciser son attitude dans un mémoire adressé aux Puissances signataires du Pacte de Locarno. Ce point de vue se trouve exprimé dans le document Ribbentrop n° 39 et je prie à nouveau le Tribunal de bien vouloir l’admettre d’office.
L’occupation de la Rhénanie a amené les protestations des Puissances intéressées. Pour leur répondre, von Ribbentrop tint un discours devant le Conseil de la Société des Nations à Londres, puis éleva encore une autre protestation au Conseil de la Société des Nations, en réplique à celle des Puissances qui avaient signé le Pacte de Locarno. Je la dépose comme pièce Ribbentrop n° 40. Elle se trouve à la page 83 du livre de documents et je vous prie à nouveau de bien vouloir l’admettre d’office.
Le document suivant est le Ribbentrop n° 41 qui figure à la page 84 du livre de documents. Je vous prie de bien vouloir l’admettre d’office. Il expose les dernières propositions de l’Allemagne dans le cadre des plans de désarmement d’alors et porte comme titre : « Plans de paix du cabinet allemand, en date du 31 mars 1936 ».
L’Allemagne, dans les années suivantes, a toujours fait des efforts afin de réduire les possibilités de guerre. Dès 1937, les relations germano-italiennes étaient devenues très étroites et, faisant allusion à ces relations, Hitler, le 30 janvier 1937, à l’occasion du quatrième anniversaire de la révolution nationale-socialiste, tint un grand discours devant le Reichstag à l’Opéra Kroll de Berlin, et il proposa de conclure des accords avec d’autres nations européennes sur le modèle des accords germano-italiens, pour parvenir à des relations harmonieuses. Je vous prie de retenir ce document comme pièce Ribbentrop n° 43. Il figure à la page 88 du livre de documents.
Ce document demande à nouveau la rétractation du mensonge selon lequel l’Allemagne aurait été la cause de la première guerre mondiale. Je n’en cite que le troisième paragraphe à partir du haut :
« Avant tout, je retire solennellement, par la présente la signature du peuple allemand apposée autrefois par un Gouvernement faible, au bas d’une déclaration qui lui fut extorquée contre sa saine appréciation et selon laquelle l’Allemagne aurait été responsable de la guerre ». J’apporte ensuite...
Je vous demande pardon. Parlez-vous du document 44 ?
Oui, je m’excuse, j’ai oublié de le mentionner. Je me suis en effet référé au document n° 43, qui figure à la page 88 du livre de documents.
Vous avez lu un extrait de ce document qui ne me semble pas avoir été traduit ici.
Si j’ai bien compris, Monsieur le Président, la traduction anglaise ne figure pas au livre de documents ?
Je n’en suis pas très sûr. Je ne l’ai pas trouvée. Avez-vous lu quelque passage qui ne figure pas au livre de documents ?
Non, Monsieur le Président, je n’ai cité que ce qui figure au livre de documents. Vous trouverez le passage à la page 88, paragraphe 3, plus précisément au paragraphe qui commence par : « Et, quatrièmement... »
Troisièmement, n’est-ce pas ?
C’est cela, le troisième paragraphe. Ce paragraphe est lui-même partagé en quatre sous-paragraphes et j’en ai lu le quatrième. J’en arrive maintenant au document Ribbentrop n° 44 qui figure à la page 9 du livre de documents. Ce document renferme la note allemande en date du 13 octobre 1937 sur l’inviolabilité de la Belgique. Ce document est très important par rapport aux événements de 1940. Afin de faire clairement comprendre le point de vue allemand, j’en lirai le dernier paragraphe, qui figure au livre de documents à la page 91, désigné par un II romain. Je cite :
« Le Gouvernement allemand affirme que l’inviolabilité et l’intégrité territoriale de la Belgique, sont d’un intérêt commun pour les Puissances de l’Ouest. L’Allemagne confirme sa détermination de ne porter atteinte à cette inviolabilité et à cette intégrité en aucune circonstance, et de respecter le territoire belge à tous moments, sauf naturellement dans le cas où la Belgique participerait à un conflit armé dirigé contre l’Allemagne. »
Je vous prie de bien vouloir admettre d’office ce document. Je termine ainsi la série des documents que j’ai l’intention d’utiliser pour ma plaidoirie, afin d’exposer les conditions politiques que Ribbentrop a trouvées lorsqu’il a été nommé ministre dés Affaires étrangères. En temps voulu, je me référerai à ces documents.
