CENT CINQUANTE-CINQUIÈME JOURNÉE.
Vendredi 14 juin 1946.

Audience du matin.

(Le témoin Wimmer reprend place à la barre.)
M. DEBENEST

J’ai encore quelques questions à poser au témoin.

Témoin, à la suite des réponses que vous avez faites hier au sujet des bibliothèques pillées et transférées en Allemagne, je voudrais vous lire quelques lignes d’un document que j’ai soumis avant-hier au Tribunal sous le numéro F-803 ou RF-1525. Elles figurent page 34 du texte français. C’est un rapport du ministère de l’Éducation et des Beaux-Arts des Pays-Bas. Il y est dit :

« Les collections, ainsi que la bibliothèque de l’Institut international d’histoire sociale à Amsterdam, furent interdites au public. La bibliothèque, comptant environ 150.000 volumes, ainsi qu’une importante collection de journaux, fut transférée en Allemagne. La bibliothèque Rosenthaliana, de l’université d’Amsterdam, qui était propriété de la ville, fut emballée dans cent cinquante-trois caisses et, elle aussi, transportée en Allemagne. De célèbres collections intéressant les sciences physiques et naturelles, propriété de l’université de Saint Ignace de Fauquemont (Valkenburg en hollandais) et du musée d’histoire naturelle de Maestricht, furent également transférées en Allemagne en même temps que les bibliothèques spécialisées qui les accompagnaient.

« En 1940, la totalité des biens des loges maçonniques, dont la célèbre bibliothèque Klossiana, fut saisie et transférée en Allemagne. »

LE PRÉSIDENT

Monsieur Debenest, est-ce que vous n’en avez pas suffisamment lu pour pouvoir poser votre question maintenant ? Nous avons déjà reçu le document. Vous avez énuméré environ une demi-douzaine de bibliothèques dont vous prétendez qu’elles ont été transférées en Allemagne. Vraisemblablement, vous voulez savoir ce qu’il a à dire sur la question, je suppose. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans tous les détails de l’affaire.

M. DEBENEST

Que pensez-vous, témoin, de ce rapport ? Les faits sont-ils exacts ?

TÉMOIN WIMMER

J’ai déjà répondu hier en partie à la question que vous me posez, tout au moins en ce qui concerne les biens des loges maçonniques. Nous avons dit hier, et je l’ai confirmé, que je savais que les biens de ces organisations, mais non pas des individus qui faisaient partie de ces organisations, avaient été saisis.

LE PRÉSIDENT

Vous ne répondez pas à la question. La question est la suivante : est-il vrai que ces bibliothèques ont été transférées en Allemagne ?

TÉMOIN WIMMER

Je ne sais rien des transferts de bibliothèques.

M. DEBENEST

Vous avez cependant prétendu que la bibliothèque Rosenthaliana était restée aux Pays-Bas ?

TÉMOIN WIMMER

La bibliothèque Rosenthaliana, oui, je l’ai affirmé.

M. DEBENEST

La Rosenthaliana, oui. Le rapport indique que les livres furent emballés dans cent cinquante-trois caisses et transportés en Allemagne.

TÉMOIN WIMMER

Parlez-vous de la Rosenthaliana ?

M. DEBENEST

Parfaitement, de la. Rosenthaliana.

TÉMOIN WIMMER

En tout cas, je sais que le Commissaire du Reich avait donné l’ordre que cette bibliothèque restât à Amsterdam. Aurait-elle malgré tout été déménagée, en contravention avec les ordres reçus, je n’en ai jamais eu connaissance.

M. DEBENEST

Cependant, vous étiez versé dans les questions concernant l’instruction publique ou, tout au moins, chargé du contrôle de l’enseignement des Beaux-Arts ?

TÉMOIN WIMMER

Parfaitement, sauf de ce qui concerne les Beaux-Arts.

M. DEBENEST

Mais chargé des bibliothèques et des universités ?

TÉMOIN WIMMER

Oui.

M. DEBENEST

Il est alors curieux que vous n’en ayez pas été informé.

TÉMOIN WIMMER

Je ne sais pas si la bibliothèque a été emmenée ou non.

M. DEBENEST

Passons. D’après les déclarations que vous avez faites hier soir, vous semblez prétendre que le Commissaire du Reich a fait tout ce qu’il a pu en faveur du peuple néerlandais n’est-ce pas ?

TÉMOIN WIMMER

Parfaitement.

M. DEBENEST

En tout cas, il a fait en toute occasion ce qu’il a pu pour éviter le pire, n’est-ce pas ?

TÉMOIN WIMMER

Oui.

M. DEBENEST

Vous savez, d’autre part, que de nombreuses personnes ont été, dans ce pays, arrêtées, internées déportées, fusillées, que des contraintes sévères ont été imposées à ce peuple dans tous les domaines, sous la menace des peines les plus sévères et de représailles. Vous savez enfin que ce pays a été pillé. Quelles sont donc les personnes qui ont ordonné et commis ces crimes ?

TÉMOIN WIMMER

J’ai déjà dit que le commissaire du Reich a fait pour ce pays tout ce qu’il pouvait, qu’il a empêché ce qu’il pouvait ; qu’au cours d’une occupation de cinq ans, des mesures, dures à supporter pour le pays, aient dû être prises, je n’ai jamais prétendu le contraire, et le fait est, du reste, incontestable. Je vous prierai de formuler vos questions de façon plus concrète et de me signifier les entreprises que vous considérez comme criminelles. La question est trop générale pour que je puisse vous répondre par oui ou par non, brièvement.

M. DEBENEST

Qui ordonnait les arrestations ?

TÉMOIN WIMMER

Vous dites ?

M. DEBENEST

Qui ordonnait les arrestations ?

TÉMOIN WIMMER

Quelles arrestations ?

M. DEBENEST

Les arrestations de Néerlandais, naturellement.

TÉMOIN WIMMER

Je vous demande pardon ?

M. DEBENEST

Les arrestations de Néerlandais.

TÉMOIN WIMMER

Les arrestations étaient commandées par le chef suprême des SS et de la Police, c’est-à-dire tout bonnement le chef de la Police.

M. DEBENEST

Qui ordonnait les internements ?

TÉMOIN WIMMER

De quels internements parlez-vous ? Voulez-vous parler des internements en camp de concentration ?

M. DEBENEST

Dans les camps de concentration, dans les camps d’internement.

TÉMOIN WIMMER

C’était ce même chef suprême SS de la Police qui avait à le faire. Cela dépendait de son ressort.

M. DEBENEST

Qui choisissait les otages ?

TÉMOIN WIMMER

La Police.

M. DEBENEST

Qui a nommé Rauter commissaire à la sécurité publique ?

TÉMOIN WIMMER

Il a été nommé commissaire général à la sécurité publique par le Commissaire du Reidl. Ses fonctions principales étaient celles d’un chef suprême des SS et de la Police. Il avait été nommé à ces fonctions par le Reidisführer SS.

M. DEBENEST

Mais il a bien été nommé, — je pense que vous connaissez la disposition — pour aider le commissaire du Reich à mener à bien les tâches de police dont il était chargé, ainsi que celles regardant la sécurité ?

TÉMOIN WIMMER

Il devait rester à la disposition du Commissaire du Reich, mais le Commissaire du Reich n’avait pas pouvoir de donner des ordres inconditionnés au chef suprême des SS et de la Police. Ce droit revenait au Reidisführer SS. Cette nomination au titre de secrétaire général à la Sécurité était toute formelle. On avait procédé à cette nomination simplement parce que le Reidisführer SS désirait que le chef suprême des SS et de la Police portât aussi ce titre. Primitivement, il ne devait pas être nommé commissaire général.

M. DEBENEST

Vous estimez donc que Seyss-Inquart n’avait aucune autorité sur Rauter ?

TÉMOIN WIMMER

Parfaitement.

M. DEBENEST

Eh bien, je vais vous donner lecture d’un document. Vous me direz alors si vous pensez toujours que Seyss-Inquart n’avait pas autorité sur lui. Vous pourrez alors me fournir toutes les explications que vous désirez. (Au Tribunal.) Ce document est le PS-3430, déjà déposé sous le numéro USA-708. Cet extrait est tiré d’un discours que Seyss-Inquart tint en Hollande. Le passage figure aux pages 124 et 125 du texte allemand. Ce texte doit également se trouver au dossier Seyss-Inquart. Je n’ai pas la référence exacte, mais je crois que c’est à la page 57 ou 58. (Au témoin.) Seyss-Inquart, au cours de ce discours du 29 janvier 1943, dit ce qui suit :

« Je donnerai des ordres. Ils devront être strictement exécutés par tous. Dans la situation actuelle, tout refus d’exécuter ces instructions ne pourrait pas être autrement considéré que comme un essai de sabotage. Il est tout aussi clair que nous devons plus que jamais éliminer toute résistance, tout ce qui pourrait contrecarrer cette lutte pour l’existence. »

Et il dit plus loin :

« Au moment où, à l’Est, nos hommes, pères et fils, font face au destin avec une intrépidité inébranlable et fournissent sans faiblir le maximum de sacrifices, il est impossible de tolérer des conspirations qui se fixent pour but d’ébranler l’arrière de ce front de l’Est. Celui qui l’ose doit être anéanti. »

Si Seyss-Inquart n’avait pas eu d’autorité sur la Police, aurait-il pu tenir de tels propos et dire qu’il donnerait des ordres ?

TÉMOIN WIMMER

Je n’ai pas dit que Seyss-Inquart n’avait aucune autorité sur la Police. J’ai simplement dit que les ordres étaient donnés par le chef suprême des SS et de la Police. Sa position vis-à-vis de la Police était la suivante : le commissaire du Reich pouvait, bien entendu, s’adresser à la Police quel que fût le cas, s’il avait besoin d’elle ; mais les désirs qu’il pouvait formuler n’étaient jamais que des souhaits. Il ne s’agissait pas d’ordres qui auraient engagé la Police. Celle-ci, dans de semblables cas, quand il s’agissait d’affaires importantes, prenait au moins préalablement contact avec le Reichsführer SS, ou encore avec le service du Reichsführer SS, et c’est seulement si l’accord était donné que la Police pouvait donner suite aux souhaits du commissaire du Reich.

M. DEBENEST

La question est plus simple que cela. Pouvait-il, oui ou non, donner des ordres dans des cas tels que ceux mentionnés dans son discours ? Personnellement, il l’affirmait.

TÉMOIN WIMMER

Il pouvait formuler des demandes, mais non pas donner des ordres.

M. DEBENEST

Je constate que ce que vous dites ne correspond pas à la teneur du discours de Seyss-Inquart.

Je vais maintenant vous parler d’un autre document et vous me direz comment vous expliquez qu’à votre avis Seyss-Inquart ne pouvait formuler que des demandes et non pas donner d’ordres. Il s’agit du document F-860 que j’ai soumis hier au Tribunal. Ce document consiste en une lettre de Seyss-Inquart au Dr Lammers. Dans cette lettre, il dit vouloir réorganiser la Police néerlandaise pour l’adapter à l’organisation de la Police allemande, et il émet dans ce même document l’opinion que la Police doit être la manifestation la plus forte de l’administration intérieure d’un pays et que, pour cette raison, elle ne doit pas lui être soustraite. Voilà ce que dit Seyss-Inquart dans le document. Comment pouvez-vous concilier votre réponse avec ce qu’écrit Seyss-Inquart ?

