CENT ONZIÈME JOURNÉE.
Jeudi 18 avril 1946.
Audience de l’après-midi.
Accusé, dites-moi quel était en fait le chef de la NSDAP dans le Gouvernement Général ?
Je n’entends rien du tout.
Je vous demande...
Je n’entends rien du tout.
Je vous demande ceci : après le 6 mai 1940...
Le 6 mai ?
Oui. Après que l’organisation nazie eut été créée dans le Gouvernement Général, qui en a été nommé chef ?
Moi.
Donc vous cumuliez les fonctions de chef de l’administration de la NSDAP et de la Police. Vous portez donc la responsabilité des événements d’ordre administratif, politique et policier, qui eurent lieu dans le Gouvernement Général ?
Avant de répondre à cette question, je dois protester contre votre affirmation selon laquelle j’aurais eu la direction de la Police.
J’ai l’impression que c’est la seule façon d’interpréter les ordres du Führer et les autres documents que je vous ai présentés.
Bien sûr, si l’on néglige les faits et la réalité de la situation.
Passons à un autre genre de questions : vous n’avez appris l’existence de Maïdanek qu’en 1944 ?
C’est en 1944 que le nom de Maïdanek a été pour la première fois officiellement porté à ma connaissance par le chef de la presse Gassner.
Je demanderai qu’on vous présente un document que vous avez rédigé et qui a été déposé par votre avocat. C’est un rapport que vous avez adressé à Hitler en mai, pardon, le 19 juin 1943. Je vais en lire un extrait :
« Pour montrer la méfiance témoignée à l’égard du Gouvernement allemand, je vous envoie ci-joint un extrait caractéristique du rapport du chef de la Police et du SD du Gouvernement Général. »
Un instant. J’ai ici à la page 35 un passage en allemand qui est rédigé différemment. Ce ne doit pas être le bon.
Vous l’avez ?
Oui, mais vous avez commencé par une autre phrase ; elle commence ici de la manière suivante : « Une grande partie de l’intelligentsia polonaise... »
Quelle page ?
Page 35 du texte allemand, dernier paragraphe.
Il commence ici de la manière suivante :
« Une grande partie... »
C’est exact. Je continue : « Pour prouver le degré de la méfiance témoignée au Gouvernement allemand je vous envoie ci-joint » — ce sont vos propres paroles — « un extrait caractéristique du rapport du chef de la Police de sûreté et du SD du Gouvernement Général, pour le mois de mai 1943, au sujet des possibilités de propagande fournies par l’événement de Katyn ».
Je vous prie de me faire montrer ce passage, car je ne vois pas ici ce que vous venez de lire.
Ce passage s’y trouve. Il est un peu plus haut dans votre texte.
Je crois qu’il a été omis.
Je recommence au passage que vous avez plus bas. Regardez le texte : « La plus grande partie de l’intelligentsia polonaise ne se laisse cependant pas influencer par les nouvelles de Katyn et reproche aux Allemands des cruautés analogues surtout celles d’Auschwitz ». Je saute la phrase suivante :
« Parmi les éléments de la classe ouvrière qui n’ont pas de tendances communistes, le fait est généralement admis. Il faut également admettre que la position de l’Allemagne vis-à-vis des Polonais n’est pas meilleure ».
Faites attention à la phrase suivante :
« On raconte qu’il y a des camps de concentration à Auschwitz et à Maïdanek où des exterminations massives de Polonais ont également lieu d’une façon systématique ». Comment concilier cette partie de votre rapport qui mentionne les massacres collectifs d’Auschwitz et de Maïdanek avec votre déclaration d’après laquelle vous n’avez entendu parler de Maïdanek qu’à la fin de juin 1944 ?
Nous parlions de Maïdanek à propos de l’extermination des Juifs, dont j’ai entendu parler au cours de l’été 1944. Jusqu’à ce moment-là le mot Maïdanek était toujours mentionné à propos de l’extermination des Juifs.
Donc, il faut admettre qu’en mai 1943 vous aviez connaissance des exterminations massives de Polonais à Maïdanek et qu’en 1944 vous avez été mis au courant des exterminations massives de Juifs qui y avaient lieu ?
Pardon ? En 1944 des documents officiels de la presse étrangère m’ont révélé l’extermination des Juifs à Maïdanek ?
Mais les exterminations massives de Polonais vous étaient connues dès 1943 ?
C’est ce qui ressort de mon rapport et je proteste : ce sont là les faits que j’ai présentés au Führer.
Je vais vous faire présenter maintenant un autre document. (Le document est remis au témoin.)
Le connaissez-vous ?
C’est une ordonnance datée du 2 octobre 1943. Je suppose que le texte concorde avec l’original.
Certainement. D’ailleurs votre avocat peut vérifier cette concordance.
Que pensez-vous de cet ordre que vous avez signé ?
Oui, je l’ai ici.
Vous étiez président de l’Académie allemande de Droit, du point de vue des principes fondamentaux les plus élémentaires du Droit, que pensez-vous de cet ordre ?
Avez-vous le numéro ?
C’est le document URSS-335, Monsieur le Président.
C’est là la rédaction normale d’une ordonnance sur les juridictions d’exception. Il stipule que les débats se dérouleront devant un juge, qu’on motivera le jugement par écrit et qu’il sera tenu procès-verbal des audiences. D’ailleurs, j’avais le droit de grâce, de sorte que chaque décision devait m’être soumise.
Je voudrais que vous nous parliez de la composition de ces tribunaux d’exception et de la qualité de leurs membres. Veuillez vous reporter au premier point du paragraphe 3 ?
Oui, la Police de sûreté.
Vous nous parliez de votre antipathie pour le SD. Pourquoi avez-vous conféré à la Police de sûreté le droit d’opprimer la population polonaise ?
Car c’était pour moi le seul moyen d’influencer les décisions. Si je n’avais pas publié ce décret, je n’aurais eu aucun moyen de contrôle et la Police aurait agi aveuglément.
Vous parliez du droit de grâce qui vous avait été conféré. Je vous rappelle le paragraphe 6 de cet ordre dont le texte déclare :
« Les jugements des tribunaux d’exception de la Police de sûreté sont exécutoires sur-le-champ. »
Je vous rappelle également que la seule condamnation possible était la mort. Comment donc pouviez-vous y changer quelque chose si le condamné devait être fusillé ou pendu immédiatement ?
Le jugement devait cependant m’être soumis.
Oui, mais il était immédiatement applicable.
J’avais donné des instructions générales sur l’exercice du droit de grâce, et la commission des grâces siégeait en permanence. Les dossiers nous étaient envoyés...
A propos du droit de grâce, je vous poserai encore une question. Vous rappelez-vous de l’action AB ?
Oui.
Vous vous rappelez qu’elle signifiait la mise à mort de milliers d’intellectuels polonais ?
Non.
Que signifiait-elle donc ?
Elle rentrait dans le cadre de l’action de pacification générale. Son but était d’éliminer au moyen d’une procédure régulière les actes arbitraires de la Police. Voilà ce qu’était l’action AB.
Je ne comprends pas très bien votre définition. Quel traitement était réservé aux personnes visées ? Qu’advenait-il d’elles ?
A cette réunion, la seule question soulevée fut celle des arrestations.
Je vous demande ce qu’il advenait d’elles.
Elles étaient mises en état d’arrestation préventive.
Et ensuite ?
Elles étaient soumises à la procédure établie. C’était du moins mon intention.
Était-ce laissé aux seuls soins de la Police ?
Oui. La Police en était chargée.
