CENT QUARANTIÈME JOURNÉE.
Mardi 28 mai 1946.
Audience du matin.
Plaise au Tribunal. Il m’est rendu compte que l’accusé Göring n’assistera pas aux débats ce matin.
Nous avions l’intention d’aborder les documents de l’accusé Bormann, n’est-ce pas ?
Comme il vous plaira, Monsieur le Président.
En ce qui concerne l’accusé Sauckel, deux témoins seulement sont arrivés à Nuremberg. Trois témoins essentiels manquent encore. Peut-être le Tribunal voudra-t-il bien contribuer à faire venir rapidement ces témoins afin que les débats ne soient pas prolongés. Il s’agit des témoins Stothfang, le Dr Jäger et Hildebrandt. Je me suis efforcé de les obtenir du Ministère Public, mais ils ne sont pas encore là et n’ai pas pu prendre langue avec eux.
A-t-on établi où ils se trouvent ?
Oui, l’un se trouve au camp à Cassel à quelques heures d’ici ; l’autre se trouve à Neumünster, c’est un peu plus loin, à six ou sept heures d’ici peut-être ; quant au Dr Jäger, il est en liberté.
Cela ne concorde pas avec les renseignements que nous possédons. Le Tribunal a été informé que ces témoins étaient introuvables.
J’ai appris que leur domicile a pu être retrouvé.
De qui tenez-vous ces renseignements ?
Par la voie officielle de M. le Secrétaire général.
Très bien. Nous allons immédiatement nous informer.
Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord me prononcer à propos des témoins demandés pour l’accusé Bormann. Il s’agit de Mademoiselle Krüger, à l’audition de laquelle nous ne nous opposons pas. Le témoin Müller n’est plus demandé.
Non, je renonce à ce témoin.
Puis Klopper, et enfin Friedrich, cités tous deux à propos de l’activité législative de Bormann. Le Ministère Public n’élève aucune objection.
Messieurs, à la place du témoin Müller auquel je renonce, je me permets de faire une requête supplémentaire pour obtenir le témoin Gerta Christian. Elle doit déposer sur les mêmes points que j’avais signalés à propos du témoin Müller.
Mais le premier témoin, Mademoiselle Krüger, déposera sur le même sujet : la mort de Bormann ?
Oui, Messieurs, mais les circonstances qui entourent les dernières heures de la vie de l’accusé Bormann ne sont pas extrêmement précises, et il serait très intéressant d’entendre sur ce point le plus grand nombre de témoins possible, car ce n’est que de l’ensemble des témoignages que nous pourrons avoir l’impression et la certitude, à laquelle je m’efforce d’arriver, que Bormann est effectivement mort.
Cela ne semble pas très pertinent ; il est parfaitement indifférent de savoir s’il est mort ou vivant. La question qui nous préoccupe, c’est de savoir s’il est coupable ou innocent.
Messieurs, je m’en tiens au point de vue selon lequel il n’est pas possible de prononcer une condamnation contre un mort. Ce n’est pas non plus prévu par le Statut qui n’autorise le Tribunal qu’à poursuivre les débats contre un absent. Et, sur le plan juridique, on ne peut assimiler un mort à un absent. Si l’accusé est mort, le Statut ne donne aucune possibilité au Tribunal de poursuivre les débats contre lui.
Sir David, vous n’avez aucun motif de récuser les autres témoins ?
Non, Monsieur le Président, le Ministère Public n’élève aucune objection.
Très bien.
Monsieur le Président, j’en viens aux documents. La première série de documents consiste en une série de traités, notes et documents diplomatiques, destinés à battre en brèche les explications de Sir Hartley Shawcross sur la position du Droit international avant la rédaction du Statut. Sir Hartley Shawcross a affirmé que le Droit international stigmatisait la guerre d’agression comme un crime avant la création de ce Tribunal, et avant que son Statut ne devînt partie intégrante du Droit public mondial. La position prise par le Ministère Public est la suivante : un exposé des preuves portant sur ce point n’est vraiment pas pertinent car, en fin de compte, le Tribunal est couvert par le Statut. Il nous semble absolument inutile de traduire et de reproduire sous forme de livre de documents, toutes les données que l’avocat a soulevées dans sa requête. Voilà donc, en peu de mots, notre objection sur la première série de documents. Je ne veux pas discuter ce problème pour la raison que j’ai déjà exprimée.
Quels numéros portent ces documents ?
Ce sont les documents 1 à 11, non, 1 à 7 dans la requête.
Est-ce que ces documents sont longs ?
Monsieur le Président, je ne les ai pas encore vus. Il y a trois mois que j’ai demandé à voir ces documents, mais malheureusement je ne les ai pas encore obtenus jusqu’ici. Voilà pourquoi je ne puis donner au Tribunal des renseignements sur leur longueur et lui indiquer ceux que je compte utiliser pour ma défense.
Le document n° 2 semble devoir être très long.
Oui, Monsieur le Président.
C’est possible, mais je n’aurai pas besoin d’utiliser la totalité du document. Si je l’utilise, je n’en lirai que des extraits vraisemblablement. Monsieur le Président, je ne lirai qu’un ou deux passages...
Lorsque vous dites que vous avez fait une requête il y a trois mois pour obtenir ces documents, prétendez-vous l’avoir adressée au Tribunal ?
J’ai fait cette requête par l’intermédiaire du Secrétariat général, mais il semble qu’on l’ait mise de côté quand vous avez décidé, Monsieur le Président, que l’affaire de mon client ne serait appelée qu’à la fin des débats. Il est possible qu’il y ait eu un oubli à ce moment-là.
Avez-vous eu connaissance d’une décision sur cette requête ?
Non, Monsieur le Président.
Vous aviez, je crois, présenté une requête aux fins d’ajournement, afin que Bormann fût cité ultérieurement ?
Oui, Monsieur le Président, mais je me trouve dans une situation particulièrement délicate. J’ai entendu de nombreux témoins et fait de nombreux efforts, mais je ne trouve rien à la décharge de mon client. Tous les témoins sont animés d’une haine notable à l’encontre de Bormann et s’efforcent tous de le charger, pour se décharger eux-mêmes. Ce qui entraîne mes difficultés. L’homme lui-même est vraisemblablement mort et ne peut me donner le moindre renseignement. Tous les jours, de nouvelles informations peuvent m’arriver. C’est ainsi, par exemple, qu’il y a quelques jours, un certain Dr von Hummeln, qui fut le collaborateur de Bormann, a été arrêté à Salzbourg. J’irai le voir ; il me donnera peut-être quelques renseignements. Peut-être ne m’en donnera-t-il pas. Je dois donc...
Il est inutile que nous nous préoccupions de cela maintenant. La seule chose qui nous intéresse est votre requête relative aux documents. Sir David, avez-vous quelque chose à dire au sujet des documents ?
Non, je viens d’exprimer mon point de vue. Je ne veux pas revenir plus en détail sur mes arguments car ils ont trait à des questions que je ne considère pas comme pertinentes.
Qu’avez-vous à dire au sujet du document n° 11 ?
Je n’ai pas l’intention d’élever des objections contre les autres documents, Monsieur le Président.
Y en a-t-il encore...
En ce qui concerne le document n° 11, il pourrait donner lieu à discussion, Monsieur le Président. C’est pourquoi je n’élève pas d’objection. Quant aux autres, nous n’avons aucune objection contre les ordonnances de l’adjoint au Führer.
C’est tout ce qui est groupé sous le numéro B ?
Oui, Monsieur le Président, et le Ministère Public n’a aucune objection à formuler.
Bien. (A l’avocat.) Qu’avez-vous à dire sur les objections élevées par Sir David contre les documents 1 à 7 ?
Monsieur le Président, j’ai déjà expliqué mon point de vue dans ma requête. Afin d’épargner le temps du Tribunal, voulez-vous me permettre de me référer à ces explications écrites ? Je n’aurai pas autre chose à dire sur ce point, mais si vous désirez, Monsieur le Président, que je motive mes raisons, je suis prêt à le faire.
Le Tribunal prendra la question en considération.
Monsieur le Président, désirez-vous que nous nous occupions maintenant des autres requêtes essentielles, ou bien préférez-vous les examiner ultérieurement à la fin des explications relatives à l’accuse von Schirach ?
Nous n’avons pas les bases suffisantes pour le faire. Nous ne devions nous occuper ce matin que de la requête relative à Bormann.
Comme il vous plaira, Monsieur le Président.
Monsieur Dodd, nous avons ici un document D-8RO. Il renferme des extraits d’un interrogatoire de l’amiral Raeder, effectué le 10 novembre 1945, à Nuremberg, par le commandant John Monigan. Avez-vous versé ce document au dossier ?
Permettez-moi de me renseigner. Je n’en suis pas certain.
Nous vous ferons remettre ce document.
Je ne crois pas, Monsieur le Président, qu’il ait été déposé.
Il semble qu’il ait été déposé hier ou avant-hier...
Sans toute par erreur.
...à moins que ce ne soit la semaine dernière. Mais vous voudrez bien vous informer et nous faire part du résultat de vos recherches.
Très bien, Monsieur le Président. Voulez-vous reprendre cette copie ?
Docteur Sauter, vous désirez poursuivre l’interrogatoire du témoin Gustav Höpken ?
Monsieur le Président, je poursuis donc l’audition du témoin Höpken.
