CENT QUATRIÈME JOURNÉE.
Mercredi 10 avril 1946.

Audience de l’après-midi.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Votre Honneur, puis-je vous demander si vous voulez savoir quels sont les mots représentés par ces groupes de lettres ? Je puis vous donner ces mots d’après le dernier document, PS-1201.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie beaucoup.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je crois que le Tribunal voulait examiner seulement le passage où se trouve le nom du Dr Grotius.

LE PRÉSIDENT

Oui.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

« Wi RU Amt » cela signifie « Wirtschafts Rüstungsamt » (Direction de l’économie et de l’armement). C’était, comme vous vous en souvenez, la section du général Thomas à l’OKW ; les lettres « KVR » signifient « Kriegsverwaltungsrat » (conseiller d’administration militaire).

Je crois qu’il est bien établi que ce document vient du département du général Thomas à l’OKW.

Dr LATERNSER

Monsieur le Président, je vous prie de me permettre de donner encore une explication. Je voudrais attirer votre attention sur un point. Pour établir de quel service émane ce document, il faut se rapporter à l’en-tête, c’est-à-dire à la première ligne, car la seconde ligne, à laquelle se réfère Sir David, commence par « Az » ce qui signifie « Aktenzeichen » (référence) se rapportant à une lettre de la Direction de l’économie et de l’armement. Mais cela n’explique pas du tout l’origine de la lettre, pour laquelle il faut se référer à l’en-tête qui est à la première ligne.

LE PRÉSIDENT

Donc, vous avez compris ?

Dr LATERNSER

Oui, j’ai compris.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr LATERNSER

On ne peut donc trouver l’auteur de la lettre qu’en déchiffrant la première ligne, car la deuxième ligne ne porte que la référence du dossier ; c’est ce qui ressort des deux premières lettres Az qui signifient « référence ». En somme, on trouve dans ce document la référence à une autre lettre de la Direction de l’économie et de l’armement. C’est tout ce que je voulais dire.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je ne sais, Votre Honneur, si vous désirez d’autres renseignements. Il me semble que la question est tout à fait claire : ce document vient des archives du service que j’avais nommé, la Direction de l’économie et de l’armement.

LE PRÉSIDENT

Vous pensez donc que ce sont les mêmes lettres ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui, les mêmes lettres.

LE PRÉSIDENT

On m’explique que le Dr Laternser disait que les lettres « Az i K 32/510 » étaient seulement une référence aux archives de ce service.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui, Monsieur le Président, mais pour trouver le bureau d’où vient ce document, vous voyez encore « Wi Rü », c’est-à-dire « Wirtschafts Rüstungsamt » (Direction de l’économie et de l’armement), section III de l’armement.

LE PRÉSIDENT

Bien.

Sir David, le Tribunal pense que le mieux serait d’interroger le témoin qui est à la barre et de le mettre ensuite à la disposition du Ministère Public et de la Défense.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Plaise au Tribunal. Mon collègue M. Roberts interrogera ce témoin ; il a choisi de courts passages de déclarations pour les lire.

LE PRÉSIDENT

Très bien. (Le témoin vient à la barre.)

Témoin, voulez-vous vous lever, je vous prie. Quel est votre nom ?

TÉMOIN MAX WIELEN

Max Wielen.

LE PRÉSIDENT

Votre nom complet ?

TÉMOIN WIELEN

Max Wielen.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi :

« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien. » (Le témoin répète le serment.)

Vous pouvez vous asseoir.

M. G. D. ROBERTS (Avocat Général britannique)

Max Wielen, vous avez fait deux dépositions à Londres devant le colonel Hinchley Cook.

TÉMOIN WIELEN

Oui.

M. ROBERTS

Ces photocopies sont-elles bien celles de ces deux dépositions ? La première est datée du 26 août 1945, la seconde, du 6 septembre 1945. (Les documents sont soumis au témoin.) Ce sont les photographies de vos déclarations véridiques ? Pouvez-vous les identifier ? Reconnaissez-vous votre signature au bas de chacune ?

TÉMOIN WIELEN

Oui.

M. ROBERTS

Dans ces deux déclarations, avez-vous dit la vérité ?

TÉMOIN WIELEN

Oui, j’ai dit la vérité.

M. ROBERTS

Monsieur le Président, peut-être pourrais-je maintenant en lire quelques passages afin qu’ils figurent dans le procès-verbal. (Au témoin.) Prenez d’abord la première déclaration ; elle porte d’abord votre nom et l’énumération des fonctions que vous avez occupées dans les SS et la Police criminelle ; est-ce exact ?

TÉMOIN WIELEN

Oui.

M. ROBERTS

Bien, maintenant voulez-vous suivre le début de cette déclaration ?

TÉMOIN WIELEN

De quelle déclaration ? Celle du 6 septembre ?

M. ROBERTS

La première.

TÉMOIN WIELEN

Ah oui, la première, je vois.

M. ROBERTS

Suivez pendant que je lis ; je lirai toute la première page :

« Oberregierungsrat et Kriminalrat, Ss-obersturmbannführer...

TÉMOIN WIELEN

Oberregierungsrat et Kriminalrat de la Police criminelle et non des SS.

M. ROBERTS

Je ne vous demande pas de lire mais de m’écouter.

« ... ancien officier de la Police criminelle à Breslau.

« En réponse à la question qui m’a été posée de savoir si j’avais quelque chose à dire sur l’exécution de prisonniers de guerre anglais, des officiers aviateurs du camp de prisonniers de Sagan, je déclare que j’ai connaissance de cette question et que je désire donner une attestation sans réserve.

« L’exécution eut lieu sur l’ordre exprès de l’ex-Führer Adolf Hitler et fut faite par des fonctionnaires de la Gestapo.

« Le chef du service de la Police d’État à Breslau était alors l’Oberregierungsrat SS-Obersturmbannführer Dr Scharpwinkel. Ses supérieurs immédiats étaient le chef de la Police de sûreté, le SS-Obergruppenführer Dr Kaltenbrunner et le chef de l’Amt IV du RSHA, le SS-Gruppenführer Müller. Je suis incapable de donner le nom des autres chefs de services de la Gestapo qui commandèrent ces exécutions dans le domaine de leur compétence. Je joins à ma déposition un petit schéma montrant l’organisation de la Police de sûreté. »

Je passe maintenant au bas de la page 2 de l’exemplaire anglais, au bas de la page 3 de l’exemplaire allemand que le témoin a dans les mains.

« Au cours de cette période », vous parlez du Stalag Luft III, « quatre-vingt-dix-neuf tunnels d’évasion furent creusés ; tous ont été découverts par les gardiens ; le centième tunnel, creusé en mars 1944, permit l’évasion de quatre-vingts officiers.

« Sur un message téléphonique de l’État-Major du camp à la Police criminelle, j’ai ordonné, conformément aux ordres en vigueur, la « Kriegsfahndung » et même la poursuite des prisonniers d’après le plan d’alarme établi sur la suggestion du Dr Absalon, car on avait déjà perdu du temps, la « Grossfahndung » c’est-à-dire une minutieuse recherche. Il fallait, d’autre part, prévenir le chef responsable du service de la Police criminelle du Reich pour qu’il confirme et approuve l’ordre de grande alarme.

« Les recherches poursuivies dans toute l’Allemagne amenèrent peu à peu l’arrestation de presque tous les officiers anglais qui s’étaient échappés, à l’exception de trois, je crois. La plupart d’entre eux ont été repris alors qu’ils étaient encore en Silésie ; quelques-uns étaient arrivés jusqu’à Kiel, Strasbourg et l’Allgäu.

« Un jour, à midi, je reçus une instruction télégraphique du général Nebe me demandant de me rendre aussitôt à Berlin pour recevoir un ordre secret. En arrivant à Berlin le soir, j’allais voir le général Nebe à son bureau, Werderschen Markt 5/7. Je lui fis un rapport concis sur toute la question et sur l’état actuel de l’affaire, puis il me montra un ordre télétypé signé par le Dr Kaltenbrunner, où il était dit que, sur l’ordre exprès du Führer, plus de la moitié des officiers évadés de Sagan et repris devaient être fusillés. Le chef de l’Amt IV, le Gruppenführer Müller, avait reçu des ordres en conséquence et devait donner des instructions précises à la Police d’État. Les bureaux militaires étaient informés.

Le général Nebe lui-même parut frappé par cet ordre ; il était très éprouvé. On m’a raconté plus tard que, depuis des nuits, il ne rentrait plus se coucher, mais passait la nuit dans son bureau.

J’étais moi-même consterné de la cruauté des mesures prévues et je m’opposai à leur exécution ; je déclarai qu’elles étaient contraires aux lois de la guerre et que cela ne pouvait qu’amener des représailles contre nos propres officiers qui étaient prisonniers de guerre dans des camps anglais et que je refusais d’en prendre la responsabilité. Le général Nebe me répondit que dans ce cas particulier je n’avais aucune responsabilité à prendre, car la Police d’État agirait tout à fait indépendamment et qu’enfin, les ordres du Führer devaient être exécutés sans protestations. Je veux faire remarquer qu’en m’y opposant tout d’abord, j’agissais par impulsion et que je ne pouvais pas compter sur un succès, étant données les conditions qui régnaient à la Police de sûreté, surtout à la fin.

Nebe ajouta que je devais évidemment garder le secret absolu. On m’avait montré l’ordre original afin que je ne fasse aucune difficulté à la Police d’État. Ma propre compétence en ce qui concernait le transport de quelques-uns de ces prisonniers était transférée à la Police d’État. Je dois ici expliquer que la tâche de ramener les prisonniers dans le camp était, d’après les dispositions jusque là en vigueur, du ressort de la Kripo ; elle devait, soit ramener elle-même le prisonnier au camp, soit le garder à la disposition de la Kommandantur du district pour le faire ramener. Pour répondre à une question, je déclare que l’Oberregierungsrat, Dr Schulze, assistait aussi à l’entretien avec le général Nebe ; il a secoué la tête en signe d’approbation lorsque j’ai élevé mon objection mais n’a pas pris d’autre part à la discussion.