TÉMOIN WIMMER

En ce qui concerne cette réorganisation, elle n’a pas été suggérée par le commissaire du Reich, mais elle émanait de la Police elle-même. Le commissaire du Reich, lors de cette réorganisation, et moi-même également, avons tenté de faire au moins en sorte que la Police hollandaise ne soit pas complètement coupée de l’administration ce qui, en gros, était déjà le cas en Allemagne, et ce à quoi la Police allemande visait dans les Pays-Bas.

M. DEBENEST

Vos déclarations contredisent ce qu’écrit Seyss-Inquart lui-même dans ce document. Comment expliquez-vous ce qu’écrit plus loin, dans le même document, l’accusé Seyss-Inquart :

« J’aimerais simplement ne pas expressément nommer le chef .suprême des SS et de la Police président du tribunal, car cette désignation signifierait pour les Néerlandais une limitation des pouvoirs du Commissaire du Reich, ce qui a une particulière importance du fait même que d’après l’ordonnance du Führer, le commissaire du Reich est personnellement chargé de veiller aux intérêts du Reich. Cependant, j’ai pratiquement transmis au chef suprême des SS et de la Police, par mon ordonnance, tous les pouvoirs dont un président de tribunal a besoin. »

TÉMOIN WIMMER

Je vous prie de me relire les deux premières phrases.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Debenest, le document est sous nos yeux, n’est-ce pas ?

M. DEBENEST

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Je pense que cela ne vaut pour ainsi dire pas la peine d’argumenter plus longtemps à ce sujet avec le témoin.

M. DEBENEST

Je n’insiste pas, Monsieur le Président. (Au témoin.) Témoin, comment expliquez-vous encore que Schöngarth — vous avez vu hier le document que l’avocat vous a présenté, l’interrogatoire de Schöngarth — comment expliquez-vous que, le lendemain même de l’attentat contre Rauter, Schöngarth soit allé trouver Seyss-Inquart et que Seyss-Inquart lui ait donné l’ordre, ainsi qu’il le déclare lui-même dans le document, de prendre les mesures de représailles les plus sévères, de faire exécuter 200 prisonniers, et cela dans le but d’intimider la population ?

TÉMOIN WIMMER

Je me suis prononcé hier en détail à ce sujet et je vous ai dit tout ce que je savais là-dessus.

M. DEBENEST

Procédez, s’il vous plaît, à la déclaration que je sollicite de vous.

TÉMOIN WIMMER

J’ai expliqué hier que le Brigadeführer Schöngarth était venu me trouver et m’avait dépeint la situation, en gros si vous me le permettez, comme suit : le Reichsführer SS avait réclamé l’exécution de 500 personnes, mais Schöngarth avait réussi, à la suite d’une intervention du commissaire du Reich, à faire abaisser ce nombre à 200. C’est ce que j’ai dit hier.

M. DEBENEST

Vous prétendez qu’avant de recevoir des ordres du commissaire du Reich, il en avait déjà reçus d’un autre service ?

TÉMOIN WIMMER

Pas du commissaire du Reich, mais du Reichsführer SS.

M. DEBENEST

Oui du Reichsführer SS.

TÉMOIN WIMMER

Je peux simplement affirmer que le Brigadeführer Schöngarth m’a ainsi dépeint l’affaire. Je n’étais pas présent lors de son coup de téléphone avec le Reichsführer SS.

M. DEBENEST

Très bien. N’avez-vous pas vous-même participé à une réunion au cours de laquelle furent désignés les otages ?

TÉMOIN WIMMER

Une réunion ?

M. DEBENEST

Une réunion, une conférence, si vous voulez.

TÉMOIN WIMMER

Oui.

M. DEBENEST

A quelle occasion ?

TÉMOIN WIMMER

Je me souviens que, lors de l’affaire de Rotterdam, le commissaire du Reich eut une conférence avec les commissaires généraux et fit une communication sur cette affaire.

M. DEBENEST

Avez-vous assisté à une conférence avec le général Christiansen ?

TÉMOIN WIMMER

Je ne pourrais pas vous le dire de façon sûre. Je crois que oui.

M. DEBENEST

Savez-vous ce que déclara Seyss-Inquart au cours de cette réunion ? La position qu’il a prise ?

• TÉMOIN WIMMER

Il était d’avis que l’intention de la Wehrmacht de procéder à 50 ou, comme je l’ai entendu dire, à 25 exécutions, était excessive, qu’on ne pouvait pas le faire. Et j’ai également rapporté hier que le commissaire du Reich, après représentations répétées, avait amené la Wehrmacht à tomber d’accord en fin de compte sur l’exécution de 5 otages.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Debenest, toutes ces questions ont déjà été traitées avec Seyss-Inquart, n’est-ce pas ?

M. DEBENEST

Oui.

LE PRÉSIDENT

Et avec le témoin ?

M. DEBENEST

Oui, Monsieur le Président. Je voulais simplement établir si le témoin était d’accord avec le document que j’ai présenté au Tribunal ; c’est tout. J’en ai fini avec mes questions, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Docteur Steinbauer, voulez-vous à nouveau interroger ce témoin ?

Dr STEINBAUER

Je n’ai plus d’autre question à poser à ce "témoin, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)

Dr STEINBAUER

Avec l’autorisation du Tribunal, je vais appeler à la barre le témoin Dr Hirschfeld. (Le témoin gagne la barre.)

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous déclarer votre nom en entier.

TÉMOIN HEINZ MAX HIRSCHFELD

Heinz Max Hirschfeld.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi :

« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)

LE PRÉSIDENT

Vous pouvez vous asseoir.

Dr STEINBAUER

Témoin, vous étiez, en mai 1940, lors-qu’eut lieu l’occupation des Pays-Bas, secrétaire général du ministère de l’Économie et de l’Agriculture ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Avant de répondre à votre question, je voudrais préciser que j’eusse préféré parler hollandais, mais pour ne pas prolonger les débats, je parlerai la langue étrangère que je connais le mieux : l’allemand.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Pour ce qui est de votre question, je peux répondre oui.

Dr STEINBAUER

Avez-vous occupé ces deux postes jusqu’à la fin de l’occupation ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

Dr STEINBAUER

Est-il exact que le commissaire du Reich, lors de sa première conférence avec l’ensemble des secrétaires généraux, ait déclaré qu’il attendait d’eux des services loyaux et qu’aucun d’eux n’avait à redouter des ennuis s’il donnait sa démission ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je dirai à ce sujet que les secrétaires généraux hollandais, qui avaient reçu l’ordre du Gouvernement des Pays-Bas de rester en Hollande, déclarèrent au commissaire du Reich d’alors que, dans l’intérêt du peuple hollandais, ils resteraient en fonctions après en avoir obtenu l’autorisation du Commandant en chef de l’Armée hollandaise qui avait reçu les pleins pouvoirs du Gouvernement hollandais. A la question du commissaire du Reich, nous avons donc répondu par l’affirmative, sous cette condition. Pour ce qui est de sa remarque : redouter des ennuis si nous donnions notre démission, nous avons répondu que cela n’avait aucunement déterminé notre décision.

Dr STEINBAUER

Est-ce que les secrétaires généraux démissionnaires ont reçu leur pension ? Par exemple, M. Trip, président de la banque des Pays-Bas ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

Dr STEINBAUER

Est-ce que le secrétaire d’État à l’Intérieur, Frederiks, est resté à son poste jusqu’en septembre 1944 ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

Dr STEINBAUER

Passons à votre ressort, l’agriculture et l’économie. Est-ce que le commissaire du Reich s’est immiscé dans l’administration de votre propre service, en particulier a-t-il licencié ou déplacé des fonctionnaires des services du ravitaillement ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Le commissaire du Reich n’est pas intervenu personnellement. Ses services l’ont essayé plusieurs fois, mais nous nous y sommes toujours opposés.

Dr STEINBAUER

Il y avait un secrétariat politique d’État de la NSB. Est-ce que cet organisme exerça une influence quelconque sur l’administration ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

D’après l’ordonnance du commissaire du Reich d’alors, ce secrétariat politique d’État n’avait aucune influence sur l’administration des Pays-Bas. Mais je dois ajouter que les nominations qui eurent lieu plus tard des secrétaires généraux appartenant à la NSB, firent qu’une telle influence s’exerça de fait dans divers ressorts, mais pas dans le mien.

Dr STEINBAUER

Est-ce que le commissaire du Reich a maintenu en fonctions Louwes, chef des services du ravitaillement. qui était connu pour ses sentiments anti-allemands, et cela dans l’intérêt du peuple ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je crois que les fonctionnaires néerlandais laissés à l’époque par le Gouvernement hollandais, étaient en gros de la même opinion que Louwes, mais Louwes fut maintenu à son poste.

Dr STEINBAUER

Bien qu’on eût exigé sa démission ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

C’est M. Van der Vense qui me le rapporta à l’époque.

Dr STEINBAUER

L’industrie fut réorganisée. Est-ce que cela fut décidé par ordonnance du commissaire du Reich ou par le secrétaire général ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

La réorganisation de l’industrie s’effectua à la suite d’une ordonnance signée par mes soins, bien que tout d’abord existât un projet qui devait être signé du commissaire du Reich. Je l’ai refusé parce que j’étais d’avis qu’il s’agissait ici d’une affaire purement hollandaise, et que si l’arrêté était signé de moi, tout danger d’ingérence allemande serait écarté.

Dr STEINBAUER

Le commissaire du Reich a réorganisé l’agriculture avec ce qu’on appelait le Landstand. Est-ce que ce Land-stand jouissait de pouvoirs exécutifs quelconques ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Le Landstand n’avait reçu aucun pouvoir exécutif. Je voudrais ajouter que lors d’une conversation personnelle avec le commissaire du Reich, je lui avais conseillé de ne pas mettre sur pied de Landstand.

Dr STEINBAUER

Est-ce que l’ordonnance sur le travail obligatoire de 1941 fut appliquée sur une grande envergure aux Pays-Bas ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

D’après ce que je sais, l’ordonnance sur le service du travail a été peu appliquée aux Pays-Bas et en particulier pour ce qui concerne l’envoi de travailleurs néerlandais en Allemagne.

Dr STEINBAUER

On entreprit ensuite de retirer de Rotterdam et de La Haye en particulier, la population capable de porter des armes. Qui procéda’ à cette évacuation ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

De quoi voulez-vous parler ?

Dr STEINBAUER

De l’évacuation des populations aptes à porter les armes.

TÉMOIN HIRSCHFELD

En 1944 ?

Dr STEINBAUER

En 1944.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Ce fut la Wehrmacht qui s’en chargea.

Dr STEINBAUER

Est-ce que le commissaire du Reich a amorti les effets de cette mesure par l’établissement d’exemptions, en particulier dans votre ressort ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je n’ai pour ainsi dire rien su des exemptions à ce moment.

Dr STEINBAUER

Les quais et les installations portuaires à Rotterdam et à Amsterdam devaient sauter. Savez-vous quel était le point de vue du commissaire du Reich à ce sujet ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

En ce qui me concerne, j’ai simplement appris à Rotterdam par le délégué du commissaire du Reich, Voelkers, que ce dernier avait tenu tête à la Wehrmacht à propos de ces’ mesures.