Monsieur Höpken, nous nous sommes arrêtés hier à l’examen de la question de savoir si, au cours de la période pendant laquelle l’accusé von Schirach est resté à Vienne, il a eu une attitude hostile ou tolérante à l’égard de l’Église. Et la dernière réponse que vous m’avez faite hier avait trait aux relations de l’accusé von Schirach avec le cardinal de Vienne Innitzer. Est-il exact, témoin, que sur l’ordre et au su de l’accusé von Schirach, vous ayez eu pendant votre séjour à Vienne des conversations périodiques avec un ecclésiastique catholique, le doyen-professeur Enz, afin de débattre avec lui des questions touchant à l’Église et aussi d’aplanir les divergences qui auraient pu surgir ?
Oui, c’est exact. Le doyen-professeur Enz, cependant, n’était pas, comme vous le croyez, catholique, mais protestant. Il était doyen de la Faculté de théologie de l’université de Vienne. Au cours de ces fréquentes visites, il a traité avec moi de nombreuses questions ecclésiastiques et religieuses. Je les examinais avec lui et il me priait de soumettre ces problèmes à M. von Schirach, et d’essayer d’obtenir de lui des secours, dans la mesure de ses moyens. C’est ce qu’il n’a pas manqué de faire dans la limite de ses possibilités.
Savez-vous, témoin, que l’accusé von Schirach a ordonné, par exemple, qu’au moment des fêtes de Noël du Parti, les nouveaux chants de Noël nationaux-socialistes devaient être abandonnés au profit des vieux hymnes chrétiens de Noël ?
Je sais qu’à l’occasion des fêtes de Noël du Parti, de la Jeunesse hitlérienne, ou de celles données au profit des soldats blessés, on chantait les vieux chants chrétiens de Noël, tels que « Une rose est éclose... » ou « Nuit tranquille, nuit divine... »...
C’est vraiment là un point qui n’a pas place dans les moyens de preuve.
Témoin, savez-vous si l’accusé von Schirach a publié dans l’organe officiel des Jeunesses hitlériennes, un numéro spécial traitant d’une attitude humaine vis-à-vis des peuples de l’Est ? Et quand ?
Je le sais, oui. Il s’agissait de la revue trimestrielle, parue en avril, juin 1943.
Savez-vous que dans ce même organe officiel de la Jeunesse hitlérienne, à la demande du co-accusé Bormann, devait paraître un numéro spécial antisémite, mais que Schirach a refusé son accord ?
Je le sais. Il est vrai qu’on l’avait demandé tant du ministère de la Propagande de l’époque, que de la Chancellerie du Parti. Chaque fois, von Schirach s’y est opposé.
Témoin, vous savez, n’est-ce pas, que Schirach a visité une fois un camp de concentration ?
Oui, je le sais.
Lequel ?
Le camp de concentration de Mauthausen.
Il m’intéresserait, à propos de cette visite à Mauthausen qui a déjà été éclaircie par la déclaration d’autres témoins, de savoir exactement quand elle a eu lieu ?
Je ne peux pas le dire avec exactitude, mais je puis affirmer qu’elle n’a pas été postérieure à avril 1943.
Pourquoi pouvez-vous le dire ?
En 1943, et plus exactement en avril, je suis sorti de l’hôpital pour reprendre mon service à Vienne. A partir de ce moment, j’ai connu, jusqu’en avril 1945, jour après jour, les faits et gestes de von Schirach. Dès mon arrivée à Vienne en avril 1943, je lui ai demandé, étant donné que j’étais affaibli à la suite de mes blessures et que, d’autre part, j’étais professeur d’éducation physique, s’il ne me serait pas possible de faire un peu de sport le matin entre 7 et 8...
Docteur Sauter, nous ne voulons pas être renseigné sur l’état de santé du témoin !
Témoin, vous venez d’entendre ce que Monsieur le Président vient de vous dire. Je vous ai déjà dit qu’il m’intéressait de savoir quand cette visite à Mauthausen a eu lieu, et vous m’avez répondu, si j’ai bien compris...
Je crois qu’il nous a déjà dit qu’il ne pouvait pas préciser la date de cette visite mais, qu’en tout cas, elle a eu lieu après avril 1943.
Monsieur le Président, je crois que vous avez mal compris le témoin. Témoin, voulez-vous me dire si je vous ai bien compris. Le témoin dit que cette visite est antérieure à avril 1943. Il est impossible qu’elle ait eu lieu ultérieurement.
Docteur Sauter, il a dit, si la traduction est exacte et si je m’en tiens aux notes que j’ai prises, qu’il ne pouvait pas préciser la date exacte.
Oui, mais je voudrais simplement préciser par les déclarations du témoin, qu’en tout état de cause, ce n’était pas après le mois d’avril 1943.
Il l’a déjà dit. Il a déclaré : « Je ne peux pas préciser quand cette visite a eu lieu, mais en tout cas, pas après avril 1943. » Il a dit : « En avril 1943, je suis sorti de l’hôpital pour reprendre mon service à Vienne ; je savais chaque jour où Schirach se trouvait ». J’ai pris note de tout cela.
Oui. Témoin, au cours de cet entretien sur sa visite à Mauthausen, l’accusé von Schirach vous a-t-il dit quelque chose sur les atrocités, les mauvais traitements ou autres, dont il aurait pu avoir connaissance au cours de cette visite ?
Non, il n’a rien dit de tel.
Témoin, nous allons maintenant aborder la question de la déportation des Juifs de Vienne. Dans la mesure où je suis bien informé, vous avez été témoin oculaire d’une conversation entre le Reichsführer SS Himmler et l’accusé Schirach. Voulez-vous nous en parler ? Que s’est-il dit sur la déportation des Juifs au cours de cette conversation ?
Je crois que cela se passait en novembre 1941. Himmler et Schirach revenaient en Prusse Orientale d’un quartier général de Himmler jusqu’à son train spécial. Dans la voiture qui les emmenait, Himmler demanda à von Schirach : « Dites-moi donc, von Schirach, combien de Juifs y a-t-il encore à Vienne ? » Von Schirach répondit : « Je ne peux pas vous le dire avec précision, je les estime à 40.000 ou 50.000. » Alors, Himmler rétorqua : « Il me faut maintenant évacuer ces Juifs de Vienne le plus rapidement possible ». Et von Schirach répondit : « Ces Juifs ne gênent pas, d’autant plus qu’ils portent maintenant l’étoile jaune ». Himmler lui répondit : « Le Führer est très irrité de songer que, sur ce point-là aussi bien que sur beaucoup d’autres, Vienne constitue une exception ; je donnerai moi-même l’ordre à mes services SS compétents de hâter l’exécution de cette mesure ». Voilà tout ce dont je me souviens.
Savez-vous quelque chose du discours antisémite que l’accusé von Schirach aurait prononcé à Vienne, à un congrès, en décembre 1942, et qui le Ministère Public a versé au dossier ?
Oui.
Le contenu de ce discours, nous le connaissons. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir, témoin, si vous avez connaissance tout particulièrement du fait que Schirach a pu vous parler de certaines choses, et s’il a pu vous dire pourquoi il avait prononcé ce discours antisémite ?
Je sais par un journaliste du nom de Günther Kaufmann, dont on a parlé hier, que, peu après ce discours, von Schirach lui a donné l’ordre de téléphoner à Berlin, au DNB, au bureau allemand d’information, le contenu de chacun des points de ce discours, avec la remarque qu’il avait eu de bonnes raisons d’avoir, sur ce point précis, fait une concession à Bormann.
Pourquoi une concession ?
J’imagine que Schirach savait que sa position à Vienne était précaire et que, surtout à la Chancellerie du Parti, il était bon que l’on sût qu’il avait parlé sur un ton rigoureux à Vienne.
Vous étiez, à Vienne, chef du bureau central de Schirach ? Est-ce que tout le courrier adressé à Schirach passait par vos mains ?
Non, pas la totalité du courrier, mais la plus grande partie. Le courrier direct et personnel ne passait pas par mes mains.
Et le reste du courrier ?
Il passait par mon bureau.
Témoin, nous avons ici une série de documents qui ont été soumis au Tribunal. Il s’agit là de rapports d’activité ou de comptes rendus sur la situation, que le chef de la Police de sûreté adressait, je crois, chaque semaine, ou chaque mois, et ces documents ont été soumis au Tribunal sous le numéro PS-3943. Ces informations émanent de Vienne, et étant donné que vous connaissez bien, en raison de votre activité, la compétence de votre bureau central de Vienne, je vais vous faire soumettre certains de ces documents. Je vous prie de les examiner et de nous dire ensuite si, à la vue de ces documents qui sont surtout des photocopies, vous êtes à même de préciser si ces rapports des SS vous sont parvenus personnellement, ou à l’accusé von Schirach, ou encore s’ils ont été adressés à un autre bureau. Et à propos, témoin, j’attire tout particulièrement votre attention sur la façon dont ces documents sont paraphés. Je vous prierai, à propos de chacun de ces documents, de préciser qui, d’après le paraphe, a pu le contresigner et ce qu’il advenait ultérieurement des documents en question. Je vous prie également de bien vouloir nous dire qui sont ces fonctionnaires désignés dans les documents comme fonctionnaires du commissariat de la défense du Reich, tels, par exemple, le Dr Fischer et d’autres.
Monsieur le Président, il s’agit des documents au sujet desquels le Tribunal, spontanément, a posé l’autre jour des questions à l’accusé.
Oui, je sais ce que sont ces documents, mais il me semble que je n’ai pas très bien compris votre question. Vous en avez posé plusieurs à la fois. Poursuivez, Docteur Sauter. Comme vous le savez, nous examinerons ces documents et il me semble que le témoin doive être en mesure de vous fournir maintenant sa réponse.
