CENT CINQUANTE-HUITIÈME JOURNÉE.
Mercredi 19 juin 1946.
Audience du matin.
(L’accusé von Papen est à la barre des témoins.)Plaise au Tribunal. L’accusé von Neurath n’assistera pas aux débats aujourd’hui.
Avant de quitter le témoignage de M. Messersmith, accusé, je voudrais vous poser trois questions à propos des autres pays du sud-est de l’Europe qu’a mentionnés M. Messersmith. Saviez-vous que le ministère des Affaires étrangères allemand avait financé et dirigé le mouvement Henlein dans le pays des Sudètes ?
Je ne crois pas avoir eu connaissance de cette affaire à cette époque, car en 1935, lorsque ce rapport fut rédigé, la question des Allemands des Sudètes n’était pas du tout d’actualité.
Quand en avez-vous eu connaissance ?
Pour l’essentiel, ici, dans cette salle.
Bien. Saviez-vous que le Reich aidait M. Codreanu et la Garde de fer en Roumanie ?
Je crois que cela aussi se passait beaucoup plus tard.
Vous n’en avez également eu connaissance qu’après 1935 ? Quand avez-vous appris cela ?
Je ne puis vous le dire, mais je crois que les événements relatifs à la Garde de fer en Roumanie ont dû se passer aux environs de 1937. Je peux me tromper, mais je ne le crois pas.
Sir David, je crois que vous êtes un peu trop près du microphone.
Excusez-moi, Votre Honneur. Saviez-vous qu’en 1944, une publication officielle du Reich, rédigée par l’accusé Kaltenbrunner, déclarait que vous pourriez éventuellement être l’homme qui ferait la même chose en Hongrie, c’est-à-dire préparer le rattachement de la Hongrie au Reich, en y entreprenant le travail de politique intérieure, afin que la Hongrie puisse être annexée par l’Allemagne ? Saviez-vous cela ?
Non, d’abord, je ne le savais pas, et ensuite, je me permettrai de dire que c’est une idée impossible, car j’étais très ami avec le Régent de Hongrie, l’amiral Horthy. Dans mon questionnaire à l’amiral Horthy, je lui ai posé une question à laquelle il n’a malheureusement pas répondu, parce qu’il ne s’en souvient pas ; mais on y déclare qu’en 1943, en automne, le ministre de l’Intérieur hongrois Keresctes-Fischer m’a remis un document duquel il ressortait que des forces allemandes ou hungaro-allemandes voulaient effectuer un rattachement de la Hongrie à l’Allemagne, à l’aide d’une révolte.
A la demande de l’amiral Horthy, j’ai remis immédiatement ce document à M. von Ribbentrop, en le priant de prendre les mesures nécessaires. Tout cela ressort clairement des documents et le ministère de l’Intérieur hongrois pourra le confirmer.
Vous voyez où je veux en venir. Peu m’importe que vous ayez accepté ou non. Ce que je veux dire, c’est que vous aviez été choisi. Ne le saviez-vous pas ? Vous connaissiez pourtant le document dont je parle, D-679, document où figurent de nombreuses notes rédigées par Kaltenbrunner dans lesquelles on parle de vous comme de quelqu’un de qualifié pour agir sur le plan de la politique intérieure en Hongrie.
Monsieur le Président, c’est le livre de documents 11 (a), GB-503, à la page 78, et ce passage se trouve à la page 46 du livre de documents allemand 11 (a).
Oui, Sir David, j’ai parcouru cette note avant-hier lorsque vous l’avez déposée.
Si vous n’en avez eu connaissance qu’ici, je n’en parlerai pas plus longtemps. Je voudrais simplement savoir si vous saviez, en 1944, que vous aviez été proposé, dans un document officiel allemand, comme étant la personne qualifiée pour accomplir un travail interne en Hongrie, dans le but de rattacher la Hongrie au Reich. Si vous me répondez que vous ne le saviez pas, je ne vous en parlerai pas plus longtemps. Vous dites que vous ne l’avez appris qu’avant-hier ?
En effet, et en second lieu, il est connu, au point de vue historique, que très fréquemment je me suis élevé contre ces mouvements qui, en Hongrie, tendaient à faire de ce pays, d’une manière ou d’une autre, et plus tard, au moyen de l’occupation, une partie du Reich.
Je considérais que cette politique était la plus fausse et la plus impossible qu’on pût faire.
Je ne vous parlerai donc plus de ce document puisque vous l’ignoriez. Nous passerons à autre chose.
Vous vous souvenez du Gauleiter Rainer, avec qui vous avez eu, par hasard, une conversation très intéressante, je crois, à la veille de l’Anschluss, le Dr Rainer, le témoin ? Je voudrais que vous considériez le point de vue du Dr Rainer sur la situation en Autriche au moment où vous êtes entré en fonctions et que vous disiez au Tribunal si vous êtes d’accord avec lui. Votre Honneur, c’est à la page 6 du livre de documents n° 11. C’est le document PS-812. Il commence à la page 6, mais l’extrait que je vais citer est à la page 8. Avez-vous trouvé le passage qui commence par :
« Ainsi commença la première phase du combat qui se termina par le soulèvement de juillet 1934. La décision qui entraîna le soulèvement de juillet était justifiée, mais de nombreuses fautes furent commises dans l’exécution. Le résultat en fut la destruction complète de l’organisation, la perte de groupes entiers de combattants qui furent faits prisonniers ou qui durent se réfugier en Allemagne, et sur le plan des relations politiques entre l’Allemagne et l’Autriche, la reconnaissance formelle par le Gouvernement du Reich de l’existence de l’État autrichien. Avec le télégramme adressé à Papen, recommandant de rétablir des relations normales entre les deux États, le Führer avait liquidé la première phase de la bataille et instituait une nouvelle méthode de pénétration politique. »
Admettez-vous avec lui que ceci constitue une description exacte de votre activité, « une nouvelle méthode de pénétration politique » ?
Non, Sir David. Cette description de mon activité est très inexacte.
Si vous n’êtes pas d’accord avec le Dr Rainer, peut-être pourrez-vous me dire si vous connaissez le témoin Paul Schmidt ? Je crois que vous le connaissez très bien. Le connaissez-vous ?
Oui.
Très bien. Il me semble que vous serez d’accord avec moi pour dire qu’il est une des personnalités contre lesquelles personne n’a rien dit pendant ce Procès. Je n’ai jamais entendu critiquer Paul Schmidt. Êtes-vous d’accord avec moi ?
Parlez-vous du témoin, de l’interprète ou du ministre des Affaires étrangères Schmidt.
De l’interprète Paul Schmidt.
De l’interprète Paul Schmidt. Je vais tout de suite vous donner mon opinion.
Êtes-vous d’accord sur le fait, que c’est un personnage en qui on peut avoir entière confiance ? Ou prétendez-vous qu’on ne puisse pas avoir confiance en lui ?
Je n’ai aucune objection à faire aux qualités humaines de M. Schmidt, mais je m’élève vivement contre le fait que M. Schmidt se soit permis de porter un jugement sur mon activité politique en Autriche.
Avant de donner des explications, j’aimerais que vous regardiez l’affidavit du Dr Paul Schmidt. Vous le trouverez à la page 41 du livre de documents 11 (a), page 37 du texte allemand, document PS-3308, huitième paragraphe. Écoutez ce que dit le Dr Paul Schmidt :
« Des plans d’annexion de l’Autriche faisaient, dès l’origine, partie intégrante du programme nazi ; après le meurtre de Dollfuss, l’opposition italienne obligea pendant quelque temps à traiter ce problème avec plus de prudence, mais l’application par la Société des Nations des sanctions contre l’Italie et l’augmentation rapide du potentiel militaire allemand nous permirent de reprendre en toute sécurité le programme autrichien. Au cours de sa visite à Rome, au début de 1937, Göring déclara que la réunion de l’Autriche à l’Allemagne était inévitable et devait se produire tôt ou tard. Quand Mussolini entendit ces paroles prononcées en allemand, il resta silencieux et quand je les lui traduisis en français, il ne protesta que très modérément. L’Anschluss était essentiellement une affaire du Parti, dans laquelle Papen avait pour rôle de maintenir de bonnes relations diplomatiques à l’extérieur, tandis que le Parti utilisait des méthodes plus détournées pour préparer les conditions de la mesure attendue. »
Ensuite, accusé, — afin de mettre les choses au point — il commet une erreur. C’est un discours de Hitler du 18 février sous lequel le traducteur a mis par erreur votre nom. Je ne m’en occuperai pas. Mais je voudrais savoir si vous admettez que vous aviez pour rôle « de maintenir les bonnes relations diplomatiques à l’extérieur, tandis que le Parti utilisait des méthodes plus détournées. » Est-ce là une explication exacte de votre programme, de votre mission en Autriche ?
Bien au contraire, Sir David, c’est tout à fait le contraire. J’ai clairement expliqué au Tribunal quelle était ma mission en Autriche.
Oui.
C’était une mission de pacification et de normalisation, et j’avais en outre à continuer la politique d’interpénétration des deux États par voie d’évolution. Permettez-moi de dire encore un mot au sujet de cet affidavit de M. Schmidt. Nous avons pu constater, alors que le témoin déposait ici que cet affidavit lui avait été présenté lorsqu’il se trouvait à la clinique après une maladie très grave ; il était couché, et on lui a fait signer cette déclaration...
Le Tribunal appréciera. Nous en avons déjà entendu parler ; le Dr Schmidt a été contre-interrogé et le Tribunal est, je pense, très au courant des circonstances dans lesquelles a été établi cet affidavit. Si vous désirez ajouter quoi que ce soit au contenu de ce document, je suis certain que le Tribunal vous y autorisera, mais il est inutile que vous parliez des circonstances. Le Tribunal est au courant.
Je commenterai donc le contenu. Je déclarerai que le ministre Schmidt, qui plus tard a joué un rôle extrêmement important auprès de M. von Ribbentrop, n’occupait au cours des années qui nous intéressent ici qu’un poste tout à fait subalterne au ministère des Affaires étrangères, poste qui ne lui permettait pas d’avoir des vues précises sur la situation en Autriche, ni sur ma politique ou sur mes rapports.
S’il en est ainsi...
Demain ou après-demain, M. von Neurath pourra également vous le confirmer.
Nous n’en discuterons pas plus souvent. Le Tribunal dispose de tout le curriculum vitae et de l’affidavit du Dr Schmidt. Vous avez exposé au Tribunal quelle était votre conception de votre mission en Autriche. Si elle était telle que vous le dites, pourquoi vous était-il nécessaire de connaître l’emplacement des charges explosives sur les routes stratégiques d’Autriche ? N’était-ce pas plutôt un retour vers l’idée du chapeau haut-de-forme contre laquelle vous avez élevé des objections ? Si vous ne vous en souvenez pas, je me permets de vous le rappeler. C’est le document D-689, page 101. Le Tribunal trouvera ce passage à la page 102 ; c’est aux pages 90 et 91. de la traduction en allemand du livre de documents 11 (a), document GB-504.
Il s’agit de l’inauguration de la route du Grossglockner qui, comme vous le savez, est une route stratégique qui conduit de Salzbourg en Carinthie. Vous vous souvenez qu’après votre description des gens chantant à Salzbourg toutes sortes de chansons, excepté le Horst-Wessel-Lied, et de la compétition des coureurs allemands, vous dites au troisième paragraphe :
« Cette route est un ouvrage d’art de première importance, à la construction de laquelle des entreprises de construction allemandes ont pris une part très importante. L’ingénieur en chef de la firme allemande qui avait construit le tunnel au point culminant de cette route s’offrit à m’indiquer l’emplacement des charges explosives disposées dans ce tunnel ; je lui dis d’en parler à l’attaché militaire. »
C’est ainsi que vous combiniez la civilisation et la renommée des constructions routières allemandes avec la recherche des charges explosives du tunnel au point stratégique le plus important de la route. Pourquoi avez-vous considéré cela comme si important que vous en avez adressé le rapport à Hitler avec trois exemplaires pour le ministère des Affaires étrangères ?