Les avez-vous déposés au secrétariat du Tribunal ?
Oui, j’ai, à la suite de la conversation d’hier, encore une fois revu ces documents, je les ai signés et les ai remis à M. le Secrétaire général. Les documents que je présente contribueront à étayer mes déclarations à venir sur la participation de Ribbentrop à la politique qui a conduit à l’Anschluss de l’Autriche.
Tout d’abord je me référerai à un document déjà présenté par le Ministère Public, le document PS-386, contenu au livre de documents. Malheureusement, je ne suis pas en mesure de communiquer la pagination au Tribunal car nous n’avons pas encore reçu le livre de documents qui s’y rapporte. Ce document suit le document Ribbentrop n° 44 qui figure à la page 90 du livre de documents.
Le document n° 44 est la dernière pièce du second livre de documents. Il n’y en a pas d’autres n’est-ce pas ?
J’ai appris aujourd’hui que le livre de documents en langue anglaise est terminé et a été remis au Tribunal. Nous ne l’avons malheureusement pas encore reçu et, ce faisant, je ne pourrai pas indiquer la pagination correspondante.
Nous n’avons pas reçu ce document. Nous n’avons que ces deux livres de documents et la dernière pièce du deuxième livre est le n° 44 que vous venez de lire.
Docteur Horn, puisque ce document a déjà été déposé, il n’est pas nécessaire que vous le représentiez, il suffit de dire que vous vous y référez.
Oui, Monsieur le Président, mais je crois que nous devons prendre immédiatement une décision dans l’intérêt de la suite de la présentation. Je désire encore une fois préciser qu’après que le Tribunal eût fait connaître ses décisions sur la façon dont les documents devaient être présentés, j’ai immédiatement communiqué au Tribunal dans les formes prescrites, aux fins de traduction, mes documents, c’est-à-dire les livres de documents revêtus de ma signature. Malheureusement, le service de traduction n’a pu en finir dans les délais et la Défense au moment de présenter ses preuves est dans la pénible situation de ne pouvoir faciliter la tâche du Tribunal en lui indiquant les pages et rendant ainsi mon exposé plus facile à suivre. Continuerai-je néanmoins ?
Oui, Docteur Horn, nous pensons que le mieux est que vous continuiez. Signalez-nous simplement la nature des documents, s’ils ont déjà été déposés ou si vous le faites seulement.
Vous nous avez parlé du document PS-386. Nous pouvons prendre note du fait qu’il a déjà été déposé. Je ne sais pas si tous vos autres documents ont déjà été déposés, ou s’il en est que vous voulez présenter pour la première fois ?
Les documents suivants sont nouveaux. Pour le n° PS-386 je voudrais simplement préciser que Ribbentrop n’était pas présent. C’est le document Hossbach bien connu. Ribbentrop n’en a eu connaissance qu’ici, à Nuremberg.
Le document auquel je me référerai dans ma plaidoirie a déjà été présenté par l’Accusation ; c’est le PC-2461. C’est une communication allemande officielle sur la rencontre du Führer, Chancelier du Reich, avec le Chancelier fédéral autrichien Schuschnigg, à Berchtesgaden, les 12 et 15 février 1938. Je me réfère à ce document pour indiquer dans quelle mesure Ribbentrop a pris part à ces conversations.
Le document auquel je me réfère maintenant et que je demanderai au Tribunal est la pièce Ribbentrop n° 11 qui figure au livre de documents. Cette pièce...
Docteur Horn, le Tribunal ne pense pas qu’il soit nécessaire que vous vous référiez à des documents ayant déjà été déposés en totalité, à moins que vous ne désiriez lire ou vous reporter à un passage de ces documents n’ayant pas encore été lu.
