CENT TRENTE-HUITIÈME JOURNÉE.
Vendredi 24 mai 1946.
Audience de l’après-midi.
Témoin, vous avez dit, à propos de la directive de Sauckel sur l’utilisation de la main-d’œuvre, que vous aviez été inondé d’arrêtés de ce genre. Ces arrêtés ont-ils été exécutés ?
Autant que je sache, je puis affirmer que oui. J’avais l’impression que les fonctionnaires de l’organisation de la main-d’œuvre se considéraient comme liés à la stricte observance des directives de Sauckel, et dans les usines que j’ai visitées j’ai pu m’assurer que ce qui était demandé dans ces textes était réellement appliqué.
Sauckel s’est-il occupé lui-même de savoir si ces choses étaient bien exécutées ?
Oui ; je me souviens que Sauckel est venu un jour à Vienne, je crois que c’était en 1943 ou 1944, plutôt en 1943. Il s’est adressé à ses fonctionnaires du service de la main-d’œuvre et leur a, à cette occasion, renouvelé verbalement ce qui avait été dit dans ces ordonnances ; il a surtout parlé de l’utilisation des ouvriers étrangers, en demandant un traitement équitable à leur égard. Je me rappelle même qu’à cette occasion, il a parlé de les mettre sur un pied d’égalité avec les ouvriers allemands.
J’ai encore quelques questions à poser au sujet du Corps des dirigeants politiques. Comment ces derniers étaient-ils informés de ce qui se passait ? Est-ce que les Gauleiter avaient des entretiens personnels avec le Führer, en particulier à l’occasion des congrès ?
Non. A la suite des congrès de Gauleiter, le Führer parlait devant un groupe assez important, comme il le faisait dans ses discours. Il n’y avait pas d’entretiens particuliers au vrai sens du terme. Il faisait toujours des discours. Les réunions de Gauleiter auprès de Hitler prirent fin, ou à peu près, à partir du début de la guerre.
Est-ce qu’un Gauleiter pouvait s’adresser à Hitler personnellement et lui demander un entretien ?
Il pouvait le demander, mais il ne l’obtenait pas, il recevait une réponse de Bormann, le plus souvent par télégramme. Moi-même, je m’en suis aperçu maintes fois car j’avais fait des demandes à différentes reprises. On vous demandait de soumettre par écrit les points que l’on désirait traiter. Là-dessus, on recevait une réponse, ou bien pas de réponse du tout.
Témoin, on a présenté ici une lettre ; il s’agit du document D-728, signé ou paraphé par le Gauleiter Sprenger. Vous étiez à l’audience et vous connaissez ce document. Je vais vous poser deux questions à ce sujet : avez-vous eu connaissance d’une liste qui aurait été établie, contenant les noms de ceux qui avaient le cœur malade, qui souffraient des poumons, et qui devaient être éliminés de la population ?
Non, je ne connais rien de semblable.
Vous ne savez pas non plus que vous deviez faire des propositions dans ce sens au Führer ?
Non.
Le document contient, à mon avis, une erreur qui a déjà été signalée ici, à savoir l’usage du terme Herr (monsieur). La lettre est adressée aux « Herren Ortsgruppenleiter » et cette expression est reprise plusieurs fois dans le texte. Je vous demande maintenant si l’expression « Herr » était courante dans le langage du Parti ?
Non, je n’ai jamais vu un document du Parti, à l’exception de celui-ci, où l’on utilisât le mot « Herr ».
Vous êtes, par conséquent, d’avis que cette seule désignation, dans le document, donne à penser qu’il n’est pas authentique ?
Absolument.
Je n’ai pas d’autre question à poser.
Monsieur von Schirach, votre prédécesseur au poste de Gauleiter, était Josef Bürckel. Quelles étaient les relations existant entre Bürckel et Seyss-Inquart ?
Je ne puis que vous rapporter ce que, généralement, on savait dans le Parti à ce sujet, à savoir que ces relations étaient particulièrement mauvaises et nous avions tous l’impression que Bürckel, dès le début, avait fait tout son possible pour évincer Seyss-Inquart.
Quel est celui des deux qui avait effectivement le pouvoir entre ses mains ?
Sans aucun doute, Bürckel.
Quel est, d’après vous et d’après les renseignements que vous avez pu tirer des documents, celui qui était responsable de la persécution des Juifs à Vienne ?
Hitler.
Bien, vous dites Hitler, mais Hitler n’était pas à Vienne. Qui a exécuté ses ordres à Vienne ?
Ces ordres furent exécutés, à mon avis, du temps de Bürckel comme du temps de Seyss-Inquart, par le même homme dont on a déjà parlé ici ce matin et qui a depuis été récemment condamné à mort à Vienne, le Dr Brunner.
Bien. Savez-vous que Seyss-Inquart, à plusieurs reprises, a protesté auprès de Bürckel contre ces mesures sévères et qu’il a eu des discussions avec Bürckel sur ce sujet ?
Je ne peux pas faire de déclarations là-dessus, car je n’en sais rien.
On reproche à mon client d’avoir enlevé des tapis et des gobelins de l’ancien palais impérial de Vienne et d’en avoir fait cadeau à Hitler. Êtes-vous au courant de la chose ?
Je connais le fait suivant : dans la grande collection de gobelins de Vienne, il y avait deux séries représentant les campagnes d’Alexandre. La série de qualité inférieure fut mise à la disposition de la Chancellerie du Reich par le Reichsstatthalter Seyss-Inquart et suspendue dans le vestibule de la Chancellerie.
Il s’agit donc d’un prêt et non d’un cadeau qui aurait représenté une perte pour Vienne ?
Cette collection de gobelins était notée dans le catalogue comme un prêt.
Savez-vous si d’autres gobelins ont été mis à la disposition du Reich par Seyss-Inquart, c’est-à-dire à la disposition d’Adolf Hitler ?
Non, je n’en sais rien.
Mais peut-être savez-vous qui a emporté d’autres gobelins et d’autres tapis ?
Je suppose que vous faites allusion à Bürckel ?
Oui.
Je ne sais pas au juste si Bürckel a pris des gobelins, parce que lorsque j’ai pris mon poste à Vienne j’ai constaté que Bürckel avait retiré du dépôt du mobilier de la Cour une série de meubles et, entre autres, je crois aussi quelques tapis, non pas pour des buts personnels, mais pour une maison viennoise qu’il voulait installer dans le Gau du Saarpfalz, faire en somme un club ou une maison d’accueil pour les camarades du Parti.
C’est pourquoi je me suis adressé aux bureaux compétents de Berlin — je ne sais plus si c’est au ministre des Finances ou au ministère de la Culture, et comme je n’obtenais pas de résultat, je me suis adressé à Hitler lui-même et j’ai fini par obtenir que Bürckel reçut l’ordre de ramener ces objets à Vienne. Je ne peux pas vous dire exactement si ces objets sont effectivement revenus à Vienne. Je sais que l’ordre en a été donné, et je suppose que ces objets sont rentrés à Vienne.
Bien. Vous savez, d’après les déclarations que j’ai faites à votre avocat, que nous autres, Autrichiens, nous détestions Bürckel avec force, pour beaucoup d’excellentes raisons, et que l’on doit dire en toute loyauté que bien des questions se sont améliorées après votre nomination, tant au point de vue ravitaillement qu’au point de vue artistique et scientifique. C’est pourquoi il m’apparaît d’autant plus important de réfuter entièrement la charge la plus lourde qui pèse sur vous. On vous rend responsable, en qualité de commissaire du Reich, de la destruction des monuments les plus précieux de Vienne. Je vous pose la question : le 2 avril, lorsque votre représentant Scharizer et l’ingénieur Blaschke, bourgmestre national-socialiste de Vienne, ont voulu déclarer Vienne ville ouverte à l’approche de l’armée russe, vous êtes-vous opposé à eux et avez-vous donné des ordres de défendre Vienne jusqu’à la dernière limite ? Ou bien qui a donné cet ordre ?
Ce n’est ni Blaschke, ni Scharizer, qui se sont opposés à moi pour que Vienne fût ville ouverte. Il y avait...
Le Tribunal suppose que vous parlez au nom de l’accusé Seyss-Inquart ?
Oui, car je veux faire remarquer qu’il s’agit là d’un crime de guerre, et que d’après la théorie de la conspiration, il se trouve responsable de tout ; il faut donc élucider l’accusation principale qui pèse sur M. von Schirach et trouver qui a vraiment donné cet ordre, cet ordre qui a causé tant de dommages à la ville de Vienne.
Mais vous venez de dire que vous ne posez pas de questions intéressant la défense de Seyss-Inquart, mais celle de von Schirach. Je ne crois pas que la défense de von Schirach doive être prolongée par des questions posées par d’autres avocats, elle a déjà été présentée pendant très longtemps par le Dr Sauter.
Alors, je ne poserai pas cette question. (A l’accusé.) Vous rappelez-vous l’attitude qu’avait prise Seyss-Inquart dans les questions religieuses quand il traitait avec Bürckel ?
Je sais seulement que le Dr Seyss-Inquart, en général, passait pour un homme bien pensant ; qu’il en soit résulté des conflits avec Bürckel, c’est pour moi tout à fait évident. Je ne saurais pourtant donner de détails.
Je vous remercie.
Le Ministère Public désire-t-il poser des questions à l’accusé ?
Nous avons entendu ce matin, de votre part, une déclaration que nous avons interprétée comme une confession, tout au moins sur la question de la persécution des Juifs. Mais si, sur ce point, vous avez peut-être parlé avec courage, vous avez négligé, par oubli vraisemblablement, de dire beaucoup d’autres choses. Je voudrais que vous disiez au Tribunal si, oui ou non, votre responsabilité envers les jeunes gens en Allemagne, sous le régime national-socialiste, n’avait pas seulement pour but d’en faire de bons nationaux-socialistes et de fanatiques partisans politiques ?
J’estimais que mon devoir d’éducateur consistait à élever les jeunes pour qu’ils devinssent de bons citoyens de l’État national-socialiste.
Et des partisans ardents, croyant en Hitler et en sa politique ?
Je crois avoir déjà dit ce matin que j’ai élevé la jeunesse dans l’obéissance à Hitler ; je ne le nie pas.
Très bien, et vous nous avez dit que vous n’aviez pas la responsabilité initiale du système d’éducation. Je suis sûr que vous ne nierez pas que, pour toutes les autres activités des jeunes, c’est vous qui étiez le grand responsable ?
Pour l’éducation hors de l’école, j’en porte la responsabilité.
Et dans les écoles, les seules personnes qui enseignaient à ces jeunes gens, étaient celles qui inspiraient une confiance absolue au point de vue politique, qui étaient d’accord avec les opinions de Hitler, avec les croyances et les enseignements du national-socialisme ?
Le personnel enseignant, dans les écoles allemandes, n’était absolument pas homogène. Une grande partie des maîtres appartenait à une génération qui n’avait pas été élevée d’une manière nationale-socialiste, et qui ne tenait pas au national-socialisme. Les jeunes instituteurs, au contraire, avaient été formés avec les principes nationaux-socialistes.
Mais en tout cas, vous ne dites certes pas que des jeunes gens élevés selon le système scolaire national en Allemagne n’étaient pas constamment sous l’influence de gens sur lesquels on pouvait compter au point de vue politique ; en tout cas, après les toutes premières années de l’administration de Hitler et de ses partisans ?
Voudriez-vous, s’il vous plaît, répéter votre question, je ne l’ai pas tout à fait comprise.
Ce que j’essaie de vous dire, c’est qu’il n’y a pas de doute dans votre esprit ou dans le nôtre que l’enseignement public en Allemagne était surveillé en très grande partie par des gens en qui vous aviez parfaitement confiance au point de vue national-socialiste ?
Non, je ne voudrais pas l’affirmer. La formation pédagogique en Allemagne était sous le contrôle du ministre du Reich Rust qui — c’est un fait — s’occupait très peu de ses devoirs professionnels pour cause de santé.
Dans l’administration de l’enseignement se trouvaient des milliers d’instituteurs assez âgés qui étaient en fonctions bien avant l’époque du national-socialisme, et qui avaient conservé leur poste par la suite.
Je ne me soucie pas de savoir s’ils étaient jeunes ou vieux ou combien de temps ils avaient servi, mais ils avaient tous prêté serment à Hitler, n’est-ce pas ?
C’est exact, puisqu’ils étaient fonctionnaires, ils avaient tous prêté le serment du fonctionnaire.
Rosenberg avait beaucoup d’influence sur les jeunes gens en Allemagne, n’est-ce pas ?
Je ne le crois pas. Je crois que vous vous méprenez sur l’influence de Rosenberg sur la jeunesse et que vous estimez que son rôle a été beaucoup plus important que dans la réalité. Rosenberg, certainement, avait une influence sur beaucoup de gens, il s’occupait de problèmes philosophiques, ce qui n’intéressait que ceux qui étaient en mesure de comprendre ses œuvres. Mais quant à lui prêter, comme vous le faites, une telle influence sur la jeunesse, je vous assure que je le conteste.
