CENT CINQUANTE-NEUVIÈME JOURNÉE.
Jeudi 20 juin 1946.
Audience du matin.
J’ai une communication à faire.
Premièrement, les témoignages additionnels en faveur des accusés seront entendus à la fin de chaque cas individuel.
Deuxièmement, les questionnaires et autres documents reçus entre temps seront déposés à ce moment-là.
Troisièmement, les questionnaires et documents admis par le Tribunal avant la fin de l’exposé des preuves mais reçus à une date ultérieure seront examinés par le Tribunal jusqu’au moment de la fin du Procès.
C’est tout.
Nous avons parlé hier de la main-d’œuvre employée dans l’industrie. Je passe maintenant à une autre question : comment cette main-d’œuvre a-t-elle été répartie dans les entreprises ? C’est la question de la demande générale et des demandes particulières de main-d’œuvre.
Dans votre déclaration du 18 octobre 1945, vous avez dit, premièrement, que vous auriez catégoriquement demandé à Sauckel de nouveaux travailleurs ; deuxièmement, que vous auriez su que cette main-d’œuvre comprendrait des ouvriers étrangers ; troisièmement, que vous auriez su que ces ouvriers étaient en partie envoyés en Allemagne contre leur volonté.
Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Cette déclaration volontaire est parfaitement exacte. Pendant la guerre, j’étais reconnaissant à Sauckel pour chaque travailleur qu’il pouvait m’envoyer. Bien souvent, je l’ai rendu responsable des suites d’un manque de main-d’œuvre qui empêchait l’industrie d’armement d’atteindre les buts qu’elle se proposait ; mais j’ai toujours mis en avant les mérites qu’il s’était acquis par son activité pour l’armement.
Quand vous parlez de main-d’œuvre, aussi bien dans vos déclarations du 18 octobre 1945 que maintenant, entendez-vous l’ensemble de la main-d’œuvre comprenant allemands et étrangers des pays occupés et des États amis ou annexés ainsi que les prisonniers de guerre ?
Oui. A partir du milieu de l’année 1943, j’ai eu des différends avec Sauckel au sujet de la production et de l’insuffisance des réserves de main-d’œuvre allemande. Mais ceci n’a rien à voir avec mon attitude générale envers le travail de Sauckel.
Quel est le pourcentage de main-d’œuvre que vous avez obtenu à la suite de vos demandes à Sauckel ?
Vous voulez dire la main-d’œuvre totale qui m’a été attribuée, pas les étrangers ?
Oui.
Jusqu’en août 1944, c’est-à-dire jusqu’à l’époque où j’ai été chargé de l’armement de l’aviation, je disposais d’environ 30% à 40% de toute la main-d’œuvre. Elle comprenait pour la plus grande part des Allemands. Lorsqu’on août 1944 je fus chargé de l’armement de l’aviation, je n’avais plus de besoins considérables de main-d’œuvre étant donné que, à la suite des bombardements aériens sur les moyens de transports, la production d’armement s’était déjà ralentie.
Vos besoins en main-d’œuvre étaient-ils illimités ?
Non. La quantité de la production d’armement et de la production entière — et, par conséquent, mon besoin en main-d’œuvre — dépendait de l’approvisionnement en matières premières.
Vous voulez dire que vos besoins étaient limités par la quantité de matières premières disponibles ?
Mes besoins en main-d’œuvre étaient limités par notre stock de matières premières.
Vous avez obtenu une amélioration considérable de la production de l’industrie d’armement. Pour obtenir cette amélioration, la main-d’œuvre employée a-t-elle été augmentée dans la même proportion ?
Non. En 1944, la production d’armes était sept fois plus élevée qu’en 1942, celle de chars cinq fois et demie et celle de munitions six fois plus élevée. Cependant, le nombre d’ouvriers travaillant dans ces branches de l’armement n’a augmenté que de 30 %. Ce n’est pas en faisant travailler davantage et plus longtemps les ouvriers que ce résultat fut atteint, mais plutôt en abandonnant les vieilles méthodes de fabrication et en adoptant un meilleur système de direction dans la production d’armements.
Qu’entendez-vous par l’expression : production de guerre (Kriegsproduktion) ?
Cette expression de « production de guerre » que l’on a souvent employée ici n’est pas différente de l’expression normale « production ». Elle comprend tout ce qui est produit, soit par l’industrie, soit par des artisans, y compris les besoins de la population civile.
Qu’entendait-on en Allemagne par « armement » ? A quelles activités s’étendait ce concept ?
L’expression « armement » ne se limitait pas à l’armement tel qu’il est défini par la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre. La conception moderne de l’armement est beaucoup plus vaste ; elle englobe un domaine d’activités beaucoup plus étendu. Il n’y avait pas de règle précise pour notre conception du mot « armement ». Quand une entreprise était sous les ordres et sous la surveillance de l’un de mes services, l’inspection d’armement (Rüstungsinspektion), on parlait d’une « entreprise d’armement ». A cette catégorie appartenaient par exemple : la fabrication entière d’acier, tous les laminoirs, fonderies et forges, la fabrication et le travail de l’aluminium, des produits synthétiques modernes, la production chimique d’azote, de carburant ou de caoutchouc synthétique, de laine artificielle, la fabrication de pièces détachées pour lesquelles il n’est pas précisé lors de leur fabrication qu’elles seront utilisées dans l’armement (par exemple, roulements à billes, soupapes, pistons de moteurs, roues dentées, etc.), ou bien la fabrication de machines-outils, l’installation de chaînes de montage, la construction d’automobiles, de locomotives, de bateaux de commerce, ou enfin les entreprises textiles ou du travail du cuir, du bois.
Dans les questionnaires que j’ai fait envoyer à mes témoins, j’ai fait établir le pourcentage des entreprises d’armement allemandes dans lesquelles on fabriquait de l’armement dans le sens de la Convention de Genève. Je voudrais donner un chiffre qui résume cette activité. Tous mes collaborateurs sont d’accord pour reconnaître que les entreprises d’armement se sont occupées dans la proportion de 40% à 20% de la production d’armes, de chars, d’avions, de navires de guerre et de l’équipement général dont avaient besoin les différentes parties de la Wehrmacht. La partie principale, en somme, n’était pas constituée par l’armement dans le sens où l’entend la Convention de Genève.
La raison de l’extension du concept d’armement en Allemagne réside, outre des raisons de production, dans le fait que de nombreuses entreprises ont demandé à être déclarées « entreprises d’armement », étant donné le traitement privilégié qui leur était accordé de ce fait.
Monsieur le Président, dans les questionnaires qui n’ont pas encore été présentés au Tribunal parce que le livre n’est pas encore achevé, plusieurs témoins se sont expliqués sur cette question de l’armement. Ce sont : le témoin Saur, aux questions 7 et 10, le témoin Schieber, aux questions 6 à 9 et le témoin Kehrl, aux questions 4 à 7.
Quel était le dernier nom ?
Kehrl.
Monsieur Speer, pour donner un exemple : vous connaissez l’entreprise Krupp, à Essen. Dans quelle proportion fabriquait-elle du matériel destiné à l’armement, dans le sens de la Convention de Genève sur les prisonniers de guerre, c’est-à-dire des armes, des munitions et autre matériel nécessaire à la guerre ?
Krupp constitue précisément un exemple d’une entreprise d’armement n’ayant conservé qu’une fraction de sa production à l’équipement de guerre. Je dois d’ailleurs faire remarquer que l’entreprise Krupp est une des entreprises d’armement qui, proportionnellement, a produit le moins de matériel d’armement. Au premier plan de l’activité de Krupp se plaçaient les mines, trois grosses usines de fabrication d’acier et d’aciers spéciaux. La construction de locomotives et la fabrication de produits destinés à l’industrie chimique étaient des spécialités de l’entreprise Krupp. Par contre, au cours de cette guerre, les spécialités de Krupp en matière d’armement, la construction de tourelles blindées pour les navires de guerre et de pièces d’artillerie lourde, n’ont pas été exploitées. Ce n’est qu’en 1944 que Krupp installa dans la région de Breslau la première grande usine pour la fabrication de canons. Jusqu’alors, Krupp s’était surtout occupé du développement des armes nouvelles dont la production était effectuée sous licence par d’autres entreprises. En résumé, on peut dire que Krupp a travaillé dans une proportion de 10 % à 15 % de son personnel pour l’équipement de guerre, dans le sens de la Convention de Genève, bien que cette entreprise eût été considérée dans son ensemble comme une entreprise d’armement.
Quelle influence aviez-vous, vous et votre ministère, sur l’attribution à une entreprise de personnel étranger ou allemand ?
