CENT TRENTE ET UNIÈME JOURNÉE.
Jeudi 16 mai 1946.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Les accusés Sauckel et von Papen n’assisteront pas à l’audience ce matin.
Monsieur le Grand-Amiral, nous nous sommes arrêtés hier au document G-32, quelque peu délicat, et nous en avions fini avec le point 11. Nous arrivons maintenant au point 12 : « Stocks de munitions excédant la quantité autorisée ». Puis-je rappeler au Tribunal qu’il s’agit du document C-32 (USA-50), qui se trouve dans le livre de documents n° 10 (a), page 8. Ce point 12 comprend trois sous-titres.
Accusé, puis-je vous demander ce que vous répondez à l’accusation qui vous a été faite d’avoir dépassé la quantité autorisée de munitions ?
Certains stocks de munitions dépassaient la quantité autorisée, d’autres ne l’atteignaient pas. Je ne puis vous dire aujourd’hui quelles en étaient les raisons. Je suppose que cela dépendait dans une large mesure des stocks qui provenaient de la première guerre mondiale. Dans le cas des deux premiers articles, les obus de 150 et 170 mm les stocks dépassaient effectivement quelque peu la quantité permise. En ce qui concerne le troisième, les obus de 105 mm, ils étaient loin de l’atteindre. Il y en avait 87.000 au lieu des 134.000 autorisés. Quant aux obus de 88 mm. il y en eut en excédent puis en déficit. Mais tous ces dépassements étaient insignifiants.
Dans l’exemplaire qui se trouve devant le Tribunal, il y a dans la troisième colonne une note (pour vous, c’est à la page suivante), déclarant que les munitions sont les unes en cours de fabrication, les autres en cours de livraison et que le chiffre total autorisé serait bientôt dépassé. Je voulais tout simplement vous demander si, dans cet inventaire de septembre 1933, les chiffres qui sont donnés sont valables pour septembre 1933, ou pour l’automne 1933 ?
Je n’ai pas très bien compris.
S’il est dit dans le document que les mesures qui seront prises ultérieurement porteront le montant du chiffre total au delà des quantités permises qui, d’après cette déclaration, n’étaient pas encore atteintes, le calcul est donc établi à partir de l’automne 1933 ?
Oui. On peut le supposer. Car les nouvelles munitions, de même que les nouveaux canons, étaient en cours de fabrication, et le vieux matériel devait être mis à la ferraille. Il faut également remarquer que les munitions pour l’artillerie lourde, qui ne sont pas mentionnées ici, n’atteignaient en aucun cas le montant autorisé. Une quantité relativement large de munitions lourdes nous avait été octroyée pour les canons de côte, mais notre stock de munitions lourdes n’atteignait pas du tout la quantité permise.
Afin de faciliter la tâche du Tribunal, je puis indiquer que ce dernier point est établi par les documents qui se trouvent actuellement entre les mains du Tribunal. Dans l’exemplaire du Tribunal, juste en face des chiffres, on mentionne au numéro 12 : « ... que la quantité de munitions destinée à l’artillerie lourde n’avait pas été atteinte ». Nous en venons maintenant au numéro 13. « Dépassement des stocks de mitrailleuses, de fusils, de revolvers, et de masques à gaz ».
Il faut avouer, là encore, que les stocks étaient, dans certains cas isolés, un peu trop élevés. Il y avait, par exemple, 43.000 masques à gaz au lieu des 22.500 autorisés. De grandes quantités de fusils et de mitrailleuses avaient été mises de côté, après la dernière guerre mondiale, par des individus isolés qui, par exemple, les avaient ramenés dans des fermes. Par la suite, on les rassembla, ce qui explique l’importance relative des stocks. Mais il ne s’agit pas de quantités considérables. Les munitions assimilées, baïonnettes, grenades à main, projecteurs, brouillard artificiel, etc. dépassaient également quelque peu les quantités autorisées.
Passons au numéro 14. « De l’obtention de 337 M. G. C. 30 sans mettre à la ferraille un nombre égal d’armes pouvant encore servir ». Comme je...
Docteur Siemers, il serait sûrement possible de traiter ces différents points du document en une déclaration unique sur la raison de ces dépassements. Nous avons ici trente articles différents — nous n’en sommes qu’au 13e — et vous les traitez un par un.
Monsieur le Président, je suis personnellement tout à fait d’accord avec vous. Je regrette d’importuner ainsi le Tribunal avec ce document. Comme je ne suis pas un expert naval, j’ai eu moi-même beaucoup de mal à m’y retrouver. Mais je ne pensais pas être la cause de tout cela. Le Ministère Public s’est servi de chaque point particulier.
Je ne vous fais aucun reproche, mais nous désirons aller de l’avant. Ne pouvez-vous pas résumer la question en une courte déclaration ?
Je vais essayer d’abréger, Monsieur le Président. 11 n’est point besoin d’insister sur les numéros 15 à 17. C’étaient, je crois, les points les plus importants. Ceux pour lesquels une réalisation ultérieure avait été envisagée ne devaient rentrer en ligne de compte qu’à partir de 1933-1934. Peut-être puis-je me borner à indiquer au Tribunal que le numéro 17 se réfère à la construction de destroyers de réserve, autorisée par le Traité de Versailles. Nous avons déjà traité le numéro 18. Le numéro 19 se réfère aux constructions prévues. Je puis considérer le numéro 20 comme hors de propos, car il ne concerne que l’armement des bateaux de pêche. Les numéros 21 à 29...
Peut-être pourriez-vous demander à l’accusé d’expliquer quelques-unes des observations qui figurent à la troisième colonne. Au numéro 18, par exemple : « Difficulté de détection » ou « Refus en cas de besoin ».
C’étaient les explications données à notre représentant de la Société des Nations à la Conférence du désarmement par l’expert compétent. Ce ne sont pas des références aux conditions locales. La construction de pièces détachées de sous-marin, par exemple avait lieu à l’étranger, ou devait être préparée. Elle a été réalisée en 1934 et 1935. Le premier sous-marin fut mis en service à la fin juin 1935.
Puis-je conclure, accusé, que seuls la construction et l’achat de sous-marins étaient interdits ?
Oui, la construction en Allemagne.
Je ne puis encore prouver que le Traité de Versailles n’a nullement été violé par la construction de ces pièces détachées. Mais j’aimerais que vous indiquiez pourquoi la fabrication des pièces détachées était tenue secrète malgré l’autorisation qui vous était donnée d’y procéder ?
Puis-je vous rappeler que nous sommes en septembre 1933, à une époque où des pourparlers avaient déjà été prévus.
A cette époque, avant la conclusion de l’accord naval anglo-allemand qui prévoyait une proportion de 35 % Hitler désirait particulièrement éviter tout ce qui aurait pu entraver les négociations. La construction et la préparation des pièces détachées de sous-marins, sujet auquel l’Angleterre tenait beaucoup, ont été à l’origine de ce souci.
Cet appendice et les remarques contenues dans cette seconde colonne n’étaient-ils pas motivés par autre chose, à savoir le fait que les expériences de la Marine, fâcheuses pour la politique extérieure, provoquaient des discussions politiques chaque fois que la plus petite nouveauté était entreprise ?
Oui et cela alla si loin que le ministre de la Défense du Reich fut souvent attaqué par les ministres prussiens, qui étaient en désaccord avec le Gouvernement, tels que Muller, Severing, Stresemann et plus tard Brùning, et qui suggéraient au Chancelier du Reich de prendre des mesures qui lui étaient défendues. En réalité, cependant, le Gouvernement du Reich avait déjà lui-même sanctionné ces mesures et en avait accepté la responsabilité.
Ces affaires étaient donc tenues secrètes pour des raisons de politique intérieure ?
Oui.
Avec l’autorisation du Gouvernement du Reich ?
Oui, avec son autorisation. En ce qui concerne les usines...
Je préférerais ne pas revenir, dans ces conditions, à la colonne 2 du chiffre 20, car il ressort du procès-verbal que le Ministère Public a expressément soulevé ce point et a insisté sur l’armement des convoyeurs de bateaux de pêche en vous en faisant un grief : « Tirs d’avertissement, bagatelles ».
Ces deux bateaux étaient tout petits et habituellement désarmés. Ils servaient à surveiller les bateaux de pêche entre la mer du Nord et l’Islande, les aidaient en cas d’urgence, prenaient les malades à leur bord et les protégeaient aussi contre les pêcheurs appartenant à d’autres nations. Nous avons pensé qu’il était sage d’équiper au moins ces navires avec un canon de 50 mm. puisque c’étaient en réalité des bateaux de guerre. « Tirs d’avertissement » signifie qu’un coup était tiré pour attirer l’attention des pêcheurs. C’était donc une chose tout à fait insignifiante, qui n’avait nullement besoin d’être ingénieusement réduite à la hauteur d’une bagatelle, puisque s’en était déjà une.
Nous en arrivons aux numéros 21 à 28. C’est une liste d’usines dont certaines travaillaient pour l’armement. Le Traité de Versailles avait autorisé certaines usines de ce genre à travailler sur une telle base, tandis qu’il avait refusé ce droit à d’autres. Mais, en fait, d’autres usines avaient été habilitées à cette tâche. Peut-être pouvez-vous nous en donner l’explication ?
C’était à l’époque où nous espérions fermement que la Conférence du désarmement arriverait à ses fins.
