CENT QUARANTE-CINQUIÈME JOURNÉE.
Lundi 3 juin 1946.
Audience du matin.
Monsieur le Président, le témoin Jäger doit venir d’ici une demi-heure. Entre temps, je lirai quelques autres documents de mon livre de documents, si vous m’y autorisez.
Lors de la dernière audience, j’avais lu tous les documents du premier livre de documents, sauf le numéro Sauckel-16 que j’ai oublié par erreur. C’est un prospectus destiné aux ouvriers de l’Est. Je m’y référerai sans le lire.
J’ai présenté sous le numéro Sauckel-1 le Handbuch fur die Dienststellen (Manuel de l’utilisation de la main-d’œuvre) dans lequel se trouvent les documents suivants, qui ont déjà été lus ou que je vais lire maintenant. Ce sont les documents numéros 12, 13, 15, 22, 28, 58 (a), 67 (a), 82, 83, 85, 86 et 88.
Puis j’ai présenté le numéro Sauckel-2, Sonderveröffentlichungen des Reichsarbeitsblattes (Éditions spéciales du Reichsarbeitsblatt ) qui traite des conditions d’emploi des ouvriers de l’Est et des prisonniers de guerre russes. Il contient les documents suivants : Sauckel-6, 32, 36, 39, 47, 52.
Sous le numéro Sauckel-3, j’ai présenté le Manifest des Generalbevollmächtigten fur den Arbeitseinsatz (Manifeste du plénipotentiaire général à la main-d’œuvre). C’est le document Sauckel-84.
Sous le numéro Sauckel-4 j’ai présenté Arbeitsgesetze : Textsammlung des Deutschen Arbeitsrechtes (Droit du travail : recueils de textes du Droit du Travail allemand) qui contiennent les documents 16, 31 et 49.
Sous le numéro Sauckel-5 j’ai présenté un livre, Fritz Sauckel Kampfreden (Les discours de lutte de Fritz Sauckel). C’est le document Sauckel n° 95.
Le numéro Sauckel n° 6 est le Nationalsozialistische Regierungstätigkeit in Thüringen 1932-1933 (L’activité du Gouvernement national-socialiste en Thuringe 1932-1933). Il se trouve dans le document Sauckel n° 96.
Le numéro Sauckel-7 est le même que le précédent pour l’année 1933-1934. Il est contenu dans le document Sauckel-97.
J’ai présenté sous le numéro Sauckel-8 la publication Europa arbeitet in Deutschland (L’Europe travaille en Allemagne), qui porte déjà le numéro RF-5.
Je vais présenter un affidavit du fils de Sauckel, Dieter. Il est très court et se rapporte au soi-disant ordre de Sauckel d’évacuer le camp de Buchenwald. Je vais en lire les huit lignes :
« J’ai assisté, environ entre les 4 et 7 avril 1945, à une conférence tenue par mon père, le Gauleiter Fritz Sauckel, dans son bureau. On y a parlé du camp de Buchenwald et on a décidé ce qui suit :
« Un certain nombre de gardes devaient rester au camp jusqu’à l’arrivée de l’ennemi, pour lui remettre les prisonniers du camp. » (Service de documents n° 3, document Sauckel-94, page 247).
« Je certifie que j’ai écrit la présente déclaration sous la foi du serment, afin qu’elle soit présentée au Tribunal Militaire International de Nuremberg. Je suis prêt à en confirmer l’exactitude sous serment.
« Fait à Schönau le 22 mars 1946. Dieter Sauckel. »
Dans le document USA-206 (PS-3044), qui a déjà été présenté, se trouvent les documents du volume II que je lirai tout à l’heure et qui sont les numéros 7, 10, 14, 18, 19, 27 et 41. Les documents qui n’ont pas encore été lus se trouvent dans les recueils de lois officiels. J’ai fait mettre de côté les différentes lois, à la bibliothèque. J’ignore s’il est nécessaire de les présenter une à une ou s’il me suffit de dire dans quel exemplaire du Reichsgesetzblatt elles se trouvent.
Se trouvent-elles dans votre livre de documents ?
Oui. Ce sont de brefs extraits des journaux officiels. On a recueilli dans chaque cas les passages intéressants.
Dans ce cas, Docteur Servatius, je pense qu’il serait préférable que vous indiquiez leurs numéros ; mais je ne comprends pas très bien votre façon de procéder. Vous nous avez dit que le numéro 1 contenait un grand nombre d’autres numéros ; le numéro 1 est-il le numéro d’exhibit, le numéro de dépôt ?
Le numéro 1 est le numéro de dépôt, qui contient ces documents avec la numérotation qui leur a été donnée dans le livre de documents.
Dans les livres ?
Oui.
Je comprends. Donc, jusqu’à présent, vous n’avez présenté que neuf exhibits ?
Oui, c’est bien cela.
Et ensuite, vous allez présenter les différentes lois qui se trouvent dans les pièces supplémentaires de vos livres ?
Je ne savais pas s’il était, nécessaire de donner un numéro d’exhibit à ces journaux officiels. Je crois savoir qu’ils ont déjà été présentés, car ils forment un recueil officiel des lois parues au Reichsgesetzblatt en 1942 et 1940. Naturellement, je puis les présenter ici une à une.
Ne pensez-vous pas qu’il serait préférable de leur donner un numéro d’exhibit, 10 par exemple, et de nous dire ensuite les numéros de vos livres qui sont contenus dans ce numéro 10.
Il serait alors nécessaire de présenter le texte original de cette collection de lois. C’est ce que je voulais éviter.
Nous pouvons en prendre acte.
Je prie donc le Tribunal d’en prendre acte. J’indiquerai dans quel volume on peut trouver ces documents. Il y a le Reichsgesetzblatt de 1942, qui contient les documents Sauckel-8, 11 et 17 : celui de 1940, qui contient le document Sauckel-45 ; celui de 1943, qui contient le document Sauckel-21...
Un instant, je vous prie. Quel était le premier Reichsgesetzblatt ? Celui qui contenait les numéros 8, 11 et 17 ?
Celui de 1942.
Parfaitement.
Le second est celui de 1940, avec le document Sauckel-45, et le troisième celui de 1943, avec le document Sauckel n° 21 ; le quatrième est le Reichsarbeitsblatt de 1940 avec le document Sauckel n° 33.
Quelle année ?
1940. Reichsarbeitsblatt , document 33. Le cinquième est le Reichsarbeitsblatt de 1942 qui contient les documents Sauckel n° 9, 35, 40, 46, 50, 51 et 64 (a).
Le sixième est celui de 1943, qui contient les documents Sauckel-20, 23, 37, 42, 43, 44, 48, 54, 55, 57, 60 et 60 (b), 62, 64 et 68.
Enfin, le Reichsarbeitsblatt de 1944, avec les documents Sauckel-26, 30, 38, 58, 59, 65, 67 et 89.
Je vais passer maintenant brièvement au livre de documents. Je commence par le livre n° 11, document Sauckel n° 32, « Ordres et décrets concernant l’emploi des prisonniers de guerre ». Il s’agit d’un accord du 27 juillet 1939. Un extrait est consacré au travail des prisonniers et l’article 31 parle des travaux interdits. Dans le document suivant, Sauckel n° 33, il y a un décret du ministre du Travail du Reich intitulé « Emploi des prisonniers de guerre sur les lieux de travail ». Il y a une liste détaillée des travaux qui peuvent être assignés aux prisonniers de guerre. En sont exclus les travaux se rapportant à l’industrie d’armement. Mais y sont compris les travaux dans les usines, les entreprises agricoles et les travaux d’entretien des routes, des canaux et des digues d’importance stratégique.
Dans le document Sauckel n° 35, nous pouvons voir comment les prisonniers de guerre étaient employés, à savoir sur la base d’un accord entre le camp et l’employeur, et comment le contrat qui était passé précisait en détail les conditions du travail. On peut constater que les services de recrutement de Sauckel n’avait rien à y voir.
Dans le document Sauckel n° 36, nous trouvons une circulaire concernant le traitement des prisonniers de guerre, rédigée conjointement par l’OKW, le ministère de l’Information et de la Propagande : « Traitement des prisonniers de guerre : les prisonniers de guerre doivent être traités de manière à ce qu’ils puissent donner toute leur mesure dans l’intérêt de l’industrie et du ravitaillement. A cette fin, il faut leur donner une nourriture suffisante ».
Voilà sur quoi je voulais insister.
Le document Sauckel n° 37 concerne l’amélioration du statut des prisonniers de guerre, à savoir leur transformation en ouvriers libres et leur participation en Allemagne à des travaux d’intérêt stratégique. Il montre que, dans ce cas, ils acquéraient certains droits, tel le droit à une prime leur permettant de vivre seul, ce qu’on appelait une « prime de séparation ». Il montre également que ces ouvriers étaient traités comme des travailleurs civils.
Le document suivant, Sauckel n° 38, est de la même teneur et a trait aux visites rendues par leurs parents aux prisonniers de guerre français, belges et hollandais, ainsi qu’aux internés militaires italiens dans le Reich.
« Les visites aux prisonniers de guerre français, belges et hollandais, ainsi qu’aux internés militaires italiens ne sont autorisées que pour les épouses, les ascendants, les enfants et les collatéraux travaillant en Allemagne ou résidant en Alsace et en Lorraine. Ces visites ne pourront avoir lieu que les dimanches et jours de fête. »
Cela montre bien que le statut de prisonnier de guerre avait disparu.