Vous avez dit une fois en public que la voie de Rosenberg était la voie de la Jeunesse hitlérienne, n’est-ce pas ?
Je crois que c’était en 1934...
Peu importe la date. L’avez-vous dit oui ou non ?
Je l’ai dit.
Quand ?
A Berlin, lors d’une fête de la jeunesse mais plus tard j’ai conduit la jeunesse dans une voie toute différente.
Oui, nous y viendrons un peu plus tard ; mais à Berlin, à cette occasion, en présence de beaucoup de vos chefs de jeunesse, vous avez fait de votre mieux, en tout cas, pour qu’ils comprennent que la voie de Rosenberg était celle qu’ils devraient suivre.
Mais c’étaient les mêmes chefs qui, plus tard, ont reçu d’autres instructions de ma part.
C’est possible, nous y viendrons plus tard ; mais cette fois-là et à cette occasion, en ce qui vous concernait vous vouliez leur faire comprendre qu’ils devaient suivre les enseignements de Rosenberg, n’est-ce pas ?
Oui, mais cette fois il s’agissait d’un point limité : c’était la question des organisations confessionnelles de la jeunesse. Sur ce point, Rosenberg et moi nous étions d’accord, alors que sur beaucoup d’autres nous avions des opinions différentes. Cette déclaration dont vous parlez se rapporte à cette question.
La voie de Rosenberg n’était pas celle des jeunes gens restant fidèles à leurs obligations religieuses, n’est-ce pas ?
Je ne veux pas dire cela. De Rosenberg, je n’ai aucun...
Que voulez-vous dire ? Vous ne le savez pas ?
Je veux exprimer clairement que jamais je n’ai entendu Rosenberg faire une déclaration tendant à dire que les jeunes ne devaient pas être fidèles à leurs convictions religieuses.
Je ne sais pas s’il l’a jamais dit de cette façon, mais je crois que vous savez parfaitement bien, comme beaucoup d’autres personnes hors d’Allemagne, que pendant toutes ces années, Rosenberg était fortement opposé à toutes les institutions religieuses organisées. Vous n’allez pas nier ce fait, n’est-ce pas ?
Je ne veux pas contester le fond de la chose. Mais je crois pourtant qu’on ne peut pas le formuler ainsi. Rosenberg n’a jamais tenté d’influencer la jeunesse pour qu’elle se retirât des organisations religieuses.
Et vous n’admettez pas que plus tard, ou peut-être même à ce moment-là déjà, d’une façon secrète et indirecte, vous avez joué le jeu de Rosenberg en faisant des réunions de jeunes aux mêmes heures que les cérémonies religieuses ?
Je conteste formellement avoir agi de cette sorte contre l’Église. Dans les années 1933 et 1934, je m’occupais surtout de la question des organisations confessionnelles de jeunesse, je l’ai expliqué hier.
Je le sais, vous les avez désorganisées et elles étaient toutes obligées de faire partie de votre organisation tôt ou tard ; mais je ne parle pas de cela en ce moment. Ce que je voudrais exprimer, et je crois que vous devez être d’accord, c’est que pendant très longtemps vous avez mis les jeunes gens à peu près dans l’impossibilité d’accomplir leurs devoirs religieux, parce que toutes vos réunions de jeunesse, avec la présence obligatoire, avaient lieu aux mêmes heures que les services religieux.
Non, ce n’est pas exact.
Vous dites que non ? Les évêques catholiques n’ont-ils pas soulevé publiquement des objections contre ces mesures et ne le savez-vous pas aussi bien que moi ?
Je ne peux pas me le rappeler.
Vous ne vous souvenez pas de l’objection des ecclésiastiques catholiques disant que vous aviez fixé l’heure de vos réunions de jeunes gens le dimanche matin, à l’heure des services religieux ?
Au cours des années, ainsi que je l’ai déjà dit hier, beaucoup de prêtres se sont adressés à moi, soit personnellement, soit officiellement, pour se plaindre qu’ils se trouvaient gênés dans leur ministère par l’organisation des jeunes et par les formes diverses qu’elle prenait. C’est pourquoi j’ai formulé et adopté les règlements qui sont exprimés dans les documents que mon avocat a remis hier au Tribunal.
Je ne crois pas que ceci puisse tenir lieu de réponse. Je vais peut-être rafraîchir un peu vos souvenirs en vous rappelant que vos organisations prévoyaient que ces jeunes gens qui allaient à l’église le dimanche ne pouvaient y aller en uniforme. C’était intentionnel, parce qu’ils n’avaient pas le temps de sortir de l’église, de rentrer chez eux et de se changer pour aller ensuite aux réunions de jeunesse.
Mais dans beaucoup de paroisses il était défendu par l’Église elle-même aux jeunes, de pénétrer dans l’église en uniforme.
Je ne vais pas discuter de cette question avec vous ; vous m’avez répondu que vous ne vous rappeliez pas les fréquentes et vigoureuses critiques des hommes d’Église au sujet de l’horaire du dimanche matin. Nous en resterons là.
Ce n’est certainement pas ce que je veux dire. Il y eut des périodes de tension très grande, de grandes divergences, comme il y en a eu aussi dans l’organisation de jeunesse. Mais, plus tard, toutes ces questions ont été résolues et mises en ordre de manière satisfaisante.
J’ai compris que vous aviez dit également que, quelle qu’eût été votre influence sur les jeunes d’Allemagne pendant les années où vous les avez dirigés, vous ne les avez certes pas préparés au point de vue militaire, en tout cas pas dans le sens où on l’entend généralement.
C’est exact.
Très bien, nous allons voir cela. Comment s’appelait votre attaché de presse, ou conseiller personnel, si vous préférez le terme ?
Le spécialiste de la presse qui est resté le plus longtemps auprès de moi est un M. Kaufmann.
Et vous lui avez demandé... En fait, vous avez un questionnaire de lui qui sera soumis au Tribunal. Vous le savez, n’est-ce pas ?
Je sais que mon avocat a fait la demande, mais je ne connais pas les réponses qu’a données Kaufmann.
Mais vous connaissez les questions qui lui ont été posées, n’est-ce pas ?
Je ne les ai pas en mémoire.
Si je vous en rappelle une ou deux peut-être vous reviendront-elles en mémoire ? Vous lui avez demandé s’il n’était pas votre attaché de presse et s’il était vrai que vous lui ayez donné personnellement des directives sur ce que vous vouliez voir paraître dans les journaux et surtout dans l’es journaux de jeunes. Vous souvenez-vous de ces questions ?
(Pas de réponse.)
Mais vous ne connaissez pas les réponses, est-ce cela ?
(Pas de réponse).
Savez-vous qu’il a publié dans la publication officielle SS, en septembre 1942, un article sur les jeunes et la jeunesse allemande ?
Je ne me rappelle pas cet article.
Vous feriez peut-être aussi bien de le regarder. C’est le document PS-3930 qui est déposé sous le numéro USA-853.
Quel numéro avez-vous dit ?
USA-853, Monsieur le Président. (A l’accusé.) Ce document que je vous fais voir est un message envoyé par télétype au Reichsstatthalter à Vienne. Ainsi qu’il ressort d’une indication en haut, c’est vous qui l’avez reçu le 10 septembre 1942 et il contient une copie du thème d’un article pour la rédaction du Schwarzes Korps, la revue SS, comme vous vous en souvenez. Vous verrez en le lisant, tout au début, qu’un officier supérieur qui était rentré à Berlin, venant de Sébastopol, avait déclaré que les jeunes qu’il avait vus environ quatre ans auparavant en culotte courte, défilant dans les rues des villes allemandes, au son des paroles : « Oui, le drapeau est au-dessus de la mort », sont les mêmes qui, à l’âge de dix-neuf ans, avaient pris la ville de Sébastopol. L’article poursuit qu’ils avaient accompli ce qu’ils avaient promis en chantant et que le mouvement national-socialiste avait créé une génération imbue de foi et d’héroïsme et ainsi de suite. Et le reste de l’article expose qu’il y avait des gens qui faisaient opposition à votre programme, alors que vous étiez en train de former ces jeunes gens. En somme, vous revendiquiez le mérite d’avoir été pour quelque chose dans la formation de ces braves combattants de dix-neuf ans, vainqueurs de Sébastopol, n’est-ce pas ? Je répète que dans cet article, vous renvendiquiez le mérite d’avoir aidé à produire ce type de jeunes gens de dix-neuf ans.
Je n’ai pas eu la moindre connaissance de cet article jusqu’à présent.
Vous le connaissez maintenant. Vous pouvez certes en parler.
C’est précisément ce que je vais faire. M. Kaufmann, qui alors venait de rentrer du front de l’Est et sous l’impression de ce qu’il avait vécu là-bas, a écrit cet article qu’il m’est impossible de lire entièrement.
Il n’est pas très long. Je vous en ai lu les extraits les plus importants qui vous concernent.
Je ne crois pas qu’il figure dans une seule phrase de cet article que la jeunesse ait été formée au point de vue militaire.
Oui, je sais. Je vous demande simplement si ce n’est pas exact que vous disiez, dans cet article, avoir eu une part importante dans le fait que ces jeunes gens de dix-neuf ans s’étaient vraiment bien battus en Russie ? C’est tout ce que je vous demande.
Je vous ai déjà dit que j’élevais les jeunes gens pour en faire de bons citoyens et que j’essayais d’en faire des patriotes qui devaient aussi faire leur devoir sur le champ de bataille plus tard.
Bien.
Et qui feraient aussi leur devoir sur le champ de bataille.
Votre réponse est donc « oui », vous vouliez qu’une part de mérite vous revînt, parce qu’ils étaient d’aussi bons combattants. Cette question ne contient pas de piège. Elle est préliminaire, mais je crois que vous pourriez y répondre par « oui ». En outre, « le drapeau est au-dessus de la mort », est un chant que vous avez composé vous-même ?
La chanson du drapeau de la jeunesse que j’ai écrite a pour refrain : « Le drapeau est plus que la mort », c’est exact.
Vous avez aussi publié dans un recueil, différents chants pour les jeunes gens, dans les années de préparation à la guerre.
Il y a eu beaucoup de livres de chants de la jeunesse, je ne les connais pas tous...
Moi non plus. Je vous demande s’il n’est pas exact que vous avez publié des recueils de chants pour les jeunes gens ?
Le service culturel de la Direction de la jeunesse aussi bien que le service de la presse ont publié ces livres. Bien entendu, je ne connais pas chaque chant et je n’ai pas lu ce qui était dans ces livres. Je crois qu’en général on ne publiait que des chansons qui étaient chantées par la jeunesse.
Entendu. Nous avons des extraits d’un de vos livres de chants. Il n’y eh a qu’un que je veux vous rappeler. Vous souvenez-vous de la chanson : « En avant, en avant... » C’est vous qui l’avez écrite, d’ailleurs ? Encore une que vous avez écrite ? Vous en souvenez-vous ?
« En avant, en avant... », c’est la chanson de ralliement de la jeunesse.
C’est vous qui l’avez écrite ?
Oui.
En bien, elle contient des mots et des phrases bien choisies pour encourager les jeunes gens en faveur de leur devoir militaire ?
La chanson du « Drapeau de la jeunesse », je ne trouve pas.
Des paroles comme celles-ci : « Nous sommes les soldats de l’avenir et tout ce qui est contre nous tombera devant nos poings... Führer, nous t’appartenons... » etc. Vous souvenez-vous de ces paroles ?
Je n’ai pas dit : « Nous sommes les soldats à venir » ainsi que je viens de l’entendre dans la traduction anglaise, mais : « Nous sommes les soldats de l’avenir ».
Très bien.
Les soldats de l’avenir, les porteurs d’un avenir.
Bien mais c’est encore là une chanson que vous avez écrite, n’est-ce pas ?
C’est un chant révolutionnaire remontant à l’époque des luttes. Il ne se rapporte pas à une guerre, par exemple entre l’Allemagne et d’autres puissances, mais au combat que nous avons eu à engager à l’intérieur du pays pour accomplir notre révolution.
Très bien. Nous allons voir cela. Vous rappelez-vous ce chant intitulé : « Voyez-vous l’aube à l’Est » ? Vous le rappelez-vous ?
Il n’est pas de moi.
C’est un des chants du livre de chants de la Jeunesse hitlérienne, n’est-ce pas ?
C’est une vieille chanson des SA, des années 1923-1924.
Cela se peut ; je vous demande si elle était comprise dans vos livres officiels de chansons pour la jeunesse ?
Oui.
C’est dans cette chanson que vous dites du mal des Juifs, n’est-ce pas ?
Je ne me le rappelle plus. Il faudrait que je la revoie.
Je pourrais vous la mettre sous les yeux, mais si vous vous en souvenez, cela gagnera un peu de temps. La seconde strophe dit : « Pendant bien des armées, le peuple a été asservi et mal guidé, les traîtres et les Juifs avaient le dessus ». Vous en souvenez-vous ? Vous souvenez-vous des paroles ? « Peuple, aux armes » se trouve un peu plus loin.