Mon ministère n’avait aucune influence à ce sujet. Il recevait la communication des besoins de main-d’œuvre des entreprises se trouvant sous ses ordres. Ces demandes faisaient apparaître un chiffre total, sans qu’il soit précisé s’il s’agissait de prisonniers de guerre, d’ouvriers allemands ou de main-d’œuvre étrangère. Ce chiffre total était transmis au plénipotentiaire général à la main-d’œuvre. Sauckel refusait de recevoir des demandes détaillées ; il avait raison d’ailleurs, car il ne pouvait pas donner aux services qui étaient sous ses ordres des instructions particulières sur la proportion d’Allemands ou d’étrangers qui devaient être attribués aux entreprises locales. L’attribution de main-d’œuvre par les services subalternes aux entreprises elles-mêmes était faite par les offices du Travail (Arbeitsämter), sans qu’aucun de mes services ait à intervenir. C’est pourquoi nous n’avions aucune influence quand on attribuait à une entreprise quelconque des prisonniers de guerre ou des ouvriers allemands ou étrangers. Une fois que l’entreprise avait reçu son attribution de main-d’œuvre, elle m’en communiquait le chiffre global, si bien que je n’avais pas la moindre idée de la composition de cette main-d’œuvre et je ne savais pas dans quelle proportion les prisonniers de guerre ou des ouvriers étrangers étaient utilisés.
Je savais, bien entendu, que des travailleurs étrangers fabriquaient du matériel d’armement ; et j’y avais donné mon accord.
Monsieur le Président, pour faciliter le travail du Tribunal, je puis peut-être me permettre de faire remarquer que ces questions ont été traitées dans le questionnaire du témoin Schmelter, aux numéros 7 et 17, ainsi qu’aux numéros 1 et 18 du même questionnaire ; dans le questionnaire Schieber, aux numéros 10, 11, 30 et 31. Enfin, dans le questionnaire Kehrl, les réponses aux questions 8 et 9 traitent également de ce point.
Monsieur Speer. Qui présentait au plénipotentiaire général à la main-d’œuvre les demandes de main-d’œuvre pour l’armement ?
Ces demandes étaient réparties en différents secteurs d’après les différentes branches de l’Économie. Il y avait environ quinze secteurs qui présentaient leurs exigences. Dans ces secteurs, les demandes destinées à l’Armée de terre et à la Marine ainsi qu’au bâtiment étaient faites par moi, ainsi qu’à partir de septembre 1943 celles des secteurs chimie, mines et autres productions. L’industrie aéronautique avait sa propre section de recrutement de la main-d’œuvre qui faisait des demandes au ministère de l’Air.
Ces questions ont été traitées dans leurs questionnaires par le témoin Schmelter à la question 2, par le témoin Schieber dans ses réponses aux questions 2, 3 et 5, et par le témoin Kehrl aux questions 2 et 3.
Les demandes de main-d’œuvre destinée à l’armement des trois parties de la Wehrmacht n’étaient-elles pas groupées dans votre ministère ?
Non. A partir de mars 1942 j’avais, il est vrai, pris la direction de l’Office d’armement placé sous les ordres du général Thomas, de l’OKW, et cet Office d’armement était un service commun aux trois parties de la Wehrmacht au sein duquel étaient également discutées les questions de main-d’œuvre. Mais, à la suite d’un accord entre Göring et moi, il avait été convenu que l’armement de l’Aviation défendrait ses propres, intérêts, indépendamment de mes services. Cet accord était nécessaire, étant donné que j’avais — en ma qualité de ministre de l’Armement — des intérêts unilatéraux, et que je ne voulais pas décider de demandes provenant d’un service qui ne m’était pas subordonné.
Dans quelle mesure êtes-vous responsable de l’utilisation de prisonniers de guerre dans des entreprises d’armement, — je veux dire « armement » dans le sens restreint, c’est-à-dire contrairement aux dispositions de la Convention de Genève ?
Je n’ai pas fait valoir mon influence afin que les prisonniers de guerre soient employés contrairement aux directives données par l’OKW. Je connaissais le point de vue de l’OKW selon lequel la Convention de Genève devait être strictement respectée. D’autre part, je savais également que ses dispositions n’en étaient pas applicables aux prisonniers de guerre russes ni aux internés militaires italiens. Je ne pouvais exercer aucune influence sur la répartition des prisonniers de guerre dans les entreprises individuelles. Cette répartition était assurée par le bureau du Travail, en corrélation avec les services dépendant du commandant des prisonniers de guerre et avec les dépôts de prisonniers, les « Stalags ».
A ce sujet, je me réfère au questionnaire du témoin Schmelter, question 14.
Monsieur Speer, qui était l’officier intermédiaire compétent qui était sous les ordres de l’OKW ?
Le contrôle de la répartition judicieuse des prisonniers de guerre était effectué, à l’échelon intermédiaire, par l’officier d’économie militaire (Wehrwirtschaftsoffizier). Il était sous les ordres du Commandant en chef de la région militaire, qui dépendait de l’Armée de terre.
Le Ministère Public a présenté un affidavit de M. Deuss, expert en statistiques américain. C’est le document PS-2520. D’après cet affidavit, 400.000 prisonniers de guerre étaient employés à la fabrication de matériel d’armement. Ces chiffres ressortiraient des statistiques de votre ministère. Qu’en pensez-vous ?
Je connais ces chiffres par mon activité de ministre ; ils sont exacts. Ces 400.000 prisonniers de guerre constituent l’ensemble des prisonniers de guerre utilisés dans toute l’industrie de l’armement. Mais les conclusions de cet affidavit sont fausses quand il déclare que tous ces prisonniers de guerre étaient employés à la fabrication de matériel d’armement, au sens de la Convention de Genève. Pour les prisonniers de guerre travaillant dans les industries d’armement et fabriquant du matériel d’armement au sens de la Convention de Genève, nous n’avons jamais établi de statistiques ; il ne peut donc pas en être tiré de mes documents. Du reste, parmi ces 400.000 prisonniers de guerre, il y a 200.000 ou 300.000 internés militaires italiens qui tous alors travaillaient dans le cadre de ma production. Cet affidavit n’apporte donc pas la preuve que des prisonniers de guerre étaient employés à la fabrication de matériel d’armement proprement dit.
On a souvent parlé ici de la « Zentrale Planung » (Comité de planification centrale). Vous en faisiez partie. Pouvez-vous nous dire comment a été créé ce service et quelles étaient ses fonctions ?
Lorsqu’on 1942 j’entrai en fonctions, il était absolument nécessaire de centraliser la répartition des matières premières aux trois parties de la Wehrmacht et d’assurer à longue échéance la direction de l’économie de guerre. Jusqu’à ce moment-là, c’était le ministère de l’Economie qui s’en était occupé et, pour une part, l’OKW. Mais ils étaient l’un et l’autre trop faibles pour s’imposer aux trois parties de la Wehrmacht. Sur ma proposition, en mars 1942 la « Zentrale Planung » (Comité de planification centrale), fut créée par le délégué au Plan de quatre ans. Ses trois membres : Milch, Koemer et moi, étaient autorisés à prendre des décisions, mais seulement en commun ; ceci put d’ailleurs toujours être réalisé sans difficultés. Il est bien évident qu’étant donné le poste prédominant que j’occupais, je jouais un rôle prépondérant à la « Zentrale Planung ».
Les attributions de la « Zentrale Planung » étaient clairement définies et précisées par un décret de Göring dont j’avais établi le projet. Ce décret ne prévoyait pas l’établissement de statistiques sur les demandes de main-d’œuvre ni sur sa répartition. Malgré ce que disent les documents qu’on a présentés ici, cette activité n’a pas été exercée de manière systématique par la « Zentrale Planung ». J’ai tenté d’obtenir que les pouvoirs de décision en matière de demandes et de répartition de main-d’œuvre fussent attribués à la « Zentrale Planung », car cela aurait constitué un facteur essentiel pour l’a direction de l’Économie dans son ensemble ; Sauckel s’y opposa toujours sous le prétexte que cela eût été un empiétement sur ses droits.
Je dépose à ce sujet le décret de Gôring sur l’institution de la « Zentrale Planung » dans le cadre du Plan de quatre ans. Il a été publié le 25 avril 1942 ; c’est le document Speer-42, pièce n° 7. Le texte se trouve à la page 17 du livre de documents anglais. Les attributions de la « Zentrale Planung »...
Un instant. Que numéro indiquez-vous ? Le document porte Speer-142.
Non, ce doit être une erreur d’impression, c’est 42, Monsieur le Président. Il se trouve...
Quel est le numéro de dépôt ?
C’est le document Speer-7.
Mais que signifie 42 ? Pourquoi ce chiffre 42 s’il s’agit du document n° 7 ?