Oui, Monsieur le Président, mais le témoin doit d’abord, naturellement, examiner les documents ; il doit déterminer quel est le fonctionnaire qui a paraphé ces documents, et ce que le fonctionnaire compétent a pu ordonner par la suite. C’est ce que je dois demander au témoin afin de préciser ce que ces documents...
Je pensais qu’il avait déjà examiné ces documents.
Non, Monsieur le Président, ils viennent de lui être remis au cours du contre-interrogatoire, et il ne m’a pas été possible d’en parler au préalable avec le témoin.
Ils ont certainement été remis avant ce matin ?
A moi, sans doute ; au témoin, non.
Et bien, continuez Docteur Sauter.
Témoin, que déduisez-vous de ces documents ? Est-ce que ces documents sont parvenus à la connaissance de l’accusé von Schirach ? Quelle a été la situation exacte ?
Ces documents ne sont pas passés par le bureau central, ils sont paraphés, comme je le vois ici, par un certain Dr Felber. Je le connais. C’est un rédacteur de l’ancien Président du Gouvernement de Vienne, chargé spécialement des affaires touchant le commissaire de la défense du Reich. Je dois déduire de l’examen de ces dossiers qu’ils ont été envoyés directement du Service central du SD de Berlin, au bureau du Président du Gouvernement, où ils ont été classés dans les dossiers. Mais je n’y vois pas le paraphe de von Schirach.
Le Président du Gouvernement était un certain Dr Dellbrügge ?
Dr Dellbrügge.
Et ce Dr Felber, dont vous avez parlé ici, était un subordonné du Président du Gouvernement ?
C’était un subordonné du Président du Gouvernement.
Et lorsque ces documents vous étaient parvenus, comment les soumettiez-vous ? Étaient-ils distribués par la poste ou par un autre organisme ? Les remettiez-vous vous-même ou bien le Président du Gouvernement avait-il un propre bureau de courrier ? Que se passait-il ?
Je vous ai déjà dit que ces documents devaient aller directement au bureau du Président du Gouvernement, qui avait un bureau de réception du courrier qui lui était propre.
D’où déduisez-vous maintenant que l’accusé von Schirach n’a pas eu connaissance de ces documents ?
Du fait qu’il n’a pas paraphé ces documents. Lorsqu’on lui soumettait des documents, on pouvait voir ensuite la mention : « z. K. g. » (zur Kenntnis genommen) « Pris connaissance », et les initiales B. v. S. de Baldur von Schirach. Je ne lés vois pas sur ce document.
Mais si le Président du Gouvernement Dellbrügge...
Je ne crois pas que le Ministère Public ait prétendu, Docteur Sauter, que ces documents portaient les initiales de von Schirach. Il ressort clairement des preuves soumises par l’accusé qu’il n’a pas signé ces documents, et M. Dodd ne l’a pas contesté.
Oui, Monsieur le Président, mais je crois qu’il est tout de même d’importance de déterminer si l’accusé von Schirach a eu connaissance de ces documents.
Pourquoi demandez-vous continuellement au témoin si ces documents portent la marque de von Schirach ? Comme je l’ai déjà dit, ce fait a déjà été prouvé et n’a pas été contesté.
Témoin, j’ai là une autre collection de documents qui ont été déposés en bloc sous le numéro PS-3876. Il s’agit d’autres rapports du chef de la Police de sûreté, comportant des adresses différentes. On y trouve, entre autres : « M. le commissaire pour la défense du Reich de la XVIIe région militaire » — c’était Vienne — « à l’attention du Dr Fischer à Vienne ».
Je voudrais savoir qui était ce Dr Fischer ? Était-il au bureau central ? Qui était-il ?
Je ne connais de Dr Fischer ni au bureau central, ni à la chancellerie du Gouverneur.
Mais alors, comment vous expliquez-vous que dans ces rapports courants figurait toujours la mention : « M. le commissaire pour la défense du Reich de la XVIIe région militaire, à l’attention du conseiller du Gouvernement, Dr Fischer » ?
J’imagine qu’il s’agissait là d’un collaborateur du conseiller supérieur du Gouvernement, le Dr Felber, qui était chargé de l’étude spéciale de ces documents qui étaient secrets, comme je le vois, et, à ce titre, lui était personnellement adressés.
D’après vos connaissances de ce qui se passait, le Président du Gouvernement, Dellbrügge, ne rendait-il pas compte à l’accusé von Schirach de ces rapports qui lui parvenaient, ou ne chargeait-il pas un de ses subordonnés de faire ce compte rendu ?
Le Président du Gouvernement, dans les questions qui intéressaient le Reichsstatthalter et le commissariat de la défense du Reich, rendait compte directement à M. von Schirach. Mais je n’assistais pas à ces conversations, et je ne puis dire s’il entrait dans les détails au cours de ces comptes rendus qu’il faisait à von Schirach.
Peut-on déduire de ces documents que le Président du Gouvernement ou un de ses subordonnés rendait compte à l’accusé von Schirach de la teneur de ces rapports ?
Vraisemblablement oui, car dans ce cas, le Président du Gouvernement ou le fonctionnaire chargé de ce travail aurait dû mentionner sur le document : « Classé après rapport au Reichsstatthalter » ou « Pour diligence ultérieure ».
Mais les documents que vous avez sous les yeux ne portent rien de tel ?
Non, les documents que j’ai là ne portent rien de tel.
Mais dans les autres documents, il n’y a rien de tel non plus. Est-ce que vous en déduisez que l’accusé von Schirach n’a pas été tenu au courant de ces documents ?
Oui, je suis obligé d’en déduire que l’accusé von Schirach n’a pas été informé de ces questions.
Témoin, l’accusé von Schirach cumulait à Vienne les fonctions de chef de l’administration de l’État, en sa qualité de Reichsstatthalter, de chef de l’administration municipale de la ville, en sa qualité de bourgmestre en chef, et de chef du Parti, en sa qualité de Gauleiter. Nous savons maintenant qu’il a eu un remplaçant permanent dans chacun de ces services. Je voudrais savoir qui a, par exemple, été chargé normalement des affaires du commissaire de la défense du Reich et du Reichsstatthalter, c’est-à-dire des affaires de l’administration de l’État ?
Je l’ai déjà dit : c’est le Président du Gouvernement de l’époque, le Dr Dellbrügge.
Et qu’a fait l’accusé von Schirach dans le domaine de l’administration de l’État, par exemple ?
Le Président du Gouvernement lui rendait compte d’une manière permanente ; après quoi, von Schirach prenait ses décisions qui étaient transmises pour exécution aux fonctionnaires ou aux services compétents.
Si je vous comprends bien, par conséquent, l’accusé von Schirach ne s’est occupé que de questions que le Président du Gouvernement lui présentait ou que quiconque soumettait à son approbation par écrit. Est-ce exact ?
Oui, c’est exact.
Témoin, est-ce que vous étiez vous-même membre des SS ?
Non, je n’ai jamais été membre des SS.
Des SA ?
Non plus.
Savez-vous que ces trois représentants permanents que l’accusé von Schirach avait à Vienne : le Président du Gouvernement, le Gauleiter adjoint et le bourgmestre, étaient tous trois des chefs SS ?
Oui, je le sais.
Mais comment cela se fait-il ? L’accusé von Schirach a-t-il lui-même choisi ces gens, ou comment expliquez-vous que ces trois représentants de l’accusé aient été des chefs SS ?
Le Gauleiter adjoint Scharizer était chef SS à titre honorifique et, si j’ai bonne mémoire, haut dignitaire du Parti. Lorsque von Schirach arriva à Vienne, Scharizer exerçait déjà ses fonctions à Vienne depuis plusieurs années.
En quelle qualité ?
En qualité de Gauleiter adjoint. Je ne sais pas quand le Président du Gouvernement, le Dr Dellbrügge, est arrivé à Vienne, mais j’estime qu’il a dû arriver un peu avant von Schirach ou en même temps que lui. Par ailleurs, les présidents du Gouvernement étaient nommés par le ministère de l’Intérieur, de sorte que von Schirach n’aurait pas pu avoir la moindre influence pour l’éviter ou choisir lui-même à son gré un président du Gouvernement. Il en allait de même pour le bourgmestre.
C’était un certain Blaschke ?
Oui, c’était le Brigadeführer SS Blaschke qui, lui aussi, avait été nommé bourgmestre par le ministre de l’Intérieur.
Par le ministre de l’Intérieur ?
Oui, par le ministre de l’Intérieur.
Quand cela se passait-il ?
Cela se passait, je crois, en 1944, en janvier ou février 1944.
Est-ce que vous savez que ce Brigadeführer SS Blaschke exerçait déjà, avant l’arrivée de von Schirach. à Vienne, les fonctions de conseiller municipal ou même de premier adjoint ?
Il a été conseiller municipal et je crois qu’il a été premier adjoint, mais à une époque qui précéda mon arrivée à Vienne.
Savez-vous que l’accusé von Schirach s’est refusé assez longtemps à ce que cet Oberführer ou Brigadeführer SS Blaschke fût nommé bourgmestre de Vienne ?
Oui, pendant six ou neuf mois, il s’est opposé à cette nomination, et par la suite, si j’ai bonne mémoire, il a obtenu du ministre de l’Intérieur que ce Blaschke ne soit pas nommé bourgmestre à titre définitif.