Dr STEINBAUER

Je remarquerai à ce propos que l’affidavit de Voelkers n’est pas encore arrivé et n’a pu être retrouvé jusqu’à présent. C’est pourquoi j’ai posé la question tout de suite.

Confirmez-vous que sur l’intervention du commissaire du Reich, les surfaces qui devaient être inondées furent en gros réduites de 100.000 hectares ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je sais que sur l’intervention du commissaire du Reich ou de ses services, la superficie qui devait en particulier être inondée en 1933 fut réduite. L’ampleur de la. réduction, je ne la connais pas.

Dr STEINBAUER

Il s’agit de 1943. Vous vous êtes trompé, vous dites 1933. Il s’agit de 1943.

TÉMOIN HIRSCHFELD

1943.

Dr STEINBAUER

Est-il possible que ce chiffre de 100.000 hectares soit exact ?

TEMOIN HIRSCHFELD

J’ai en mémoire qu’il s’agissait de la moitié environ de ce que la Wehrmacht envisageait d’inonder à l’époque.

Dr STEINBAUER

Est-il exact que le commissaire du Reich, en considération du blocus, mit sur pied en temps voulu une industrie alimentaire à partir de l’agriculture ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Quand les Hollandais, en 1940, furent envahis et occupés par les Allemands, les administrations qui s’occupaient de l’agriculture étaient elles-mêmes d’avis qu’une refonte était nécessaire. Le commissaire du Reich et ses services ne nous ont pas empêchés d’exécuter ce travail.

Dr STEINBAUER

Est-il exact, en particulier, que la situation très favorable au point de vue bétail dans les Pays-Bas, ne fut pas compromise par ces mesures ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Le cheptel de la Hollande diminua au temps de l’occupation, d’après ce que je sais, d’environ 30%. Ces mesures de réorganisation de l’agriculture rendirent possible le maintien de ce pourcentage de 70 % pendant toute la guerre, bien que la quantité des porcs fut sensiblement plus réduite et qu’il devint nécessaire d’abattre la volaille presque en totalité.

Dr STEINBAUER

On a expressément parlé ici de la question de l’embargo de septembre 1944, et je voudrais vous poser une question, une seule, à ce sujet. Quand avez-vous parlé pour la première fois avec l’accusé Seyss-Inquart de la levée de cet embargo ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Pour répondre à cette question il me faut remonter un peu en arrière. Quand la grève des chemins de fer fut déclarée, Louwes et moi avons reçu, le 17 septembre 1944, — pardon, le 22 septembre 1944 — la visite de M. Van der Vense qui, de la part du commissaire du Reich, nous indiqua que ce dernier attendait de M. Louwes et de moi une proclamation aux cheminots pour que, dans l’intérêt du ravitaillement du pays, la grève s’arrêtât. Si nous ne nous exécutions pas immédiatement, des contre-mesures seraient prises pour que la population néerlandaise de l’ouest du pays fût placée d’emblée devant le problème du ravitaillement. Nous avons refusé une telle proclamation et demandé à Van der Vense d’annoncer au commissaire du Reich que des représailles contre la population, en rapport avec la grève des chemins de fer, et la responsabilité de la famine incomberaient au commissaire du Reich. Ce fut la conversation la plus importante. Malgré tout, l’embargo fut décidé. Là-dessus, des protestations furent adressées aux différents services du commissaire du Reich et, le 16 octobre 1944. eut lieu une première conférence au cours de laquelle il fut annoncé qu’on avait l’intention de lever l’embargo.

Dr STEINBAUER

Est-il exact que par malheur justement cette année-là la période de gelée advint plus tôt que les autres années ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Peut-être est-elle advenue un peu plus tôt que les autres années ; mais en Hollande la question des gelées est toujours une question incertaine. Du côté hollandais, — je l’ai moi-même communiqué à la presse — nous avons prévenu les gens qu’ils devaient toujours s’attendre à une gelée précoce.

Dr STEINBAUER

Quand l’invasion devint menaçante et qu’une grande partie de la population fut envoyée travailler aux fortifications, le commissaire du Reich n’a-t-il pas, sur votre demande, décidé qu’une grande partie des travailleurs agricoles seraient libérés plus tôt pour rentrer chez eux ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je connais deux cas : 1. Les travailleurs des grandes villes qui s’en allaient dans les provinces du nord-est arracher les pommes de terre ; on a promis que ces travailleurs ne seraient pas affectés à des travaux de fortifications. Cette promesse fut tenue ; 2. A la même époque, dans la province de Trente, un, assez grand nombre de travailleurs agricoles qui avaient déjà été affectés aux travaux de fortifications, se sont vu rendre leur liberté pour participer à l’arrachage des pommes de terre.

Dr STEINBAUER

Malheureusement, je n’ai pas pu entendre le témoin Fischböck sur les questions financières. Mais savez-vous si M. Trip, qui donna sa démission à cause d’un contrôle des devises, fut laissé en fonction à la banque des payements internationaux par le commissaire du Reich, après accord avec le ministre du Reich, Funk ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je me souviens dans cette affaire que M. Trip avait également l’intention alors de donner sa démission de membre du conseil d’administration de la banque internationale. Lorsque cela fut connu on fut, du côté allemand, quelque peu étonné, et on demanda à M. Trip de ne pas démissionner. Je sais qu’il ne donna pas sa démission. S’il y avait des raisons à cela et quelles étaient ces raisons, je ne l’ai personnellement jamais su.

Dr STEINBAUER

Maintenant, deux dernières questions, mais d’une importance considérable : nous avons un ordre des services du Reich intitulé « Terre brûlée ». Cet ordre fut édicté pour les Pays-Bas en mars 1945, Les écluses, les stations de pompage et les digues devaient être détruites. Savez-vous quelle a été l’attitude du commissaire du Reich dans cette question particulièrement importante, et avez-vous parlé avec lui de cette question ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Cette question fut débattue pour la première fois lors d’un entretien que j’ai eu le 14 décembre 1944 avec l’accusé. Lors de cette conversation, il m’annonça que vu les développements militaires, il craignait que l’ordre de destruction de l’ouest du pays ne dût être appliqué par la Wehrmacht. Il m’avait parlé alors de la question de savoir dans quelle mesure l’ouest des Pays-Bas pouvait être tenu à l’écart de la guerre. Cet entretien se continua le 7 janvier 1945. A la suite de ces conversations, j’ai tenté de prendre contact avec Londres sur la question, mais à l’époque je n’ai pas réussi à obtenir de réponse. Ces communications devaient passer alors par émetteur clandestin ; je n’ai jamais non plus établi si on avait réussi à transmettre un tel message.

Le commissaire du Reich me rendit visite le 2 avril et me communiqua que l’ordre « Terre brûlée » était arrivé et qu’il était allé voir Speer à ce sujet. Speer lui aurait alors déclaré que le commissaire du Reich n’avait pas à exécuter cet ordre dans le domaine civil. Speer ne pouvait cependant pas répondre de la Wehrmacht et c’est pourquoi le commissaire du Reich aurait également rendu visite au général Blaskowitz qui lui aurait répondu que les ordres étaient des ordres, mais que si l’on pouvait trouver un moyen de tempérer les effets de cet ordre, il était prêt à en faire usage. Là-dessus, le commissaire du Reich m’a demandé si je voyais des possibilités. Cette discussion fut soulevée à la suite d’un message, un télégramme que je pus transmettre en avril 1945 à Londres. Il me fut également confirmé que ce message était bien à Londres. Là-dessus, il y eut de nouveaux pourparlers.

Dr STEINBAUER

La dernière question est la suivante : est-ce que le commissaire du Reich, à rencontre des services centraux, ne s’est pas mis en rapports avec les hommes de confiance de la résistance néerlandaise afin de terminer la guerre au plus tôt ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Quelques jours après l’entretien du 2 avril 1945, j’ai eu une conversation avec le délégué du commissaire du Reich, Schwebel, qui me demanda si le commissaire du Reich pouvait entrer en contact avec les hommes de confiance de la résistance, et si certains des personnages désignés par Schwebel convenaient. C’est ce que je lui ai confirmé.

Dr STEINBAUER

Je n’ai pas d’autres questions à poser.

LE PRÉSIDENT

Aucun autre défenseur ne désire poser quelque question ?

Dr FRITZ SAUTER (avocat des accusés Funk et von Schirach)

Puis-je poser quelques questions au témoin ? (Au témoin.) Docteur Hirschfeld, vous avez précédemment annoncé que l’ancien président de la banque d’État néerlandaise, le Dr Trip, était resté au conseil d’administration de la banque des règlements internationaux de Baie, même après qu’il eût abandonné ses fonctions de président de la banque d’État néerlandaise. Vous l’avez précédemment confirmé. Il m’intéresserait maintenant de connaître si vous avez su que le ministre de l’Économie du Reich Funk, est spécialement intervenu de façon très énergique auprès de la banque des règlements internationaux de Baie, pour que le Dr Trip restât à cette banque bien qu’il ne fût plus habilité en soi à représenter les intérêts néerlandais.

LE PRÉSIDENT

Mais en quoi, Docteur Sauter, cela nous intéresse-t-il ?

Dr SAUTER

Lors de l’audition de l’accusé Seyss-Inquart le Ministère Public français a prétendu que l’ancien président de la banque d’État néerlandaise, le Dr Trip, aurait été forcé de donner sa démission ou démissionné d’office, et on l’a reproché à l’accusé Seyss-Inquart. En tant que défenseur de l’accusé Funk, je veux prouver que ce dernier est justement intervenu en faveur du Dr Trip, président de la banque d’État néerlandaise, et a fait tous ses efforts pour que le Dr Trip puisse garder son poste à la banque internationale de Baie. Voilà en quoi cela me paraît être important.

LE PRÉSIDENT

Docteur Sauter, le Tribunal pense que ce point est si éloigné de la question et si insignifiant, que nous perdrions notre temps à écouter de pareilles choses.

Dr SAUTER

Très bien, Monsieur le Président. J’ai une autre question à poser. (Au témoin.) Témoin, savez-vous qu’au moment où le Dr Funk était président de la Reichsbank, les obligations de la Reichsbank qui étaient aux mains des capitalistes néerlandais furent amorties, et que les capitalistes néerlandais ont tous reconnu que le Dr Funk avait effectué cet amortissement de façon loyale et juste ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je ne sais rien de cet amortissement d’obligations de la Reichsbank.

Dr SAUTER

Savez-vous quelque chose, Docteur Hirschfeld, de la manière dont le Dr Funk aurait pu vous parler des dettes de clearing ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Après la déclaration de guerre entre l’Allemagne et la Hollande, je ne me suis plus entretenu avec Funk. Ainsi, il n’a pu se prononcer en ma présence sur la question pendant toute la durée de la guerre.