Je m’explique : à supposer que le Ministère Public ait lu une phrase donnée d’un certain document et que vous désiriez vous référer à une autre phrase du même document, il est sans doute souhaitable que vous le mentionniez, mais si le document a été lu en entier, toute nouvelle référence en devient une simple matière à discussion et cesse de constituer une administration de preuves. Il vous est alors loisible, comprenez-moi bien, d’en discuter au moment de votre plaidoirie, à quelque moment où elle intervienne. De telle façon que, pour gagner du temps, il n’est pas nécessaire que vous vous référiez aux documents PS-386 et PS-2461, à moins que vous vouliez vous référer plus particulièrement à un passage qui n’ait pas encore été lu par le Ministère Public.
Bien. Je peux donc me référer au document Ribbentrop n° 11 que je prie le Tribunal d’admettre d’office. Il concerne un accord entre le Gouvernement du Reich allemand et le Gouvernement fédéral autrichien en date du 11 juillet 1936. Lorsque von Ribbentrop, le 12 février 1938, se rendit à Berchtesgaden avec Hitler afin de s’entretenir avec le Dr Schuschnigg alors Chancelier fédéral autrichien, il conduisit ses entretiens dans l’esprit des accords de 1936 entre l’Allemagne et l’Autriche, car il ne savait pas que les plans de Hitler avaient changé. A la suite de cela, un mois plus tard, c’était l’Anschluss et l’Autriche était rattachée au Reich. Pour prouver que cet Anschluss correspondait au désir du peuple autrichien, je me réfère au document Ribbentrop n° 12 que je présente au Tribunal en le priant de l’admettre d’office. Il est constitué par les résultats du plébiscite et des élections au Reichstag Grand Allemand du 10 avril 1938. De ce document il ressort que 4.484.475 personnes avaient droit de vote dans toute l’Autriche, que 4, 471.477 votèrent, dont 4.453.772 pour l’Anschluss et 11.929 contre.
Avons-nous ce document ? Je ne le vois pas dans notre livre. Le greffier du Tribunal l’a-t-il ?
Il figure dans le livre de documents ; c’est la pièce Ribbentrop n° 12.
Il saute, pour une raison ou pour une autre, de 10 à 14. Laissez-moi voir, il y a visiblement une erreur. Il n’a pas été recopié, c’est tout. Il ne figure pas dans notre livre, mais je l’ai ici et cela suffit. Continuez.
Monsieur le Président, il ressort de ce document, qu’à cette époque le peuple autrichien se prononça par 99,73 % des voix pour l’Anschluss.
Le document Ribbentrop n° 13 vient ensuite et je prie le Tribunal de l’admettre d’office. Je le présente pour prouver que non seulement le Gouvernement allemand mais encore le Gouvernement anglais considéraient que la question de l’Anschluss ne pouvait être résolue par des négociations internationales. Pour prouver cette affirmation, je ferai la citation suivante. Il s’agit d’une déclaration à la Chambre des Communes du sous-secrétaire d’Etat Butler du 14 mars 1938. Je cite :
« Le Gouvernement anglais a examiné avec les « amis de « l’Entente de Genève » la nouvelle situation, et il a estimé à l’unanimité — je souligne le mot « unanimité » — qu’une discussion à Genève de la situation autrichienne ne donnerait aucun résultat satisfaisant mais conduirait probablement à une nouvelle humiliation. Le sous-secrétaire a déclaré que l’Angleterre ne s’était pas chargée de garantir de façon spéciale l’indépendance de l’Autriche imposée par le Traité de Saint-Germain. »
Je vous prie de bien vouloir admettre d’office ce document. A la suite de tout ceci, eut lieu la réunion au Reich allemand de l’Autriche, par la loi du 13 mars 1938, également signée de von Ribbentrop.
Je termine ici la présentation de ceux de mes documents qui se rapportent à la question autrichienne. Maintenant...