On avait déjà accepté le plan Macdonald, qui devait marquer une certaine amélioration ; nous aurions donc pu nous attendre à voir les quelques usines qui nous avaient été laissées augmenter leur production dans les années suivantes. Je vous prie de vous reporter au plan de remplacement des constructions navales. Par conséquent, les usines fabriquant des produits spécialisés travaillaient dans de meilleures conditions. Il ne fut cependant jamais question d’artillerie lourde ou de choses similaires, mais de détonateurs, d’explosifs, de fûts de mines, etc., tous articles de petite industrie, mais dont le caractère de spécialité impliquait la fabrication dans des usines déterminées. Mais, en dehors des usines autorisées, on en fit travailler d’autres telle que l’usine Krupp Grusenwerke A. G. à Magdebourg, n° 25, qui fut équipée pour la fabrication de canons et d’obus de DCA de 20 mm. à 105 mm. De même au numéro 26, une usine fabriquait des obus de DCA. Le numéro 27...
Je crois que nous n’avons pas besoin de tous ces détails.
Puis les moteurs pour lesquels la demande était très forte.
J’ai encore à poser quelques questions ayant trait à tous ces numéros. N’y a-t-il pas une certaine compensation du fait que certaines de ces usines autorisées avaient déjà déposé leur bilan pour des raisons économiques ?
Oui, on peut certainement l’affirmer. Les usines en question recevaient des livraisons insuffisantes pour les faire tourner.
Accusé, non seulement on peut, mais on doit l’affirmer. Puis-je attirer votre attention sur le numéro 22, colonne 3 : « En tout cas, la liste n’a plus aucune valeur, puisque certaines usines ont arrêté le travail ».
Oui.
Nous arrivons aux numéros 29 et 30. Le numéro 29 traite de préparatifs faits dans le domaine de l’essai des bateaux à moteur. Je crois qu’ils furent faits sur une très petite échelle.
Je ne puis dire actuellement de quoi il s’agit.
En tout cas, je ne crois pas que le Ministère Public y attachera beaucoup d’importance. Je voudrais, pour finir, dire encore un mot sur le numéro 30. « Violations ultérieures manifestes devant probablement avoir lieu dans un proche avenir (jusqu’en 1934 compris) ». Vous avez répondu en substance à la question en mentionnant les négociations projetées avec le Gouvernement britannique, dont certaines étaient déjà en cours.
Oui, il s’agit de cela.
Il s’agit donc d’affaires qui ne devaient nullement être discutées au cours de ces négociations avec le Gouvernement britannique ou plutôt avec l’Amirauté.
Ce n’est pas vrai pour l’ensemble. De 1 à 3, par exemple, il est question de mines. Le nombre de celles-ci devait être augmenté et le matériel moderne devait remplacer l’ancien. Puis, plus loin, il y a : « Transfert des canons de la mer du Nord à la mer Baltique, et non pas mise à la ferraille. »
En conclusion, je vais vous demander de me dire quelle impression toute cette affaire a faite sur l’expert naval que vous étiez. Tout étant bien considéré, sont-ce des violations d’importance secondaire ? Et quelle est la mesure dé leur caractère offensif ?
Comme je l’ai déjà dit hier, elles constituent toutes des améliorations insignifiantes d’un système défensif qui était presque entièrement indéfendable. Les différents articles, comme je l’ai expliqué hier, sont si insignifiants qu’on ne peut vraiment en traiter plus longtemps. Je crois que la Commission de contrôle avait également l’impression qu’il ne fallait pas attacher trop d’importance à toutes ces affaires ; car lorsqu’on 1925 la Commission de contrôle quitta Kiel, où elle avait poursuivi ses travaux avec les services du Commandement de la Marine, le commandant Fenshow, chef de cette commission, chef d’État-Major de l’amiral Charlton, et qui s’occupait surtout de la question des canons qu’il avait étudiée avec un certain capitaine Renken, spécialiste en la matière, déclara : « Nous devons maintenant nous séparer, et vous vous réjouissez de notre départ. Vous n’aviez pas une tâche agréable et nous non plus. Il faut que je vous dise quelque chose : ne pensez pas que nous croyions ce que vous nous avez raconté. Vous n’avez pas dit une seule parole vraie, mais vous avez donné vos renseignements d’une façon si habile que nous pouvions vous croire. Je vous en suis reconnaissant ».
J’en reviens maintenant au document C-29 (USA-46). Il se trouve, Monsieur le Président, dans le livre de documents n° 10 de Raeder, à la page 8 du livre de documents du Ministère Public.
Vous dites 10 ?
N° 10, page 8. Ce document a également déjà été présenté par le Ministère Public au début du Procès, le 27 novembre. Il s’agit d’un discours constituant un document signé par Raeder, en date du 31 janvier 1933. « Directives générales pour l’appui donné par la Marine à l’industrie de guerre allemande ». (A l’accusé.) Le Ministère Public a insisté sur ce point et a estimé opportun d’en conclure que le lendemain de la nomination d’Adolf Hitler au poste de Chancelier du Reich vous le souteniez déjà effectivement par cette lettre. Veuillez, s’il vous plaît, définir votre attitude.
Cette lettre n’a absolument rien à voir avec la prise du pouvoir par Hitler. Vous avouerez qu’il aurait été impossible d’élaborer un document si long et si compliqué — et qui était, après tout soigneusement préparé — dans la nuit du 30 au 31 janvier. Ce document résulte de l’espoir, dont j’ai déjà parlé, et qui existait déjà au temps des gouvernements von Papen et Schleicher, que les stipulations du Traité de Versailles et de la Conférence du désarmement allaient se relâcher peu à peu, puisque la Délégation anglaise avait déclaré à plusieurs reprises qu’elle favoriserait la restauration graduelle de l’égalité des droits. Nous devions donc améliorer le plus possible la condition de nos industries d’armement, en augmentant leur rendement et en les mettant en état de se livrer à une concurrence fructueuse. Comme je le dis dans le paragraphe C de cette lettre, presque tous les pays dirigeaient alors leurs efforts dans ce même but, même ceux qui, à l’inverse de l’Allemagne, n’étaient pas soumis à des restrictions. L’Angleterre, la France, l’Amérique du Nord, le Japon et surtout l’Italie, faisaient de très gros efforts pour assurer des marchés à leurs industries d’armement.
C’est en cela que j’ai voulu les imiter. Pour ce faire, un accord devait être réalisé entre les différents services du Commandement de la Marine : l’industrie devait ainsi être soutenue par une méthode grâce à laquelle les questions techniques ne devaient pas rester trop secrètes. C’est pourquoi j’explique dans le paragraphe C qu’il importait moins de garder le secret des détails que de maintenir un niveau de production élevé pour venir au premier rang. Je cite la dernière phrase :
« Pour conclure, j’attache une importance particulière à l’appui continu donné par la Marine à l’industrie en question, même après le relâchement prévu des restrictions actuelles, appui qui lui accordera la confiance de l’étranger et lui permettra de trouver des débouchés. »
Cela n’a absolument rien à voir avec Hitler, ni avec aucun réarmement indépendant.
Pouvez-vous dire approximativement quand vous avez élaboré ces directives ?
Au cours du mois de janvier. Je puis dire que nous avons eu une conférence à ce sujet au début du mois et que j’ai procédé après à la rédaction.
C’était certainement deux ou trois semaines avant d’avoir écrit cette lettre ?
Certainement, oui.
Je crois qu’il arrive rarement que l’on reçoive une lettre d’un service officiel le lendemain du jour où elle a été conçue par le chef du service en question. Je voudrais vous poser encore une question à propos du « relâchement des restrictions actuelles ». Cela veut dire, je suppose, allégement des obligations du Traité de Versailles par la Conférence du désarmement. Vous-avez mentionné ce point à quatre reprises dans votre document. Je suppose que vous vous basiez sur lui.
En effet. Sous les deux gouvernements dont j’ai parlé, l’ambiance qui existait alors pouvait laisser prévoir une amélioration.
Et ce fut sur cette base que luttèrent Stresemann et Brüning, pour ne citer que ceux-là ?
Oui.
Et ils sentaient qu’il était de leur devoir de prendre à l’avance certaines précautions ?
Oui.
Je crois qu’il est inutile d’entrer dans de plus amples détails. J’ai lu et relu ce document et j’ai été incapable de trouver un seul point qui permette au Ministère Public de conclure que vous aviez des idées nationales-socialistes. J’en viens au document C-140. C’est le numéro USA-51, qui se trouve dans le livre de documents 10-a, à la page 104.
Puis-je vous interrompre ? Ne serait-il pas opportun que je dise maintenant ce que je voulais dire pour compléter les explications du document C-156, au sujet des avions ?
Je vous demande pardon. Il serait naturel, avant de passer à un autre sujet, d’en finir avec la question des violations du Traité de Versailles. Je l’avais oubliée.
Le Ministère Public a produit le document C-156 qui est un ouvrage du capitaine de vaisseau Schüssler de l’année 1937, dans lequel se trouve à peu près la même liste de violations que celle contenue dans le document C-32, de sorte que l’on peut en disposer en même temps.
En outre, il traite du « service de la flotte sous-marine » en Hollande, dont nous avons déjà parlé. Mais il y a encore un point sur lequel j’aimerais avoir votre appréciation : il s’agit des préparatifs effectués dans le domaine de l’Aviation navale qui seraient peut-être autorisés ultérieurement.
Tous ces préparatifs avaient déjà été faits dans le domaine de l’Aviation, longtemps avant mon entrée en fonctions. Il ressort de ce livre qu’on avait acheté, un certain nombre d’avions. Ils étaient stockés dans les locaux d’une usine appelée « Severa S. A. R. L. » bien connue du ministre de la Défense du Reich. Le Traité de Versailles, nous avait permis de disposer de canons de DCA, aussi bien pour en armer les navires que pour installer une défense côtière. Un entraînement devait donc être pratiqué. La Commission de contrôle nous avait accordé un certain nombre d’avions pour remorquer les cibles nécessaires. Ces avions étaient pilotés par d’anciens pilotes de la Marine, employés par cette société. Celle-ci était également dirigée par un ancien pilote de la Marine.