Dr SAUTER

Est-ce que vous n’avez pas appris d’un autre côté quel était le point de vue de Funk sur la question du règlement des dettes de clearing ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

D’après différentes communications qui m’ont été faites et aussi d’après les publications de l’époque, je sais que du côté allemand ces dettes de clearing étaient considérées comme des dettes réelles. Du côté hollandais, par contre, nous ne l’avons jamais cru. Pour un expert en matière d’économie politique qui a observé le développement de la situation depuis le moment où fut organisée, pendant la guerre, la centrale du clearing, cela suffit pour comprendre que ces reconnaissances de dettes n’avaient en fait aucune valeur. Comme il ressort de différentes sources, ces dettes s’élevèrent au cours de la guerre à plus de 42.000.000.000 de Reichsmark. Cependant, le président de la banque des Pays-Bas qui avait été installé par Seyss-Inquart, comparait dans ses rapports de fin d’année le Reichsmark à la livre sterling. Nous n’avons fait qu’en rire en Hollande.

Dr SAUTER

Docteur Hirschfeld, vous venez de parler du président de la banque d’État des Pays-Bas qui avait été installé par Seyss-Inquart. Je crois que c’était M. Rost Van Tonningen ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

Dr SAUTER

Savez-vous que l’accusé Funk, alors président de la Reichsbank, a fait de grands efforts pour empêcher la nomination de M. Rost Van Tonningen et pour que le Dr Trip garde son poste de président de la banque nationale des Pays-Bas ?

LE PRÉSIDENT

C’est encore la même question, n’est-ce pas ? Pratiquement, il s’agit de cette même question à nouveau, dont nous avons dit que nous ne voulions pas entendre débattre l’aide de Funk au Dr Trip.

Dr SAUTER

Précédemment, Monsieur le Président, si vous me permettez cette remarque, je voulais poser la question de savoir si Funk était intervenu pour que le Dr Trip reste au conseil d’administration de la banque internationale de Baie bien que dans les faits il ne soit plus appelé à représenter les intérêts néerlandais auprès de cette banque. Cette question, vous l’avez déclinée comme accessoire. Ma question maintenant est celle de savoir si le Dr Funk est intervenu pour qu’un Hollandais, le Dr Trip, reste président de la banque nationale des Pays-Bas. C’est d’ailleurs, Monsieur le Président, la dernière question que j’ai à poser.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Savez-vous...

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui. Je voudrais remonter un peu plus loin à ce sujet, car il est nécessaire pour la compréhension de cette affaire de savoir...

LE PRÉSIDENT

Je vous en prie, soyez bref.

TÉMOIN HIRSCHFELD

... de savoir que le commissaire du Reich et le Dr Fischböck favorisèrent M. Rost Van Tonningen, bien qu’il fût connu qu’aux Pays-Bas nous le considérions comme un traître. Lorsque le Dr Trip fut obligé de demander son renvoi, la question fut, comme je l’appris à l’époque de Wohithat, commissaire allemand auprès de la Reichsbank, discutée à Berlin et, en vertu de cette information...

LE PRÉSIDENT

Oui. Mais il me semble que la question était de savoir si Funk a essayé de faire nommer le Dr Trip président de la banque nationale des Pays-Bas lorsque cette autre personne fut nommée par Seyss-Inquart. Savez-vous si Funk...

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je sais seulement que Funk l’a essayé, par Wohithat, mais que Göring en a décidé autrement sur la proposition du commissaire du Reich et de Fischböck.

Dr SAUTER

En tout cas, vous confirmez donc que Funk est intervenu pour qu’un Hollandais, le Dr Trip, reste président de la banque nationale des Pays-Bas ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je le confirme d’après une communication qui me fut faite par Wohlthat.

Dr SAUTER

Parfaitement, je vous remercie. Monsieur le Président, je n’ai plus d’autre question à poser.

LE PRÉSIDENT

Quelqu’un désire-t-il contre-interroger le témoin ?

M. DUBOST

De quelle nature étaient les ordres que vous a laissés le Gouvernement néerlandais au moment où il rejoignit l’Angleterre ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Il s’agissait en l’occurrence d’une ordonnance formulée par écrit, ordonnance du Gouvernement hollandais à l’ensemble des fonctionnaires néerlandais de l’administration. Ces ordres étaient réglés sur les principes de la Convention de La Haye relatifs à la guerre sur terre.

M. DUBOST

Ces ordres ne mettaient donc pas en danger l’Armée allemande ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Non.

M. DUBOST

Alors, expliquez-nous si vous le pouvez, pourquoi la Hollande a vu s’instaurer chez elle un régime à part. La Hollande a été en effet le seul pays de l’Ouest à avoir un Gauleiter dès le lendemain de l’invasion.

LE PRÉSIDENT

Pouvez-vous, s’il vous plaît, répéter la question. Le traducteur ne l’a pas comprise.

M. DUBOST

Expliquez-nous pourquoi la Hollande a eu, dès le lendemain de l’invasion, un Gauleiter. C’est le seul pays de l’Ouest qui ait été dans ce cas.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Dans cette nomination d’un commissaire du Reich qui devenait chef de l’administration civile des Pays-Bas, nous vîmes à l’époque une indication des desseins politiques sur les Pays-Bas, intentions qui n’étaient pas simplement celles d’une puissance occupante pure et simple.

M. DUBOST

A votre avis, c’était donc parce que le Gouvernement allemand avait l’intention de modifier les institutions nationales hollandaises, à rencontre du droit des gens, que, dès le lendemain de l’invasion, Seyss-Inquart fut nommé ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Nous eûmes le conviction — que confirma l’expérience — que toutes sortes d’institutions nazies seraient introduites en Hollande et que l’on essayerait de les imposer aux Hollandais.

M. DUBOST

Cette tentative a été faite ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

M. DUBOST

Est-il exact que, pendant l’occupation, de nombreux membres du parti national-socialiste hollandais se trouvaient à la tête de la Police et exécutaient les ordres allemands, arrestation des Juifs, de membres de la résistance ou d’otages ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

M. DUBOST

La Police néerlandaise elle-même, lorsqu’elle se trouva mêlée à ces arrestations, le fit-elle parce qu’elle était contrainte de le faire ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Les choses se présentaient ainsi : lorsque d’anciens policiers néerlandais ont pris part à de telles entreprises, ils l’ont fait parce qu’ils y étaient obligés. Mais il y avait aussi des policiers hollandais nommés par les autorités allemandes ; c’étaient en général des membres de la NSB, et ceux-là se sont en partie présentés volontairement pour procéder à ce travail ignoble.

M. DUBOST

Est-il exact qu’on ait pris comme otages les femmes et les enfants de fonctionnaires de la Police néerlandaise qui refusaient d’exécuter les ordres des autorités allemandes ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je sais que dans plusieurs cas les familles ont été prises comme otages lorsque les fonctionnaires de la Police refusaient d’exécuter ces ordres. En outre, je sais aussi que cela ne s’est pas produit seulement dans la Police, mais dans d’autres secteurs également.

M. DUBOST

On a prétendu ici que les diamants détournés à Arnhem avaient tous été retrouvés aux Pays-Bas. Est-ce exact ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Qu’est-ce qui a été dérobé à Arnhem ?

M. DUBOST

Des diamants.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Cette affaire de diamants est un exemple typique de la façon dont on avait l’intention de s’attaquer à la propriété hollandaise. Ces diamants se trouvaient dans un coffre de banque à Arnhem. Après le débarquement en Normandie, on essaya déjà du côté allemand de s’approprier ces diamants en demandant au directeur des services néerlandais qui s’occupaient de diamants et, plus tard, à moi-même, les clés de ce coffre. Nous avons refusé.

Plus tard, le jour de l’invasion aérienne à Arnhem, la Wehrmacht fit sauter le coffre-fort. Après cette explosion, on ne retrouva apparemment que la moitié des diamants qui furent adressés à la Reichsbank, à Berlin.

Lorsque j’ai protesté, Fischböck a répondu qu’ils avaient été remis en mains sûres à Berlin, à la Reichsbank. Je lui ai alors demandé que ces diamants soient rendus. Entre temps, on établit que l’autre moitié de ces diamants était encore à Arnhem. Le service de la protection des devises (le Devisen Schutzkommando) m’a alors réclamé à nouveau les clés que je gardais en dépôt chez moi. J’ai refusé de les donner et j’eus à nouveau une conversation avec Fischböck à qui l’affaire déplaisait par son incorrection et qui concéda que les diamants restants, que nous retrouvâmes à la vérité à Arnhem, à l’aide de nos clés, fussent rendus à leurs propriétaires. Cette autre moitié des diamants cependant qui était à Berlin, on n’était prêt à la rendre que si elle était remise à une banque de l’est des Pays-Bas, dans un coffre allemand. J’ai alors réclamé de Fischböck la restitution pure et simple. C’est ce qu’il ne pouvait apparemment pas accorder et c’est pourquoi ces diamants ne sont pas rentrés après la libération des Pays-Bas et, autant que je le sache, ils n’ont pas encore été restitués aujourd’hui.

M. DUBOST

Seyss-Inquart a-t-il rendu leurs biens aux 1.000 Juifs déportés à Theresienstadt ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

En ce qui concerne la question des Juifs déportés à Theresienstadt, je sais que ces gens ont été traités de façon particulière à la suite d’une promesse faite à mon collègue Frederiks. Qu’ils se soient vu restituer leurs biens, cela, je n’en ai pas eu connaissance et je ne le crois pas non plus.

M. DUBOST

Ces biens ont-ils été rendus ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Ces biens étaient saisis ; je n’ai pas entendu qu’on les leur eût rendus.

M. DUBOST

Seyss-Inquart a déclaré qu’en février 1941, 400 Juifs d’Amsterdam avaient été transférés à Mauthausen en représailles de l’assassinat d’un membre de la NSB par des Juifs à Amsterdam. Que connaissez-vous de cet incident ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je sais qu’en février 1941 deux sortes de difficultés se sont produites à Amsterdam. D’abord, relativement aux ouvriers des chantiers que l’on voulait, au nombre de 3,000 hommes, envoyer par force travailler en Allemagne. En intervenant auprès de Seyss-Inquart je réussis à éviter cela, mais l’émotion fut grande à Amsterdam à ce propos. En second lieu, on commençait déjà à arrêter les Juifs à Amsterdam et ce fut l’occasion d’une grève. L’affaire des 400 Juifs dont vous parlez, autant que je le sache, se produisit à la suite de la grève à Amsterdam : on arrêtait les Juifs pour cette grève. C’est ce que me déclara Fischböck pour sa part. Personnellement, je lui déclarai que je ne le croyais pas, que c’était là une échappatoire.

M. DUBOST

Si je comprends bien, ces Juifs ont été arrêtés parce que la population d’Amsterdam s’opposait à leur déportation ? Il y eut des manifestations et des échauffourées au cours desquelles quelques membres de la NSB furent tués ; ces Juifs n’ont donc pas été déportés en représailles du meurtre de membres de la NSB. Au contraire, ces hommes de la NSB ont été tués au moment où ils allaient arrêter les Juifs, avant toute idée de représailles.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je me rappelle que ce jour-là la classe ouvrière d’Amsterdam s’est opposée à ce qu’on arrêtât les Juifs. Cela a amené des troubles à Amsterdam et la grève. Comment cela s’est produit exactement, je ne le sais pas de manière exacte.