Autrement dit, la Police s’occupait de l’extermination de ces personnes après leur arrestation ?
Oui.
Dites-moi alors, je vous prie, pourquoi vous n’avez pas exercé votre droit de grâce ?
Je l’ai exercé.
Je demanderai qu’on vous présente votre déclaration du 30 mai 1940. Vous vous rappelez certainement cette réunion du 30 mai 1940 avec la Police, où vous lui avez donné vos dernières instructions ?
Non.
Vous y avez déclaré : « Toute tentative faite par les autorités légales pour intervenir dans l’action AB, entreprise par la Police, sera considérée comme une haute trahison envers l’État et les intérêts allemands ». Vous en souvenez-vous ?
Je ne me le rappelle pas. Mais vous devriez considérer l’ensemble de ces événements qui couvrent une période de plusieurs semaines. Il faut considérer la déclaration comme un tout, et n’en pas extraire une phrase séparée. Il s’agit d’une longue évolution, au cours de laquelle cette commission a été établie par mes soins pour la première fois. Ce fut ma façon de protester contre les actions arbitraires et de rendre cette procédure juste. Cette évolution de plusieurs semaines, ne peut, à mon avis, être résumée en une seule phrase.
Je vous parle maintenant de mots, qui, pour un juriste, n’ont à mon avis qu’une signification. Vous avez dit : « La commission des grâces qui se trouve dans mon service n’a pas à s’occuper de ces affaires. L’action AB doit être menée exclusivement par le chef de la Police et des SS, Krüger, et son organisation. C’est une simple entreprise intérieure de pacification qui est nécessaire et qui doit se dérouler hors du cadre d’une procédure régulière ».
Ce qui veut dire que vous avez renoncé à votre droit de grâce ?
Oui. A ce moment-là. Mais si vous suivez l’évolution ultérieure de l’action AB au cours des semaines suivantes, vous verrez qu’elle n’a jamais été réalisée. C’était un projet, un mauvais projet, que, Dieu merci, j’ai abandonné à temps.
Peut-être mon avocat pourrait-il ajouter quelque chose à ce sujet ?
Une seule question m’intéresse : avez-vous renoncé à votre droit de grâce, en exécutant cette action ?
Non.
Comment donc doit-on comprendre cette phrase ? « La commission des grâces qui se trouve dans mon service n’a pas à s’occuper de ces affaires ». Comment interpréter ces mots ?
Il ne s’agit pas d’un décret ni d’un règlement définitif. C’est une remarque qui fut faite sous l’impulsion du moment et donna lieu à des négociations qui ont duré plusieurs jours. Il faut regarder le résultat et non pas les motifs allégués qui se dégagent du déroulement de l’affaire.
Oui, je comprends très bien : mais je vous demande si cette déclaration a été faite au cours de la réunion de la Police, et si elle a servi de base aux instructions données ?
Pas au cours de cette réunion. Je suppose que cela vint à un autre propos. On ne fit que parler de cette opération ; d’ailleurs il fallait bien que j’aborde ce sujet avec le secrétaire d’État Bühler.
Bien. Au cours de cette discussion avec la Police au sujet de l’action AB, vous avez déclaré que le résultat de celle-ci ne regardait pas la commission des grâces instituée par vous ?
Cette phrase se trouve dans mon journal. Mais ce n’est pas là un résultat, mais une étape.
Peut-être devrais-je vous rappeler une autre phrase pour que vous puissiez juger les résultats de cette action : « Nous n’avons pas besoin de mettre ces éléments dans des camps de concentration allemands, car cela entraînerait des difficultés et des rapports épistolaires inopportuns avec la famille. Il vaut mieux liquider ces questions dans le pays même, et de la façon la plus simple ». C’est bien cela n’est-ce pas ? Il s’agissait d’une simple liquidation ?
Ce sont des mots terribles mais qui, Dieu merci, n’ont pas eu de suites.
Oui, mais ces personnes ont été exécutées ; pourquoi dites-vous alors que l’opération ne fut pas réalisée ? Elle a bien été réalisée puisque les gens ont été exterminés ?
S’ils étaient condamnés, on les exécutait, lorsque la grâce ne leur avait pas été accordée.
Et on les condamnait sans leur donner le bénéfice du droit de grâce ?
Je ne crois pas.
Malheureusement, ces personnes ne sont plus puisqu’elles ont, de toute évidence, été exécutées.
Quelles personnes ?
Les personnes arrêtées pendant l’action AB. Je vais vous rappeler encore un passage se rapportant à cette action. Si vous n’approuviez pas la Police en raison de certaines de ses activités, comment expliquer les cérémonies qui présidèrent au départ du Brigadeführer Streckenbach pour Berlin ? Ne montrent-elles pas que vous aviez des rapports amicaux avec la Police ?
Dans les relations politiques, on prononce beaucoup de mots flatteurs qui n’ont rien à voir avec la vérité. Vous le savez aussi bien que moi.
Je me permettrai de vous rappeler un seul passage de votre discours adressé au Brigadeführer Streckenbach : « Ce que vous, Brigadeführer Streckenbach, et vos hommes avez accompli dans le Gouvernement Général ne doit pas être oublié ; et vous n’avez pas besoin d’en avoir honte ».
Cela ne révèle-t-il pas une attitude tout à fait différente vis-à-vis de Streckenbach et de ses gens ?
Et on ne l’a pas oublié.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Le contre-interrogatoire est-il terminé ?
Plaise au Tribunal. Je n’ai qu’une ou deux questions à poser : Au cours de votre interrogatoire, j’ai cru comprendre que vous ne vous étiez jamais approprié aucune œuvre d’art dans le Gouvernement Général. Je suppose que vous n’entendez pas par là que vous les ayez rassemblées et enregistrées. Cela vous l’avez fait ?
Les œuvres d’art du Gouvernement Général ont été officiellement rassemblées et enregistrées. Le catalogue en a été présenté au Tribunal.
Oui, mais avant d’en arriver là, vous avez dit au Tribunal qu’une collection de Dürer avait été confisquée avant votre entrée en fonctions.
Je vous prie de comprendre cela de la manière suivante : il s’agit des Dürer qui ont été enlevés à Lemberg avant que l’administration civile y ait été installée. M. Mühlmann y vint et les enleva de la bibliothèque. Je ne suis jamais allé à Lemberg avant cet incident. Ces tableaux ont été ensuite emmenés au Quartier Général du Führer ou remis au maréchal Göring, je n’en sais rien.
C’est là que je voulais en venir. Elles ont été rassemblées pour Göring ?
Le secrétaire d’État Mühlmann m’a déclaré qu’il venait par ordre du maréchal pour enlever ces tableaux.
Est-ce que d’autres objets d’art n’ont pas également été enlevés par le Reichsmarschall ainsi que par l’accusé Rosenberg à l’époque où, comme vous l’avez dit au Tribunal, vous étiez trop occupé avec vos devoirs militaires pour vous mêler à ces questions ?
J’ignore s’il s’est passé de telles choses dans le Gouvernement Général. L’Einsatzstab Rosenberg n’avait aucune compétence dans cette région et à part les œuvres du compositeur Elsner et une bibliothèque juive de Lublin, je n’avais pas le droit d’exiger le retour d’objets pris par Rosenberg.
Mais des objets d’art étaient en votre possession quand vous avez été fait prisonnier par les forces américaines ?