A mon retour à Breslau, j’appris par le Dr Scharpwinkel que la Gestapo avait été dûment informée par le Gruppenführer Müller. On ne m’a pas communiqué le texte des instructions. Je ne sais pas non plus si des ordres similaires ont été donnés à tous les chefs des services de la Gestapo ou si les instructions étaient données, le cas échéant, à ceux dans les districts desquels avaient eu lieu des arrestations et où devaient avoir lieu les exécutions.

Conformément aux instructions, les services de police locaux intéressés devaient informer par télégramme ou par téléphone le Reichskriminalpolizeiamt (Kriegsfahndungszentrale) ainsi que la direction de la Kripo à Breslau, de l’arrestation d’officiers prisonniers de guerre.

Je n’ai pas su comment a été faite l’exécution, mais je pense que la Staatspolizei, après s’être fait remettre ces officiers, les a fait rassembler dans quelque endroit écarté, forêt ou autre, pour les abattre à coups de pistolets, avec les pistolets de la Gestapo.

On m’a demandé si les officiers avaient pu être frappés jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je ne le crois pas, car l’ordre du Führer spécifiait qu’ils devaient être fusillés.

La Staatspolizei, comme me l’apprit le Dr Scharpwinkel, avait, conformément aux instructions du RSHA, Amt IV, décrit que l’exécution s’était produite au cours du transfert, dans des cas de légitime défense ou pour empêcher de nouvelles évasions.

Par la suite, la direction de la Kripo de Breslau reçut une lettre du RSHA, Amt V, à communiquer au commandant du camp ; on demandait que ce texte fût porté à la connaissance des officiers anglais prisonniers afin de les effrayer. La lettre expliquait que l’exécution avait été faite pour les raisons exposées ci-dessus. Le texte fut communiqué au colonel Lindeiner ou à l’un des officiers du camp.

Pour le choix des prisonniers à fusiller, une liste avait été préparée par les autorités du camp, sur la demande de l’Amt V ; cette liste mentionnait spécialement les officiers considérés comme éléments de troubles, provocateurs et meneurs de complots. Le choix avait été fait par le commandant ou l’un de ses officiers. Puis, l’exécution des officiers désignés fut ordonnée par l’Amt IV et des instructions correspondantes furent envoyées aux services de la Staatspolizei. »

Je saute le paragraphe suivant et je continue au bas de la page 4 du texte anglais, page 7 du texte allemand. Témoin, voulez-vous passer à la page 7. Vous trouverez le passage marqué au crayon au bas de la page 7. Avez-vous la page ? J’ai soigneusement numéroté les pages.

TÉMOIN WIELEN

Je ne vois pas de passage marqué.

M. ROBERTS

Mais si vous tournez la page vous verrez un passage marqué.

TÉMOIN WIELEN

C’est à la page 8 et non à la page 7 ?

M. ROBERTS

C’est tout à fait au bas de la page 7. En tout cas, voulez-vous suivre ce que je lis : « Pour revenir à la question de l’exécution... »

TÉMOIN WIELEN

Oui, j’ai trouvé.

M. ROBERTS

« Environ 40 officiers anglais qui n’avaient pas été arrêtés par la Police d’État mais par la Police criminelle avaient été, entre temps, ramenés dans le camp. »

Voulez-vous répondre à la question suivante : vous parlez « d’environ 40 officiers » ; vous ne saviez donc pas le chiffre exact ?

TÉMOIN WIELEN

Le chiffre n’est pas exact, il n’y en avait pas 40, je ne le savais pas alors.

M. ROBERTS

En effet, ce n’est pas le chiffre exact. Ils étaient 50, je crois.

TÉMOIN WIELEN

Je m’étais trompé.

M. ROBERTS

Oui. « Il ne leur était arrivé aucun mal, je puis affirmer que... »

TÉMOIN WIELEN

Quinze autres ont encore été ramenés.

M. ROBERTS

Oui, oui, je voudrais seulement que vous ayez l’amabilité de m’écouter :

« Je puis affirmer qu’ils ont été traités d’une façon parfaitement correcte. Il avait été impossible d’empêcher de les mettre dans des cellules de la Police, en raison des conditions générales régnant à ce moment-là.

Je ne sais pas qui a interrogé les officiers dans les prisons de la Police. Je pense que c’étaient les autorités de police locale, étant donné qu’un interrogatoire doit nécessairement suivre chaque arrestation. Je ne connais pas les noms des fonctionnaires de la Staatspolizei ou de la Gemeindepolizei qui ont participé à ces opérations, mais le Dr Absalon pourra donner une réponse à cette question. »

Votre Honneur, je passe au paragraphe qui commence par :

« Les urnes..., les urnes contenant les cendres des officiers fusillés furent remises par la Police d’État à la Police criminelle. Je ne sais pas quels fours crématoires de la Gestapo furent utilisés. Les urnes furent remises au commandant du camp sur l’ordre du RSHA, en vue de funérailles militaires. Le retour des urnes étant effectué par la Kripo, la participation de la Gestapo se trouvait camouflée. »

Je saute le paragraphe suivant et je vais lire seulement une phrase à la page suivante :

« Je ne sais pas pourquoi cinq officiers furent interrogés à Berlin. »

Et maintenant, Monsieur le Président, je vais passer à la page 6. Témoin, voulez-vous prendre au bas de la page 10 de votre exemplaire. Tournez la page, la page 10, en bas. Votre Honneur, je prends le paragraphe du milieu, je vais lire seulement deux paragraphes de la page 6 :

« Il peut être intéressant de savoir que, avant même mon départ pour Berlin, le Kriminaikommissar, Dr Absalon, m’a raconté qu’il avait appris au camp de Sagan — on le lui avait dit très secrètement — que, comme mesure d’intimidation, on allait procéder à des exécutions. On peut déduire de ce fait que le camp avait déjà été informé par la voie militaire avant réception de l’ordre du Dr Kaltenbrunner.

« Il serait utile de vérifier ce que Göring sait de l’affaire, car le Führer l’a certainement informé de cet ordre, puisqu’il s’agissait d’un camp de la Luftwaffe. » (Document UK-48.)

Monsieur le Président, c’est tout ce que je vais lire de cette déclaration. Je voudrais éviter de faire trop de citations de la seconde déclaration, car il y a de nombreuses répétitions.

Voulez-vous, témoin, prendre la deuxième déclaration. Ici, malheureusement, il n’y a pas d’indications.

Le troisième paragraphe, Monsieur le Président, les troisième et quatrième paragraphes, à la première page :

« Quant à savoir quand la Staatspolizei a commencé les exécutions, je ne puis pas le dire, mais c’est vraisemblablement à l’époque où il ne restait plus que très peu de prisonniers qu’on ne pouvait plus espérer reprendre.

Quant au temps qui s’est écoulé entre le moment où a été donné l’ordre de Grossfahndung et celui où l’on me montra l’ordre d’exécution, je peux seulement dire qu’il s’agit de quelques jours ; je ne me souviens plus des dates exactes. Mais je sais pertinemment qu’aucune exécution n’avait eu lieu au moment où l’ordre m’a été montré. »

Je pourrais encore lire le dernier paragraphe de cette page :

« Avant la dernière évasion massive, je n’ai pas entendu dire qu’on prévoyait des mesures plus sévères contre les prisonniers. J’en ai entendu parler seulement après la dernière évasion, toutefois avant d’avoir vu, à Berlin, l’ordre d’exécution. C’est Absalon qui m’avait déclaré avoir entendu dire au camp de Sagan — je ne sais pas par qui, je crois par le colonel Lindeiner — qu’il allait y avoir des exécutions. J’ai pensé, après avoir vu l’ordre en question à Berlin, que c’était là une preuve que les militaires étaient à l’origine de ces mesures cruelles ou, du moins, qu’ils en avaient été informés avant le RSHA.

« En ce qui concerne l’expression plus de la moitié dans l’ordre du Dr Kaltenbrunner, c’est sous cette forme que les mots sont fixés dans ma mémoire ; cependant, il est possible qu’on ait donné un chiffre précis et qu’en regardant rapidement cet ordre, j’aie pensé c’est plus de la moitié, ce qui m’est resté en mémoire. »

Monsieur le Président, je pourrais peut-être omettre les premiers paragraphes, qui ne sont que des répétitions, et passer au paragraphe qui figure un peu au-dessous de la moitié de la page :

« Je ne sais pas comment la Gestapo fit extraire des prisons locales les officiers qui devaient être exécutés, mais il se peut, cependant, que la Gestapo soit entrée en contact avec la Police criminelle locale.

« En Basse-Silésie, les pelotons d’exécution ont été constitués par le chef de la Gestapo, le Dr Scharpwinkel, ou sur ses ordres. Je n’ai jamais su qui en avait fait partie. »

Puis, le dernier paragraphe de cette page :

« En réponse à la question de savoir pourquoi la Kripo n’avait pas procédé aux exécutions, je déclare que la Kripo, dans l’exercice de ses fonctions, se sentait liée par les dispositions de la procédure pénale et du code pénal, et que le personnel était formé en conséquence. Par contre, pendant la guerre, la Staatspolizei — à l’instigation de Himmler — s’était formée une conception plus large. Elle procédait à des exécutions sur l’ordre du RSHA ou avec l’approbation de ce département. Ainsi s’explique que la répulsion que la Staatspolizei inspirait à tous les citoyens allemands ne s’étendait pas à la Police criminelle.

De toute évidence, les urnes furent remises à la Police criminelle pour la seule raison que l’intervention de la Police d’État devait rester ignorée, en d’autres termes qu’elle ne devait pas parvenir à la connaissance des officiers anglais du camp. » (Document UK-48.)

Je crois, Monsieur le Président, que c’est tout ce que je voulais lire.

LE PRÉSIDENT

Un avocat désire-t-il poser des questions au témoin ?

Dr NELTE

Témoin, avez-vous, lors de votre activité dans cette pénible affaire, eu des rapports quelconques avec l’OKW ou le Generalfeldmarschall Keitel ?

TÉMOIN WIELEN

Non, ni avec l’OKW ni avec le Feldmarschall Keitel, ni avec aucun officier supérieur.