Oui. Je ne sais pas du tout si cela faisait partie d’un livre de chansons pour la jeunesse.
Je peux vous assurer que oui, mais si vous voulez le voir, on peut vous le montrer.
C’est une chanson très connue des SA que chantait la jeunesse, et qui, en conséquence, figurait dans son livre de chants.
Bien. C’est tout ce que je voulais savoir. Je ne me soucie pas de son origine, mais c’est le genre de chansons qui figurait dans votre livre pour la jeunesse.
Je voudrais encore faire remarquer que le livre de chansons que j’ai sous les yeux est une édition de 1933.
Oui.
Je ne crois pas que les organisations de jeunesse que j’ai créées puissent être jugées seulement d’après l’année 1933.
Je ne suggère pas cela non plus, mais nous l’avons trouvé, nous, en 1945.
Plus tard, nous avons édité de nouveaux livres avec des textes tout différents.
Oui, oui, nous allons y arriver dans un instant. Ce livre est le document PS-3764 déposé sous le numéro USA-854. On vient de me faire remarquer que la quatrième strophe contient les mots « Mort aux Juifs. Allemagne réveille-toi. Peuple, aux armes ! »
Un instant. Où est ce couplet ?
Dans le texte anglais, quatrième strophe. On me signale qu’il est à la page 19 du texte allemand. Vous l’avez trouvé ?
Non.
C’est peut-être que je me suis trompé. Nous allons vous le trouver, mais vous devez vous rappeler cette chanson. Vous ne niez pas qu’il s’y trouve : « Mort aux Juifs, etc. »
C’est bien la chanson qui commence par les paroles : « Regardez l’aube à l’Est » ?
En effet.
Oui.
C’est tout ce que je voulais savoir.
Cette chanson n’est pas contenue dans ce recueil. (On présente un livre au témoin.)
Nous avons un certain nombre de vos recueils ici.
Oui, mais il y a une grande différence entre eux. Le livre où ne se trouve pas la chanson en question est une édition officielle de la Direction de la jeunesse du Reich. Elle se trouve toutefois dans un autre livre édité par la maison Tonner à Cologne et qui s’appelle : « Chansons de la Jeunesse hitlérienne ». Ce n’est pas du tout un livre officiel des chansons de la jeunesse. Évidemment, tout éditeur peut publier cela en Allemagne.
Entendu, j’accepte cette réponse, mais vous n’allez pas nier que le livre était utilisé ? Et c’est tout ce que nous essayons de prouver.
Je ne sais pas du tout si ce livre était utilisé par la Jeunesse hitlérienne.
Oui, mais savez-vous que le livre qui contient ce chant était édité par vous ?
(Pas de réponse.)
En tout cas, j’aimerais vous faire remarquer que je ne prétends pas et que je n’essaie pas non plus de vous suggérer par des questions que l’un quelconque de ces chants en soi, préparait les jeunes gens d’Allemagne à la guerre. Mais ce que j’essaye plutôt de montrer, c’est que, contrairement au témoignage que vous avez fourni ici hier, vous faisiez plus que de donner des jeux à la jeunesse.
Ce que j’ai dit hier n’implique certes pas que nous ne faisions que fournir des jeux à la jeunesse. Pour une chanson comme celle-là, il y en a des quantités d’autres.
Oui, je le sais, mais c’est de celle-là que nous nous occupons pour le moment. Vous rappelez-vous celle-ci : « Déployez les bannières trempées dans le sang » ? et « Les tambours résonnent à travers le pays » ?
Ce sont tous des chants des « éclaireurs » et de la Ligue de jeunesse, ce sont des chants du temps de la république, qui n’ont rien à voir avec notre époque.
Un instant.
Ce sont des chants qui n’ont rien à voir avec notre époque.
Croyez-vous que du temps de la république on chantait des chansons de marche de la Jeunesse hitlérienne ?
De quel chant s’agit-il ? Je ne le connais pas.
C’est celui qui s’intitule : « Les tambours résonnent à travers le pays ». Ne vous souvenez-vous vraiment d’aucun de ces chants ?
Naturellement, j’en connais toute une série. Mais les plus importants, la majorité d’entre eux provient du vieux « Zupfgeigenhansel » du mouvement éclaireur et de la Ligue de jeunesse. Bien entendu, les SA les chantaient également.
Oui, je n’en doute pas, mais quelle que soit leur origine, vous les utilisiez, et cette chanson des tambours qui se font entendre d’un bout à l’autre du pays, a été écrite par vous, n’est-ce pas ?
« Les tambours résonnent à travers le pays » ? Oui, je crois avoir écrit une chanson semblable.
Ses origines ne sont pas très reculées, n’est-ce pas ?
C’était longtemps avant la prise du pouvoir.
Vous vous rappelez peut-être aussi que le maréchal von Blomberg a écrit une fois un article pour l’almanach hitlérien. Vous en souvenez-vous ?
Non.
Il n’y a pas si longtemps ; c’était en 1938. Je suppose que vous lisiez chaque année l’almanach de votre organisation ?
On peut l’admettre, mais je ne me rappelle vraiment pas ce que le maréchal von Blomberg a écrit.
Bien. J’aimerais que vous regardiez le document PS-3755. Je crois qu’il est à la page 134 de votre texte, témoin. Pages 148 à 150, vous trouverez un article intitulé : « La formation guerrière de la jeunesse allemande », ou plutôt l’ouvrage : « Formation guerrière de la jeunesse allemande » du Dr Stellrecht, contient un slogan du Generalfeldmarschall von Blomberg, dans lequel le passage suivant est cité.
Et il donne alors la citation. Trouvez-vous le passage ? « L’esprit combattif est la plus grande vertu du soldat », et ainsi de suite. Avez-vous trouvé cette citation de Blomberg ? C’est ce que je veux savoir.
Oui.
L’article de Stellrecht figure ensuite après la citation.
Oui.
Plusieurs lignes plus loin, vous allez voir cette phrase : « C’est donc une exigence sévère et irrémédiable que formulait le Generalfeldmarschall à l’égard des jeunes gens défilant. dans les formations de la Jeunesse hitlérienne », et ainsi de suite.
A cette époque au moins, vers 1938, Monsieur le témoin, vous pensiez, comme le Generalfeldmarschall von Blomberg, au futur service militaire à donner à la Jeunesse hitlérienne. C’est cela que je veux faire ressortir.
Nous avions un État avec service militaire obligatoire.
Je sais.
Et il va sans dire qu’en qualité d’éducateurs, nous avions également songé à former les jeunes pour les amener au meilleur degré d’endurance physique qui leur permettrait aussi de devenir de bons soldats.
Vous ne faisiez rien de plus que cela ? Est-ce cela que vous voulez faire ressortir au Tribunal ?
J’ai décrit hier ce que nous avons encore fait dans le domaine des exercices de tir, des sports en pleine campagne, de la formation d’unités spéciales.
C’est le document USA-856, Monsieur le Président. (A l’accusé.) Oui, je sais que vous nous avez dit hier que quel qu’ait pu être cet entraînement, il n’était en aucune façon militaire. Ce Stellrecht était en relations avec vous, n’est-ce pas ?
Le docteur Stellrecht dirigeait le service de formation physique de la Jeunesse hitlérienne sous les ordres du directeur des sports du Reich, von Tschammer-Osten. C’était l’un des vingt et un postes de la Direction de la jeunesse.
Il était en relation avec vous ?
Parfaitement.
Vous avez également utilisé un texte de lui pour votre défense ; il se trouve dans votre livre de documents ; vous êtes au courant ?
Le Dr Stellrecht a fait une déclaration dans laquelle il parle de l’éducation guerrière et de l’éducation physique de la jeunesse et où il dit qu’aucun jeune en Allemagne n’est entraîné à manier une arme à feu.
Je le sais. Je voudrais que vous regardiez une autre de ses déclarations, faite à un autre moment. C’est le document PS-1992. Nous l’avons déposé sous le numéro USA-439. Vous vous souvenez de son discours adressé aux militaires en 1937, quand il faisait partie de votre organisation de jeunesse ? Vous savez de quel discours je parle ?
Je n’étais pas présent lors de ce discours et je ne me sens pas lié par chaque déclaration qu’il a pu formuler.
Oui, c’est ce que vous dites, mais peut-être d’autres pensent-ils différemment de vous à ce sujet. En tout cas, je vous demande si oui ou non vous avez eu connaissance du discours, si vous le connaissez. Voulez-vous nous dire si vous le connaissez avant de le regarder. Vous savez de quel discours il s’agit, n’est-ce pas ?
Je ne puis pas me rappeler si j’ai été avisé qu’il avait parlé d’une formation nationale et politique pour la Wehrmacht, mais il est possible que j’en aie été informé. Le discours lui-même...
Mais il me semble que vous êtes très désireux d’en nier la responsabilité avant de savoir ce que Stellrecht a dit.
Ce n’est pas là ce que je voulais dire. Entre le Dr Stellrecht et moi éclatèrent des divergences provenant d’une certaine tendance qu’il avait en matière d’éducation militaire ; à mon sens, il faisait trop prédominer son service sur les autres services de la Direction de la jeunesse. Ces différences amenèrent finalement son départ de la Direction de la jeunesse du Reich.
En tout cas, il était membre de votre personnel lorsqu’il a fait ce discours, et je vous demanderai maintenant de regarder à la page 3 du document anglais, page 169 du texte que vous avez entre les mains. Voici ce paragraphe :
« En ce qui concerne l’instruction militaire proprement dite, ce travail a été effectué pendant des années de collaboration et sur une très grande échelle. Le résultat se trouve exposé dans un livre que j’ai écrit qui réglemente l’instruction militaire à venir jusqu’au plus petit détail et qui, avec notre accord réciproque, contient un avant-propos et une préface du ministre de la guerre du Reich et du chef de la jeunesse du Reich ».
Voici le paragraphe suivant :
« L’idée fondamentale de ce travail est de mettre toujours entre les mains du jeune garçon, en raison de son développement, ce qui convient à ce stade. Et je désire vous amener à la phrase suivante : C’est pour cette raison qu’on ne donne aucune arme à feu à un garçon pour la bonne raison que cela ne serait d’aucune utilité pour son développement. Mais, d’autre part, il semble raisonnable de lui procurer des fusils de petit calibre pour l’instruction. De même qu’il y a dans le service militaire des exercices ne pouvant être accomplis que par des adultes, de même il existe certains exercices qui sont bien mieux accomplis par de jeunes garçons ».
Ensuite, passant plus loin dans le texte anglais, à l’avant-dernier paragraphe, page 170 de votre texte, vous trouverez que le Dr Stellrecht dit : « Ce tableau vous montre le but d’un vaste système éducatif qui commence par la formation d’un enfant par les jeux sur le terrain et qui se termine par son instruction militaire dans la force armée ».
Ensuite, à la cinquième page du texte anglais, je pense que c’est la page 171 de votre texte, l’avant-dernier paragraphe qui traite d’excursions à pied, dit que « ... l’excursion a un but plus large ; c’est la seule façon pour l’enfant d’apprendre à connaître sa patrie, celle pour laquelle il aura à combattre un jour ».
Poursuivant la lecture de cet article, je veux attirer votre attention à la page 6 du texte anglais et aux pages 174 et 175 de votre texte. On y trouve : « Toute instruction, par conséquent, trouve son achèvement dans l’art du tir. On ne saurait y accorder trop d’importance, et comme le tir est une question d’entraînement, on ne peut commencer trop tôt. Nous voulons arriver, avec le temps, à ce que les garçons allemands aient la main aussi sûre avec le fusil qu’avec le porte-plume ».
Passons à la page suivante, page 7 du texte anglais, page 176 de votre texte. Votre Dr Stellrecht parle encore de l’enseignement du tir qui « répond au vœu du garçon », et il continue : « De pair avec l’instruction générale, il y a l’instruction spéciale pour les recrues de l’Aviation, de la Marine et des groupes motorisés ». Ce cours a été établi en accord avec les autorités compétentes des Forces armées, sur une base aussi large que possible et, à la campagne, il existe des cours d’équitation pour la cavalerie ». Probablement à la page suivante de votre texte, mais à l’avant-dernier paragraphe dans le texte anglais, je voudrais souligner la phrase : « L’instruction militaire et l’instruction idéologique vont indissolublement de pair ». Le texte anglais parle d’instruction « philosophique », mais je pense que c’est une erreur de traduction et qu’en allemand c’est effectivement « idéologique ».
La seconde phrase dit, dans le paragraphe suivant : « L’éducation de la jeunesse doit faire en sorte que les connaissances et les principes selon lesquels l’État et les Forces armées de notre époque ont été organisés et établis, pénétrent si profondément les pensées de chaque individu qu’ils ne puissent jamais plus s’en trouver déracinés et qu’ils demeurent les principes directeurs de toute la vie ».