Témoin, quels étaient les rapports exacts de l’accusé von Schirach avec les SS et les officiers SS ? Ces relations étaient-elles particulièrement cordiales, amicales ou autres ?
Si j’ai bonne mémoire, à ma connaissance, Schirach ne fréquentait les chefs SS que dans le cadre des nécessités du service, sans plus.
Était-il lié d’amitié avec des membres des SS ?
Non, je l’ignore. En tout cas, moi-même, je n’ai pas eu connaissance d’amitiés de ce genre.
Est-ce qu’il ne vous a jamais parlé de sa situation vis-à-vis des SS ?
J’ai déjà dit tout à l’heure qu’il avait le sentiment qu’il se trouvait sous une certaine surveillance et qu’il éprouvait, de ce fait, une certaine défiance.
Un méfiance vis-à-vis de qui ?
Vis-à-vis des SS.
Témoin, savez-vous par quel canal l’accusé von Schirach recevait ses informations de presse étrangère ?
Il les recevait du service de la propagande du Reich à Vienne et il s’agissait d’extraits qui étaient diffusés par le ministère de la Propagande du Reich en collaboration avec le chef de la Presse du Reich de l’époque, le Dr Dietrich. Mais ils étaient choisis et passés au crible.
Avez-vous habité pendant longtemps à Vienne avec M. von Schirach ?
Depuis 1944, je logeais dans sa résidence.
Preniez-vous aussi vos repas avec lui ?
Oui, je prenais aussi mes repas avec lui.
Est-ce que l’accusé von Schirach ne s’est pas procuré des informations de l’étranger par les émetteurs étrangers.
Non. En aucun cas, je crois, parce qu’après chaque repas que nous prenions en commun, il écoutait avec moi et avec quelques-uns de nos collaborateurs la radio officielle allemande. D’autre part, s’il l’avait fait, la chose, selon moi, eût été connue ; car il avait, je vous l’ai dit, l’impression qu’il, était surveillé.
Docteur Sauter, le témoin ne peut nous dire que ce qu’il connaît. Comment peut-il savoir si von Schirach a écouté la radio étrangère ? S’il ne le sait pas, pourquoi ne l’interrogez-vous pas sur d’autres points ?
Le témoin a expliqué, Monsieur le Président, qu’au cours de la dernière époque où il se trouvait à Vienne, et si j’ai bien compris, à partir du printemps 1944, il vivait à la résidence même de l’accusé von Schirach.
Oui, je sais. Et il a ajouté qu’il ne pensait pas que l’accusé écoutait la radio étrangère. Que voulez-vous de plus ? Que peut-il prouver de plus sur ce point ?
C’est tout ce que je voulais entendre, Monsieur le Président.
Oui, mais il nous l’a déjà dit. Je l’ai pris en note. Pourquoi ne passez-vous pas à une autre question ?
Savez-vous, témoin, qu’au cours des dernières semaines de la résistance de Vienne, un ordre est venu de Berlin d’après lequel tous les défaitistes, qu’ils fussent hommes ou femmes, devaient être pendus ? Quelle a été l’attitude de Schirach vis-à-vis de cet ordre ?
Je sais que des tribunaux d’exception devaient être constitués qui devaient avoir pour mission, au moyen d’une procédure rapide, de condamner des gens qui s’étaient révélés défaitistes, ou qui s’opposaient à la continuation de la guerre. Ce tribunal d’exception a été créé à Vienne où, pour mieux dire, ses membres en ont été nommés. Mais ce tribunal n’a jamais siégé et, par conséquent, n’a prononcé aucune décision.
Est-ce que ce tribunal d’exception, ce tribunal spécial de l’accusé von Schirach a quelquefois délibéré ?
Non, pas à ma connaissance.
Vous ne savez rien à ce sujet ?
Docteur Sauter, ce point également a été précisé dans l’interrogatoire de von Schirach et on a admis au cours du contre-interrogatoire que cette juridiction d’exception ne s’était jamais réunie.
Témoin, est-ce que vous savez qu’au cours des dernières semaines un ordre est venu de Vienne, prescrivant de créer des groupes de partisans, vêtus de vêtements civils ? Quelle a été l’attitude de von Schirach sur ce point ?
J’ignore que des groupes de partisans devaient être créés, mais je sais qu’on devait mettre sur pied un corps franc « Hitler », qui devait, bien entendu, être en vêtements civils. Schirach a ordonné de ne pas recruter pour ce corps franc les gens qui habitaient le Gau de Vienne.
Pourquoi pas ?
Parce qu’il considérait que toute résistance à ce moment-là était insensée et que la création d’un corps franc était une parfaite entorse au Droit international.
J’ai maintenant une dernière question à vous poser, témoin : vous êtes resté auprès de Schirach jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce qu’il eût quitté Vienne ?
Oui.
Est-ce que Schirach a donné un ordre quelconque pour faire sauter à Vienne des ponts, des églises, ou des quartiers d’habitation ?
Non. Je n’ai pas connaissance de cela.
Mais encore ?
Les ordres pour faire sauter les ponts, ainsi que les instructions pour la défense, n’ont pu être donnés, à ma connaissance, que par les autorités militaires.
Mais pas par Schirach ?
Non.
Je n’ai plus de question à poser au témoin, Monsieur le Président.
Est-ce que d’autres avocats désirent interroger ce témoin ? Le Ministère Public ?
Témoin avez-vous examiné tous les dossiers qui étaient dans le bureau de Schirach lorsque vous étiez son aide de camp ?
J’ai déjà dit à l’avocat que la plus grande partie du courrier passait par le Bureau central.
Je désire vous montrer un document qui a déjà été déposé, et vous demander s’il vous est possible de nous dire si vous l’avez déjà vu. (Le document est remis au témoin.) Avez-vous déjà vu ce document ?
Je ne connais pas officiellement ce document, d’autant plus qu’il est daté du 28 mai 1942 et qu’à cette époque j’étais officier dans l’Aviation.
Bien. Vous ne voulez donc pas faire admettre au Tribunal que vous connaissiez le contenu des archives de Schirach, car ce document se trouvait certainement dans ses archives à l’époque où vous étiez son aide de camp, mais vous ne l’avez jamais vu. Il porte la mention « Bureau central » et vous étiez chargé précisément de vous occuper de ces archives. Vous n’avez jamais vu cependant ce télétype adressé à Bormann ? Vous ne connaissiez donc pas le contenu de toutes les archives ?
J’ai dit que la plus grande partie du courrier passait par mon bureau, mais, bien entendu, étant donné qu’à cette époque je ne me trouvais pas à Vienne et que je n’y suis arrivé qu’en avril 1943, je ne pouvais pas voir après coup tout le contenu de tous les dossiers qui pouvaient se trouver dans les archives des bureaux de Reichsstatthalterei. Il m’aurait fallu des années.
D’après la traduction qui me parvient, vous dites que vous êtes arrivé à Vienne en. avril 1942 ?
1943.
Je voudrais vous poser une autre question. Vous étiez à Vienne au cours des derniers jours, je suppose, quand la ville a été prise par les Forces alliées ?
Je suis resté à Vienne jusqu’en avril 1945.
Qu’est-il advenu des archives de Schirach quand on se rendit compte que la fin approchait ? Qu’avez-vous fait de toutes les archives qui dépendaient de vous ?
Je n’avais pas d’archives sous ma compétence. J’étais chef de bureau. Mes collaborateurs...
Vous comprenez bien ce que je veux dire... Vous étiez chef du bureau ou du service où l’on conservait ces dossiers. Je voudrais savoir ce que vous en avez fait ?
Je n’ai donné aucun ordre en ce sens.
Savez-vous ce qui est advenu de ces archives ?
Non. Je ne le sais pas.
Vous savez que quelque temps avant la prise de la ville, on les a évacués du bureau ?
Non. Je ne le sais pas,
Les archives se trouvaient-elles encore là le dernier jour de votre présence ?
Probablement, oui.
Je ne veux pas un « probablement », je veux que vous indiquiez si vous le savez. Et si vous le savez, vous devez nous le dire. Est ce que les archives se trouvaient encore là le dernier jour de votre présence dans le service ?
Je n’ai pas donné l’ordre de les détruire ou de les transporter ailleurs.
Ce n’est pas cela que je vous demande. Je vous demande ce que ces archives sont devenues, ou si elles se trouvaient là le dernier jour de votre présence dans le service ?
Je ne sais pas ce qu’elles sont devenues. Et j’ignore aussi si elles étaient encore là le dernier jour.
Vous ne savez pas qu’elles ont été évacuées dans une mine de sel en Autriche ?
Non. Je ne le sais pas.
Vous n’en avez jamais entendu parler ? Vous ne savez pas qu’elles ont été évacuées et qu’elles ont été découvertes par la suite, par les Forces alliées dans une mine de sel ?
Non. Je ne le sais pas.
Je ne fais pas allusion, en fait, que vous ayez appris qu’elles avaient été découvertes, mais vous saviez certainement qu’elles avaient été évacuées du service ?
Non. Je l’ignore. Et je n’ai donné aucun ordre en ce sens.
Je vais vous demander quelque chose : pouvez-vous expliquer au Tribunal pourquoi ce document que je vous ai montré et ces rapports que vous avez examinés et remis au Dr Sauter ont été trouvés parmi les archives de Schirach dans une mine de sel ? Avez-vous une explication à donner à ce sujet ?
Non, je ne puis l’expliquer.
Ils se trouvaient tous ensemble. Est-ce que cela vous suggère quelque chose ? Avez-vous une explication ?