Un instant, s’il vous plaît, Docteur Horn. Le Tribunal désire perdre le moins de temps possible. D’après l’index de votre livre, nous avons constaté qu’il y a peut-être plus de 300 documents différents sur lesquels vous désirez vous appuyer. La plupart semblent être tirés de différents livres, des Livres Blancs allemands en particulier, dont le Tribunal a permis provisoirement l’utilisation. Ne serait-il pas plus simple de déposer tous ensemble les documents 44 à 314, si je ne me trompe, au lieu de détailler isolément chaque document ? S’il y a des extraits que vous désirez lire alors, vous pouvez le faire, mais encore une fois, il me semble inutile de perdre du temps à énumérer chaque document l’un après l’autre.
Bien, Monsieur le Président. Je donnerai donc brièvement les numéros des documents que je désire voir admettre d’office de tant à tant quand il s’agira de plusieurs numéros et prierai le Tribunal de les accepter ainsi.
Bien.
Je vais maintenant aborder la question de la Tchécoslovaquie. Dans son accusation, le Procureur américain a dit à son sujet qu’elle marquait la fin d’une série d’événements qui l’auraient frappé comme l’un des plus tristes moments de l’Histoire, la violation et la suppression par la force de la faible Tchécoslovaquie et de son petit peuple.
Pour prouver qu’il n’a jamais existé de peuple tchécoslovaque, au sens habituel du terme, avant ou après 1939, je désirerais lire quelques passages du livre de Lord Rothermere, Avertissements et prophéties, conformément à l’autorisation qui m’a été expressément accordée par une décision du Tribunal. Il constitue le document Ribbentrop n° 45.
Le Tribunal vous a-t-il autorisé à présenter ce livre ?
Le Tribunal m’y a autorisé et a même mis à ma disposition un exemplaire en anglais de ce livre que je remets au Tribunal.
Docteur Horn, il a été convenu que la question d’admissibilité serait tranchée de façon définitive quand chaque ouvrage serait présenté comme preuve. Je pense que vous vous souvenez de ce que le Tribunal a déclaré dans une de ses décisions, que les opinions d’auteurs particuliers sur des questions d’ethnique, d’histoire ou sur des événements ne devaient pas être admises.
Lord Rothermere est évidemment un auteur et non un membre du Gouvernement britannique et par conséquent, à moins qu’il n’existe une raison tout à fait particulière, il ne semble pas que ces livres — ou les déclarations qu’ils contiennent — aient, en quelque façon, valeur probatoire.
Les paragraphes que je veux soumettre traitent de faits concrets. C’est pourquoi je prie le Tribunal de bien vouloir admettre d’office ces faits. Il ne s’agit nullement de polémiques ni de discussion.
La distinction est la suivante : d’après l’article 21, le Tribunal doit admettre d’office les documents officiels de gouvernement, les rapports, etc. Ce document n’est pas un document officiel de gouvernement. Par conséquent — vous dites qu’il s’agit d’une preuve de faits concrets — les faits qui s’y trouvent relatés ne constituent pas des preuves dans le cadre de ce Tribunal. Pour autant qu’il s’agisse de faits, ce ne sont pas des preuves de faits et pour autant qu’il s’agisse d’une opinion, ce n’est que l’opinion de Lord Rothermere.
Docteur Horn, pouvez-vous me dire ce que vous avez l’intention de prouver par ce livre ?
Je voudrais prouver à l’aide de ce livre, d’abord quelques faits historiques, puisque les difficultés ethniques en Tchécoslovaquie conduisirent à un conflit avec la minorité allemande et, en conséquence, avec le Gouvernement allemand. Je voudrais vous montrer les motifs qui ont amené l’annexion du pays des Sudètes au Reich.
Plaise à Votre Honneur. Au nom des Etats-Unis, je m’élève très vivement contre les deux raisons exposées par le Dr Horn pour la présentation de ce document. Si j’ai bien compris, la traduction, il a dit « proposer de prouver qu’il n’existait pas de peuple tchèque ». Je pense qu’il est déplacé de discuter une telle question et de développer une telle argumentation devant le Tribunal. Nous nous élevons aussi contre les raisons données par le Dr Horn dans sa seconde déclaration.