Puisque nous n’avions pas le droit d’instruire des pilotes de la Marine, ni d’avoir des forées aéro-navales, nous faisions subir dans l’Aviation civile, un entraînement d’un an à de futurs officiers de Marine, qui devenaient ainsi d’excellents pilotes. Puis ils entraient dans la Marine et recevaient leur instruction navale ordinaire. Les avions achetés se trouvaient temporairement en la possession de la Severa, qui fut également impliquée dans les affaires Lohmann, ce qui amena sa dissolution par le ministre de la Défense du Reich, Groener, au cours de l’été 1928. Celui-ci fonda, à l’automne 1928, peu après mon entrée en fonctions, une nouvelle société, à laquelle il confia des tâches similaires. Mais il avait signé le contrat lui-même afin de veiller à ce que toute l’affaire fût gérée correctement. Au sein de cette entreprise, les aviateurs de la Marine, en dehors de leurs travaux ordinaires, pratiquaient des essais aériens, pour répondre aux besoins des futures forces aéro-navales. Le Gouvernement nous avait autorisés à fabriquer tous les prototypes susceptibles de nous être utiles. Mais nous n’avions pas le droit de construire des avions en série. Il s’ensuivit qu’au cours des années, la société mit au point un certain nombre de prototypes destinés à nous servir ultérieurement lorsque nous serions de nouveau autorisés à avoir de l’aviation. Dans les premiers temps, les manœuvres de la Marine furent exécutées par les anciens pilotes de la Marine, c’est-à-dire qu’on avait demandé de faire des manœuvres de reconnaissance et d’apprendre aux équipages des navires à lutter contre les avions. Lorsque de jeunes pilotes étaient affectés à de tels exercices, ils étaient détachés de la Marine pour leur durée. Ce système était très compliqué, mais on l’a toujours pratiqué scrupuleusement.
Je puis passer maintenant au document C-140, qui se trouve dans le livre de documents 10 (a), à la page 104. Il s’agit d’une lettre du ministre de la Défense du Reich, von Blomberg, datée du 25 octobre 1933, adressée au chef de l’Armée de terre, au chef de la Marine, ainsi qu’au ministre de l’Aviation du Reich.
Le Ministère Public porte contre vous, sur la base de ce document, l’accusation suivante : vous auriez préparé militairement une résistance armée dont la nécessité aurait pu s’imposer par suite du retrait de l’Allemagne de la Conférence du désarmement et de la Société des Nations.
Peut-être pourriez-vous nous donner brièvement votre point de vue ?
Je ne savais rien par avance de notre retrait de la Société des Nations. Cette ordonnance fut promulguée onze jours après ce retrait et ne prévoit que des mesures défensives pour le cas où, en raison de cette démarche, des sanctions seraient appliquées contre l’Allemagne par les autres puissances.
Il est dit dans le paragraphe 2 c : « D’ici là, j’interdis tout préparatif ». Donc, tout au début, cette directive ne tira pas à conséquence, et le ministre de la Défense du Reich me demanda de lui faire un rapport sur les mesures à prendre. D’après mes souvenirs, aucun préparatif quel qu’il soit n’a été entrepris par la Marine, car la situation était alors absolument calme et il n’y avait aucune raison de supposer qu’il fut besoin de se défendre.
C’est probablement ce qui est indiqué dans le paragraphe 2 a par ces mots : « Préparatifs de défense contre les sanctions ». Il n’est question que de défense.
Que de défense.
Que le retrait de la Société des Nations ait eu lieu le 14 octobre 1933, onze jours avant que le document ne soit écrit, c’est un fait bien connu qui a été mentionné par le Ministère Public dans le procès-verbal (Tome II, page 340).
Nous en arrivons au document C-166 ; c’est le numéro USA-48, Monsieur le Président, il se trouve à la page 36 du livre de documents n° 10. Ce document, daté du 12 mars 1934, émane du Commandement de la Marine et a trait à la mise en état de croiseurs auxiliaires. Le Ministère Public n’en a cité que les deux premiers paragraphes dont il a déduit qu’on avait prévu la construction de croiseurs auxiliaires et leur camouflage en navires de transport « O ».
Ces deux paragraphes peuvent sembler être à charge, mais on peut très facilement les réfuter. Je voudrais me référer à l’affidavit de Lohmann, document Raeder n° 2, qui se trouve dans mon livre de documents, n° I, à la page 5. Je cite le paragraphe II :
« Le document C-166, qui m’a été remis, et qui est une communication du Commandement de la Marine, en date du 12 mars 1934, traite de la mise en état de croiseurs auxiliaires qui, comme il est dit dans le document, ont été désignés sous le nom de bateaux de transport « 0 ». Il ne s’agissait pas de construire de nouveaux bateaux, mais on devait, d’après les exigences formulées dans le document, choisir parmi les navires de la Marine marchande allemande, ceux qui, après examen, apparaîtraient aptes à remplir les missions qu’on devait leur confier. On fit des plans de reconstruction pour parer à toute éventualité, mais les navires restèrent dans la Marine marchande. »
Puis-je dire ici que, dans la traduction anglaise, le mot « Umbau » a été traduit par « reconstruction », ce qui me paraît douteux. Je crois savoir que le mot allemand « Umbau » (transformation) a une signification se rapprochant du mot anglais « changes » ; c’est-à-dire « Veränderung » (modification).
Je continue à citer :
« L’ordre de sélectionner ces bateaux dans les chantiers de construction allemands fut reçu, entre autres, par le service de la Marine à Hambourg, auprès duquel j’exerçais alors mes fonctions. » Je termine ici la citation de l’amiral Lohmann. (A l’accusé.) Témoin, cette déclaration est-elle exacte ? Avez-vous quelque chose à ajouter ?
Non. Je voudrais tout simplement souligner qu’il n’était pas question de construire immédiatement des bateaux, mais bien d’opérer un choix parmi ceux qui existaient déjà et de les examiner pour s’assurer qu’on pourrait leur apporter les modifications nécessaires pour en faire des croiseurs auxiliaires en cas le mobilisation générale. L’élaboration de ces plans, comme le dit le numéro 12, devait être terminée vers le 1er avril 1935. Ils devaient être présentés à l’administration navale, de sorte qu’en cas de mobilisation, les bateaux en question pouvaient être désaffectés de la Marine marchande et transformés. Tous ces projets de mobilisation furent naturellement tenus secrets.
Je crois, Messieurs, que tout ce malentendu n’aurait pas surgi si le Ministère Public avait traduit les deux phrases suivantes. L’exemplaire anglais est très bref, et il manque le numéro 11. J’en cite le texte :
« B » est tout d’abord tenu, en collaboration avec « K », de choisir les navires appropriés et de déterminer combien de canons de 150 mm. peuvent être installés afin de former la bordée réglementaire. »
Le mot « choisir » utilisé ici, montre qu’on n’avait pas l’intention, comme le prétend le Ministère Public, de construire des croiseurs auxiliaires, mais d’opérer une sélection parmi les navires marchands.
Oui, et ces navires restaient des navires marchands.
La seconde phrase que je ne trouve malheureusement pas dans la traduction anglaise du Ministère Public est la suivante :
« Tant qu’un nombre limité de canons — actuellement 24 » ne pourra pas être placé dans ce but à notre disposition, les préparatifs ne doivent être entrepris que pour quatre bateaux de transport. Une augmentation portant cet effectif à six sera effectuée plus tard, lorsque nous aurons plus de canons à notre disposition. D’ici là, nous devons attendre le résultat des préparatifs faits pour les premiers croiseurs auxiliaires. »
Le fait qu’il ne s’agit que de quatre ou tout au plus six navires marchands montre le peu d’importance qu’il faut attacher à cette affaire.
J’en viens maintenant au document C-189 (USA-44). Il se trouve dans le livre de documents n° 10 de la Délégation britannique, à la page 66.
J’aimerais que vous me commentiez... (Au Tribunal.) Pardon, je devrais vous rappeler qu’il s’agit des conversations qui eurent lieu entre le Grand-Amiral Raeder et le Führer au mois de juin 1934 à bord du Karlsruhe.
Monsieur le Grand-Amiral, voulez-vous nous donner votre opinion sur les trois points qui sont mentionnés dans ce document et dont vous vous êtes entretenu avec Hitler, en juin 1934. Première question : pourquoi Hitler était-il peu désireux de révéler l’augmentation du déplacement de D et E, c’est-à-dire du Scharnhorst et du Gneisenau , bien que, d’après ce document, il s’agisse d’armes défensives et que chaque spécialiste pouvait constater l’augmentation de leur tonnage et l’avait effectivement constaté ?
A cette époque, nous nous demandions ce que nous ferions de ces deux navires D et E, à la suite de l’accord avec l’Angleterre, c’est-à-dire de ces deux navires qui m’avaient été accordés par Hitler pour la Marine dans le budget 1934. Nous avions décidé de ne pas pousser leur construction plus avant, puisque nous pouvions faire un meilleur usage du matériel dont nous disposions.
Mais vous vous rendiez parfaitement compte que n’importe quel expert britannique, américain ou autre, était à même, au cours d’un voyage, de constater d’un seul coup d’œil que ces 10.000 tonnes en faisaient 26.000 ?
Naturellement.
Par conséquent...