Monsieur le Président, c’est le numéro d’ordre sous lequel le document a été enregistré pour la constitution du livre de documents. Le numéro qui importe est le numéro 7. Cela n’a été fait que pour faciliter les recherches dans le livre de documents. Il figure à la page 17 du livre de documents anglais. Puis-je attirer l’attention du Tribunal sur le point 3 du décret ? Suivant cet article, la « Zentrale Planung » avait à prendre les décisions relatives à tous les nouveaux plans nécessaires à l’industrie, à l’augmentation de la production de matières premières, à la répartition des matières premières, à la coordination des demandes de moyens de transport. Le décret ne prévoyait pas le règlement de la question de la main-d’œuvre.
Monsieur Speer, comment se fait-il que malgré cela on ait discuté des demandes de main-d’œuvre à la « Zentrale Planung » ?
Les soixante séances de la « Zentrale Planung », de 1942 à 1944, ont toutes fait l’objet d’un compte rendu sténographique. Ces 5.000 pages écrites à la machine constituent un rapport précis sur l’activité du Comité de planification centrale. Toute personne compétente peut y voir qu’aucun plan d’utilisation de la main-d’œuvre n’y a été établi, car il est évident qu’un plan de ce genre ne peut être exécuté que trimestre par trimestre, ainsi que nous étions obligés de le faire pour les matières premières. En fait, trois ou quatre réunions de la « Zentrale Planung » portèrent sur des questions de main-d’œuvre. Elles eurent lieu pour les raisons suivantes : en 1942 ou 1943, c’est-à-dire avant que j’eusse à diriger l’ensemble de la production, je m’étais réservé le droit, en cas de mobilisations individuelles par la Wehrmacht, de répartir des quotes-parts de recrutement dans les différents secteurs de la production. Cette répartition fut faite au cours d’une séance de la « Zentrale Planung « qui en décida à titre d’organisme impartial. A cette séance, assistait également un représentant du plénipotentiaire général à la main-d’œuvre, car nous devions également discuter de la question des remplaçants.
La deuxième question abordée à la « Zentrale Planung » était celle de la répartition du charbon pour l’année suivante. De même que pour la production anglaise, le charbon commandait toute notre économie de guerre. Au cours de ces discussions, il fallait déterminer dans quelle mesure le plénipotentiaire général à la main-d’œuvre pouvait satisfaire aux demandes de mineurs, car ce n’était qu’avec son accord que l’on pouvait dresser des plans précis pour l’année suivante. C’est ainsi que nous en vînmes à parler de l’emploi des prisonniers russes dans les mines, conversation qui a été mentionnée ici.
Il y eut encore deux autres séances au cours desquelles furent effectivement discutées les demandes des intéressés, et cela d’une façon que le Ministère Public voudrait généraliser pour l’étendre à l’activité totale de la « Zentrale Planung ». Ces deux séances ont eu lieu en février et mars 1944 et il n’y en eut jamais d’autres, ni avant, ni après. De plus, ces deux séances ont eu lieu alors que j’étais malade. Je n’ai pas très bien su à ce moment-là déjà pourquoi Sauckel avait précisément, pendant que j’étais malade, donné suite à mon désir d’y faire participer la « Zentrale Planung », et pourquoi il revint plus tard sur son assentiment.
Le Ministère Public a présenté différents extraits de séances de la « Zentrale Planung ». A votre connaissance, ces extraits proviennent-ils de procès-verbaux ou de sténogrammes ?
Ils proviennent des sténogrammes. On établissait également un procès-verbal sur les résultats effectifs de la séance. Le Ministère Public n’a présenté jusqu’à ce jour aucun extrait des procès-verbaux. La teneur de ces sténogrammes ne se compose naturellement que des discussions et des débats tels qu’il y en a toujours sur des questions aussi importantes relatives à l’économie de guerre dans tous les pays du monde, même quand l’autorité en question n’est pas elle-même directement responsable des questions telles que l’utilisation de main-d’œuvre. ’
S’agissait-il donc, pour les citations qui ont été faites ici, de décisions qui ont été prises par la « Zentrale Planung » ou par vous-même ?
J’ai déjà répondu à cette question.
Je voudrais vous poser encore une question. Vous avez été plénipotentiaire à l’armement au sein du Plan de quatre ans. Pouvez-vous donner une explication à ce sujet ?
En mars 1942, Göring créa, sur ma proposition, le poste de plénipotentiaire à l’armement au Plan de quatre ans, et c’est moi qui fus chargé de cette fonction. Ce n’était qu’une question de forme. Tout le monde savait que Göring avait eu des différends avec Todt, mon prédécesseur, parce que l’armement de l’Armée n’était pas soumis au contrôle du délégué au Plan de quatre ans. Ce poste de plénipotentiaire à l’armement me plaçait officiellement sous les ordres de Göring. En fait, le plénipotentiaire à l’armement n’a exercé aucune influence. En cette qualité, je n’ai pris aucune décision. J’avais, en ma qualité de ministre, suffisamment d’autorité et je n’avais pas besoin de me servir de celle que me conférait le Plan de quatre ans.
Le Tribunal me permettra peut-être, pour simplifier la question de la « Zentrale Planung », de faire remarquer que des dépositions sur ce sujet ont été faites par le témoin Schieber dans son questionnaire sous les numéros 4 et 45, et par le témoin Kehrl sous le numéro 2.
J’en viens à la question de la responsabilité quant au chiffre de la main-d’œuvre étrangère en général. Monsieur Speer, le Ministère Public vous accuse de détenir une part de responsabilité quant au total de la main-d’œuvre étrangère envoyée en Allemagne. Votre coaccusé Sauckel a déclaré à ce propos qu’il aurait, travaillé en premier lieu pour vous, si bien que toute son activité était conditionnée par vos demandes de main-d’œuvre. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Il est bien entendu que j’attendais de Sauckel qu’il pourvût en priorité aux besoins de l’armement, mais on ne peut absolument pas dire qu’il s’est occupé avant tout de satisfaire mes demandes, puisqu’à partir du printemps 1943 je n’ai reçu qu’une partie de la main-d’œuvre dont j’avais besoin. Si le maximum de mes besoins avait été couvert, j’aurais dû recevoir tout ce que je demandais. Je n’en donnerai qu’un seul exemple : à cette époque, on avait mis à notre disposition 200.000 Ukrainiennes qui devaient être employées comme domestiques ; j’étais certes d’avis qu’il aurait été préférable de les utiliser dans l’industrie d’armement. En outre, il est évident que les réserves de main-d’œuvre allemande n’étaient pas utilisées entièrement. En janvier 1943, elles étaient encore largement suffisantes. Je voulais avoir de la main-d’œuvre allemande, même des femmes. Le fait que l’on n’ait pas utilisé toutes les réserves de main-d’œuvre allemande prouve que je ne saurais être rendu responsable de la couverture des besoins maxima de l’ensemble des demandes de main-d’œuvre étrangère.
J’attire l’attention du Tribunal sur le fait que ces questions ont été traitées par le témoin Schmelter dans son questionnaire, aux questions 12, 13 et 16. Le témoin Schieber a répondu dans ce sens à la question 22, et le témoin Rohiand aux questions 1 et 4, ainsi que le témoin Kehrl à la question 9.
Monsieur Speer, quand vous-même ou vos services demandiez de la main-d’œuvre, vous saviez pourtant qu’elle comprendrait des ouvriers étrangers ? Aviez-vous besoin de cette main-d’œuvre étrangère ?
Je n’en avais besoin que dans une certaine mesure, suivant les exigences de ma production. C’est ainsi, par exemple, que les charbonnages ne pouvaient pas se passer des prisonniers de guerre russes. Il eût été impossible d’envisager d’utiliser à ce travail les réserves de main-d’œuvre allemande qui comprenaient surtout des femmes. Il y avait également certains domaines particuliers dans lesquels il était désirable de recourir à des spécialistes étrangers. Mais le plus grand nombre des emplois pouvait être assumé par la main-d’œuvre allemande, même par des femmes. L’Angleterre, l’Amérique, et certainement aussi l’URSS, en ont fait autant pour leur armement.
Continuez Docteur Fläschner, il n’est pas nécessaire que vous attendiez.
Oui, j’y reviendrai lors de la présentation des preuves.
Je voudrais encore une fois, Monsieur Speer, me référer à votre déposition du 18 octobre 1945. A plusieurs reprises, vous y avez déclaré que vous saviez que la main-d’œuvre des pays occupés ne venait pas volontairement en Allemagne. Le Ministère Public prétend que vous auriez approuvé l’usage de la force et de la terreur. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Je n’exerçais aucune influence sur la façon dont cette main-d’œuvre était recrutée. Quand on dit que des ouvriers étaient envoyés en Allemagne contre leur volonté, je pense que cela veut dire qu’ils étaient obligés par des mesures légales de travailler pour le compte de l’Allemagne. Que ces mesures légales fussent justifiées ou non, je ne me le suis pas demandé. Ce n’était pas non plus mon affaire. Quant à l’emploi de la force et de la terreur, je pense qu’on entend par là l’intervention de la Police, les arrestations, les rafles, etc. Je n’ai pas approuvé ces mesures de contrainte ; cela ressort clairement de mon attitude au cours de mon entrevue avec Lammers le 11 juillet 1944. J’y ai défendu l’opinion que ni un renfort de forces policières, ni les rafles, ni les mesures de violence n’apporteraient une solution. Dans ce document, je suis désigné comme l’un de ceux qui se sont opposés aux mesures de force proposées.