Puis-je souligner encore que je désire exposer les motifs de la séparation du pays des Sudètes en 1938 ? Si je veux prendre position sur quelque atteinte au droit des peuples, de la nature de celle reprochée et pouvoir la juger, je dois avoir la possibilité d’en apprécier les causes. Sans cela je ne puis poursuivre ma démonstration.
J’ajoute encore que j’ai demandé au Tribunal les archives de la Société des Nations à titre de preuves. Si j’avais reçu en temps utile ces documents, j’aurais pu m’y référer ; mais ne les ayant pas obtenus jusqu’à maintenant, j’ai voulu, à leur place, exposer ces faits au Tribunal.
Voulez-vous répéter ce que vous avez dit au sujet de la Société des Nations, je n’ai pas bien compris.
J’ai demandé à la bibliothèque de la Société des Nations les documents concernant les minorités, qui se trouvent en effet en la possession de cet organisme, afin de les produire comme preuves. Le Secrétariat général les fait rechercher mais, jusqu’à maintenant, je n’ai pu les obtenir. C’est pourquoi j’ai dû me référer à cette documentation, à la vérité, assez subjective, à des documents se rattachant aux rapports gouvernementaux mentionnés à l’article 2, ou qui même constituent de tels rapports.
Avez-vous explicitement indiqué les passages auxquels vous désirez vous référer ? Les avez-vous consignés sur quelque exemplaire du livre ?
J’ai demandé les archives sur les minorités en Tchécoslovaquie, tout au moins celles qui ont fait l’objet de décisions juridiques, à la Société des Nations ou au Tribunal International de La Haye. Il s’agit d’une collection publiée régulièrement par la Société des Nations et qui traite des questions des minorités. C’est une collection officielle de documents.
Je n’ai pas vu les documents, aussi je ne puis rien dire sur cette question. Mais je pense que le mieux serait que vous procédiez par la suite de la façon que j’ai proposée.
Oui, Monsieur le Président. Puis-je présenter la documentation se rapportant au réarmement, aussi bien militaire qu’économique et mettant à jour en même temps la coopération entre la Grande-Bretagne et la France ? Ce sont les documents 51 à 62 de mon livre de documents. Je demande au Tribunal de les admettre d’office. J’en arrive maintenant à la question de la Slovaquie. Je fournirai comme preuve du fait que la Slovaquie demanda officiellement la protection de l’Allemagne, les documents Ribbentrop 63, 64 et 65, que je soumets au Tribunal en demandant de les admettre d’office. Sur ces questions, j’interrogerai également l’accusé Ribbentrop sur ce sujet lorsqu’il comparaîtra à la barre.
J’en viens aux documents 66 à 69 et je demande au Tribunal de les admettre d’office. Ils contiennent diverses descriptions des réactions de l’Angleterre lors de l’occupation par l’Allemagne, le 15 mars 1939, de ce qui restait de la Tchéquie. J’apporterai des précisions sur les événements qui aboutirent à la création du Protectorat en interrogeant à nouveau l’accusé von Ribbentrop à propos de chacun des documents.
La série suivante de documents que je présenterai au Tribunal se compose de documents ayant trait à l’article 99 du Traité de Versailles et plus précisément au statut international de Memel. Ce sont les documents 70 et 71 de mon livre de documents. Du fait que, conformément à la pratique suivie jusqu’à maintenant pour la présentation des preuves, je ne m’étais pas préparé à aller au delà de ce document aujourd’hui, je voudrais demander la permission au Tribunal de présenter demain les documents suivants. J’avais pensé, en effet, m’en tenant à ce qui avait été pratiqué jusqu’à présent avec l’agrément du Tribunal à savoir : la lecture d’extraits de ces documents avec quelques commentaires pour éclairer le sens et les transitions, ne pouvoir aller plus loin que ce document.