Sir David, je peux vous faire un rapport exact des événements qui se sont passés à l’inauguration de cette route.
Ce n’est pas ce que je veux. Le Tribunal peut se le procurer. Je vous demande pourquoi vous avez envoyé à Hitler un rapport disant que l’ingénieur en chef allemand vous avait révélé l’emplacement des charges explosives disposées à l’endroit où cette route pouvait être bloquée ? Pourquoi avez-vous fait ce rapport à Hitler ? C’est cela que j’aimerais vous entendre dire au Tribunal.
Parce qu’il me paraissait intéressant que cet homme, sans que je lui demande rien, soit venu me voir et m’ait dit : « C’est à tel et tel endroit qu’on peut faire sauter ce tunnel ». Vous savez pourtant que nos rapports étaient alors très tendus avec l’Italie ; l’Italie avait mobilisé des troupes à la frontière du Brenner et c’est pourquoi il me paraissait intéressant que cette nouvelle voie de communication entre l’Italie et l’Allemagne puisse, à un moment donné, être coupée. Du reste, j’ai dirigé l’affaire vers mon attaché militaire, car elle ne m’intéressait pas personnellement.
Non, n’étiez-vous déjà plus à ce moment de ceux qui font eux-mêmes ce genre de choses ? Vous étiez chef de mission et c’est une question qui intéressait l’attaché militaire. Mais était-ce là votre plan, accusé, lorsque vous vantiez la culture allemande et la construction des routes par les Allemands, de vous procurer en même temps tous les renseignements stratégiques qui pouvaient intéresser votre Gouvernement, sapant par là les plans du Gouvernement autrichien pour l’utilisation de la route ?
L’accusé a dit, je crois, que c’est une route qui va d’Allemagne en Italie ?
Oui, Votre Honneur. C’est une route qui va de Salzbourg, à peu près à la frontière allemande, jusqu’en Carinthie dans le sud de l’Autriche. C’était une nouvelle grande route destinée au trafic du nord au sud de l’Autriche.
Reliait-elle l’Allemagne à l’Italie ou l’Autriche à l’Italie ?
L’Autriche. (Au témoin.) Passons à un autre point, qui vous intéressait également. Vous signaliez également les emplacements où devaient être entreposés les stocks de munitions autrichiens et où devaient être fabriqués des munitions ?
Je ne me souviens pas.
Très bien. Si vous ne vous en souvenez pas, regardez le document D-694. Vous trouverez cela quelques pages plus loin. C’est à la page 110 du texte anglais, page 108 en allemand. Je le dépose sous le numéro GB-505. Il est daté du 26 novembre 1935, page 110, et l’extrait que je vais lire est à la page 111. Accusé, vous le trouvez au haut de la page 112 du texte allemand. Vous parlez de l’influence de Mandel, dont vous avez signalé l’origine juive, après quoi vous passez au prince de Starhemberg :
« Quand, à la suite de protestations italiennes, la fabrication de munitions pour l’Italie à Hirtenberg dut être arrêtée, Mandel fit charger l’usine entière sur des wagons de chemin de fer afin de lui permettre de continuer à travailler en Italie. »
Je vous prie de remarquer la phrase suivante, mise entre parenthèses :
« Voici une situation intéressante pour le ravitaillement de l’Autriche en munitions. »
Ceci faisait-il partie de votre conception du rétablissement des relations normales de donner des renseignements sur le ravitaillement, les activités des fabriques de munitions autrichiennes ?
Non, cela n’était en fait pas dans mes attributions, mais il ressort de ce rapport, Sir David, que j’ai eu un entretien avec l’ambassadeur de Pologne Gavronski qui m’a raconté que cette unique fabrique de munitions qui existât en Autriche serait transférée en Italie ; et j’ai écrit que c’était une situation bizarre pour un pays que de devoir se procurer ses munitions à l’étranger. Vous reconnaîtrez que c’était là un fait assez bizarre, digne d’être mentionné dans un rapport.
Si c’est là l’explication que vous en donnez, ne nous y arrêtons pas.
Vous nous avez donné la date de ce document, mais d’où provient-il ?
C’est le document D-694 ; c’est un rapport adressé à Hitler par l’accusé le 26 novembre 1935. Il figure à la page 110 du livre de documents 11 (a).
La date ne figure pas sur le document.
Non, Votre Honneur, c’est pourquoi je l’ai indiquée.
Comment avez-vous obtenu cette date ?
J’ai consulté l’original ou plutôt le commandant Barrington l’a consulté, Votre Honneur. Vous voyez que la date n’y a pas été inscrite. Il se trouve entre un document du 11 novembre et un document de janvier.
Une erreur d’écriture ?
Oui. (Au témoin.) Je voudrais parler rapidement de vos expériences personnelles en Autriche. Vous vous souvenez que vous vous êtes rendu au festival de Salzbourg en 1935, alors que vous étiez en Autriche depuis environ un an. Vous en souvenez-vous ? Je n’en suis pas certain, puisque vous vous y rendiez peut-être tous les ans. Vous souvenez-vous d’avoir été accueilli en musique par 500 nationaux-socialistes qui firent une telle manifestation que d’autres personnes habitant l’hôtel voulaient téléphoner ou télégraphier à la Chancellerie fédérale pour dire que l’ambassadeur d’Allemagne avait provoqué une grande manifestation nazie. Vous en souvenez-vous ?
Oui.
Ceci figure à la page 102, Votre Honneur, document D-689 dont j’ai déjà parlé. C’est à la page 102 du livre de documents 11 (a).
Je voudrais maintenant citer un autre exemple. Vous souvenez-vous de la réunion d’anciens combattants de la première guerre mondiale à Wels ?
Oui.
Si je me souviens bien, c’était en 1937 ?
Parfaitement.
Et tous les préparatifs avaient été faits en vue d’une réunion non politique d’une rencontre d’anciens régiments autrichiens et de leurs camarades des régiments allemands, et après cette réunion il devait y avoir un dîner commun et la soirée devait finir par des chansons et des réjouissances. C’était bien le programme, n’est-ce pas ?
Oui.
Et à cette réunion, le général Glaise-Horstenau et vous-même, vous aviez prononcé des allocutions ?
Oui.
Le général Glaise-Horstenau — sans vouloir l’offenser, et je crois que vous serez d’accord avec moi — fit un discours assez terne. C’était bien votre impression, n’est-ce pas, un discours sans grande portée, intéressant, mais pas très dynamique. Croyez-moi, je ne veux pas offenser le général, je veux seulement éclaircir ce point.
Non.
Vous avez prononcé un discours qui ne dura que peu de temps ; vous souvenez-vous ?
Oui.
Après votre discours dans les rues de Wels, il y eut dans les rues de Wels des rixes, des coups de feu tirés, bref, une bagarre.
Puis-je vous en faire une relation plus précise ?
Oui. Si vous le pouvez ; je voulais établir les faits. Vous avez toute latitude maintenant pour donner des explications.
Y a-t-il un document à ce sujet ?
II n’y a pas de document, Monsieur le Président.
Il avait été organisé une réunion à Wels, une rencontre entre les organisations d’anciens combattants allemands de la première guerre mondiale, le « Kriegsverein », et les organisations d’anciens combattants autrichiens. Il était absolument légitime, et parfaitement dans le sens de notre politique commune, que les événements que nous avions vécus ensemble lors de la première guerre mondiale fussent évoqués en commun par ces organisations. Lorsqu’eu lieu cette réunion, qui, suivant mon désir et celui du Gouvernement autrichien, devait avoir un caractère absolument apolitique, il se passa ceci : la place où devait avoir lieu cette réunion des associations d’anciens combattants était, lorsque j’y arrivai, entourée de 5.000 à 10.000 personnes.
Le Gouvernement autrichien, pour recevoir ses hôtes allemands, avait fait venir une compagnie d’honneur de l’Armée, et lorsque à mon arrivée, la musique autrichienne se mit à jouer l’hymne autrichien, ces quelque 10.000 hommes qui entouraient la place se mirent à chanter l’hymne allemand, car, comme on le sait, la mélodie en est la même. Lorsqu’au cours de la cérémonie je prononçai ma brève allocution, je fus constamment interrompu par ces quelques milliers de personnes qui cherchaient à manifester. Bien entendu, je compris immédiatement que les nationaux-socialistes autrichiens avaient organisé une grande manifestation politique ; c’est pourquoi j’écourtai mon discours et, peu après, quittai la place et Wels.
Il est exact, comme l’a dit Sir David, que lorsque la cérémonie fut terminée et que la police autrichienne voulut intervenir contre les milliers de manifestants, il arriva des incidents regrettables.
Si c’est là votre explication de l’incident, j’en ai exposé les faits. Je voudrais maintenant passer à un autre point, car je ne peux donner que des exemples de votre activité en Autriche. Avant d’avoir entendu le témoignage de l’accusé Seyss-Inquart, vous souvenez-vous d’avoir entendu utiliser l’expression « technique du cheval de Troie » à propos de l’Autriche ?
Oui. Seyss-Inquart ne voulait pas conduire le cheval de Troie.
Oui, mais avant cela, vous aviez parlé de la technique du cheval de Troie.
Cela figure, Monsieur le Président, au livre de documents 11 (a), page 133. L’extrait que je vais lire est à la page 134. C’est le document D-706, que je dépose sous le numéro GB-506.
C’est votre rapport du 21 août 1936 dans lequel vous citez des instructions du service de renseignements de Prague adressées à son service de Vienne qui dit : « On doit malheureusement constater que les excès sauvages des nationaux-socialistes qui ont eu lieu le 29 juillet de cette année n’ont pas eu les résultats auxquels nous nous attendions. Le rapprochement entre l’Autriche et le Troisième Reich dans le domaine de la politique étrangère, ainsi que la collaboration culturelle de ces deux nations sœurs, font de nouveaux progrès.
On peut également déduire de vos rapports les plus récents que le cheval de Troie national-socialiste cause une confusion de plus en plus grande dans les rangs du Front de la Patrie et surtout dans les rangs du Heimatschutz. Néanmoins, l’opposition qui se manifeste contre un retour à des relations normales entre l’Allemagne et l’Autriche, relations qui seraient très dangereuses pour l’indépendance de l’Autriche, semble être relativement très importante et ne manque évidemment, en apparence, que d’une bonne organisation... »
Ce compte rendu tchèque décrit-il fidèlement ce qui se passait : rendre apparemment normales les relations et introduire à l’intérieur du pays un cheval de Troie ?
Sir David, c’est le point de vue du service secret tchèque et peut-être du Gouvernement tchèque.
Puis-je vous rappeler, accusé, que c’est une opinion dont vous faites état dans votre rapport au Führer, et que vous ne la contredites pas. Il n’y a pas un seul mot dans votre rapport indiquant que cela ne soit pas exact ; tout au contraire : vous dites que vous le transmettez « pour illustrer la situation présente en Autriche ». Vous le présentez au Führer comme correspondant à la vérité, et vous ne pouvez donc, à mon avis, dire maintenant que ce n’est qu’un compte rendu tchèque.
Si, si. Je vous ferai remarquer que ce rapport date du 21 août 1936, donc un mois après la conclusion de notre accord de juillet que vous prétendez être une manœuvre trompeuse et dont nous avons pu constater, avec le ministre des Affaires étrangères autrichien, que c’était un accord extrêmement sérieux. Nous nous trouvions donc sur un terrain tout à fait différent en ce qui concerne l’Autriche, et c’est pourquoi j’ai transmis ce curieux rapport tchèque en le présentant comme un document intéressant et qui révélait comment, malgré tous nos efforts pour rétablir une situation normale, on considérait en Tchécoslovaquie la situation de l’Autriche.
Passez-vous de ce document à une autre question ?
J’allais le faire.
Et le dernier alinéa ?