Dr NELTE

Si je vous ai bien compris, vous avez dit que l’ordre dont il s’agit ici avait, d’après ce que vous savez, suivi la voie Hitler-Himmler-RSHA et les formations inférieures ?

TÉMOIN WIELEN

Oui, c’est la voie hiérarchique.

Dr NELTE

Par qui fut demandée la liste dont vous avez parlé, la liste des fauteurs de troubles ?

TÉMOIN WIELEN

Elle avait été demandée par le RSHA.

Dr NELTE

Dans la deuxième partie de la déclaration qui vient d’être lue se trouve une phrase disant à peu près : « Le commandant du camp devra auparavant être informé par les bureaux militaires des exécutions prévues ». Voudriez-vous, pour cette phrase...

TÉMOIN WIELEN

Je ne voudrais pas répéter cette phrase d’une façon aussi tranchante. Il est en effet possible que l’on ait discuté dans le camp la question d’exécutions éventuelles ou prévu, d’une façon plus générale, l’usage des armes contre les officiers anglais en cas d’évasion. Mais je ne sais rien de plus précis pour cette affaire, je veux dire les affaires dans lesquelles cette observation a joué un rôle.

Dr NELTE

Vous ne voulez donc pas affirmer qu’il s’agit d’observations faites avant l’évasion ?

TÉMOIN WIELEN

De toute façon, pas en ce qui concerne ces exécutions, pas forcément à propos de cette évasion.

Dr NELTE

On ne peut pas savoir à l’avance si quelqu’un veut s’enfuir ; c’est pourquoi je vous demande si cette observation ne se rapporte pas à une discussion qui aurait eu lieu à la suite de l’évasion de ces 80 officiers et qui, peut-être, concernait les mesures à prendre pour empêcher de nouvelles évasions.

TÉMOIN WIELEN

C’est fort possible, car les tentatives d’évasion étaient quotidiennes à Sagan.

Dr NELTE

Alors, voulez-vous, s’il vous plaît, m’expliquer la déclaration d’après laquelle le colonel Lindeiner aurait dit que les militaires étaient à l’origine de ces mesures et en étaient informés à l’avance. C’est ce que disait. ..

TÉMOIN WIELEN

Je ne croîs pas m’être exprimé ainsi. Je demande qu’on veuille bien répéter.

Dr NELTE

D’après mes notes, vous avez dit que le colonel Lindeiner pensait que les bureaux militaires étaient à l’origine de ces mesures et en étaient informés à l’avance.

TÉMOIN WIELEN

Je ne crois pas avoir dit cela.

Dr NELTE

Voulez-vous dire que vous ne pouvez pas affirmer que le colonel Lindeiner ait fait une telle déclaration ?

TÉMOIN WIELEN

Je n’ai jamais eu l’impression que le colonel Lindeiner ait été informé personnellement de cette affaire ; je n’en ai pas la moindre preuve.

Dr NELTE

Je vous remercie. Je n’ai plus d’autres questions à poser.

Dr STAHMER

Témoin, d’après le procès-verbal, vous avez déclaré que le Kriminaikommissar Absalon, avant même votre départ pour Berlin, vous avait communiqué qu’il devait y avoir des exécutions au camp de Sagan.

TÉMOIN WIELEN

Je me suis déjà expliqué à ce sujet.

Dr STAHMER

Est-ce ce que vous venez...

TÉMOIN WIELEN

C’est la même affaire.

Dr STAHMER

Encore une question : au cours de votre entretien avec le général Nebe à Berlin, celui-ci doit vous avoir dit que les bureaux militaires étaient informés et vous avoir donné des détails plus précis sur les bureaux militaires dont il s’agissait.

TÉMOIN WIELEN

Non, il ne me l’a pas dit. Je ne sais pas davantage si ces intentions ont été effectivement mises à exécution car, précisément, les bureaux militaires ne devaient pas en être informés, toute l’affaire devant être tenue secrète.

Dr STAHMER

Vous avez mentionné le maréchal Göring dans votre déclaration. Avez-vous des preuves que le maréchal Göring fût au courant des exécutions ou bien est-ce seulement une supposition ?

TÉMOIN WIELEN

Non, je vous prie de vous reporter au contexte où vous verrez que je voulais laisser la question ouverte. J’ai dit que je ne le savais pas positivement, que je n’en avais pas de preuves ; mais comme il s’agissait d’un camp de la Luftwaffe, je demande ou plutôt je propose qu’on veuille bien entendre à ce sujet le maréchal qui pourra vous donner des renseignements.

Dr STAHMER

En somme, vous suggérez seulement de demander au Reichsmarschall Göring s’il était au courant ?

TÉMOIN WIELEN

Je voulais laisser la question pendante afin d’éclaircir ce détail.

Dr STAHMER

C’est tout.

Dr KAUFFMANN

Témoin, vous avez déclaré que l’ordre émanait de Kaltenbrunner et de Müller. Je vous demande si cet ordre a été émis sous forme de télégramme ou de télétype ou si vous avez vu l’ordre avec la signature originale.

TÉMOIN WIELEN

Je crois me rappeler exactement qu’il s’agissait d’un télétype.

Dr KAUFFMANN

Vous reconnaissez donc qu’il n’y avait pas de signature originale ?

TÉMOIN WIELEN

Non, pas de signature originale. J’ai même eu des doutes plus tard. On peut bien penser que j’ai réfléchi cent fois à cette affaire et que je me suis demandé s’il était possible que la signature fût de Himmler, bien que pour des raisons administratives elle dût émaner de Kaltenbrunner.

Dr KAUFFMANN

Si je comprends bien, vous ne pouvez même pas dire si c’était la signature de Kaltenbrunner qui figurait sur ce télétype, mais vous le supposez d’après ce que vous savez de l’organisation ?

TÉMOIN WIELEN

J’ai été si impressionné par le contenu de la lettre et ses conséquences et par la préparation obligatoire de toute cette affaire que j’ai peu tenu compte des détails extérieurs, si bien qu’ils ne se seront pas imprimés dans ma mémoire et que je ne peux rien vous dire avec certitude maintenant.

Dr KAUFFMANN

Je vous remercie.

M. ROBERTS

Je n’ai plus de questions.

LE PRÉSIDENT

Le témoin peut se retirer. Docteur Nelte, en avons-nous terminé avec Keitel ?

Dr NELTE

J’en ai terminé, du moins pour les témoins. Mais j’ai quelques observations à faire au sujet des preuves documentaires.

Le Tribunal, par décision du 6 avril 1946, a autorisé un affidavit du Dr Krieger. Je prie le Tribunal de bien vouloir m’autoriser à déposer cet affidavit sous le numéro K-15. J’ai ici l’original en allemand et je voudrais seulement lire brièvement les quelques passages de cet affidavit qui concernent les relations entre Hitler et Keitel. Il s’agit de trois paragraphes très courts.

« Les relations de service entre Hitler et l’ex-Generalfeldmarschall Keitel étaient correctes, du côté de Hitler, tout à fait confiantes même, avec l’estime et le respect dus à un collaborateur zélé ; du côté de Keitel, elles étaient froides et militaires. Elles n’avaient aucun caractère amical ni confidentiel. En dehors des réceptions officielles, Keitel, autant qu’on pouvait s’en rendre compte, prenait rarement part aux repas de Hitler ou à des conversations non officielles ; de même on ne l’a jamais vu appelé à des entretiens, en l’absence des sténographes ou en dehors des conférences officielles.

En préparant les décisions ou en formulant des ordres, Keitel exprimait son opinion d’une manière objective et en soldat, même quand il y avait des divergences de vues. Évidemment, il savait, par l’expérience acquise au cours de longues années de collaboration avec Hitler, dans quelles limites il pouvait influencer ses décisions ou ses opinions ou même changer ses avis. C’est pourquoi il acceptait généralement les décisions de Hitler comme des ordres, en soldat. Cependant, dans certains cas, il est parvenu, en insistant, à faire modifier les décisions de Hitler ou tout au moins à les faire retarder jusqu’à nouvel examen. Le fait que Hitler ait éprouvé parfois quelque méfiance à l’égard de Keitel me paraît ressortir d’une remarque... »

LE PRÉSIDENT

Docteur Nelte, le Tribunal estime qu’il est inutile de lire ce document. Keitel a déjà dit cela ; il est donc cumulatif. Ce document est déposé, nous pouvons donc le lire nous-mêmes.

Dr NELTE

Ce n’est pas nécessaire, il corrobore les témoignages apportés ici. C’est pourquoi je peux...

LE PRÉSIDENT

Il suffit de nous le dire.

Dr NELTE

J’ai encore les réponses à plusieurs interrogatoires que j’ai envoyés avec l’autorisation du Tribunal. Il y a d’abord la réponse de M. Romilly à son questionnaire. Je peux également me contenter de déposer cette réponse sous la foi du serment et renoncer à la lire.

Il en est de même pour la réponse du témoin Rotraud Römer sur la marque au fer rouge des prisonniers de guerre soviétiques. Les questionnaires de l’ambassadeur Scapini et du professeur Naville ne me sont pas encore parvenus ; je les déposerai dès qu’on me les remettra. Il reste...

LE PRÉSIDENT

Le Ministère Public est-il en possession de ces documents ?

Dr NELTE

Oui.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous numéroté ces documents ? Vous avez donné au dernier affidavit le numéro K-15 ; vous devriez numéroter les autres.

Dr NELTE

Romilly est le document K-16 et Römer, K-17. Maintenant, il me reste l’affidavit de feu le maréchal von Blomberg. Par décision du Tribunal du 26 février, un questionnaire a été autorisé pour le maréchal von Blomberg. J’ai remis l’original au Ministère Public et j’ai demandé à verser comme preuve les réponses du Feldmarschall von Blomberg, données sous la foi du serment. Elles se trouvent dans le livre de documents n° 1 et sont connues du Tribunal et du Ministère Public.

LE PRESIDENT

Oui.

Dr NELTE

J’en ai ainsi terminé avec mes explications.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie. Maintenant, le Dr Horn, je crois... Docteur Nelte, vous allez remettre les documents K-16, K-17 et K-18 au Secrétaire général ?

Dr NELTE

Oui.

LE PRÉSIDENT

Ont-ils été traduits ?