Docteur Siemers, lorsque vous interrogez un témoin, vous ne devez pas lui poser des questions qui renferment implicitement la réponse à donner. Vous déclarez un certain nombre de choses à ce témoin, puis vous lui demandez « Est-ce exact » ?
Je vous demande pardon, je vais m’efforcer de poser mes questions d’une autre façon.
En tout cas, ma réponse est différente.
Bien.
Nous parlons ici surtout de plans. J’avais demandé l’autorisation de revoir les plans des deux navires, tout d’abord en renforçant leurs moyens défensifs, c’est-à-dire le blindage et les compartiments immergés, puis en augmentant leur puissance offensive par l’adjonction d’une tourelle de 28 cm au lieu d’une de 26 cm. Le Führer ne voulait pas encore sanctionner cette dernière mesure car, comme je l’ai déjà dit au cours de mon interrogatoire, il ne voulait nullement troubler les conversations engagées avec l’Angleterre. Pour commencer, il sanctionna simplement un déplacement moyen d’environ 18.000 à 19.000 tonnes ; et nous savions que quand les choses en arriveraient à un point tel qu’une troisième tourelle de 28 cm. pourrait être montée, le déplacement atteindrait environ 25.000 à 26.000 tonnes. Nous ne voyions cependant aucune raison pour en faire alors une publicité, car il était d’usage dans la Marine de n’annoncer les nouveaux plans de construction, et surtout les nouveaux types de navires, que le plus tard possible. C’était là la raison principale. D’autre part, Hitler ne désirait pas attirer l’attention de l’étranger sur ces constructions en communiquant les chiffres donnés avec trop de précipitation. Il n’y avait pas d’autres raisons.
J’aimerais que vous commentiez le numéro 2 du document. Le Ministère Public vous l’a particulièrement reproché, car vous y développez l’idée que la flotte devait être développée pour être opposée plus tard à l’Angleterre.
Tout d’abord, comme j’avais l’intention de l’expliquer, nous avions pris comme modèles les nouveaux navires français. La Marine française mettait alors au point le type Dunkerque , muni de canons de 330 mm. et capable d’atteindre une vitesse élevée : nous l’avions pris comme modèle car, suivant l’avis de Hitler — comme vous l’apprendrez plus tard — il n’était pas question d’armer contre l’Angleterre. Nous avions l’intention de transformer ces deux navires sur cette base et d’en faire des navires de guerre armés de neuf canons de 280 mm. et capables de se mouvoir rapidement. Mais nous apprîmes qu’en Angleterre on avait conçu le type King George , avec des canons de 356 mm, par conséquent plus forts que le type français. C’est pour cette raison que j’ai déclaré que l’on devrait se départir du type français pour adopter celui de l’Angleterre, qui construit maintenant des canons de 356 mm. Les mots « pour être opposée à l’Angleterre » constituent une erreur de traduction. Dans mon texte il est dit que l’on devrait procéder à des mises au point, d’après celles de l’Angleterre, ce qui veut dire que nous devrions concevoir des navires du même type que les Anglais. Mais ceux-ci devinrent surannés peu de temps après, car la France construisit alors des bâtiments de la classe du Richelieu avec des canons de 380 mm. Nous décidâmes d’en faire autant. C’est ainsi que fut construit le Bismarck. Le mot « opposée » aurait donc été tout à fait insensé à une époque où nous nous efforcions de nous entendre avec l’Angleterre sur les termes d’un accord sans lequel nous aurions été incapables de venir à sa hauteur.
Nous en arrivons maintenant au numéro 3 que le Ministère Public considère comme tout aussi important. Je cite :
« Le Führer demande que le secret absolu soit fait autour de la construction des sous-marins, surtout en raison du plébiscite de la Sarre. »
J’ai déjà parlé du désir du Führer de tenir secrets la construction de sous-marins et les préparatifs s’y rapportant. C’est un des points sur lesquels il était le plus sensible, car il ne désirait absolument pas troubler les négociations. Il se montra lui-même généralement extrêmement prudent au cours de cette période et n’aurait absolument rien fait qui eût pu compromettre l’accord naval qu’il était si pressé de conclure.
Je ne comprends pas très bien le secret gardé autour de la construction des sous-marins. On ne les construisait pas encore ?
Non ; il s’agissait du secret gardé autour des préparatifs de cette construction. C’était une façon brève de s’exprimer.
Nous en venons maintenant au document C-190 (USA-45), qui se trouve dans le livre de documents n° 10 de la Délégation britannique, à la page 67. C’est une conversation qui eut lieu entre Hitler et Raeder le 2 novembre 1934 à bord de l’Emden . Dans ce document que vous avez devant vous, Hitler vous informe qu’il croit indispensable de développer et d’améliorer la Marine avant 1938 et, qu’en cas de besoin, il ordonnera au Dr Ley de mettre à la disposition de la Marine 120.000.000 à 150.000.000 de Mark du Front du Travail. Aviez-vous quelque chose à voir au prélèvement des fonds nécessaires au réarmement ?
Non ; je fis une demande de fonds au ministre de la Défense du Reich qui me les envoya pour le réarmement.
Je suppose que cette déclaration provient du fait que je trouvais les fonds accordés à la Marine insuffisants et c’est pour cela que le Führer m’a dit qu’en cas de besoin il s’adresserait au Dr Ley, ce qui d’ailleurs n’eut pas lieu. Je ne reçus mes fonds que par l’intermédiaire du ministre de la Défense du Reich.
Bien que l’accusation portée par le Ministère Public ne me soit pas parfaitement compréhensible puisqu’il s’agit des opinions de Hitler, ce qui n’a rien à voir avec votre cas, je veux revenir encore une fois à ce résumé. Je puis vous rappeler qu’un croiseur de 10.000 tonnes environ qui, après tout, était petit, coûtait de 75.000.000 à 80.000.000. Cette somme de 120.000.000 à 125.000.000 était-elle suffisante pour mettre la Marine à même de procéder à un vaste réarmement ?
Non, certainement pas. Deux navires de guerre étaient également en construction, en dehors de ces deux cuirassés. Vous pourrez vous imaginer que les prix augmentaient sans cesse.
De sorte que cette somme n’était pas décisive ?
Non, nullement.
D’après le texte du numéro 2 de ce document, vous avez, au cours de cette conférence, attiré l’attention de Hitler sur le fait qu’il serait peut-être nécessaire de construire six sous-marins pendant le premier trimestre de 1935.
Je le lui ai dit parce que je savais qu’au début de 1935 on envisagerait le réarmement. Je pensais que cela pouvait entraîner une situation critique et provoquer des sanctions auxquelles Hitler s’attendait lui aussi. Je suppose que nous nous entretenions à ce sujet et c’est pourquoi j’ai proposé que s’il devenait nécessaire de faire des préparatifs pour le réarmement, six sous-marins soient montés avant la date prévue, à l’aide de pièces détachées provenant de l’étranger.
Est-ce que Hitler a donné cet ordre ?
Non, cet ordre n’a pas été diffusé.
Nous pourrions suspendre l’audience.
J’en arrive au document C-159 (USA-54). Ce document figure dans le livre de document 10 (a) de la Délégation britannique, à la page 110. Il s’agit d’une lettre de von Blomberg, ministre de la Guerre, du 2 mars 1936, au sujet de la zone démilitarisée. Témoin, avez-vous fait de longs préparatifs militaires pour l’action qui eut lieu le 7 mars 1936 ?
Non, je n’ai pas fait de longs préparatifs. C’est seulement par ce document du 2 mars que j’ai eu connaissance du plan. Je puis vous faire remarquer que je dis dans le numéro 6 :
« Pour maintenir le caractère pacifique des opérations, aucune mesure de sécurité militaire ou d’ordre préventif ne doit être prise sans mon ordre formel. »
Il apparaît donc clairement que toute cette action présentait un caractère pacifique.
Avant le début du mois de mars, vous ne saviez rien de toute cette affaire ?
Non, je crois qu’on l’a gardée particulièrement secrète.
J’en arrive donc au document C-194 (USA-55) qui se trouve dans le livre de documents 10 (a) de l’a Délégation britannique, à la page 128. Il s’agit d’une lettre de l’OKW au chef de la Marine, de 1936, le 6 mars, à ce qu’il me semble. Il traite par conséquent du même sujet que le document précédent. Puis-je connaître votre opinion à ce sujet ?
Le ministre de la Défense du Reich avait autorisé une reconnaissance aérienne qui devait avoir lieu en mer du Nord le 6 mars 1936, c’est-à-dire le jour précédant l’occupation de la Rhénanie. Il désirait retenir sa décision sur la question de savoir si les sous-marins devaient être également envoyés en reconnaissance à l’Ouest jusqu’à l’île du Texel. C’est pourquoi j’ai pris un ordre le 6 mars 1936, et donné des instructions spéciales...
Excusez-moi, Messieurs, je désire faire remarquer que cet ordre de Raeder du 6 mars fait partie du même document et que le texte est devant vous. (A l’accusé.) Veuillez continuer, je vous prie.
J’ai préparé cet ordre du 6 mars sur la route à suivre par les sous-marins et sur la reconnaissance qui devait avoir lieu le 7 mars. J’ai insisté tout particulièrement sur le fait que tout incident devrait être évité qui pourrait faire mal interpréter les intentions du Führer et créerait des entraves à cette action pacifique.
Pour compléter, j’ajoute que les termes de votre ordre du 6 mars 1936 se trouvent dans le numéro 5. Ce sont les deux dernières lignes.
C’étaient les mesures de précaution qui devaient être appliquées en cas de riposte ennemie.
Des préparatifs furent-ils faits sur une large échelle ?