Si Votre Honneur le permet, j’en parlerai maintenant.
C’est à la page 134 ?
Certainement. On y lit encore :
« D’autre part, il semble qu’il soit sans espoir et impraticable pour nous d’essayer d’influencer le mouvement légitimiste autrichien ou le mouvement de la Heimwehr. D’un autre côté, il existe au sein du catholicisme autrichien des éléments suffisamment forts qui, sous quelques réserves, pourraient être qualifiés de démocratiques. Ces éléments qui se groupent peu à peu autour du Freiheitsbund et sont enclins en principe à travailler dans le sens, d’une entente avec les sociaux-démocrates, constituent à notre avis un groupement qui, dans certaines circonstances, pourrait avoir tendance à amener un bouleversement politique en Autriche. » Ce que vous écriviez là représentait-il aussi votre point de vue ?
Sir David, j’ai déjà fait hier au Tribunal une description très précise des buts et du caractère du Freiheitsbund et le Tribunal sait, d’après ces rapports, que le Gouvernement tchèque s’efforçait d’exercer une influence politique sur ce Freiheitsbund. Ceci ressort très clairement de toute l’affaire. Tout cela constitue le rapport tchèque.
Mais vous présentiez comme étant votre opinion le fait que la gauche catholique pourrait être utilisée par vous-même comme moyen d’approche. Voilà ce que vous dites en fait ?
Mais, Sir David, vous ne pouvez tout de même pas prétendre que j’aurais présenté à Hitler un rapport tchèque, en voulant m’identifier avec ce rapport ?
Oui, c’est précisément ce dont je vous accuse. Si vous écrivez au Chef de l’État :
« Afin d’illustrer la situation actuelle en Autriche, j’ajoute un extrait d’un rapport du service secret de Prague », je prétends que cela signifie : « Ce rapport illustre la situation telle que je la vois ». C’est de cela que je vous accuse.
Non, car il ressort d’un autre rapport que vous avez présenté précédemment au Tribunal que j’ai demandé à Hitler de contrecarrer ces aspirations du Gouvernement tchèque visant à exercer une influence sur le Freiheitsbund, en nous l’attachant. Je ne suis pas du tout de votre avis.
Mais vous aviez demandé à Hitler de donner 100.000 RM au Freiheitsbund. C’est exactement le but dont vous avez fait mention ici, c’est-à-dire que cette association pouvait vous être utile pour exercer une certaine influence dans un autre secteur de l’opinion autrichienne. Je prétends que ces deux affaires sont compatibles. Vous dites à Hitler que ce serait utile.
Oui.
Et vous leur avez donné 100.000 RM. C’est ce dont je vous accuse.
Oui.
Et de n’avoir cessé de miner une partie de l’opinion publique autrichienne après l’autre, afin de pouvoir, plus tard, mettre la main sur l’Autriche ; c’est de cela que je vous accuse. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Sir David, si quelque chose ressort clairement de ce rapport, c’est bien le fait qu’en dehors des nationaux-socialistes il y avait aussi en Autriche d’autres groupements tels que les syndicats chrétiens et le Freiheitsbund qui étaient, eux aussi, pour l’accord et la réunion des deux pays sur le plan politique ; et vous ne pouvez tout de même pas me reprocher si, en ma qualité de diplomate qui désirais atteindre ce but par voie d’évolution, je soutenais les intérêts de ces groupements.
Ce n’était pourtant pas l’évolution de la politique du cheval de Troie mais c’est peut-être une opinion.
Passons à une autre question. Connaissiez-vous le baron Gudenus ?
Non, je ne l’ai pas connu.
Vous savez qu’il avait la confiance de l’archiduc Otto ? Vous souvenez-vous ?
Oui, cela ressort de mes rapports.
Nous allons voir ce que le baron Gudenus avait à dire. C’est à la page 93, Monsieur le Président, pages 72 à 75 du texte allemand. C’est le document D-687 que je dépose sous le numéro GB-507. Au second paragraphe, sous la lettre b, c’est à la page 74 du texte en allemand :
« Le baron Gudenus, homme de confiance de l’archiduc Otto a écrit le 30 mars à une de mes connaissances : « J’ai ramené d’Autriche des impressions réjouissantes sur les progrès de notre mouvement ; en revanche, je ne peux nier qu’à certains points de vue la politique du Gouvernement ne cause de l’anxiété. A quoi sert-il que les meneurs de février et de juillet 1934, dans la mesure où on a pu s’emparer d’eux, aient été condamnés, si le Gouvernement est trop faible, pas assez énergique, ou délibérément trop tolérant et ne peut empêcher que s’exerce dans les cinémas, dans la presse et à la radio, la propagande brune ou rouge soutenue et payée principalement par des fonctionnaires de l’État ou par des organismes du Front de la patrie, au moyen des fonds et des autres moyens de propagande que l’Allemagne envoie à flots. Que fait donc Schuschnigg, ce savant idéaliste ? Ne voit-il donc pas que Papen et les autres agents des Chemises brunes ne cessent, dans son propre pays, de cracher dans la main qu’il leur tend avec obstination ? Il ne peut pourtant pas imaginer que c’est de cette manière qu’il maintiendra et sauvera l’Autriche, aussi longtemps que Hitler gouvernera une Allemagne peinte en brun à l’intérieur et à l’extérieur. Les méthodes utilisées là-bas sont beaucoup plus intelligentes et plus prudentes, mais n’en sont que plus dangereuses. » Ceci se passait environ sept mois après votre arrivée en Autriche : « Les perpétuels différends entre Schuschnigg et Starhemberg sont également inquiétants », etc.
N’est-il pas exact, accusé, que n’importe qui, même un agent monarchiste de passage, savait que ces activités étaient exercées sous votre direction et avec l’aide du parti national-socialiste autrichien qui travaillait de façon clandestine.
Avant d’entendre votre réponse, il ne serait que juste de regarder vos commentaires à ce sujet :
« Il serait difficile de dépeindre de manière plus évocatrice que dans cette lettre les difficultés de la situation intérieure de l’Autriche. »
Pourquoi n’avez-vous pas dit à Hitler, si tels étaient les faits : « Le baron Gudenus dit des bêtises. Je ne fais que remplir une mission parfaitement honnête et raisonnable en vue d’améliorer les relations avec l’Autriche ». Pourquoi ne l’avez-vous pas nié, si cela n’était pas vrai ?
Il me semble que ce rapport fait tout d’abord ressortir que c’est avec une franchise complète que j’ai transmis à Hitler tous les rapports que j’avais reçus, même ce rapport d’un partisan de la restauration des Habsbourg. Il est absolument évident...
Je prétends, accusé, que vous les avez transmis parce qu’ils étaient vrais, parce qu’ils décrivaient la situation telle qu’elle était. Voilà ce que je prétends. Voulez-vous dire au Tribunal si ces comptes rendus étaient véridiques ou non. S’ils ne l’étaient pas, pourquoi les transmettiez-vous à Hitler sans le lui dire ?
Si vous lisez ce rapport du baron Gudenus, vous constaterez qu’il traite de la situation intérieure de l’Autriche et qu’il déplore les différends entre Schuschnigg et Starhemberg et entre leurs gardes et la permanence d’un républicanisme inavoué...
Oui, dans trois lignes sur vingt. Mais on y dit bien, autre chose avant ce passage et c’est précisément sur les dix-sept autres lignes que je vous interroge.
Sir David, les points que je viens de mentionner prouvent la faiblesse interne du Gouvernement autrichien sur lequel je faisais mon rapport. Si vous voulez dire que j’aurais dû déclarer à M. Hitler que je n’étais pas un agent « brun », il me semble que le 26 juillet nous avions expliqué très clairement dans quelles conditions je pouvais faire mon travail en Autriche ; je n’avais pas besoin de l’expliquer à M. Hitler dans mon rapport. Je le lui ai simplement adressé pour son information.
Si c’est là votre explication, regardez le paragraphe suivant de votre lettre ; il montre un autre aspect de votre œuvre. Paragraphe 3 :
« Le film Le jeune et le vieux roi — peut-être que le Tribunal ne s’en souvient pas, mais vous pourrez rectifier
C’est un film qui, si je me souviens bien, traite des relations entre Frédéric-Guillaume 1er et Frédéric le Grand. C’est bien cela ?
Oui.
« Le film Le jeune et le vieux roi a été présenté ici pour la première fois il y a quelques jours en présence de M. Jannings ». Il s’agit d’Emil Jannings, l’acteur. « Ce film a provoqué des manifestations enthousiastes, et en particulier la scène où le roi déclare que les livres latins et le fatras français sont sans importance pour la Prusse, a suscité de vifs applaudissements. La Police voulait interdire ce film. Avec M. Jannings, nous lui avons expliqué que si ce film était interdit, aucun film autrichien ne passerait plus en Allemagne. Cela fit l’effet désiré. Le film, à l’exception de la scène citée plus haut, passe maintenant et sera présenté par les cinémas de Klagenfurt et de Graz dans les prochains jours. Hier, j’ai reçu chez moi Jannings avec quelques autres acteurs du Burgtheater. Il s’est montré très satisfait de son succès et nous avons longuement parlé d’un film sur Bismarck pour la réalisation duquel je lui ai proposé que Beumelburg écrivît le scénario. »
Vous avez donc contraint l’Autriche à montrer un film qui contenait de la propagande prussienne, en menaçant d’exclure du marché allemand Mademoiselle Wessely et « Mascarade » et d’autres films autrichiens de cette époque. Vous avez appuyé votre propagande sur la menace d’empêcher les films autrichiens de passer en Allemagne. Est-ce exact ?
Oui, et je vais vous dire pourquoi. Je dois un peu étendre vos connaissances historiques de ces faits, Sir David. Frédéric le Grand a, comme vous le savez, joué un rôle très important dans les relations entre l’Allemagne et l’Autriche et nous nous efforcions à cette époque de corriger les inexactitudes historiques datant de l’époque de Frédéric le Grand sur les relations entre nos deux pays. C’est dans ce but que l’historien autrichien bien connu, le professeur Srbik, avait écrit une œuvre importante. Le film dont nous parlons avait pour but de montrer que nous avions en commun une grande histoire allemande qui intéressait nos deux pays. C’est pour cela, dans un but de rapprochement culturel de nos deux pays, que j’ai tenu à ce qu’il soit montré. Et c’est ce qui s’est passé.
Je n’ai aucun doute sur les raisons pour lesquelles vous teniez à ce que ce film soit montré, mais ce que je vous demande, c’est pourquoi vous avez menacé les autorités autrichiennes de ne pas passer les films autrichiens en Allemagne. Pourquoi les avez-vous menacées de cette façon ?
Il arrivait fréquemment que la Police autrichienne craignît que certains films ne servissent de prétextes à des manifestations ; mais, après que nous nous fûmes entretenus avec elle pour procéder à certaines coupures, elle autorisa la présentation de ce film. Naturellement, je lui ai dit en cette circonstance que si nous ne tombions pas d’accord, l’Allemagne n’enverrait plus de films à l’Autriche.
Encore une fois, les faits parlent d’eux-mêmes, vous souvenez-vous d’avoir dit au Tribunal que vous n’étiez pas en relations constantes avec la NSDAP en Autriche ? Est-ce exact ?
Non, ce n’est pas exact.
Vous étiez en relations avec elle ?
Oui.
En relations étroites ?
Non.
Bon. Dans ce cas, voulez-vous regarder une page en arrière, page 72, je crois, de votre rapport. C’est toujours le même rapport. C’est à la page 93 du texte anglais, Monsieur le Président. (Au témoin.) Vous commenciez ce rapport en disant :
« Je dois d’abord rendre compte de l’évolution de la NSDAP autrichienne. Le 23 mars, un accord complet a été conclu à Krems entre le capitaine en retraite Leopold et le directeur général Neubacher. D’après cet accord, Neubacher est sous les ordres de Leopold et le reconnaît comme Führer pour l’Autriche. Dès que Schattenfroh sera libéré de son camp de concentration, il doit devenir adjoint de Leopold, tandis que Neubacher, homme de confiance de Leopold, sera consulté sur toutes les questions importantes.