M. DUBOST

Seyss-Inquart a-t-il interdit de donner des cartes de ravitaillement aux ouvriers qui se dérobaient à un départ en Allemagne ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Lorsqu’on mai 1943 on appela des classes pour le travail obligatoire en Allemagne, le 6 mai, une ordonnance fut adressée aux autorités néerlandaises compétentes, dans laquelle on annonçait que les ouvriers appartenant à ces classes appelées ne devaient plus recevoir de cartes d’alimentation. C’est ce qui fut promulgué par décret le 6 mai 1943, décret signé d’un fonctionnaire du commissariat du Reich, nommé Effger. Nous avons reçu cet avis et, bien qu’il nous soit parvenu à un moment où l’état de siège était déclaré, cette ordonnance ne fut pas appliquée par les autorités néerlandaises. L’argument avancé à l’époque par les autorités allemandes se ramenait pratiquement à ce qui suit : « Celui qui ne veut pas travailler pour l’Allemagne ne recevra rien à manger ».

M. DUBOST

Seyss-Inquart a prétendu que les Hollandais partis travailler en Allemagne étaient, jusqu’en 1942, tous volontaires. Est-ce exact ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Non. Ils ne pouvaient pas tous être volontaires, car les chômeurs en Hollande recevaient une allocation de chômage et, peu après l’occupation, un avis fut publié stipulant que les gens qui étaient propres au travail en Allemagne et qui ne se portaient pas volontaires, n’auraient plus aucun droit à l’allocation de chômage. On exerçait donc sur eux une pression économique.

M. DUBOST

On a très longuement discuté ici de la question de savoir si Rauter était subordonné à Seyss-Inquart ou non. Le savez-vous ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

D’après ce que nous savons, Rauter fut nommé par Seyss-Inquart, au début de juin 1940, commissaire général à la Sécurité. Il ne ressort d’aucune ordonnance connue à l’époque que Rauter se soit vu conférer des fonctions particulières. Car du décret du Chancelier du Reich publié le 18 mai 1940, ressortait très nettement, — c’est ce que nous comprîmes, nous Hollandais — que le Commissaire du Reich était l’unique responsable, aux Pays-Bas, de la puissance occupante pour le secteur civil. Ce ne fut que beaucoup plus tard, à la suite de conversations, que moi-même et peut-être d’autres personnes mieux informées, comprîmes nettement que Rauter recevait directement ses ordres de Himmler ou du RSHA. Mais la population des Pays-Bas ne pouvait pas le savoir.

M. DUBOST

Vous connaissez sans doute l’effet que l’abolition du contrôle des devises eut sur l’économie néerlandaise, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui. Je vais essayer d’expliquer la chose en quelques mots. A l’époque de la déclaration de guerre existait un accord de clearing entre les Pays-Bas et l’Allemagne, ce qui permit aux autorités néerlandaises dans les débuts de l’occupation d’exercer un contrôle tout spécial sur les livraisons de marchandises dirigées sur l’Allemagne. En effet, nous ne disposions pas seulement du contrôle frontalier par nos employés de douanes, nous disposions aussi des relevés de paiements. Il était particulièrement désagréable à Fischböck de savoir que les autorités hollandaises avaient toujours la possibilité de refuser, et cela amena des frottements. C’est pourquoi il entreprit d’en finir avec ce clearing, ce qui amena l’abolition du contrôle des devises le 1er avril 1941. Cela permettait d’acheter en Hollande, contre des Mark, toutes sortes de marchandises et de les faire parvenir en Allemagne sous la protection des autorités allemandes. Je donne un exemple : D’après une enquête que j’avais alors effectuée, il n’y avait que quelques centaines d’acheteurs en gros de bijoux, d’or ou d’argent, aux Pays-Bas. Ces objets, il était facile de les prendre avec soi. S’il y avait eu un contrôle des règlements monétaires, il n’eût pas été possible qu’en 1942 seulement, 80.000.000 à 100.000.000 de florins de tels objets eussent, d’après nos estimations, été détournés vers l’Allemagne sans que l’on se fût soucié des prix.

Le principal, c’était donc que l’abolition de ce contrôle des devises permettait d’opérer plus librement ; en outre, cela permettait d’acheter des valeurs néerlandaises à la bourse d’Amsterdam, car l’un des buts que l’on s’était fixés du côté allemand étaient de confondre les économies néerlandaise et allemande, et on y arriverait le plus facilement en supprimant le contrôle des devises entre les territoires occupés et l’Allemagne. C’est ainsi que les intérêts néerlandais souffrirent beaucoup plus que ceux d’autres territoires occupés où avait été conservé le contrôle des devises. J’ajouterai d’ailleurs que dans ce cas, naturellement, des moyens furent aussi trouvés pour permettre le pillage. La suppression du contrôle des devises facilitait énormément à elle seule la politique allemande dans ce domaine ; c’est ce qui ressort clairement d’une ordonnance prise par Hermann Göring en 1942, d’après laquelle tout contrôle de la frontière germano-hollandaise était supprimé. Le responsable du Plan de quatre ans pouvait écrire que Ion n’avait pas à contrôler à la frontière s’il y avait infraction à la réglementation des prix ou aux prescriptions économiques. Voilà ce que Hermann Göring ajoutait.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Dubost, le Tribunal est d’avis que cette discussion en matière de contrôle des devises pourrait être traitée plus brièvement.

M. DUBOST

Je n’ai plus de question à poser sur ce point, Monsieur le Président. (Au témoin.) Quelles sommes la Hollande a-t-elle payées à l’Allemagne comme frais d’occupation ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

La somme totale, pour toute l’occupation, atteignait 8.500.000.000 de florins.

M. DUBOST

Sous quelle forme ces versements ont-ils été exigés ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Ces 8.500.000.000 de florins se composaient de crédits que la Wehrmacht revendiquait comme frais directs d’occupation en Hollande ; ensuite, des frais occasionnés par le fonctionnement du Commissariat du Reich et, troisièmement, des paiements qu’on avait imposés aux Pays-Bas sous la rubrique, comme on les intitula d’abord, de « frais d’occupation extérieurs » c’est-à-dire des frais que faisait la Wehrmacht en Allemagne pour le compte des forces d’occupation de Hollande.

Pour ce qui est de la forme sous laquelle étaient réglés ces paiements, il s’agissait, lorsque ces paiements étaient effectués aux Pays-Bas, d’argent néerlandais. Pour ce qui est des versements effectués en Allemagne, ils étaient faits en or que l’on réclamait à la banque des Pays-Bas ou prélevés sur les avoirs de la banque des Pays-Bas déposés à la Reichsbank.

M. DUBOST

Ces paiements étaient-ils effectués en vertu d’une stipulation de l’acte de capitulation ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

J’ai pris connaissance à l’époque des conditions de la capitulation du 14 mai 1940. On n’y parlait pas de -frais d’occupation.

M. DUBOST

Quel est le préjudice subi par la Hollande, d’autre part, à la suite du pillage des moyens de production : machines, installations, navires, chantiers, etc. ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Il est extrêmement difficile de vous donner un chiffre exact à ce point de vue, car pendant l’occupation on ne put rien totaliser. Mais je sais qu’après la capitulation allemande, le Gouvernement hollandais, à la Commission des Réparations, à Paris, parla d’une somme approximative de 25.000.000.000 de florins pour les dommages subis par la Hollande du fait de l’occupation. Je pense qu’on comprend dans ce chiffre la somme de 8.500.000.000 de florins que je viens de mentionner.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Dubost, tout cela n’est-il pas contenu dans le rapport néerlandais ?

M. DUBOST

Certainement pas, Monsieur le Président. (Au témoin.) Comment s’est modifiée l’attitude de Seyss-Inquart au cours de l’occupation ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je voudrais faire une différence sensible entre son attitude d’après septembre, d’après l’automne 1944, et celle des quatre premières années et demie. Après l’automne 1944, il fut beaucoup plus ouvert vis-à-vis des intérêts hollandais que précédemment.

M. DUBOST

Avant de devenir secrétaire général des différents ministères que vous avez administrés pendant l’occupation allemande, vous avez été directeur du Commerce extérieur en Hollande. A ce titre, vous avez participé à des négociations internationales et en particulier vous avez négocié avec les représentants de l’Allemagne sur des questions économiques intéressant votre pays. Vous avez donc connu Schacht ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui. Je crois que j’ai vu Schacht pour la première fois en 1933 à la Conférence économique mondiale de Londres.

M. DUBOST

Au cours de vos négociations avec Schacht, n’avez-vous pas été amené à lui demander de freiner le réarmement de l’Allemagne qui ruinait le crédit allemand ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Pour répondre à cette question, il me faut remonter à une conversation que j’eus, lors de mon passage à Berlin en 1936, avec M. Schacht au sujet des entretiens du traité commercial. Lors de cette conversation, nous avons débattu de la situation financière internationale, car à l’époque avaient été effectuées certaines dévaluations, celles des francs français et suisses, ainsi que celle du florin hollandais. A ce propos, on en vint aussi à discuter de l’état de la monnaie allemande. Schacht me demanda, alors que je le critiquais : « Comment feriez-vous ? » Je lui répondis :

« Je pourrais tout au plus vous donner une opinion personnelle ». Je lui demandai alors, ce dont on discutait à l’époque, la question de savoir si dans le cas où l’Allemagne contracterait de nouveaux emprunts internationaux, elle serait prête à en supporter les conséquences même si les intérêts et amortissement, devaient l’obliger à réduire les importations de matières premières, ce qui aurait un fâcheux effet sur le marché du travail et l’armement. L’Allemagne était-elle prête à en supporter les conséquences ? Si oui, à mon humble avis en 1936, on pouvait alors discuter d’emprunts internationaux ; sinon, une telle discussion avait peu de sens. Là-dessus, Schacht exprima l’opinion que l’Allemagne avait besoin de réarmer pour être sur un pied d’égalité avec les autres puissances en matière de politique internationale. C’était la condition indispensable de toute négociation.

Et, à l’époque, Schacht me déclara de sa manière — comment dire ? — un peu ironique, des plus piquantes : « Je désire une Allemagne grande et forte et pour cela je m’allierai, s’il le faut, avec le diable ». Mais au cours de la discussion Schacht me posa lui aussi quelques questions. Tout d’abord, la question de l’assainissement des monnaies lui paraissait essentielle de même qu’également la question coloniale. Pour ce qui est de la question coloniale, il me dit que, d’après lui, l’Allemagne était à nouveau en mesure de prendre en charge des colonies et qu’il prendrait personnellement l’engagement de ne pas laisser armer ces colonies ou d’y laisser constituer des points d’appui pour la flotte. Si un tel programme était souscrit, il pensait que la politique extérieure de l’Allemagne, de même que sa politique économique, pouvaient être complètement modifiées. A cette occasion, Schacht se déclara tout à fait opposé aux tendances antisémites qui se faisaient jour en Allemagne. Il me donna des exemples de sa façon de juger l’antisémitisme, pourquoi il le rejetait ; il me donna en exemple — j’aimerais l’ajouter — une conversation qu’il eut avec un certain Klagges, ministre-président du Brunswick, qui avait fait de Hitler un Allemand.

M. DUBOST

Cela n’a pas d’intérêt pour moi. Schacht vous a dit qu’il avait pris la défense des Juifs. Pour ce qui est de l’État-Major général, une question seulement : n’est-ce pas l’État-Major général allemand qui ordonna de procéder à des rafles dans Rotterdam ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

C’était...

Dr LATERNSER

Monsieur le Président, si je comprends bien, on veut maintenant interroger le témoin pour charger les organisations incriminées de l’État-Major général et de l’OKW. Je m’oppose à la question et pour les motifs suivants : défenseur- des organisations incriminées...