Dr NELTE

Oui.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Docteur Nelte, nous n’avons pas vu la traduction du K-16 ; vous êtes sûr qu’il a été traduit ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

J’en ai vu une traduction anglaise.

LE PRÉSIDENT

Vraiment ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

On me l’a montrée quand elle est arrivée. Je me souviens l’avoir lue.

LE PRÉSIDENT

Bien, je pense qu’il appartient au Secrétariat général de vous fournir les traductions. Oui, je pense que c’est le document K-16.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Certainement, Romilly est le Keitel-16, je l’ai vu.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Docteur Horn, vous vous souvenez que nous avons lu ces documents quand nous les avons approuvés ?

Dr MARTIN HORN (avocat de l’accusé von Ribbentrop)

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Il ne vous faudra donc pas trop de temps maintenant pour déposer ces documents ?

Dr HORN

Je réduirai mes lectures au minimum, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Merci.

Dr HORN

Je prie le Tribunal de bien vouloir accepter le document Ribbentrop-75, contenu dans le volume 3 du livre de documents Ribbentrop, à la page 191, et de bien vouloir en prendre acte. Il s’agit d’un accord entre les Puissances alliées et associées et la Pologne, de l’année 1919. Ce traité expose les droits des minorités allemandes en Pologne. Dans l’article 12 de ce traité, à la page 3 de ce document, on lit que la Pologne admet que les dispositions de cet article, relatives aux membres d’une minorité raciale religieuse ou linguistique, fondent des obligations d’intérêt international et sont garanties par la Société des Nations.

Dans les années suivantes, la Pologne a violé à plusieurs reprises ce traité. C’est ce qui ressort des deux documents suivants, n° R-82, à la page 208 du livre de documents 4. C’est une décision motivée de la Cour de Justice Internationale du 10 septembre 1923. Pour gagner du temps, je n’en lirai que la conclusion :

« La Cour estime que l’attitude du Gouvernement polonais définie aux points a et b n’est pas conforme aux obligations internationales incombant à la Pologne. »

Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte de ce document et du suivant, le numéro R-84, qui figure aux pages 212 et 212 (a) du quatrième livre de documents Ribbentrop. Il s’agit encore ici d’un avis de la commission juridique du Conseil de la Société des Nations sur la question des minorités. Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte de ce document.

Dès la prise du pouvoir, le Gouvernement de Hitler s’efforça d’établir de bonnes relations avec la Pologne. Pour le prouver, je me réfère au document Ribbentrop n° 85, qui se trouve à la page 213 du livre de documents. Je lis à la page 2...

LE PRESIDENT

Un instant, il s’agit du livre de documents n° 4 ?

Dr HORN

Oui, n° 4, Monsieur le Président, page 213. Je lis à la page 214 au milieu du dernier paragraphe :

« Il (le Chancelier) souhaite que les questions politiques pendantes entre l’Allemagne et la Pologne soient une fois pour toutes examinées et traitées sans passion par les hommes d’État des deux pays. Il est convaincu que ce serait une issue pour sortir de la situation intenable dans laquelle nous sommes. L’Allemagne veut la paix. Elle n’a pas l’intention de s’emparer par la force des territoires polonais. Elle tient à conserver les droits qui lui ont été accordés par traité et les revendiquera toujours partout où elle a le droit de le faire. »

A la suite de cette conférence, deux communiqués officiels furent envoyés sur la demande de l’ambassadeur polonais. Il s’agit du document Ribbentrop n° 86. C’est le communiqué allemand. Je prie le Tribunal de bien vouloir lui accorder valeur probatoire ainsi qu’au document R-87, page 216 du livre de documents. C’est le communiqué polonais. Pour épargner du temps, je ne lirai pas ces communiqués.

Le 15 juillet 1937, des parties essentielles du traité germano-polonais sur la Haute-Silésie, conclu à Genève en 1922, furent dénoncées. Il fallait donc conclure un nouveau traité entre les deux États, d’autant plus que de nouvelles difficultés avaient surgi dans la question des minorités et le traitement des minorités allemandes.

Pour le prouver, je me réfère au document Ribbentrop 117, page 257 du livre de documents. Je vais lire le deuxième paragraphe :

« Le ministre du Reich a fait remarquer à l’ambassadeur de Pologne qu’il nous était impossible d’admettre la position absolue de la Pologne sur l’expulsion des personnes ayant opté pour l’Allemagne. »

LE PRÉSIDENT

Je ne trouve pas cela à la page 254.

Dr HORN

257, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Oui, j’y suis.

Dr HORN

Le résultat de ces conversations entre la Pologne et l’Allemagne fut le traité déposé sous le numéro Ribbentrop 123 que vous trouverez à la page 263 du livre de documents. Il contient une double déclaration des Gouvernements allemand et polonais sur la protection réciproque des minorités. Il a été publié le 5 novembre 1937. Pour gagner du temps, je peux dire que les droits attribués aux minorités allemandes sont ceux que l’on donne dans ce cas dans tous les pays civilisés. Je fais remarquer pourtant que ce traité ne contient rien qui puisse être considéré comme une sanction des conditions injustes qui avaient été faites auparavant dans ces régions. Ce point de vue a été exposé récemment par le Ministère Public. De même, pour résoudre les difficultés surgies entre Dantzig, la ville libre de Dantzig et le Gouvernement polonais, sur le problème des minorités et différentes questions économiques, fut conclu, le 5 août 1933, un accord que je produis sous le numéro Ribbentrop 127 à la page 270 du livre de documents. Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte également de ce document.

Mais, en dépit des traités réglementant la question des minorités et celle de la ville libre de Dantzig, il s’élevait toujours des difficultés nouvelles entre les deux États ; aussi Hitler, après avoir résolu la question des Sudètes, en octobre 1938, envoya l’accusé Ribbentrop pour ouvrir des négociations sur la question de Dantzig et du Corridor et sur celle des minorités. C’est pourquoi le ministre des Affaires étrangères polonais, le colonel Beck, fut invité à Berchtesgaden.

Les discussions qui eurent lieu entre Hitler et le ministre des Affaires étrangères polonais au cours de cette visite, figurent dans le document Ribbentrop 149, à la page 301 du livre de documents numéro 5. Je me réfère à la page 2 de ce document pour lire l’objet de cet entretien. Nous trouvons, à la page 6 :

« Du côté allemand, à part la question de Memel, qui devait être résolue dans le sens de l’Allemagne (on avait l’impression que les Lituaniens voulaient aider à obtenir une solution raisonnable), il restait à résoudre, dans le cadre des relations germano-polonaises directes, le problème, psychologiquement très délicat pour l’Allemagne, du Corridor et de Dantzig. »

A la page 3 de ce même document, à la dernière ligne de l’avant-dernier paragraphe, le ministre des Affaires étrangères, Beck, s’engagea à « considérer le problème avec calme ».

Ainsi l’Allemagne pouvait considérer que les négociations sur cette question étaient ouvertes.

Le 24 janvier, le lendemain, le ministre des Affaires étrangères, M. de Ribbentrop, eut encore un entretien avec le ministre des Affaires étrangères polonais, le colonel Beck, au sujet de la question des minorités. Cet entretien est relaté dans le document Ribbentrop 150, page 304. Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte de ce document.

Sur l’invitation du ministre des Affaires étrangères, M. Beck, von Ribbentrop se rendit à Varsovie le 24 janvier 1939. Là encore, on traita la question dans son ensemble.

Le 21 mars, après le règlement de la question tchèque, il devint nécessaire de procéder à une nouvelle réglementation dans les territoires de l’Est. Von Ribbentrop, alors ministre des Affaires étrangères, demanda à l’ambassadeur polonais, le 21 mars, de lui rendre visite. Le procès-verbal de cet entretien figure dans le document Ribbentrop 154, page 310 du livre de documents. Je vais lire à la page 2, le troisième paragraphe qui donne l’essentiel de cet entretien :

« D’une façon générale, la question du Corridor est considérée comme la plus lourde charge imposée à l’Allemagne par le Traité de Versailles. »

Quelques lignes plus bas, le ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop déclarait : La première condition est le retour au Reich de Dantzig, ville purement allemande, et la création d’une ligne de chemin de fer et d’une autorité extra-territoriale entre la Prusse Orientale et le Reich. »

Il promit qu’en contrepartie l’Allemagne donnerait une garantie pour le Corridor.

L’ambassadeur Lipski promit d’informer le ministre des Affaires étrangères, le colonel Beck, et de donner ensuite une réponse. »

Je prie le Tribunal de bien vouloir accorder valeur probatoire à ce document.

Bien que le Gouvernement allemand ait alors attendu que la question des minorités et la question de Dantzig et du Corridor trouvent une solution à la suite de ces discussions, ces négociations obtinrent l’effet contraire. Il ressort du document Ribbentrop 155, page 313, et du document Ribbentrop 156, page 314 du livre de documents, que la Pologne ordonna alors une mobilisation partielle. Cette mobilisation partielle ne pouvait être dirigée que contre l’Allemagne.

Par ailleurs, le règlement de la question tchécoslovaque, le 15 mars 1939, avait amené un changement d’opinion en Angleterre. Le Premier Ministre, M. Chamberlain, sous la pression de l’opposition, avait eu des consultations avec différents hommes d’État européens. Pour le prouver, je me réfère au document Ribbentrop 159, page 317 du livre de documents. Il s’agit d’un entretien du ministre des Affaires étrangères, von Ribbentrop, avec l’ambassadeur polonais Lipski à Berlin, le 26 mars 1939. Je vais en lire le début :

« Le Gouvernement britannique à proposé le 21 mars à Varsovie, ainsi qu’à Paris et à Moscou, la remise d’une « déclaration officielle » par les Gouvernements anglais, français, russe et polonais. »

Je saute quelques lignes et continue à la septième ligne, à partir du bas de la page :

« Le Gouvernement polonais qui, le 23 mars, a ordonné une mobilisation partielle, ne fut aucunement satisfait de la proposition britannique de consultation, mais demanda à l’Angleterre de prendre des engagements concrets vis-à-vis de la Pologne. Le 23 mars, M. Beck transmit à l’ambassadeur polonais à Londres, le comte Raczynski, des instructions pour soumettre au Gouvernement britannique la proposition d’alliance anglo-polonaise suivante : Me référant à la proposition anglaise du 21 mars, je vous prie « de demander à Lord Halifax si : 1° En raison des difficultés et des complications inévitables et de la perte de temps qui en résulterait... »

M. DODD

Monsieur le Président, puis-je me permettre une remarque. Je ne vois aucune raison de lire même une partie de ces documents. Ils ont tous été déposés ou le seront. A notre avis, il suffit d’en donner le numéro. Je sais bien que nous les avons lus et commentés en déposant nos charges mais, actuellement, les raisons que nous avions d’adopter ce système ne sont plus valables et il ne doit pas être appliqué pour ces accusés.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Dodd, le Tribunal aimerait connaître les raisons dont vous parlez.