« De plus Leopold a nommé... » quelqu’un d’autre « ...comme son adjoint. »
Je vais maintenant lire la dernière phrase :
« Le Generalmajor Klupp, officier en retraite, sera consulté de façon confidentielle. De plus, Leopold a exprimé le désir de voir cesser les intrigues menées contre lui par les émigrés se trouvant dans le Reich, du genre de Frauenfeld et de ses amis.
Voilà, n’est-ce pas une image, assez complète de la situation du parti en Autriche ?
Oui, Sir David. Je me permets d’attirer votre attention sur le fait que ce rapport est daté du 4 avril 1935, c’est-à-dire d’une époque antérieure au traité de juillet, époque à laquelle l’intérêt que je portais aux affaires des partis s’explique facilement.
Bien ; si vous attachez de l’importance aux dates, voyons le rapport du 1er septembre 1936 figurant à la page 33 du livre de documents n° 11, page 26 du texte allemand. C’est le document PS-2246. Vous vous souvenez du rapport dont vous avez déjà parlé.
« En ce qui concerne les méthodes à employer, je recommande, du point de vue tactique, que l’on fasse preuve de patience et de psychologie, en augmentant lentement la pression dans le sens d’un changement de régime. »
Vous avez dit au Tribunal que vous vouliez faire changer les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur. Je ne discuterai pas plus longuement de cette assertion, et je continue à lire :
« La conférence économique prévue pour la fin d’octobre sera un instrument très utile pour la réalisation de certains de nos projets. Au cours de discussions avec des membres du Gouvernement ainsi qu’avec les chefs du parti illégal (Leopold et Schattenfroh), qui se conforment à l’accord du 11 juillet, j’essaie de diriger l’évolution future de façon à obtenir une représentation corporative du mouvement au sein du Front de la patrie. »
Il apparaît clairement, n’est-ce pas, que le 1er septembre 1936, après l’accord, vous vous êtes entretenu avec les chefs du parti illégal, c’est-à-dire Leopold et Schattenfroh. Nous devons donc admettre, et je ne m’étendrai pas sur ce point, que lorsque vous étiez en Autriche vous étiez en relations étroites et constantes avec les chefs du parti national-socialiste en Autriche ?
Non, Sir David, la conversation à laquelle vous venez de vous référer se rapporte à l’accord de juillet qui la Justine. Je l’ai déjà expliqué hier au Tribunal. Dans l’accord de juillet, le Chancelier fédéral, Schuschnigg, a consenti à ce que des membres de l’opposition nationale-socialiste collaborent avec lui. En conséquence, il était bien évident qu’il était de mon devoir de m’intéresser à la question de savoir dans quelle mesure la collaboration de telles forces serait exigée par Schuschnigg. C’est ce dont on parle dans cette conversation avec les chefs et je tiens à spécifier que mon contact avec le parti autrichien après l’accord de juillet s’est toujours assuré dans cette voie.
Je comprends. Je ne veux pas approfondir davantage cette question. J’ai attiré l’attention du Tribunal sur deux documents et il y a d’autres passages dont je ne veux pas parler. Je veux en venir à novembre 1937. Pourriez-vous, le plus exactement possible, nous donner la date de votre rencontre avec l’accusé Seyss-Inquart à Garmisch ?
Oui. C’est par hasard, sans rien avoir convenu d’avance, que nous nous sommes rencontrés à Garmisch, aux Jeux Olympiques, en janvier 1938.
En janvier 1938 ? Je voudrais éclaircir un peu cette question de date. Vous étiez très lié avec le ministre des Affaires étrangères Guido Schmidt qui a témoigné ici, n’est-ce pas ?
J’étais en effet en relations amicales avec Guido Schmidt.
Bien que vous soyez de vingt ans plus âgé que lui, vous l’avez tutoyé. Depuis longtemps vous le tutoyiez. Vous étiez en rapports très intimes avec lui ? Est-ce exact ?
C’est vrai, mais je trouve que vingt ans de différence n’ont rien à voir avec une amitié. Je l’estimais beaucoup et le tenais pour un homme droit.
Je crois que vous serez d’accord avec moi pour reconnaître qu’il n’est pas normal qu’un ambassadeur entretienne des relations de grande amitié avec un ministre des Affaires étrangères surtout quand il y a entre eux une différence d’âge de vingt ans et qu’il le tutoie. Êtes-vous d’accord avec moi pour admettre que c’est une sorte de familiarité tout à fait étrange entre un ambassadeur et un ministre des Affaires étrangères ?
Sir David, si dans votre vie vous étiez allé en Autriche vous sauriez qu’en Autriche, presque tous les gens se tutoient. Pour éclaircir cette question, je me permets d’ajouter ceci : j’estimais beaucoup le ministre des Affaires étrangères Schmidt ; lorsque j’ai quitté l’Autriche, je lui ai dit : « Cher ami, nous avons tellement travaillé ensemble que nous pouvons maintenant nous tutoyer ».
Ce que je voudrais savoir, c’est ceci : en novembre 1937, le Dr Schmidt et vous avez commencé à parler de la question de la rencontre de Hitler et de Schuschnigg, Est-ce exact ?
Je crois que j’en ai parlé non seulement au ministre Schmidt, mais à Schuschnigg lui-même à cette époque.
Un moment s’il vous plaît. Répondez à ma question. Vous en avez parlé à Schmidt. Vous avez entendu témoigner le Dr Schmidt. Il a déclaré ce que l’accusé Göring lui avait dit très franchement. L’accusé Göring prétend l’avoir déclaré à tout le monde et a dit également ici qu’il désirait l’union de l’Autriche et de l’Allemagne à n’importe quel prix et par n’importe quels moyens. Vous avez entendu le Dr Schmidt déclarer que Göring lui avait dit que c’était son avis. Et pour vous rendre justice, il me faut dire que cela cadre avec le reste. C’est le point de vue qu’il a exprimé ici, comme d’ailleurs à d’autres personnes. Vous souvenez-vous que le Dr Schmidt ait dit cela ? Vous pouvez me croire ?
Parfaitement.
L’accusé Göring a dit cela, non seulement au Dr Schmidt, mais aussi à Mussolini et au Tribunal et il a dû le dire à différentes autres personnes aussi. Ne vous l’a-t-il jamais dit ?
Non, Sir David ; quant à la question autrichienne...
Saviez-vous que c’était le point de vue de Göring ?
Non.
Saviez-vous que c’était le point de vue de Göring ?
Voulez-vous me laisser la parole un instant ? Oui, bien entendu, je savais que c’était le désir de Göring d’en arriver à une union de nos deux pays. J’étais présent à l’entretien avec Mussolini, mais je vous prie de considérer que Göring, à l’époque, n’était pas compétent en politique extérieure. La question de la politique à mener en Autriche était uniquement à discuter entre Hitler et moi-même. Je ne me souviens pas, au cours de ces années 1936 à 1938, d’en avoir jamais parlé avec le maréchal Göring.
Je parle en ce moment de novembre 1937 et trois mois plus tard, l’accusé Göring était très compétent pour la politique étrangère concernant la question de l’Autriche. Vous devez le savoir, puisque vous avez entendu les rapports de ses entretiens téléphoniques. Faites attention aux dates telles que nous les avons devant nous. Göring avait fait part de son point de vue à Schmidt ; Schmidt et vous avez parlé de cette rencontre entre Schuschnigg et Hitler ; en janvier, vous avez eu une discussion politique avec le Dr Seyss-Inquart à Garmisch. Pardon, j’ai oublié une date : le 11 novembre, comme M. Dodd l’a reproché au Dr Seyss-Inquart, celui-ci a écrit une lettre au Dr Jury : « Je crois qu’il ne se passera rien cette année, mais qu’il y aura quelque chose de décisif au printemps ».
Après cela, vous l’avez vu à Garmisch en janvier et au mois de février, vous mettiez sur pied cette rencontre entre Hitler et Schuschnigg.
Oui.
Ne saviez-vous pas parfaitement bien que le but de cette réunion était d’obtenir que Schuschnigg cédât aux désirs du Reich et qu’il sommât Seyss-Inquart, de promulguer une amnistie politique générale pour libérer tous les nazis d’Autriche et pour les mettre à la disposition de leurs chefs et de faire une déclaration d’égalité des trois au profit du Parti ? Cette rencontre avait pour but que Schuschnigg fût d’accord sur ces termes de manière que le parti national-socialiste fût absolument libre de travailler pour l’Allemagne à l’intérieur de l’Autriche.
Dans la conversation que nous avons eue à Garmisch, le Dr Seyss-Inquart et moi, nous avons traité de la nécessité où se trouvait le parti national-socialiste autrichien de devenir indépendant, c’est-à-dire qu’à tous les points de vue nous devions le dégager de l’influence du Reich, comme l’avait prévu l’accord de juillet, avec l’intention qu’un accord de nos deux pays laissé à l’initiative de l’Autriche serait poursuivi par elle dans la voie de la politique étrangère et non pas par le Reich.
Lorsque je rencontrai Seyss-Inquart à Garmisch, il ne fut jamais question de cette rencontre entre Hitler et Schuschnigg parce que je ne pouvais personnellement, à cette époque, savoir si une telle rencontre aurait jamais lieu. Cela ne s’est décidé que le 5 février, comme vous vous en souvenez sans doute. C’est-à-dire qu’entre nous nous n’avons traité que de la question tout à fait générale de savoir comment nous pourrions continuer notre travail.
Voulez-vous me permettre de rappeler d’autres faits encore ? Le Dr Seyss-Inquart était chargé officiellement par le chancelier fédéral de sonder toutes les voies possibles pour que l’opposition nationale, donc le parti national-socialiste autrichien, participât au travail politique de Schuschnigg. C’était sa mission officielle. J’avais tout de même le droit de traiter avec lui de cette question...
Le Dr Rainer, le témoin qu’on a entendu ici, n’a-t-il pas assisté aussi à cette rencontre à Garmisch ?
Il me semble que oui, je ne me le rappelle pas. Le Dr Seyss-Inquart m’a dit qu’il était possible que le Dr Rainer se soit joint à nous au cours d’une promenade ; personnellement, je ne m’en souviens pas. Je n’ai pas eu d’entretiens politiques avec Rainer.
Vous avez donné votre explication sur les événements de la fin de l’année ; je voudrais vous rappeler une chose ; vous connaissiez parfaitement bien la crise Blomberg, Fritsch de l’Armée, n’est-ce pas ? Je ne veux pas insister sur des détails désagréables, car cette question n’est pas discutée maintenant devant le Tribunal. Mais vous connaissez cette crise ?
Parfaitement.
Je suis sûr que vous en voyez l’importance. Le général von Fritsch avait été avec vous à l’Académie de guerre n’est-ce pas ?
C’est exact, oui.
C’était un de vos vieux amis et vous saviez — comme tous ceux qui ont parlé de lui devant le Tribunal — que c’était un homme irréprochable et que les accusations portées contre lui pouvaient être considérées comme ridicules si elles n’avaient pas été aussi tragiques, par toutes les personnes qui le connaissaient. C’était bien votre point de vue ?
Absolument.
Et vous avez eu l’idée que, mis à part le traitement réservé à von Blomberg, Fritsch avait été accusé de façon fausse, que c’était un coup monté pour l’empêcher de jamais devenir Commandant en chef de la Wehrmacht ? Vous saviez cela, n’est-ce pas ?
En tous cas, ce n’est que plus tard, lorsque j’ai appris les événements, que tout cela m’est devenu parfaitement clair.
Le point important n’est pas là. Il s’agit de votre opinion, le 5 février 1938. Vous saviez déjà que la clique nazie du Gouvernement avait monté un coup contre un homme que vous considériez comme absolument honnête et irréprochable ?