Non. Je ne sais pas. Je peux simplement déclarer que, vraisemblablement, le chef de la Reichsstatthalterei ou un de ses subordonnés, compétent en la matière, a pu donner un ordre dans ce sens, mais en tout cas à mon insu et sans que j’en aie donné l’ordre moi-même.
Pouvez-vous préciser exactement au Tribunal la date à laquelle vous avez quitté votre bureau à Vienne ou le dernier jour de votre présence à votre bureau ?
Ce devait être le 3 ou le 4 avril.
Quand la ville a-t-elle été prise ?
J’ai vu ultérieurement dans les journaux qu’elle était tombée définitivement le 13 avril aux mains des Alliés.
Von Schirach, ses subordonnés et vous - même, avez-vous tous quitté vos bureaux à cette même date, le 3 ou le 4 avril ?
Schirach, son aide de camp et moi avons abandonné le bureau ce jour-là ; Schirach avait établi depuis peu son cabinet dans sa résidence et il y travaillait.
A-t-il transféré des archives quelconques de son bureau dans sa résidence ?
Oui, mais simplement ce dont il avait besoin pour l’expédition des affaires courantes, c’est-à-dire les affaires en instance.
Avez-vous laissé quelqu’un pour s’occuper des archives quand vous avez quitté les bureaux avec Schirach le 3 ou le 4 avril ? Et si vous l’avez fait, qui était chargé de cette surveillance ?
Je n’ai prescrit aucune surveillance. Ce sont les employés de la section du courrier qui l’ont fait spontanément.
J’essaie de comprendre et je crois que ce serait important pour le Tribunal si vous avez simplement quitté le bureau en abandonnant tout ce qui s’y trouvait, ou bien si vous avez été avec von Schirach seuls à partir, en laissant vos collaborateurs en place, ou bien si la confusion qui a régné à ce moment-là a été telle que personne n’est resté au service. Je me représente très mal la situation et je crois que ce détail est d’importance. Vous devriez nous dire ce qu’il en est. Vous êtes parti avec l’accusé. Quelle était la situation le 3 ou le 4 avril ? La ville a été prise dix jours plus tard environ. Elle était assiégée et il régnait un grand désordre. Qu’avez-vous décidé de faire de vos dossiers et de vos archives quand vous avez, ce jour-là, quitté votre bureau ? Vous n’êtes pas parti les mains dans les poches, sans laisser la moindre directive ?
Je crois qu’on n’a pas très bien compris les attributions du Bureau central dont j’ai été le chef pendant les derniers mois. Ce bureau n’avait aucune compétence pour traiter les affaires en dernier ressort. C’est le Reichsstatthalter compétent qui s’en occupait, c’est-à-dire le président du Gouvernement qui, vraisemblablement...
Je ne veux de vous aucune explication sur l’organisation de votre bureau. Mais je désire seulement savoir si vous avez laissé vos archives et si vous en avez confié la garde à quelqu’un ?
Les papiers, à ma connaissance, sont restés sur place et les archivistes compétents avaient mission de s’en occuper.
Avez-vous ordonné la destruction de certains papiers avant de quitter votre bureau, le 3 ou le 4 avril ?
Je n’ai rien détruit moi-même, à la Reichsstatthalterei. Je n’avais aucune autorité pour le faire.
Est-ce que quelqu’un, à votre connaissance, a ordonné la destruction de quelque chose ? L’avez-vous fait vous-même ou non ?
Si des ordres ont été donnés, je ne sais pas qui les a donnés.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Quel est le document que vous avez soumis ?
USA-865. C’est le document PS-3877, un télétype adressé par Schirach à Bormann le 28 mai 1942.
Quel numéro USA ?
USA-865. Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Désirez-vous interroger à nouveau le témoin, Docteur Sauter ?
Quel numéro USA ?
USA-865. Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Je voudrais revenir sur ce que le représentant du Ministère Public vous a demandé à l’instant. Il paraît que des dossiers de la Reichsstatthalterei auraient été transportés dans un moulin, non, dans une mine de sel ; nous avions compris moulin, mais il s’agit d’une mine de sel. Est-ce que vous aviez la supervision des dossiers de la Reichsstatthalterei ?
Non. Je n’avais aucun contrôle à exercer sur les archives. Je l’ai déjà expliqué. C’est pourquoi je n’étais pas à même de donner l’ordre de les transporter. J’avais appris longtemps avant que des tableaux, des objets de valeur, etc., avaient été stockés.
Les autres employés du Bureau central étaient-ils des Viennois ? Sont-ils restés dans le Bureau ? Que savez-vous à ce sujet ?
Bien entendu, la plupart d’entre eux étaient Viennois et il est vraisemblable qu’ils sont restés sur place. Je leur avais fait mes adieux et nous nous sommes séparés. Je leur ai demandé si je pouvais faire quelque chose pour eux, puis j’ai quitté Vienne.
Je n’ai pas d’autres questions à poser, Monsieur le Président.
Le témoin peut se retirer. Nous allons suspendre l’audience.
Après avoir examiné la requête adressée au nom de l’accusé Bormann, le Tribunal autorise la citation du témoin n° 1, Elsa Krüger. Il admet également les témoins 3 et 4, le Dr Klopper et Helmut Friedrich. Il autorise en outre le témoin dont je ne sais pas le nom qui remplace le n° 2, Christians, je crois.
Les requêtes relatives aux documents 1 à 7 sont rejetées, mais le Tribunal prendra en considération toutes requêtes concernant les documents, dont la traduction est désirée par les avocats qui sont désignés pour traiter les points de droit généraux au nom de tous les accusés.
Le document n° 11 peut être traduit.
L’avocat de l’accusé Bormann peut prendre connaissance des documents mentionnés au chiffre III de la requête. Il pourra également utiliser les documents contenus dans la rubrique B.
La décision finale sur l’admissibilité de tous ces documents sera prise ultérieurement au moment où ces documents seront présentés.
Je voudrais encore régler une question : elle concerne la requête du Dr Servatius au nom de l’accusé Sauckel. On m’a informé que le témoin Timm se trouvait à la prison de Nuremberg ainsi que le témoin Biedemann. Le témoin Hildebrandt arrivera sans aucun doute à Nuremberg dans la journée d’aujourd’hui. On ignorait sa résidence, mais on vient de le découvrir. Le témoin Jäger est en zone d’occupation britannique. Le secrétariat britannique essayera, avec l’aide des autorités militaires, de le faire comparaître ici. Le témoin Stothfang n’a pas encore pu être découvert. Il semble qu’une erreur se soit glissée dans les indications d’identité qui ont été fournies au Secrétaire général. Le témoin Mitschke n’a pas encore pu être découvert, malgré tous les efforts qui ont été entrepris pour retrouver sa résidence.
J’en ai terminé.
Je demande maintenant l’autorisation de faire comparaître le témoin Fritz Wieshofer ; je l’interrogerai très brièvement, Monsieur le Président, car la majorité des points ont été éclaircis par les autres témoins. (Le témoin s’approche de la barre.)
Quel est votre nom ?
Fritz Wieshofer.
Voulez-vous répéter ce serment après moi : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir si vous le désirez.
Monsieur Wieshofer, quel est votre âge ?
31 ans.
Vous êtes marié ?
Oui.
Vous avez des enfants ?
Un fils.
Étiez-vous membre du Parti ?
J’étais candidat au Parti depuis 1938.
Seulement candidat ?
Oui.
Étiez-vous un membre des SS ou des SA ?
J’étais dans les Waffen SS.
Depuis quand ?
Depuis juin 1940.
Vous êtes Autrichien de naissance ?
Je vous prie de bien vouloir répéter. Je n’ai pas compris.
Vous êtes Autrichien de naissance ?
Je suis Autrichien.
Quand êtes-vous entré à la Direction des jeunesses du Reich ?
Le 3 octobre 1940, je suis venu voir M. von Schirach.
Que faisiez-vous auparavant ?
J’ai eu une fonction provisoire au ministère des Affaires étrangères.
Pendant combien de temps ?
De mai à octobre 1940.
Et auparavant ?
J’étais employé à la direction du Gau de Carinthie.
Vous n’avez rien eu à voir auparavant avec la Jeunesse hitlérienne ?
Non.
En octobre 1940 vous êtes venu trouver Schirach à Vienne ?
Oui, à Vienne.
En quelle qualité êtes-vous arrivé à Vienne ?
En qualité d’aide de camp de M. von Schirach.
Et quelles étaient vos fonctions principales ?
En tant qu’aide de camp, j’étais responsable du courrier, de l’horaire des réceptions, des dossiers nécessaires aux conférences, des préparatifs des voyages et de leur exécution.
Vous occupiez-vous de Schirach en sa seule qualité de Reichsstatthalter, ou de Gauleiter, ou de bourgmestre ?
J’étais...
Voulez-vous attendre après ma question afin que les interprêtes puissent suivre.
J’étais aide de camp de M. von Schirach pour toutes ces fonctions.
Aviez-vous également à prendre connaissance des dossiers secrets ?
Oui.
Témoin, je n’ai que quelques questions à vous poser. Il m’intéresserait de savoir entre les mains de qui reposait la déportation des Juifs ?
A mon avis, la déportation des Juifs dépendait de l’Office principal de la sécurité du Reich (RSHA), dont le représentant à Vienne était un Dr Brunner, Obersturmführer SS.
Officiellement, avez-vous vu le Dr Brunner pour ces questions de déportation des Juifs et pour quel motif ?