M. DODD

Je vais vous l’expliquer. Il n’était pas possible alors pour le Ministère Public d’avoir les traductions en quatre langues ; maintenant, les avocats en ont la possibilité. Si nous avions pu faire traduire tous nos documents, nous les aurions déposés sans donner de commentaires. Nous avons dû les commenter car nous devions faire passer par le système d’interprétation tout ce que nous voulions faire figurer au procès-verbal et, si nous avions lu toute une masse d’extraits de documents très décousus, nous n’aurions pas pu présenter au Tribunal une argumentation raisonnable. Mais je prétends que les avocats peuvent maintenant présenter la totalité des documents plus tard et, si j’ai bien compris le Statut et les règles de procédure, ils auront la possibilité de discuter et de commenter ces documents.

LE PRÉSIDENT

Mais vous devez vous souvenir que cette question a été discutée, je crois, il y a une semaine. Si je ne me trompe, le Dr Dix a demandé au nom des avocats l’autorisation de lire certains passages et d’en donner de brefs commentaires ; nous avons admis cette procédure.

M. DODD

Je ne savais pas que le Tribunal avait pris cette décision. Je me souviens en effet de la déclaration du Dr Dix. L’un de ses arguments essentiels était que ces informations seraient ainsi rendues accessibles à la presse et au public. Si c’en est toujours la raison, la presse peut maintenant avoir ces renseignements. Elle peut recevoir des informations autrement que par le microphone. Je ne veux d’ailleurs pas insister sur cette question puisque le Tribunal a déjà pris une décision.

LE PRÉSIDENT

C’est ce que je pense aussi.

GÉNÉRAL R. A. RUDENKO (Procureur Général soviétique)

Je voudrais dire quelques mots au sujet de la proposition de M. Dodd. Je soutiens entièrement...

LE PRÉSIDENT

Général Rudenko, j’ai déjà fait remarquer que nous avions pris une décision à ce sujet. Le Tribunal estime que le Dr Horn a accompli sa tâche avec beaucoup de tact.

GÉNÉRAL RUDENKO

Permettez-moi seulement d’ajouter quelques remarques à la proposition de M. Dodd.

Le Tribunal se souvient qu’à la veille de l’interrogatoire de l’accusé Keitel, la Défense a donné la nomenclature complète des documents présentés pour Keitel. Le Tribunal a examiné chaque document pour juger s’il était recevable ou non.

LE PRÉSIDENT

Général, vous répétez ce que j’ai déjà dit au Dr Horn avant le début de son exposé. Comme je l’ai dit, le Dr Horn a répondu au désir du Tribunal et s’en est tenu à une très brève lecture de ses documents.

GÉNÉRAL RUDENKO

Je comprends, Monsieur le Président. Le Ministère Public soviétique estime seulement que les commentaires de la Défense sont trop étendus, car l’accusé lui-même a traité la question en détail.

LE PRÉSIDENT

Docteur Horn, je suis sûr que vous continuerez à abréger au maximum cette lecture.

Dr HORN

Monsieur le Président, j’ai déjà donné au Tribunal l’assurance que je lirai le moins possible ; je ne lirai que ce qui est absolument nécessaire pour expliquer pourquoi je produis ces documents.

LE PRÉSIDENT

Nous allons suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue.)
Dr HORN

Je venais de lire quelques passages du document Ribbentrop 159, page 317 du livre de documents et de résumer de quoi il s’agissait dans ces documents.

Ce document expose le désir du Gouvernement polonais à l’égard de l’Angleterre de transformer ces consultations en un accord concret. Cet accord entre la Pologne et l’Angleterre fut conclu entre le 21 et 26 mars. En outre, l’Angleterre menait parallèlement une politique de coalition, ce que prouvent les documents 182 à 186, qui se trouvent aux pages 370 et suivantes du livre de documents 5. Il s’agit, d’après le document 182, des États suivants. Je cite un extrait du document 182, au bas de la page 6 :

« Les États suivants sont invités à s’associer à la garantie : Russie, Pologne, Turquie, Yougoslavie. Il est indubitable qu’on ne s’est pas adressé à la Hongrie. On s’en remet à la Pologne pour la prise de contact avec la Lituanie, l’Estonie et la Lettonie. Il en est de même pour la Turquie en ce qui concerne la Grèce. »

Afin de prouver cette politique de coalition, je me réfère au document R-185 à la page 372 du livre de documents n° 5. Il s’agit d’un télégramme du chargé d’affaires allemand à Londres au ministère des Affaires étrangères. Je vais en lire brièvement quelques lignes.

Les renseignements que nous possédons montrent que le projet anglais de déclaration annoncé par un télégramme se divise pratiquement en deux parties. La première a trait à la garantie de la Belgique, de la Hollande et de la Suisse. La seconde partie vise à la protection des États de l’Est contre une agression. Les autorités militaires ont fait savoir au Cabinet britannique que la Roumanie devait, en raison de ses sources de pétrole, être absolument mise à l’abri d’une conquête par l’Allemagne. »

Le document Ribbentrop 186 porte sur le même sujet. Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document sans que j’en donne la citation et je le prie également de prendre acte du document 183, page 375 du livre de documents, que je ne lirai pas non plus pour gagner du temps.

En réponse à la politique de coalition contre l’Allemagne menée par l’Angleterre, il y eut le pacte d’amitié et d’alliance entre l’Allemagne et l’Italie du 22 mai 1939, qui figure sous la référence Ribbentrop 187, page 376 du livre de documents. Je prie le Tribunal de bien vouloir recevoir ce document sans qu’il en soit fait lecture.

La conséquence du pacte, de la garantie entre l’Angleterre et la Pologne fut que l’ambassadeur Lipski, le 26 mars 1939, au cours d’une entrevue avec le ministre des Affaires étrangères Ribbentrop, déclara (je me réfère ici au document Ribbentrop 162 où nous trouvons, au milieu du troisième paragraphe) :

« M. Lipski a dit qu’il avait le devoir désagréable de me faire savoir que toute poursuite des projets allemands, notamment de ceux concernant le retour au Reich de Dantzig, amènerait la guerre. »

Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document ainsi que du document Ribbentrop 160 qui se trouve à la page 320 du livre de documents et qui a trait aux consultations de l’Angleterre avec les Gouvernements précités.

En réponse à cette déclaration, la déclaration de Lipski, citée ci-dessus, aux termes de laquelle une poursuite de la politique visant le changement du statu quo pour Dantzig et le Corridor amènerait la guerre, le ministre des Affaires étrangères du Reich déclara, le 27 mars 1939, à l’ambassadeur polonais — je cite le document Ribbentrop 163, page 335 du livre de documents — que cette position de la Pologne ne pouvait pas représenter pour l’Allemagne la base d’un règlement de cette question. Le passage correspondant est l’avant-dernier paragraphe, à la page 2 du document : « En conclusion, le ministre des Affaires étrangères du Reich a fait remarquer qu’il ne comprenait plus le Gouvernement polonais. La généreuse proposition faite à la Pologne par l’Allemagne avait reçu une réponse négative. Quoi qu’il en soit, la proposition remise la veille par l’ambassadeur de Pologne ne pouvait être considérée par le ministre des Affaires étrangères du Reich comme une base pour le règlement des questions. Aussi, les rapports entre les deux pays allaient-ils en empirant très rapidement. »

Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document. Pour prouver que le traité de garantie anglo-polonais était nettement dirigé contre l’Allemagne, je soumets au Tribunal le document Ribbentrop 164 qui figure à la page 338 du livre de documents. Je vais en lire les deux dernières lignes :

« La convention ne devait couvrir que le cas d’une agression par l’Allemagne. Le Gouvernement polonais confirme qu’il en est ainsi. »

Je vous prie également de prendre acte de ce document.

En conséquence du traité anglo-polonais du 6 avril 1939, qui a déjà été déposé par le Ministère Public sous le numéro TC-72 et qui se trouve encore dans mon livre de documents à la page 337, le traité germano-polonais du 26 janvier 1934 fut dénoncé par le Gouvernement allemand qui considérait que la déclaration de garantie anglo-polonaise était contraire à l’esprit de ce traité.

En conséquence, il y eut une série d’abus commis à l’égard des minorités allemandes en Pologne. Les documents relatifs à cette question se trouvent dans mon livre de documents sous les numéros R-165 à R-181. Je prie le Tribunal de prendre acte de ces documents et, afin de gagner du temps, je me limiterai à de très brefs extraits.

Je me réfère au document Ribbentrop 166 d’où il ressort qu’il y eut de sérieux incidents, notamment à Pommerellen, Njevo et Bromberg. Je cite encore le document Ribbentrop 167, page 353 du livre de documents. Il ressort de ce document que, pendant les derniers jours, on a répandu à Varsovie un appel public au boycottage de l’artisanat et du commerce allemands.

A l’appui de mes dires, je me réfère encore au document 180 qui se trouve à la page 368 du livre de documents Ribbentrop. Permettez-moi de lire ce bref rapport :

« Au cours de ces derniers mois, le ministère des Affaires étrangères a reçu sans interruption des rapports des consulats allemands en Pologne sur les sévices auxquels étaient quotidiennement exposés les « Volksdeutschen » de la part des Polonais dont l’exaltation grandit sans cesse et dont le fanatisme est absolument déchaîné. L’annexe cite 38 cas particulièrement graves. »

Il ressort du document R-181, page 369 du livre de documents, que ces abus furent commis en pleine connaissance et sous la protection des hommes d’État et des hauts fonctionnaires polonais. Je me réfère pour preuve au document 181. Je n’en lirai encore rien, pour gagner du temps, mais je prie le Tribunal d’en prendre acte.