Oui.
Sachant cela, le 5 février, après avoir vu Hitler, vous lui avez dit : « Il se peut que von Schuschnigg vienne, et tout de suite, s’il y consent ». Et il a répondu : « Oui, allez tout de suite me chercher Schuschnigg. Il est très fâché de ce que vous venez de lui dire. Mais aussitôt que vous parlez d’une rencontre avec Schuschnigg, Hitler accepte l’idée comme une truite avale une mouche ou comme un lion se jette sur sa victime ». C’est cela n’est-ce pas ?
Oui, Sir David. J’ai expliqué au Tribunal quelles étaient les impressions que les événements de Berlin et ma propre démission le 4 février m’avaient faites. Vous ne pouvez tout de même pas vous étonner que j’aie tenté, précisément parce que je craignais que ne se produise une nouvelle orientation de la politique, de provoquer cette conversation des deux hommes d’État que l’on envisageait depuis longtemps, étant donné que j’espérais pour mon compte que cela me permettrait d’aplanir les différends et d’en arriver à suivre une voie normale. C’est bien ce que j’ai dit au Chancelier fédéral Schuschnigg ainsi qu’au ministre des Affaires étrangères Schmidt lorsque je les ai priés tous les deux, dans la mesure du possible, de prendre part à une conversation qui assainirait l’atmosphère.
Je ne veux pas approfondir les circonstances de cette rencontre du 12 février. Elles ont été développées lors de l’interrogatoire de l’accusé Ribbentrop, et le Tribunal en connaît les détails. Je ne vais vous poser qu’une question et je vous demande de répondre en faisant très attention, car votre crédit en dépend. Prétendez-vous maintenant qu’aucune pression n’a été exercée sur M. Schuschnigg au cours de cette entrevue ?
Sir David, je ne l’ai jamais prétendu. Vous le savez, cela ressort de mon rapport, j’ai constaté moi-même qu’on avait exercé une certaine pression, mais...
Ce que je vous demande, c’est ceci : je voudrais éclaircir cette question, car le Tribunal a entendu les témoignages de votre ami M. Schmidt et de nombreuses autres personnes. Je ne vais vous poser qu’une seule question et je veux que vous y répondiez clairement. Maintenez-vous aujourd’hui qu’aucune pression n’a été exercée sur le Chancelier Schuschnigg pour l’engager à accepter les conditions du 12 février ? C’est l’une des questions que je voudrais vous poser et je vous donne l’occasion d’y répondre. Que dites-vous aujourd’hui à ce sujet ? Y a-t-il eu pression ou non ?
Mais oui, je ne l’ai jamais nié ; je ne comprends pas pourquoi vous me posez cette question, je n’ai jamais nié cela.
M. Ribbentrop l’a nié, d’une manière décisive, mais n’en parions pas. Une autre question et j’en aurai terminé au sujet de l’Autriche. Avez-vous préparé une rencontre entre Hitler et le cardinal Innitzer ?
Oui, je l’ai fait et...
Avez-vous pris des dispositions pour que les personnalités religieuses et le corps diplomatique, mis à part les représentants britannique et français, assistent à l’entrée de Hitler à Vienne ?
En ce qui concerne les personnalités religieuses, il n’est pas d’usage qu’elles assistent à des parades et je n’ai certainement pas suggéré cela ; pour ce qui est des diplomates...
Avez-vous pris les dispositions nécessaires pour que le corps diplomatique soit présent ?
Il est possible que quelques collègues du corps diplomatique m’aient demandé s’ils devaient assister à la cérémonie et que je leur aie répondu : « Bien entendu ». Pourquoi’ n’y auraient-ils pas assisté ?
Je ne veux pas discuter la façon dont vous vous êtes exprimé. Monsieur le Président, j’en ai terminé avec la question de l’Autriche. J’ai trois autres points secondaires à traiter. J’aimerais le faire après la suspension d’audience.
Très bien, nous suspendrons.
Accusé, le Tribunal doit-il comprendre que, dans les grandes lignes, vous étiez opposé à l’antisémitisme et à sa propagande ?
Je n’ai pas bien compris la question.
Je répète : le Tribunal doit-il comprendre que, dans les grandes lignes, vous étiez opposé à l’action et à la propagande antisémites ?
Au contraire, le but de mes désirs et tout le programme de mon travail étaient d’arriver à une entente entre les deux pays, car c’était le grand désir de la nation allemande.
Je crois que vous n’avez pas compris ma question. Je la répète : au sujet de la question juive.
Ah, vous parlez de la question juive ?
Oui, le Tribunal doit-il comprendre que vous étiez opposé à l’action et à la propagande antisémites ?
Mais oui. J’ai dit au Tribunal quelle était mon attitude de principe sur la question raciale et également sur la question de la suppression de certaines influences étrangères dans certains domaines culturels de la vie publique. Ce sont deux questions tout à fait différentes.
Oui, je comprends. Voudriez-vous vous reporter au document PS-3319 déposé sous le numéro GB-287. Il commence à la page 48 du livre de documents 11 (a), page 44 à 45 du texte allemand. Le passage sur lequel j’attire votre attention se trouve aux pages 58 et 59.
C’est une partie d’un rapport confidentiel du comité d’experts des affaires juives des missions allemandes en Europe, des 3 et 4 avril 1944. Veuillez vous reporter au texte allemand, page 44 et au texte anglais page 58. Il s’agit des déclarations d’un certain M. Posemann, qui venait de la Turquie. Faisait-il partie de vos services ? Veuillez nous le dire, oui ou non ?
Je pourrais peut-être vous dire qui est M. Posemann...
Dites-moi s’il faisait partie de votre ambassade ou non. Sinon, qu’est-ce qu’il a fait ? C’est ce que je voudrais savoir.
Non, pas du tout. M. Posemann était un libraire allemand qui s’était établi à Ankara. Il ne faisait nullement partie du personnel de mon ambassade.
En tous cas, il était un spécialiste du ministère des Affaires étrangères allemand. Écoutez ce qu’il dit :
« L’an dernier, le Gouvernement turc a porté un coup contre les Juifs à la suite d’une tentative de solution du problème des minorités. Des mesures très rigoureuses ont été prises pour l’exécution de cette action. Aux soupçons des milieux alliés selon lesquels seules les mesures anti-juives étaient en question, la Turquie a répondu en se référant à des mesures prises simultanément contre les minorités. Quoi qu’il en soit, la Turquie a renoncé à prendre d’autres mesures en vue d’un règlement du problème des minorités, et par voie de conséquence, de la question juive. Pour cette raison, aucune propagande antisémite ne peut être menée sous notre direction à l’heure actuelle, car cela n’est pas désirable et constituerait un fardeau pour l’actuelle politique étrangère de la Turquie. La Turquie n’a pas de publications antisémites à part des caricatures et des livres de plaisanteries sur les Juifs. La réalité de la domination juive internationale apparaît dans la traduction du Protocole des Sages de Sion et du livre de Ford, Le Juif international. La vente de ces brochures et leur distribution a été assurée par l’ambassade. A l’heure actuelle, seul un travail de petite envergure est possible, puisque, comme on l’a déjà signalé, la propagande antisémite, d’inspiration nettement allemande, pourrait donner lieu à des complications diplomatiques défavorables pour nous. »
Maintenant croyez-vous au Protocole des Sages de Sion ? Le considérez-vous comme une œuvre authentique ?
En aucune manière.
Alors, comment se fait-il que la distribution de ces brochures ait été effectuée par les soins de l’ambassade ?
Je pourrais peut-être fournir une brève explication au Tribunal sur l’ensemble de ce congrès. Ce congrès avait été réuni par les soins du ministère des Affaires étrangères ; devaient y participer les spécialistes venant des ambassades et des légations chargées en particulier de l’élaboration de la solution du problème juif. Il n’y avait pas de spécialistes de ce genre dans mon ambassade parce que j’avais toujours refusé d’admettre cela. En conséquence, le Parti, de sa propre initiative, avait désigné le libraire Posemann et l’avait chargé de cette tâche en le déléguant à ce congrès. Si M. Posemann constate ici que l’ambassade avait distribué ou fait diffuser les brochures mentionnées, il commet une grave erreur ; car, premièrement, le Gouvernement turc n’aurait jamais toléré une telle diffusion et, deuxièmement, vous pourriez vous rendre compte, aujourd’hui encore, Sir David, que ces brochures se trouvent dans les caves de mon ambassade à Ankara.
Donc, ces déclarations faites au cours du congrès au ministère des Affaires étrangères sont fausses ?
Oui.
Vous dites que vous n’aviez rien à voir avec cela ? C’est bien votre réponse ? Passons à un autre sujet. Je voudrais vous demander une ou deux choses au sujet des Églises catholiques. Vous vous souvenez de la déclaration des évêques allemands à Fulda ?
Oui.
Il est exact, n’est-ce pas, qu’elle a été faite sur la base de l’assurance donnée par Hitler à l’Église, le 23 mars 1933, d’avoir de bonnes intentions à l’égard de l’Église ? Vous vous souvenez de cette déclaration de Hitler ?
Oui, et cela non seulement le 23 mars mais aussi dans cette déclaration du Gouvernement où Hitler adopta le point de vue selon lequel les deux religions chrétiennes devaient être le fondement de toute politique.
Cela résulta en partie de vos déclarations faites au cours de la réunion du cabinet du 15 mars 1933, lorsque vous avez souligné l’importance qu’il y avait à incorporer le catholicisme politique dans le nouvel État. C’est une interprétation exacte des faits, n’est-ce pas ? C’est bien ainsi que les choses se sont passées ?
Absolument, Sir David. Je me suis efforcé de mon mieux d’obtenir que Hitler établisse ce fondement chrétien de sa politique dans des conventions solennelles. Je crois avoir dit au Tribunal que je me suis efforcé de mon mieux de réaliser ce programme.
Permettez-moi de vous demander de vous reporter une fois de plus aux documents contenus dans le livre 11 (a), page 96 du texte anglais, page 78 du texte allemand. C’est le document PS-2248, votre rapport à Hitler du 27 juillet 1935. Dans ce rapport, vous vous servez des termes suivants :
« La main habile qui, élimine le catholicisme politique sans toucher aux fondations chrétiennes de l’Allemagne. »
C’est à la page 99 du texte anglais, page 86 du texte allemand, le premier alinéa de la page 99 :
« Les problèmes culturels prennent une importance particulière. La façon dont l’Allemagne traite les difficultés politico-religieuses, la main habile qui élimine le catholicisme politique sans porter atteinte aux fondations chrétiennes de l’Allemagne, n’auront pas seulement un effet décisif en Grande-Bretagne, mais en Pologne catholique. On peut plutôt dire ainsi que la solution de la question germano-autrichienne demeure ou disparaît. »
Je voudrais que vous reteniez ce rapport à Hitler de juillet 1935, donc deux ans après la signature du Concordat : « La main habile qui a éliminé le catholicisme politique, sans porter atteinte aux fondations chrétiennes de l’Allemagne. » Votre avocat a cité un passage de l’allocution solennelle du Pape et je vous prie de bien vouloir le regarder pour dire au Tribunal si vous êtes d’accord avec ce passage qui vient après le paragraphe cité par le Dr Kubuschok.
Monsieur le Président, c’est un nouveau document.
Excusez-moi, Monsieur le Président, je me suis trompé, il s’agit d’un vieux document PS-3268 déposé sous le numéro USA-356.