Il arrivait que des Juifs touchés par la déportation adressaient une requête écrite à M. von Schirach en le priant de les soustraire, par exception, à cette mesure. Dans de tels cas, M. von Schirach par l’intermédiaire du chef de son bureau central, faisait intervenir auprès du service du Dr Brunner en demandant de donner suite à la prière de l’intéressé. J’ai dit que le bureau central était généralement chargé de cela. Je me souviens que, dans deux cas, c’est moi-même qui ai reçu l’ordre d’intervenir auprès du Dr Brunner et non par lettre ou par téléphone, mais personnellement.
Ce Sturmführer SS, Dr Brunner, vous a-t-il dit ce qu’il adviendrait de ces Juifs après leur déportation de Vienne ?
Le Dr Brunner me raconta seulement, au cours de l’une de ces interventions, que cette action, cette migration des Juifs, avait pour but de les transférer du Gau de Vienne, du territoire de Vienne, dans le territoire de l’ancien Gouvernement Général. Il me raconta également sous quelle forme cela se passerait. Il me dit, par exemple, que pour les femmes et les petits enfants on se servirait, en principe, de compartiments de seconde classe, qu’il y aurait un ravitaillement suffisant pour le voyage et suffisamment de lait pour les enfants. Il me raconta en outre que ces émigrés, une fois arrivés à leur lieu de destination, seraient immédiatement employés par les services de la main-d’œuvre, pour autant qu’ils pourraient travailler, qu’on les mettrait d’abord dans des camps de rassemblement et qu’ils recevraient des logements dès que la possibilité en serait obtenue. Il me signala aussi que sa tâche avait été très alourdie par les nombreuses interventions qu’avait sollicitées M. von Schirach.
Avez-vous parlé avec l’accusé von Schirach... Je poserai ma question différemment : avez-vous vu une fois un ordre interdisant aux Gauleiter d’intervenir en faveur des Juifs ? Et avez-vous parlé de cet ordre avec Schirach ?
Je me souviens d’un ordre de 1940 ou du début 1941, d’un ordre écrit stipulant : « On attire encore une fois l’attention sur le fait... » Il s’agissait probablement de la répétition d’un ordre déjà promulgué. Le contenu de cet ordre prévoyait qu’il était interdit aux Gauleiter d’intervenir à l’avenir en faveur des Juifs.
En avez-vous parlé avec Schirach ?
J’en ai parlé avec M. von Schirach.
Qu’a-t-il dit ?
Pour autant que je me souvienne, M. von Schirach a écrit sur cet ordre : « Classer archives » mais n’a pas fait de commentaires.
Une autre question, témoin. L’accusé von Schirach s’est rendu une fois au camp de concentration de Mauthausen. Pouvez-vous nous dire quand ?
Je ne puis le dire avec précision, mais je puis cependant déclarer que lorsque je revins du front, c’était ou à l’automne 1942 ou en juin 1943, l’aide de camp de l’époque me raconta qu’il avait accompagné M. von Schirach dans un camp de concentration et il s’agissait de Mauthausen. Quelques temps plus tard, je crois que c’était au moment de mon deuxième retour du front, à la fin 1943, M. von Schirach me raconta qu’il était allé à Mauthausen. Je me souviens seulement qu’il me déclara y avoir entendu un concert symphonique...
Cela nous intéresse moins : nous le savons déjà. Je ne m’intéresse qu’à une seule chose : plus tard, a-t-il encore visité Mauthausen ou un autre camp de concentration ? Pouvez-vous nous donner des renseignements précis sur ce point ?
Je puis donner sur ce point des renseignements précis. C’est absolument impossible, car, à partir du mois de novembre 1943 jusqu’à la défaite, j’ai exercé mes fonctions sans interruption et je savais, jour et nuit, où M. von Schirach se trouvait.
En 1944, est-il retourné à Mauthausen ?
Non, certainement pas.
Témoin, vous vous souvenez que vers la fin de la guerre des ordres ont été diffusés par un service quelconque enjoignant de ne plus épargner les aviateurs ennemis contraints d’atterrir. Le savez-vous ?
Oui.
Savez-vous que ces ordres venaient de n’importe où ?
Oui.
Comment l’accusé Schirach s’est-il comporté en face de ces ordres et d’où le tenez-vous ?
J’ai parlé de ces ordres avec M. von Schirach. Il a toujours rejeté l’opinion exprimée dans ces ordres et a toujours déclaré que ces aviateurs devaient être traités comme des prisonniers de guerre. Il m’a dit un jour que si nous ne le faisions pas, nous courrions le danger de voir nos adversaires infliger le même traitement à leurs prisonniers, c’est-à-dire à des Allemands.
Avez-vous, vous-même, vécu un cas dans lequel l’accusé von Schirach ait ainsi traité des aviateurs ennemis ?
Oui.
Racontez, je vous prie.
Lors de l’une des dernières attaques aériennes sur Vienne, au mois de mars 1945, un avion américain fut abattu aux environs de l’immeuble des services du Gau qui se trouvait sur une colline boisée des environs de Vienne et où une partie de la population se rendait pendant les alertes. M. von Schirach se trouvait sur un échafaudage de trente-deux mètres où il avait coutume de se tenir au moment des attaques aériennes. Il observa comment l’équipage américain sortait de l’avion. Il ordonna immédiatement au commandant d’armes de se rendre en voiture sur le lieu de la chute, afin de protéger l’aviateur américain contre la population. L’aviateur fut amené au poste de commandement et, après l’attaque, remis comme prisonnier au commandant de la 17e région aérienne.
Quand avez-vous quitté Vienne ?
J’ai quitté Vienne avec M. von Schirach le 13 avril 1945.
Quand ?
Le 13 avril.
Le 13 avril, avec l’accusé von Schirach ?
Oui, avec M. von Schirach.
Voici la dernière question que je vais vous poser, témoin. Avez-vous jamais entendu de la bouche de l’accusé von Schirach que Vienne devait, quoi qu’il arrivât, être défendue jusqu’au dernier homme ou que des destructions devaient être faites à Vienne ?
Je n’ai jamais entendu ni l’un ni l’autre de la bouche de M. von Schirach.
Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres questions à poser au témoin.
Témoin, connaissez-vous le « Prater » à Vienne ?
Oui, naturellement, je suis Viennois.
Quel genre d’établissement est-ce ?
Le « Prater » est un lieu de plaisir, tout au moins l’était.
Était-il fermé pendant la guerre ?
Non, le « Prater » n’était pas fermé pendant la guerre.
Quelles sortes de gens y rencontrait-on ?
Pendant la guerre ?
Oui.
Des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des Viennois, tout simplement. En un mot tous les gens qui se trouvaient à Vienne.
Y avez-vous vu des ouvriers étrangers ?
Oui.
Nombreux ou isolés ?
A Vienne, on se plaisait à dire que, lorsqu’on voulait chercher quelqu’un au « Prater », il fallait parler le français, le russe, car avec le Viennois on ne pouvait s’en sortir. Le « Prater » était rempli d’ouvriers étrangers.
Comment étaient-ils habillés, bien ou mal ?
Les étrangers étaient bien habillés, à tel point qu’on ne pouvait les distinguer de la population. On reconnaissait seulement à la langue qu’ils étaient étrangers.
Leur ravitaillement ? Avaient-ils l’air affamés ?
Pour autant que je l’ai observé, les ouvriers avaient une mine d’hommes bien nourris.
Ils disposaient d’argent ?
Ils disposaient de beaucoup d’argent. Il était connu que le marché noir à Vienne était le monopole des ouvriers étrangers.
Était-ce simplement au « Prater » ou ailleurs dans la ville qu’on rencontrait des étrangers ?
Non seulement au « Prater », mais ailleurs en ville, dans les cafés, qui sont nombreux à Vienne, dans les restaurants, dans les hôtels.
Je n’ai pas d’autres questions à poser.
Qui, à part l’accusé von Schirach, connaissez-vous parmi les accusés ? J’entends par là si vous en connaissez personnellement, si vous étiez connu d’eux ou si vous avez eu en quoi que ce soit affaire avec eux.
Je ne connais personnellement que M. Funk.
Connaissez-vous Sauckel ?
Oui.
Et qui encore ?
Je connais M. Seyss-Inquart, mais je n’ai pas eu de contact personnel avec lui ; j’étais aide de camp de M. von Schirach.,
Comment avez-vous fait la connaissance de M. Funk ?
J’ai été invité plusieurs fois chez M. Funk. En ma qualité d’aide de camp de M. von Schirach, j’avais avec lui des contacts de service et c’est de cette façon qu’il m’invita également souvent à titre privé.
Est-ce que vous apparteniez aux SS quand vous avez été invité par Funk ?
A ce moment-là, j’étais officier des Waffen SS.
Quand avez-vous rejoint les Waffen SS ?
Je suis rentré dans les Waffen SS le 26 juin 1940.
Avez-vous appartenu à d’autres branches des SS en dehors des Waffen SS ?
Oui, je faisais également partie des Allgemeine SS.
Quand avez-vous rejoint les Allgemeine SS ?
En juin ou juillet 1939.
Donc, vous apparteniez déjà aux SS en 1939 ?
Oui, aux Allgemeine SS.
Vous êtes devenu également, à un moment, Obersturmführer des SS ?
Oui.
Quand ?
J’ai été nommé Obersturmführer le 21 juin 1944.
Quand avez-vous rejoint les SA ?