Docteur Horn, pourquoi ne les présentez-vous pas tous aujourd’hui ? Vous dites posséder un index de ces documents ; il vous suffit de déclarer que vous désirez présenter comme preuve les documents 71 à 300 et quelques, ils sont ainsi introduits. Ainsi, si le Ministère Public souhaite élever des objections, vous pourrez prendre position à leur sujet.
Puis-je m’entretenir un instant avec mon collègue pour lui demander s’il dispose ici de la documentation qui me permettrait de présenter au Tribunal les différentes séries de questions ? Puis-je encore vous demander, Monsieur le Président, si je comprends bien la décision du Tribunal : nous ne devons plus procéder ici à des démonstrations, mais simplement présenter les documents sans traiter de leur contenu ?
Quand ces documents seront remis à la traduction, ce que vous avez déjà fait si je vous ai bien compris, ou sinon ce que vous ferez incessamment, vous soulignerez sans doute les passages sur lesquels vous souhaitez vous appuyer. Pour les livres, vous indiquerez seulement certains passages et pour les documents, les points sur lesquels vous vous appuyez. C’est ce que nous vous avons demandé. Vous avez attribué à ces documents des numéros d’ordre et dans votre livre de documents des numéros de dépôt. Tout ce qui vous reste à faire c’est de les présenter au Tribunal. Quand ils auront été traduits, le Ministère Public sera en mesure de formuler, si besoin est, des objections tirées de leur caractère cumulatif ou non admissible ou pour toute autre raison. Vous aurez la possibilité, si c’est nécessaire, de prendre alors position.
Tout ce que nous désirons maintenant c’est que vous poursuiviez. Le Tribunal ne voit pas quelle difficulté vous pouvez rencontrer dans la présentation de ces documents qui figurent tous sans exception dans l’index de votre livre de documents.
Jusqu’à présent, il était de règle au Tribunal que, lors de l’intervention de la Défense, nous ne nous contentions pas de présenter nos documents mais que nous les accompagnions d’un texte exposant notre attitude. Récemment, M. Justice Jackson suggérait au contraire que nous présentions les documents en bloc afin que le Ministère Public puisse ensuite formuler si nécessaire des objections sur chaque document séparément, sans que ceux-ci aient été présentés.
Sur l’intervention du Dr Rudolf Dix, cette suggestion fut rejetée par le Tribunal qui voulait s’en tenir à la procédure déjà existante, c’est-à-dire à une présentation des documents avec un texte explicatif à l’appui. Maintenant nous en venons à un abandon complet de cette procédure pour communiquer les documents en bloc au Tribunal dans le but de les faire admettre d’office. Il y a une telle différence que nous devons d’abord regrouper la documentation afin de pouvoir la communiquer en ordre au Tribunal. Jusqu’à maintenant, en effet, nous nous étions contentés de présenter le contenu de chacun de ces documents.
Je n’ai connaissance d’aucune décision du Tribunal prévoyant un texte explicatif. Nous n’avons pas davantage décidé que vous ne devriez plus lire aucun passage tiré des documents présentés, mais que ces documents seraient présentés et versés comme preuves, que les passages sur lesquels vous vous appuyez seraient signalés, que le Ministère Public pourrait alors faire connaître ses objections, objecter contre tel ou tel document jugé non pertinent et ne méritant pas d’être traduit et que le Tribunal trancherait, s’il y a lieu, toute contestation à ce sujet. Docteur Horn, vous pouvez naturellement présenter à vos témoins n’importe quel document en cours d’interrogatoire et demander des explications ; cette manière de procéder ne signifie pas que vous deviez vous limiter à la seule présentation en bloc des documents.
Monsieur le Président, puis-je ajouter un mot ? La question apparaît si importante que je ne voudrais pas faire le moindre tort à mes collègues. Je désirerais donc pouvoir conférer d’abord avec eux. Il s’agit nettement d’un abandon total de la procédure suivie précédemment et qui avait été ratifiée par la Défense. Aussi je ne voudrais pas prendre sur moi de changer la moindre chose de ma propre initiative et de compromettre ainsi mes collègues. J’espère que vous voudrez bien le comprendre, Monsieur le Président.