Oui, mais ils n’étaient pas en ma possession ; je les avais mis à l’abri, mais pas à des fins personnelles. Ils n’étaient d’ailleurs pas directement sous ma protection, mais je les ai éloignés de la Silésie en flammes, et c’était le seul moyen de les sauver. Il s’agissait d’œuvres d’art si connues (elles figurent sur le catalogue sous les numéros 1 à 10) qu’il était impossible de se les approprier ; on ne peut pas voler la « Joconde ».
Je voulais simplement préciser cette question. Je savais que vous aviez dit au cours de votre interrogatoire que certains objets étaient en votre possession, et je ne vous accuse pas de les avoir détenus pour votre compte personnel, si vraiment vous ne l’avez pas fait. Mais vous avez tiré cela au clair.
Je voudrais encore faire remarquer à ce propos, car j’attache beaucoup d’importance à ce sujet, que les œuvres d’art dont il s’agit ici ne pouvaient être préservées que de cette façon. Autrement elles auraient été perdues.
Très bien. Il y a une autre question que je voudrais éclaircir. J’ai cru comprendre ce matin que vous aviez dit avoir lutté pendant un certain temps pour obtenir la libération des professeurs de Cracovie qui avaient été arrêtés et envoyés dans le camp de concentration d’Oranienbourg, peu après l’occupation de la Pologne. Naturellement, vous savez sans doute ce que vous-même avez noté dans votre journal à ce sujet ?
Oui, j’ai expliqué ce fait ce matin. Et en dehors de ce qu’il y a dans mon journal, c’est la vérité. N’oubliez pas que je devais parler devant un groupe d’ennemis mortels qui répétaient au Führer et à Himmler tous les mots que je prononçais.
Naturellement vous vous souviendrez avoir suggéré qu’il eût mieux valu les emprisonner en Pologne ou les y liquider ?
Jamais : même si vous pouvez m’opposer cette déclaration. Je ne l’ai jamais fait. Au contraire, j’ai reçu ces professeurs de Cracovie et me suis entretenu avec eux en toute tranquillité. J’ai beaucoup regretté cet incident.
Vous ne me comprenez peut-être pas. Je vous parle de ce que vous avez écrit dans votre propre journal au sujet de ces professeurs, et je serais heureux de le lire et de le mettre à votre disposition si vous le contestez. Vous ne pouvez pas nier avoir demandé qu’on les ramenât en Pologne où ils devaient être liquidés, ou emprisonnés ?
Je vous ai dit que ma déclaration avait pour seul but de tromper mes ennemis ; en réalité, j’ai libéré les professeurs. D’ailleurs il ne leur est plus rien arrivé par la suite.
Très bien. Vous avez également parlé des tâches spéciales lorsque vous aviez si aimablement pris congé du général Krüger, haut fonctionnaire des SS et de la Police ?
C’était exactement la même chose. Permettez-moi de dire, Monsieur le représentant du Ministère Public, que j’admets sans réserve ce qui peut-être admis, mais j’ai également juré de ne rien ajouter. Personne ne peut faire d’aveux plus complets que je ne l’ai fait en remettant ces journaux. Je vous prie de ne pas me demander d’y ajouter quelque chose.
Non, je ne vous le demande pas ; je vous demandais de préciser ce point car vous avez créé une situation délicate pour vous et pour les autres. Considérez que si nous ne devons pas ajouter foi à ce qui est écrit dans votre journal, je ne sais pas pourquoi vous nous demandez de croire ce que vous dites maintenant. Vous l’avez pourtant écrit vous-même, à cette époque, et je suppose que vous ne vous attendiez pas à être confronté avec vos propres dires.
Ne veut-il pas dire qu’il s’agit là d’un compte rendu d’un discours qu’il aurait tenu ?
Oui. Cela se trouve dans son journal.
Lorsqu’il dit : « Ma déclaration avait pour but de tromper mes ennemis » ?
Oui.
Je suppose qu’il s’agit là d’extraits d’un discours qu’il aurait prononcé ?
C’est exact. Les paroles sont rapportées dans son journal.
Puis-je dire quelque chose à ce sujet : ce n’est pas moi qui me suis mis dans une situation difficile ; mais l’évolution de la guerre rendait difficile la situation de chaque fonctionnaire.
Finalement, vous vous souvenez avoir écrit dans votre journal que vous avez eu un entretien d’une heure et demie avec le Führer...
S’il vous plaît, quand a eu lieu ce dernier entretien ?
Le lundi 17 mars 1941, comme l’indique votre journal.
C’est probablement un des rares entretiens que j’ai eus avec lui ; je ne sais pas si j’étais seul avec lui.
Vous avez dit que vous vous étiez mis d’accord avec le Führer, qu’il avait approuvé toutes les mesures et tous les décrets, ainsi que toute l’organisation du pays. Vous en tenez-vous à cette déclaration aujourd’hui ?
Non et je voulais dire ceci : l’approbation du Führer était toujours donnée spontanément, mais la réalisation se faisait attendre un certain temps.
Vous êtes-vous plaint à lui en cette occasion, comme vous l’avez dit ce matin ?
Je me plaignais tout le temps. Comme vous le savez, j’ai offert ma démission quatorze fois.
Oui, je sais, mais ce 17 mars 1941, vous êtes-vous plaint à lui ? Avez-vous reçu son approbation ou a-t-il, rejeté les plaintes que vous formuliez ?
Le Führer a alors trouvé un moyen très simple d’arranger les choses en disant : « Vous devez régler cette question avec Himmler en personne ».
Ce n’est pas une réponse. Vous avez écrit dans votre journal que vous vous êtes entretenu avec lui, qu’il a tout approuvé, et vous n’avez pas mentionné votre prétendue déception. Ce n’est pas du compte rendu d’un discours qu’il s’agit dans votre journal, mais du rapport de votre conversation avec le Führer. Et ma question est : admettez-vous la situation ou prétendez-vous que votre déclaration est fausse ?
Je vous demande pardon : je n’ai pas dit que j’avais écrit des mensonges. Je ne sais pas discuter sur les mots, mais ceux-ci doivent être pris dans leur contexte. Si j’ai dit en présence de fonctionnaires que le Führer m’avait reçu et avait approuvé mes mesures, c’était pour renforcer mon autorité. Cela ne fait pas ressortir le fond de mes pensées ; je ne veux pas discuter sur les mots et n’ai pas demandé à le faire.
Très bien, je ne désire pas insister davantage.
Docteur Seidl, désirez-vous interroger encore ?
Témoin, la première question qui vous a été posée par le représentant du Ministère Public soviétique était celle de savoir si vous étiez le chef de la NSDAP dans le territoire du Gouvernement Général, et vous avez répondu « oui ». Le Parti a-t-il eu une influence décisive sur la vie administrative ou politique du Gouvernement Général ?
Non. Le Parti était soumis à mon contrôle théorique car tous les fonctionnaires en étaient nommés par Bormann, sans que je donne mon avis. Il n’y a aucun décret spécial du Führer stipulant que les milieux de la NSDAP dans les territoires occupés, étaient sous l’autorité de Bormann.
Est-ce que l’activité que vous déployiez dans le cadre de la NSDAP du Gouvernement Général avait un rapport quelconque avec les affaires de la Police de sûreté ?
Non, le Parti était trop peu important pour jouer un rôle officiel décisif. Il n’avait aucune fonction gouvernementale.
Une autre question : le Ministère Public soviétique vous a présenté le document URSS-335. C’est l’ordonnance de 1943 sur l’institution des tribunaux d’exception. Il est dit au paragraphe 6 : « Les décisions des tribunaux d’exception sont exécutoires sur-le-champ ». Est-il exact de dire qu’il n’y avait pas moyen d’interjeter appel de ces décisions, mais que la grâce restait toujours possible ?