J’ai rejoint les SA le 9 mai 1932.
Est-ce que vous connaissez le camp de Strasshof ?
J’entends ce nom pour la première fois.
Peut-être l’ai-je mal prononcé ; il s’agit d’un camp qui était en dehors de Vienne.
Je ne sais pas de quel camp il s’agit. J’ai compris Strasshof. Je ne connais rien de tel.
Oui, c’est quelque chose dans ce genre. Vous n’avez jamais entendu parler de ce camp ?
Jamais.
Depuis quand étiez-vous à Vienne ?
Je suis né à Vienne.
Je le sais, mais je parle de votre service auprès de l’accusé Schirach. Pendant combien de temps êtes-vous resté auprès de lui ?
Depuis octobre 1940.
Et vous n’avez jamais entendu parler du camp de Strasshof ?
Non.
Vous occupiez-vous beaucoup des dossiers de l’accusé Schirach ?
Oui.
Comment pourriez-vous définir votre activité dans ce domaine ? Quelle était votre responsabilité en la matière ?
J’avais purement et simplement à veiller à ce que les dossiers fussent prêts pour les conférences et à m’assurer ultérieurement de leur retour au bureau central.
Et où seriez-vous allé prendre un dossier relatif au Comité de défense du Reich de l’arrondissement ou de la région militaire pour le soumettre à von Schirach ? Où auriez-vous pris ce dossier sur le Comité de défense du Reich ? Représentez-vous la situation suivante : je voudrais qu’elle soit parfaitement claire. Lorsque von Schirach vous faisait part de son désir d’avoir un dossier concernant le Comité de défense du Reich, ce dossier devait bien, à un moment déterminé, se trouver sur quelque bureau. Vous aviez donc à veiller, comme vous l’avez dit, à ce qu’il fût soumis. Voulez-vous expliquer au Tribunal ce que vous auriez fait, où vous seriez allé, à qui vous vous seriez adressé et comment vous auriez pu vous procurer ce document à l’intention de l’accusé ?
Pour moi, c’était simple. Je me serais adressé au chef du bureau central en sachant qu’il s’adresserait à son tour au Président du Gouvernement afin d’obtenir ce dossier. Je le suppose. Je me serais donc tout simplement rendu au bureau central.
Vous aviez donc un service central où étaient rassemblés les dossiers, sans distinction de savoir s’ils concernaient le Comité de défense du Reich, le Gouvernement civil de Vienne ou la direction du Gau, n’est-ce pas ? Les dossiers étaient rassemblés en un seul endroit ?
Tous ces dossiers n’étaient pas rassemblés en un seul endroit. Une partie seulement se trouvait au bureau central ; je ne puis dire de quelle partie il s’agissait, car je n’ai jamais rien eu à voir dans tout cela.
Vous avez quitté Vienne le 13 avril, avez-vous dit, avec von Schirach ?
Oui.
Je suppose qu’en votre qualité d’aide de camp vous avez dû avoir, quelques jours plus tôt, des préparatifs importants à faire en vue du départ ?
Oui.
Qu’avez-vous emballé ? Qu’est-ce que vous avez emmené avec vous ?
Nous n’avons rien emmené de Vienne. M. Schirach est parti en voiture ; je crois qu’il y en avait encore deux ou trois autres pour son escorte ; mais rien n’a été emporté de Vienne.
Qu’est-ce que vous avez fait dans les bureaux ? Comment avez-vous quitté vos bureaux ?
Nous n’occupions plus les bureaux depuis le printemps ou l’été 1944, je crois, car la Ballhausplatz, c’est-à-dire la Reichsstatthalterei avait reçu un coup au but, et M. von Schirach ne pouvait plus y travailler ; il travaillait à sa résidence.
Où ?
Dans ses appartements.
Dans ses appartements ? Et il avait toutes ses archives dans ses appartements ou quelque part à proximité ?
Il n’avait aucun dossier dans ses appartements. Ils étaient restés dans les bureaux, dans la partie de la Reichsstatthalterei qui était encore habitable et dans laquelle il était impossible de travailler.
Est-ce que des dossiers quelconques ont été retirés des archives de la Reichsstatthalterei quand vous avez quitté Vienne ou avant que vous ne quittiez Vienne ?
Je n’en ai pas connaissance. Je sais qu’il existait un ordre enjoignant à l’administration d’État, de même qu’au Parti, de détruire les dossiers en cas d’approche de l’ennemi. J’ignore si on l’a fait ou ce qu’il est advenu de ces dossiers.
Qui a reçu cet ordre ?
Cet ordre... Je n’ai pas compris. Voulez-vous répéter la question, s’il vous plaît.
Je voulais savoir à qui cet ordre de détruire les dossiers avait été adressé ?
Pour ce qui concernait le Parti, cet ordre avait été adressé à l’adjoint du Gauleiter et, sur le plan de l’État, au Président du Gouvernement.
Est-ce que vous avez également reçu au printemps 1945, ou à la fin de l’hiver 1944, un ordre vous enjoignant de mettre vos dossiers en lieu sûr ?
Je ne me souviens pas d’un tel ordre.
Saviez-vous que 250 de vos dossiers avaient été transportés dans une mine de sel aux environs de Vienne ?
Non, je l’entends pour la première fois.
Saviez-vous que des mines de sel se trouvent aux environs de Vienne ? Vous avez habité la région pendant longtemps ?
Non. Puis-je rectifier ? Ces mines ne se trouvent pas dans les environs de Vienne, mais près de Salzbourg. Nous n’y avons jamais résidé. Je connais seulement l’existence de cette mine de sel.
A quelle distance de Vienne se trouve-t-elle ?
A 350 kilomètres environ.
Et vous ne saviez pas que des dossiers y ont été emmenés ? Vors en êtes bien sur, n’est-ce pas ?
Je suis certain de l’ignorer complètement.
J’ai encore une question à vous poser. Je suppose que vous connaissiez bien von Schirach, qui est un peu plus âgé que vous, mais vous avez travaillé longtemps avec lui ?
Oui.
Pourquoi n’avez-vous pas rejoint l’Armée au lieu de rejoindre les SS, si vous vouliez servir votre pays ?
Lorsque j’ai été appelé, les Waffen SS étaient considérées comme une formation d’élite et je préférais servir dans une formation de la garde que dans l’Armée ordinaire.
Était-ce aussi du fait que vous étiez depuis 1939 dans les SS ?
Non, cela n’avait pas de rapport, car beaucoup de membres des Allgemeine SS sont allés dans la Wehrmacht.
Est-ce que vous avez parlé de cette question avec votre supérieur, le chef de la Jeunesse, von Schirach, avant de rejoindre les SS en 1939 et, plus tard, les Waffen SS ?
Non, car je dois vous rappeler que je ne suis arrivé chez M. von Schirach qu’en octobre 1940 et que j’ai rejoint les Waffen SS le 26 juin 1940.
Oui, mais, comme je le suppose, vous étiez un jeune homme et vous deviez être en relations avec les organisations de jeunesse, en 1939, au moment où vous avez rejoint les Allgemeine SS. N’est-ce pas la réalité ? Vous n’apparteniez pas à l’organisation de la jeunesse en 1939 ?
Non. Je ne suis rentré dans la direction de la jeunesse qu’en avril 1944, en qualité de Bannführer ; auparavant, je n’avais pas de rapports avec elle.
Je ne pense pas que vous me compreniez bien. Quel âge aviez-vous en 1939 ? Ce n’est pas tellement important, mais vous deviez avoir 24 ans environ ?
Oui.
Et à ce moment-là vous n’étiez pas affilié à la Jeunesse hitlérienne ou à quelque organisation de jeunesse, et n’aviez-vous aucun rapport avec elle ?
Non, ni comme membre ni à quelque autre titre. Naturellement, en Carinthie, je connaissais des chefs de la jeunesse.
Vous aviez coutume de faire des discours pour le Parti ?
En Carinthie, d’avril 1938 à mai 1940, j’ai parlé dans diverses réunions.
A combien de réunions à peu près avez-vous pris la parole pendant cette période de deux ans ?
Durant cette période, j’ai parlé au cours de 80 réunions environ.
Ces réunions comptaient à peu près 3.000 personnes.
J’ai également parlé dans de petits villages. Je puis indiquer un chiffre approximatif de 200.
Ce sont là toutes les questions que j’ai à poser.
Voulez-vous à nouveau interroger le témoin ?
Témoin, quels thèmes avez-vous traités lors de ces réunions ?
Des sujets qui nous étaient prescrits par la direction de la Propagande du Reich. Chaque orateur avait la possibilité de parler de choses générales, par exemple sur les thèmes suivants : « Avec le Führer pour la victoire finale » ou « Pourquoi secourir le peuple » ; « Pourquoi l’œuvre du secours d’hiver ». Ces thèmes revenaient sans cesse.
Avez-vous propagé le Mythe du XX e siècle de Rosenberg ?
Non.
Avez-vous traité ce sujet ?
Jamais. Je n’aurais pas été capable de le faire avec mon instruction.
Avez-vous seulement lu le Mythe du XX e siècle ?
Non, je ne l’ai pas lu.
Lors de ces réunions, avez-vous parlé devant la jeunesse ?
Je n’ai pas parlé spécialement pour la jeunesse.
Monsieur le Président, je n’ai plus de questions à poser au témoin. Je vous remercie.
Est-ce que von Schirach avait le pouvoir d’intervenir dans le cas des Juifs déportés de Vienne ?
Il n’avait pas l’autorité nécessaire, mais il est intervenu.