LE PRÉSIDENT

Ne voyez-vous pas la lumière ? Vous parlez trop vite.

Dr LATERNSER

... de l’État-Major général et de l’OKW, le Tribunal m’a interdit, par décision du 8 juin, d’interroger les témoins qui se présenteraient ou de les contre-interroger. La même interdiction vaut pour le Ministère Public. Si je ne peux pas interroger un témoin à décharge, alors le Ministère Public ne doit pas interroger de témoins à charge, car les règles de l’interrogatoire doivent être les mêmes pour l’Accusation et la Défense.

M. DUBOST

Je renonce à ma question.

LE PRÉSIDENT

Je n’ai pas entendu, Monsieur Dubost, ce que vous avez dit.

M. DUBOST

J’ai dit, Monsieur le Président, que je renonçais à ma question relative à l’État-Major général. J’ai encore deux questions ayant rapport à Seyss-Inquart.

LE PRÉSIDENT

Un moment, je vous prie... Continuez, Monsieur Dubost.

M. DUBOST

Seyss-Inquart a-t-il donné l’ordre de faire procéder à des rafles dans toutes les grandes villes hollandaises ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Autant que je le sache, non.

M. DUBOST

Qui a donné l’ordre de procéder à ces rafles ? Qui ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Ces rafles furent effectuées par la Wehrmacht. Je ne sais de qui venaient exactement les ordres ; je sais simplement qu’à Rotterdam, lorsque ces rafles furent effectuées, le 11 novembre 1944 je crois, le chef de la division ’en garnison à Rotterdam procéda personnellement à une allocution à l’Hôtel de Ville et organisa lui-même ces rafles.

M. DUBOST

Seyss-Inquart n’a-t-il pas fait prendre dans les hôpitaux des enfants pour les envoyer travailler en Allemagne ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

La question n’est pas claire.

M. DUBOST

Seyss-Inquart a-t-il fait prendre des enfants dans les hôpitaux pour les mettre au service de l’Allemagne ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je n’ai jamais personnellement rien appris de semblable.

M. DUBOST

Des orphelins ne furent-ils pas, sur l’ordre de Seyss-Inquart, employés de force dans certaines unités SS ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je sais que les SS recrutèrent des soldats dans les Pays-Bas. D’après les journaux, affiches et tracts qui parvinrent à ma connaissance, ce sont toujours les SS qui procédèrent à ces recrutements.

M. DUBOST

Qui avait pris l’engagement de ne pas utiliser pour la guerre, les produits chimiques fabriqués en Hollande ? Est-ce Seyss-Inquart qui avait pris cet engagement ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Je vous demande pardon. Quels produits ?

M. DUBOST

Les produits chimiques. Je répète : qui avait pris l’engagement de ne pas utiliser pour la guerre les produits chimiques fabriqués en Hollande, de les réserver seulement à l’agriculture hollandaise ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Il s’agit ici de la question des engrais azotés ?

M. DUBOST

Oui.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Pour ce qui est des engrais azotés, on nous donna dès le début l’assurance que les fabriques d’engrais azotés en Hollande ne produiraient que des engrais artificiels, ce qui fut le cas jusqu’au mois d’août 1944. Mais une ordonnance fut prise, stipulant que l’industrie des engrais azotés devait passer à la production d’explosifs. Cette ordonnance émanait d’un service du commissaire du Reich. Elle était signée d’un certain Brocke. Là-dessus, après en avoir parlé à une personnalité de cette industrie, j’ai tenté d’intervenir auprès de Seyss-Inquart lui-même. Son adjoint me répondit qu’il avait déjà pris sa décision et que je devais me mettre en relations avec M. Fiebig, le représentant de Speer en Hollande. Je discutai de la question avec Fiebig et lui annonçai que l’industrie néerlandaise et les ouvriers néerlandais ne pouvaient pas travailler à la préparation d’explosifs. Là-dessus, on me répondit : « Si...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Dubost, est-ce qu’on ne peut pas répondre à cette question plus brièvement ? La question était la suivante : Seyss-Inquart avait-il promis que ces produits chimiques ne seraient employés qu’en Hollande et pas dans le Reich ? N’était-ce pas là la question ?

M. DUBOST

Vous avez entendu l’observation de M, le Président. Essayez de répondre plus brièvement.

TÉMOIN HIRSCHFELD

Nous avions donc reçu la promesse qu’il ne serait préparé que des engrais artificiels ; et puis, on exigea la production d’explosifs. Seyss-Inquart refusa...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Dubost, nous ne voulons pas réentendre tout cela. Ne vous est-il pas possible d’obtenir une réponse à la question ?

M. DUBOST

Monsieur le Président, je n’ai pas entendu la réponse du témoin. Elle ne m’est pas parvenue.

LE PRÉSIDENT

Bien. Nous allons suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue.)
M. DUBOST

Avec la permission du Tribunal, je poserai encore une question au témoin. (Au témoin.) Témoin, savez-vous dans quelles conditions et pour quelles raisons le journal de La Haye fut détruit sur ordre du commissaire du Reich ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui.

M. DUBOST

Pouvez-vous le dire ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

Oui. Le journal de La Haye a été détruit parce que les ouvriers qui travaillaient à ce journal ont refusé de reproduire un article dirigé contre la grève des cheminots, article rédigé par le rédacteur en chef du commissariat du Reich. Ce fut la raison pour laquelle on refusa de publier cet article.

M. DUBOST

Il a été détruit à la dynamite ? On a fait sauter les locaux et les machines, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HIRSCHFELD

On a fait sauter les machines à l’aide d’explosifs.

Dr STEINBAUER

Je n’ai plus de question à poser au témoin.

LE PRÉSIDENT

Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)

Dr STEINBAUER

Avec la permission du Tribunal, j’appelle maintenant le dernier de mes témoins à la barre : Ernst Schwebel. (Le témoin gagne la barre.)

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous décliner votre nom en entier, s’il vous plaît.

TÉMOIN ERNST AUGUST SCHWEBEL

Ernst August, Schwebel.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi :

« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment et ajoute : « Pour autant que Dieu m’assiste ».)

LE PRÉSIDENT

Vous pouvez vous asseoir.

Dr STEINBAUER

Témoin, quelles fonctions avez-vous exercées avant d’entrer en fonctions aux Pays-Bas ?

TÉMOIN SCHWEBEL

J’étais Oberverwaltungsgerichtsrat à Berlin, au Tribunal administratif suprême de Prusse.

Dr STEINBAUER

Quand êtes-vous arrivé aux Pays-Bas ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Le 18 mai 1940.

Dr STEINBAUER

Est-il exact qu’à partir de juin 1940 vous ayez été le mandataire du commissaire du Reich pour le sud des Pays-Bas comprenant les villes de La Haye et de Rotterdam ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui.

Dr STEINBAUER

En cette qualité de mandataire de la province, étiez-vous en contact constant également avec les administrations néerlandaises de la province et avec les communes ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui.

Dr STEINBAUER

Savez-vous combien de maires étaient restés dans votre province après le départ de la reine ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Vers la fin, environ la moitié ou les deux tiers.

Dr STEINBAUER

Le commissaire du Reich a-t-il procédé à des changements profonds dans l’administration des communes et des provinces, ou à d’importants remplacements ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Non. Les modifications furent de peu d’importance. Voulez-vous que je parle de ces modifications ?

Dr STEINBAUER

Oui, très brièvement. Donnez-nous seulement les raisons de ces modifications.

TÉMOIN SCHWEBEL

Des modifications ne furent entreprises que lorsque...

LE PRÉSIDENT

Docteur Steinbauer, d’autres témoins ont déjà parlé de ces changements, n’est-ce pas ? Ne s’y est-on pas aussi référé au cours d’un contre-interrogatoire ? N’est-ce pas exact ? Seyss-Inquart n’a-t-il pas déjà indiqué ces changements et n’a-t-il pas aussi été contre-interrogé à ce sujet ?

Dr STEINBAUER

Je passe à une autre question. (Au témoin.) Est-il exact qu’au cours du second semestre de l’année 1944 l’état de siège ait été décrété ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui, le 4 septembre.

Dr STEINBAUER

Et dans un rayon de 30 kilomètres, le pouvoir exécutif passait à la Wehrmacht ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui, mais ce transfert de pouvoir ne découlait pas de cette ordonnance instituant l’état de siège, mais d’une ordonnance militaire spéciale.

Dr STEINBAUER

Elle découlait de la situation militaire.

TÉMOIN SCHWEBEL

Parfaitement.

Dr STEINBAUER

Est-il exact qu’au début de l’année 1945 des commandos spéciaux du Reichsführer SS Himmler aient commencé à placer des mines à retardement dans les bâtiments publics de votre province, dans l’éventualité d’une évacuation ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Je ne connais rien de tels commandos spéciaux de Himmler. Je ne connais que le seul cas d’un lieutenant qui s’était présenté — mais je crois que c’était déjà un peu avant — pour prendre de telles mesures. Je me suis alors immédiatement mis en rapport avec le Commissaire du Reich et aussi avec le Commandant en chef de la Wehrmacht, et j’ai constaté que tous les deux ignoraient ce fait. Là-dessus, sur demande du commissaire du Reich, il fut immédiatement ordonné à ce lieutenant de cesser son activité, d’enlever ce qu’il avait déjà installé, et de disparaître ensuite. A part cela, je ne connais rien de semblable.

Dr STEINBAUER

Savez-vous qu’à l’occasion de ce que l’on a appelé l’action des « mobilisables pour le Reich » des abus se seraient produits à Gouda ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui. La Wehrmacht, qui était alors chargée de ces questions en liaison avec le délégué du Dr Goebbels, commissaire du Reich pour la guerre totale, avait créé à Gouda et dans deux autres endroits de la province, des offices spéciaux, et le directeur de cet office de Gouda menait les choses de façon incorrecte et assez durement. Là-dessus, je me suis entretenu de la chose avec le commissaire du Reich ; il s’est alors immédiatement mis en rapports avec le général commandant la région et fait en sorte que l’officier soit remplacé sur-le-champ.

Dr STEINBAUER

Avez-vous su quelque chose de l’importance du mouvement de résistance dans votre province ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Le mouvement de résistance était combattu par la Police de Sûreté, en liaison avec la Wehrmacht. Mes connaissances à ce sujet ne sont pas des connaissances acquises personnellement du fait de mon activité dans l’administration, mais des connaissances rassemblées de par les liaisons que j’avais avec les différents services. D’après ces sources, le mouvement de résistance se chiffrait approximativement à 50.000 hommes. Ces gens, que nous devions arrêter, n’étaient peut-être pas constamment en activité ou groupés dans des organisations.

Dr STEINBAUER

Savez-vous si le commissaire du Reich avait entrepris de ravitailler 250.000 enfants hollandais ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui. Il a été l’instigateur de cette entreprise, je le sais.

Dr STEINBAUER

Vous avez été témoin oculaire et vous avez également entendu dire que Seyss-Inquart voulait terminer rapidement la guerre dans ce pays. Voulez-vous nous décrire très rapidement la liaison qu’il a ménagée avec le chef de l’État-Major général du général Eisenhower ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Au début du mois d’avril 1945, un certain M. Van der Vlugt vint me trouver. M. Van der Vlugt était l’organisateur de l’IKO, c’est-à-dire de l’organisation interconfessionnelle de soutien pour le ravitaillement.