Docteur Horn, la seule décision que le Tribunal ait prise en la matière est, autant que je sache, la suivante : décision du 4 février 1946, 2 (a).
« Durant la présentation du cas d’un accusé, l’avocat de cet accusé lira les documents, questionnera les témoins et fera tels brefs commentaires sur les documents qui apparaîtront indispensables pour leur compréhension. »
Monsieur le Président, la seule manière pour nous de comprendre cette règle est que l’on nous accorde approximative-ment la même procédure qu’au Ministère Public. C’est en effet un des principes fondamentaux de procédure, qu’entre l’Accusation et la Défense, existe une certaine égalité de droits.
Nous sommes donc prêts, pour gagner du temps, à accéder aux désirs du Tribunal en présentant en bloc les documents se rapportant à une même question si l’on nous réserve néanmoins le droit de procéder aux commentaires de fond nécessaires à la compréhension de l’ensemble. Cette possibilité nous serait enlevée si nous devions présenter sur-le-champ en bloc notre documentation sans pouvoir donner d’explications de cette sorte, car nous ne pourrions commenter séparément un document si nous devions, par exemple, présenter en bloc dix documents sur une question déterminée.
Docteur Horn, le Tribunal va suspendre l’audience quelques minutes afin de pouvoir discuter la question et fera, tout de suite après, connaître sa décision afin que vous puissiez vous préparer pour demain dans le sens qu’il aura arrêté.
Avant que le Tribunal ne délibère, je me permets de poser une question : si j’ai bien compris le déroulement de la discussion, les difficultés viennent de ce que, par suite de l’absence de traduction en langues russe et française, une partie du Ministère Public n’a pu se prononcer sur cette documentation et n’a pas pu décider si elle a ou non des objections à soulever. D’un autre côté, le Tribunal veut éviter que des passages soient lus ici au sujet desquels le Ministère Public n’a pas encore décidé s’il formulerait ou non des objections. Cet état de choses m’apparaît comme la cause des difficultés actuelles.
Je prie le Tribunal de me dire si je commets une erreur mais je n’ai pas compris que le Tribunal, par la bouche de son Président, ait déclaré que la réglementation adoptée jusqu’ici dût être écartée, que nous ne puissions plus lire des passages particuliers de documents présentés par nous et qui eussent été retenus par le Tribunal comme pertinents.
Je ne crois pas me tromper en disant que l’on ne veut pas faire exception à cette règle, que l’on ne cherche pas à prendre une nouvelle décision de principe, mais simplement à trouver une formule transactionnelle, la suivante : comment résoudre la difficulté qui résulte du fait que le Dr Horn ne peut pas actuellement lire certains passages de ses documents parce que le Tribunal n’est pas encore en mesure de décider de leur pertinence et de les accepter, faute de connaître le point de vue du Ministère Public ?
Avant que le Tribunal ne suspende l’audience, puis-je demander, afin que le sujet de notre discussion soit bien déterminé, si ma façon d’envisager la question est correcte ? Le problème consiste-t-il simplement à trouver une solution temporaire qui préserve le droit accordé à la Défense d’accompagner la présentation des documents de commentaires destinés à les expliquer et à assurer les transitions de façon à les rendre intelligibles et de lire les extraits de parties utiles, de telle façon que ces questions techniques temporaires doivent être seulement résolues pour le principe ?
Je vous serais très reconnaissant, Monsieur le Président, de me dire si ma conception de la nature des difficultés soulevées est exacte ?
Le Tribunal va suspendre l’audience quelques instants et examiner vos déclarations.
Le 22 mars 1946 le Tribunal décidait ce qui suit, reprenant une décision du 8 mars 1946 :
« Pour éviter des traductions inutiles, la Défense voudra bien indiquer exactement au Ministère Public les passages de chaque document qu’elle se propose d’utiliser, de façon à ce que le Ministère Public soit en mesure d’élever des objections à l’égard des passages non pertinents.