Certainement : mais je dois dire que ce décret est inacceptable.
Quelles sont les conditions qui ont inspiré le décret du 2 octobre 1943 ? Je pense en particulier à la question de sécurité.
Une étude rétrospective me conduit à penser qu’il n’y avait pas de raison pouvant motiver une telle demande. Mais si on se remémore les événements de la guerre et la conflagration générale, on peut penser que c’était encore une mesure de désespoir.
J’en viens maintenant à l’action AB. Est-il exact qu’en 1939, une ordonnance sur les tribunaux d’exception a conféré des garanties légales plus importantes et plus étendues que celles de 1943 ?
Oui.
Est-il exact que les personnes arrêtées dans le cadre de l’action AB ont été soit condamnées, soit acquittées sur la base de cette ordonnance.
Oui.
Est-il exact que toutes les décisions de ces tribunaux devaient, selon votre désir, être soumises à la commission des grâces compétente, présidée par le secrétaire d’État Dr Bühler ?
Oui.
Le représentant du Ministère Public américain vous a reproché qu’à Neuhaus, où l’on vous a arrêté après l’effondrement de la Wehrmacht, on a trouvé un certain nombre d’objets d’art, non dans votre maison mais dans les bureaux du Gouvernement Général. Est-il exact que vous ayez envoyé le secrétaire d’État Dr Bühler, porteur d’une lettre adressée à Lammers, dans laquelle il y avait une liste de ces objets ?
Oui. J’ai même attiré l’attention du directeur de la pinacothèque de Munich sur le fait que les tableaux qui se trouvaient là devaient être mis en sécurité immédiatement contre les bombardements. Ils furent alors placés dans une cave-abri. Je suis heureux d’avoir fait cette démarche, car je me demande ce qui serait advenu de ces objets.
Une autre question. Le Ministère Public a présenté le document PS-661. Ce document porte également un numéro URSS que je ne me rappelle pas. C’est un document qui concerne les activités de l’Académie allemande de Droit dont vous étiez le président. Ce document est intitulé : « Base juridique de la politique allemande en Pologne, sur les données politiques raciales. Sa partie juridique doit servir de texte de base à la commission du Droit des nationalités de l’Académie allemande de Droit ». Je voudrais vous présenter ce document, et je vous prie de me dire si vous l’avez jamais eu entre les mains.
De qui est-il ?
C’est ce qui est important. Il porte le numéro USA-300.
Est-ce qu’il n’est pas fait mention de la personne qui a établi ce document ?
Le document n’a pas d’auteur ; on ne voit pas non plus qui a donné des instructions pour sa rédaction.
Je ne l’ai jamais vu ; je n’ai jamais donné d’ordres pour sa rédaction. Je ne puis donner d’indications à ce sujet.
Il est dit qu’il a été trouvé au ministère de la Justice de Cassel en 1940. Y avait-il encore un ministère de la Justice à Cassel en 1940 ?
Un ministère de la Justice à Cassel ? Il n’y en avait plus depuis 1866.
Je n’ai plus d’autres questions à poser.
L’accusé peut reprendre sa place.
En ce cas, avec la permission du Tribunal, j’appellerai le témoin Dr Bilfinger.
Colonel Smirnov.
Oui, Monsieur le Président.
Est-ce que vous déposez le document que vous avez présenté sous le numéro URSS-223, les extraits du journal de Frank ? Les uns l’ont été, les autres non. Voulez-vous les déposer ?
Ce document a déjà été déposé sous deux numéros. Le premier est PS-2233, présenté par le Ministère Public américain, le second, URSS-223, que nous avons présenté le 15 février 1946.
Je comprends. Les phrases qui se trouvent dans ce document ont-elles été déposées sous le numéro URSS-223 ? Le numéro PS ne veut pas nécessairement dire que le document ait été présenté. C’est un numéro donné avant tout dépôt, mais le numéro URSS indique qu’il a été effectivement déposé.
Le document a déjà été déposé comme preuve.
Colonel Smirnov, le Tribunal désire savoir si vous voulez déposer ce numéro URSS-223, car il ne l’a pas été. S’il n’a pas été lu, il ne peut être considéré comme preuve et ne figure pas au procès-verbal.
Nous avons déjà lu cet extrait le 15 février 1946 et il figure au procès-verbal.
Très bien.
Puis-je me retirer, Monsieur le Président ?
Oui.
Voulez-vous vous lever et nous dire votre nom.
Rudolf Bilfinger.
Voulez-vous répéter ce serment après moi.
« Je jure devant Dieu, tout puissant et omniscient, que je dirai la pure vérité, et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien. »
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, depuis quand exerciez vous une activité au RSHA, et quelle était-elle ?
De la fin de 1937 jusqu’au commencement de 1943, j’ai été Regierungsrat au RSHA, plus tard Oberregierungsrat et expert des questions juridiques touchant à la Police.
Est-il exact qu’à deux reprises, et à des époques différentes, vous ayez été chef du service « Administration et Droit » attaché au commandant de la Police de sûreté et du SD à Cracovie ?
Oui. C’est exact. A l’automne 1940 et au cours de l’année 1944, j’ai dirigé le service « Administration et Droit » attaché au commandant de la Police de sûreté et du SD à Cracovie.
Dites-nous quelles furent, en gros, les différentes fonctions que vous avez remplies dans le Gouvernement Général.
En 1940, je reçus la mission de m’occuper d’un certain nombre de questions se rapportant à l’administration de la Police du Gouvernement Général et fus placé sous la direction du Chef suprême des SS et de la Police.
Quelle était la position légale du Chef suprême des SS et de la Police, et quelles étaient ses relations avec le Gouverneur Général ? Recevait-il des instructions de ce dernier à propos de la Police de sûreté et du SD ? Ou les recevait-il directement du Reichsführer SS et Chef de la police, Himmler ?
Le Chef suprême des SS et de la Police reçut directement, dès le début, ses instructions du Reichsführer SS Himmler.
Est il également vrai que le chef de la Police de sûreté et du SD du Gouvernement Général recevait des ordres et des instructions directs de l’Amt IV (Gestapo) et de l’Amt V (Police criminelle) du RSHA ?
Oui. Le commandant de la Police de sûreté recevait beaucoup d’ordres directs des différents départements du RSHA, en particulier des Ämter IV et V.
La création en 1942 du secrétariat d’État à la Sécurité, amena-t-elle un changement dans la situation du Gouverneur Général, en ce qui concerne les mesures se rapportant à la Police de sûreté et au SD ?
La nomination d’un secrétaire d’État ne changea rien à la situation du Gouverneur Général. De nouvelles sphères d’activité s’ajoutèrent simplement à celles du secrétariat d’État à la Sécurité.
Connaissez-vous un décret promulgué en 1939 par le Reichsführer SS et chef de la Police allemande Himmler et savez-vous quel en était le contenu ?
Je connais un décret, daté probablement de 1939, concernant la nomination du chef des SS et de la Police et décidant que celui-ci recevrait directement ses instructions de Himmler.
L’institution du secrétariat d’État date du 7 mai 1942 et eut pour base un décret du Führer. L’application donne lieu à un autre décret du 3 juin 1942, qui traite du transfert des fonctions officielles au secrétaire d’État à la Sécurité. En connaissez-vous le contenu ?
J’en connais les points essentiels.
Est-il exact que, suivant ce décret, la Police d’État et la Police criminelle furent de nouveau subordonnées au secrétaire d’État, dans le cadre de la Police de sûreté ?