Non.
J’en arrive maintenant aux deux derniers documents qui traitent encore de la question du Traité de Versailles et du réarmement. Le document C-135 (GB-213), se trouve dans le livre de documents 10 de la Délégation britannique, à la page 20. Il est intitulé : « Histoire de l’organisation de la guerre », c’est-à-dire organisation de la guerre et plan de mobilisation. Il date de 1933. Le Ministère Public l’a lu entièrement et l’a pris comme base d’une grave accusation, car il contient une déclaration d’après laquelle Hitler avait demandé que dans un délai de cinq ans — c’est-à-dire au 1er avril 1938 — une armée fut sur pied qui devait être employée comme instrument politique. Le document parle aussi de l’établissement du plan d’organisation de 1938 et du plan de combat.
Étant donné l’importance de ce point, j’ai prié l’amiral. Lohmann de prendre position sur cette question de caractère plutôt technique. C’est le document Raeder n° 2, qui se trouve dans mon livre de documents n° 2, troisième partie, à la page 5. Je crois que le Ministère Public s’est mépris sur le sens de certains termes, en particulier des mots « Kriegsgliederung » et « Aufstellungsgliederung ». Je vous prie donc de bien vouloir m’autoriser à lire cet affidavit en rapport avec les documents que j’ai présentés : Je cite : « Au sujet des documents C-135 et C-153, plan d’armement, plan de mobilisation, Aufstellungsgliederung AG et Kriegsgliederung KG. »
Je fais remarquer ici que pour simplifier les choses j’ai réuni les documents C-135 et C-153. Je voudrais donc, dans l’intérêt du procès-verbal, signaler que le 153 correspond à USA-43 et figure dans le livre de documents britannique 10 (a), à la page 107. Il est intitulé : « Plan d’armement pour la troisième période. » C’est un document assez long daté du 12 mai 1934. Je cite l’affidavit de Lohmann d’après ces deux documents :
« Les documents précités qui m’ont été soumis concernent l’établissement du plan d’installation, du plan de guerre, du plan de mobilisation et du plan d’armement. Les trois premiers plans ou dispositifs traitent des mêmes sujets et ne diffèrent que par leur composition. Le plan d’armement diffère des autres plans en ce sens qu’il traite des nouvelles constructions et des matériaux nouveaux et, partant, se trouve moins volumineux.
« La Marine allemande — de même que toute l’Armée — et sûrement les armées de tous les pays, ont élaboré des plans de ce genre afin d’être à même, en cas de conflit ou de complications militaires, de préparer en temps voulu et d’utiliser efficacement les moyens de combat à leur disposition. Les changements survenus dans les événements, l’évolution militaire, les renouvellements de personnel et les progrès techniques entraînaient la révision annuelle de ces plans. Certains de ces préparatifs, bien naturels dans le cas de l’Armée, consistaient en installations, mobilisation ou organisation de combat, ce qui entraînait l’étude de toutes les installations navales sur mer et sur terre, ainsi que de tous les moyens de combat à notre disposition ou devant être acquis, renforcés ou réorganisés avant une certaine date. Toutes les opérations envisagées par le Commandement militaire étaient basées sur ce plan, qui renseignait également les hommes politiques sur la puissance et la quantité des ressources militaires disponibles. Ce plan devait toujours être établi longtemps à l’avance, et était généralement promulgué par le Haut Commandement de la Marine dix-huit mois avant d’entrer en application, afin de donner aux services compétents la possibilité de procéder, au moment opportun, aux opérations préliminaires nécessaires telles que demandes de crédits et de matériaux (fer, acier, etc.) à la Commission navale du Budget, et préparation de locaux, dans la mesure où tout ceci n’était pas déjà réglé par le plan de paix de la Marine.
« Lorsqu’on 1933, Hitler demanda dans son Plan de cinq ans qu’avant le 1er avril 1938 une force armée fût mise sur pied qu’il pourrait jeter dans la balance comme instrument de puissance politique, le plan d’organisation de combat pour 1938 fut créé, indépendamment de celui qui était prévu annuellement et, jusqu’en 1935, il traitait principalement des possibilités offertes par le Traité de Versailles et qui n’avaient pas encore été mises à profit, ainsi que de la question de compléter les forces navales avec des bâtiments dont ni le type, ni le nombre n’étaient soumis à des limitations. Après l’accord naval de 1935, le plan d’organisation de combat fut remplacé par un autre plan à but final qui fixait le nombre des navires de guerre de tous les types existant ou à construire dans une proportion de 35 % du tonnage actuel effectif de la flotte anglaise. Compte tenu des possibilités budgétaires et matérielles, du rendement des chantiers de construction et de la lenteur nécessaire à la construction de grandes unités, on fixa ce but final à l’année 1944-1945. La possibilité de reculer cette date restait toujours ouverte, en relation avec le programme de construction de la flotte anglaise.
« Les différentes échéances ont uniquement une signification de technique navale ne permettant pas de conclure à l’élaboration de plans politiques. »
Je voudrais faire remarquer ici une petite erreur dans la traduction anglaise. La traduction du mot « Terminierungen » par « terminology » me semble inexacte. « Terminology » anglais traduit le mot allemand « Terminologie ». Alors qu’il s’agit ici de « terms » ou échéances.
Témoin, ces déclarations du vice-amiral Lohmann sont-elles exactes ? Avez-vous quelque chose à y ajouter ?
Ces déclarations contiennent tout ce qui pouvait être dit. Tout ceci constitue, à mon avis, des préparatifs qui doivent être entrepris par toutes les Marines qui doivent s’équiper rationnellement et se préparer à l’action. On a déclaré quelque part dans le document C-135, page 1, point 2 : « En raison de la tension croissante entre l’Allemagne et la Pologne, nous avons été obligés de faire des préparatifs pratiques et non théoriques, en vue d’un conflit purement germano-polonais ». Cela permit d’insinuer qu’à une certaine époque — je crois que c’était en 1930 — nous préparions une guerre d’agression contre la Pologne. J’ai déclaré hier que notre objectif principal était et devait être — et nous ne pouvions faire plus — de nous opposer avec force à toute agression de la Pologne contre la Prusse orientale. C’était là le but de notre travail : protéger l’Allemagne contre les Polonais. A cette époque, c’eût été une folie pour l’Armée allemande, encore insuffisamment équipée, que d’envahir la Pologne ou tout autre pays. Et puisque les années de 1938 et 1944-1945 reviennent constamment en question, je voudrais encore signaler que l’année 1938 fut choisie comme marquant la fin de la première phase du Plan de remplacement. Le dernier navire prévu par ce plan devait être construit entre 1936 et 1938.
Excusez-moi, Messieurs, je me permettrai d’attirer votre attention sur le fait qu’il s’agit du document Raeder-7.
Hitler ordonna alors un Plan de cinq ans, qui se trouva couvrir également les années 1933 à 1938, et selon lequel le plan de guerre devait être fixé pour l’année 1938. Quant au plan final, il était fixé à 1944-1945. Comme il est dit dans le document que vous venez de lire, cette date fut établie en raison du fait que nous devions, en fixant notre programme, tenir compte des fonds et du matériel disponibles, des capacités de nos chantiers navals et du temps nécessaire à la construction des grandes unités. On ne pouvait créer des forces puissantes avant cette date. Plus tard, ce plan est mentionné dans plusieurs de mes lettres. Mais on ne nous fixa aucune date pour une attaque éventuelle de notre part.
Les déclarations contenues dans le document C-135 sont-elles conformes aux termes de l’Accord naval germano-anglais ? Je ne me suis peut-être pas très bien exprimé. Cette affirmation qu’un nouveau programme était établi implique donc qu’on agit conformément à l’accord naval germano-anglais ?
Naturellement.
En tout cas, sous le chiffre 8, dans le document C-135, il y a bien lieu de comprendre « ... que la Marine de guerre moderne était liée à l’accord naval qui avait été conclu avec l’Angleterre ? »
Oui.
Je passe maintenant à un autre sujet et je reviens à l’année 1933. Monsieur le Grand-Amiral, quand avez-vous fait connaissance de Hitler et aviez-vous quelque rapport avec le national-socialisme avant 1933 ?
Je fis la connaissance de Hitler le 2 février 1933, date à laquelle je le vis et lui parlai pour la première fois. C’était à l’occasion d’une soirée organisée par le général von Blomberg, chez le chef de l’État-Major de l’Armée de terre, le général von Hammerstein. Von Blomberg avait l’intention de présenter à Hitler les généraux et les amiraux les plus anciens et les plus influents. Je reviendrai là-dessus plus tard. Auparavant, je n’avais absolument jamais eu à faire avec le national-socialisme. Je ne connaissais l’amiral von Levetzow que de la première guerre mondiale. Il était à l’État-Major de l’amiral Scheer, qui était un camarade et qui avait été très tôt en relations avec Hitler.
C’est par lui cependant que j’appris que Hitler s’intéressait beaucoup aux questions de la Marine et les connaissait de façon surprenante. D’autre part, je pense que Levetzow avait également entretenu Hitler de la réputation de la Marine et de l’opinion qu’il en avait alors. En dehors de cela, je n’ai pas eu de relations avec lui.
Quelles raisons vous poussèrent, Monsieur le Grand-Amiral, à rester en fonctions en 1933, alors que vous n’aviez aucun rapport avec le national-socialisme ?