Au début d’août 1939, les relations germano-polonaises arrivèrent à une crise. Je dépose pour preuve le document Ribbentrop 188, page 381 de mon livre de documents.

Le prétexte en soi était futile. Il s’agissait d’une querelle au sujet des fonctions des inspecteurs de la douane de Dantzig. A la suite de cet incident, le représentant diplomatique de la République polonaise à Dantzig protesta auprès du Président de la ville libre de Dantzig. C’est cette protestation que vous trouverez dans le document Ribbentrop 188. Elle renferme un ultimatum, comme il ressort du paragraphe 3 de ce document.

Le 7 août, le Président de la ville libre de Dantzig donna sa réponse qui se trouve dans le document Ribbentrop 189. Je vous demanderai de prendre acte de ce document.

Dans le document Ribbentrop 190, page 383, le Gouvernement du Reich met la Pologne en garde contre des exigences ayant un caractère d’ultimatum. Je vous prie encore une fois de prendre acte de ce document sans que j’en lise des extraits.

Je dépose ensuite le document Ribbentrop 192, page 385 du livre de documents. Il contient une communication du sous-secrétaire d’État du ministère des Affaires étrangères polonais au chargé d’affaires allemand à Varsovie, datée du 10 août 1939. Il ressort des deux dernières lignes de ce document que la Pologne considérait toute intervention du Gouvernement allemand portant atteinte aux droits de Dantzig comme un casus belli. Cette note amena un nouveau raidissement dans les relations germano-polonaises.

Le Gouvernement du Reich et ses organismes se sont efforcés par la suite d’éviter un conflit menaçant. Je le prouve par le document Ribbentrop 193 que vous trouverez à la page 404 du livre de documents et dont je prie le Tribunal de prendre acte. Il s’agit de notes du secrétaire d’État du ministère des Affaires étrangères — elles se trouvent dans le livre de documents n° 6, page 404 —  ; il s’agit de notes sur la visite de l’ambassadeur de France au secrétaire d’État au ministère des Affaires étrangères von Weizsäcker. Au cours de cet entretien, von Weizsäcker souligna que l’Allemagne désirait aplanir les difficultés germano-polonaises, en particulier en ce qui concernait Dantzig.

L’ambassadeur de France donna l’assurance que son Gouvernement appuierait ces efforts. Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document Ribbentrop 193 ainsi que du document suivant, document Ribbentrop 194, page 406 du livre de documents.

Il s’agit dans ce dernier document d’un entretien du secrétaire d’État avec l’ambassadeur de Grande-Bretagne, Sir Nevile Henderson, entretien au cours duquel le secrétaire d’État allemand exposa la gravité de la situation. Je cite à la page 1 de ce document, paragraphe 3, cinquième ligne, une phrase qui caractérise la situation :

« Dantzig cherche uniquement à se protéger contre son protecteur. »

Par ailleurs, le secrétaire d’État souligna que la situation devenait de plus en plus tendue.

Je me réfère ensuite au document Ribbentrop 195, pages 408 à 415 du livre de documents. Dans ce document, il est question d’un entretien entre Hitler et l’ambassadeur Henderson, le 23 août 1939.

Cet entretien figure sous la référence Ribbentrop 199, page 482 du livre de documents Ribbentrop. Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document. Pour donner un bref résumé de cet entretien, je cite à la page 4 du document :

« Il attira l’attention une fois de plus sur la question de Dantzig et de la Pologne, dans laquelle l’Angleterre prenait la position suivante : « Plutôt la guerre que céder quelque chose à l’Allemagne. »

Au deuxième paragraphe après celui-ci :

« Le Führer constate que le fait que l’Angleterre ait pris position contre l’Allemagne dans la question de Dantzig a profondément ébranlé le peuple allemand.

Henderson objecta qu’on ne s’opposait qu’à l’emploi de la force, sur quoi le Führer demande si l’Angleterre avait jamais trouvé la solution par voie de négociation à l’une des « inepties » de Versailles.

L’ambassadeur ne sut que répondre et le Führer constata en conclusion que, suivant un proverbe allemand, il faut être deux pour s’aimer. »

En raison de cette tension, le premier ministre Chamberlain, le 22 août 1939, écrivit directement à Hitler. Cette lettre se trouve sous la référence Ribbentrop n° 200 à la page 426 de mon livre de documents. Je prie le Tribunal de prendre acte de ce document.

Le document suivant, Ribbentrop 201, contient la réponse de Hitler au Premier Ministre britannique Chamberlain.

Le 25 août 1939, il y eut une nouvelle entrevue entre Hitler et l’ambassadeur Sir Nevile Henderson. Cette entrevue est résumée dans le document Ribbentrop n° 202 qui se trouve à la page 431 du livre de documents Ribbentrop. Je voudrais signaler le paragraphe 5 où Hitler souligne encore une fois : « Le problème de Dantzig et du Corridor doit être résolu. »

A la page suivante, au troisième paragraphe de la page 2, Hitler déclare que : « II est prêt et décidé, après la solution de ce problème, à faire encore une fois une proposition généreuse à l’Angleterre ».

Cette proposition est décrite dans le document 202.

Au sujet de cet entretien du 25 août 1939, Henderson a inscrit dans son journal, comme vous le trouverez dans le document Ribbentrop 195, à la page 415 :

« Mon entretien avec Hitler — dit Henderson — auquel assistait le Dr Schmidt et M. de Ribbentrop, dura plus d’une heure. Le Chancelier parla avec Calme et apparemment avec sincérité. Il décrivit des propositions comme un dernier effort consciencieux pour assurer de bonnes relations avec l’Angleterre, et il proposa que je porte moi-même ces propositions à Londres, par avion. »

Au numéro 8, à la même page 415, Henderson continue :

« Peu importe le motif de cette offre du Chancelier. Elle était telle qu’on ne pouvait pas la prendre en considération. »

Le document suivant qui décrit l’évolution de la crise et les événements qui ont amené le déclenchement des hostilités, est le document Ribbentrop 208, page 451 du livre de documents. Je demande au Tribunal de prendre acte de ce document pour les parties que je ne lirai pas.

Le premier extrait de ce document est constitué par un télégramme de Lord Halifax à Sir Kennard à Varsovie. Je cite textuellement :

« La réponse que nous nous proposons de faire à M. Hitler fait une distinction très nette entre la voie à suivre pour aboutir à une entente au sujet des questions litigieuses germano-polonaises et la solution à obtenir. En ce qui concerne la voie à suivre, nous voudrions exprimer clairement que des pourparlers directs sur un pied d’égalité nous semblent être la procédure adéquate. »

Cette invitation à des négociations directes constitue un élément essentiel des événements ultérieurs.

Au numéro 5 du même document, page 452 du livre de documents, nous trouvons :

« Étant donné que le Gouvernement polonais dans sa réponse au Président Roosevelt approuve ouvertement l’idée de pourparlers immédiats, le Gouvernement de Sa Majesté a le ferme espoir que le Gouvernement polonais, eu égard aux considérations exposées à l’alinéa précédent, le chargera de faire connaître au Gouvernement allemand que la Pologne est prête à entrer immédiatement en pourparlers avec l’Allemagne. »

Dans le document suivant, qui se trouve à la même page du livre de documents sous le même numéro, télégramme de Sir Nevile Henderson à Lord Halifax, envoyé le 29 août 1939, on expose à nouveau la proposition de médiation de la Grande-Bretagne ; au numéro 3 de ce document il est dit :

« La note fait remarquer que les propositions allemandes n’ont jamais eu pour but de porter préjudice aux intérêts vitaux de la Pologne et déclare que le Gouvernement allemand accepte la médiation de la Grande-Bretagne en vue de la visite à Berlin d’un plénipotentiaire polonais. Le Gouvernement allemand, ajoute la note, compte sur l’arrivée d’un plénipotentiaire pour la journée de demain, mercredi 30 août.

« Je fis remarquer que cette phrase avait le ton d’un ultimatum, mais après quelques vives remarques, M. Hitler et M. von Ribbentrop m’assurèrent qu’ils voulaient simplement souligner l’urgence du moment, alors que les deux armées totalement mobilisées se faisaient face. »

Ces propositions que j’ai déjà soumises dans un document spécial provoquèrent en Angleterre la réaction suivante ; je cite, à la page 453 du livre de documents Ribbentrop un télégramme de Lord Halifax à Sir Nevile Henderson, en date du 30 août 1939, dans lequel il est dit :

« Nous examinerons très attentivement la réponse du Gouvernement allemand, mais il serait évidemment déraisonnable de croire que nous puissions assurer l’arrivée du représentant polonais à Berlin dès aujourd’hui et le Gouvernement allemand ne peut pas y compter. »

Entre temps, la situation s’était tellement aggravée que Sir Nevile Henderson n’attendait plus aucun résultat de la médiation britannique, comme il ressort du même document, page 454. Il s’agit d’un télégramme de Sir Nevile Henderson à Lord Halifax. J’en cite, pour gagner du temps, un bref passage, au numéro 3 :

« Je suis toujours d’avis que le Gouvernement polonais devrait se résigner à cette tentative de la onzième heure pour établir des relations directes avec M. Hitler, ne serait-ce que pour convaincre le monde qu’il est prêt de son côté à faire des sacrifices pour le maintien de la paix. »

Le Gouvernement polonais ne paraissait pourtant pas désireux d’ouvrir des négociations directes. C’est ce qui ressort du même document page 455. Je n’en citerai que les trois premières lignes. Il s’agit d’un télégramme de l’ambassadeur britannique à Varsovie adressé à Lord Halifax. Il y est dit :

« Je suis convaincu qu’il est impossible d’amener le Gouvernement polonais à envoyer immédiatement à Berlin soit M. Beck, soit un autre représentant. »

Dans le même télégramme, l’ambassadeur britannique souligne au paragraphe 4 :

« Bien entendu, je ne donnerai pas mon opinion au Gouvernement polonais, pas plus que je ne lui communiquerai la réponse de M. Hitler avant d’avoir reçu des instructions qui, je l’espère, arriveront sans tarder. »

En ne transmettant pas les propositions allemandes au Gouvernement polonais, on vouait à l’échec les négociations directes. Afin de prouver que le Gouvernement polonais n’avait d’ailleurs pas l’intention d’entrer en négociations directes, je me réfère à la page 465 du même document — un télégramme adressé par Lord Halifax à Sir Kennard à Varsovie — où il demande à nouveau à l’ambassadeur, d’amener le Gouvernement polonais à des négociations directes. Je ne citerai aucun passage de ce document, mais par contre du document suivant, à la page 466, un extrait du Livre Bleu anglais, relatif à la réaction de la Pologne. Il s’agit d’un télégramme de Sir Kennard à Lord Halifax du 31 août 1939. Je vais en citer les trois premiers paragraphes. On y voit clairement quelle était l’attitude de la Pologne vis-à-vis des négociations directes :

« M. Beck vient de me remettre par écrit la réponse polonaise, comme suite à ma démarche de la nuit dernière. »

Deuxième paragraphe :

« J’ai demandé à M. Beck quelles démarches il comptait entreprendre pour entrer en contact avec le Gouvernement du Reich.