Où est le document ?
Monsieur le Président, c’est le document PS-3819 que le Ministère Public a présenté lors du contre-interrogatoire, je crois, de l’accusé Keitel et de l’accusé Sauckel. Je ne l’ai pas dans mon livre de documents.
Monsieur Speer, pourquoi étiez-vous opposé aux mesures de force ?
Parce que des mesures de force de ce genre devaient nécessairement rendre impossible un recrutement normal de la main-d’œuvre dans les pays occupés ; or, j’avais tout intérêt à ce que la production fût régulière dans les régions occupées. L’application de mesures de force me faisait perdre la main-d’œuvre des régions occupées car on courait alors le danger de voir les gens s’enfuir en grand nombre dans les forêts pour ne pas être transférés en Allemagne, et aller renforcer les rangs des mouvements de résistance. Cela amenait en outre une recrudescence des sabotages, qui avait pour résultat une diminution de la production dans les régions occupées. C’est pourquoi aussi bien les Militàrbefehishaber que les commandants de groupes d’armées et moi-même étions absolument opposés à ces mesures de force de grand style qui avaient été proposées.
Vous êtes-vous intéressé particulièrement au recrutement de la main-d’œuvre dans certains pays, et pourquoi ?
Oui, je m’intéressais particulièrement au recrutement de la main-d’œuvre en France, en Belgique, et en Hollande, c’est-à-dire à l’Ouest, et en Italie, car le plénipotentiaire général à la main-d’œuvre avait, dès le printemps 1943, décidé de mettre principalement des travailleurs en provenance de ces régions à la disposition de l’armement. Par contre, la main-d’œuvre en provenance de l’Est devait surtout être affectée à l’agriculture, aux entreprises forestières et à la construction de chemins de fer. Sauckel m’a fait à plusieurs reprises des déclarations dans ce sens, et cela encore en 1944.
Monsieur le Président, je me réfère ici au document PS-3012 (USA-190), qui se trouve à la page 19 du texte anglais et à la page 16 du texte français de mon livre de documents. Je cite un passage du compte rendu de la conférence avec l’Inspection économique du Sud, en Russie. Peukert, le délégué de Sauckel en Russie, déclare :
« ...Il a été prévu d’employer principalement la main-d’œuvre en provenance des territoires de l’Est dans l’agriculture et le ravitaillement, tandis que les ouvriers en provenance de l’Ouest, particulièrement les spécialistes demandés par le ministre Speer, devront être affectés à l’industrie d’armement... »
En outre, dans le document PS-1289 (RF-71), page 42 du texte anglais de mon livre de documents et page 39 du texte français et du texte allemand, figure une note de Sauckel, du 26 avril 1944. Je cite :
« Ce n’est qu’en mobilisant à nouveau les réserves des pays occupés de l’Ouest que l’on pourra satisfaire les besoins urgents de l’armement allemand en ouvriers qualifiés. Les réserves des autres territoires ne suffisent pas, ni en quantité, ni en qualité. On en a un besoin urgent dans l’agriculture, les transports et le bâtiment. La main-d’œuvre occidentale a, de tous temps, été affectée, dans la proportion de 75 %, à l’armement. »
Docteur Fläschner, en ce qui me concerne, je ne vois pas quel est le problème que vous essayez de résoudre, ni quels sont les arguments que vous mettez en avant. Je ne vois pas en quoi cela est pertinent. Quelle importance y a-t-il à ce que la main-d’œuvre provînt de l’Est ou de l’Ouest ? Je comprends certes votre argument, ou celui de l’accusé, selon lequel l’industrie d’armement, aux termes de la Convention de Genève, n’englobe pas certaines activités industrielles qui peuvent être éventuellement utilisées pour l’armement, mais n’a rapport qu’à la fabrication de munitions et aux choses qui y sont directement liées. Mais une fois cet argument présenté, pourquoi nous proposer des preuves de cette nature ?
Je voudrais simplement le savoir, parce que je ne comprends absolument pas où vous voulez en venir.
Monsieur le Président, ceci prépare la question à laquelle nous arrivons : les entreprises protégées (Sperrbetriebe). En instituant les Sperrbetriebe, Speer voulait, si je puis m’exprimer ainsi, arrêter pratiquement le transfert de la main-d’œuvre étrangère de l’Ouest vers l’Allemagne. C’est pourquoi je voulais expliquer au préalable que la plupart des ouvriers en provenance de l’étranger et destinés à ses entreprises venaient de l’Ouest. Je désire expliquer...
En supposant qu’il ait voulu arrêter ces transferts de main-d’œuvre en provenance de l’Ouest, quelle est la différence ?
On reproche à Speer, Monsieur le Président, d’avoir activement pris part à la déportation des ouvriers des régions de l’Ouest pour les employer dans l’armement. A cet égard c’est la date qui importe. A partir de l’année 1943, il a suivi une autre politique alors qu’auparavant, ainsi qu’il ressort des documents déjà produits, les ouvriers qui avaient été envoyés en Allemagne étaient en grande partie des volontaires.
Bien entendu, si vous pouvez prouver qu’ils étaient tous volontaires, cela serait extrêmement important. Mais l’exposé de vos preuves n’est absolument pas dirigé dans ce sens.
C’est cependant le but final de l’exposé de mes preuves, Monsieur le Président. Je voudrais le mener à bien, si cela est possible.
Je vous dis simplement que je ne vois pas à quoi vous voulez en venir.
Poursuivez, n’attendons pas plus longtemps.
Monsieur Speer, le plénipotentiaire général à la main-d’œuvre avait désigné l’Italie et les régions occupées de l’Ouest comme les pays dans lesquels devaient être recrutés la plupart des ouvriers destinés à l’armement ; dans quelle mesure avez-vous approuvé les décisions prises par Sauckel dans ces pays ?
Jusqu’au printemps 1943, j’étais parfaitement d’accord avec ces mesures, car jusqu’à cette époque elles n’avaient pas eu de conséquences défavorables pour moi. A partir du printemps 1943 par contre, les ouvriers de l’Ouest refusèrent en plus grand nombre de venir travailler en Allemagne. Cela avait peut-être pour cause la défaite de Stalingrad et l’intensification des bombardements aériens sur l’Allemagne. Jusqu’au printemps 1943, autant que je sache, les ouvriers se soumettaient plus ou moins volontairement au travail obligatoire ; mais à partir du printemps 1943, il arrivait souvent qu’une partie seulement des ouvriers appelés se présentassent aux bureaux de recrutement. C’est pourquoi je fis instituer vers le mois de juin 1943, par le Militärbefehlshaber en France, ce que l’on a appelé les Sperrbetriebe (entreprises protégées). Bientôt, la Belgique, la Hollande et l’Italie furent également dotées de cette institution. Il est important de préciser que tout ouvrier employé dans un des Sperrbetriebe était automatiquement exclu de tout transfert en Allemagne et que tout ouvrier qui était appelé en Allemagne pouvait se rendre dans un Sperrbetrieb de son propre pays sans que les organismes du service de la main-d’œuvre eussent la possibilité de l’en retirer.
Quelles furent les conséquences de cet état de choses sur le recrutement des ouvriers dans les régions occupées de l’Ouest ?
Après l’institution des Sperrbetriebe, le recrutement de la main-d’œuvre pour l’Allemagne dans les pays occupés de l’Ouest diminua considérablement. Alors qu’auparavant il arrivait par exemple de France en Allemagne 80.000 à 100.000 travailleurs par mois, l’institution de ces entreprises réduisit ce nombre à 3.000 ou 4.000 personnes par mois, c’est-à-dire à un chiffre insignifiant. Cela ressort du document RF-22. Il est évident, et il faut bien le dire, que la diminution de ce chiffre était également due aux mouvements de résistance qui, à cette époque, commençaient à s’étendre dans l’Ouest.
Vous et vos services, avez-vous, à cette époque, approuvé la politique de Sauckel ?
Non ; c’est à cette époque-là que surgirent les premiers différends au sujet de ces ouvriers « bloqués » pour l’envoi en Allemagne.
Cela provenait du fait que la perte de main-d’œuvre que je subissais dans la production des régions occupées était plus grande que le chiffre de la main-d’œuvre envoyée des régions occupées de l’Ouest en Allemagne. Ceci ressort du document RF-22 suivant lequel, en 1943 encore, et particulièrement au cours du premier semestre de l’année, environ 400.000 ouvriers avaient été envoyés de France en Allemagne alors que pendant la même période, le nombre des ouvriers employés dans l’industrie française avait baissé de 800.000, celui des ouvriers français travaillant en France pour l’Allemagne de 450.000.