Le Président du Reich, le maréchal von Hindenburg, qui était en même temps Chef suprême de la Wehrmacht, avait nommé Chancelier du Reich le chef du plus grand Parti. Je crois que si j’étais allé le voir pour lui dire que je voulais démissionner ou que j’avais l’intention de me retirer parce qu’il avait nommé un nouveau chancelier, il aurait certainement considéré cela comme un affront et m’aurait alors vraiment congédié. Je n’avais absolument aucune raison de demander à mon chef suprême de me démettre de mon poste militaire, sous prétexte qu’en sa qualité de Président du Reich il avait nommé un nouveau chancelier qui ne me plaisait pas.
Quand et où avez-vous, pour la première fois, entendu Hitler définir les principes fondamentaux de sa politique ?
Je l’ai entendu pour la première fois à la date du 2 février dont je viens de parler, après le repas chez le général von Hammerstein. On m’a présenté à lui avant le dîner, et après le dîner il a fait un discours sur son programme. Il était accompagné du ministre des Affaires étrangères, M. von Neurath. Il n’y avait pas là d’autres membres du Parti. Dans son discours, il parla tout d’abord de sa carrière et expliqua ensuite ses visées sociales et nationales. Il déclara qu’il voulait mettre le Reich allemand sur un pied d’égalité avec les autres nations et affirma qu’il essaierait de débarrasser le pays des chaînes du Traité de Versailles et de rendre à l’Allemagne sa souveraineté intérieure. Il parla, en outre, de ses buts sociaux : établissement d’une communauté réelle au sein du peuple, élévation du niveau de vie des travailleurs, assistance aux paysans, développement de l’agriculture, instauration du service du travail et élimination du chômage. Il insista tout particulièrement — et c’était là vraiment le point essentiel — sur le fait que la politique intérieure aussi bien que la politique extérieure devaient être laissées en ses seules mains, que la Wehrmacht n’avait rien à y voir et qu’elle n’interviendrait même pas dans les troubles intérieurs, et qu’il avait d’autres moyens pour régler cette question. Il voulait instaurer pour la Wehrmacht une ère pacifique et constructive, afin qu’elle fût le facteur nécessaire pour empêcher le Reich de devenir le jouet des autres nations ; et c’est pourquoi il était nécessaire qu’au cours des années suivantes la Wehrmacht se consacrât entièrement à son objectif essentiel : s’entraîner pour la défense de la patrie en cas d’agression. La Wehrmacht serait la seule dépositaire de la force et sa structure demeurerait inchangée. Il ne donna pas de détails. Il avait là un auditoire relativement considérable. Il ne parla nullement de plans belliqueux. Toutes les personnes présentes furent satisfaites de ce discours. Il parla fort respectueusement du président von Hindenburg, chef suprême de le Wehrmacht, et nous avions l’impression qu’il révérait cette personnalité très honorée. Ce discours constitua le seul exposé de ses principes de bases qu’il me donna en qualité de chef de l’État-Major de la Marine, ainsi qu’au chef d’État-Major de l’Armée de terre et aux autres.
Monsieur le Grand-Amiral, quand êtes-vous venu voir Hitler pour la première fois à propos de la Marine ? Quelle attitude générale adopta-t-il à cette occasion, particulièrement à l’égard de la Marine ?
Je fis mon premier rapport sur la Marine quelques jours plus tard, en présence du général von Blomberg qui, en sa qualité de chef de la défense du Reich, était mon supérieur. Je ne puis vous dire la date exacte, mais ce fut peu de temps après ce dîner. A cette occasion, Hitler m’expliqua encore les principes qui devaient me guider dans le commandement de la Marine. Je lui exposai d’abord l’état de la Marine : je lui montrai l’échelle plutôt restreinte sur laquelle la Marine avait exécuté les dispositions du Traité de Versailles. Je lui fis part de son infériorité, du Plan de remplacement des navires et des incidents de la politique navale tels que le Traité de Washington, le Traité de Londres de 1930, l’attitude de la Conférence du désarmement. Il avait déjà été amplement informé de ces questions. Il me déclara qu’il voulait m’expliquer les principes directeurs de sa politique qui devait servir de base à une politique navale à long terme. Je me rappelle encore parfaitement ces mots qu’il prononça, ainsi que ceux qui suivirent.
Il me dit qu’il ne voulait en aucun cas avoir des complications quelconques avec l’Angleterre, le Japon ou l’Italie, surtout pas avec l’Angleterre. Et il voulait le prouver en concluant un accord avec l’Angleterre sur les moyens accordés à la Marine allemande, en comparaison de ceux de la Marine anglaise. Ce faisant, il voulait montrer qu’il était prêt à reconnaître une fois pour toutes le droit de l’Angleterre à entretenir une Marine en rapport avec l’importance de ses intérêts dans le monde. La Marine allemande ne devait se développer que dans la mesure exigée par une politique européenne continentale. J’en fis mon second principe directeur pour le commandement de la Marine. La proportion réelle des forces des deux Marines fut discutée ultérieurement.
Cette décision de Hitler me procura, ainsi qu’à la Marine, une extraordinaire satisfaction, car elle signifiait l’exclusion d’une concurrence insensée avec la première puissance navale du monde et la possibilité d’une construction graduelle et solide de notre flotte. Je crois que cette décision fut acceptée dans toute la Marine avec une grande joie et qu’on en comprit toute la portée. Plus tard, le Pacte avec la Russie fut salué avec le même enthousiasme, car la combinaison de cet accord avec l’Accord naval constituait la garantie d’un merveilleux développement. Il y avait des gens, mais pas dans la Marine, qui estimaient que c’était là céder du terrain, mais ces restrictions furent admises par la majorité des Allemands avec la plus grande compréhension.
Monsieur le Grand-Amiral, quelles étaient vos relations personnelles avec Hitler ? Comment l’avez-vous jugé au cours des années ? Et quelle était son attitude à votre égard ?
Je saluais cette personnalité énergique, manifestement très intelligente, ayant une volonté extraordinaire, sachant admirablement manier les gens et je l’estimais, d’après mes observations pendant les premières années, comme un grand et très habile politicien, dont les aspirations nationales et sociales étaient entièrement connues et acceptées par les Forces armées et par le peuple allemand.
Docteur Siemers, le Tribunal pense que ce point pourrait être traité plus brièvement. Nous avons entendu cela tant de fois !
Oui. L’accusé ne doit-il pas décrire ses relations avec Hitler ? Est-ce que le Tribunal estime que ces déclarations ne sont pas pertinentes ?
Il pourrait le faire brièvement.
Très bien. Monsieur le Grand-Amiral, veuillez abréger, je vous prie.
Je voudrais simplement dire ce que je pensais de Hitler pour expliquer les raisons que j’ai eues de ne l’abandonner à quelque moment que ce fût, chose qui m’est violemment reprochée par le Ministère Public. Les premières mesures qu’il prit aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur firent sans doute admirer son habileté politique et firent espérer que, puisqu’il les avait prises, sans effusion de sang, ni complications politiques, il serait à même de résoudre pareillement tous les problèmes qui se poseraient à l’avenir.
Comme je l’ai déjà dit, nous avons entendu parler des qualités et de l’habileté de Hitler par tous les accusés, et ces témoignages sont cumulatifs. Il suffit que cet accusé dise qu’il a été vivement impressionné par les qualités de Hitler. Tout le reste fait double emploi.
Bien. Je dirai donc simplement qu’au cours des premières années je n’avais aucune raison de me demander si je conserverais mon poste ou non.
Monsieur le Grand-Amiral, nous allons en venir automatiquement, au cours des débats, aux complications qui ont suivi. J’en arrive à l’Accord naval germano-anglais de 1935, et je voudrais vous demander brièvement comment il a été conclu. Je me réfère au document Raeder n° 11 qui se trouve dans le livre de documents n° 1, à la page 59, et qui contient l’Accord naval sous forme d’une note du ministre allemand des Affaires étrangères au Gouvernement britannique. Les termes en ont été fixés par les Anglais, comme le montrent les premiers mots :
« Excellence. J’ai l’honneur d’accuser réception de la note envoyée ce jour par votre Excellence, dans laquelle elle a eu l’obligeance de me communiquer ce qui suit au nom du Gouvernement de Sa Majesté britannique. »
Suivent les déclarations britanniques :
« Au cours de ces derniers jours, les représentants du Gouvernement allemand et du Gouvernement de Sa Majesté britannique ont engagé des pourparlers dont le but principal était d’ouvrir la voie à une conférence générale sur la limitation de l’armement naval. Je suis heureux de pouvoir informer aujourd’hui votre Excellence de l’acceptation formelle par le Gouvernement de Sa Majesté britannique de la proposition du Gouvernement allemand, qui a été l’objet de ces entretiens, et qui avait été faite à l’effet de fixer le rapport des forces de nos deux Marines à 35%. Le Gouvernement de Sa Majesté britannique considère cette proposition comme une contribution d’une extrême importance à la cause des limitations navales futures. Il pense, en outre, que l’accord qu’il vient de réaliser avec le Gouvernement allemand qu’il considère comme un accord permanent et définitif entre les deux Gouvernements... »
Ce document est bien connu, le Tribunal en prendra naturellement acte. Il n’est pas nécessaire de le lire en entier.
Très bien. Mais je me permettais de faire remarquer que d’après le point 2f de ce document, le Gouvernement britannique reconnaissait au Gouvernement allemand le droit d’avoir le même nombre de sous-marins que la Grande-Bretagne. Cela représentait alors un tonnage d’environ 52.000 tonnes, soit plus de cent sous-marins. Le Gouvernement du Reich allemand restreignit cependant volontairement le tonnage de ses sous-marins à 45 % du tonnage total de ceux de l’Empire britannique. (A l’accusé.) Considériez-vous, vous et la Marine, ces restrictions énormes comme la base d’un développement pacifique de l’Allemagne, et celles-ci furent-elles, d’une façon générale, accueillies favorablement ?