Le document n° 39 est un mémorandum concernant les conditions générales de l’emploi des prisonniers de guerre. Il se rapporte aux heures de travail :
« La durée du travail, y compris celle des voyages de l’aller et du retour, ne doit pas être excessive. » Et dans un autre passage, il est dit : « Les prisonniers de guerre ont droit à un congé de 24 heures devant, si possible, comprendre le dimanche. » Sous le paragraphe 7, il est déclaré que ni l’employeur ni sa famille ni ses employés n’ont le droit d’exercer des mesures répressives quelconques contre les prisonniers de guerre.
Suit un extrait concernant le logement et les autres facilités mises à la disposition des prisonniers de guerre.
C’est le document Sauckel n° 40 consistant en une ordonnance prise sur la base de l’ordre n° 9 de Sauckel et rendant obligatoire une inspection des logements, du ravitaillement, des moyens de chauffage et de l’entretien des camps par des ouvriers y travaillant. Cette ordonnance est datée du 14 juillet 1942. Il y est dit :
« Le 10 août 1942, tous les services du travail devront avoir terminé, dans leurs zones respectives, l’inspection de toutes les entreprises industrielles employant des ouvriers étrangers, afin de s’assurer que les lois et règlements concernant le cantonnement, la nourriture et le traitement des ouvriers et ouvrières étrangers, ainsi que des prisonniers de guerre, ont été dûment appliqués. Je désire que les services de la NSDAP et du Front du Travail allemand participent à cette inspection dans la mesure de leurs moyens.
« Les défectuosités qui pourraient être découvertes devront être signalées par l’employeur dans le délai qui lui sera accordé. »
Plus bas, il est dit sous 2 (a) que des provisions de vivres doivent être faites pour l’hiver. Et finalement : « Tous les employeurs doivent prendre leurs dispositions pour que les cantonnements soient chauffés l’hiver, et veiller à ce que le combustible nécessaire soit commandé à temps ». L’ordonnance se termine en disant que des ouvriers de l’Est doivent être payés par les employeurs pour veiller à l’entretien des camps.
Suit le document Sauckel n° 18 qui est une note adressée aux patrons et ouvriers de l’Est sur la réglementation des camps.
Il est dit dans l’introduction :
« Répondant à un désir exprimé par le plénipotentiaire général à la main-d’œuvre, le Gauleiter Sauckel, je recommande aux fonctionnaires de s’assurer de temps à autre si les ordres concernant l’emploi des ouvriers de l’Est sont appliqués dans les entreprises. »
On peut voir ici qu’on insistait sur le renforcement du contrôle. Il est dit encore, à propos de la réglementation des camps :
« Ouvrier de l’Est ! Tu trouves en Allemagne un salaire et du pain, et par ton travail, tu fais vivre ta famille. »
Docteur Servatius, ne pourriez-vous pas résumer ces documents plus brièvement ?
Le document Sauckel n° 41 montre que le Front du Travail allemand s’occupait tout particulièrement des ouvriers de l’Est et donne des détails à ce sujet.
Le document Sauckel n° 42 traite du même sujet et insiste spécialement sur l’importance de l’inspection du Travail ; il déclare que toutes les mesures propres à assurer le bien-être des travailleurs étrangers doivent être prises le plus rapidement possible et qu’il faut corriger immédiatement tous les défauts existants. Les inspecteurs et les autorités locales doivent procéder en accord avec le Front du Travail allemand. Ce document est l’œuvre du ministre du Travail du Reich et non de Sauckel ; ce qui tend à prouver que celui-ci n’était pas devenu ministre du Travail.
Le document Sauckel n° 43 contient des explications sur les règlements en vigueur dans les camps, sur lesquels j’aurai à m’étendre ultérieurement. Mais, à l’occasion de la présentation de ce document, je voudrais encore insister sur l’attitude du service de l’inspection du Travail. Il y a là des personnes responsables de l’hygiène et de la destruction des parasites. Et il est dit à la fin :
« D’après les nouveaux règlements, l’organisme chargé du contrôle est le service de l’inspection du Travail. »
Le document Sauckel n° 44 contient des instructions sur l’aménagement des dortoirs : dimensions, nombre de lits et soins médicaux. Il est également signé par le ministre du Travail Franz Seldte, et non pas par Sauckel.
Le groupe de documents suivant a trait au ravitaillement. Le document Sauckel-45 est la loi sur le contrôle des viandes, qui traite de la question de savoir jusqu’à quel point la viande de qualité inférieure doit être considérée comme comestible. En ce qui concerne l’accusé, cette loi a une certaine importance.
Docteur Servatius, nous n’avons pas besoin d’avoir des renseignements plus détaillés sur le contrôle de la viande. Il nous suffit de savoir qu’une loi existait.
Le document Sauckel n° 46 confirme le fait que les ouvriers étrangers recevaient leurs cartes d’alimentation lorsqu’ils étaient en dehors du camp. Le document Sauckel-47 est une ordonnance du ministre du Ravitaillement et de l’Agriculture qui montre que celui-ci était responsable de la fixation des rations alimentaires. Le document donne également des détails sur les rations ; je n’en donnerai que quelques-unes. Les travailleurs ordinaires avaient droit à 2 kg. 600 de pain par semaine. Puis ce chiffre a augmenté, et je puis...
N’est-il pas dit à la page 128 que des prisonniers de guerre sont employés dans les usines d’armement ?
A quelle page, Monsieur le Président ?
A la page 128.
Il est dit : « Les rations alimentaires des prisonniers de guerre soviétiques employés dans les industries d’armement ou autres sont, s’ils sont logés dans des camps... » Puis vient une liste des rations. Je ne vois pas ce que prouve...
On lit, à la page 128 du texte anglais (lignes 4 à 12) : « Traitement des malades. Tous les prisonniers de guerre et tous les ouvriers de l’Est, hommes ou femmes, employés dans l’industrie d’armement... »
Oui, il est dit : « Tous les prisonniers de guerre et travailleurs de l’Est employés dans l’industrie d’armement... » L’industrie de l’armement, ce n’est pas la fabrication des armes. Le document Sauckel n° 48 se réfère à une loi — je vois que le service de traduction n’a pas traduit un court passage, mais je m’en passerai — dont le titre indique qu’il s’agit de la possibilité pour les ouvriers étrangers se rendant dans leur pays d’origine d’emporter des vivres avec eux.
Le document Sauckel n° 49 est un décret aux termes duquel des rations supplémentaires peuvent également être octroyées ; il stipule également que des produits de régime peuvent être fournis aux hôpitaux.
Le groupe de documents suivant est relatif à la question des salaires. Le premier est le document Sauckel-50.
Comme vous vous étendez ! Il me semble qu’il serait suffisant que vous nous indiquiez un groupe et nous disiez de quoi il traite.
Bien. Les documents Sauckel-50 à 59, excepté le numéro 56, traitent des salaires et de leur échelle. Il faudra étudier plus à fond ces questions si elles deviennent plus particulièrement à l’ordre du jour. Pour le moment, je n’insisterai pas. Le titre de documents Sauckel n° 3 est un groupe de documents contenant des ordres. Les documents 60 à 68 se réfèrent aux soins médicaux. Là encore, je pense qu’il n’est pas nécessaire de les examiner un à un, car ils n’auront d’intérêt que lorsque ce sujet sera abordé.
C’est beaucoup plus facile pour nous. Donnez-nous un groupe et dites-nous de quoi il retourne : nous pourrons donc aviser.
Oui. Il s’agit des soins médicaux ; mais comme je l’ai déjà dit, les détails n’auront pleinement d’intérêt que lorsque la question viendra à l’ordre du jour. Il n’y a aucune raison pour en parler maintenant.
Le groupe suivant contient des discours de Sauckel sur l’utilisation de la main-d’œuvre. Je voudrais attirer particulièrement l’attention sur un discours du 6 janvier 1943, prononcé après la conférence qui eut lieu entre Sauckel et Rosenberg. Il commence ainsi :
« Le plénipotentiaire général à la main-d’œuvre... »
A quelle page ?
Page 204 de mon livre ; ce doit être la même chose dans le texte anglais.
Ce doit être 800 au lieu de 8.000.
Oui, ce doit être 800. J’ai déjà cité ce document et en ai lu les passages les plus importants. L’essentiel des documents Sauckel n° 82 et 83 a également été déjà lu. Le document Sauckel-87 est un manifeste qui a déjà été exposé en détail. Le document 85 montre les principes adoptés et suivis par Sauckel, et qui sont tous de notoriété publique. Le point important est qu’en 1943 ils étaient les mêmes qu’auparavant.
Le document Sauckel-86 est un discours ultérieur prononcé le 24 août 1943 devant les présidents des services du Travail des Gaue. Là encore, Sauckel précisa, comme il l’a souvent fait ici, le fondement de son attitude. Elle est la même que celle qu’il définit le 17 janvier 1944 lorsqu’il déclara de nouveau à ces présidents (document Sauckel-88) :
« Les ouvriers étrangers doivent être mieux traités ; les centres d’accueil ne doivent pas fonctionner de façon sommaire ; ils doivent être nos cartes de visite. » Et, finalement : « Plus je me consacre aux ouvriers étrangers travaillant en Allemagne, mieux je les traite, plus je les stimule et plus leur capacité de travail augmente. »
Cela se passait deux mois avant qu’il réussisse à mettre les ouvriers étrangers sur un pied d’égalité avec les ouvriers allemands.
L’accusé Sauckel nous a déjà dit ce qu’il en avait été. Veuillez nous dire jusqu’où va ce groupe de. documents.