Pourquoi avez-vous demandé, au cours de l’été 1943, que le ministère de l’Économie vous remette la charge de l’ensemble de la production allemande ?
La production allemande, avait encore, à mon avis, des réserves considérables, car l’économie de paix allemande n’avait pas été convertie en économie de guerre à un degré suffisant. A mon avis, c’était là que se trouvaient — outre les femmes allemandes — les plus grandes réserves de main-d’œuvre en Allemagne.
Lorsque le ministère de l’Économie vous eût remis l’ensemble de la production, quelles décisions avez-vous prises ?
Dès ce moment, j’avais établi le plan suivant : En Allemagne, une grande partie de l’industrie était occupée à la production de biens de consommation. On entend par là, par exemple, les chaussures, les vêtements, les meubles et d’autres articles nécessaires, soit à la Wehrmacht, soit à la population civile. Dans les régions occupées de l’Ouest, par contre, les industries destinées à ces fabrications chômaient, par manque de matières premières. Cependant, ces industries étaient particulièrement importantes dans les régions occupées de l’Ouest. L’application de ce plan retirait aux entreprises allemandes la production de matières premières telles que la laine artificielle, par exemple, et la confiait aux industries de l’Ouest. Cela devait avoir pour résultat d’augmenter de 1.000.000 le nombre des ouvriers de l’Ouest travaillant dans leur propre pays et de me faire gagner, en Allemagne, 1.000.000 d’ouvriers allemands pour l’industrie d’armement.
Ne vouliez-vous pas augmenter ou favoriser également en France la production d’armement ?
Non, tous ces plans avaient échoué. Le Gouvernement français n’avait pas réussi, avant la déclaration de guerre, à mettre sur pied en France une production d’armement, et moi-même, ou plutôt mes services, n’y sont pas non plus parvenus.
Quelles étaient vos intentions en instituant ce nouveau plan ? Quels avantages vous apportait-il ?
Je vais vous le dire très brièvement. Ce plan me permettait de mettre au repos, en Allemagne, des entreprises entières en faveur de l’armement, et j’obtenais par ce moyen non seulement la main-d’œuvre, mais du personnel d’administration et des installations ; cela me permettait d’avoir du courant et des moyens de transport. De plus, ces entreprises, qui n’étaient pas nécessaires à l’économie de guerre, n’avaient reçu que très peu de main-d’œuvre étrangère, de sorte que je pouvais obtenir presque exclusivement des ouvriers allemands dans la production allemande, ouvriers qui, bien entendu, avaient pour moi beaucoup plus de valeur ’dans l’armement que tous les ouvriers étrangers.
Ce plan ne comportait-il pas des désavantages et des dangers pour le développement de l’industrie allemande ?
Certes, les désavantages étaient considérables car l’arrêt d’une entreprise signifiait le démontage de ses installations mécaniques, et après la guerre, la reconversion de ces entreprises à l’économie de paix demande au moins six à huit mois
A l’occasion d’une réunion de Gauleiter à Posen, j’ai déclaré à l’époque que si nous voulions gagner cette guerre, nous devions être ceux qui assumaient les plus grands sacrifices.
Et comment ce plan fut-il appliqué en réalité ?
Docteur Fläschner, en quoi les détails de ces plans intéressent-ils le Tribunal ? Il nous importe peu qu’ils aient été efficaces ou non. La seule question dont ait à décider le Tribunal est de savoir si, d’après le Droit international, ils étaient légaux. Peu importe qu’ils aient été bons ou mauvais ; les détails également nous importent peu, la seule question qui nous intéresse est celle de leur légalité.
Parfaitement, Monsieur le Président.
Nous ne faisons que perdre du temps à entrer dans ces détails.
Je voulais montrer par là que les tendances ou plutôt la tendance poursuivie par l’accusé dans sa politique à l’égard de la main-d’œuvre, était d’occuper les étrangers dans leur propre pays et d’utiliser les réserves allemandes uniquement pour ses propres buts, c’est-à-dire pour l’armement, de sorte que ce qui n’était pas absolument...
Mais, Docteur Fläschner, c’est là une question d’opportunité et non pas de légalité. Il dit qu’il avait à sa disposition un grand nombre de travailleurs allemands, de bons travailleurs qui produisaient des biens de consommation et non pas du matériel d’armement. Il lui paraissait plus convenable d’organiser ses industries de telle façon que les ouvriers puissent rester en France ou dans les régions occupées de l’Ouest. Mais cela ne nous regarde pas. Si ces ouvriers étaient forcés de travailler en France, c’était tout aussi illégal que de les faire travailler en Allemagne. C’est du moins l’opinion du Ministère Public.
Oui, mais je pensais...
Nous allons suspendre l’audience.
Le Tribunal entendra les avocats de la Défense demain après-midi à 2 heures, au sujet de la répartition du temps qui leur sera accordé pour leurs plaidoiries.
Monsieur Speer, voulez-vous nous dire brièvement de quelle manière vous vous êtes entendu avec M. Bichelonne, ministre français de l’Économie, au sujet de votre programme. Mais soyez concis, je vous prie.
En septembre 1943, aussitôt après avoir pris en charge la production, je me suis mis d’accord avec M. Bichelonne sur l’exécution d’un vaste programme de transfert d’industrie d’Allemagne en France, suivant le système que je viens d’exposer. M. Bichelonne, au cours d’une entrevue suivante, me dit qu’il n’était pas autorisé à discuter avec moi de questions de main-d’œuvre, parce que M. Lavai le lui avait interdit expressément. Il devait attirer mon attention sur le fait que le maintien du recrutement de la main-d’œuvre dans la mesure où celui-ci avait été pratiqué jusque-là rendrait absolument impossible la réalisation du programme que nous avions envisagé. J’étais d’ailleurs du même avis et nous décidâmes ensemble de déclarer entreprises protégées (Sperrbetriebe) la production française tout entière, depuis le charbon jusqu’aux produits manufacturés. Nous étions, ce faisant, tous deux parfaitement conscients du fait que cette mesure rendrait presque impossible l’envoi de la main-d’œuvre française en Allemagne car, comme je l’ai déjà dit, chaque Français était libre, au moment où il était appelé en Allemagne, d’entrer dans une de ces entreprises protégées (Sperrbetriebe) en France. Je donnai à M. Bichelonne ma parole que je m’en tiendrais, pour une longue période, aux décisions que nous avions adoptées et, malgré toutes les difficultés, j’ai tenu parole.
Monsieur le Président, je voudrais, à ce propos, citer un passage du document R-124. Il figure à la page 37 du livre de documents anglais. Il s’agit d’un discours de Sauckel devant le Comité de planification centrale (Zentrale Planung), discours qui a déjà été mentionné fréquemment. Je ne citerai que ce qui suit :
« Quand je vins en France la fois suivante, mes services me déclarèrent : « Le ministre Bichelonne a conclu un accord avec le ministre Speer suivant lequel seuls des ouvriers français seront affectés au travail en France, sans qu’ils soient tenus d’aller en Allemagne. Cela coïncide avec notre première grande conférence. »
Monsieur Speer, quelles ont été les suites de ce transfert de main-d’œuvre d’Allemagne en France ?
Je viens de le dire. A partir du 1er octobre. Je recrutement de la main-d’œuvre cessa presque complètement.
En ce qui concerne les conséquences de ce plan Speer-Bichelonne et à propos des tendances manifestées par Speer au cours des différentes tentatives d’application de ce principe, je me référerai plus tard en détail à un certain nombre de documents. C’est pourquoi j’abandonne maintenant cette question et je me bornerai à donner lecture d’un extrait du document officiel français RF-22, page 20 du texte anglais de mon livre de documents, page 17 du texte français et allemand. Je cite :
« Enfin, une véritable inimitié s’éleva entre Sauckel et Speer qui était chargé de l’organisation du travail forcé dans les territoires occupés. »
Et quelques lignes plus bas :
« La supériorité du premier sur le second, affirmée au cours des... mois d’occupation, facilita grandement la résistance à la déportation. »
Il ressort du texte que je viens de citer que l’accuse Speer et le Commandement militaire...
Mais tout cela est cumulatif. Vous l’avez déjà prouvé trois ou quatre fois.
Bien, Monsieur le Président, je m’en tiendrai donc là. Je ne voudrais que rectifier une erreur. Monsieur Speer, il est dit dans ce document que vous étiez chargé de l’organisation du travail forcé en France ; est-ce exact ?
Non, l’organisation du travail en France n’était pas de ma compétence.