Oui ; comme je l’ai dit, elles le furent avec une grande satisfaction.
Puisqu’un jugement porté il y a quelques années a plus de poids qu’une déclaration faite au cours de ce Procès, je désire présenter le document Raeder n° 12, livre de documents n° I, à la page 64. Ce document concerne une communication faite par l’amiral Raeder pour l’instruction du Corps des officiers. Elle est du 15 juillet 1935, c’est-à-dire un mois après la signature de l’accord naval. Raeder déclare — je cite le paragraphe 2 :
« L’accord est né de la décision du Führer de fixer à 35% le rapport de puissance entre les flottes allemande et britannique. Cette décision, prise en considération de la politique européenne, a été le point de départ des négociations de Londres. En dépit de l’opposition initiale de l’Angleterre, nous nous y sommes tenus avec ténacité et on a fait droit à toutes nos exigences. En prenant cette décision, le Führer avait l’intention d’exclure pour l’avenir la possibilité d’un antagonisme entre l’Allemagne et l’Angleterre, et d’éliminer à tout jamais une rivalité navale entre les deux pays. » A la page 66, se trouve également une phrase importante. Je prie le Tribunal de bien vouloir en prendre acte : Par cette convention, l’Angleterre approuvait formellement la construction de la Marine allemande, dans la mesure fixée par le Führer.
Viennent ensuite les détails sur le tonnage. Je voudrais attirer votre attention sur la dernière phrase, qui est bien significative de l’attitude adoptée alors par Raeder : Sur le terrain politique, cet accord constitue un succès certain parce qu’il représente le premier pas vers une entente pratique et signifie un premier relâchement du front rigide maintenu jusqu’alors par nos anciens adversaires contre l’Allemagne, comme la preuve implacable en a encore été donnée à Stresa. » (A l’accusé.) Monsieur le Grand-Amiral, les principes d’un développement pacifique que vous avez alors posés ont-ils été suivis dans les années suivantes ?
Oui.
A ce propos, je voudrais présenter au Tribunal le document Raeder n° 13 ; c’est un document qui me permet — pour gagner du temps — de renoncer à la déposition à l’audience du vice-amiral Lohmann. Il figure dans le livre de documents n° I, à la page 68, et est intitulé : « Nouveau Plan du développement de la flotte allemande ». C’est un travail de principe qui revêt la forme d’un discours prononcé par le vice-amiral Lohmann au cours de l’été 1935 à l’université Hanséatique de Hambourg. Je demande au Tribunal de bien vouloir prendre acte des points essentiels. Et comme il s’agit d’un travail volumineux effectué à la demande du Haut Commandement, je puis me contenter d’en citer quelques passages. L’amiral Lohmann explique d’abord que puisque nous étions désormais libres de recruter et d’armer des troupes, la Marine n’était plus tenue à des restrictions, ce qui n’était pas l’avis de Hitler. Je cite :
« Le Führer a cependant choisi une autre voie. Il a préféré entamer directement des négociations sur l’armement naval allemand avec l’Angleterre, notre ancienne ennemie qui — pardon, je cite la page 70 — a essayé depuis des années de comprendre notre situation difficile. »
A la page 71, Lohmann parle des rapports erronés publiés dans la presse, etc., et je cite textuellement :
« La ratification du traité fut d’autant plus surprenante qu’elle exprimait le parfait accord des deux Gouvernements et ne laissait pas, comme certains traités d’armement antérieurs, plus d’amertume que de compréhension. La loyauté dont ont fait preuve les hommes d’État britanniques (qu’ils n’avaient pas perdue en dépit des moyens ignobles souvent employés dans la haute politique) fut confrontée avec la bonne foi sans réserve des déclarations allemandes, la fermeté digne des représentants allemands et le désir passionné de paix qui animait les discours et les actes de notre Führer. A l’inverse de ce qui se passait antérieurement, les discours des chefs britanniques furent empreints de respect et de reconnaissance ; nous y avons vu le signe d’un désir honnête de compréhension. Les opinions provenant des milieux d’anciens combattants anglais ne sont pas moins précieuses que l’attitude des personnalités officielles.
« En novembre 1918, par exemple, lorsque la flotte allemande fut arraisonnée par les escadres anglaises pour être confinée à Scapa Flow, le chef de la flotte anglaise, lord Beatty, le grand ennemi de notre amiral Hipper, hissa le fameux signal : « N’oubliez pas que l’ennemi est une bête méprisable ». Ce Grand-Amiral, a maintes fois exprimé son aversion pour l’Allemagne, mais le 26 juin, il déclara devant la chambre des Lords : « J’estime que nous devons être reconnaissants aux Allemands. Ils sont venus à nous les mains tendues, déclarant qu’ils acceptaient le rapport de 35 %. S’ils avaient fait d’autres propositions, nous n’aurions pu les en empêcher. Nous devons nous réjouir du fait qu’il y ait au moins un pays dans le monde dont nous n’ayons pas à craindre la concurrence dans le domaine de l’armement ».
Je me réfère encore à la page 73, où l’on parle de la réduction du tonnage des navires de ligne à 35.000 tonnes. Cette limitation jour un rôle important dans le document C-23 du Ministère Public.
Le fait que dans ce document se trouvent à côté des mots « canal de Panama » les mots « navires de 35.000 tonnes » revêt une certaine importance. Mais cette réduction n’est pas si importante que le Ministère Public a bien voulu nous le laisser croire. En voici l’origine : les États-Unis voulaient alors limiter le tonnage à 35.000 tonnes car le canal de Panama était trop peu profond et trop étroit pour permettre aux grosses unités de passer et il aurait fallu l’agrandir. Je reviendrai d’ailleurs sur ce sujet puisque cette limite ne fut pas maintenue.
Pour établir la base prise pour la comparaison avec les sous-marins allemands, je voudrais signaler la page 76 où on mentionne le chiffre de 52.700 tonnes. C’est un fait historique — établi ici — que la France ne participa pas à cette limitation alors qu’elle était la première puissance sous-marine avec 96.000 tonnes, avec cent onze sous-marins, dont quinze en construction. C’est également un fait historique — établi à la même page — que l’Allemagne avait consenti à supprimer des sous-marins après en avoir détruit 315 après la première guerre mondiale. (A l’accusé.) Monsieur le Grand-Amiral, cet accord avec la flotte britannique tel qu’il ressort de ces documents, s’est-il révélé à une autre occasion ?
J’ai essayé de maintenir cette bonne entente et j’ai tenu à le faire sentir à la Marine britannique, par exemple lorsque je fus informé de la mort de l’amiral Jellicoe par une agence de presse anglaise. Il avait commandé la Marine britannique au cours de la première guerre mondiale et nous l’avions toujours considéré comme un adversaire chevaleresque. Par l’intermédiaire de cette agence, j’envoyai un message à la Marine britannique.
Je doute que ce fait ait un rapport quelconque avec les questions sur lesquelles nous avons à nous prononcer.
En toutes circonstances, j’ai fait tout mon possible pour établir et maintenir une bonne entente avec la flotte britannique.
Le 17 juillet 1937, fut signé un autre accord naval germano-britannique. Je vous présente le document Raeder n° 14, livre de documents n° I, page 81. C’est un document assez long dont une partie seulement a été traduite et imprimée dans le livre de documents. Pour bien comprendre la violation qui nous est reprochée par le Ministère Public, je dois me référer à plusieurs points de ce document. L’accord concerne la limitation de l’armement naval et surtout l’échange de renseignements se rapportant à ce sujet. Dans l’article 4, on parle de la limitation des navires de ligne à 35.000 tonnes, dont nous avons déjà parlé. D’après les articles 11 et 12 — que je ne lirai pas en raison de leur caractère technique, mais dont je demanderai au Tribunal de prendre acte — les deux Gouvernements sont tenus de communiquer un rapport annuel sur leur programme de constructions navales ; ceci doit être fait au cours des quatre premiers mois de chaque année et les détails concernant certains navires (les gros navires en particulier) devront être transmis quatre mois avant d’être fixés. Pour faire comprendre toute la question de l’accord naval, dont on a fait une charge à rencontre de l’accusé, puis-je me référer aux articles 24 à 26 ? Ces articles montrent que...
Pouvez-vous les résumer ?
Je n’avais pas l’intention de les lire, je voulais simplement mettre un ou deux points en évidence. Ces articles énumèrent les conditions sous lesquelles une partie à l’accord pouvait y déroger. Donc, dès le début, on avait envisagé la possibilité, sous certaines conditions, de s’écarter de l’accord, par exemple (article 24) si l’un des deux Gouvernements contractants était entraîné dans une guerre, ou (article 25) au cas où une autre puissance telle que les États-Unis, la France ou le Japon, devrait construire ou acquérir un navire de dimensions plus considérables que celles prévues dans l’accord.
Dans cet article, une référence est faite à l’article 4, c’est-à-dire aux navires de ligne de 35.000 tonnes. En cas de dérogation, la seule obligation était d’en faire part à l’autre contractant. L’article 26 définit les conditions générales des dérogations à l’accord ; il vise, autrement dit, les cas où la sécurité de la nation exige que la dérogation soit justifiée. Point n’est besoin pour l’instant d’autres détails.
Monsieur le Président, je voulais simplement faire remarquer qu’aux termes de l’article 2, toute dérogation doit être notifiée à l’autre partie contractante. C’est également ce que prévoit l’article 26 : toute dérogation sera notifiée à l’autre partie contractante.
Est-ce exact, Docteur Siemers ?
Oui, je crois.