C’est le document Sauckel-89. J’ai déjà lu le document 94, ainsi que les passages essentiels des documents 95, 96, 97. Et ceci m’amène à la fin de la présentation de mes documents.
Voici maintenant un affidavit du témoin Karl Götz qui se trouve dans le livre de documents et que je présente sous le numéro 10. C’est un questionnaire qui a été présenté, tout au début de ce Procès et, par conséquent, très sommairement, étant donné que les détails n’en avaient pas encore grande importance. Le témoin a donc répondu très brièvement à une série de questions. En guise de réponse, il se réfère à une introduction qu’il a écrite ; de même, aux questions posées par le Ministère Public, il renvoie à cette introduction. Je crois donc qu’il me la faudrait lire.
L’affidavit est daté du 20 mars 1946. Je voudrais insister sur une conférence qui eut lieu à Paris, mentionnée à la page 2 de cette introduction. Ce témoin Götz était expert des questions bancaires à Weimar. Il avait connu Sauckel auparavant et faisait partie de son groupe de spécialistes. Il l’avait accompagné à Paris et avait participé aux conversations avec Laval. Il déclare :
« Les négociations provoquèrent un débat important qui fut, d’après ce que j’ai pu en juger, mené avec une décence polie. Laval prit connaissance des propositions de Sauckel et convint de s’y rendre. Mais il fit des contre-propositions... »
Je crois qu’il est inutile d’entrer dans les détails, car les négociations n’eurent qu’une importance secondaire.
A la troisième page, il déclare :
« Lors d’un entretien ultérieur à Paris, les choses se déroulèrent de façon analogue. Laval fut encore plus intransigeant et fit remarquer que de grandes difficultés rendaient impossible le recrutement d’autres travailleurs. Il insista tout particulièrement sur la nécessité de ne pas priver le marché du travail français de ses meilleurs éléments. »
Je crois que je puis passer à la page 4. Le témoin explique, au paragraphe 5 :
« Sur la demande de Sauckel, ma dernière mission consistait à étudier la possibilité d’acheter, en profitant de nos relations bancaires, une quantité supplémentaire de céréales panifiables en Hongrie et en Roumanie. (On avait donné le chiffre de 50.000 à 100.000 tonnes.) Ces céréales étaient destinées à fournir un goûter aux travailleurs étrangers à titre de supplément. » Il déclara ensuite qu’en raison des circonstances ce projet n’avait pu être réalisé. Il donne ensuite son impression sur Sauckel et déclare brièvement :
« Sauckel menait à bien cette tâche avec l’énergie et la vigueur qu’on lui connaissait. Il détermina à plusieurs reprises les conditions nécessaires à sa bonne réalisation et insista souvent sur le fait que le devoir principal de toutes les autorités était de veiller à ce qu’un traitement correct soit réservé aux travailleurs. »
Puis il donne des détails :
« Il demanda surtout que les ouvriers étrangers n’aient pas le sentiment d’être emprisonnés dans leur camp. Il demanda qu’on enlevât tous les fils de fer barbelés. » Puis il continue : « Sauckel déclara que les ouvriers, une fois revenus chez eux, devaient faire de la propagande pour le travail en Allemagne. »
Puis le témoin fait une déclaration importante sur la question des atrocités et des mauvais traitements. Je voudrais lire un passage de la page 6 pour montrer quel genre de personne est ce témoin Götz.
A quelle page se trouve cet extrait ?
A la page 6 ou à la page 266 du livre de documents, en haut de la page.
Bien, continuez.
Il déclare : « Je sens que je dois mentionner qu’à la suite de mon arrestation par la Gestapo, après l’affaire du 20 juillet 1944, Sauckel intervint en ma faveur auprès du RSHA (Kaltenbrunner). Je ne puis dire dans quelle mesure ma libération du camp de Ravensbruck a été due à cette intervention. Je dois dire, en outre, que je n’ai jamais reçu de Sauckel ni rémunération ni avancement ni décoration. J’ai jugé opportun de lui cacher mes convictions politiques profondes, ainsi que mes relations avec Goerdeler et Popitz. Autrement, dans son obéissance aveugle à Hitler et en dépit de notre vieille amitié, il m’aurait certainement remis à cette Gestapo dont il s’était efforcé de me délivrer en novembre 1944. »
J’ai lu cela au préalable et je reviens maintenant à la page 265, car ce témoin qui faisait partie du personnel de Sauckel prend position au sujet de cette question qui a ici tant d’intérêt pour nous :
« Maintenant que je sais dans quelle mesure ont été commises des atrocités dans les camps de concentration, je réfléchis et me demande comment le tableau décrit ci-dessus peut cadrer avec les faits qui nous sont maintenant révélés. Malgré de longues réflexions, je n’arrive pas à trouver une explication. »
A quelle page ? 265 ?
En haut de la page 265. Je ne sais pas où cela se trouve dans le texte anglais, mais ce doit être à la même page.
En effet.
« D’une part, je vois les ouvriers étrangers, hommes et femmes, circulant librement parmi la population allemande et fraternisant avec elle. Les Français et les Belges, auxquels je m’adressais par sympathie, étaient généralement heureux d’entendre parler leur langue maternelle. Ils s’exprimaient librement, me confiaient leurs espoirs de voir la guerre finir rapidement, et s’ils critiquaient leur travail, c’était rarement avec aigreur. D’autre part, se présente le tableau vraiment insupportable des atrocités collectives récemment dévoilées. On a appris que des ouvriers étrangers avaient été jugés et condamnés — sans doute étaient-ils soumis aux mêmes mesures disciplinaires et au même arbitraire que les ouvriers allemands — mais on n’a jamais prononcé de sentences collectives. Et d’ailleurs, cela n’avait rien à voir avec le service de la main-d’œuvre. Je crois qu’il est impossible de concilier ce que j’ai alors vu et entendu avec les révélations présentes. Ou bien il s’agit d’une évolution qui se produisit dans les dix-huit derniers mois, à une époque à laquelle j’étais, d’abord en raison de ma détention, puis de ma retraite à la campagne, dans l’impossibilité d’étudier la situation, ou bien alors il y a eu en dehors du service de la main-d’œuvre l’emploi sur une vaste échelle des détenus des camps de concentration. Il se peut encore que Sauckel n’ait pas pu superviser ces questions ou n’en ait pas été informé, ou se soit contredit dans ses ordres et ses déclarations, ce qui serait incompréhensible. »
J’estime que ces déclarations revêtent une importance particulière, car le témoin, qui était aux côtés des hommes du 20 juillet 1944, a observé les événements avec une certaine attention ; il faut donc attacher une grande valeur à son jugement. Si l’on considère les questions elles-mêmes, je crois que les questions 1, 2, 3, 4, 5 et 6 et leurs réponses ne sont pas pertinentes, car elles n’ont qu’un intérêt secondaire.
La question n° 10, à la page 276, est la suivante :
« Qui était responsable du logement, du traitement et du ravitaillement des travailleurs étrangers une fois qu’ils étaient arrivés sur leur lieu de travail ?
Réponse
Tout ce que je sais, c’est que, dès le début du travail, cette responsabilité incombait aux directeurs d’entreprises et, dans la plupart des cas, à certains de leurs subordonnés spécialement chargés de ces questions. »
Voici la question n° 11 :
« Quelles sortes de dispositions Sauckel a-t-il prises pour le traitement des ouvriers travaillant dans les usines ? »
La réponse est donnée par référence à l’introduction que j’ai lue.
Les questions n° 13, 14, 15, 16, 17 ne sont pas pertinentes. La question n° 18 est :
« Sauckel a-t-il été mis au courant des irrégularités ? Qu’a-t-il fait pour y remédier ? Connaissez-vous des cas particuliers ?
Réponse
Je ne me souviens que d’un cas. On signala à Sauckel que, dans une certaine usine, les ouvriers étaient encore logés dans un camp entouré de barbelés. Je ne me souviens ni de l’endroit ni de l’usine en question. J’ai su qu’il avait ordonné l’enlèvement immédiat de ces barbelés. »
J’en reviens maintenant aux questions qui ont été posées par le Ministère Public.
Je crois que la question n° 1 n’est pas pertinente, car elle a trait aux relations personnelles du témoin et de Sauckel et à leur première rencontre en captivité.
Docteur Servatius, M. Biddle pense qu’il faudrait demander au Ministère Public s’il désire lire certains passages de ces questionnaires.
Monsieur le Président, le Ministère Public n’a pas l’intention de lire certains de ces extraits.
Docteur Servatius, savez-vous que le témoin Jäger est arrivé ?
Oui, il est ici.
Bien.
Alors, avec la permission du Tribunal, je vais maintenant citer le témoin Jäger.
Quel est votre nom ?
Dr Wilhelm Jäger.
Répétez après moi ce serment : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai toute la vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien. » (Le témoin répète la formule du serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, vous étiez pendant la guerre médecin attaché aux usines Krupp à Essen, et vous étiez chargé de prodiguer des soins aux travailleurs étrangers ?
Oui.
Qui vous a confié cette mission ?
J’ai été nommé par l’usine Krupp à la suite du changement qui survint lorsque l’administration de la Santé publique fut chargée de l’état de santé des travailleurs étrangers.
N’avez-vous pas également été nommé par le Front du Travail allemand ?
Non, le Front du Travail allemand a simplement servi d’intermédiaire pour le contrat passé entre l’usine Krupp et moi.
Si je vous comprends bien, vous n’avez pas passé directement de contrat avec le Front du Travail, mais vous étiez responsable devant lui ?
Je n’ai jamais eu l’impression d’avoir eu affaire au Front du Travail.