Veuillez regarder le dernier paragraphe de ce discours, car hier, si je ne m’abuse, vous avez employé le terme « jeux » ainsi que le Dr Stellrecht, un peu plus haut, dans son discours, où il disait aux jeunes soldats : « Messieurs, vous pouvez voir par vous-mêmes que l’éducation actuelle de la jeunesse allemande a bien dépassé le stade des jeux ». Êtes-vous certain maintenant que vous n’aviez pas de programme d’instruction militaire dans votre organisation de jeunesse ?
Je suppose d’après ce document qu’il me faudrait lire en entier pour vous répondre correctement, que le Dr Stellrecht s’est pris très au sérieux — je m’exprime avec beaucoup de modération. L’importance du Dr Stellrecht dans la formation des jeunes et celle de ses fonctions dans l’organisation de la jeunesse n’étaient pas du tout aussi considérables que ce qui ressort de ce cours de formation des soldats. J’ai déjà dit précédemment qu’entre lui et moi ont éclaté des divergences provenant avant tout de ses exagérations, surtout parce qu’il voulait faire prédominer l’enseignement du tir et de la formation militaire ; ces différences amenèrent finalement son éloignement, son départ de la Direction de la jeunesse du Reich. Il n’était qu’un des nombreux hefs de service et l’importance de son activité n’était pas aussi grande en réalité qu’il l’a décrite ici dans sa déclaration.
Je crois avoir déjà exposé hier toutes les obligations qui incombaient à la Direction de la jeunesse. J’ai aussi été en mesure de vous expliquer la proportion de la formation prémilitaire ou formation militaire, comme l’appelle M. Stellrecht, au regard des autres formations. Mais ce document établit aussi clairement, qu’on ne voulait en rien anticiper sur la formation militaire, ce que j’ai dit hier. Lorsqu’il dit que chaque jeune Allemand doit savoir manier une arme aussi bien que son porte-plume, c’est là une manière de s’exprimer avec laquelle je ne suis pas d’accord.
Évidemment, vous avez de lui l’opinion que vous voulez, mais je pense que nous avons bien fait de l’élucider puisque c’est vous qui avez déposé devant le Tribunal une déclaration de Stellrecht dans votre livre de documents. Vous le savez, bien entendu ? Vous voudriez, bien entendu, nous faire comprendre qu’on peut se fier à Stellrecht quand vous le citez, mais que lorsque nous le citons, on ne peut plus se fier à lui ?
Non, je ne dis pas cela du tout. C’est un spécialiste du tir et des sports en plein air, mais il a voulu décrire sa spécialité, chose bien humaine, comme la tâche la plus importante de la jeunesse. Un autre chef de service aurait considéré comme la plus importante la question de la culture intellectuelle, ou la question professionnelle. En tout cas, pour l’éducation de la jeunesse allemande, le plus important n’était pas ce qu’il a dit devant un auditoire de soldats mais ce que j’ai dit, moi, aux chefs de la jeunesse.
Je veux simplement vous rappeler qu’un an après ce discours, vous avez écrit une préface pour son livre, n’est-ce pas ?
Je crois que cette préface a été écrite pour le livre intitulé Jeunesse hitlérienne en service ».
Je dis que c’était un an après qu’il eût écrit ce discours qui fut publié en Allemagne. Non seulement il a fait le discours, mais encore ce dernier a été distribué sous forme de brochure, n’est-ce pas ?
Je ne me le rappelle pas exactement.
Si vous regardez le document que j’ai ici, vous le verrez. En tout cas, passons. Vous avez dit au Tribunal que la déclaration du Völkischer Beobachter, attribuée à Hitler, le 21 février 1938, vous semblait quelque chose de mystérieux ; vous ne saviez pas d’où il tirait ses chiffres. M’avez-vous compris, Monsieur le témoin ?
Oui.
Savez-vous à quelle citation de Hitler, dans le Völkischer Beobachter, je me suis référé au cours de votre interrogatoire d’hier ?
Oui.
En quoi ces chiffres sont-ils faux ?
Je pense que ces chiffres étaient exagérés, et je crois que dans le texte que j’ai, qui est un texte traduit, il y a des erreurs. Vraisemblablement, Hitler aura reçu ces chiffres par le service du Dr Stellrecht. Quant à la question des troupes blindées, les déclarations à ce sujet ont probablement été ajoutées par lui, car la conclusion que des milliers ou des dizaines de milliers de garçons pouvaient obtenir des permis de conduire est vraiment erronée, de même qu’il est erroné de conclure que si ces dizaines de milliers de garçons pouvaient avoir des permis, ils étaient entraînés en vue de leur incorporation dans l’arme blindée.
Voyez-vous, nous ne l’avons pas dit. C’est votre Führer qui l’a dit au mois de février 1938, et ce que je vous demande, c’est de parcourir le texte et de dire au Tribunal où il y a une erreur et jusqu’à quel point. Hitler, lui, selon la presse, dit que votre Jeunesse hitlérienne de la Marine comprenait 45.000 garçons. Ce chiffre est-il exact ou tout à fait exagéré ?
Non, c’est exact.
C’est exact ?
C’est exact.
Il dit ensuite qu’il y avait 60.000 jeunes gens de la Jeunesse hitlérienne dans les unités motorisées.
C’est exact.
Il dit que, comme faisant partie de la campagne pour encourager l’Aviation, il y avait 55.000 jeunes du Jungvolk qui faisaient du vol à voile ; qu’en dites-vous ?
Vol à voile et construction de modèles... Puis-je avoir encore ce chiffre ? Environ 50.000 jeunes dans l’Aviation ?
55.000.
55.000, oui, c’est exact.
C’est exact ? Ensuite il dit que 74.000 membres de la Jeunesse hitlérienne étaient organisés dans des unités volantes ; qu’en dites-vous ?
Vous dites unités volantes. Ce sont les unités d’aviateurs, des groupes de Jeunesses hitlériennes qui, je le répète, s’occupaient seulement de vol à voile et de construction de modèles. Il est possible que le chiffre ait été aussi élevé à ce moment-là.
Ce chiffre est-il exact ? 74.000 ?
C’est possible.
Et, en dernier, il dit que 15.000 garçons ont passé leur brevet de vol à voile en 1937, Est-ce exagéré comme chiffre ou inférieur à la vérité ?
C’est sans doute exact.
Et bien, jusqu’ici vous n’êtes pas en désaccord avec Hitler ?
Non.
Il dit enfin : « Aujourd’hui, 1.200.000 membres de la Jeunesse hitlérienne reçoivent une instruction complémentaire dont 7.000 au tir aux armes de calibre réduit ». Ce chiffre est-il exact ?
C’est peut-être exact. Je n’ai naturellement pas de preuves documentaires établissant que nous avions 7.000 jeunes gens qui recevaient un entraînement au tir de petit calibre. J’ai déjà parlé de cette question hier. Il est avéré que nous pratiquions cette instruction.
De fait, vous n’avez contesté aucun de ces chiffres. Autant que vous le sachiez, ils sont exacts.
Mon objection se rapportait à une déclaration que j’ai en mémoire et qui a trait au discours dans lequel on parlait de forces blindées.
Nous ne possédons pas cette déclaration mais, si vous l’aviez, nous serions heureux d’en parler. Mais je parle du texte du discours du Völkischer Beobachter qui a été déposé par le Ministère Public au moment où l’on préparait les charges vous concernant ; on n’y mentionne pas les chars.
Je pense que c’est le résultat d’une traduction incorrecte du document de l’anglais en allemand.
En tout cas, nous sommes d’accord pour dire que Hitler ne se trompait pas de beaucoup dans ses chiffres lorsqu’il fit son discours.
Non, les chiffres qui viennent d’être donnés, je les considère comme exacts.
Très bien. Dans l’almanach de la Jeunesse hitlérienne pour 1939, Stellrecht, votre subordonné qui s’occupait de formation militaire, utilise cette même expression, vous souvenez-vous : « Chacun doit savoir manier aussi naturellement un fusil qu’un porte-plume » ?
.1939 ?
Oui monsieur.
Pourrais-je avoir le mois ?
C’est dans l’almanach de la Jeunesse hitlérienne, année 1939, à la page 227. Si vous voulez le voir, je serais heureux de vous le montrer.
Non, merci, je n’ai pas besoin de le voir. S’il en a déjà parlé précédemment, il est possible qu’il le répète.
Oui, vous voyez, l’importance de cette répétition à nos yeux c’est qu’elle a lieu deux ans après le discours, une année après que vous ayez eu écrit la préface de son livre et quelque temps après que vous ayez eu découvert qu’il n’était pas sûr.
Non, je n’ai pas dit cela. Au contraire, c’était un homme de confiance, mais il y avait des divergences de vues entre nous parce que je n’étais pas d’accord avec lui sur le point de trop développer l’éducation prémilitaire. Dans le fait d’apprendre à tirer, je ne voyais qu’une partie de notre formation et pas la principale lui la plaçait trop au premier plan.
Très bien, mais vous l’avez laissé écrire dans l’almanach et, deux ans après ce discours, il fit à nouveau une déclaration semblable à l’usage des jeunes, leur disant qu’ils devaient manier un fusil aussi aisément qu’un porte-plume. Avez-vous formulé des objections au moment de la mise sous presse du livre ? Il me semble que vous devez l’avoir fait ?
Je n’ai pas lu ce livre avant qu’il ne paraisse.
Vous ne l’avez pas lu avant la correction des épreuves ?
Et d’ailleurs, je n’ai pas soulevé d’objections.
Avez-vous élevé des objections lorsque vous avez lu, dans le mème livre et sur la même page, que la Wehrmacht avait offert à la Jeunesse hitlérienne 10.000 fusils de petit calibre en 1937 ?
Non, j’ai accueilli avec joie ce cadeau de la Wehrmacht. Comme, en tout cas, nous faisions du tir de petit calibre, j’étais reconnaissant pour chaque fusil reçu ; nous en avions en effet toujours trop peu pour cet entraînement.
Avez-vous été désolé d’apprendre, en Usant ce même almanach, qu’on ne manquait pas de champs de tir ? « Du fait que depuis l’automne de 1936 on a organisé l’entraînement au tir, 10.000 instructeurs ont obtenu leur brevet par des cours de fin de semaine ou des cours spéciaux et ce chiffre s’accroît chaque année e quelques milliers ». Vous rappelez-vous ce passage de votre almanach 1939 ?
Je ne me le rappelle pas. Je dis que c’est possible et je pense que vous le présentez avec exactitude. Je ne veux pas le discuter. Je sais que la Suisse enseignait le tir de manière bien plus intensive que nous ; bien d’autres pays aussi.
Oui, je le sais. J’espère que vous ne vous comparez pas à la Suisse, pourtant ?
Non.
Ce document PS-3769, Monsieur le Président, a été déposé sous le numéro USA-857.
Maintenant, nous avons entendu parler de cet accord entre l’accusé Keitel et vous, en 1939, peu de temps avant le commencement de la guerre contre la Pologne ; c’était au mois d’août 1939. Il a été déjà déposé, Monsieur le Président, sous le numéro USA-677. C’était le 8 août, n’est-ce pas, ou plutôt le 11, excusez-moi.
Je ne sais pas exactement, mais le fait que cet accord fut conclu en août 1939 est suffisant pour montrer qu’il n’avait pas et ne pouvait pas avoir aucun rapport avec la guerre.
Vous dites que cela n’avait rien à voir avec la guerre, trois semaines avant l’attaque de la Pologne ?
Pour que cet accord eût pu avoir un sens quelconque en rapport avec la guerre, il eût dû avoir lieu bien plus tôt qu’en août 1939. Le fait qu’il n’a été établi pour la première fois qu’en août 1939 montre que nous ne pensions pas à la guerre. S’il nous était venu à l’idée de former des jeunes gens pour la guerre, alors nous aurions, dès 1936 ou 1937, conclu l’accord en question.
Mais en tout cas, êtes-vous d’accord avec ceci : cet accord entre Keitel et vous était certainement en rapport avec votre entraînement au tir et en rapport avec l’Armée ?
L’accord portait, autant que je m’en souvienne, sur des terrains d’entraînement pour sports en plein air.
Je vais vous le montrer et vous en lire des extraits, si vous l’avez oublié au point de ne plus vous souvenir qu’il se rapportait à votre entraînement au tir.
Je crois qu’il établit — et jusqu’à un certain point avec le tir — que des sports en plein air auront à l’avenir la même importance attribuée jusqu’alors au tir. Je ne sais pas si je cite cela exactement de mémoire.
Je vais vous dire ce qu’il contient et vous le faire voir dans quelques instants. Il déclare que vous aviez déjà 30.000 chefs des Jeunesses hitlériennes faisant du service en campagne. Voici la phrase entière : « Dans les écoles de dirigeants de la Jeunesse hitlérienne, surtout dans les deux écoles de tir du Reich, sur les terrains de sports et dans les écoles de districts, 30.000 chefs de la Jeunesse hitlérienne sont en cours d’instruction pour le service en campagne ». Cet accord vous donnait la possibilité de doubler environ ce chiffre.
Oui.