Le Ministère Public affirme-t-il que cet accord a été rompu ?
Oui. En ce qui concerne ce que vient de déclarer Sir David, je voudrais dire que j’ai signalé qu’une telle dérogation n’était permise que sous certaines conditions, et qu’elle devait être obligatoirement notifiée à l’autre partie. Peut-être cela n’a-t-il pas été traduit, ou l’a été d’une manière incomplète. (A l’accusé.) Monsieur le Grand-Amiral, cet accord de 1937 a-t-il été conclu en partant du même point de vue que celui dont vous avez déjà parlé ? D’autres faits importants n’ont-ils pas provoqué cet accord ?
En 1936, d’après mes souvenirs, les traités jusqu’alors conclus par l’Angleterre avec d’autres nations étaient venus à expiration. A cette date, l’Angleterre était donc fort désireuse de renouveler ces traités. La preuve en est qu’en 1937 nous fûmes invités à signer un nouvel accord intervenu entre toutes les puissances, à l’effet d’inclure désormais l’Allemagne dans ces traités.
Le Ministère Public vous a reproché d’avoir violé cet accord naval anglo-allemand, et cette accusation est basée sur le document C-23 (USA-49) dans le livre de documents britannique n° 10, à la page 3. Le document est du 18 février 1938. On en a parlé maintes fois au cours de ce Procès ; il commence ainsi :
« Le tonnage des navires de ligne Scharnhorst , Gneisenau et F/G dépasse de 20% dans les deux cas celui qui a été indiqué aux Anglais. »
Ensuite, nous trouvons une liste qui montre qu’on a donné, pour le Scharnhorst , un tonnage de 26.000 tonnes alors qu’en réalité il était de 31.300, et que le tirant d’eau indiqué avait un mètre de moins que le tirant d’eau réel. Le Bismarck et le Tirpitz furent signalés comme faisant 35.000 tonnes alors que leur tonnage réel était de 41.700 tonnes et que leur tirant d’eau effectif avait 80 cm, de plus que celui indiqué. En somme, d’après ce que nous avons vu, le traité a été évidemment violé. Monsieur le Grand-Amiral, je suppose que vous n’allez pas le contester.
Non, nullement.
A l’époque où ce document a été rédigé, il n’y avait sûrement que les quatre navires en question : le Scharnhorst , le Gneisenau , le Bismarck et le Tirpitz . Ainsi ces...
Il semble encore que vous fassiez des déclarations au Tribunal au lieu de poser des questions au témoin.
Je croyais, Monsieur le Président, pouvoir purement et simplement présenter cette preuve pour bien préciser ce dont il s’agit. J’étais sur le point de poser la question suivante : les quatre navires de ligne mentionnés étaient-ils déjà en service à l’époque où ce document a été établi ?
Non, ils n’étaient pas encore en service.
Aucun d’eux ?
Non, aucun.
Je pense que l’on m’autorisera à préciser les dates exactes de mise en service de ces bateaux — dates que l’accusé peut difficilement se rappeler — . Elles se trouvent au paragraphe IV de l’affidavit de Lohmann, document Raeder n° 2.
Je pense que vous devez le prouver ; il ne faut pas le déclarer sans le prouver.
Certainement, Monsieur le Président. Je me réfère au document Raeder n° 2, qui a déjà été présenté au Tribunal ; c’est l’affidavit de Lohmann, à la page 5. Je cite, à la page 8 du livre de documents n° I.
« La Marine de guerre allemande a, dans le cadre du traité germano-anglais, mis en service quatre navires de ligne. Je donne ci-dessous les dates de mise en chantier, de lancement et de mise en service, dans la mesure où je puis encore me les rappeler :
« Scharnhorst , date de mise en chantier indéterminée ; lancement, le 3 octobre 1936 ; mise en service, le 7 janvier 1939.
Gneisenau , date de mise en chantier inconnue ; lancement, le 8 décembre 1936 ; mise en service, le 31 mai 1938.
Bismarck , mise en chantier, janvier 1936 lancement, le 14 février 1939 ; mise en service, le 2 août 1940.
Tirpitz , mise en chantier, 1936 ; lancement, 1er avril 1939 ; mise en service, 1941. »
L’amiral Lohmann a été incapable de fixer les dates exactes.
Je voudrais ajouter que les autres navires « H » mentionnés dans le document C-23, furent ébauchés mais abandonnés ultérieurement. Ils l’avaient déjà été dans le courant de l’été 1939 mais ceci ne s’appliqua qu’au premier « H ». Jusqu’alors, il n’est pas question de préparation finale ou de construction. Puisqu’il y a là une violation évidente du traité, nous devons considérer sous quel aspect ces violations doivent être envisagées. Le Ministère Public a prétendu que cette violation était criminelle car elle impliquait un projet d’agression. Pour gagner du temps — surtout puisqu’il s’agit de questions techniques — j’aimerais, avant de continuer l’interrogatoire du témoin, présenter le document Raeder-15, dans le cadre des preuves que j’ai produites avec l’autorisation du Tribunal. A mon avis, il ressort de ce document qu’il n’y a pas eu d’intentions agressives. Le document Raeder-15 est un affidavit qui se trouve dans le livre de documents n° I, à la page 94. Il a été rédigé devant notaire à Hambourg par le Dr h. c. Wilhelm Süchting. Il est très important pour la réfutation du document C-23 ; c’est pourquoi je cite :
« Je suis l’ancien directeur du chantier de constructions navales Blohm et Voss, à Hambourg. J’ai travaillé dans cette entreprise de 1907 à 1945 et suis très au courant de toutes les questions relatives à la construction des navires de commerce et de guerre. En particulier, en ma qualité d’ingénieur, j’ai été mêlé à la construction de navires de ligne pour la Marine de guerre allemande.
M. le Dr Walter Siemers, avocat à Hambourg, m’a présenté le document C-23 du 18 février 1938, en me priant de donner mon avis à son sujet. Il ressort de ce document que la Marine, contrairement à la convention antérieure, informa les Anglais que les navires de ligne Scharnhorst et Gneisenau avaient un tonnage et un tirant d’eau de 20% inférieur à la réalité.
Je puis donner des détails sur les raisons de ce renseignement. Je suppose que les données communiquées aux Anglais — données qui, d’après l’accord naval, devaient être fournies quatre mois avant la mise en chantier — étaient basées sur le fait que les deux navires en question n’avaient été conçus à l’origine que pour avoir un tonnage de 26.000 tonnes et un tirant d’eau de 7 m. 50, et que le navire « F » (Bismarck) devait avoir un tonnage de 35.000 tonnes et un tirant d’eau de 7 m. 90. Si, plus tard, ces navires de guerre furent construits avec un tonnage et un tirant d’eau supérieurs, ce fut par suite des modifications ordonnées ou désirées par la Marine pendant l’élaboration du projet et qui devaient nécessairement être exécutées par le service des constructions. Ces modifications étaient basées sur ce principe toujours préconisé par la Marine, que les navires de ligne devaient être construits de façon à être le moins vulnérables possible. L’accroissement du tonnage n’avait pas pour but d’accroître la force offensive du bâtiment... »
Je vous prie de m’excuser, Monsieur le Président, mais j’en ai bientôt terminé.
« L’accroissement du tonnage n’avait pas pour but d’accroître la force offensive du bâtiment, mais correspondait à des mesures de défense et de protection. »
Je fais remarquer ici qu’il y a dans le texte anglais une erreur de traduction. Il manque le mot « not ». Dans le texte, il est dit : « n’avait pas pour but » et non pas « avait pour but ».
« Peu à peu, la Marine attacha une importance croissante à la division de la coque du navire en un plus grand nombre de compartiments étanches afin de le rendre le moins vulnérable possible et d’assurer une plus grande sécurité en cas de voies d’eau. Les nouveaux navires de ligne furent donc construits plus larges par le travers, avec de nombreuses cloisons étanches ayant seulement dix mètres d’intervalle, et de nombreuses cloisons transversales et longitudinales en dehors des compartiments aux torpilles. En même temps, les blindages verticaux et horizontaux furent, d’après moi, plus épais et composés de plaques plus larges que celles utilisées par les autres navires, afin de... »
En d’autres termes, cet affidavit montre que les navires ont été modifiés en cours de construction pour des raisons techniques. Peu importe quelles étaient ces raisons techniques.
Pardonnez-moi, Monsieur le Président ; mais je crois que puisque nous traitons une violation évidente d’un traité, la façon dont elle fut commise revêt une certaine importance. Je ne crois pas que toute violation de traité doive être, considérée comme un crime de guerre. Mais il s’agit de savoir si une telle violation de traité est un crime de guerre au sens de l’Acte constitutif, c’est-à-dire si elle a été motivée par l’intention de mener une guerre d’agression. Une violation insignifiante dont, après tout, on trouve des exemples dans tous les procès d’affaires, ne peut constituer un crime.
Cet affidavit est devant nous. Nous le lirons. En fait, vous avez déjà lu les parties intéressantes. Je crois qu’il serait temps de lever l’audience. De combien de temps comptez-vous encore disposer ?
Monsieur le Président, il m’est très difficile de le dire, mais je suppose que je pourrai conclure demain, j’espère, Monsieur le Président, avant midi. Mais je vous demande, Monsieur le Président, de bien vouloir prendre en considération le fait que je présente mes preuves au cours de l’interrogatoire, alors qu’il nécessite, dans de nombreux cas, plusieurs heures à lui seul. La question sera ainsi réglée pour moi.
Le Tribunal espère que votre présentation sera aussi brève que possible. Nous nous occupons de cet accusé depuis un certain temps déjà.