Il répondit qu’il allait charger M. Lipski de demander une entrevue soit au ministre des Affaires étrangères, soit au secrétaire d’État, afin de faire savoir que la Pologne acceptait les propositions britanniques. Je le pressai de le faire sans retard.

« Je lui demandai ensuite quelle serait la position de l’ambassadeur polonais au cas où von Ribbentrop ou toute autre personne avec laquelle il serait appelé à parler, lui remettrait les propositions allemandes. Il répondit que M. Lipski n’était pas habilité à recevoir un document semblable car, ainsi que le prouvaient les expériences antérieures, celui-ci pourrait être accompagné d’une sorte d’ultimatum. »

Il ressort de cet extrait du Livre Bleu anglais que la Pologne se refusait à toute tentative d’éclaircir la question de Dantzig et celle des minorités. Dans ces conditions, il n’était plus possible au Gouvernement allemand et au Gouvernement britannique de négocier avec la Pologne sur cette question. Pour prouver qu’il y eut encore de nouvelles tentatives, je soumets au Tribunal le document 209, page 494. Je vous prie de vouloir bien prendre acte de ce document sans que j’en fasse la lecture, ainsi que du document Ribbentrop 210 que je ne lirai pas non plus.

Le document suivant est le document Ribbentrop 213 que vous trouverez à la page 504 (b) de mon livre de documents. Ce dernier document est un rapport officiel allemand sur les bases des négociations et les négociations elles-mêmes au moment de la crise germano-polonaise. En conséquence des obstacles apportés par la Pologne à la discussion de la question de Dantzig et du Corridor, la guerre éclata entre les deux pays.

Dans ma plaidoirie, j’étudierai la question de la nature de cette guerre d’après le Droit international et au point de vue juridique. Aujourd’hui, je voudrais seulement dire que l’absence de toute institution internationale efficiente, capable de modifier un statu quo devenu insupportable, est l’ultime raison qui a amené le déclenchement des hostilités en 1939.

Je vais maintenant soumettre au Tribunal une série de documents relatifs à l’occupation du Danemark et de la Norvège par l’Allemagne. Il s’agit des documents Ribbentrop 216 (a), page 509 du livre de documents, 216 (b) et 217. Je prie le Tribunal de prendre acte de ces documents. En outre, je me réfère, en ce qui concerne les moyens de preuve et le déroulement des faits, aux déclarations et documents que mon confrère le Dr Siemers soumettra au Tribunal à propos de Raeder.

Une autre série de documents se rapporte à l’occupation de la Belgique et de la Hollande. Il s’agit des documents 218 et suivants, qui se trouvent aux pages 518 et suivantes de livre de documents n° 7. Afin de justifier le point de vue allemand, permettez-moi de citer quelques extraits du document Ribbentrop 218, à la page 518 du livre de documents. Je cite brièvement les paragraphes suivants. Paragraphe 2 :

« Depuis longtemps déjà le Gouvernement du Reich est au courant du véritable but de l’Angleterre et de la France : une attaque contre l’Allemagne à l’Ouest, minutieusement préparée et maintenant imminente, pour pénétrer dans le bassin de la Ruhr en passant par les territoires belge et hollandais. L’Allemagne a reconnu et respecté l’intégrité territoriale de la Belgique et des Pays-Bas, à condition toutefois que ces deux pays observent la plus stricte neutralité en cas de guerre entre l’Allemagne, l’Angleterre et la France. La Belgique et les Pays-Bas n’ont pas rempli cette condition. »

Page 2, même document, au paragraphe 8, on mentionne les preuves que le Gouvernement allemand possédait alors et que je produirai à la suite à l’appui de mes affirmations. Il est dit textuellement :

« Des documents en possession du Gouvernement du Reich prouvent que les préparatifs de l’Angleterre et de la France sur les territoires belge et hollandais, en vue de leur attaque contre l’Allemagne, sont déjà très avancés.

C’est ainsi que depuis longtemps, à la frontière belge, en direction de la France, tous les obstacles qui pouvaient gêner l’entrée d’une armée anglo-française ont été secrètement supprimés. L’emplacement d’aérodromes en Belgique et en Hollande a été repéré par des officiers anglais et français et leur construction décidée. Du matériel de transport a été massé à la frontière par la Belgique et, depuis peu de temps, des éléments détachés d’États-Majors et de troupes de l’armée franco-britannique sont arrivés dans diverses régions de la Belgique et des Pays-Bas. Ces faits et d’autres informations qui s’accumulent ces derniers jours, apportent la preuve irréfutable que l’attaque franco-anglaise contre l’Allemagne est imminente et que cette poussée se fera en direction de la Ruhr à travers la Belgique et la Hollande. »

A l’appui de ces informations, je me réfère aux documents Ribbentrop 221 à 229, que je soumets au Tribunal afin qu’il en prenne acte. Ces documents contiennent les projets franco-anglais prévoyant des violations de la neutralité de la Belgique et de la Hollande en accord avec ces deux pays.

LE PRÉSIDENT

Docteur Horn, le Tribunal doit lever l’audience à 5 heures pour siéger ensuite en chambre du Conseil. J’espère que vous aurez fini la présentation de vos documents pour 17 heures.

Dr HORN

Très bien, Monsieur le Président. Afin de gagner du temps, je n’indiquerai que très brièvement le contenu de ces documents.

Sous la référence Ribbentrop 221, se trouve un document prouvant qu’une intervention en Belgique était prévue. C’est un rapport de l’attaché militaire auprès de l’ambassade de France à Londres, le général Lelong, adressé au chef du Grand État-Major général français de la défense du territoire. Voici le texte du document ; je vais en citer un court extrait :

« Intervention en Belgique. La Délégation britannique a immédiatement reconnu combien les conditions de notre éventuelle intervention en Belgique sont peu sûres. Il était prévu que tout en évitant une bataille rangée dans la plaine belge nous devions envisager l’organisation de notre défense au moins le long de l’Escaut belge et de préférence le long du canal Albert.

Suivant le désir de la Délégation britannique, ont été prises en considération :

1. La possibilité d’une intervention sur des positions Anvers-Bruxelles-Namur, s’il était possible d’organiser à temps ces positions.

2. L’intérêt de la possession des territoires belge et néerlandais, comme base de départ pour une offensive contre l’Allemagne. »

Afin de gagner du temps je ne ferai pas d’autres citations de documents touchant ces questions. Je prie seulement le Tribunal d’accorder valeur probatoire aux documents Ribbentrop 219, page 521 du livre de documents, un mémorandum du Gouvernement allemand au Gouvernement luxembourgeois en date du 9 mai 1940, et Ribbentrop 220 ; je m’y référerai au cours de ma plaidoirie. En outre, je vous prie de prendre acte des documents 230, 230 (a), 231, 231 (a), 232, 233, 234, 235, 236, 237, 239, 240, 241, 242, 243, 244 et 245. Là encore, il s’agit de documents provenant de l’Etat-Major général français et qui prouvent sans aucun doute que l’Angleterre et la France, dès avant le 9 mai 1940, avaient élaboré des plans détaillés pour une collaboration militaire et que des commandos américains et anglais avaient été envoyés en avant-garde sur les territoires hollandais et belge avant que les troupes allemandes aient traversé la frontière de la Belgique.

Je clos ainsi cette question, et j’en viens aux documents concernant l’occupation de la Yougoslavie et de la Grèce. Il s’agit des documents 272 et suivants, qui se trouvent pages 604 et suivantes du livre de documents. Là encore, il s’agit de documents qui, en partie, proviennent de l’État-Major général français. Le premier document est le document Ribbentrop 272, note du Gouvernement du Reich au Gouvernement yougoslave, du mois de mars 1941. Il s’agit de l’adhésion de la Yougoslavie au Pacte Tripartite. Il ressort de ce document que l’Allemagne ou les Puissances de l’Axe n’avaient nullement l’intention de formuler des exigences vis-à-vis de la Yougoslavie pendant la guerre, en particulier pour le passage ou le transport de troupes à travers le territoire yougoslave. Les documents Ribbentrop 273 et 274 contiennent le procès-verbal de l’adhésion de la Yougoslavie au Pacte Tripartite, le 25 mars 1941, et une note jointe adressée par le Gouvernement du Reich au Gouvernement yougoslave. Sous le numéro 277 Ribbentrop, je soumets au Tribunal une note du Gouvernement du Reich au Gouvernement grec qui lui a été transmise après l’occupation du territoire grec par les troupes anglaises. Puis-je citer un passage de la page 3, une seule phrase :

« Ces derniers jours, la Grèce est devenue ouvertement un théâtre d’opérations des forces britanniques. »

Sous la référence Ribbentrop 278, je soumets au Tribunal une déclaration officielle du Gouvernement du Reich en date du 6 avril 1941, adressée à la Grèce et à la Yougoslavie. Dans cette note sont exposées les raisons qui, après le putsch de Simovitch, ont amené l’intervention militaire de l’Allemagne en Yougoslavie. Vous trouverez ces raisons à la page 4 du document. Afin de prouver que ces affirmations sont vraies, je me réfère aux documents du dossier « Charité », saisis dans les archives de l’État-Major général français.