Ensuite, le document décrit comment ces personnes seront logées, et ainsi de suite. Ceci a sûrement quelque chose à voir avec votre programme d’instruction du tir, n’est-ce pas ?
Je l’ai expliqué avant même de l’avoir vu.
Oui, je vous avais mal compris. J’avais compris que vous disiez qu’il n’y avait pas de rapport.
Non, non, je l’ai expliqué. J’ai dit que les exercices en plein air devraient avoir la même importance dans le programme que l’entraînement du tir ; mais là non plus il ne s’agit pas de formation de chefs de la jeunesse pour en faire des officiers. Il ne s’agissait pas d’une formation militaire mais simplement d’entraînement aux sports en plein air pour les chefs de jeunesse ; ces cours duraient peut-être trois semaines, pas plus, je ne sais plus au juste, et après on les renvoyait à leurs unités. On ne peut pas, en si peu de temps, former un jeune homme de 16 ans pour en faire un soldat. Ce n’était pas là le but de cet accord.
Vous ne nous demandez tout de même pas de croire que Keitel et vous aviez conclu en août 1939 un accord sur des terrains de sport ? Vous n’êtes pas sérieux ?
Je suis parfaitement sérieux lorsque je dis que je ne savais rien d’une guerre, de la guerre qui allait venir ; je vous l’ai dit hier.
Bien. Mais vous...
Je ne crois pas non plus que le Feldmarschall Keitel ait conclu cet accord ; je pense que c’est un de ses collaborateurs qui a dû le rédiger avec le Dr Stellrecht. Si cela avait eu une signification quelconque pour la guerre, il est certain qu’on ne l’aurait certainement pas publié dans un journal officiel au mois d’août 1939.
Maintenant, écoutez-moi. Regardez le premier paragraphe et lisez ce qu’il dit sur le but de cet accord ; ceci pourra terminer la discussion : « Entre le Haut Commandement de la ehrmacht et la Direction de la jeunesse du Reich a été conclu un accord qui établit une étroite collaboration entre le chef du Haut Commandement de la Wehrmacht, le Generaloberst Keitel et le chef de la jeunesse du Reich allemand, von Schirach, et assure l’aide de la Wehrmacht dans l’instruction militaire de la Jeunesse hitlérienne ».
Vous n’y voyez rien qui rappelle des courses de cross-country ou l’entraînement ?
Je voudrais vous expliquer quelque chose à ce sujet. Ce que vous venez de citer ne fait pas partie du texte de l’accord, mais représente un commentaire du rédacteur de la collection Das Archiv.
Je ne vais pas poursuivre, je vais laisser au Tribunal le soin de décider si cela a un rapport avec les sports ou avec l’instruction militaire.
Je pense qu’il est temps de suspendre.
Plaise au Tribunal. Il m’est rendu compte que l’accusé Raeder n’assistera pas à l’audience.
Monsieur le témoin, êtes-vous d’accord pour dire que, de temps en temps, des membres de la Jeunesse hitlérienne chantaient des chants et se comportaient d’une manière qui étaient certainement hostiles aux organisations religieuses ?
Je ne vais pas nier que quelques membres isolés de la Jeunesse hitlérienne se sont peut-être comportés ainsi dans les premières années du national-socialisme, mais je voudrais pouvoir ajouter une courte explication à ce sujet.
Au cours des premières années, j’ai reçu des millions de jeunes gens venus des organisations marxistes de jeunesse, des mouvements athées, etc., et il n’était pas possible, bien entendu, en l’espace de deux ou trois ans, voire quatre, de les discipliner d’une façon complète. Mais je crois pouvoir dire qu’à partir d’une certaine période, probablement à partir de 1936, de telles choses ne se sont plus produites.
Nous pourrions établir en tout cas, qu’en 1935, de telles choses se sont produites, et ainsi nous gagnerions du temps. Seriez-vous d’accord là-dessus ? Mais vous chantiez des chants tels que, par exemple : « Le Pape et le Rabbin céderont ; nous voulons être à nouveau des païens. » Connaissez-vous ce chant ? Est-ce que vous avez entendu parler de ce que le procureur du Bade a porté à l’attention du Ministère Public ?
Non.
Saviez-vous qu’on chantait un chant publié dans le recueil Blut und Ehre, qui était le suivant : « Nous voulons tuer le prêtre ; en avant la lance ; sur le toit du cloître, dressons le coq rouge ». Vous connaissez ce vieux chant ?
Il s’agit d’un chant qui remonte à la guerre de trente ans et les mouvements de jeunesse le chantaient depuis bien longtemps, même avant la première guerre mondiale.
Je sais, vous me l’avez déjà dit. J’essaie d’abréger. Mais êtes-vous d’accord pour dire que les membres de votre organisation le chantaient en 1933, 1934, 1935, et à tel point que, lorsque des prêtres ont protesté, ils furent eux-mêmes poursuivis par les autorités pour s’être interposés ? C’était important à ce point-là ?
Je sais que cette chanson qui, comme je l’ai déjà dit, est une vieille chanson de la guerre de trente ans, a été chantée parfois par la jeunesse dans les années 1933 et 1934. J’ai essayé de supprimer cette chanson, mais je ne puis vous renseigner sur les réclamations spéciales qu’elle a causées.
Je ne crois pas que nous ayons fait clairement ressortir que ces chansons ont été réunies dans un livre que vous avez publié à l’usage de la Jeunesse hitlérienne. Admettez-vous cela ?
C’est possible parce que, pendant des années, ce chant s’est trouvé inclus dans tous les recueils. C’est une chanson qui se trouvait dans les premiers recueils du mouvement Wandervogel de 1898.
Ce n’est pas l’histoire de ce chant qui m’intéresse à vrai dire, j’essaie uniquement d’établir que cette chanson existait dans votre livre de chants, qu’on la chantait et que lorsque les autorités de l’Église ont fait des objections, elles ont été déférées au parquet pour réclamation abusive.
Je fais objection à cette dernière déclaration.
Je verse le document au dossier sous le numéro PS-3751. Ce sont des extraits du répertoire du Ministère Public et de celui du ministre de la Justice. Ce sera le document USA-858.
La première affaire que vous avez sous les yeux est une note provenant du répertoire du ministre de la Justice, concernant le prêtre catholique Paul Wasmer ; des poursuites criminelles sont engagées contre lui et il s’agit de savoir si on va prononcer contre lui une condamnation proposée par Rosenberg pour diffamation. Le curé, dans son sermon, a cité une chanson chantée par des eunes. J’en ai cité quelques mots tout à l’heure : « Pape et Rabbin céderont ; mort aux Juifs », etc. Le ministre de la Justice poursuit en disant que ce prêtre catholique a également cité des extraits d’un petit livre de chansons publié par Baldur von Schirach et le texte de cette strophe est le suivant : « Nous voulons le crier jusqu’au Ciel que nous voulons tuer tous les prêtres ». Et, plus loin : « Pique en avant », etc., et ensuite il a cité un texte de vous au sujet de Rosenberg : « La voie de la jeunesse allemande est tracée par Rosenberg ». Ce sont les raisons qui lui ont amené ces désagréments. Et je vous demanderai simplement à nouveau si vous ne voulez pas admettre que les hommes qui ont soumis à la critique le fait que de jeunes enfants ont pu chanter des chants semblables sous leur direction ne se sont pas exposés éventuellement et en fait à des poursuites pénales ? Vous avez dit hier au Tribunal que vous n’aviez jamais rien entrepris directement contre les Églises protestantes ou catholiques.
Le chant en question a pour refrain « Kyrieleis » ; ce qui montre qu’il est très vieux.
Puis-je vous interrompre...
Cette chanson peut se trouver dans le recueil Blut und Ehre. Je ne savais pas que des poursuites avaient été engagées contre un ecclésiastique pour l’avoir critiquée ; c’est la première fois que j’en entends parler.
Bon. Regardez à la page 192 du même répertoire ; on parle de l’archevêque de Paderborn qui relate l’incident du 12 mai. Dans cette affaire, il demande qu’on fasse quelque chose pour arrêter ce genre de manifestations. Il s’agit d’une vilaine petite chanson au sujet d’un moine et d’une religieuse, que vos jeunes gens chantaient. Ensuite, on relate ce qui est arrivé à l’archevêque lorsqu’il est sorti sur la place et comment la Jeunesse hitlérienne s’est comportée, de quels noms elle l’a traité ; on dit qu’il y avait sept chefs de la Jeunesse hitlérienne venus du dehors ce jour-là ; ils étaient en vêtements civils. Vous voulez dire que vous n’avez jamais entendu parler de ces incidents ?
Si, je connais cet incident. Je me rappelle le nom du chef compétent de la région, un certain Langanke ; je l’ai convoqué et lui ai fait des remontrances. Cela m’a occupé longuement. Je vais demander à mon avocat de poser à ce sujet des questions au témoin Lauterbacher qui était alors Stabsführer et qui connaît les détails. Il y eut, à cette époque, une forte agitation dans la population à cause de certains passages — d’ailleurs cités ici — relatifs au marché noir des devises étrangères qui aurait été l’apanage de certains ecclésiastiques, d’où cette chanson satirique contre le clergé. Je voudrais dire, en conclusion, que j’ai condamné l’attitude de ces chefs de la jeunesse d’une façon claire et absolue. Toute l’affaire se rattache aux incidents qui eurent lieu au cours des années où, comme je l’ai déjà dit, j’avais accepté dans mon organisation une quantité de jeunes gens venant d’autres groupes et d’une éducation tout à fait différente.
Très bien, passez à la page 228 du répertoire. Vous verrez qu’un aumônier, Heinrich Mueller, et un pasteur, Franz Rümmer, étaient suspects pour avoir dit, dans un cercle de clergé catholique, qu’un certain chant avait été utilisé par la Jeunesse hitlérienne à la réunion du Parti de 1934.
« Nous sommes l’heureuse Jeunesse hitlérienne. Nous n’avons pas besoin des vertus chrétiennes. Car notre Führer Adolf Hitler intercède toujours pour nous. Non, aucun prêtre, aucun méchant ne peut dénouer ces liens. Nous sommes pour toujours les enfants de Hitler. »
Attendez que j’aie terminé.
Je n’ai pas trouvé l’endroit.
C’est à la page 228 (a et b). Je pense que vous vous rappellerez cette chanson, si je vous la lis. Vous rappelez-vous ces vers : « Nous ne suivrons pas le Christ, mais Horst Wessel ».
Cette chanson, je la vois ici pour la première fois ; je ne la connais pas.
Très bien, je ne vais pas continuer à la lire. Vous remarquerez que dans un passage du répertoire, le dernier paragraphe est le suivant : « Le Procureur Général note que, sans nul doute, le chant en question a été chanté et répandu dans les cercles de Jeunesse hitlérienne ; toutefois, on pourrait réfuter qu’il ait été chanté au congrès du Parti, c’est-à-dire pratiquement sous les yeux et avec l’approbation des hauts fonctionnaires du Parti ».
Voici la troisième strophe :
« Je ne suis pas un chrétien, je ne suis pas un catholique, je vais avec les SA à travers tout. »
C’est une indication nette que ce n’est pas une chanson de la jeunesse. Que la Jeunesse hitlérienne l’ait chantée, je le déplore.
Au congrès du Parti de 1934, je puis affirmer qu’elle n’a pas été chantée au festival de la jeunesse.
Bien.
Car c’est moi qui ai revu tous les programmes de jeunesse à ce congrès du Parti. Je ne connais pas cette chanson, je ne l’ai jamais entendue, je n’en connais pas le texte.
Vous remarquerez la dernière ligne : « Baldur von Schirach, prends-moi aussi avec toi ».
Il est surprenant pour le Ministère Public de vous entendre dire que vous, le chef de la jeunesse, vous ne saviez pas qu’il y avait eu de grosses difficultés entre les organisations de la jeunesse en Allemagne et les ecclésiastiques de toutes les Églises d’Allemagne, pendant ces années passées.
Ce que je voudrais faire ressortir au Tribunal, c’est que dans les mouvements de jeunesse, il y a une période de tempête et de tension, une période de développement, que l’on ne saurait juger l’organisation par le comportement de quelques individus ou groupes, devenus membres de l’organisation cette année-là. On ne peut juger des résultats pédagogiques avant quelques années. Il se peut qu’un groupe de jeunes appartenant au mouvement athée soit entré dans nos rangs en 1934 et qu’il ait composé et chanté ce chant. En 1936, il ne l’aurait certainement plus fait.
Eh bien, voyons ce que vous faisiez en 1937. Vous connaissez la publication Joie, Discipline, Foi. Vous connaissez ce manuel culturel qui était à l’usage des camps de jeunesse ?
Je voudrais le voir, s’il vous plaît.
Je vais vous le montrer, mais je voudrais vous demander d’abord : connaissez-vous la publication ? Savez-vous ce dont je parle quand je m’y réfère ?
Je ne connais pas toutes nos publications. Nous avions un nombre si considérable de publications que je ne saurais faire de déclaration sans avoir le livre sous les yeux.