Témoin, n’avez-vous pas constamment envoyé des rapports au Front du Travail allemand au sujet des conditions dans les camps ?
Je crois me rappeler que ceci s’est produit quelquefois. En général, j’envoyais ces rapports à l’union des caisses d’assurances sociales ainsi qu’à l’usine Krupp.
N’avez-vous pas également adressé de rapports au service de l’inspection du Travail ?
Pas toujours. J’ai fait parfois des rapports au service d’hygiène de la ville d’Essen, mais seulement dans des cas isolés, lorsqu’il m’apparaissait nécessaire de l’informer.
Connaissez-vous le service de la Santé publique et de l’assistance médicale ?
Oui.
A quelle organisation était-il rattaché ?
Il se trouvait à Essen.
Je ne vous demande pas où il se trouvait, mais à quelle organisation il était rattaché ? N’était-ce pas au Front allemand du Travail ?
Pas exactement. Je sais seulement que c’était un service dépendant de l’union des caisses d’assurances sociales d’Essen.
Savez-vous que les ouvriers étrangers étaient pris en charge et supervisés par le Front allemand du Travail ?
Oui.
Et que celui-ci était aussi responsable de leur état de santé ?
Je n’ai rencontré qu’une seule fois une commission du Front du Travail dans mon camp.
Connaissez-vous l’institution des médecins de camps existant dans chaque Gau ?
Une telle institution devait être créée à Essen ; mais ce projet n’a pas été réalisé. A cette époque, où nous venions d’avoir une épidémie de typhus exanthématique, je suggérai au chef du service de santé, le Dr Heinz Bühler, de créer un organisme de ce genre. Je fis également part de cette idée au cours d’une réunion, mais je n’ai plus jamais entendu parler de ce service des médecins de camps.
Cela suffit. De combien de camps aviez-vous la charge ?
Cela dépendait. Ce fut d’abord cinq ou six, puis, plus tard, dix-sept ou dix-huit ; plus tard encore, ce chiffre diminua. Je ne puis donner de chiffres exacts.
En quoi consistait votre travail ?
Je devais surtout surveiller la santé des ouvriers étrangers.
Deviez-vous soigner les malades ?
Oui, mais seulement lorsqu’on me les amenait et lorsque je me trouvais dans le camp. Personnellement, je m’occupais toujours des cas particuliers qui se présentaient dans les camps, chaque fois que je faisais une inspection.
Vous n’exerciez donc pas que des fonctions de surveillance, vous soigniez également vous-même les malades ?
Toutes les fois que je me trouvais dans un camp, les médecins qui y étaient attachés me consultaient et je leur donnais des conseils.
Quelles étaient les tâches des médecins attachés aux camps ?
Leur travail quotidien consistait à soigner les malades.
Vous aviez donc un travail d’inspection ?
Oui.
Témoin, le Ministère Public vous a interrogé à plusieurs reprises en dehors de cette salle d’audience ?
Oui.
Étiez-vous déjà venu à Nuremberg, dans ce palais ?
Oui.
Vous avez rédigé un affidavit sur les camps de travailleurs des usines Krupp ?
Oui.
Je vais vous le présenter. Il est daté du 15 octobre 1945. L’avez-vous rédigé en tant que témoin à charge ?
Si mes souvenirs sont exacts, oui.
Veuillez maintenant me confirmer si vous vous en tenez aux déclarations que vous avez faites alors ?
Oui.
Je vais lire votre déclaration : « Je m’appelle Wilhelm Jäger. Je suis...
Docteur Servatius, vous ne pouvez pas lui lire entièrement le document. Présentez-lui simplement les passages que vous croyez contestables.
Bien. Témoin, au milieu de la première page, vous dites ce qui suit :
« Je commençai mon travail par une inspection détaillée des camps. A cette époque — octobre 1942 — voici quelle était la situation... »
Et vous continuez :
« Les ouvriers de l’Est étaient logés dans les camps suivants : Seumannstrasse, Grieperstrasse, Spendlestrasse, Hoegstrasse, Germaniastrasse, Dechenschule... »
Le contestez-vous ?
Oui.
Où étaient donc ces camps ?
C’est ce que je voulais lui demander. Témoin, ces camps existaient-ils alors ? Étaient-ils occupés ?
Dans la mesure de mes souvenirs. Il faut prendre en considération le fait qu’avant mon entrée en fonctions j’ignorais de quels camps il s’agissait. Au cours d’une réunion à laquelle j’avais été convoqué, et où assistaient des médecins, de nationalités différentes, je demandai tout d’abord où se trouvaient les camps. Personne ne le savais ; puis on en produisit une liste. Puis...
Témoin, vous avez cité ces camps ici, et cependant vous n’êtes pas certain qu’ils existaient en octobre 1942 ?
D’après mes souvenirs, j’ai cité les camps qui existaient au début de mon activité. Je devais les visiter personnellement un à un. J’étais tout à fait indépendant.
Veuillez passer à la page 2 du document. Vous y déclarez, à propos de la nourriture des ouvriers de l’Est :
« La nourriture des ouvriers de l’Est était tout à fait insuffisante ; ils recevaient par jour 1.000 calories de moins que le minimum accordé aux Allemands... »
Docteur Servatius, après l’énumération des camps, il dit :
« Entourés de fils de fer barbelés et étroitement surveillés. »
N’allez-vous pas contester ce point ?
Les camps étaient-ils entourés de fils de fer barbelé et étroitement surveillés, comme il est dit ici ?
Au début, oui.
Mais vous ne savez pas s’il en était de même dans tous les camps ?
Certains camps que j’ai visités, où je n’étais encore qu’un inconnu (par exemple ceux de Krämerplatz et Dechenschule), étaient sévèrement gardés et je devais montrer un laissez-passer pour y pénétrer.
Je répète la question concernant la nourriture. Vous avez dit que les ouvriers de l’Est recevaient par jour 1.000 calories de moins que le minimum octroyé aux ouvriers allemands, alors que les travailleurs de force allemands recevaient 5.000 calories par jour, les travailleurs de l’Est employés aux mêmes travaux n’en recevaient que 2.000. Est-ce exact ?
S’agissant de la période du début de mon activité, oui. Il ressort des listes établies que le ravitaillement des ouvriers de l’Est était déterminé par quantités, et il y avait une différence entre les rations des travailleurs de l’Est et celles des travailleurs allemands. Les 5.000 calories qui sont mentionnées ici étaient attribuées à quelques catégories d’ouvriers allemands, à des travailleurs de force. Elles n’étaient pas accordées à tout le monde.
Témoin, je vais vous montrer un tableau des calories. Je remets au Tribunal une copie de ce tableau, qui donne en détail le nombre de calories auxquelles avaient droit les travailleurs des différentes catégories.
Cela commence au 9 février 1942. On peut y trouver les rations attribuées aux différentes catégories de travailleurs et, à la dernière page, se trouve un résumé de la quantité moyenne des calories allouées :
« Groupe 1. Travailleurs de l’Est et prisonniers de guerre soviétiques
Travailleurs ordinaires : 2.156 calories ; travailleurs de force 1re catégorie : 2.615 calories ; travailleurs de force 2e catégorie : 2.909 calories ; travailleurs de nuit : 2.244 calories. »
Connaissez-vous ces chiffres ?
A peu près.
Veuillez les comparer avec ceux des ouvriers allemands :
« Consommateur ordinaire 2.846 calories ; travailleurs de force 1re catégorie : 3.159 calories ; travailleurs de force 2e catégorie : 3.839 calories ; travailleurs de nuit : 3.846 calories. »
Cela est-il conforme à votre déclaration d’après laquelle les travailleurs de force allemands de la deuxième catégorie recevaient 5.000 calories, tandis que ceux de l’Est n’en recevaient que 2.000 ?
Docteur Servatius, il est très difficile de suivre tous ces chiffres si vous ne nous dites pas le numéro de la page. Est-ce à la dernière page ?
C’est un résumé.
A quelle page ?
A la dernière page, sur la dernière feuille à droite. D’abord, il y a les différents groupes 1, 2, 3 sur les différentes pages ; et, sur la dernière feuille à droite, à côté du groupe 3, qui concerne les Polonais, se trouve un tableau sommaire des calories accordées aux ouvriers de l’Est, aux Allemands et aux Polonais. Si l’on se reporte aux différents chiffres des calories qui se trouvent dans les colonnes, il y aurait conformité avec les déclarations du témoin. Il a dit que les travailleurs de force allemands de la deuxième catégorie recevaient 5.000 calories alors que, d’après ce tableau, ils n’en recevaient que 3.839. Il a dit aussi que les ouvriers de l’Est en recevaient 2.000 alors que, d’après le tableau, ils en recevaient 2.900 ; de sorte que la proportion, au lieu de 5.000 à 2.000, n’est que de 2.900 à 3.800, de sorte que la différence est, en chiffres ronds, de 1.000 calories environ et non pas de 3.000 comme l’a dit le témoin.
Est-ce exact ? Vous en tenez-vous à votre déclaration ? Il faut faire une distinction...
Je n’ai pas entendu la réponse du témoin.
Monsieur le Président, je pense qu’il serait plus utile pour le Tribunal et pour le Ministère Public d’établir par qui ce tableau a été fait pour savoir si les chiffres qui y sont donnés s’appliquent ou non aux camps dont ce témoin était responsable. L’étude de ce tableau ne me révèle pas son auteur, bien qu’il soit dit à la première page : « D’après la table établie par le Dr Hermann Schall, médecin chef du sanatorium « Westend ». Évaluation des rations alimentaires accordées dans les camps de l’usine Krupp ». Mais ces chiffres ont pu être rassemblés de façon approximative et présentés au témoin. A moins d’apporter des preuves, je crois que ce contre-interrogatoire est mal venu.