Ces deux branches furent placées au début sous la direction du Chef suprême des SS et de la Police, puis du secrétaire d’État à la Sécurité. Ce décret n’amenait pas de changement, mais confirmait un état de choses déjà existant.
Savez-vous que l’appendice B de ce décret contient vingt-six points désignant tous les domaines de la Police de sûreté devant être transférés au Chef suprême des SS et de la Police, en tant que secrétaire d’État à la Sécurité ?
Oui.
Savez-vous que l’appendice B de ce décret mentionne expressément les questions juives ?
Oui.
Savez-vous qu’il est déclaré au paragraphe 21 de cet appendice B : « Les domaines spéciaux de la Police de sûreté, représentation du Gouvernement Général aux conférences et réunions et en particulier aux offices centraux du Reich, dont l’activité se déroule... »
Je connais l’existence de cette stipulation. Je ne me souviens pas s’il s’agit du paragraphe 21 ou non.
Est-il également exact que, selon ce décret, ce qui restait de la Police administrative fut retiré de l’administration du Gouvernement Général et transféré au secrétaire d’État à la Sécurité, qui dépendait directement de Himmler.
C’était l’intention et le but du décret. Mais, contrairement à ce qui y est dit, très peu de branches ont été détachées de l’administration ; un conflit s’ensuivit à propos des autres. Le résultat en fut que toutes les branches finirent par être détachées.
Témoin, l’administration du Gouvernement Général s’occupa-t-elle de la création et de la gestion des camps de concentration ?
Autant que je sache, non.
Vous avez travaillé avec le chef de la Police de sûreté et du SD à Cracovie. Quand avez-vous entendu parler pour la première fois des camps de concentration de Maïdanek, de Treblinka et de Lublin ?
Puis-je d’abord rectifier : j’étais attaché au chef de la Police de sûreté.
Oui, auprès du chef de la Police de sûreté.
J’entendis parler de Maïdanek pour la première fois lorsque Lublin et Maïdanek furent occupés par les Russes ; et j’appris pour la première fois par la propagande ce que signifiait le nom de Maïdanek, lorsque l’ex-Gouverneur Général Frank ordonna qu’on procédât à une enquête sur les événements qui s’y étaient déroulés et sur les responsabilités qui en découlaient.
D’après vos propres observations, quels étaient les rapports entre le Gouverneur Général et le SS-Obergruppenführer Krüger, et sur quoi étaient-ils fondés ?
Dès le début, leurs relations furent très mauvaises, d’une part pour des raisons tenant à l’organisation et à l’utilisation de la Police, et d’autre part pour des divergences de vue fondamentales.
Qu’entendez-vous par « divergences de vue fondamentales » ? Voulez-vous parler d’opinions divergentes sur le traitement de la population polonaise ?
Je me souviens encore d’un exemple concernant la confirmation par Frank des décisions prononcées par les tribunaux d’exception de la Police. S’opposant en cela à Krüger, ou bien il en infirmait un certain nombre, ou bien il les adoucissait considérablement. Voilà un cas de divergence d’opinions. J’en connais bien d’autres.
Ces décisions étaient-elles prononcées dans le cadre de l’action AB ?
Je ne sais rien d’une action AB.
Vous êtes entré dans le Gouvernement Général plus tard ?
J’y suis entré en août 1940.
Je n’ai pas d’autres questions à poser à ce témoin.
Un avocat désire-t-il poser des questions ?
Puis-je me permettre de poser quelques questions au témoin ?
Témoin, le Ministère Public a déclaré que la Police d’État était un groupe formé selon un plan d’ensemble et que ses membres étaient des volontaires. Puisque vous occupiez un poste particulièrement important dans le RSHA, je vous demande de me dire brièvement ce que vous savez sur ces questions.
Très peu de membres de la Gestapo étaient des volontaires. Les anciens fonctionnaires des ex-départements politiques des bureaux du Polizeipräsidium constituaient le noyau de la Gestapo. Ces départements furent à l’origine des différents services locaux de la Police, et en même temps la plupart des fonctionnaires qui y appartenaient restèrent en place. Ainsi à Berlin, par exemple, ce fut le département 1-A du Polizeipräsidium.
En dehors de cela, les fonctionnaires de l’administration furent transférés dans d’autres services de la Gestapo ou y furent détachés. Au cours des années, les fonctionnaires d’autres départements ou services furent obligatoirement mutés à la Gestapo. Ainsi, par exemple, tous les fonctionnaires des douanes frontalières furent, en 1944, transférés sur ordre du Führer à la Gestapo. Il en fut de même à peu près à la même époque, de tout le service de renseignements.
Pendant les années de guerre, de nombreux membres des Waffen SS, qui n’étaient plus en état de servir sur le front furent détachés à la Gestapo. De plus, un grand nombre de personnes qui, à l’origine, n’avaient rien à voir avec les affaires de la Police y furent nommées dans les cas d’urgence.
De sorte que je puis résumer en disant que la Gestapo était une autorité du Reich et que le droit administratif allemand s’appliquait à ses fonctionnaires ?
Oui.
Ces fonctionnaires pouvaient-ils démissionner facilement ?
Une telle démission était extrêmement difficile et en fait impossible. On ne pouvait démissionner que dans des circonstances très spéciales.
On a établi ici, à propos de la composition de la Gestapo, les proportions suivantes : Agents d’exécution : environ 20%. Fonctionnaires administratifs : environ 20%. Personnel technique : approximativement 60%. Ces nombres sont-ils à peu près exacts ?
Je ne possède pas de renseignements détaillés sur la composition du personnel, mais pour certains services qui n’étaient connus, ces chiffres correspondent probablement à la vérité.
Sous le contrôle de qui étaient placés les camps de concentration en Allemagne et dans les territoires occupés ?
Les camps de concentration étaient sous le contrôle du service central économique et administratif WVHA, dirigé par le SS-Obergruppenführer Pohl.
La Gestapo s’occupait-elle de l’administration des camps de concentration ?
Non. Il se peut qu’au début, certains camps de concentration aient été, en différents endroits, administrés directement par la Police d’État pendant une courte période, Mais il s’agit probablement là de quelques cas particuliers. Mais en principe, dès cette époque, et plus tard sans exception, les camps de concentration furent administrés par le service central économique et administratif.
Savez-vous qui ordonnait les exécutions qui eurent lieu dans les camps de concentration ?
Non, je ne sais rien là-dessus.
Pouvez-vous dire quelque chose sur les motifs de la détention préventive ? Sur la base de quelles dispositions légales a-t-elle été décrétée après 1933 ?
La détention préventive fut basée sur le décret du Président du Reich pour la protection de la nation et de l’État, daté de février 1933, dans lequel un certain nombre des droits fondamentaux reconnus par la Constitution de Weimar furent abolis.
Y eut-il, par la suite, un décret du ministère de l’Intérieur, sur la détention préventive, fin 1936 ou début 1937 ?
Oui. C’est à cette époque que fut publiée la loi sur la détention préventive. La base légale restait en vigueur. Le pouvoir de décréter la détention préventive fut alors confié à la Gestapo. Auparavant, un certain nombre d’autres services avaient, à tort ou à raison, décrété la détention préventive. Afin d’éviter cet état de choses, c’est la Gestapo qui en fut chargée.
Est-il exact que vous êtes resté un certain temps en France ? Et en quelle qualité ?
A la fin de l’été et pendant l’automne 1943, j’ai commandé la Police de sûreté à Toulouse, en France.