Dr STEINBAUER

Témoin, vous devez parler un peu plus lentement et très clairement. Je ne vous comprends pas en allemand.

TÉMOIN SCHWEBEL

Un certain Van der Vlugt vint me trouver ; c’était le dirigeant d’une œuvre de secours interconfessionnelle pour le ravitaillement en produits divers de la population. C’est pour cette activité que je le connaissais, mais il me déclara qu’il agissait au nom du Gouvernement néerlandais de Londres, et me posa la question suivante : à savoir si le commissaire du Reich était prêt à négocier avec lui brièvement sur trois points :

1. Ravitaillement sur une large échelle de la population néerlandaise par les Alliés ;

2. Suspension des mesures d’inondation du pays.

3. Cessation de la lutte contre le mouvement de résistance. Je me suis immédiatement mis en rapport avec le commissaire du Reich. Il s’est aussi immédiatement déclaré prêt et, deux jours après, nous avons, avec M. Van der Vlugt et un autre représentant...

LE PRÉSIDENT

Témoin, la lumière jaune signifie que vous parlez trop vite. Lorsque cette lumière jaune s’allume, vous devez parler plus lentement.

TÉMOIN SCHWEBEL

Bien.

LE PRÉSIDENT

Vous étiez en train de nous dire ce que Seyss-Inquart faisait.

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui. Seyss-Inquart s’est donc déclaré prêt à négocier immédiatement sur ces questions. Un entretien eut alors lieu entre M. Van der Vlugt et un autre représentant du Gouvernement de Londres un certain Jonkheer Six, entre ces deux Messieurs et moi-même, en tête à tête. Nous nous sommes tout d’abord mis d’accord tout de suite de façon définitive sur le premier point, à savoir que l’on cesserait toute action contre le mouvement de résistance, en retour de quoi le mouvement de résistance s’engagerait à ne plus entreprendre aucun acte de sabotage.

En second lieu, le commissaire du Reich s’est aussi déclaré prêt à accepter un important ravitaillement de la population par les Alliés et également à faire cesser les inondations, sous réserve des négociations de détail.

Le résultat de cet entretien fut transmis à Londres, et je fis passer le front à deux Hollandais envoyés en parlementaires. Après un échange de négociations, on nous demanda si le commissaire du Reich était prêt à discuter de ces questions avec le Commandant en chef, le général Eisenhower. La réponse fut immédiatement affirmative et là-dessus c’est moi tout d’abord qui, le 28 avril, traversai le front près d’Amersfoort et eus un court entretien avec le général Sir Francis Gengard, chef d’État-Major général du maréchal Montgomery...

LE PRÉSIDENT

Vous n’avez pas besoin d’autres détails à c& sujet, n’est-ce pas ?

TÉMOIN SCHWEBEL

... au cours duquel nous sommes convenus, avec Sir Francis Gengard, que deux jours plus tard un entretien aurait lieu entre . . .

Dr STEINBAUER

Témoin, les détails ne sont pas d’une telle importance. L’essentiel, c’est le résultat de cet entretien, ce qui a été fait dans l’intérêt- de la population hollandaise.

TÉMOIN SCHWEBEL

Très bien. Donc, cet entretien eut lieu le 30 avril entre le commissaire du Reich et le chef d’Etat-major général du général Eisenhower, le général Bedell Smith. Au cours de cet entretien, le commissaire du Reich consentit à tous les désirs du général Bedell Smith. En particulier, devait avoir lieu un ravitaillement à très grande échelle de la population néerlandaise. ..

LE PRÉSIDENT

S’il dit que l’on accéda à toutes les exigences du général Bedell Smith, c’est bien tout ce que vous désirez savoir, n’est-ce pas ?

Dr STEINBAUER

Oui, cela suffit amplement. (Au témoin.) Donc, — c’est vous que j’interroge maintenant — de cette façon, la guerre était terminée deux mois plus tôt, n’est-ce pas ?

TÉMOIN SCHWEBEL

On ne peut l’affirmer. La situation était la suivante. Pour la population hollandaise, cependant, la guerre fut, de ce jour, pratiquement terminée, car ce ravitaillement tel qu’il se pratiquait par la voie aérienne, par les routes, par les canaux, par les neuves, par la mer, à destination de Rotterdam, était si considérable que pour que tous ces transports pussent être acheminés, il fallait partout conclure sur ces voies des suspensions d’armes si bien que, pratiquement par là-même, alors que ce n’était pas théoriquement le cas, il en était découlé une trêve généralisée dont la population put immédiatement jouir.

Dr STEINBAUER

Monsieur le Président, je n’ai plus d’autre question à poser au témoin.

TÉMOIN SCHWEBEL

Puis-je encore ajouter quelque chose, Monsieur le Président ?

LE PRÉSIDENT

Je ne le pense pas. Quand le défenseur a terminé son interrogatoire, nous ne désirons plus d’autres déclarations.

D’autres avocats ont-ils encore des questions à poser au témoin ? (Pas de réponse.)

Le Ministère Public désire-t-il un contre-interrogatoire ?

M. DEBENEST

Témoin, vous avez parlé tout à l’heure des négociations que vous avez entreprises avec les délégués du Gouvernement de Londres. Savez-vous que ces délégués, avant d’entreprendre toute négociation avec le commissaire du Reich en avril 1945, avaient posé comme condition que personne ne fût plus fusillé en cas d’attentat sur la personne de militaires ou de civils allemands, sans jugement préalable ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Parfaitement.

M. DEBENEST

Autre question : ces délégués n’ont-ils pas demandé au commissaire du Reich si les SS se conformeraient aux conditions d’un accord qui mettrait fin aux hostilités ?

TÉMOIN SCHWEBEL

C’est ce qui advint également. Après cela, plus rien ne fut entrepris contre les organisations de résistance.

M. DEBENEST

Très bien. Est-il exact que le Commissaire du Reich ait répondu qu’en sa qualité d’Obergruppenführer des SS, il était en mesure d’imposer aux SS de s’en tenir aux conditions de cet accord et qu’il pouvait en répondre ?

TÉMOIN SCHWEBEL

On ne peut pas parler d’accord dans le sens exact du terme. Tous ces entretiens n’étaient que « gentlemen’s agreements ».

M. DEBENEST

Un moment, s’il vous plaît. Je vous demande si le Commissaire du Reich a fait cette réponse aux délégués du Gouvernement de Londres.

TÉMOIN SCHWEBEL

Il a dit qu’il était aussi Obergruppenführer des SS et qu’il pouvait obtenir que les SS se plient aux conditions de cet accord.

M. DEBENEST

Je vous remercie. Dernière question : connaissiez-vous Kiehl, un fonctionnaire du commissariat du Reich ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Kiehl ? Oui, je le connaissais.

M. DEBENEST

Ne donna-t-il pas, en avril 1945, des instructions pour faire inonder le Wieringer Zee ?

TÉMOIN SCHWEBEL

M. Kiehl, à ma connaissance, ne donnait pas de directives et il ne pouvait pas en donner. M. Kiehl était un spécialiste des travaux hydrauliques, un très bon spécialiste ; mais en matière d’inondations, seuls les services supérieurs de l’Armée pouvaient donner des instructions et, dans ce cas, c’était le General-oberst Blaskowitz qui pouvait les donner.

Dr LATERNSER

Monsieur le Président, je proteste contre cette façon d’interroger le témoin. A nouveau, on se sert de ce témoin pour obtenir des charges contre l’État-Major général et l’OKW. Dans l’objection que j’ai déjà formulée tout à l’heure, j’ai •déclaré que si je ne peux interroger les témoins à décharge, la même chose doit être applicable au Ministère Public pour les questions à charge. Je prie le Tribunal de bien vouloir veiller à ce que cette dernière déclaration soit rayée du procès-verbal.

M. DEBENEST

Pardon.

LE PRÉSIDENT

Que dites-vous, Monsieur Debenest ?

M. DEBENEST

Je voulais simplement dire que je pose cette question sur la foi de renseignements qui me sont parvenus. Il n’est point question précisément de la Wehrmacht, mais d’instructions qui ont été données par un fonctionnaire du commissariat du Reich et, par conséquent, émanant du commissariat du Reich. Je ne comprends donc pas l’intervention du défenseur. Il n’est pas question de la Wehrmacht et j’ignore complètement si le témoin va me dire qu’il s’agissait de la Wehrmacht ou des services du commissariat du Reich, alors que je parle d’un fonctionnaire du commissariat du Reich.

LE PRÉSIDENT

Oui, certainement, vous pouvez poser la question.

M. DEBENEST

Voulez-vous continuer.

TÉMOIN SCHWEBEL

M. Kiehl était donc un spécialiste des travaux hydrauliques auprès du commissariat du Reich ; mais il était en même temps expert du Commandant en chef, et ces deux services le consultaient en tant que spécialiste. Mais il n’avait d’aucun côté le droit d’édicter des ordonnances.

M. DEBENEST

Ne tenez pas de discours, je vous en prie ; répondez directement. Oui ou non, a-t-il transmis l’ordre d’inonder le Wieringer Zee ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Oui, je dois pourtant dire ce qui s’est passé... Kiehl ? Non, il ne peut pas avoir donné cet ordre.

M. DEBENEST

Je ne vous demande pas s’il l’a donné ; je vous demande s’il a transmis cet ordre, simplement.

TÉMOIN SCHWEBEL

Je n’en sais rien, absolument rien. Je ne sais même pas si M. Kiehl a collaboré à cet ordre.

M. DEBENEST

Cela me suffit. Quel était l’intérêt à cette époque d’inonder le Wieringer Zee ? Tout le monde ne pensait-il pas que la guerre était terminée ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Non. Lorsque le polder du Wieringer Zee fut inondé, la guerre n’était pas encore terminée et ces négociations n’avaient pas même été entamées. Lorsque le polder du Wieringer Zee fut inondé — et cela je l’ai entendu plus tard des autorités militaires — il existait à ce moment-là un danger de débarquement aérien sur les terrains de ce polder, et la digue qui fermait le polder et constituait la voie d’accès à la Frise et à la Hollande du nord pouvait tomber aux mains de l’ennemi. Telle est la raison pour laquelle les autorités militaires estimèrent l’inondation nécessaire. C’est ce qu’on m’a expliqué.

M. DEBENEST

Mais ne considérait-on pas alors en Hollande la guerre comme perdue pour l’Allemagne ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Non. A ce moment, on n’estimait pas que la guerre était perdue. En tout cas, l’Armée chez nous à ce moment-là avait reçu des missions défensives, missions qu’elle devait exécuter. Le danger d’un tel débarquement était sérieux.

M. DEBENEST

J’en ai terminé, Monsieur le Président.

Dr STEINBAUER

Je n’aurais pas d’autres questions à vous adresser si le représentant du Ministère Public français n’avait pas entamé une question. Que vous a dit le général Smith de l’inondation du Wieringer Zee ?

TEMOIN SCHWEBEL

Le général Smith déclara au cours de cet entretien, vers la fin, que les inondations auxquelles il avait jusqu’ici été procédé pouvaient être considérées comme justifiées par des nécessités militaires, mais que, désormais, on ne devait plus en entreprendre d’autres.