Je possède un affidavit avec l’aide duquel je puis établir l’origine de ce tableau.
Aviez-vous déjà vu ce tableau ?
C’est l’affidavit du témoin Hahn.
M’a-t-on posé une question ?
Le témoin a l’original. Je voudrais lui demander de me le rendre.
Je voudrais faire une déclaration à ce propos. Au début de mon activité, le ravitaillement des ouvriers de l’Est différait absolument de celui de la population allemande, ainsi que de celui des ouvriers dits de l’Ouest, Français, Belges, etc. Les chiffres montrent bien que cela ne puisse être très clairement établi, qu’il y avait une différence de 700 à 800 calories. Au début, jusqu’en février 1943 je crois, les ouvriers de l’Est ne recevaient pas de rations supplémentaires, qu’il s’agisse des travailleurs de force de 1re ou de 2e catégorie. Elles ne furent accordées que sur un ordre de Sauckel, au début de l’année 1943, si mes souvenirs sont exacts. C’est à ce moment-là que les ouvriers de l’Est furent, en ce qui concerne la nourriture, mis sur un pied d’égalité avec les ouvriers allemands. Et les travailleurs de force de toutes catégories reçurent des rations supplémentaires qu’ils n’avaient jamais touchées jusqu’alors.
Témoin, si je vous comprends bien, vous voulez dire qu’il se peut que ce tableau soit exact, mais qu’en réalité les ouvriers ne recevaient pas les quantités rapportées dans ce tableau. Vous ai-je bien compris ?
Ce tableau lui-même vous montre la différence.
Vous avez parlé d’une différence de 3.000 calories, alors que le tableau fait ressortir qu’elle était environ de 1.000.
J’ai déjà dit qu’il y avait des catégories spéciales de travailleurs de forces (chauffeurs, mineurs, etc.) qui recevaient jusqu’à 5.200 calories. Mais ce n’était pas général.
Ce que vous dites ici est donc inexact, car vous n’avez pas fait mention de cela. Vous dites que, tandis que le travailleur de force allemand recevait 5.000 calories par jour, les ouvriers de l’Est, qui faisaient un travail comparable, n’en recevaient que 2.000. C’est cependant une déclaration générale, et il n’en ressort pas que vous mentionnez les cas particuliers des catégories de travailleurs. Est-ce exact ?
C’est ainsi que je l’ai établi, et je crois que vous voyez les choses telles qu’elles sont rapportées ici.
Bien. Dites-moi d’où vient ce tableau. Voulez-vous le déposer ?
Dans cet affidavit, le témoin affirme qu’à cette époque les travailleurs de force recevaient 5.000 calories s’ils étaient allemands et seulement 2.000 s’ils étaient des territoires de l’Est. Cette déclaration est en contradiction avec le tableau.
Déposez-vous ce document ?
Oui.
Sous quel numéro ?
Ce sera le document Sauckel n° 11.
Est-ce que l’affidavit fait mention du tableau ?
J’ai posé cette question parce que je contestais l’exactitude de l’affidavit.
Mais non, je vous demande si l’affidavit fait mention de ce tableau que le témoin vient d’avoir entre les mains.
Oui.
Docteur Servatius, vous avez, déposé un affidavit de Walter Hahn. Y est-il fait mention du tableau, de son origine, de son auteur et du sujet auquel il se rapporte ?
L’affidavit déposé ici sous le numéro D-288 ne fait pas mention du tableau, mais de l’affidavit que j’ai présenté. Je comprends maintenant qu’il s’agit de l’affidavit du témoin Hahn, auquel est attaché le tableau. Et tout ceci est couvert par l’affidavit du témoin que je vais déposer.
J’ai parlé de l’affidavit de Walter Hahn. Identifie-t-il le tableau et y est-il adjoint ? A quelle page ? Il y a sept pages et nous ne pouvons pas trouver si vous ne nous l’indiquez pas.
Dans le texte allemand, c’est à la page 4.
Voulez-vous parler de l’endroit où il est dit : « Le nombre de calories ressort du tableau que j’ai dressé moi-même et qui couvre toute la durée de la guerre ». Est-ce de cela que vous voulez parler ? Cela se trouve à la page 4 de notre copie, sous la lettre « C » : « Ravitaillement des prisonniers de guerre français et des internés militaires italiens ».
C’est à cette page 4 — comme je l’ai déjà dit — qu’il est expliqué que les rations étaient évaluées en calories et que : « Le nombre de calories ressort du tableau que j’ai dressé moi-même et qui couvre toute la durée de la guerre ». Voilà l’annexe.
Mais il est exact de dire que ce document est joint ; mais il n’y a aucune référence.
Mais le document est joint, ce qui montre clairement qu’il y a bien un rapport.
Très bien.
Monsieur le Président, je n’ai pas l’intention d’argumenter à ce sujet. Je ne comprends peut-être pas bien, mais je pense qu’il nous faudrait savoir quand et par qui a été fait ce tableau. L’affidavit dit que c’est un appendice. Peut-être a-t-il été dressé par ce Hahn, mais nous ne le savons pas encore. Le témoin ne l’a pas dit et l’avocat non plus.
Monsieur Dodd, la situation est la suivante : un nommé Walter Hahn a rédigé un affidavit qui est annexé à ce tableau. Cet affidavit a été fait...
En 1946.
...après celui de ce témoin, et réplique en détail à ses allégations.
Oui, je voulais savoir si ce tableau, à propos duquel le témoin est maintenant contre-interrogé, avait bien été dressé à l’époque où il était responsable de ces camps. Et jusqu’à présent, il ne semble pas ressortir de l’interrogatoire qu’il en soit ainsi, et je crois que ceci aurait une grosse influence sur le poids des preuves apportées par le contre-interrogatoire. Je voudrais faire remarquer que l’argument présenté par Sauckel pour sa défense est qu’il n’avait pas à s’occuper de la nourriture et de l’entretien de ces travailleurs après leur arrivée en Allemagne, mais que c’était le Front du Travail allemand qui en assurait toute la responsabilité. Je crois qu’il serait préférable que l’avocat éclaircisse la question pour que nous sachions s’il admet la responsabilité de son client pour la période postérieure à l’arrivée en Allemagne des ouvriers étrangers, et si ce contre-interrogatoire se rapporte à cette question.
Docteur Servatius, continuez.
Monsieur le Président...
Un instant, Docteur Servatius. Le Tribunal ne pense pas que vous devez interrompre votre contre-interrogatoire. Vous pouvez continuer.
Monsieur le Président, le Ministère Public vient de faire de cette affirmation une accusation contre Sauckel. S’il pense maintenant que Sauckel n’est pas responsable de ce qui est arrivé dans les usines, mais que cette responsabilité incombait en fait aux chefs d’entreprises, s’il estime également que ce n’était pas Sauckel, mais la Wehrmacht, qui était responsable des prisonniers de guerre ; je n’ai plus besoin de ce témoin.
Poursuivez votre interrogatoire, je vous prie.
Témoin, vous nous avez parlé de l’habillement des ouvriers de l’Est. Vous avez dit qu’ils dormaient dans la même tenue que celle avec laquelle ils étaient venus de chez eux, et que la plupart d’entre eux n’avaient pas de manteau, ce qui les obligeait, même par le froid et la pluie, à aller et venir avec leurs couvertures. Ce fait était-il permanent ou temporaire ? Était-il général ou s’agissait-il seulement de cas isolés ?
Afin d’éviter un autre malentendu, je dois déclarer encore une fois qu’au début de mes fonctions, je ne dépendais que de moi-même ; personne ne dirigeait les camps. Je n’avais aucun collaborateur. Les tableaux des calories et des effets ont été établis plus tard. L’administration en vigueur ne dura, d’après Hahn, que jusqu’en février ou avril 1943. La période dont je désirais parler, et dont j’ai parlé ici, est celle qui correspond au début de mon activité. La situation était bien alors telle que je l’ai décrite, et je devais compter avec elle. Ceci s’appliquait également à l’habillement, comme je l’ai déjà dit. Ces ouvriers sont restés un certain temps avec les vêtements qu’ils portaient à leur arrivée, et, autant que j’aie pu m’en rendre compte, on ne leur a rien fourni à cette époque.
Qu’a-t-on fait pour remédier à cet état de choses ?
Je fis le plus rapidement possible un rapport sur ces conditions. Je ne me rappelle plus quand. J’ai pu me rendre compte qu’on avait l’intention d’installer dans les camps des tailleurs, des cordonniers, etc., Ce qui a été fait en partie.
Une autre question. D’une façon générale, est-ce qu’au cours de votre activité les conditions se sont améliorées ou non ?
Elles n’ont pas empiré après 1943. Après les premiers bombardements massifs, il régna naturellement une grande confusion. Beaucoup de stocks brûlèrent. Je me souviens qu’en une nuit 19.000 personnes sont devenues sans abri et ont perdu tous leurs vêtements. Il fallut donc un certain temps pour réparer ces pertes.
Ces conditions ont-elles été dues à l’usine Krupp ou à un manque de surveillance de la part du Front du Travail ?
Comme je l’ai déjà dit, je n’ai vu qu’une seule fois des membres du Front du Travail dans un camp. Leur commission a formulé des critiques. C’était au camp de Krämerplatz, et l’usine Krupp fut alors condamnée à une amende. Mais c’est la seule fois que j’ai été en rapport avec le Front du Travail.