Je termine ainsi la question Yougoslavie-Grèce ; je voudrais indiquer encore que je me référerai également aux preuves fournies par le Dr Siemers à propos de l’accusé Raeder, et qui concernent l’action allemande contre la Grèce.

Le groupe de documents suivant a trait à la Russie. Ce sont les documents Ribbentrop 279 et suivants, page 619 et suivantes du livre de documents. Je vous prie de prendre acte des documents 279, 280, 282, 283, 284. Dans ma plaidoirie, je reviendrai en détail sur ces documents.

La dernière série de documents que je dépose est celle qui a trait aux accusations portées contre Ribbentrop à propos du Pacte anti-Komintern et de sa politique à l’égard du Japon et des USA.

Le premier document de ce groupe est le document Ribbentrop 291, à la page 652 du livre de documents. Ce document contient le texte du Pacte anti-Komintern. Le document Ribbentrop 281 montre l’extension du Pacte anti-Komintern par le Pacte Tripartite du 27 septembre 1940. Je soumets ces documents au Tribunal afin de prouver que von Ribbentrop et le Gouvernement du Reich se sont efforcés par cette politique, d’éviter que les USA n’entrent dans la guerre.

Malgré cette politique, nos adversaires reçurent une aide active des USA. Afin de le prouver, je me réfère aux documents Ribbentrop 306 et 308, pages 700 et 702 et suivantes du livre de documents. Avec ces documents, j’ai remis au Tribunal les derniers documents se rapportant à la politique étrangère de l’Allemagne pendant les années où l’accusé von Ribbentrop a été ministre des Affaires étrangères.

En conclusion, je vais me référer au document Ribbentrop 313. C’est une déclaration sous serment du conseiller de légation Bernd Gottfriedsen. Cette attestation ne se rapporte pas à la guerre d’agression mais à des questions que le Ministère Public a exposées en liaison avec les charges contre Ribbentrop. Cet affidavit contient des indications au sujet des propriétés de von Ribbentrop et de ses collections d’art.

J’attire l’attention du Tribunal sur le fait que le conseiller d’ambassade Gottfriedsen, comme il est indiqué dans l’affidavit, s’occupait des affaires financières du ministère des Affaires étrangères et en particulier de celles du ministre du Reich. Puis-je citer ici un bref extrait, à la question n° 5. Comme on lui demandait des renseignements sur les collections de Ribbentrop, le conseiller d’ambassade Gottfriedsen donna la réponse suivante :

« M. von Ribbentrop avait de la fortune avant d’entrer dans la carrière diplomatique. Pendant le temps où il a occupé les fonctions mentionnées ci-dessus, il acquit quelques tableaux, la plupart chez des marchands de tableaux en Allemagne même. Tous ces tableaux furent acquis selon les règles et avant tout au juste prix ; naturellement, sur les fonds privés du ministre des Affaires étrangères, M. von Ribbentrop acquit des objets d’art à l’étranger pour meubler le ministère des Affaires étrangères et les missions allemandes à l’étranger. Ces objets étaient propriété de l’État et utilisés en conséquence. Tous ces objets d’art furent catalogués et inventoriés. Aucun objet d’art étranger ne fut acquis illégalement, c’est-à-dire par pression, représailles, etc. Les objets d’art personnels de M. von Ribbentrop furent également catalogués et j’apposai une marque distinctive sur les objets eux-mêmes. » Je saute un paragraphe et je lis le reste de l’affidavit :

« Pendant la guerre, il n’acquit aucun objet d’art illégalement dans un territoire occupé par les troupes allemandes, que ce soit pour son usage personnel, pour le ministère des Affaires étrangères ou pour le Reich. »

Puis-je ajouter que le conseiller d’ambassade Gottfriedsen est au courant du détail de la fortune de l’accusé von Ribbentrop. Il en faisait avec un contrôleur des finances le relevé annuel pour les impôts.

Je vais citer, en conclusion, un passage d’une déclaration sous serment, document Ribbentrop 317, page 749 et suivantes du livre de documents. C’est un affidavit de Mme von Ribbentrop, fait devant un notaire de Nuremberg. Il se rapporte aux accusations portées par le Ministère Public au sujet de la politique de Ribbentrop vis-à-vis de la Russie. J’en cite le passage suivant :

« En 1940, nous n’avions au ministère des Affaires étrangères où nous logions qu’un abri insuffisant ; aussi, lors d’attaques aériennes, nous nous servions, sur l’ordre d’Adolf Hitler, de l’abri de la Chancellerie du Reich, car il désirait que mon mari, en tant que ministre des Affaires étrangères, et les dossiers des Affaires étrangères fussent en sécurité. J’attendais à l’époque mon dernier enfant qui naquit le 19 décembre 1940, et je me souviens très bien d’une attaque aérienne qui eut lieu peu avant cet événement et qui nous obligea à aller dans l’abri de la Chancellerie du Reich. Hitler y était également. Nous étions assis lui, mon mari et moi autour d’une table de cette pièce. Tant que nous y sommes restés, mon mari exposa longuement les efforts qu’il avait faits pour amener l’adhésion de la Russie au Pacte Tripartite. Il exposa les possibilités de cette action diplomatique et la façon dont il envisageait la conclusion d’un tel Pacte. Je me souviens parfaitement bien qu’Adolf Hitler termina l’entretien en disant : « Ribbentrop, pourquoi donc ne réussirions-nous pas alors que nous avons « déjà réussi tant de choses ? »

« Mon mari avait fait avec beaucoup d’élan un exposé persuasif. Lorsqu’il eut terminé, je remarquai qu’Adolf Hitler, qui avait écouté l’exposé de mon mari sans faire d’observations positives, semblait assez distrait, de sorte que j’eus l’impression que l’exposé de mon mari ne lui avait pas paru convaincant. »

J’ai produit cette attestation sous serment afin de prouver que Ribbentrop, à cette époque, s’est efforcé sérieusement d’éviter un conflit avec la Russie.

Je termine ainsi la présentation des documents à l’appui de la défense de l’accusé von Ribbentrop.

LE PRÉSIDENT

Sir David, pourriez-vous nous dire si vous avez pu vous mettre d’accord avec le Dr Thoma en ce qui concerne les documents de Rosenberg ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, les Délégations américaine, soviétique et française s’occupent de Rosenberg.

LE PRÉSIDENT

M. Dodd pourrait peut-être nous en parler.

M. DODD

Le capitaine Krieger de notre service, Monsieur le Président, a consulté le Dr Thoma et continuera à le faire, suivant la procédure imposée par le Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Bien.

M. DODD

A ce propos, je voudrais informer le Tribunal que nous avons terminé nos conversations avec le Dr Dix et que nous avons quelques divergences de vues. Il serait nécessaire, je crois, de soumettre au Tribunal les points sur lesquels nous sommes en désaccord. Toutefois, nous sommes tombés d’accord sur un certain nombre de documents concernant Schacht.

LE PRÉSIDENT

Oui, mais ce que je désirerais savoir, c’est s’il n’y aura pas de délai entre la fin de l’exposé de Kaltenbrunner et celui de Rosenberg. Si j’ai bien compris, les documents que nous aurons à considérer pour Rosenberg sont très nombreux ; le Tribunal aimerait les recevoir au plus tôt.

M. DODD

Nous sommes prêts à poursuivre nos discussions avec le Dr Thoma à n’importe quel moment, ce soir même s’il le désire.

LE PRÉSIDENT

Il me semble qu’il serait souhaitable que les documents déjà traduits soient remis au Tribunal avant les autres pour que nous ne les ayons pas tous ensemble, car il doit y avoir plusieurs volumes.

M. DODD

II y en a trois jusqu’ici ; je crois qu’il y en aura davantage. Nous allons continuer à discuter avec le Dr Thoma et nous hâter ; dès que nous serons d’accord sur un livre, nous le présenterons au Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Oui. Docteur Thoma, la meilleure méthode ne serait-elle pas que vous soumettiez au Tribunal les volumes déjà traduits, pour que le Tribunal puisse les examiner au préalable comme nous l’avons fait pour les livres de documents du Dr Horn ?

Dr THOMA

Parfaitement, Monsieur le Président, c’est très possible, les documents sont déjà préparés et, en ce qui concerne les livres de documents n03 2 et 3, je me suis entendu aujourd’hui avec le capitaine Krieger à la chambre 216. Ils pourront donc également être déposés.

LE PRÉSIDENT

Vous pourriez spécifier dans les livres les documents sur lesquels vous êtes d’accord. Vous pourriez aussi indiquer les documents que vous êtes prêt à retirer ?

Dr THOMA

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Vous ferez parvenir ces livres dès que possible au Secrétaire général, en signalant les documents sur lesquels vous vous êtes entendu avec le capitaine Krieger.

Dr THOMA

Je dois attirer votre attention sur le fait qu’à la chambre 216, je ne suis arrivé à un accord avec le capitaine Krieger qu’en ce qui concerne les livres de documents n° 5 2 et 3, relatifs à l’État-Major spécial et aux fonctions de ministre pour les territoires de l’Est. Je n’ai pas encore obtenu un accord en ce qui concerne la philosophie et les écrits de Rosenberg. Je le ferai plus tard.

LE PRÉSIDENT

Non. Est-ce dans le livre de documents n° 1 ?

Dr THOMA

Oui.

LE PRÉSIDENT

Bien. Si vous ne pouvez pas arriver à un accord, vous pourrez le spécifier, nous examinerons ces points. Peut-être pourriez-vous demain voir le capitaine Krieger au lieu d’assister à l’audience afin d’arriver à un accord sur le premier livre de documents et sur les autres. Combien d’autres livres avez-vous encore ?

Dr THOMA

Quatre en tout.

LE PRÉSIDENT

Encore quatre ?

Dr THOMA

En tout quatre livres de documents.

LE PRÉSIDENT

Oui, je vois, donc il n’y en a plus qu’un à traduire.

Dr THOMA

Oui, Monsieur le Président.

(L’audience sera reprise le 11 avril à 10 heures.)