Très bien. J’interprète votre réponse comme signifiant que vous ne connaissez pas ce livre sans le voir. Et bien, nous allons vous le montrer. Ce livre, entre autres, contient le programme d’une semaine dans un de vos camps, une série de programmes donnés en exemple. De nouveau, je vous poserai une question, et peut-être pourrons-nous abréger.
N’est-ce pas un fait que, dans vos camps, vous essayiez de faire plus que de mettre Hitler et Dieu sur le même plan, et que vous essayiez particulièrement de diriger l’attitude religieuse des jeunes vers la croyance que Hitler était envoyé sur terre par Dieu et était son représentant en Allemagne ?
Répondez d’abord à cela et ensuite nous en viendrons au programme.
Non, je n’ai jamais établi de comparaison entre Hitler et Dieu. Je pense que c’est un blasphème et, en tout temps, j’ai envisagé une pareille comparaison comme blasphématoire. Pendant ces longues années où je croyais en Hitler, je voyais en lui un chef envoyé par Dieu pour diriger le peuple, c’est exact. Je crois que l’on peut considérer tout grand homme de l’Histoire — et c’est ainsi que je considérais naguère Hitler — comme un envoyé de Dieu.
Voilà le document PS-2436 (USA-859). Je n’ai pas l’intention de le lire en entier avec vous, mais je voudrais attirer votre attention sur certains points en particulier.
D’abord, à la page 64, il y a les noms des personnes que l’on suggère, en quelque sorte, comme noms de ralliement. Ce sont tous des héros politiques ou historiques de l’Allemagne, je suppose ?
Arminius, Geiserich, Braunschweig...
Vous n’avez pas besoin de les lire tous. Je crois que vous pouvez répondre simplement par oui ou non. Je vous demande si c’étaient des héros politiques ou militaires de l’Allemagne ?
Je ne sais pas si l’on peut juger le prince Louis-Ferdinand de Prusse simplement comme un héros de guerre. Il était assurément, dans une égale mesure, un artiste et un officier.
Très bien ; je passe, et je conclus que vous répondez négativement. Passons à la page 70. C’est la cérémonie du dimanche matin. C’est à la page 70, vers la fin. Je voulais attirer votre attention là-dessus, à cause de ce que vous avez dit de Rosenberg cet après-midi : « S’il n’y a personne pour faire une brève allocution — elle doit être bonne et mériter l’attention — il faudra lire des extraits de Mein Kampf ou des discours du Führer ou des ouvrages de Rosenberg... » Vous y êtes ?
Oui, je l’ai trouvé.
Vous maintenez toujours que Rosenberg et ses œuvres n’avaient rien à voir avec votre Jeunesse hitlérienne ? Vous suggériez au contraire que, pour le sermon du dimanche matin, les jeunes pourraient écouter les œuvres de ce philosophe bénin, n’est-ce pas ?
Rien n’est établi par le fait qu’on fait allusion à Rosenberg dans un des nombreux manuels de culture. Oui, l’auteur de ce manuel est -précisément un délégué du corps enseignant, qui se rendait deux fois par an à ces conférences d’éducation que présidait Rosenberg et que j’ai déjà mentionnées. Je crois que vous avez dû chercher longtemps avant de trouver ce passage parmi les innombrables manuels de jeunesse.
Permettez-moi de vous poser une question à ce sujet. Veuillez trouver ici une phrase relative à un ecclésiastique, un aumônier ou quoi que ce soit concernant les institutions religieuses. Dites au Tribunal où elle se trouve.
Je suis sûr qu’il ne s’y trouve rien de semblable.
Donc, c’est votre programme pour le dimanche matin ?
La Jeunesse hitlérienne était une organisation de jeunesse de l’État, et mon but était la séparation de l’éducation religieuse et de l’éducation de l’État. Le garçon qui voulait aller à l’église pouvait s’y rendre après cette cérémonie qui était une cérémonie de camp, ou avant, selon qu’il voulait aller à la messe ou au culte protestant ; et les dimanches où il ne se trouvait pas dans son camp — le camp ne durait que trois semaines — il était parfaitement libre de rester chez lui, chez ses parents, ou de se rendre à l’église avec ses parents ou avec d’autres amis.
Monsieur Dodd, je crois qu’il serait équitable de dire que, juste avant les mots « page 71 », il y a trois lignes qui pourraient se rapporter à la religion.
Oui, Monsieur le Président, c’est juste. J’allais en parler plus tard. Je peux en parler maintenant si vous le préférez.
Non.
Je voudrais attirer votre attention sur la page 89 ou 90 de votre texte, la page 6 du texte anglais ; c’est une ballade historique et morale.
Je n’ai pas l’intention de tout lire, mais je crois que vous serez d’accord avec moi pour dire qu’on ridiculise les Juifs et les autres partis politiques en Allemagne. On parle d’« Isidore » dans la première ligne, et ensuite on dit : « Pauvre Michel était bien malheureux. C’était le plus pur valet des Juifs ». Plus loin : « Il donna un coup de pied à la bande et au Juif ». Et puis, vos chefs de jeunesse suggèrent — comment dites-vous — un jeu d’ombres chinoises : « Le nez d’Isidore doit être profondément exagéré. L’Allemand Michel doit être présenté de la manière la plus conventionnelle, le communiste comme un sauvage démolisseur de barricades. Le social-démocrate a une casquette en ballon, le parti du centre a un bonnet de jésuite et le réactionnaire un haut-de-forme et un monocle. »
Au fait, n’avez-vous jamais vu un de ces spectacles ?
Je n’ai pas trouvé ce texte que vous venez de citer, page 89.
Je me suis probablement trompé de page. Je m’excuse, c’est à la page 155 de votre texte. Ce que je voulais, c’était vous demander si vous saviez quelque chose de ce programme établi pour vos jeunes gens.
Je voudrais dire quelque chose sur l’ensemble de la question, à propos de ce livre. J’ai écrit la préface et je prends la responsabilité de son contenu. Je ne l’avais pas lu dans le détail au préalable. Je ne saurais nier que, dans les camps, dans le cadre du cirque de camp, comme nous l’appelions, des caricatures politiques étaient présentées.
Vous savez qu’une de vos jeunes filles a écrit à Streicher une lettre disant qu’elle avait vu ce spectacle. Saviez-vous cela ? Je vais vous présenter la lettre ultérieurement pour vous montrer que c’est arrivé effectivement et qu’une de vos jeunes a écrit à Streicher à ce propos.
Enfin, à la dernière page du texte anglais, on rapporte, pour le dimanche 19 juillet — je crois que c’est à la page 179 de votre texte — le mot de ralliement pour la journée : « Notre service envers l’Allemagne est le service de Dieu ». C’était un slogan que vous employiez pour d’autres dimanches aussi. Ainsi que l’a remarqué le Tribunal, à la page 70 de votre texte vous dites « ... que cette cérémonie du dimanche matin n’a pas pour but de présenter des arguments ou des discussions sur des points de vue confessionnels, mais qu’elle doit imprégner de courage et de force la vie et les hommes afin de leur permettre d’accomplir leurs tâches grandes et modestes avec une foi complète dans le pouvoir divin et dans l’idéologie du chef et du Parti ».
Partout où vous avez fait allusion à Dieu, vous avez aussi mentionné Hitler ou les chefs du Parti, n’est-ce pas ?
Pourriez-vous m’indiquer encore une fois le passage auquel vous faites allusion ?
Très bien. C’est à la page 70, juste au bas de votre page 70.
Oui, il dit là « ...que cette cérémonie n’a pas pour but de présenter des arguments ou des discussions sur des points confessionnels, mais qu’elle doit imprégner de courage et de force la vie et les hommes, afin de leur permettre d’accomplir leurs tâches grandes et modestes avec une foi complète dans le pouvoir divin et dans l’idéologie du chef et du Parti.
En fin de compte, cela ne veut pas dire que Hitler soit comparé à Dieu, mais je crois que j’ai expliqué clairement mon point de vue dans ma réponse de tout à l’heure.
Nous allons voir. Dans votre livre Révolution de l’éducation, à la page 148... Vous rappelez-vous cette déclaration : « Le drapeau du troisième Reich... » Je vais reprendre toute la phrase :
« Au contraire, le service de l’Allemagne nous apparaît comme le service de Dieu. Le drapeau du troisième Reich nous apparaît comme Son drapeau et le Führer du peuple est le sauveur qu’il nous a envoyé pour nous tirer de la misère et de la calamité dans laquelle les partis les plus dévots de la défunte république allemande nous ont justement plongés. »
Je voudrais bien voir le texte dans la version originale.
Très bien. (Le document est présenté à l’accusé.)
J’écris là : « Nous considérons que nous servons le Tout-Puissant lorsque, avec nos jeunes forces, nous essayons de rendre à nouveau à l’Allemagne l’unité et la grandeur. Nous ne voyons rien dans notre loyalisme vis-à-vis de notre patrie qui pourrait représenter une contradiction avec sa volonté éternelle. Bien au contraire, le service de l’Allemagne nous apparaît comme un service divin, plus sincère et plus authentique. Le drapeau du troisième Reich nous apparaît comme Son drapeau et le Führer du peuple est le sauveur qu’il nous a envoyé pour nous tirer de la misère et de la calamité dans laquelle les partis les plus dévots de la défunte république allemande nous ont justement plongés ». Ceci se rapporte au parti du centre de la république et à d’autres organisations analogues de nature politique et confessionnelle. J’ai écrit cela. J’admets qu’il n’y a absolument rien là qui puisse représenter une déification du Führer. A mes yeux, le service de la patrie est un service de Dieu.
Très bien, si c’est là votre réponse. Je le vois autrement. Passons à autre chose pour en finir. Je ne voudrais pas omettre de vous montrer cette communication à Streicher ; elle a déjà été présentée au Tribunal par le procureur britannique. J’apprends que cette déclaration a été lue mais non versée au dossier. En tout cas, êtes-vous au courant, Monsieur le témoin ? Est-ce que vous connaissez la lettre adressée par les filles et garçons de l’auberge de jeunesse de Grossmöllen à Streicher, en avril 1936, où ils parlaient des Juifs qu’ils avaient vus : « Tous les dimanches soir, le chef de notre groupe présente une pièce au sujet des Juifs avec ses marionnettes ».
Je voulais simplement savoir si vous aviez connaissance de cela ?
Je voudrais dire à ce propos que cette auberge de la jeunesse nationale-socialiste à Grossmöllen n’était pas une institution de la Jeunesse hitlérienne. Je crois qu’il s’agit d’un jardin d’enfants organisé par la NSV ou par une autre organisation. C’est là une des lettres typiques telles que le rédacteur du Stürmer les sollicitait afin de pouvoir faire sa propagande.
Un moment. N’avez-vous pas repris toutes les auberges de la jeunesse en 1933 ?
Oui.
Alors, que voulez-vous dire en déclarant qu’en 1936 cette auberge de jeunesse n’appartenait pas à l’organisation des Jeunesses hitlériennes ?
Cela s’appelle « Jugendheimstätte », c’est-à-dire « Foyer de jeunesse », et non pas « Herberge » que serait « Auberge de la jeunesse ». Je ne connais pas le vocable Heimstätte. La Heimstätte devait être probablement dirigée par un organisme de la NSV ou d’une organisation féminine. Je ne connais, quant à moi, que les auberges de la jeunesse ou les foyers de la jeunesse.
Cela ne vous semble-t-il pas une coïncidence curieuse que dans un de vos camps de jeunesse vous ayez proposé dans votre programme un jeu d’ombres chinoises décrivant un Juif avec un grand nez le ridiculisant, et enseigné aux enfants à le détester et à s’en moquer et que, dans un de ces camps, une enfant écrit à Streicher pour lui dire qu’avec d’autres garçons et filles elle a assisté à un tel jeu.
C’est un camp de jeunesse dont il est question ici.
Si telle est votre réponse, je l’accepte.
Je ne veux pas contester que ce jeu de marionnettes ait pu avoir lieu ou que cette lettre ait été écrite, mais je trouve que la relation de cause à effet est en quelque sorte tirée par les cheveux ; le rapport est très lointain.
Vous trouvez que le rapport avec le ridicule jeté sur les Juifs est tiré par les cheveux ?
Non, je conteste simplement qu’il s’agisse ici d’une institution des jeunesses hitlériennes. Je crois qu’il s’agit vraiment ici d’une sorte de jardin d’enfants de la NSV, ou de quelque chose de semblable.
Peut-être que l’explication réside dans le fait que tous les jeunes, en Allemagne, ont vu une de ces représentations. En tout cas, passons à une autre question.
Ce matin, votre avocat vous a parlé de la réquisition d’un monastère en Autriche, à Kloser-Neuburg, n’est-ce pas ?
Nous avons parlé ce matin du palais du prince Schwarzenberg. Ce n’était pas un couvent, mais la propriété d’une personne privée.