Vous avez déjà dit que ce programme de transfert de la main-d’œuvre n’était pas limité à la France ; pouvez-vous me dire à quels pays il a été étendu ?
Ce programme fut étendu à la Hollande, à l’Italie, à la Belgique et à la Tchécoslovaquie. La production entière de ces pays fut déclarée protégée et les ouvriers de ces industries furent nantis des mêmes protections que la main-d’œuvre française, même après la réunion du 4 janvier 1944 avec Hitler, au cours de laquelle fut fixé le nouveau programme pour l’Ouest, pour l’année 1944. Je me tins à cette politique. Cela eut pour conséquences que dans la première moitié de l’année 1944, 33.000 ouvriers sont venus de France en Allemagne, au lieu de 500.000 prévus au cours de cette conférence ; et dans les autres pays, seuls 10% environ de la main-d’œuvre prévue furent envoyés en Allemagne.
Que pouvez-vous dire des chiffres de la main-d’œuvre du Protectorat ?
On n’envoya partout qu’une fraction des chiffres, prévus.
Le Ministère Public a présenté un document PS-1739. Il figure à la page 23 du texte anglais de mon livre de documents. C’est un rapport de Sauckel de décembre 1942. D’autre part, il a été déposé un document PS-1290. De ces deux documents, il semble se dégager, d’après les constatations de Sauckel, qu’il y a eu une surabondance de main-d’œuvre dès le début de son activité jusqu’en mars inclusivement. Est-ce exact ?
Oui, c’est exact.
Le document PS-16 (USA-168) que l’on trouvera à la page 25 du texte anglais de mon livre de documents montre que Sauckel n’a pas appuyé l’utilisation des femmes dans les usines d’armement, mais qu’au contraire, en été 1942, il a mis plusieurs centaines de milliers de femmes ukrainiennes à la disposition des foyers allemands, comme domestiques. Ces trois documents indiquent conjointement que Speer ne saurait être rendu responsable du chiffre total de la main-d’œuvre qui a été amenée en Allemagne.
Je voudrais d’autre part produire un document, sous le numéro Speer-8. Il est désigné dans le livre de documents sous le numéro 02 ou se trouve page 26 du texte anglais. Il s’agit d’une séance du Comité de planification centrale (Zentrale Planung).
Vous ne donnez les numéros de dépôt d’aucun de ces documents : vous ne les déposez pas comme preuves de la façon prescrite. Vous parlez maintenant du document 02. C’est une numérotation qui ne nous intéresse absolument pas.
Je le déposerai donc sous le numéro 8.
Et le précédent ? Ah il a déjà été déposé. Il serait peut-être bon que vous soumettiez plus tard une liste de tous les numéros exacts sous lesquels vous déposez ces documents.
Oui, Monsieur le Président. Je le ferai volontiers. Il s’agit ici d’une observation faite par Speer.
Je cite :
« Il est donc nécessaire d’amener à l’industrie de nouveaux ouvriers allemands, même non qualifiés, car il n’est pas possible de remplacer par des étrangers tous ceux que je suis obligé de laisser partir comme soldats. L’encadrement allemand est trop faible. Nous avons aujourd’hui déjà un cas de sabotage après l’autre et nous ne savons pas d’où cela vient. Évidemment, des cas de sabotage peuvent se produire. Les mesures qui doivent être prises pour amener au moins 1.000.000 d’Allemands dans l’industrie de l’armement sont extrêmement dures et, selon moi, seront de nature à baisser le standard de vie des classes supérieures. Cela signifie que pour la durée de la guerre nous serons, pour parler vulgairement, prolétarisés, si la guerre dure longtemps. Voilà une perspective qu’il faut envisager avec calme et sérénité. Nous n’avons pas le choix. »
Cette conception et ce plan de Speer quant à l’utilisation profonde des réserves de main-d’œuvre en Allemagne ne fut pas réalisée avant l’été 1944. C’était un des points litigieux entre Speer d’une part et Sauckel et les Gauleiter d’autre part.
A ce sujet, nous pouvons nous référer à des déclarations de témoins dans leurs questionnaires. Pour faciliter la tâche du Tribunal, je me réfère à la réponse 22 du questionnaire de Schieber ; Rohland, questions 1 et 4 ; Kehrl, question 9 ; Schmelter, questions 13 et 16. Je suis désolé de ne pas pouvoir donner le numéro de page du texte anglais parce que je ne l’ai pas encore vu.
De quel document pariiez-vous ?
Ce sont les réponses aux questionnaires qui figurent à l’annexe de mon livre de documents ; j’espère qu’il est à l’heure actuelle entre les mains du Tribunal.
Oui, nous l’avons.
Par ailleurs, je voudrais me réserver le droit de déposer ces documents dans leur ensemble à la fin de mon interrogatoire. Je me permets simplement, en attendant, de me référer aux questions sur lesquelles les témoins se sont prononcés.
Très bien.
Nous sommes informés sur les divergences entre Sauckel et Speer, par une déclaration de Speer à une séance du Comité de planification centrale (Zentrale Planung) du 21 décembre 1943. Je me réfère à la page 27 du texte anglais de mon livre de documents. Je le dépose sous le numéro 9 et je cite...
Il n’est pas nécessaire de citer ce document. Je croyais vous avoir suffisamment expliqué que l’efficacité ou l’inefficacité de ces plans nous importent peu.
Monsieur Speer, le Ministère Public a déposé un document important : c’est le procès-verbal d’une séance chez Hitler le 4 janvier 1944. Il a été déposé sous le numéro PS-1292 (USA-225). Je me réfère à la page 28 du texte anglais de mon livre de documents. Dans quelles circonstances cette réunion a-t-elle été organisée ?
Elle fut convoquée à la demande de Hitler.
Pour quelle raison ?
Afin de régler les divergences de vues entre Sauckel et moi.
Quelle fut la décision de Hitler ?
La décision fut un compromis inapplicable comme cela se produisait souvent chez Hitler. Les entreprises protégées (Sperrbetriebe) devaient être maintenues, et Sauckel se fit donner l’ordre d’amener 3.500.000 ouvriers des pays occupés. Hitler donna aux Militärbefehlshaber, par l’intermédiaire de l’OKW, les ordres les plus stricts afin que les demandes de Sauckel fussent satisfaites par tous les moyens.
Approuviez-vous cette décision ?
Non, pas du tout, car l’exécution de cet ordre était évidemment de nature à rendre impossible mon plan de transport des industries vers l’Ouest.
Qu’avez-vous fait ensuite ?
En opposition avec les décisions prises par Hitler au cours de cette séance, je donnai au Militärbefehlshaber des instructions dans mon sens, de sorte que quand le Militärbefehlshaber recevrait l’ordre de l’OKW, il aurait devant lui deux interprétations différentes de la séance. Comme il était plutôt enclin à pencher dans mon sens, j’avais tout lieu de croire qu’il entrerait dans mes vues.
A ce propos, je voudrais produire un document qui figure à la page 29 du texte anglais de mon livre de documents, a la page 26 des textes français et allemand. Il s’agit d’un télétype de Speer au général Student à Paris. Je le dépose sous le numéro 10. Deux points ressortent de ce document. Premièrement, Speer écrit :
« En ce qui concerne les territoires occupés de l’Ouest, le Gauleiter Sauckel entamera tout d’abord des négociations avec les services compétents afin de mettre au point les possibilités d’application de cette mesure. »
Dans quel but lisez-vous ce texte ?
Monsieur le Président, le Ministère Public a présenté ce document PS-1292 en vue de prouver...
L’accusé vient de nous dire ce que contient ce document. Il nous a exposé la substance de cette affaire. Nous comprenons quelles étaient les divergences de vues entre Sauckel et Speer.
Ce document montre les réactions de l’accusé, montre ce qu’il a fait pour contrecarrer cette décision de Hitler, ou tout au moins en atténuer les effets. Dans ce document, l’accusé dit en effet au général Student...
Docteur Fläschner, le Tribunal vous a donné toutes les indications possibles sur ce qu’il pensait de ces différents plans et des divergences de vues entre Speer et Sauckel. Pourquoi ne passez-vous pas maintenant à un autre point de votre exposé, s’il y a lieu ?
Monsieur le Président, je n’ai pas l’intention de discuter des différends entre ces deux hommes ; je veux simplement faire ressortir ce que Speer a entrepris afin de mettre en pratique son point de vue ; cela n’a pas de rapport avec...
Oui, mais cela n’est pas pertinent. Comme je viens de le lire, l’accusé nous a dit ce qu’il avait fait, il n’est donc-pas nécessaire de nous en donner lecture.
Dans ce cas, je présenterai un autre document qui se trouve à la page 30 du texte anglais de mon livre dr documents, page 27 des textes français et allemand. C’est le document Speer-11. C’est une lettre de Speer à Sauckel, datée du 6 janvier 1944, et spécifiant que 400.000 ouvriers devaient être réservés immédiatement pour les usines françaises travaillant en France, et 400.000 ouvriers de plus au cours des mois suivants. Toute cette main-d’œuvre était donc soustraite à la déportation.