L’entreprise Krupp ne s’opposait-elle pas systématiquement aux améliorations, de sorte que le Front du Travail devait intervenir ?
Je ne puis le dire, je n’avais aucune influence à cet égard et ne connaissais pas ces questions. Je ne m’occupais que des questions médicales et je n’ai jamais été appelé à participer à des réunions du Front du Travail ou de l’usine Krupp. Je n’avais que la possibilité de rendre compte.
Témoin, vous avez également parlé de la situation sanitaire et vous avez déclaré que les fournitures d’intérêt médical, telles que pansements, médicaments, etc., étaient tout à fait insuffisantes dans ces camps. N’est-ce vrai que pour des cas exceptionnels ? Était-ce une situation permanente ?
C’est ainsi que je trouvai les camps en octobre 1942 et j’eus à éclaircir la situation. Des améliorations sont intervenues plus tard.
Vous dites que parmi les ouvriers de l’Est, le nombre des malades était double de celui des ouvriers allemands, que la tuberculose sévissait tout particulièrement et qu’il y avait quatre fois plus de cas chez les ouvriers de l’Est que parmi les Allemands. Est-ce exact ?
Il en fut ainsi au début, car nous recevions des ouvriers sans aucun examen médical préalable. Lorsque j’inspectais les camps, j’entendais les autres docteurs dire — et je constatai moi-même — qu’il y avait beaucoup de malades. D’après mes observations, le chiffre en était considérablement plus élevé que parmi les Allemands.
Quelles furent les mesures prises par l’usine Krupp ?
Lorsque nous découvrions des cas de tuberculose, nous procédions à de nombreux examens, même par rayons X. Ceux qui étaient atteints étaient isolés et admis à l’hôpital de l’usine Krupp.
Vous avez aussi parlé du typhus exanthématique et dit qu’il était également répandu parmi les travailleurs.
Je m’en suis particulièrement occupé. Nous avons eu au moins 150 cas.
A quelle époque ?
Entre 1942 et 1945.
Combien d’ouvriers y avait-il alors ?
C’était variable.
Donnez un chiffre approximatif.
Si mes souvenirs sont exacts, il y en avait 23.000 à 24.000, peut-être même plus. Plus tard, il y en eut 9.000. Mais ces chiffres variaient constamment.
Croyez-vous qu’il soit juste de dire que le typhus était très répandu parmi ces ouvriers, alors que sur une si longue période de temps et sur un si grand nombre de personnes, 150 seulement ont été atteintes par cette maladie ?
Oui, car il n’y a jamais eu de typhus parmi la population allemande. Cette déclaration est exacte, si l’on considère que, sur une population de 400.000 ou 500.000 Allemands — comme c’était le cas à Essen — il n’y avait aucun cas de typhus, alors que sur une moyenne de 90.000 personnes, il y en avait 150.
Vous maintenez donc votre déclaration. Vous dites, en outre, que les germes de cette maladie étaient colportés par les poux, les puces, les punaises et autres vermines qui torturaient les occupants de, ces camps. Était-ce le cas de tous les camps ?
Lors de mon entrée en fonctions, oui. Puis un service de désinfection fut créé par l’usine Krupp, mais il fut détruit immédiatement par un bombardement. Il fut rebâti et détruit une seconde fois.
Vous dites que les ouvriers malades devaient continuer à travailler jusqu’à ce qu’un docteur les ait déclarés inaptes au traivail, et que, dans les camps Seumannstrasse, Grieperstrasse, Germaniastrasse et Kapitän-Lehmannstrasse, il n’y avait pas de service médical quotidien, mais que les médecins des camps ne venaient que tous les deux ou trois jours. Par conséquent, les ouvriers malades étaient obligés d’aller travailler jusqu’à l’arrivée du médecin. Est-ce exact ?
Il est évident qu’un ouvrier devait travailler à moins qu’un médecin ne le reconnaisse inapte. Il en était de même pour les Allemands. Je connais la médecine du travail et je sais qu’un ouvrier doit aller travailler s’il n’a pas prévenu qu’il est malade. Il n’y avait rien de changé.
Et vous dites que c’était le cas de tous les camps mentionnés, qu’il n’y avait pas d’heures fixes pour les consultations, ce qui signifie que les ouvriers ne pouvaient pas se faire porter malades ?
Mais ils pouvaient se rendre auprès d’un médecin ; puisqu’il n’y en avait pas, j’avais décidé qu’il était possible de venir me trouver pendant ma consultation.
Mais vous avez dit...
Docteur Servatius, je pense qu’il est temps de suspendre l’audience.
Témoin, vous veniez de nous dire que les ouvriers pouvaient se faire porter malades, même en l’absence d’un médecin, car ce cas était prévu ; mais vous ajoutez que ces camps n’étaient visités par les médecins compétents que tous les deux ou trois jours et que, par conséquent, les ouvriers devaient, malgré leur maladie, se rendre sur le lieu de leur travail jusqu’à la venue d’un médecin. Est-ce exact ?
C’est un écart de langage. Lorsqu’un ouvrier se faisait porter malade, il devait aller voir un médecin, ou bien celui-ci était prévenu.
Témoin, j’en reviens encore une fois à la question du typhus exanthématique. Combien y eut-il de cas mortels ?
Il y en eut seulement trois ou quatre, et cela parce que la maladie avait été constatée trop tard. Je me suis toujours personnellement occupé des cas de typhus et je faisais transporter immédiatement les malades atteints à l’hôpital, car c’était moi qui étais responsable.
Vous dites encore, à la page 2 :
« Le ravitaillement comprenait un peu de viande chaque semaine. Ce ne devait être que de la viande de basse qualité : viande de cheval, viande d’animaux tuberculeux ou viande condamnée par le vétérinaire. »
Est-ce à dire que les ouvriers étrangers recevaient de la viande de mauvaise qualité ?
Il faut définir l’expression viande de basse qualité. C’était de la viande qui n’était pas autorisée par le vétérinaire pour la consommation générale mais qui, après avoir reçu un certain traitement, était parfaitement comestible. Même en temps de paix, la population allemande en achetait ; et pendant la guerre, les tickets lui en donnaient droit à une double ration.
Par conséquent, le vétérinaire en autorisait la consommation ?
La viande dont on s’était méfié tout d’abord était livrée à la consommation, après un traitement adéquat qui supprimait sa nocivité.
Mais l’expression « condamnée par le vétérinaire » signifie qu’elle était d’abord condamnée, puis autorisée ?
Oui.
Témoin, vous avez dit ce qui suit, à propos du camp de prisonniers de guerre français de Nöggerrathstrasse : « Ce camp a été détruit au cours d’une attaque aérienne, et pendant plus de six mois les détenus ont été logés dans des niches à chiens, des urinoirs et des vieux fours à pain ». Est-ce exact ?
C’est ainsi que j’ai trouvé le camp.
Vous l’avez vu vous-même ? Et pendant six mois ?
Mais je n’y suis allé que trois fois ; on m’a parlé de cette question et j’ai constaté qu’il en était ainsi. Autant que j’ai pu en juger, cette situation dura environ quatre mois ; puis le camp fut reconstruit.
Témoin, la question des niches à chiens m’intéresse beaucoup. Combien y en avait-il ? Étaient-elles réellement des niches ou bien avez-vous employé ce mot dans un sens péjoratif ?
C’est une expression que j’ai employée, car les détenus avaient construit ces cabanes eux-mêmes.
En est-il de même des urinoirs ?
C’était l’endroit où le docteur donnait ses consultations.
Était-ce un ancien urinoir ou un urinoir qui avait été aménagé à cet effet ?
Un ancien urinoir.
Qui avait été reconstruit ?
Il n’avait pas été reconstruit. Il était tel qu’il avait été.
Était-il encore utilisé ?
Non.
Puis vous dites qu’il n’y avait dans ce camp ni armoires, ni tables, ni chaises ?
Ce n’était pas le cas non plus.
Témoin, avez-vous fait cette déclaration sous la foi du serment ? Celle que vous avez vue tout à l’heure ?
Oui, sous la foi du serment.
Êtes-vous certain qu’il s’agit de l’affidavit que vous avez maintenant entre les mains ?
Chez moi, à Chemnitz, j’ai biffé différents passages du questionnaire qui m’était présenté et...
N’avez-vous pas...
Veuillez ne pas l’interrompre.
Veuillez continuer.
Je présume que c’est là le texte que j’ai corrigé.
Mais enfin, vous l’avez sous les yeux ?
Oui.
Ne vous est-il pas possible de préciser les passages que vous avez biffés ? S’agissait-il de passages comme celui-ci ou de quelques mots ?
Non, il y avait des passages entiers.
Et vous l’avez fait sous la foi du serment ?
Oui, mais après avoir apporté ces corrections.
Monsieur le Président, je voudrais faire observer au Tribunal que cette déclaration se trouvait dans les dossiers de l’usine Krupp au début de ce Procès, qu’elle était beaucoup plus courte et que de nombreuses phrases certifiées par le témoin y manquaient. Je suggère donc que le Ministère Public présente l’original, dont le témoin a dit qu’il l’avait altéré de façon à ce que l’on ne voie que ce qu’il a écrit. Je crois savoir qu’il a précisément barré certaines des déclarations qu’il vient de répéter ici.
Par exemple, il avait dit qu’il n’y avait ni armoires ni tables, ni chaises dans ce camp. Des doutes lui sont venus et il n’a pas certifié ces affirmations.