Savez-vous quelque chose sur un ordre émanant du RSHA ou du commandant de la Police de sûreté en France, ou de commandants locaux, et stipulant que les mauvais traitements ou la torture pouvaient être employés pendant l’interrogatoire des prisonniers ?
Non, je ne connais pas de tels ordres.
Comment expliquez-vous donc les mauvais traitements qui accompagnèrent effectivement les interrogatoires, et qui ont été prouvés par le Ministère Public ?
Il est possible qu’on ait infligé de mauvais traitements. Dans la plupart des cas, cela eut lieu malgré l’interdiction, ou fut le fait d’autres services allemands en France qui n’appartenaient pas à la Police de sûreté.
Avez-vous, au cours de votre séjour en France, appris l’existence de ces mauvais traitements, officiellement ou par ouï-dire ?
Je n’ai jamais entendu dire qu’ils aient été commis par des membres de la Police allemande ou des Forces armées. Mais j’ai eu connaissance de mauvais traitements perpétrés par des groupes de Français exécutant les ordres d’autorités allemandes.
Y avait-il des « prisons de la Gestapo » en France ?
Non. Les prisonniers étaient transférés dans les camps d’internement de la Wehrmacht.
Une dernière question : le Ministère Public a prouvé qu’un grand nombre de crimes contre l’Humanité et de crimes de guerre avaient été commis avec participation de la Police de sûreté. Peut-on dire que ces crimes étaient connus de tous les membres de la Gestapo, ou qu’ils ne l’étaient que d’un petit nombre de personnes, celles qui avaient été directement chargées d’appliquer les mesures en question ?
Je n’ai pas tout à fait compris la question depuis le début ? Parliez-vous de la France ou de la Police de sûreté en général ?
Je parlais de la Police de sûreté en général.
Aucun mauvais traitement ni aucune torture n’étaient autorisés et, à ma connaissance, rien de tel ne se produisit ; je ne sais pas davantage si tout le monde, ou un certain nombre de personnes en étaient informés. Moi, je n’en savais rien.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Nous allons suspendre l’audience pendant dix minutes.
Est-ce que le Ministère Public désire procéder à un contre-interrogatoire ? N’y a-t-il rien que vous vouliez éclaircir à propos de l’interrogatoire du Dr Merkel, Docteur Seidl ?
J’ai seulement une question de plus à poser au témoin.
Témoin, au paragraphe 4 du décret du 23 juin 1942, il est dit ceci :
« Les chefs SS et les chefs de la Police des districts sont directement subordonnés aux gouverneurs des districts, de même que le secrétaire d’État à la Sécurité est subordonné au Gouverneur Général ». Cela ne dit pas que toute la Police est subordonnée mais seulement les chefs. Je vous demande si les ordres donnés par les chefs de la Police de sûreté et du SD étaient transmis aux gouverneurs ou s’ils étaient envoyés directement aux chefs de district de la Police de sûreté et du SD ?
Ces ordres étaient toujours envoyés directement par le commandant aux chefs de districts de la Police de sûreté et du SD. Le commandant ne pouvait pas donner d’instructions aux gouverneurs.
Si je vous comprends bien, vous voulez dire que la Police de sûreté et le SD avaient leurs propres canaux officiels qui n’avaient absolument rien à voir avec l’ossature administrative du Gouvernement Général ?
Oui.
Je n’ai plus de questions à poser au témoin.
Le témoin peut se retirer.
Avec la permission du Tribunal, j’appelle le témoin suivant, l’ancien gouverneur de Cracovie, Dr Kurt von Burgsdorff.
Veuillez nous donner votre nom ?
Kurt von Burgsdorff.
Voulez-vous répéter ce serment après moi :
« Je jure devant Dieu, tout puissant et omniscient, que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien. » (Le témoin répète le serment.)
Témoin, le Gouvernement Général était divisé en cinq districts, dont chacun avait à sa tête un gouverneur ?
Oui.
Depuis le 1er décembre 1943 jusqu’à l’occupation de votre district par les troupes soviétiques, vous avez été gouverneur du district de Cracovie ?
Oui. Pour employer le langage officiel, j’étais...
Monsieur le Président, l’avocat a parlé de l’occupation de cette région par les troupes soviétiques. Je proteste énergiquement contre une telle terminologie et la considère comme une manifestation hostile.
Monsieur le Président, on vient de me dire qu’une erreur s’est peut-être glissée dans la traduction. Je voulais simplement dire qu’au cours de l’année 1944, le territoire dont ce témoin était le gouverneur, avait été occupé par les troupes soviétiques au cours de leur avance. Je ne sais pas contre quoi proteste le procureur soviétique ; loin de moi l’idée de faire ici une déclaration hostile.
Je pense que ce n’était pas une occupation, mais une libération par l’Armée russe.
Évidemment ; je voulais simplement dire que les troupes allemandes avaient été chassées de cette région par les troupes soviétiques. Témoin, veuillez continuer votre réponse.
J’exerçais les fonctions de gouverneur. Telle est l’expression officielle exacte. Il y a quelques mois encore, j’étais officier de la Wehrmacht. Je le suis resté pendant toute mon activité à Cracovie.
Témoin, d’après vos observations, quelle était l’attitude de principe du Gouverneur Général à l’égard des populations polonaises et ukrainiennes ?
Je tiens à faire remarquer que je ne puis répondre que pour l’année 1944. A cette époque, l’attitude du Gouverneur Général était commandée par le désir de vivre en paix avec ces gens.
Est-il vrai que dès 1942 le Gouverneur Général avait fourni aux gouverneurs, l’occasion de former des comités administratifs, composés de polonais et d’ukrainiens et rattachés aux chefs de districts ?
Il y eut une ordonnance gouvernementale à cet effet. Je ne sais si elle était de 1942.
Avez-vous utilisé cette possibilité d’établir des comités administratifs ?
Dans la région de Cracovie j’ai immédiatement fait établir un tel comité près de chaque chef de district.
Témoin, quelle était, d’après vos observations, la situation alimentaire dans le Gouvernement Général et en particulier dans votre district ?
Elle était satisfaisante, mais je dois ajouter que la raison en était qu’en plus des rations, la population polonaise se livrait à un marché noir intense.
D’après vos observations, quelle était l’attitude du Gouverneur Général à l’égard de la question du recrutement de la main-d’œuvre ?
Il ne voulait pas que l’on envoie des travailleurs en dehors du Gouvernement Général, car il avait intérêt à ce que la main-d’œuvre nécessaire soit retenue à l’intérieur du pays.
L’Église a-t-elle été persécutée par le Gouverneur Général ? Et quelle fut son attitude à cet égard ?
Là encore je ne puis répondre que pour mon district et pour l’année 1944. Il n’y a pas eu de persécution de l’Église ; au contraire, les relations avec les Églises de toutes sortes étaient excellentes dans mon district. J’ai toujours reçu des membres du clergé au cours de mes voyages et ils ne se sont jamais plaints.
Avez-vous jamais eu une expérience personnelle avec le Gouverneur Général, à ce propos ?
Oui. Au milieu de janvier 1944, je fus nommé Standortführer par le Gouverneur Général, qui était en même temps chef du Parti dans le Gouvernement Général. Je fus donc nommé à un poste du Parti pour le district de Cracovie. Je lui fis remarquer, comme je l’avais fait au ministre de l’Intérieur Himmler, que j’étais un chrétien convaincu. Le Gouverneur Général dit qu’il n’y voyait aucun inconvénient et qu’il ne connaissait pas dans le programme du Parti de disposition l’interdisant.