« En cas de désaccord entre le Ministère Public et la Défense sur la pertinence d’un passage particulier, le Tribunal déterminera les passages suffisamment pertinents pour être traduits. Seuls ces passages devront être traduits, à moins que le Ministère Public ne demande la traduction du document entier. »
Cette réglementation, pour des raisons sans doute valables, n’a pu être exécutée et c’est pour cela que le Tribunal n’a pas reçu les traductions, pas davantage, semble-t-il, que le Ministère Public. Les difficultés qui ont surgi doivent, de l’avis du Tribunal, être attribuées au moins en partie à ce fait.
Le Tribunal, reprenant les décisions du 8 mars 1946, déclarait le 22 mars 1946 :
« Considérant les questions qui ont été soulevées ce matin, le Tribunal ayant le souci d’un Procès à la fois juste et rapide, a décidé que, pour le moment, les débats seraient conduits selon les règles déjà communiquées, à savoir :
« 1° Les documents qui sont traduits dans les quatre langues peuvent être déposés sans être lus. Cependant, lors de leur présentation, la Défense peut les résumer ou bien souligner leur pertinence devant le Tribunal en en lisant quelques brefs passages considérés comme particulièrement importants.
« 2° Toutes les fois qu’un document sera présenté, le Tribunal entendra toute objection qui peut être formulée à son sujet. »
Sur ce, le Tribunal a poursuivi en lisant les décisions du 8 mars 1946 qui traitent de ces mêmes questions de traduction.
Dans le cas présent, les traductions ne sont pas parvenues entre les mains du Tribunal ni de tous les membres du Ministère Public. Aussi il a été impossible au Ministère Public de présenter ses objections et au Tribunal de prendre une décision quant à l’admissibilité des documents. C’est pourquoi il est concevable que le Ministère Public refuse à la Défense la lecture d’extraits de documents qu’il n’a pas vus.
Le Tribunal prend note de ce que la traduction des documents du Dr Horn sera prête demain matin et c’est pourquoi il espère que les décisions qui viennent d’être lues pourront être appliquées demain. Il espère pouvoir s’en tenir là pour l’instant, si ces dispositions sont raisonnablement et justement observées par la Défense. Le Tribunal attire à nouveau l’attention de la Défense sur le premier paragraphe de ce texte et rappelle aux avocats qu’ils doivent suivre strictement ces directives.
« Les documents traduits dans les quatre langues peuvent être déposés sans être lus. Cependant, lors de leur présentation, la Défense peut les résumer ou bien souligner leur pertinence devant le Tribunal en en lisant quelques brefs passages considérés comme particulièrement importants. » J’ajouterai, dans le cas présent, « qui ne sont pas cumulatifs. »
Le Tribunal ne peut siéger ici dans le but d’entendre, comme c’est le cas pour cet accusé, la lecture de 300 ou 400 documents, leur commentaire et leur discussion. C’est pourquoi il est essentiel, de l’avis du Tribunal, que la Défense résume brièvement les documents et en précise le caractère de pertinence, et se contente de citer les passages strictement pertinents et non cumulatifs.
Ainsi que je l’ai dit, le Tribunal s’en tiendra à ces décisions aussi longtemps que la Défense s’y conformera elle-même. Le Tribunal se tiendra pour satisfait si le Dr Horn, après avoir présenté les documents soit en bloc, soit par groupes, établit la pertinence de chaque groupe et se limite à la lecture des seuls passages réellement nécessaires à la compréhension des documents. Mais le Tribunal ne peut siéger ici pour entendre la lecture de chaque document présenté sous son numéro, ou un commentaire plus ou moins long sur sa pertinence, ou de passages de ce document. Le nombre des documents est considérable et il est impossible au Tribunal de conduire ce Procès avec rapidité si la réglementation qu’il a établie n’est pas respectée, comme je viens de l’indiquer.
Ainsi que je viens de le souligner, c’est cette réglementation à laquelle on s’en tiendra présentement et elle sera modifiée si la Défense ne s’y conforme pas de façon raisonnable.