Je ne sais pas de quoi vous parlez. Nous avons sous les yeux ce qu’on appelle une déclaration sous serment, dont on a pris acte, et qui est signée par le témoin. Celui-ci affirme qu’elle est exacte, sauf les modifications que vous avez obtenues de lui au cours de l’interrogatoire.
Il a dit qu’il s’agissait de phrases entières. Je voudrais simplement prier le Ministère Public de nous présenter le document original qui comporte ces passages barrés, car j’ai vu deux déclarations. L’une, plus courte, où ces passages ont apparemment été omis, et l’autre, qui comprend le texte intégral tel que nous l’avons sous les yeux, et dont le témoin dit qu’il l’a abrogée.
Le témoin dit tout simplement que ce document lui a été présenté sous une certaine forme et qu’il y a apporté quelques modifications. Ensuite — je ne sais si cela a été remis au propre — il l’a signé et certifié ; c’est le document que nous avons maintenant.
Monsieur le Président, je prétends que le document que nous avons sous les yeux ne fait pas mention des passages barrés, et que ceux-ci s’y trouvent comme si rien n’avait été changé.
Vous pouvez poser au témoin toutes les questions qui vous semblent nécessaires.
Comment avez-vous fait ces modifications ?
J’ai barré les passages à l’encre et j’ai mis mon nom en marge. Aujourd’hui je suis incapable de désigner les passages que j’ai barrés alors, car je n’ai pas gardé de copie.
Monsieur le Président, si le document que nous avons devant nous était reproduit correctement, les passages biffés auraient été indiqués, d’autant plus que le témoin déclare qu’il les a paraphés.
Témoin, avez-vous signé le document après qu’il eût été recopié ? Savez-vous ce qu’est une copie au net ?
Oui, je vais essayer de me le rappeler. Le document m’a été présenté. J’ai procédé aux modifications, puis j’ai signé trois ou quatre de ces déclarations. Ensuite, ces documents m’ont été enlevés. Le jour même, ou le lendemain, je me suis rendu à Essen, où j’ai certifié le procès-verbal. Un procès-verbal m’a également été remis, que j’ai lu devant le Tribunal.
Était-ce une copie au net, sans modifications ?
C’était une copie au net, mais je ne peux vraiment pas l’affirmer.
Pourquoi avez-vous fait des modifications ?
Le procès-verbal a été fait de la façon suivante : le capitaine Harris vint me voir et m’interrogea sur ce sujet. On prit des notes ; et c’est le capitaine Harris qui, je pense, a rédigé ce procès-verbal et m’a demandé de le signer.
Mais pourquoi avez-vous fait des modifications ?
Parce qu’il y avait certains passages que je ne pouvais pas certifier sous serment. Je les ai barrés.
Étaient-ils inexacts ou contenaient-ils des exagérations ?
Il y avait à la fois des exagérations et des inexactitudes, involontaires naturellement. J’ai changé ce que j’avais à changer.
Témoin, si je vous présente un document dans lequel je souligne en rouge ces passages que vous avez biffés, les reconnaîtriez-vous ?
C’est extrêmement difficile, car je ne m’en souviens pas.
Je n’ai donc plus de questions à poser.
Je ne comprends pas très bien. J’ignore si l’avocat prétend que nous possédons un autre document que nous n’avons pas présenté. Je n’en connais aucun. Nous n’avons présenté que celui dont nous disposons.
Avez-vous l’original ?
On en a fait plusieurs, qui ont été signés comme des originaux. Le premier était fait à la machine et les autres étaient les copies au carbone. C’est une commission anglo-américaine qui a interrogé le témoin ; une copie nous a été envoyée et nous l’avons présentée. C’est la seule que nous ayons jamais vue.
Je vois que dans le certificat de travail il est question d’un certificat datant du 14 octobre 1945, signé par le capitaine Webb. Je suppose que vous le trouverez à la fin du document.
En tant qu’ancien avocat de M. Krupp von Bohlen, je désire faire une déclaration à ce sujet. Dans le dossier Krupp...
Un instant ; pourquoi vous occupez-vous de cette question ? Nous examinons maintenant la suggestion faite par le Dr Servatius...
Excusez-moi, je ne vous ai pas bien compris.
Nous examinons maintenant le cas du document D-288. Cela ne vous concerne pas ?
Si. Krupp...
Un instant. De quel droit prenez-vous la parole ? Vous n’êtes que l’ancien avocat de Krupp ?
Je voudrais vous aider à débrouiller cette affaire. Je parle au nom du Dr Siemers, avocat de l’amiral Raeder...
Oui, mais que pouvez-vous avoir à dire au sujet de l’établissement de cet affidavit par le Ministère Public ? Vous ne pouvez pas nous aider.
Je voudrais simplement parler des différentes versions de ce document. Dans le dossier Krupp, il y a un document D-288 qui est beaucoup plus bref que ce document D-288 qui a été présenté ici dans l’affaire Sauckel par le Ministère Public. J’ai alors attiré l’attention du Dr Servatius sur cette différence, et nous avons étudié en détail son importance. Il y a donc deux documents, l’original D-288 et celui qui se trouve dans les dossiers de Krupp, qui diffère du document présenté dans l’affaire Sauckel.
Mais ce document a été signé par le témoin. Il se peut qu’il y ait eu un autre document signé, classé dans le dossier Krupp, mais ce témoin a déclaré avoir signé ce document. Je crois donc que ceci n’a aucune importance.
Je voulais simplement attirer votre attention sur le fait qu’il y a deux documents différents.
Oui, je vous remercie. Un autre avocat désire-t-il poser des questions à ce témoin ? Monsieur Dodd, désirez-vous l’interroger à nouveau ?
Non, Monsieur le Président, mais je voudrais dire ceci, au sujet de la question posée par le Tribunal sur le certificat de traduction qui porte la signature du capitaine Webb. On m’informe qu’il s’agit là du certificat qui est joint à tous les documents britanniques, pour les besoins des traducteurs. Voilà de quoi il s’agit réellement. Mais je dois procéder à une enquête à propos de ce document pour tirer cette question au clair. C’est préférable. Mes amis britanniques affirment qu’ils envoient toujours un certificat ; et la seule explication possible est qu’il y a une erreur dans la date ; en tous cas, je le vérifierai.
A-t-on soumis un original de cet affidavit au témoin ?
Je crois que oui. J’ai cru comprendre qu’il a eu celui qui se trouve entre les mains du Tribunal.
A-t-il reconnu sa signature ?
Je puis le lui demander. Témoin, vous avez vu la signature ? C’est bien la vôtre ?
Oui.
En fait, je vous ai parlé personnellement de c sujet et vous m’avez dit que c’était bien là la déclaration que vous aviez faite. Vous en souvenez-vous ? Vous l’aviez lue et examinée.
Oui.
Vous lisiez l’anglais aussi bien que l’allemand ? Vous avez des connaissances d’anglais ?
Quelques connaissances, oui.
Témoin, on vous montre ce document. Il est en allemand ?
Oui.
Et il porte votre signature ?
Parfaitement.
Y a-t-il des passages que vous désiriez supprimer ?
Puis-je d’abord lire le document ?
Oui, le plus rapidement possible.
Oui.
Pendant que le témoin lit le document, j’aimerais informer le Tribunal que le chef du service de documentation vient de nous faire savoir qu’il n’y a qu’un document portant le numéro D-288, et que c’est celui-ci. Il n’existe pas de copie signée, comme l’avocat de Krupp vient de nous le dire.
Oui, il y a une modification au crayon à la page 2 ; j’ai barré, mais ce n’est pas moi qui ai écrit le passage.
Monsieur le Président, me permettez-vous de présenter le document que l’avocat de Krupp m’a donné au début de l’audience ? J’ai également ici un document anglais qui porte le numéro D-288, et j’ai souligné en rouge les passages que j’estime avoir alors été barrés. Je voudrais verser ce document dans l’intérêt du Tribunal, car il facilitera la solution du problème. De nombreux passages sont barrés.
Non, Docteur Servatius, il s’agit là d’un autre document, si j’ai bien compris ?
Oui.
Nous n’en avons pas besoin. Ce document est devant nous ; il est signé par le témoin. Et nous avons demandé à celui-ci s’il estime qu’il y a des passages qui ne font pas partie du document original qu’il a signé.
Il est dit, à la page 1 : « La situation dans tous ces camps était extrêmement mauvaise ». J’aurais probablement atténué le sens de cette déclaration, car...
Un instant, témoin ; nous ne tenons pas à savoir si vous estimez avoir dépassé votre pensée. Nous voulons simplement savoir si ce document représente exactement celui que vous avez signé. Si vous désirez maintenant changer quelque chose, dites-le.
Je n’ai rien à changer au procès-verbal que j’ai devant moi.
Je désirerais vous poser une ou deux questions : les prisonniers de guerre étaient-ils employés dans les usines Krupp à l’époque où vous étiez chargé de l’inspection des camps ?
Je ne me suis jamais occupé des camps de prisonniers de guerre. Il s’agit de toute autre chose. J’avais reçu l’autorisation de visiter les camps de prisonniers qui se trouvaient sous le contrôle de la seule Wehrmacht et j’ai appris que tous ces prisonniers de guerre étaient employés chez Krupp.
Les personnes qui travaillaient dans les camps étaient donc des prisonniers de guerre ?
A Hoegstrasse.
C’étaient des prisonniers de guerre qui travaillaient là ?
Oui.
Pour les usines Krupp ?
Pour les usines Krupp, parfaitement.
A quel genre de travail étaient-ils affectés ?