Quelles furent, d’après vos observations, les relations entre le Gouverneur Général et l’administration du Gouvernement Général d’une part, et la Police de Sûreté et le SD, d’autre part ?
Elles étaient au fond certainement très mauvaises, car la Police faisait toujours ce qu’elle voulait et ne s’inquiétait pas de l’administration. C’est pourquoi il y avait de nombreuses frictions entre ces deux organismes.
Est-il exact que lorsque vous êtes entré en fonctions — ou peu de temps après — le Gouverneur Général donna diverses directives à la Police ? Je cite le journal de l’accusé Frank, la note du 4 janvier 1944 :
« Le Gouverneur donna alors des directives au Dr von Burgsdorff, concernant sa nouvelle activité. Sa mission consistera à s’informer en principe sur tous les événements importants du district. Le gouverneur devra surtout faire tous ses efforts pour s’opposer énergiquement aux interventions de la Police. »
Je ne me rappelle pas aujourd’hui cette conversation du 4 janvier 1944, mais il se peut qu’elle ait eu lieu. Je me rappelle qu’après mon entrée en fonctions, à la fin de novembre 1943, je suis encore allé voir le Gouverneur Général et lui ai dit que j’avais appris que les relations avec la Police étaient mauvaises et insupportables pour l’administration. Il me dit qu’il faisait ce qu’il pouvait afin de ramener la Police à la raison. Ce fut sur la base de cette déclaration du Gouverneur Général que je décidai de rester dans le Gouvernement Général. On sait que j’avais dit au ministre de l’Intérieur du Reich que je ne voulais pas y aller.
En votre qualité de gouverneur, aviez-vous le droit de donner des ordres à la Police de sûreté et au SD de votre district ?
En aucune façon.
Avez-vous jamais vu vous-même une directive de la Police ?
Jamais. Dans la Police, les ordres allaient directement du Chef suprême des SS et de la Police aux chefs locaux de ces organismes, ainsi que du chef de la sûreté à ses commandants d’unités.
Avez-vous eu, en votre qualité de Gouverneur, à vous occuper de l’administration des camps de concentration ?
Jamais.
Savez-vous qui administrait les camps de concentration ?
Je sais seulement par ouï-dire qu’il y avait un bureau central à Berlin, sous la direction du Reichsführer SS.
Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du camp de concentration de Maïdanek ?
Je l’ai appris par vous il y a quinze jours.
Vous voulez déclarer sous serment au Tribunal...
Oui.
... que, bien qu’ayant été gouverneur de Cracovie dans le territoire de la Pologne occupée, vous n’avez été mis au courant de cette affaire qu’au moment de votre arrestation ?
Oui. Je suis absolument convaincu que c’est vous qui m’en avez parlé pour la première fois.
Quand avez-vous entendu parler pour la première fois du camp de concentration de Treblinka ?
Par vous, à la même occasion.
Témoin, le Gouverneur Général est accusé par le Ministère Public d’avoir promulgué une ordonnance sur les tribunaux d’exception au cours de l’année 1943. Quel était à cette époque le degré de sécurité dans le Gouvernement Général ?
Là encore, je ne peux juger que pour 1944. Au fur et à mesure que les troupes allemandes revenaient de l’Est, la situation empirait, de sorte que les tâches administratives devinrent de plus en plus difficiles à exécuter.
Quelle était, suivant vos observations, la situation économique de votre district dans les domaines agricole et industriel ? Et peut-on considérer comme exacte la déclaration suivant laquelle l’administration du Gouvernement Général avait, compte tenu des conditions de la guerre, fait tout son possible pour relever l’économie ?
Dans mon district, l’économie était en 1944 aussi saine dans un domaine que dans l’autre. Quelques industries avaient été transférées du Reich dans le Gouvernement Général, et en ce qui concernait l’agriculture, l’administration importait de larges quantités d’engrais et de semences. L’élevage des chevaux fut également très poussé.
On reproche également à l’accusé Frank d’avoir négligé la santé publique et l’hygiène. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Je puis dire que, dans mon district — toujours en 1944 — on améliora l’état des hôpitaux et on en créa de nouveaux. On fit beaucoup d’efforts surtout dans la lutte contre les épidémies : le typhus, la dysenterie et la typhoïde furent considérablement atténués par l’usage des sérums.
On reproche également à l’accusé Dr Frank d’avoir négligé le haut enseignement. Que savez-vous à ce sujet ?
Quand j’arrivai dans le Gouvernement Général, l’enseignement supérieur n’existait plus. Sur les bases d’autres expériences, je suggérai immédiatement de rouvrir les universités polonaises. Je pris contact avec le président du service supérieur de l’éducation, qui me dit que ces plans étaient déjà ceux du Gouvernement. Dans chacun de mes rapports mensuels, je soulignais la nécessité des universités, car sous peu, ou plus exactement dans quelques années, on aurait été à court de techniciens, de docteurs et de vétérinaires.
Une dernière question. La NSDAP avait des activités dans le Gouvernement Général. Vous étiez Standortführer ?
Oui.
Quelles étaient, d’après vous, les relations entre le Gouverneur Général et le chef de la chancellerie du Parti, Bormann ?
Je crois pouvoir dire sans exagération qu’elles étaient très mauvaises. Comme Standortführer, j’ai été témoin du dernier grand conflit qui a opposé le Gouverneur Général à Bormann. Le Gouverneur Général estimait avec raison qu’il ne fallait pas mélanger le Parti et l’administration. Il craignait non seulement les interventions de la Police mais encore celles du Parti, et voulait les éviter. Bormann voulait de son côté établir la prédominance du Parti sur l’État, même dans le Gouvernement Général. D’où de sérieux conflits.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Un autre avocat désire-t-il poser des questions ?
Témoin, vous avez été autrefois sous-secrétaire d’État dans le Gouvernement du Protectorat de Bohême et Moravie ? A quelle époque ?
De la fin mars 1939 au milieu de mars 1942.
Et de qui dépendiez-vous directement ? Du secrétaire d’État Frank ou du Protecteur du Reich ?
Du secrétaire d’État Frank.
Comment aviez-vous connaissance de l’activité de Von Neurath comme Protecteur du Reich ?
D’après des entrevues et des conversations particulières.
Quel genre de missions aviez-vous à remplir comme sous-secrétaire d’État ?
J’étais chargé de l’administration proprement dite.
La Police et les SS étaient-elles sous vos ordres ?
Non.
De qui dépendaient-elles ?
Du secrétaire d’État Frank.
Quelle était l’attitude du secrétaire d’État Frank vis-à-vis de Von Neurath ?
Voulez-vous parler des rapports officiels ?
Oui, naturellement.
Von Neurath essaya tout d’abord d’entrer en rapports avec Frank, mais plus la position de celui-ci se renforçait, moins cela devenait possible. Le secrétaire d’État et, plus tard, le ministre Frank, étaient soutenus par tous les SS et la Police, ainsi que par Hitler.
De qui Frank recevait-il ses ordres ?
A ma connaissance, de Himmler ; cependant, je sais qu’à deux ou trois occasions, il en reçut directement de Hitler.
Et cela arrivait la plupart du temps sans l’avis de von Neurath ?
Je n’en sais rien, mais je le suppose.
Était-il possible à Frank d’assumer ses fonctions politiques indépendamment, ou devait-il avoir l’approbation de von Neurath ?
Qu’il eût ce droit ou non, il agissait ainsi.