Vous vous souvenez que le Dr Kubuschok, dans ce livre de documents, a cité l’allocution du Pape. Après ce passage cité par le Dr Kubuschok qui rapporte que le Concordat a évité des maux plus grands, Sa Sainteté poursuit :
« La lutte contre les Églises devenait, en fait, de plus en plus âpre. Il y avait la dissolution des organisations catholiques, la suppression progressive des écoles catholiques florissantes, tant publiques que privées, la séparation violente de la jeunesse de la famille et de l’Église, la pression exercée sur la conscience des citoyens, et particulièrement des fonctionnaires, la diffamation systématique au moyen d’une propagande habile et organisée de façon serrée, diffamations donc, du Clergé, des fidèles, des institutions de l’Église, de l’enseignement et de l’histoire ; la fermeture, la dissolution, la confiscation des établissements religieux et autres institutions ecclésiastiques, la totale suppression de la presse catholique et des maisons d’édition. »
Êtes-vous d’accord avec Sa Sainteté pour reconnaître que c’est une description exacte de l’action du Reich allemand contre les Églises ?
Absolument.
Bien. Maintenant, je voudrais que vous vous reportiez également à l’encyclique Mit Brennender Sorge , document PS-3280, page 40 du texte allemand et page 47 du livre de documents n° 11. Vous remarquerez que cela se passe assez tôt, le 14 mars 1937, quatre ans après le Concordat. Elle s’exprime ainsi au début de la seconde phrase : « Cela dévoile les intrigues, qui, dès le début, n’avaient pas eu d’autre but qu’une guerre d’extermination. Dans les sillons que nous avons labourés pour y semer les graines d’une paix véritable, d’autres — comme l’ennemi dans les Saintes Écritures — ont semé la suspicion et la discorde, la haine, la calomnie et une hostilité fondamentale, secrète et ouverte envers le Christ et son Église, nourrie de mille sources différentes, et se servant de tous les moyens possibles. Sur eux, et sur eux seuls et leurs protecteurs silencieux ou actifs, repose la responsabilité du fait que maintenant, à l’horizon de l’Allemagne, il y aura bientôt, non pas l’arc-en-ciel de la paix, mais les nuages d’orage menaçants des guerres de religion destructives ».
Maintenant, accusé, je voudrais que vous disiez au Tribunal si vous êtes d’accord avec cette déclaration.
Oui.
Si vous êtes d’accord avec ces déclarations du chef de votre Église, comment pouviez-vous écrire à Hitler, deux ans après le Concordat — en juillet 1935 — qu’il avait éliminé le catholicisme politique, sans toucher à la base chrétienne de l’Allemagne ? Il était absolument faux, n’est-ce pas, que les nazis et Hitler n’avaient pas touché aux fondations chrétiennes de l’Allemagne ? Ils les avaient déracinées et étaient en train de les détruire.
Sir David, vous confondez deux choses totalement différentes. Le catholicisme politique, c’était en Allemagne...
Accusé, je ne désire pas vous interrompre, mais je voudrais toutefois préciser, qu’il ne s’agit pas ici de l’élimination du catholicisme politique. En ce moment, je ne parle pas de vos relations avec Monseigneur Kaas, je parle de votre autre déclaration : « ...sans toucher aux fondations chrétiennes de l’Allemagne ».
Ce que je vous reproche, c’est ce que Sa Sainteté a dit : « Les fondations chrétiennes de l’Allemagne étaient en voie de destruction ».
En ce moment, je ne m’intéresse pas à l’opinion de Monseigneur Kaas à votre sujet ou à votre opinion sur Monseigneur Kaas ; je les connais.
Mais permettez-moi de vous expliquer ces choses. D’abord la lutte contre les Églises et contre ses institutions, contre laquelle s’élève l’Encyclique de Sa Sainteté en 1937, et davantage encore en 1945, en raison de l’aggravation de la situation née de la guerre. Toutes ces choses constituaient une attaque contre le fondement chrétien de l’Allemagne, une attaque que j’ai condamnée de la façon la plus sévère. Mais cela n’a absolument rien à faire avec la suppression que je demandais et que j’espérais, la suppression du catholicisme politique. Ce sont là deux choses totalement différentes ; il est peut-être difficile pour vous de le comprendre, parce que vous n’êtes pas familiarisé avec la situation en Allemagne.
Veuillez bien croire, accusé, que j’ai passé beaucoup de temps à me familiariser avec les différends qui vous ont séparé de Monseigneur Kaas. Je ne les présenterai pas au Tribunal parce qu’ils ne sont pas importants. Je ne connais pas les faits aussi bien que vous, mais je suis à même de juger la situation du catholicisme politique. Ce n’est pas cela que-je vous demande ; je vous parle en ce moment de votre déclaration. Pourquoi avez-vous dit à Hitler qu’il n’avait pas porté atteinte à la fondation chrétienne de l’Allemagne ? C’est là-dessus que porte ma question. Vous avez dû savoir en 1935 que cela n’était pas vrai.
Sir David, mais vous déformez complètement ce qui est contenu dans ce rapport. Voici ce que j’ai dit à Hitler : « Le fondement chrétien de l’Allemagne ne doit pas être touché ». Voilà ce qui est dit dans ce rapport : « Il convient d’exclure le catholicisme politique, sans toucher au fondement chrétien de l’Allemagne. »
Vous pouvez juger de la façon dont il commence. Vous dites : « La main habile qui éliminera, sans toucher... » Permettez-moi de vous rappeler que vous avez dit dans votre interrogatoire qu’une partie de vos difficultés ont commencé à l’été 1934, avant que vous ne fassiez le discours de Marbourg, et que ces difficultés étaient dues à la non-exécution du Concordat ; que le Concordat, après avoir été signé avec l’accord de Hitler, « avait été considéré comme un chiffon de papier et que je ne pouvais pas l’empêcher ». Ensuite, il y eut en même temps la persécution de l’Église et des Juifs, en 1933 et 1934.
En 1934, vous pensiez « que non seulement le Concordat avait été considéré comme un chiffon de papier, mais qu’il y avait eu aussi la persécution des Églises et des Juifs » ?
Je ne sais pas de quel document vous êtes en train de parler, Sir David ?
De votre interrogatoire du matin du 19 septembre 1945.
Mais oui, bien sûr. Au moment où je prononçai le discours de Marbourg, je pensais que l’État s’était attaqué à toutes ces choses ; sinon, pourquoi aurais-je prononcé ce discours ? Mais dans ce discours, Sir David, j’ai déclaré expressément, une fois encore, qu’aucun État européen occidental ne peut subsister sans le fondement chrétien, et que nous-mêmes, nous nous excluions des rangs des peuples chrétiens, et que nous abandonnions notre mission en Europe en renonçant à notre base chrétienne. Il me semble qu’il est impossible de s’exprimer plus clairement. Et peut-être vous dirai-je encore autre chose, au sujet du catholicisme politique. En ce qui concerne le catholicisme politique...
Faites comme vous le voulez. Je voulais particulièrement éviter d’importuner le Tribunal avec vos différends avec Monseigneur Kaas, car vous vous êtes tous deux servis de mots très durs et il ne serait pas bon de les répéter maintenant. Si vous voulez aborder cette question, vous pouvez le faire ; mais ne le faites que si vous le devez.
Ce reproche que vous m’adressez, je le ressens comme quelque chose d’extrêmement grave, parce que c’est contraire à toutes mes conceptions.
Accusé, vous rappelez-vous avoir dit au Tribunal, juste avant la suspension de l’audience, que vous aviez présenté le cardinal Innitzer à Hitler, lors de votre voyage en Autriche. Vous vous souvenez d’après la déclaration citée par le Dr Kubuschok que, lors d’une radiodiffusion de Rome, le cardinal Innitzer a précisé qu’il n’accepterait la domination nazie en Autriche que sous certaines conditions ? Vous le rappelez-vous ?
Oui.
Je voudrais que nous voyions ce qui est arrivé au cardinal Innitzer. Regardez le document D-903, que je dépose, Monsieur le Président, sous le numéro GB-508. C’est un affidavit d’un prêtre, le Dr Weinbacher, que j’ai reçu seulement le 7 juin de Vienne. Vous verrez ce que dit ce prêtre, le Dr Weinbacher — enfin je suppose que c’est un prêtre — c’est le secrétaire de l’Archevêque du chapitre de la cathédrale. Écoutez : Le 8 octobre 1938 un peu plus de six mois après que vous ayez organisé l’entrevue du cardinal Innitzer avec Hitler — « de jeunes manifestants ont monté une sérieuse attaque sur le palais de l’archevêque à Vienne. J’étais présent et je peux donc la décrire d’après ma propre expérience. »
Puis il raconte comment ils brisèrent les vitres et enfoncèrent la porte. Les prêtres firent entrer l’archevêque dans une pièce intérieure et l’y cachèrent. Ils dissimulèrent le cardinal dans la pièce des archives personnelles et fermèrent la porte derrière lui :
« Puis, avec deux prêtres, nous nous sommes postés devant une foule d’assaillants devant la porte de la chapelle privée du cardinal pour essayer tout au moins d’empêcher une destruction. »
Monsieur le Président, ce passage figure dix lignes environ en partant du bas de la page.
« Peu après avoir atteint la chapelle, les premiers envahisseurs dirigèrent l’assaut sur l’appartement du cardinal, contigu à la chapelle. Près de la porte, nous les arrêtâmes. Des pièces de bois furent lancées dans la chapelle. Je reçus un coup qui me fit tomber, mais nous parvînmes à empêcher les envahisseurs de pénétrer dans la chapelle. Les manifestants étaient des jeunes gens âgés de quatorze à vingt-cinq ans. Ils étaient environ une centaine. Après avoir repoussé le premier assaut, nous avons ouvert le tabernacle et pris les saintes hosties, afin d’empêcher ce qu’il y avait de plus saint d’être profané. Mais de nouveaux envahisseurs arrivèrent que nous repoussâmes également. Entre temps, dans les autres pièces, une orgie de destructions indescriptibles se déroulait, portant sur toute l’installation. Avec les tringles de cuivre qui maintenaient le tapis de l’escalier, ces jeunes gens démolirent les tables et les chaises, les candélabres et les tableaux de valeur ; et en particulier tous les crucifix. »
Il décrit ensuite le saccage des portes vitrées de la chapelle, etc. Mais le tumulte redoubla lorsque le cardinal fut découvert. Il fut traîné hors de la chapelle par six personnes environ et, par la pièce contiguë, amené jusqu’à la fenêtre, aux cris de : « Nous jetterons le chien par la fenêtre ».
Enfin, la Police arriva, et vous verrez ce que celle-ci considéra comme une réparation convenable.
« C’est alors qu’arriva un lieutenant-colonel de la Police, qui s’excusa, puis un représentant de la Gestapo qui exprima ses regrets, déclarant, toutefois, que la Police n’avait pas eu beaucoup le désir d’intervenir.
« Entre temps, d’autres manifestants avaient attaqué la maison du recteur de la cathédrale, 3 Stefanplatz, et avaient défenestré le curé Krawarik. Ce prêtre dut rester à l’hôpital jusqu’en février, avec une fracture des deux fémurs. »
Regardez maintenant l’avant-dernier alinéa.
« Cette manifestation n’était pas le résultat de la turbulence des jeunes ou d’une certaine amertume, mais un plan soigneusement organisé et connu des milieux officiels. Cela ressort clairement du discours du Gauleiter Bürckel, qui, le 13 octobre, à la Heldenplatz, représenta le cardinal comme le coupable, de la manière la plus nette. »
Eh bien, Monsieur von Papen, vous aviez une grande responsabilité à l’égard du cardinal Innitzer, n’est-ce pas ?
Vous l’aviez présenté à Hitler ? Vous avez dû apprendre, par les ramifications et les communications de l’Église catholique, cette attaque de la maison du cardinal, six mois après l’Anschluss, n’est-ce pas ? Vous avez dû être mis au courant ?
Oui, j’en ai entendu parler plus tard.
Lorsque vous avez connu cette attaque honteuse contre des dignitaires de l’Église, la défenestration d’un curé de la cathédrale qui causa la fracture des deux fémurs, la profanation de l’Église et la destruction des crucifix, quelles objections avez-vous soulevées ?