Quelles furent les conséquences de ces deux lettres sur l’exécution de l’ordre de Hitler d’amener 1.000.000 d’ouvriers de France en Allemagne ?
Je préfère résumer l’ensemble de l’affaire et en dire quelques mots rapidement. Il y avait chez nous une technique pour arriver à tourner les ordres embarrassants de Hitler. Jodl a déjà montré au cours de son interrogatoire qu’il avait, lui aussi, usé d’une telle technique. Et quant aux documents présentés ici, seuls ceux qui sont au courant sont capables d’en comprendre la signification et les effets éventuels. Le document qui est produit ici et qui est un extrait d’un discours de Sauckel du 1er mars 1944, le document R-124, montre de quelle façon les effets de nos méthodes se sont fait sentir sur le recrutement de la main-d’œuvre des pays occupés. Le résultat est évident, et je l’ai déjà exposé ici. Je crois que nous pouvons maintenant passer à la page 49.
Monsieur Speer, pourriez-vous me donner un éclaircissement sur les conséquences des attaques aériennes dans les pays occupés à l’Ouest ?
Oui, je voudrais à ce propos faire une déclaration d’ensemble. Résumons. Le début de l’invasion fut préparé par de violentes attaques aériennes sur le système ferroviaire des territoires occupés de l’Ouest. Cela eut pour conséquence que dès les mois de mai et juin 1944, la production en France était paralysée et que 1.000.000 d’ouvriers étaient sans travail. Ainsi mon idée de transfert de la production était réduite à néant. D’après les prévisions normales, ainsi que celles de services français, on pensait généralement qu’une grande opération allait se produire en direction de l’Allemagne. J’ai alors donné l’ordre qu’en dépit de cette paralysie de l’industrie française entière, les industries protégées (Sperrbetriebe) fussent maintenues, et cela bien que sachant, en ma qualité de technicien que leur remise en service, étant donné les dommages causés aux moyens de communication, ne serait pas possible avant neuf ou douze mois, même si les attaques aériennes cessaient complètement. Par conséquent, j’agissais à rencontre de mes propres intérêts. Le Ministère Public français le confirme dans le document RF-22 ; les passages correspondants sont indiqués dans le livre de documents.
Entre le 19 et le 22 juin, j’avais eu un entretien avec Hitler et je me fis donner un ordre selon lequel la main-d’œuvre des pays occupés de l’Ouest devait, en dépit des difficultés de transport, rester en toutes circonstances sur place. Seyss-Inquart a déjà dit que nous avions pris une décision identique en ce qui concerne les Pays-Bas. Sur mes ordres, on continua même à payer leur salaire aux ouvriers des industries protégées (Sperrbetriebe).
Je dépose à ce propos le document Speer n° 12 ; c’est un extrait du procès-verbal des conversations avec le Führer du 19 au 22 juin 1944 ; il figure à la page 22 du texte anglais de mon livre de documents et je prie le Tribunal d’en prendre acte.
Monsieur Speer, vous deviez bien vous rendre compte que la décision que vous aviez prise laisserait improductifs au moins 1.000.000 d’ouvriers pour assez longtemps et cela dans tous les territoires occupés de l’Ouest. Comment avez-vous pu justifier cette décision ?
Je dois dire franchement que ceci a été la première de mes décisions qui eût son fondement dans l’aggravation catastrophique de la situation. L’invasion avait réussi, les violentes attaques aériennes avaient des résultats décisifs sur la production. La fin de la guerre était à prévoir à bref délai, et ma situation était devenue tout à fait différente. Je pourrais, à l’aide de nombreux exemples, montrer dans la suite des débats quelles furent les conséquences de cette situation. Hitler n’était, bien entendu, pas de mon avis à cette époque ; il croyait au contraire que tout devait être fait pour mettre en œuvre jusqu’aux dernières forces dont nous disposions.
Voulez-vous exposer brièvement quelle a été votre attitude pendant les pourparlers du 11 juillet 1944, pourparlers auxquels nous avons fait allusion tout à l’heure. Il s’agit du document PS-3819. Mais soyez concis, je vous prie.
Pendant cette réunion du 11 juillet, je m’en suis tenu à mon point de vue ; j’attirai à nouveau l’attention sur les réserves de l’Allemagne, comme cela ressort du procès-verbal ; je déclarai que les difficultés de transport ne devaient pas avoir d’effet sur la production et que les industries protégées (Sperrbetriebe) devaient être maintenues dans les territoires occupés. Le Militärbefehlshaber des territoires occupés qui était présent, et moi-même savions parfaitement que les conséquences que l’on sait resteraient inchangées pour les Sperrbetriebe, c’est-à-dire que le transfert de la main-d’œuvre des territoires occupés vers l’Allemagne serait arrêté.
Le Ministère Public français a déposé sous le numéro 814 (RF-1516) un document au cours de la séance du 30 mai, si je me souviens bien, pendant le contre-interrogatoire de l’accusé Sauckel. D’après cet ordre, la main-d’œuvre devait, à l’Ouest, être requise à l’aide des troupes. Voulez-vous nous parler de cela ? Pour vous aider, je vous indiquerai que dans ce télégramme il est fait allusion à cette séance du 11 juillet.
Le procès-verbal de cette séance montre très clairement, comme je viens de le dire, que j’ai été hostile à toute mesure de contrainte. Je n’ai pas eu sous les yeux l’ordre de Keitel lui-même.
Le numéro 824 est un document déposé à la même occasion par le Ministère Public français. C’est une lettre du général von Kluge datée du 25 juillet 1944. Elle se réfère au télégramme de Keitel dont il a déjà été question. Savez-vous si cet ordre a été exécuté ?
Je sais que cet ordre n’a pas été exécuté. Il est nécessaire, pour comprendre la situation, de se replacer par l’imagination dans l’atmosphère qui régnait aux environs du 20 juillet. A ce moment-là, un ordre venant du Quartier Général n’était pas toujours exécuté. Comme il ressort de l’enquête faite après le 20 juillet, Kluge, en sa qualité de Chef suprême à l’Ouest, avait déjà l’intention de négocier une capitulation avec l’adversaire à l’Ouest et il est probable qu’il avait entrepris les premières tentatives dans ce sens. Cela a d’ailleurs été la raison de son suicide après l’échec du 20 juillet. Il est hors de question...
Vous avez indiqué le numéro 1824. Que veut dire ce chiffre ?
824, Monsieur le Président. 824 est le numéro donné par le Ministère Public français à ce document, et c’est sous ce numéro qu’il l’a déposé. Malheureusement, il ne m’est pas possible d’indiquer son numéro de dépôt. Je l’ai demandé, mais il ne m’a pas été encore communiqué. On me dit à l’instant que c’est RF-1515.
Merci.
II est hors de question que le maréchal Kluge, étant donné la situation militaire et ses opinions, ait pu donner des ordres de rafle et de mesures de violence. L’accord Laval-Sauckel, mentionné dans ce document, n’avait pas de signification réelle, étant donné que les entreprises protégées (Sperrbetriebe) étaient maintenues et que cet accord ne pouvait donc pas avoir d’effet. Cet état de choses était bien connu des autorités françaises ; la meilleure preuve que cet ordre n’a pas été exécuté est le document RF-22 du Ministère Public français duquel il ressort qu’en juillet 1944, 3.000 ouvriers seulement sont venus de France en Allemagne. Si l’autorité militaire avait pris des mesures de contrainte, il aurait été facile d’envoyer de France en Allemagne un nombre beaucoup plus grand d’ouvriers.
Avez-vous usé de votre influence pour arrêter complètement le transfert de la main-d’œuvre des territoires occupés vers l’Allemagne ?
Non, je dois dire franchement que j’ai use de mon influence pour réduire le recrutement des travailleurs ou pour éviter l’emploi de mesures de force et de rafles, mais non pas pour arrêter complètement l’envoi des travailleurs en Allemagne.
Passons à un autre sujet. Le Ministère Public a parlé de l’organisation Todt. Pourriez-vouz expliquer brièvement au Tribunal quelles étaient les tâches de l’organisation Todt.