Von Neurath et Frank étaient-ils du même avis sur la politique à adopter vis-à-vis du peuple tchèque ?
Je n’ai pas compris votre question.
Von Neurath et Frank étaient-ils du même avis sur la politique à adopter vis-à-vis du peuple tchèque ?
Non.
Pouvait-il réaliser ses buts ?
Non. Von Neurath ne pouvait rien faire, à côté des immenses pouvoirs de Himmler et de Hitler.
Quelle était la politique de Von Neurath ?
Au début, je m’en entretenais très souvent avec lui. Il espérait et croyait que par le décret du 15 mars, on pouvait établir une coopération raisonnable et pacifique entre les Allemands et les Tchèques du Protectorat.
Mais étant donné le pouvoir croissant de Frank, cela devint de plus en plus difficile ?
Oui.
Vous souvenez-vous qu’au milieu de novembre 1939, des troubles sérieux éclatèrent parmi les étudiants à Prague ?
Oui.
Vous souvenez-vous également que le lendemain, M. Von Neurath et Frank partirent en avion pour Berlin ?
Oui.
Vous souvenez-vous que Frank revint seul de Berlin le même jour ?
Je me souviens que Frank revint le même jour, mais je ne sais pas s’il revint seul.
Ainsi, vous ne savez pas si von Neurath revint avec lui ?
Non.
Savez-vous quelque chose d’autre au sujet des incidents relatifs aux troubles provoqués par les étudiants, et des conséquences qui suivirent ?
Les conséquences, autant que je m’en souvienne, furent l’exécution de plusieurs étudiants et la fermeture des universités.
Vous souvenez-vous si cette fermeture a été faite sur l’ordre de Hitler ?
Oui.
Savez-vous quelque chose sur l’attitude de Von Neurath envers les Églises catholique et protestante ?
Elle fut toujours au-dessus de tout reproche et il n’y eut aucune difficulté avec les Églises pendant tout mon séjour dans le Protectorat.
Savez-vous que Von Neurath resta en contact avec l’archevêque de Prague jusqu’à la mort de ce dernier ?
Non, je ne me souviens de rien à ce sujet.
Savez-vous si, pendant la période où Von Neurath fut au pouvoir, il y eut, avec son approbation ou sur ses ordres, des confiscations ou des enlèvements d’œuvres d’art de toutes sortes, tableaux, monuments, sculptures, bibliothèques, etc., appartenant soit à l’État, soit à des particuliers ?
Il est absolument certain qu’il ne fit jamais rien de tel. Je ne sais pas s’il donna son assentiment, mais je ne le crois pas. Je me souviens d’un incident qui eut lieu au palais de Malte où un organisme du Reich — je ne me souviens plus aujourd’hui lequel — enlevait des œuvres d’art. Von Neurath donna immédiatement des ordres afin de réparer les dommages causés.
Savez-vous que l’établissement de l’union douanière qui avait été ordonnée dès le début, par ordre de Berlin, entre le Protectorat et l’Allemagne, a été longtemps retardée grâce à l’intervention de Von Neurath ?
Oui. Je le sais très bien. Cependant, je dois ajouter, par souci de vérité, que le secrétaire d’État Frank était également contre l’union douanière, car il croyait, comme Von Neurath, que l’économie du Protectorat souffrirait de l’économie plus importante de l’Allemagne.
Pendant que Von Neurath était Protecteur du Reich, y a-t-il eu des déportations forcées de travailleurs ?
Je suis convaincu que non. On recrutait des travailleurs, mais par des moyens tout à fait légaux. Tel était l’état de choses que j’ai connu dans le Protectorat.
Savez-vous si von Neurath ordonna que l’entrée dans le Protectorat, ainsi que la sortie, soient soumises à l’approbation officielle.
Je n’en sais rien. En tout état de cause cela dépendait des autorisations de voyage.
Savez-vous quelque chose sur la fermeture des écoles secondaires ?
Oui.
Quoi donc ?
Je me rappelle que la fermeture des écoles secondaires fut la conséquence nécessaire de la fermeture des universités. Il y avait trop d’écoles secondaires dans le Protectorat. Elles ne furent pas toutes fermées. D’autre part, les écoles techniques furent largement développées et on en créa de nouvelles. Je ne sais rien d’autre à ce sujet.
Savez-vous quelque chose sur l’attitude de von Neurath à l’égard de la germanisation de la Tchécoslovaquie, telle qu’elle était prévue par Himmler ?
Oui. Je me souviens du mémorandum que Von Neurath envoya à Hitler à propos de cette affaire ; il était destiné à contrecarrer les plans de Himmler relatifs à une germanisation forcée. Von Neurath était d’avis, comme il me l’avait dit souvent, que, dans l’intérêt de la paix du Protectorat, il n’était pas partisan de ces essais de germanisation.
Je n’ai plus de question à poser.
Le Ministère Public désire-t-il procéder à un contre-interrogatoire ?
Dites-nous, s’il vous plaît, à quel moment vous avez rejoint la NSDAP ?
Le 1er mai 1933.
Avez-vous rempli des fonctions dans quelque organisation affiliée ?
J’ai été Gruppenführer SA, à titre honoraire.
Avez-vous eu quelque autre titre ou distinction ?
Puis, pendant quelques années, tout comme je l’avais été sous le régime démocratique, je fus conseiller juridique auprès de l’administration de la Saxe.
N’étiez-vous pas également Oberbannführer de la Jeunesse hitlérienne ?
Oui, je suis devenu Oberbannführer à l’occasion de la visite du chef de la Jeunesse hitlérienne à Prague ; mais ce fut un simple geste de courtoisie qui ne tira pas à conséquence. Je voudrais ajouter, puisque vous parlez des organismes du Parti, qu’en raison de mon poste de gouverneur de Cracovie, je fus Standortführer, de janvier 1944 jusqu’à la fin, c’est-à-dire jusqu’au milieu de janvier 1945.
Vous avez également reçu l’insigne doré de la Jeunesse hitlérienne, n’est-ce pas ?
Non.
N’avez-vous pas eu affaire à Reinhard Heydrich quand vous étiez à Prague ?
Je restai avec Heydrich jusqu’au milieu de mars 1942. Puis, on sait qu’en raison de l’attitude de Heydrich, j’ai quitté le Protectorat et, à 55 ans, je me suis engagé dans l’Armée.
Quel poste occupiez-vous par rapport à Heydrich ?
Le même qu’avec von Neurath ; j’étais sous-secrétaire d’État.
Je voudrais vous parler d’une autre question : vous nous avez dit que vous n’aviez jamais entendu parler de Maïdanek, le camp de concentration ?
Oui.
Et vous n’avez jamais entendu parler d’Auschwitz ?
D’Auschwitz, si.
Avez-vous entendu parler de l’installation connue sous le nom de Lublin ?
Le Lublin ? Pas du camp de concentration mais de la ville de Lublin, naturellement.
Vous n’avez pas entendu parler d’un camp de concentration appelé Lublin ?
Non.
Vous connaissez de nom, je suppose, d’autres camps de concentration ?
Des camps allemands, oui : Dachau et Buchenwald.
J’en ai terminé.
Avez-vous d’autres questions, Docteur Seidl ?
Je n’ai plus de questions à poser au témoin.
Qui est le témoin suivant ?
Le témoin suivant doit être l’ancienne secrétaire du Gouverneur Général, mademoiselle Kraffczyk. Cependant, si j’ai bien compris le Tribunal hier, cette audience doit prendre fin à 16 h. 30.
Le Tribunal lève l’audience.