Je me permettrai de vous rappeler, Sir David, que depuis plus de six mois j’avais quitté mon poste et que je n’avais plus rien à faire avec ces choses. Évidemment j’ai trouvé cet incident profondément regrettable ; il constituait une attaque criminelle que j’ai condamnée. Mais je dois dire aussi que ces détails n’ont pas été mentionnés dans la presse allemande, et, sous cette forme, je les vois ici pour la première fois. Laissez-moi vous dire encore ceci.. .
Accusé, vous n’avez pas répondu à la question. La question était : « Quelle protestation avez-vous élevée à la suite de cette affaire ? »
Aucune protestation, Monsieur le Président, car je n’occupais plus aucune fonction officielle. Je m’étais retiré de la vie publique et, apparemment, je n’ai su à ce moment-là de ces choses que ce que les journaux allemands pouvaient en dire.
Mais vous nous avez dit que vous étiez l’un des catholiques les plus en vue de l’Allemagne. Vous n’allez pas dire au Tribunal qu’en Allemagne tout évêque catholique et tout prêtre de paroisse n’étaient pas au courant de cette attaque abominable et sacrilège contre un prince de l’Église dans sa propre maison à Vienne ? Cette chose-là, évidemment, était connue dans toute l’Église au bout de quelques jours ?
C’est parfaitement possible, Sir David, mais comment pouvez-vous exiger que moi, qui m’étais retiré, j’entreprisse une action quelconque ? Que devais-je faire ? Le Tribunal n’a pas pris connaissance de l’entretien qui a eu lieu sur mon instigation entre Hitler et le cardinal Innitzer. Vous l’avez mentionné pour la première fois aujourd’hui.
C’est exactement pourquoi je vous fais ce reproche, car vous étiez responsable de l’entretien organisé entre le cardinal Innitzer et Hitler en mars 1938 et s’il m’était permis d’exprimer ma pensée, je dirais que je trouve que vous auriez pu, lorsque Son Éminence a été attaquée en octobre, prendre la peine de protester auprès de Hitler. Tout ce que vous avez fait a été d’accepter une autre fonction auprès de Hitler six mois après, c’est-à-dire en avril 1939. Ce que je vous demande, c’est pourquoi vous n’avez pas soulevé des protestations auprès de Hitler ? Vous auriez pu écrire à Hitler. L’accusé Göring a exprimé le grand intérêt qu’il portait aux affaires religieuses. Un grand nombre d’accusés ont déclaré que vous aviez de nombreuses sympathies dans l’Église. Pourquoi n’êtes-vous pas entré en relation avec elles ?
Parce qu’à l’automne 1938, je m’étais retiré de toute activité politique et vivais à la campagne, je ne m’occupais plus du tout des questions politiques. Mais peut-être puis-je dire pourquoi et comment j’ai organisé, cet entretien entre Hitler et le cardinal Innitzer ?
Ce n’est pas ce point, la réunion du 15 mars, qui m’intéresse ; ce qui m’intéresse actuellement, c’est la raison pour laquelle vous n’avez pas élevé de protestation. Maintenant, je veux passer à un autre point. Le Dr. Kubuschok pourra y revenir plus tard, s’il le désire.
Accusé, vous avez entendu le témoignage d’un certain nombre de vos coaccusés, qui ont dit qu’ils ignoraient tout des terribles, mesures de répression qui avaient lieu en Allemagne. Vous étiez tout à fait au courant de ces mesures de répression, n’est-ce pas ? Vous connaissiez l’action de la Gestapo, les camps de concentration, tout au moins vous avez, plus tard, été au courant de l’élimination des Juifs, n’est-ce pas ?
Tout ce que je savais à ce sujet, c’est qu’on avait placé des adversaires politiques dans ces camps de concentration, en 1933 et 1934. J’ai très souvent fait des représentations sur les méthodes utilisées dans les camps de concentration. Dans plusieurs cas, j’ai réussi à faire libérer certaines personnes internées dans des camps de concentration, mais à ce moment-là, je ne savais pas qu’il y eût également des assassinats dans ces camps.
Nous allons approfondir cette question. Prenons un exemple concret.
Oui.
Vous souvenez-vous qu’au commencement de 1935 votre secrétaire M. von Tschirschky reçut l’ordre de revenir de Vienne à Berlin pour être interrogé par la Gestapo ? Vous en souvenez-vous ?
Oui.
Vous vous souvenez qu’il refusa de s’y rendre et qu’il vous envoya un rapport détaillé sur -ses raisons. Vous vous souvenez de cela ?
Oui.
Bien ; examinons brièvement ce document ensemble. C’est le document Di-685 déposé sous le numéro GB-509, page 87 dans le livre 11 (a), page 60 du livre de documents allemand. A la page 87, vous trouvez la lettre de M. von Tschirschky à vous adressée, dans laquelle il dit, à la fin du second alinéa :
« Je ne suis pas en mesure de souscrire à l’exigence de la Gestapo, qui désire que je me rende à Berlin aux fins d’interrogatoire. » Et il dit ensuite, pour citer ses propres termes, « ... qu’il n’a pas été influencé seulement par le désir humain et compréhensible de vivre ». Et il joint un rapport, sur ce qui lui était arrivé le 30 juin, c’est-à-dire qu’il avait été couché sur les listes noires de la Gestapo. Vous en souvenez-vous ?
Oui.
Et je résume le début de ce document qui serait presque drôle s’il ne faisait pas état de si terribles circonstances. Votre secrétaire M. von Tschirschky a été arrêté simultanément par deux groupes concurrents de policiers : la Police criminelle et la Gestapo, et M. von Tschirschky et quelques policiers couraient un grand danger d’être tués, avant de savoir qui devait pratiquer son arrestation.
Je voudrais maintenant aborder le passage relatif à son arrestation, page 65 de la traduction allemande, page 89 de la traduction anglaise, Monsieur le Président. Vous voyez, accusé, c’est, je pense, après le passage où la Gestapo avait été victorieuse dans cette lutte pour l’assassinat et s’était assuré la possession de la personne de M. von Tschirschky. Monsieur le Président, c’est au milieu de la page 89. On lui dit que l’autre groupe des policiers suit la Gestapo et il dit :
« Le voyage nous amena jusqu’au bâtiment de la Gestapo, dans la Prinz Albrechtstrasse, en traversant une cour et par une porte de derrière. Là, d’autres paroles furent échangées entre les deux groupes des fonctionnaires de la Police criminelle. Je me joignis de nouveau à cette discussion et je suggérai, pour venir à bout de ce malentendu, qu’un homme de chacun des groupes vît dans le bâtiment le représentant d’une autorité supérieure, pour l’amener à décider de ce qu’il y avait à faire. Pour me garder, avec les deux autres messieurs, il restait trois fonctionnaires de la Police criminelle et quatre SS. Cette solution fut adoptée. Les hommes finirent par revenir et par expliquer que le malentendu se trouvait à présent réglé et que nous pouvions être emmenés. Là-dessus, nous fûmes emmenés par trois SS, sans être accompagnés par les fonctionnaires de la Police criminelle, après un assez long parcours à travers le bâtiment, jusqu’au sous-sol. Là, on nous remit sans autre commentaire, et nous reçûmes l’ordre du SS de garde d’aller nous asseoir sur un banc contre le mur dans le couloir. On nous interdit alors de nous parler et nous passâmes ainsi quelques heures, assis sur le banc. Il serait fastidieux de donner d’autres détails sur les événements qui se déroulèrent pendant ces heures. Je m’en tiendrai donc au cas de l’exécution d’une personnalité bien connue, dont on prétend publiquement qu’elle s’est suicidée.
« Cette personnalité a été amenée par trois SS et est passée devant nous. Le chef du détachement était un Hauptsturmführer SS, petit, brun, tenant à la main un pistolet de l’Armée. Il avait emprunté un couloir parallèle au nôtre qui longeait les cellules. J’entendis le commandement « Gardez les portes ». La porte qui faisait communiquer notre couloir à l’autre fut fermée. Cinq coups furent .tirés et aussitôt après le Hauptsturmführer sortit, tenant le pistolet encore fumant et disant entre ses dents : « Ce cochon est achevé ». Il régnait une agitation fiévreuse autour de nous ; on entendait des cris et des appels effrayés sortir des cellules. L’un des SS de garde, un homme assez jeune, était si agité qu’il sembla oublier la situation générale et qu’il me raconta en gesticulant à l’appui, que la personne en question avait été liquidée au moyen de trois coups dans la tempe et, de deux balles dans la nuque. »
Cela donne une idée assez exacte de ce qu’étaient les méthodes des SS et de la Gestapo n’est-ce pas ? Vous avez dû le comprendre d’après le rapport que vous fit Tschirschky ?
Oui, mais vous voyez aussi que ce rapport je l’ai...
Avant que nous abandonnions la question, dites-nous, d’après l’extrait que je viens de citer, qui est cette personnalité bien connue dont on prétend qu’elle s’est suicidée, et qui en réalité a été exécutée par trois balles dans la tempe et deux balles dans la nuque. Qui était cet homme ?
Je ne peux pas le dire, je ne le sais pas.
Voulez-vous prétendre que M. von Tschirschky, qui est resté à votre état-major plusieurs mois après cette lettre, ne vous a jamais dit le nom de cette personne ?
Je ne me souviens pas, Sir David, qu’il m’en ait parlé. J’ai pu l’oublier, c’est possible. Mais en tout cas, il s’agit d’une des personnalités qui ont été tuées le 30 juin.
Vous venez de dire que vous avez pu oublier. Vous voulez donc dire que de tels événements vous étaient si familiers que vous n’en avez gardé aucun souvenir et, qu’en fait, l’exécution d’un prétendu suicidé n’a pas laissé de trace dans votre mémoire ? Réfléchissez, vous ne pouvez pas dire au Tribunal qui était cet infortuné ?
Mais, si je m’en souvenais, je le dirais volontiers ; je n’ai aucune raison de le taire, voyons.
Maintenant, nous allons montrer au Tribunal comment vous avez transmis ce document à Hitler. Vous pensiez, n’est-ce pas, que M. von Tschirschky disait la vérité ? Vous l’avez dit ?
Oui.
Vous le trouverez, Monsieur le Président, à la page 86 de la version anglaise ; accusé, page 58 du texte allemand.
Sir David, avez-vous l’intention de rechercher plus avant ce qui est arrivé à l’homme qui a fait ce rapport ?
Pardon, Monsieur le Président, j’éclaircirai ce point. Accusé, avant que nous en venions plus loin, voyons ce qui est arrivé à l’auteur de ce rapport ; M. von Tschirschky lui-même, je crois, a été expédié dans un camp de concentration, a eu la tête rasée, et après un certain temps a été libéré et a repris son service auprès de vous et a conservé son poste jusqu’en février 1935. Est-ce exact ?
Oui, c’est parfaitement exact.
Monsieur le Président, ce sont les événements qui se sont déroulés jusqu’en février 1935. Ensuite, on lui demanda de se présenter à la Gestapo. Puis cette correspondance fut échangée. Vous voyez votre lettre à Hitler du 5 février, document D-684 déposé sous le numéro GB-510 dans laquelle vous dites :
« Comme il a été dit hier par télégramme, j’ai transmis à M. von Tschirschky l’ordre du 2 courant, renouvelant l’exigence qu’il se présente à la date fixée par la Gestapo, le 5 février. Il m’a alors annoncé officiellement qu’il ne se conformerait pas à cet ordre, puisqu’il était convaincu qu’il serait exécuté d’une façon ou d’une autre. Il va exposer les raisons de ce refus dans un rapport que je vous soumettrai dès réception. Hier, j’ai enfin pu relever de son poste M. von Tschirschky, que j’avais déjà suspendu. Il va sans dire que je romprai tous mes rapports de nature officielle, dès que la remise des documents aura été effectuée, dès demain. »
Puis vous dites que vous avez télégraphié à M. von Neurath et accordé un congé de convalescence à Tschirschky. Regardez alors le dernier alinéa :
« Après avoir, à plusieurs reprises, demandé que M. von Tschirschky ait la possibilité de se justifier, devant un juge régulier, des accusations portées contre lui, je suis profondément désolé que l’affaire se termine ainsi. J’ai tout mis en œuvre pour inciter M. von Tschirschky à suivre le chemin tracé, qui l’aurait amené à se faire interroger par la Gestapo. »
Vous voulez donc dire, accusé, que vous avez tout fait pour que cet homme de votre service soit envoyé à la mort et exécuté par la Gestapo ?