Combien de fois est-il intervenu ?
Je ne me souviens pas d’une requête pour laquelle M. von Schirach ne fût intervenu.
Ce n’est pas ce que je vous demande. Je vous demande combien de fois il est intervenu.
Je ne peux pas indiquer de chiffres sans être imprécis ; c’est très difficile à dire.
Est-il intervenu souvent ou peu de fois ?
Non. Il est intervenu souvent.
Avez-vous vu l’ordre donné à la Police de ne pas protéger les aviateurs ? Vous avez bien dit qu’il s’agissait d’un ordre écrit ?
Oui.
Qui l’a signé ?
Il était signé de Bormann.
A-t-il été distribué à la Police de Vienne ?
Par la Police... ? Si je vous ai bien compris, il s’agit de l’ordre enjoignant aux Gauleiter de ne pas intervenir en faveur des Juifs ?
Non, pas du tout. Je parle de l’ordre interdisant de protéger les aviateurs abattus. Vous avez bien dit que vous aviez vu cet ordre ?
Oui, je l’ai vu, mais je ne me souviens plus de qui il émanait et à qui il était adressé. Il est parvenu dans notre service, à seul titre d’information, et nous n’avions aucune exécution à en donner.
Mais savez-vous si la Police en a eu une copie ?
Je vous demande de bien vouloir répéter la question.
Savez-vous si la Police à Vienne avait des copies de cet ordre ?
Je l’ignore.
Est-ce que vous avez connu Himmler ?
Je l’ai vu.
Est-ce qu’il vous a donné des instructions ?
Non.
Avez-vous reçu des instructions quelconques des SS ?
Dans quel sens, je vous prie ?
N’importe quelle instruction émanant directemnt des SS, lorsque vous travailliez dans le bureau de Schirach ?
Non.
Jamais aucune ?
Absolument aucune. Je ne me souviens d’aucun cas de cette sorte.
Je crois que vous avez dit que Schirach avait donné l’ordre de protéger des aviateurs américains contre la foule ? Vous ne comprenez pas ?
Oui, je comprends, et je l’ai dit.
Et comment Schirach s’est-il encore efforcé de protéger des aviateurs contre la foule ? A-t-il entrepris d’autres efforts en ce sens ?
Oui.
A-t-il envoyé dans ce but des ordres à la Police ou en a-t-il parlé avec la Police ?
L’opinion de M. von Schirach était connue. Dans les milieux...
Je ne vous demande pas son opinion. Je vous demande s’il a donné des instructions à la Police ou s’il s’est adressé à elle ?
Je ne m’en souviens pas.
Mais vous le sauriez s’il l’avait fait, n’est-ce pas ?
Si j’avais été présent au moment de la transmission des ordres, je le saurais ; mais il est possible qu’il en ait parlé en mon absence.
Vous avez bien dit que vous aviez accès aux dossiers secrets ?
Oui.
Que conservait-on dans ces dossiers secrets ?
Je n’ai pas compris la question.
Je vous demande ce que l’on conservait dans ces dossiers secrets ? Qu’entendait-on par dossier secret ? Quel genre de papiers ?
Il y avait des dossiers secrets provenant de la direction du Parti, des dossiers secrets émanant du ministère de l’Intérieur. Ils contenaient des affaires que l’on était très surpris souvent de voir porter la mention « Secret ». Mais évidemment je ne puis me souvenir aujourd’hui des détails de ces dossiers.
Et je suppose que tous les documents, tous les rapports qui étaient marqués « Secret » étaient classés dans ces dossiers secrets, n’est-ce pas ?
Les rapports que nous adressions à des services supérieurs ou les rapports que les services supérieurs nous envoyaient ?
Non, je parle des rapports qui vous étaient adressés.
Ils étaient enregistrés à la section du courrier secret.
Et les rapports secrets des SS étaient également classés dans ces dossiers secrets, n’est-ce pas ?
Les rapports secrets des SS ne nous parvenaient pas, car nous n’étions pas un service des SS.
Docteur Sauter, si vous n’avez plus de questions à poser, le témoin peut se retirer.
Je n’ai plus de questions. (Le témoin quitte la barre.)
Monsieur le Président, dans le livre de documents von Schirach, il y a quelques documents qui n’ont pas encore été exposés en détail ici, mais je crois qu’il est inutile de lire le texte de ces documents. En vue d’épargner nos instants, je puis me référer à ces documents et je vous prie d’en prendre connaissance, par exemple de l’affidavit de la dame Höpken, qui figure dans le livre de documents sous le numéro 3 et qui a déjà été déposé. -Monsieur le Président, je voudrais simplement donner de brefs commentaires au sujet d’un seul document. Dans le livre de documents de l’accusé, figure le numéro 118 (a) ; c’est la lettre d’adieux de l’explorateur Dr Colin Ross. Et, à ce propos, en traitant des documents, M. le représentant du Ministère Public a déclaré que le cadavre du Dr Colin Ross n’avait pas été retrouvé. J’ai été naturellement surpris au premier abord, mais je me suis renseigné pour savoir ce qu’il était advenu des cadavres, et j’ai pu établir qu’en fait, le 30 avril 1945, jour de l’arrivée des troupes américaines, les cadavres du Dr Colin Ross et de sa femme avaient été découverts dans la maison de l’accusé von Schirach, à Urfeld, sur le Walchensee. Tous les deux s’étaient d’abord empoisonnés et, pour être sûr de disparaître, le Dr Colin Ross avait tiré sur sa femme et s’était ensuite suicidé. Les soldats allemands qui étaient encore hospitalisés à Urfeld sur le Walchensee avaient ce même jour retrouvé les deux cadavres et les avaient enterrés à proximité de la maison de von Schirach. A l’automne, le gouverneur américain ordonna que les corps soient inhumés au cimetière ; mais, finalement, il rapporta son ordre et permit de les laisser où ils avaient été enterrés.
Docteur Sauter, pouvez-vous m’indiquer en quoi ce document que vous voulez déposer présente quelque intérêt ? Nous avons lu ce document et il ne semble en rien être pertinent.
Monsieur le Président, nous avons déposé ce document car il doit prouver ou indiquer que l’accusé von Schirach s’est continuellement efforcé, en compagnie de ce Dr Colin Ross, de sauvegarder la paix et, ultérieurement, de limiter la guerre. Ce n’est que pour démontrer les efforts déployés en faveur de la paix par l’accusé von Schirach que j’ai déposé ce document.
Oui, mais ce document ne cite même pas le nom de Schirach et il ne dit en rien qu’il est intervenu en faveur de la paix.
On peut lire cependant dans ce document : « Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour éviter cette guerre, etc. »
Docteur Sauter, le mot « nous » doit se rapporter aux gens qui « ont volontairement abandonné ce monde », c’est-à-dire au Dr Colin Ross et à sa femme. Il ne se rapporte en rien à von Schirach.
Nous ne savons pas pourquoi il ne se rapporterait pas en même temps à M. von Schirach ?
Parce qu’il y a une chose qui s’appelle la grammaire. Le document commence par les mots : « Nous quittons volontairement cette vie... »
Oui, Monsieur le Président. Cependant, je dois vous rappeler que le nom du Dr Colin Ross a souvent été prononcé au cours de ces débats, à propos des efforts entrepris par l’accusé von Schirach en faveur de la paix. Le Dr Colin Ross habitait en outre avec sa femme chez M. von Schirach lorsqu’ils se sont tous deux donné la mort.
Très bien, Docteur Sauter. Si vous vouliez attirer notre attention sur ce document, vous pouvez le faire.
Je vous en remercie, Monsieur le Président. Cette lettre n’était pas destinée au public, mais le Dr Colin Ross en a laissé l’original et a fait une série de copies qu’il a envoyées à des amis personnels. C’est ainsi que nous avons trouvé la lettre du Dr Colin Ross. Je n’ai rien à ajouter, je crois, à cela...
Je n’ai pas d’objection à faire à cette lettre. Si vous voulez en lire quelques phrases, faites-le, sinon nous en prendrons officiellement acte. Comme je vous l’ai dit, nous avons pris connaissance de cette lettre.
Très bien.
Je ne veux pas vous empêcher d’en lire une phrase. Si vous le désirez, vous pouvez le faire.
Je ne crois pas que ce soit nécessaire si vous en avez pris connaissance vous-même, Monsieur le Président. Je n’ai pas d’autres explications à donner, et je puis ainsi en terminer avec l’exposé des preuves relatives à l’accusé Schirach.
Docteur Sauter, est-ce que vous avez déposé tous les documents dont il était question dans ces livres ?
Oui.
Ils reçoivent les références qui sont indiquées dans les livres ?
Oui.
Très bien nous en prenons acte.
Monsieur le Président, il est une lettre parmi ces documents sur laquelle le Tribunal devra expressément statuer. Il s’agit de la déclaration sous serment du Dr Uiberreither. On a dit à l’accusé von Schirach qu’il devait citer Uiberreither comme témoin s’il avait l’intention d’utiliser cet affidavit. Et nous avons demandé expressément que ce témoin comparaisse à l’audience si cette déclaration sous serment était déposée comme preuve devant le Tribunal.
Je ne compte pas me référer à l’affidavit Uiberreither et je renonce à la comparution de ce témoin.
Très bien, Docteur Sauter.
L’affidavit ne sera pas déposé ?
Non, il ne sera pas déposé.
Il figure à la page 135.
Très bien. Il ne sera pas admis. Nous suspendons l’audience.