En tout cas, le document que le Dr Sauter a mentionné était le R-146 (USA-678) ; c’était une lettre de Bormann à tous les Gauleiter, qui commençait par dire qu’il fallait confisquer les propriétés de valeur de l’Église en Autriche. Bormann l’avait signée, et dans ce document figurait également une lettre de Lammers déclarant qu’il y avait eu des discussions relatives à la question de savoir si la propriété d’Église saisie devait appartenir au Reich ou si elle devait rester propriété de votre Gau ; vous le savez, n’est-ce pas ? Vous avez donc réquisitionné ce monastère en 1941, le couvent de Neuburg, n’est-ce pas ? Vous savez de quoi je veux parler ? Il se peut que je ne le prononce pas correctement.
La célèbre fondation et le lieu de pèlerinage, Kloster-Neuburg, servirent de lieu de dépôt pour les œuvres d’art de notre musée d’histoire de l’art.
Oui, mais quelle excuse aviez-vous pour confisquer le monastère à cette époque ?
Il m’est difficile de donner maintenant des faits précis au sujet de cette affaire. Je crois qu’il y avait très peu de religieux dans ce couvent, que l’immense bâtiment n’était pas utilisé au maximum et que nous avions un besoin urgent de place pour agrandir notre école œnologique de l’État et la station expérimentale qui y attenait. Je crois que c’est la raison pour laquelle on a réquisitionné ce couvent.
Je voudrais vous prier de regarder le document PS-3927, et je voudrais que vous vous rappeliez que vous avez dit au Tribunal ce matin que vous avez arrêté la confiscation des églises et des biens d’Église en Autriche. Je vous prie de vous rappeler votre témoignage lorsque vous regarderez ce document.
Avez-vous versé le document M-25 au dossier, Monsieur Dodd ?
Oui, Monsieur le Président, je désire le faire. C’est le document USA-861. Ce document PS-3927 deviendra USA-862.
La première page de ce document montre qu’il est secret. C’est une lettre datée du 22 janvier 1941 et adressée à Dellbrügge de votre organisation à Vienne. L’auteur dit qu’il a appris l’éventuelle possibilité de recevoir une école Adolf Hitler, que la ville de Hambourg désire également obtenir, et que le monastère de Klosterneuburg devrait être envisagé pour l’établissement d’une école Adolf Hitler à Vienne ; la lettre est signée par Scharizer, votre adjoint, selon vos déclarations d’hier.
La communication jointe en annexe est un message télétypé de Bormann. A la page suivante, vous verrez qu’il est daté du 13 janvier. Bormann déclare que c’est strictement confidentiel :
« Il s’est avéré que la population ne fait pas preuve de mauvaise volonté lorsque les couvents sont affectés à des buts qui paraissent appropriés d’une manière générale. Leur conversion en hôpitaux, maisons de repos, instituts scolaires, écoles Adolf Hitler, peut être envisagée comme des buts appropriés. » Cette note est du 13 janvier et votre adjoint a écrit à la date du 22 janvier.
Passez à la page suivante. Vous y trouverez un rapport de la Gestapo sur ce monastère, en date du 23 janvier 1941, adressé à votre adjoint Dellbrügge. Je voudrais que vous regardiez les mots suivants : « Ordre oral en date du 23 janvier 1941 ». Apparemment, quelqu’un de votre organisation, vous ou votre adjoint, avait demandé verbalement à la Gestapo de faire un rapport sur ce monastère, le jour même où vous avez écrit à Berlin pour demander que l’on envisageât de transformer ce bâtiment en une école Adolf Hitler ?
Des accusations sont portées contre les habitants de ce monastère dans les rapports de la Gestapo, mais je vous demande de passer plus loin et vous verrez que vous avez écrit un ordre pour la réquisition de ce monastère, le 22 février 1941, en vue d’en faire une école Adolf Hitler. Si vous voulez, je peux vous montrer que cet ordre porte vos initiales, l’original naturellement, aux pages 15 à 17 de votre photocopie.
Vous avez trouvé un prétexte pour vous emparer de ce monastère, n’est-ce pas, car lorsque vous avez voulu y établir une école Adolf Hitler vous n’aviez pas de justes motifs pour vous en emparer. Et vous avez fait établir un rapport par la Gestapo. Puis vous n’avez plus jamais fait allusion aux raisons que la Gestapo avait alléguées.
Étant donné que j’étais moi-même le chef de ces écoles, il va sans dire que j’attachais la plus grande importance à arriver à en établir une à Vienne comme ailleurs ; le fait de vouloir transformer Kloster-Neuburg en une école Adolf Hitler à dû me traverser l’esprit ; j’en ai probablement parlé fortuitement avec ce M. Scharizer, puis j’ai complétement abandonné ce projet. Mais quoi qu’il en soit, jamais Kloster-Neuburg n’a été transformé en école Adolf Hitler.
Non, mais on ne l’a jamais non plus rendu à l’Église ?
Non. Nous voulions transformer ce couvent en musée supplémentaire ouvert au public, parce que les locaux des musées de Vienne n’étaient pas suffisants pour les collections innombrables d’œuvres d’art qui s’y trouvaient. Nous avons commencé à exécuter ce projet et rassemblé dans ce couvent une grande partie des collections. Par ailleurs, nous avions besoin des caves extrêmement bien construites de ce couvent qui devaient servir d’abri pour les œuvres d’art que nous devions protéger contre les attaques aériennes. C’est pourquoi nous avons dû réquisitionner cet établissement. L’idée d’établir dans ce couvent une école Adolf Hitler, bien qu’il soit possible que j’en aie parlé en passant avec l’un ou l’autre de mes collaborateurs, fut ensuite abandonnée, tout d’abord parce que je n’aurais pas été d’accord pour qu’une école Adolf Hitler fût installée dans un endroit sacré et ensuite parce que le couvent était nécessairement destiné à une autre utilisation. Je ne puis m’expliquer davantage sur ce point.
Remarquez la date de cette transaction et de la communication de Bormann. Quand avez-vous découvert pour la première fois que Bormann était antireligieux et hostile à l’Église, car vous avez déclaré au Tribunal qu’il l’était ?
Bormann...
Dites-nous seulement quand vous l’avez découvert.
J’étais précisément sur le point de le faire. Cette attitude antireligieuse de Bormann s’est révélée de la façon la plus claire en 1943, mais les premiers symptômes s’étaient déjà manifestés en 1937.
Ce télégramme était daté de 1941 ?
Oui, 1941.
Monsieur le témoin, quand êtes-vous, pour la première fois, entré en relations avec Himmler ?
J’ai rencontré Hitler...
Himmler.
En 1929, j’ai fait la connaissance de Himmler, oui, en 1929. J’ai fait un jour une visite à la direction du Parti et Himmler était, à ce moment-là, chef de la propagande du Parti ; ce fut notre première rencontre.
Ce n’est pas là ce que je voulais vraiment savoir, bien que cela ait son intérêt. Je voulais savoir quand vous et vos organisations de jeunesse avec eu des relations avec lui pour la première fois. En disant « relations », je veux dire des ententes comme, par exemple, le recrutement des jeunes gens pour les brigades Tête-de-Mort des SS.
Je crois que j’ai déjà expliqué cela ce matin. L’un des premiers accords était inclus dans l’accord concernant le service d’ordre, dont je n’ai pas en ce moment la date précise à l’esprit. Au reste, il ne s’agissait pas d’une garantie d’effectifs en vue seulement des unités Tête-de-Mort, mais d’une façon générale pour les unités policières, pour les troupes que l’on appelait les « Verfügungstruppen » de la Police.
Combien de temps avez-vous continué à canaliser ou à distraire des jeunes gens de votre organisation de jeunesse pour les SS ? Quand, d’après vos souvenirs, ce programme a-t-il été exécuté pour la dernière fois ?
Je n’ai pas poussé intentionnellement des jeunes gens vers les SS, mais j’ai autorisé les SS comme toutes les autres organisations à faire leur propagande et leur recrutement parmi la jeunesse.
Ce n’est pas ce que je vous ai demandé. Je vous ai demandé à quelle date au plus tard vous avez effectivement aidé Himmler à obtenir des candidats, de jeunes Allemands, par l’intermédiaire de votre organisation de Jeunesse hitlérienne. Je ne vous demande pas une date exacte, mais une date approximative.
A partir de 1940, je me suis toujours efforcé de faire entrer la jeunesse dans les formations de l’Armée. Les SS, les Waffen SS ont fait une propagande de recrutement extrêmement active parmi la jeunesse jusqu’aux derniers jours de la guerre. Je ne pouvais pas empêcher ce recrutement.
Et vous saviez parfaitement comment on les a employés pendant les derniers jours de la guerre, comment pendant la guerre elle-même ?
Je savais que toute la jeunesse qui était incorporée ou qui se présentait comme volontaire devait se battre.
Je parle de quelque chose d’autre que le combat-Vous saviez ce qui se passait à l’Est et vous saviez qui était préposé à la garde des camps de concentration, n’est-ce pas ?
J’ai dit ce matin ce que je savais des événements de l’Est. J’ignorais que des jeunes gens qui s’engageaient dans les Waffen SS étaient utilisés à la garde des camps de concentration.
Vous ne saviez pas ce qu’étaient ces gardes, bien que vous ayez visité deux de ces camps vous-même ?
Ces gardes n’appartenaient pas aux Waffen SS.
Oui, je sais, mais votre accord avec Himmler spécifiait qu’il s’agissait de recrutement pour les unités SS Tête-de-Mort.
Lorsque j’ai conclu cet accord, je ne savais pas que les brigades Tête-de-Mort seraient chargées principalement de la garde des camps de concentration. En outre, je considérais à cette époque les camps de concentration comme quelque chose d’absolument normal. D’ailleurs, je l’ai dit ce matin.
Vous avez dit au Tribunal hier que c’est en 1944, je crois, que vous avez découvert l’extermination et je voudrais vous parler un peu de cela, ou tout au moins vous poser quelques questions.
La première question sera : comment l’avez-vous découvert ? Est-ce seulement par l’intermédiaire de ce Colin Ross ?
J’ai dit que j’en ai entendu parler par Colin Ross...
Bien.
... et que, d’autre part, j’avais posé de nombreuses questions à toutes les personnes que j’étais en mesure d’atteindre afin de connaître quelque chose de précis à ce sujet.
A vrai dire, je vous ai demandé si vous l’avez découvert par une autre source. Vous pouvez répondre très simplement. Nous savons que vous l’avez découvert par l’intermédiaire de Ross. Y avait-il encore quelqu’un d’autre ?
Je ne pouvais vraiment pas obtenir de renseignements précis.
Bien.
La plupart des gens n’étaient pas renseignés. Les seules choses exactes et détaillées que j’ai apprises me sont venues par le Warthegau.
En réalité, vous aviez des rapports réguliers sur l’extermination des Juifs, n’est-ce pas ? Des rapports écrits veux-je dire.
Ces rapports — dont deux ont été présentés au Tribunal — ont été adressés à un expert du commissariat de la défense du Reich. Cet expert a transmis ces exemplaires à l’inspecteur ou, je crois, au Commandant en chef de la Police d’ordre. J’ai regardé l’exemplaire qui a été présenté ici dans le cas de Kaltenbrunner, mais auparavant je ne l’avais pas eu en mains. (Document PS-3876.)
Vous voulez dire que vous ne saviez pas qu’il était parvenu à votre service ?
Je n’avais jamais vu cet exemplaire. Mon bureau était le bureau central et non pas le bureau du commissaire de la défense du Reich. Les affaires du commissaire de la défense du Reich étaient officiellement entre les mains du Regierungspräsident dont le conseiller personnel s’occupait des papiers, du courrier d’arrivée et de départ ; mais le courrier qui m’était destiné arrivait au bureau central.
Vous étiez le commissaire de la défense du Reich pour ce territoire, n’est-ce pas ?
Oui, parfaitement.
C’était un rapport des SS d’une nature tout à fait confidentielle, n’est-ce pas ? Il ne s’en colportait pas à travers toute l’Allemagne ?
Je ne sais pas combien d’exemplaires de ce texte ont été distribués. Je ne saurais le dire.
Cent, et vous avez reçu l’exemplaire n° 67.
Ces exemplaires, comme je l’ai vu par l’original qui m’a été soumis, ne m’étaient pas adressés à moi, mais à un expert compétent, un certain M. Fischer.
Et qui était M. Fischer ?
J’ai déjà dit ce matin que ce M. Fischer m’est inconnu, que je n’ai aucune idée de qui il peut être. J’imagine que c’est un collaborateur du Regierungspräsident, un administrateur compétent pour les affaires ayant trait à la défense du Reich.