Je crois qu’il serait loyal, Sir David, d’attirer l’attention du Tribunal sur les autres passages, dont il ressort qu’à diverses reprises, et non pas seulement une fois, j’ai demandé à Hitler de faire traiter l’affaire Tschirschky au moyen d’une procédure normale.
C’est tout à fait exact, et il y est fait allusion dans cette lettre.
Oui, mais je vous demande de me laisser terminer.
C’est exact.
Après le refus, étant donné que le Führer n’acceptait pas d’instituer une procédure normale, il me fit savoir que lui, Hitler, assumerait personnellement la responsabilité qu’il n’arriverait rien à M. von Tschirschky lorsqu’il serait interrogé par la Gestapo. Cela, vous le voyez dans cette lettre. Le Führer lui a promis des garanties spéciales au cas où il se soumettrait à l’interrogatoire de la Gestapo. En conséquence, étant donné qu’on avait refusé une procédure normale, et après l’assurance donnée par Hitler qu’il n’arriverait rien à M. von Tschirschky, j’ai prié ce dernier de se soumettre à l’interrogatoire, car l’accusation portée contre lui devait être, d’une manière quelconque, tirée au clair. Mais je crois...
Voudriez-vous vous reporter à votre lettre du 31 janvier, que...
Sir David, je crois que vous devriez lire toute cette lettre du 5 février dont vous parlez.
Certainement, Monsieur le Président. Je regrette beaucoup, je m’excuse, mais je voulais simplement abréger. Je lirai tout ce que vous désirez.
Le Tribunal devrait être en possession de la lettre tout entière. Vous vous êtes arrêté au mot « courrier » qui se rapporte au compte rendu de l’accusé.
Oui, Monsieur le Président, c’est le passage qui concerne l’annonce de son départ au Gouvernement autrichien :
« En ce qui concerne l’annonce de son départ au Gouvernement autrichien, je crains que si je le déclare brusquement demain, l’affaire n’attire l’attention et les commentaires du public. Je pense qu’il faudrait éviter ce scandale et, en conséquence, j’ai, pour l’instant, accordé un congé de maladie à M. von Tschirschky, pour le public, et je parlerai plus tard de son départ. Je reviendrai plus tard sur l’affaire Tschirschky et sur ses rapports avec d’autres affaires courantes de la Gestapo de Vienne, dans un rapport détaillé. » Je vous remercie Monsieur le Président.
Vous vous êtes arrêté au mot « Gestapo » dans l’alinéa suivant.
Oui, je veux lire le tout encore une fois : « Après avoir demandé... »
Non, vous avez déjà lu jusqu’au mot « Gestapo », mais vous n’avez pas continué.
« S’il persiste dans la décision de se soustraire à l’interrogatoire, quoiqu’il sache que cela signifiera la disparition de sa situation sociale et matérielle, tant pour lui que pour sa famille, et s’il me déclare que tant qu’il sera émigré, il ne fera rien qui puisse nuire au Führer ou au pays, je n’ai rien à ajouter, que l’expression du souhait que tout ce qui pourrait faire de cette affaire un scandale public soit évité. » Je vous remercie, Monsieur le Président.
Accusé, vous aviez déjà dit à Hitler, le 31 janvier, cinq jours auparavant — page 84 du texte anglais et page 55 à la fin et 56 au début, du texte allemand — « M. von Tschirschky — qui est momentanément relevé de ses fonctions — a maintenant appris de différentes sources que lui, et moi aussi malheureusement, considérons comme dignes de foi, que certaines personnes appartenant à la Police secrète d’État ont formé depuis longtemps le projet de le neutraliser. »
C’est le document D-683, que je dépose sous le numéro GB-511, Monsieur le Président.
Donc, vous pensiez le 31 janvier que la Gestapo désirait neutraliser M. von Tschirsdiky. Le 5 février, dans un rapport que le Tribunal vient de me demander de lire, vous dites que ce serait la ruine de sa situation sociale et matérielle tant pour lui que pour sa famille, et que vous souhaitez que tout soit fait pour éviter le scandale public ?
Je désirais, tout d’abord, que tout fût fait pour éclaircir cette question au moyen d’une procédure judiciaire normale.
Oui, c’était votre désir à l’origine, mais vous l’avez rapidement abandonné.
Je vous demande un instant. Étant donné que Hitler n’avait pas satisfait à ce désir que j’avais exprimé, et après qu’il eût assuré que M. von Tschirschky, lors d’un interrogatoire par la Gestapo, pourrait être assuré de sa protection personnelle, c’est-à-dire lorsque le chef de l’État me dit : « Je me porte garant du fait qu’il n’arrivera rien à M. von Tschirschky », dans ce cas, vous me concéderez que je ne pouvais pas agir autrement que je ne l’ai fait, c’est-à-dire conseiller à M. von Tschirschky de se conduire ainsi, en disant : « Laisse-toi interroger, car il faut que tu écartes les soupçons qui pèsent sur toi ».
Accusé, permettez-moi de vous rappeler que ce ne sont pas les termes de votre lettre du 5 février qui ne renferme aucune promesse de Hitler de garantir la sécurité de M. von Tschirschky. Vous dites seulement qu’il encourra la disgrâce. Il n’en a été question, d’ailleurs, dans aucune de vos lettres ?
Oui, cela se trouve dans le rapport de Tschirschky. Je ne le trouve pas en ce moment.
Je ne sais si vous pourrez trouver quelque chose se rapportant à la garantie, mais je peux vous dire que j’ai été incapable de le trouver dans aucune de vos lettres.
Si, cela existe.
Peut-être l’accusé pourrait-il parcourir ce document pendant la suspension de 13 heures.
Oui, Monsieur le Président, si ce document existe, je regrette, mais je ne le connais pas. Ah, excusez-moi, je crois que j’ai la référence. Page 91. Ce n’est pas la lettre de l’accusé, mais nous trouvons une indication dans le-rapport de M. von Tschirschky. Page 69 du texte allemand et page 91 du texte anglais. Il dit :
« Pour conclure les raisons pour lesquelles je ne me sens pas contraint de paraître devant la Gestapo, ou de revenir dans le Reich, malgré toute la protection extraordinaire que m’a promise le Führer chancelier, je fais la déclaration suivante :
« Déjà pendant mon activité à Berlin, j’ai souvent été informé qu’il existait dans le Reich une organisation terroriste dont les membres avaient prêté serment à la vie à la mort. Les hommes qui peuvent ou doivent faire partie de cette communauté sont avertis qu’ils sont soumis à l’autorité d’un tribunal secret et ont le devoir, lorsqu’ils remplissent leurs missions, de sentir qu’ils appartiennent à la communauté avec une intensité beaucoup plus grande, et qu’ils ne sont liés à Hitler qu’à un degré beaucoup moindre. Je n’aurais pas cru cette chose monstrueuse si je ne l’avais apprise six mois auparavant en Allemagne par un homme — je désire le souligner expressément — qui n’est pas opposé au Troisième Reich, bien au contraire, un homme qui est intimement convaincu de la mission de Hitler, un national-socialiste du Reich allemand depuis de longues années, qui, à une certaine époque, devait être lui-même gagné à cette communauté, mais qui a su s’en retirer adroitement. Cet homme m’a assuré de son désir de donner publiquement le nom des membres de cette association, et de faire une déclaration sous serment à cet effet, au cas où ces hommes seraient déjà morts. Il veut seulement avoir l’assurance que cette réunion de terroristes ne peut plus agir, d’autant plus que certains de ses membres se trouvent parmi les gens qui forment l’entourage le plus sûr du Führer et Chancelier du Reich. »
Je vous demande pardon, je savais que rien de semblable ne se trouvait dans les lettres de l’accusé, mais j’avais oublié que ce passage figurait dans le rapport.
C’était von Tschirschky. Vous nous avez dit que le baron von Ketteler, à la fin de votre séjour à Vienne, a été assassiné. Le père du baron von Ketteler a été assassiné si je me souviens bien. Ce fut le motif de l’expédition allemande contre les Boxers en Chine. C’est la famille à laquelle appartenait ce monsieur, est-ce exact ?
Oui.
L’assassinat de von Ketteler et votre expérience avec von Tschirschky ont eu pour effet de vous rendre prêt à assumer une nouvelle fonction dans le Gouvernement nazi, en Turquie ? Il y a ensuite un autre point que je voudrais aborder avec vous.
Vous me permettrez peut-être de dire quelque chose à ce sujet ?
Je voudrais finir, Monsieur von Papen, parce que je crois que nous aurons à revenir sur ce point à propos de la déclaration sous serment de Marchionini. Après, vous pourrez faire toutes les remarques que vous voudrez.
Pourquoi, après toute cette série de meurtres qui s’étalent sur quatre années, n’avez-vous pas rompu avec ces gens, pour soutenir vos propres opinions, comme le général Yorck ou tant d’autres l’ont fait, comme il en existe tant d’exemples dans l’Histoire, pour vous opposer à ces assassinats ? Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? Vous pouvez maintenant donner des explications ?
Vous voyez que j’ai présenté à M. Hitler le rapport de M. von Tschirschky, sur ces assassinats, dans tous ses détails. Mais ce que vous ne savez pas, c’est que j’ai souvent dit à M. Hitler, personnellement, qu’un tel régime, ne pouvait pas, à la longue, subsister. Et si vous voulez savoir pourquoi, malgré tout, je suis resté au service du Reich, alors, je ne puis mieux faire que de dire que le 30 juin j’ai rompu avec Hitler et avec l’accord que nous avions conclu le 30 janvier. A partir de ce moment-là, je me suis contenté de faire mon devoir pour l’Allemagne, si vous voulez le savoir. Je comprends très bien, Sir David, qu’après tout ce que nous savons aujourd’hui sur les millions d’assassinats qui ont été commis, vous considériez maintenant le peuple allemand comme un peuple de criminels et que vous ne compreniez pas qu’il y ait aussi dans ce peuple des patriotes. J’ai fait cela pour servir mon pays, et je puis ajouter, Sir David, que jusqu’aux accords dé Munich, et même jusqu’à la campagne de Pologne, les grandes Puissances, elles aussi, ont essayé, bien qu’elles sussent tout ce qui se passait en Allemagne, de travailler avec elle.
Pourquoi voulez-vous faire grief à un patriote allemand d’avoir fait et espéré ce qu’avaient espéré toutes les grandes Puissances ?
Les fonctionnaires des grandes Puissances n’étaient pas assassinés les uns après les autres, et ces Puissances n’approchaient pas Hitler comme vous le faisiez. C’est ce point que je vous reproche : le seul motif que vous ayez eu de rester au service du Gouvernement nazi, quoique vous fussiez au courant de tous ces crimes, c’est que vous sympathisiez avec lui et désiriez poursuivre l’œuvre des nazis. Je vous reproche d’avoir eu une parfaite connaissance de ces faits. Vous voyez vos propres amis, vos propres subordonnés assassinés autour de vous. Vous en aviez parfaitement connaissance et le seul motif pour lequel vous êtes resté et avez, l’une après l’autre, accepté des fonctions des nazis, c’est que vous sympathisiez avec cette œuvre. C’est ce que je vous reproche, Monsieur von Papen.
C’est peut-être votre opinion, Sir David. Quant à moi, je pense que je ne réponds que devant ma propre conscience et devant le peuple allemand, dont j’accepte le jugement, de la décision que j’ai prise de travailler pour ma patrie.
J’en ai terminé, Monsieur le Président.