Dr STEINBAUER

A-t-on procédé à d’autres inondations ?

TÉMOIN SCHWEBEL

Non, on n’en a plus entrepris après cela.

Dr STEINBAUER

Merci. Je n’ai plus d’autre question à poser au témoin.

LE PRÉSIDENT

Très bien, le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)

Dr STEINBAUER

Monsieur le Président, j’en ai terminé avec l’audition des témoins. J’aimerais maintenant attirer votre attention sur les documents que j’ai soumis au Tribunal dans mes livres de documents. On m’a également fait savoir que le livre de documents n0 3 a été transmis au Tribunal. J’aimerais, pour terminer, présenter encore un document sous le numéro 91, qui se rapporte à la lettre pastorale des évêques catholiques à l’occasion du plébiscite en Autriche. Dans cette déclaration, on renvoie également à l’attitude du Gauleiter Bürckel et il en ressort que la persécution des Églises ne peut pas être imputée à Seyss-Inquart, mais que la responsabilité en incombe à Bürckel. Pour gagner du temps, j’aimerais prier le Tribunal de prendre acte de ce document sans que j’aie à le lire. J’en ai ainsi terminé avec la présentation des preuves pour l’accusé Seyss-Inquart.

LE PRÉSIDENT

Docteur Steinbauer, avez-vous déposé tous les documents qui figurent dans vos livres ? Les avez-vous déposés ?

Dr STEINBAUER

Je n’ai pas compris la question.

LE PRÉSIDENT

Tous les documents que vous désirez soumettre comme preuves, les avez-vous tous pourvus de numéros ?

Dr STEINBAUER

Oui, Monsieur le Président, Il manque simplement quelques déclarations sous serment admises par le Tribunal. Il s’agit de celles de Völkers, Bolle et Rauter. J’espère que ces déclarations sous serment arriveront sous peu.

LE PRÉSIDENT

Docteur Steinbauer, vous devez déposer chacun de ces documents. Vous devez procéder à leur énumération. Le simple fait qu’ils figurent dans les livres de documents ne leur confère pas la qualité de preuve. Vous devez donc nous les présenter si vous voulez qu’ils soient soumis au Tribunal, et les numéroter. Vous pouvez les soumettre en bloc et pour cela dire...

Dr STEINBAUER

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Désirez-vous déposer tous les documents depuis le numéro 1 jusqu’au numéro... Je ne me rappelle plus le dernier numéro. Il semble que ce soit le 105.

Dr STEINBAUER

Oui, je vous en prie, tous les numéros contenus dans mon livre de documents, de 1 jusqu’à 107.

LE PRESIDENT

Docteur Steinbauer, les numéros figurant dans vos livres de documents sont-ils les numéros sous lesquels vous désirez déposer ces pièces ?

Dr STEINBAUER

Oui. Mes documents sont numérotés et ces numéros correspondent aux numéros de mes livres de documents.

LE PRÉSIDENT

Vous désirez donc déposer tous les documents, du n° 1 jusqu’au dernier numéro ? Vous désirez déposer tous ces documents comme preuves ? Est-ce exact ?

Dr STEINBAUER

Oui.

LE PRÉSIDENT

Vous nous en avez déjà soumis quelques-uns au cours de votre interrogatoire des témoins ?

Dr STEINBAUER

Oui, quelques-uns. Et je les ai présentés d’après les numéros qu’ils portent dans mon livre de documents.

LE PRÉSIDENT

Vous désirez donc présenter le reste maintenant ?

Dr STEINBAUER

Oui, je vais maintenant présenter le reste.

LE PRÉSIDENT

Sous les numéros qu’ils portent dans vos livres de documents ?

Dr STEINBAUER

Oui.

LE PRÉSIDENT

Et vous présentez les originaux sous les mêmes numéros ?

Dr STEINBAUER

Oui, dans la mesure où je possède ces originaux et dans la mesure où, conformément aux décisions du Tribunal, je peux fournir l’attestation sous serment que les extraits de livres sont conformes aux originaux.

LE PRÉSIDENT

Vous avez certifié, conformément aux décisions du Tribunal, qu’il s’agit de copies authentiques ?

Dr STEINBAUER

Parfaitement.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr HEINZ FRITZ (avocat de l’accusé Fritzsche)

Monsieur le Président, je prie le Tribunal de permettre à l’accusé Fritzsche de ne pas assister aux audiences des lundi et mardi de la semaine prochaine. Il a besoin de ce temps pour achever la préparation de sa défense.

LE PRÉSIDENT

Certainement.

Dr FLACHSNER

Monsieur le Président, je voulais vous présenter la même requête en ce qui concerne mon client, étant donné qu’il suivra immédiatement von Papen dont on va traiter maintenant. Je vous prie donc de le dispenser d’assister à l’audience lundi ou mardi.

LE PRÉSIDENT

Oui, certainement.

Dr LATERNSER

Monsieur le Président, je ne solliciterai que très peu de temps du Tribunal. Mais je dois formuler ici une demande très importante pour moi et qui concerne la procédure ; je justifie très brièvement cette demande.

Je me permets de demander au Tribunal de bien vouloir : 1) lever la décision prise le 8 juin 1946 ; 2) éventuellement...

LE PRÉSIDENT

Docteur Laternser, si votre demande est importante, formulez-la par écrit. Si elle ne figure pas encore par écrit, vous devez le faire. Vous savez très bien que c’est la règle établie par le Tribunal.

Dr LATERNSER

Oui, Monsieur le Président, mais j’attache une certaine importance à ce que ma demande figure au procès-verbal. Puis-je continuer ?

LE PRÉSIDENT

Mais, Docteur Laternser, elle figurera également au procès-verbal si vous la formulez par écrit. Vous êtes ici depuis plusieurs mois et vous connaissez parfaitement bien les règles du Tribunal. Vous savez très bien que ces demandes doivent être faites par écrit.

Dr LATERNSER

Parfaitement, mais étant donné qu’il s’agit d’une demande qui concerne la procédure et qui s’applique à une décision prise oralement, je crois avoir le droit de présenter ma demande de cette manière.

LE PRÉSIDENT

Non. Le Tribunal n’est pas de cet avis et désire avoir votre demande par écrit, conformément au règlement qu’il a édicté.

Le Tribunal va maintenant continuer avec la présentation du cas de l’accusé von Papen, car je crois que c’est le cas suivant.

Dr KUBUSCHOK

Je commence la présentation du cas de l’accuse von Papen, en citant l’accusé comme témoin à la barre. (L’accusé gagne la barre.)

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous décliner votre nom.

ACCUSÉ FRANZ VON PAPEN

Franz von Papen.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi :

« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (L’accusé répète le serment.)

LE PRÉSIDENT

Vous pouvez vous asseoir.

Dr KUBUSCHOK

Voulez-vous, je vous prie, communiquer au Tribunal un bref aperçu de votre curriculum vitae, en particulier à partir du moment où vous êtes entré dans la politique ?

ACCUSÉ VON PAPEN

Pour donner des indications biographiques brèves, je ne soulignerai que les points intéressant le jugement que doit former le Tribunal sur ma personne, dans la mesure où ces particularités eurent une influence sur la formation de ma personnalité et mes conceptions politiques.

Je suis né sur une terre qui appartient à ma famille depuis 900 ans. J’ai été élevé dans les principes conservateurs qui lient de la manière la plus étroite l’homme avec son peuple et sa patrie. Étant donné que mes aïeux ont toujours été un solide appui de l’Église, j’ai naturellement été élevé dans cette tradition également. En tant que second fils de mes parents, j’étais par conséquent prédestiné à la carrière militaire. A 18 ans, je suis devenu lieutenant dans un régiment de cavalerie et j’ai suivi cette carrière...

LE PRÉSIDENT

Vous n’avez pas mentionné votre date de naissance, je crois ?

Dr KUBUSCHOK

Voulez-vous donner votre date de naissance ?

ACCUSÉ VON PAPEN

Ma date de naissance est le 29 octobre 1879.

LE PRÉSIDENT

Vous nous avez dit qu’à l’âge de 18 ans vous êtes entré dans un régiment de cavalerie.

ACCUSÉ VON PAPEN

L’important pour mon évolution

Dr KUBUSCHOK

Il y a sans doute eu une faute de traduction. C’est à 18 ans que l’accusé est entré dans un régiment de cavalerie, et non pas en 1918 ; à 18 ans.

LE PRÉSIDENT

C’est ce que j’ai dit.

ACCUSÉ VON PAPEN

Mon mariage avec la fille d’un industriel sarrois, le Geheimrat von Boch, fut important pour mon évolution, car cette parenté me mit en rapport avec de nombreuses familles françaises et belges et m’amena à une connaissance intime des facteurs spirituels et culturels propres à ces pays voisins qui firent à l’époque une vive impression sur moi. Dès ce moment, en 1905 déjà, j’avais acquis la conviction de la fausseté de cette conception politique voulant que la France et l’Allemagne fussent condamnées à se considérer éternellement l’une et l’autre comme des ennemies. J’ai ressenti combien ces deux peuples pouvaient s’apporter mutuellement si l’on ne troublait pas leur évolution pacifique.

Dans les années suivantes, je suivis les cours de l’académie de Guerre et, en 1913, après une préparation de cinq ans, j’entrai à l’État-Major général. A la fin de l’année 1913, sur ordre de Sa Majesté l’Empereur, je fus nommé attaché militaire à Washington et à Mexico. En cette qualité j’ai, pendant l’été 1914, accompagné le corps expéditionnaire américain envoyé à Vera-Cruz à la suite de l’incident de Tampico. A Mexico, je fus surpris par le déclenchement de la première guerre mondiale. Jusqu’à la fin de 1915 je suis resté en fonctions à Washington. Ce chapitre de mon existence devint d’une importance extraordinaire pour ma vie politique. Notre lutte, menée avec des moyens légaux contre les livraisons unilatérales de matériel de guerre faites à nos ennemis, amena une violente polémique de propagande. Cette propagande, alimentée par nos ennemis, essayait par tous les moyens de rendre suspects les attachés militaires allemands et de faire croire qu’ils avaient organisé des actes illégaux, en particulier des actes de sabotage.

Après avoir quitté les États-Unis à la fin de l’année 1915, je n’ai malheureusement plus jamais essayé de rectifier cette fausse propagande. Mais cette propagande m’a poursuivi jusqu’après 1930, jusqu’à maintenant à la vérité, et m’a marqué. En effet, encore après 1931 par exemple, pour ne citer qu’un cas, la « Lehigh Valley Company » prétendit devant la « Mixed Claims Commission » réclamer 50.000.000 de dollars au Reich allemand, sous prétexte qu’en ma qualité d’attaché militaire allemand, j’aurais été à l’origine d’une explosion arrivée en 1917, deux ans après mon départ des États-Unis. Je mentionne cela, Monsieur le Président, parce que cette propagande m’a honoré de titres tels que celui de « Master Spy » (maître espion) ou de « Chief Flotter » (conspirateur en chef) et autres doux noms, et parce que cette propagande est à l’origine des jugements qui furent portés sur ma personne en 1932, lorsque ]e suis entré dans la vie politique.

LE PRÉSIDENT

Je crois qu’il est temps de suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue jusqu’à 14 heures.)