Je vais vous montrer certains documents de vos propres archives. Nous n’avons pas une traduction intégrale, Monsieur le Président, parce que certains de ces documents ont été trouvés trop tard. (Document PS-3914.) (Au témoin.) Mais je crois que vous serez prêt à reconnaître que cet original provient de vos dossiers et dans ces documents vous trouverez — je vous indiquerai la page — quelque chose qui rafraîchira vos souvenirs au sujet de la personnalité du Dr Fischer. A la page 29, je crois, vous trouvez le nom des personnes qui figurent dans le Comité de défense du Reich, et vous y trouvez le nom de Fischer à côté de celui du général von Stülpnagel, du général Gautier, du Dr Förster, etc. Vous y êtes ? C’était là votre propre Conseil de Défense du Reich, devant lequel vous paraissiez de temps en temps et avec qui vous aviez de fréquentes réunions, et je vais vous montrer des documents là-dessus, au cas où vous voudriez le contester.
Un instant, s’il vous plaît. Voulez-vous me rappeler la page, je vous prie ?
C’est à la page 29. C’est un mémorandum daté du 28 septembre 1940.
J’y suis maintenant.
Avez-vous trouvé le nom du Dr Fischer ? Avez-vous trouvé son nom comme candidat éventuel à votre Conseil de défense ? En tout cas, son nom est à la fin, avec sa signature. C’est lui qui vous a proposé les autres.
Monsieur Dodd, pouvez-vous aller un peu plus lentement ?
Oui, certainement.
Il est le vingtième des noms mentionnés sur la liste : conseiller du Gouvernement, Dr Fischer, R.V., c’est-à-dire spécialiste dans les questions intéressant la défense du Reich, en d’autres termes, conseiller du Regierungspräsident. Par conséquent, j’ai dû le rencontrer vraisemblablement au cours de l’un de ces conseils. C’est probablement lui qui aura rédigé le procès-verbal, mais je ne crois pas pouvoir dire que je me le rappelle personnellement. Je ne peux me représenter personne sous le nom du Dr Fischer, mais il est clair à mes yeux que c’est l’homme qui, vraisemblablement, était chargé du courrier du commissaire à la défense du Reich et il était aussi sans doute le rédacteur du procès-verbal de ces réunions.
Bien.
Vu son modeste rang, il n’était que « Regierungsrat » ; il n’aurait pas pu tenir un autre emploi dans ce conseil.
A la page 31 de ce même document, vous trouverez une autre mention de Fischer et, cette fois-ci, vos initiales apparaissent sur le document. C’est la liste des membres du Comité de défense du Reich qui comprend vingt personnes. Le dernier nom est celui de Fischer et, au bas de la page, se trouvent vos initiales. Apparemment, vous donnez votre approbation à la liste. Vous le voyez ?
Mais oui, bien sûr, je devais contresigner cette liste.
Vous deviez approuver la liste des membres, n’est-ce pas ?
Mais je ne veux pas prétendre non plus que je ne reconnaîtrais pas le Dr Fischer si nous étions confrontés. C’est un fonctionnaire qui a été chargé de la rédaction du procès-verbal. Étant donné le nombre considérable de personnes qui se trouvaient à ces réunions, il ne m’a pas frappé particulièrement. En réalité, fort peu de réunions ont eu lieu qui avaient pour objet la défense du Reich. Mais, en tout cas, ce qui me paraît décisif, c’est que Fischer n’avait pas à me faire de rapport, à moi personnellement, mais au Regierungspräsident.
Comment pouviez-vous ne pas le rencontrer ? En 1940, vous étiez en contact régulier avec ce Comité de défense du Reich, Nous avons certains documents — je serai heureux de vous les montrer — qui établissent exactement ce que vous avez dit devant ce Comité.
Oui, comme je l’ai dit, il rédigeait vraisemblablement le procès-verbal.
Mais certainement ; vous l’avez vu par conséquent à plusieurs reprises entre 1940, la date de ce dossier, et 1942, la date du rapport des SS sur les exterminations ? Apparemment, vous l’avez rencontré pendant deux ans avant le premier rapport, daté de 1942, et il était l’un des vingt membres de votre Comité ?
Je crois qu’il faut tout de même que j’explique comment ce Comité pour la défense du Reich a été constitué. Il y avait là un cercle de généraux, les principaux généraux commandant l’Armée et l’Aviation ; il y avait là des Gauleiter, il y avait les personnes qui se trouvent sur cette liste, il y avait le représentant du ministre de l’Armement, le Dr Putt, un représentant de l’État-Major de direction de l’Économie et bien d’autres qui sont mentionnés ici. Dans ce vaste cercle de gens que je saluais en arrivant, il y avait également un fonctionnaire chargé de la rédaction du procès-verbal, qui faisait partie des innombrables employés de mon service. Ces commissions — vous vous en serez rendu compte — se réunissaient rarement. Le Dr Fischer me faisait des rapports assez rares. Il ne me présentait même pas les procès-verbaux qui se rapportaient à ces réunions ; le Regierungspräsident m’en rendait compte.
Vous pensez que Heinrich Himmler ou que Rein-hard Heydrich envoyaient à des personnages insignifiants des Gaue d’Allemagne ces rapports sur les exterminations à l’Est ?
S’ils m’avaient été destinés, ces rapports m’auraient été envoyés directement. Au reste, j’ai dit ce matin que je ne conteste en aucune façon avoir eu connaissance d’exécutions de Juifs à l’Est, mais seulement plus tard. J’ai mentionné la chose avec les événements de la guerre, mais les rapports eux-mêmes ne m’ont pas été soumis. S’ils l’avaient été, ils porteraient une indication précise qui me les ferait reconnaître.
Et bien, nous verrons. Naturellement, ils vous sont adressés par l’intermédiaire de Fischer, mais je vais parler d’autre chose. Je prétends que vous avez reçu des rapports hebdomadaires. Vous ne les avez pas vus non plus ? Qu’avez-vous à dire à cela ?
J’ai reçu une quantité infinie de rapports hebdomadaires de tous les services possibles et imaginables.
Non, je parle seulement d’un certain type de rapports. Je parle des rapports venant de Heydrich et de Himmler.
Je ne sais pas ce que vous voulez dire.
Vous feriez mieux de regarder (document PS-3943). Nous avons simplement cinquante-cinq de ces rapports pour cinquante-cinq semaines. Ils sont tous là et ils se suivent. Le Dr Fischer n’est pas impliqué dans ces rapports. Tous portent le timbre de votre bureau, établissant que ce dernier a reçu ce rapport, et la date à laquelle ils l’ont été. Ils relatent — vous pouvez les regarder — ce qui arrivait aux Juifs à l’Est.
Tous ces rapports sans doute — je ne peux pas les regarder tous ici en ce moment — allaient au chef de la Police de sûreté au bureau du commissaire à la défense du Reich. Ils sont, comme je le vois par le premier document, non pas contresignés par moi, mais marqués des initiales du Regierungspräsident. Je n’ai pas reçu ces rapports, sans quoi il y aurait ici ma griffe.
Le Dr Dellbrügge recevait ces rapports, d’après la note, et c’était votre adjoint principal. A propos, je crois qu’il faudrait expliquer cela clairement au Tribunal. Vos deux adjoints étaient des Brigadeführer SS, n’est-ce pas ?
J’aurais mentionné sans cela que M. le Dr Dellbrügge était un des hommes de confiance de Himmler, mais je crois que...
Et il était votre collaborateur principal. C’est cet argument-là que je fais valoir, et votre deuxième adjoint était également un Brigadeführer SS ?
Je crois que cette constatation prouve exactement le contraire de ce que vous essayez de prouver contre moi.
En tout cas, je vais continuer à parler de ces rapports, mais je voudrais vous demander d’abord si vous étiez en rapports amicaux avec Heydrich ?
J’ai connu Heydrich et, lorsqu’il était protecteur du Reich à Prague et m’avait adressé une invitation en tant que président de la Südosteuropa-Gesellschaft, j’ai accepté cette invitation à un congrès qui avait lieu à Prague. Toutefois, je n’avais pas de relations personnelles et étroites avec Heydrich.
Pensiez-vous qu’il était un bon fonctionnaire à l’époque où il terrorisait la Tchécoslovaquie ?
J’ai eu l’impression que Heydrich — c’est ainsi qu’il s’est exprimé lors de mon séjour à Prague — voulait mener une politique de conciliation, notamment vis-à-vis de la classe ouvrière tchèque. Je ne voyais pas en lui à ce moment-là le représentant d’une politique de terreur. Je n’ai pas de données précises sur les événements en Tchécoslovaquie. Je n’ai fait qu’une ou deux visites en Tchécoslovaquie.
Vous avez envoyé un télégramme à Bormann en lui disant « Mon cher Martin Bormann » lorsque Heydrich a été assassiné, n’est-ce pas ? En 1942, à l’homme qui n’avait aucune sympathie pour vous. Vous vous souvenez que Heydrich a été assassiné par des patriotes tchèques à Prague ?
Oui.
Vous rappelez-vous ce que vous avez fait quand vous avez entendu parler de cet assassinat ?
Je ne me le rappelle plus exactement.
Peut-être pourrais-je lire ce télégramme pour vous le rappeler ?
« Au Reichsleiter Bormann, Berlin, chancellerie du Parti. Urgent. Cher Martin Bormann. Je vous prie de porter les faits suivants à la connaissance du Führer : Connaissant la population tchécoslovaque et son attitude tant à Vienne que dans le Protectorat, j’attire votre attention sur les faits suivants :
« Les Puissances ennemies et la clique britannique autour de Bénès ont depuis longtemps amèrement regretté la coopération des travailleurs tchécoslovaques et leur contribution à l’économie de guerre allemande. Ils essayent de trouver des moyens pour dresser la population tchèque contre le Reich. L’attentat contre Heydrich a sans aucun doute été préparé à Londres. Les armes britanniques montrent qu’il y a eu des agents parachutés. Londres espère, par ce meurtre, amener le Reich à prendre des mesures draconiennes qui feront surgir un mouvement de résistance parmi les ouvriers tchécoslovaques. Pour que le monde ne croie pas que la population du Protectorat est en opposition à Hitler, ces actes doivent immédiatement être dénoncés comme provenant des Britanniques. Une attaque aérienne soudaine et violente contre un centre de culture anglais ferait beaucoup d’effet et le monde devrait en être informé sous le slogan « Revanche pour Heydrich ». Cela seul permettrait à Churchill de se désister aussitôt de la procédure engagée à Prague pour fomenter la révolte. Le Reich répondra à cette attaque à Prague par une contre-attaque sur l’opinion mondiale. On propose de donner demain à la presse, l’information suivante sur l’attentat contre la vie de Heydrich ». (Document PS-3877.)
Et vous dites ensuite que c’était là le travail d’agents britanniques ayant pris naissance en Grande-Bretagne, et vous avez signé « Heil Hitler. Ton Schirach. »
Vous vous rappelez avoir envoyé ce télégramme à Bormann ?
Je viens d’entendre la traduction anglaise. Je voudrais bien voir l’original allemand, s’il vous plaît ?
Très bien.
Monsieur Dodd, vous avez parlé d’une ville britannique de la côte, n’est-ce pas ?
Non, Monsieur le Président, c’est « culturel ». On a employé le mot « culturel » et j’attire votre attention sur ce point, Monsieur le témoin.
Pourrions-nous suspendre l’audience maintenant ou voulez-vous poursuivre ?
J’espérais finir, Monsieur le Président. Je n’en ai plus pour très longtemps, pour quelques minutes seulement. Il y a encore un ou deux documents importants que je voudrais présenter au témoin.
Monsieur le Président, si nous suspendons l’audience, je demanderai que le témoin n’ait pas de conversation avec son avocat ce soir. Je pense qu’il est juste, lorsqu’un témoin subit l’interrogatoire contradictoire, qu’il n’ait pas d’entretien avec son avocat.
Je voudrais dire à propos de ce document...
Monsieur le Président, je voudrais éclaircir la question de savoir si j’ai le droit, en tant qu’avocat, de parler à mon client ou non. M. Dodd vient de m’interdire de parler à mon client. Je lui ai évidemment obéi, mais si j’apprends que jusqu’à la fin du contre-interrogatoire je n’ai pas le droit de parler à mon client, et si peut-être ce contre-interrogatoire se poursuit au delà de dimanche, cela signifie que je n’ai pas le droit de m’entretenir avec mon client demain et après-demain. Du point de vue de la Défense, il faut que l’on me fournisse encore l’occasion de pouvoir, conformément à mon devoir, parler avec mon client sur tout ce qui a été traité ici.
Monsieur le Président, je retire ma requête. J’avais oublié en réalité que nous allions suspendre jusqu’à lundi. Je crois cependant que c’est un principe général mais j’estime cependant qu’il serait de nature à amener des difficultés à la Défense. Je tiens à informer le Tribunal qu’au cours de la suspension le Dr Sauter s’est rendu à la barre et que je lui ai dit que je pensais qu’il ne devait en rien s’entretenir, au cours de la suspension, avec l’accusé, tant que le contre-interrogatoire n’était pas terminé.
C’est là le règlement britannique, mais je crois que, vu les circonstances, il vaut mieux autoriser le Dr Sauter...
Je suis de cet avis, Monsieur le Président. Je n’avais pas pensé que nous ne siégions pas demain. Et je ne veux nullement intervenir dans les entretiens de fin de semaine entre le Dr Sauter et son client.