Ces questions ne me regardaient pas. Cela dépendait de leur profession ; s’ils étaient serruriers, il est probable qu’on les employait dans la serrurerie. Mais il y avait également de nombreux ouvriers non spécialisés. Mais je ne suis pas à même de vous donner des détails, car ces questions n’étaient pas de ma compétence. Seul, le point de vue médical m’intéressait.
Très bien.
Monsieur le Président, j’ai trouvé ce certificat, et il correspond bien à la description que je vous en ai faite. C’est un certificat dans lequel le capitaine Webb de l’Armée britannique déclare qu’il a reçu de la commission américaine un exemplaire de ce document. Il est signé du capitaine Webb, Corps du TMI, Armée britannique, secteur européen.
Votre exposé est-il terminé, Docteur Servatius ?
Parfaitement. Il y a encore les témoins Biedermann et Mitschke, mais je puis y renoncer. Il nous manque encore les affidavits et les questions des docteurs Voss et Scharmann, des témoins Marnbach et Letsch, ce dernier ayant été un expert du service de Sauckel. Nous avons reçu les questionnaires des témoins Darré et Seldte, mais ces documents n’ont pas encore été traduits. Je les présenterai dès que ce sera fait.
Bien.
J’en ai terminé avec la présentation de mes explications.
Je donne maintenant la parole à l’avocat de l’accusé Jodl.
Messieurs, avec votre autorisation, je vais présenter ma cause de la façon suivante : j’appellerai d’abord l’accusé Jodl à la barre et présenterai tous mes documents, sauf un, au cours de son interrogatoire. Je n’importunerai pas le Tribunal par de longues citations. J’ai trois livres de documents numérotés Jodl-1, Jodl-2, etc. et, dans chaque cas, je citerai les numéros qui se trouvent en haut et à gauche de chaque page de la traduction. Le numérotage y est le même que dans l’original.
Je m’excuse de ce que les documents ne soient pas classés exactement dans l’ordre dans lequel je les présenterai ; c’est dû soit à des retards, soit à d’autres facteurs. Il me manque certains questionnaires, dont un auquel j’attache une importance particulière. Je pense que je pourrai les présenter ultérieurement.
On m’a accordé cinq témoins, mais je crois pouvoir renoncer à l’un d’entre eux ; quant aux autres, je les interrogerai très brièvement.
Je voudrais donc, avec la permission du Tribunal, appeler l’accusé Jodl à la barre des témoins.
Veuillez préciser votre nom.
Alfred Jodl.
Voulez-vous répéter après moi ce serment : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (L’accusé répète la formule du serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Generaloberst Jodl, dans l’exposé anglo-américain, il est dit que vous avez 60 ans ; c’est une erreur ; vous venez d’en avoir 56 ? Quand êtes-vous né ?
Je suis né le 10 mai 1890.
Vous êtes né en Bavière, et vos parents descendaient de vieilles familles bavaroises. Vous avez choisi la carrière militaire. Quelles sont les raisons qui ont guidé votre choix ?
Mon arrière-grand-père était officier ; mon père l’était également, ainsi qu’un de mes oncles, mon frère et mon beau-père. Je puis dire que j’avais cela dans le sang.
J’aimerais que vous me parliez maintenant de votre passé politique. Quel est celui des partis politiques existant avant 1933 en Allemagne vers lequel allait votre sympathie ?
En tant qu’officier, je ne m’intéressais que de très loin aux partis politiques ; j’ai eu une attitude particulièrement réservée à l’égard des excès de l’après-guerre. Si je considère le milieu dont je suis issu et l’attitude de mes parents, je dois dire que le parti politique qui aurait été le plus susceptible d’attirer mes faveurs était le parti national-libéral. En tout cas, mes parents n’ont jamais voté autrement que national-libéral.
Définissez en quelques mots votre attitude à l’égard de la République de Weimar.
Fidèle à mon serment, j’ai servi honnêtement et sans réserve la République de Weimar. Autrement, j’aurais démissionné. D’ailleurs, pour nous, Allemands du midi, un système et une constitution démocratiques n’étaient pas choses étrangères. Car notre monarchie était également démocratique.
Quelles étaient vos relations avec von Hindenburg ?
Je le connaissais bien. Je lui avais été affecté après sa première élection à la présidence du Reich, au moment de son premier congé à Dietramszell. Puis je passai un jour avec sa famille, dans sa propriété de Neudeck, avec le maréchal von Manstein.
J’avais vraiment de l’admiration pour lui. Et lorsqu’il fut élu pour la première fois à la présidence du Reich, j’ai considéré cet événement comme le premier symptôme d’un revirement dans l’esprit du peuple allemand.
Quelle était votre attitude vis-à-vis du parti national-socialiste ?
Je le connaissais à peine et l’avais à peine remarqué avant le putsch de Munich. C’est ce putsch qui mêla la Reichswehr à son développement politique interne. Elle subit alors, à peu d’exceptions près, cette épreuve d’obéissance. Mais au lendemain de ce putsch, il y eut une certaine scission au sein du corps des officiers. Les avis différaient sur Hitler. J’étais personnellement encore très sceptique. Je ne me suis senti rassuré qu’au moment ou Hitler, au procès de Leipzig, donna l’assurance qu’il était hostile à toute dissolution de la Reichswehr.
Avez-vous assisté à des réunions où Hitler prit la parole ?
Non, jamais.
Quels sont les chefs du Parti que vous connaissiez avant 1933 ?
Je ne connaissais que les anciens officiers tels que Epp, Hühnlein et Röhm. Mais je n’ai plus eu aucun rapport avec eux après qu’ils eurent quitté la Wehrmacht.
Avant la prise du pouvoir, aviez-vous lu Mein Kampf ?
Non.
Et plus tard ?
J’en ai lu des passages.
Que pensiez-vous de la question juive ?
Je n’étais pas antisémite. J’estime qu’aucun parti, aucun État, aucun peuple, aucune race — même pas les cannibales — ne peut être considéré comme bon ou mauvais en soi. Tout est une question d’individus. Je savais naturellement que la juiverie, après la première guerre, avait profité de la lassitude morale qui en avait résulté pour s’installer en Allemagne d’une façon extrêmement provocante. Ce n’était pas là de la propagande antisémite, c’étaient des faits, qui ont d’ailleurs été fort regrettés par les Juifs eux-mêmes. Néanmoins, j’étais très opposé à toute mise hors la loi, à toute généralisation et à tout excès.
Le Ministère Public prétend que tous les accusés présents ont crié : « Allemagne réveille-toi. Mort aux Juifs ».
En ce qui me concerne, cette affirmation est fausse. A toutes les époques de ma vie, j’ai fréquenté des Juifs. J’ai invité des Juifs et ai souvent été invité par eux. Mais c’étaient des Juifs qui reconnaissaient une patrie et dont la valeur humaine était incontestable.
Avez-vous eu l’occasion d’intervenir en faveur de Juifs ?
Oui, également.
Saviez-vous qu’en 1932 le Gouvernement du Reich craignait d’être renversé et prenait des mesures en conséquence ?
Je le savais bien, car lorsque je vins alors à Berlin, on n’avait procédé à aucun préparatif de guerre, à l’État-Major qui devait devenir plus tard celui des opérations, mais on avait entraîné la Reichswehr en vue d’opérations éventuelles à l’intérieur, et cela aussi bien contre l’extrême-gauche que contre l’extrême-droite. On établit alors des plans et l’on fit des manœuvres auxquelles j’ai moi-même participé.
Quelle fut votre réaction lorsque Hitler fut nommé Chancelier du Reich en 1933 ?
Cette nomination m’étonna beaucoup. Ce soir-là, je rentrai chez moi avec un ami, et devant l’agitation populaire, je lui dis : « C’est bien plus qu’un changement de Gouvernement, c’est une révolution. J’ignore où cela nous mènera ». Mais le nom de Hindenburg, qui avait rendu la révolution légale, et ceux d’hommes tels que von Papen, von Neurath, Schwerin-Krosigk, m’impressionnaient favorablement et m’assuraient qu’il n’y aurait pas d’excès révolutionnaires.
A ce propos, je voudrais donner lecture d’une partie d’un questionnaire adressé au général Vormann ; elle se trouve à la page 208 de mon troisième livre de documents. J’attire l’attention du Tribunal sur le fait que cette page 208, dont j’ai présenté l’original, se réfère à l’année 1933. Jodl était alors au service des effectifs auquel appartenait Vormann. Je lis l’alinéa 2 :
« Jodl, qui était alors commandant à l’État-Major de l’Armée, était en 1933 mon chef de groupe. Il partageait entièrement les vues du chef d’État-Major de l’Armée de terre, le général von Hammerstein, et était tout à fait opposé à Hitler et au Parti. »
Je saute quelques lignes, d’importance secondaire, et je reprends au milieu de la page :
« Lorsque le 30 janvier 1933, Hitler fut nommé Chancelier du Reich, Jodl en fut bouleversé autant qu’étonné. Je me souviens parfaitement d’avoir convoqué le 30 janvier, sur son ordre, les officiers de son groupe à une conférence. Il y expliqua que Hitler avait été appelé à la tête du Reich, conformément à la constitution et aux lois en vigueur. Ce n’était pas à nous d’élever des critiques, surtout après la conduite du Président du Reich, le maréchal von Hindenburg. Nous n’avions qu’à obéir et faire notre devoir de soldats. Les critiques élevées jusqu’alors contre les mesures prises par le nouveau chancelier devaient être abandonnées, comme incompatibles avec notre état de militaires. »
Tout son discours fit ressortir ses soucis et ses craintes de l’avenir.
Je crois qu’il serait temps de lever l’audience.