Ici encore, je vais résumer. L’organisation Todt avait des tâches exclusivement techniques, c’est-à-dire qu’elle avait à exécuter des constructions d’ordre technique ; à l’Est, des chemins de fer et des routes, à l’Ouest, les casemates de béton connues sous le nom de « Mur de l’Atlantique ». A cette fin, l’organisation Todt occupait un nombre très élevé d’ouvriers étrangers. Dans l’Ouest, il y avait environ vingt ouvriers étrangers pour un ouvrier allemand, en Russie, quatre ouvriers russes pour un allemand. Dans l’Ouest, cela n’était réalisable qu’en employant largement les entreprises de bâtiment locales et leurs installations. Elles avaient leur propre personnel technique et recrutaient elles-mêmes leur main-d’œuvre. Il est évident que ces firmes ne disposaient pas de moyens de contrainte en vue de leur recrutement. Par conséquent, une grande quantité d’ouvriers employés dans l’organisation Todt étaient volontaires, mais il est évident qu’un certain pourcentage d’ouvriers y étaient occupés au titre du Travail obligatoire,
L’organisation Todt a été considérée ici comme étant une partie de la Wehrmacht. Pour la forme, je voudrais préciser que, bien entendu, les ouvriers étrangers ne peuvent pas être englobés dans cette définition, mais seulement la main-d’œuvre allemande qui devait être incorporée à la Wehrmacht sous une forme ou sous une autre quand elle travaillait dans les territoires occupés. Le Ministère Public est d’un autre avis à cet égard.
En dehors de l’organisation Todt, il y avait des unités de transport attachées à mon ministère qui travaillaient dans les territoires occupés pour une raison particulière ; je tiens à préciser que ces ouvriers étaient tous volontaires. Le Ministère Public a prétendu que l’organisation Todt était chargée exclusivement de la totalité des constructions militaires dans les territoires occupés. Ce n’est pas exact. Elle n’exécutait que le quart ou le cinquième du programme total de construction.
En mai 1944, l’organisation Todt fut reprise par le Reich et chargée de certains programmes de constructions importantes et eut, d’autre part, à diriger ce que l’on a appelé l’Organisation du plénipotentiaire général à la construction dans le cadre du Plan de quatre ans. Le plénipotentiaire à la construction répartissait les contingents venant du Comité de planification centrale et assurait certaines tâches de direction, mais il n’était pas responsable de l’exécution et de la surveillance des constructions proprement dites. Il y avait à cet effet dans le Reich différentes autorités officielles, et notamment l’administration de l’architecture des SS était responsable de ses programmes de construction.
Le Ministère Public a prétendu que vous aviez employé des internés des camps de concentration dans l’industrie d’armement et a déposé à ce propos le document R-124 (US-179). Monsieur le Président. Il se trouve à la page 47 du texte anglais de mon livre de documents. Il s’agit d’une conversation avec Hitler en septembre 1942.
Dans quelles circonstances cet entretien a-t-il été organisé ?
Quand, en février 1942, je pris en mains l’armement de l’Armée, des augmentations considérables étaient demandées dans tous les domaines et pour y faire face il fallait construire beaucoup de nouvelles usines. A cette fin, Himmler offrit à Hitler ainsi qu’à moi-même ses camps de concentration. Son plan consistait à établir dans les camps de concentration une partie de ces nouvelles constructions avec leurs installations et de faire travailler les détenus sous la direction des SS. Le général Fromm, chef de l’Armement de l’Armée, et moi-même, étions opposés à ce plan. Abstraction faite de raisons d’ordre général, il s’agissait d’abord d’empêcher la fabrication sans contrôle d’armes par les SS ; et ensuite parce que je pouvais m’attendre à ce que la direction technique de ces usines me fût enlevée. Voilà pourquoi, lorsque j’établis, au printemps 1942, le vaste programme d’extension de l’armement, je ne tins pas compte de ces exigences des SS. A la suite de cela. Himmler se rendit chez Hitler et le procès-verbal de cet entretien qui est déposé ici montre ma défense contre les vœux que Hitler avait émis auprès de moi à la suite des suggestions de Himmler.
A ce propos, je voudrais attirer l’attention du Tribunal sur la page 44 du texte allemand, page 47 du texte anglais. Il s’agit du point 36 du compte rendu de cette réunion chez le Führer.
Je cite ce document, Monsieur le Président : « ...qu’il ne sera pas possible, au delà d’une quantité minime de travailleurs, d’organiser la production d’armement dans les camps de concentration... »
Le témoin nous a, je crois, indiqué la substance de ce document ?
Monsieur Speer, d’après ce document, vous proposiez que la main-d’œuvre de ces usines soit entièrement composée de détenus des camps de concentration. Avez-vous fait exécuter cet ordre ?
Non, cette proposition n’a pas été exécutée sous cette forme, car il s’est rapidement révélé que Himmler avait l’intention d’exercer une influence sur ces usines et il aurait sans doute réussi à s’en attribuer le contrôle absolu. C’est pourquoi une partie seulement de la main-d’œuvre employée dans ces usines se composait de détenus des camps de concentration pour contrecarrer les buts de Himmler. Voilà pourquoi il y avait des camps de travail dans le voisinage des usines d’armement. De même, Himmler n’a jamais reçu comme il avait été prévu son contingent de 5 à 8 % des armes fabriquées. Cela fut évité grâce à un accord avec le général Buhle de l’État-Major de l’Armée de terre, auprès de l’OKW. Le témoin en parlera.
Je me réfère à un document qui se trouve à la page 48 du texte anglais de mon livre de documents. C’est le document PS-1584 (USA-221). C’est une lettre de Himmler à Göring, du 9 mars 1944 ; Himmler souligne que si sa responsabilité, c’est-à-dire celle des SS, était augmentée, on pouvait compter sur une accélération de la production et sur de meilleurs résultats. L’annexe, une lettre de Pohl à Himmler, montre que l’on proposa de contrôler et de surveiller l’emploi des détenus des camps de concentration et qu’on proposa même que les SS dirigent ces entreprises sous leur propre responsabilité. D’après son expérience, l’emploi des internés dans d’autres usines ne suffirait pas. Les SS voulaient donc avoir la surveillance et le contrôle de l’emploi de la main-d’œuvre dans ces entreprises.
Mais ce document prouve également autre chose, il confirme les déclarations de l’accusé Speer selon lesquelles les internés des camps de concentration recevaient des primes quand ils s’étaient signalés par leur travail. En outre, ce document montre, à la dernière page, que la moyenne horaire de travail des internés était de deux cent quarante heures par mois, c’est-à-dire soixante heures par semaine.
Je me réfère en outre à un document qui a déjà été mentionné hier, le document 44 que j’ai déposé sous le numéro 6, deuxième livre de documents. C’est le premier livre, Monsieur le Président, du tome supplémentaire.
Il ressort clairement de ce document que l’extension des industries appartenant aux SS était déterminée par l’ambition de Himmler et de Pohl.
D’autre part, il ressort de ce document — je cite :
« Les heures de travail faites par les internés des camps de concentration en un mois n’atteignent pas encore le chiffre de 8.000.000, de sorte qu’il n’y a certainement pas plus de 32.000 hommes et femmes de camps de concentration employés dans nos entreprises d’armement. Ce chiffre baisse constamment. »
Cette phrase, Monsieur le Président, se trouve au bas de la page 90 dans le texte anglais. Il se dégage en outre de ce document que l’auteur du texte indique un nombre d’heures presque semblable à celui mentionné par Pohi dans son document, c’est-à-dire deux cent cinquante heures par mois, ce qui représente environ soixante-trois heures par semaine.
Monsieur Speer, c’est par ce document que vous avez appris que des travailleurs, étrangers en particulier, ne retournaient pas à leur ancien lieu de travail quand ils avaient été en contact avec la Police à la suite de fautes, mais étaient envoyés dans des camps de concentration. Qu’avez-vous fait contre ces mesures ?
Ici encore, je résumerai plusieurs questions : j’ai reçu cette lettre aux environs du 15 mai à Berlin, alors que je relevais de maladie. Son contenu m’a beaucoup ému, car en fin de compte il ne s’agissait pas d’autre chose que de rapt. Je fis faire une estimation de la quantité mensuelle de main-d’œuvre ainsi enlevée à l’économie. On me donna le chiffre approximatif de 30.000 à 40.000 par mois. C’est à la suite de cela que je fis une déclaration au cours d’une séance du Comité de planification centrale (Zentrale Planung) le 22 mai 1944, déclaration dans laquelle je demandais que ces ouvriers retournent, fût-ce à titre de détenus, à leur ancienne usine. Cette observation semble dépourvue de logique car, bien entendu, le nombre des délits dans chaque usine était assez faible, de sorte qu’une telle mesure n’était pas exécutable, mais je voulais exprimer mon désir de voir ces ouvriers retourner à leur usine.
Cette déclaration que j’ai faite au Comité de planification centrale a été produite par le Ministère Public.
Immédiatement après cette séance au Comité de planification centrale, je me rendis chez Hitler avec lequel j’eus, le 5 juin 1944, une conversation : le procès-verbal de cet entretien a été déposé. Je lui dis que je ne pouvais admettre une telle chose. J’évoquai de simples raisons de bon sens, car d’autres motifs n’auraient pas eu d’effet. Hitler me répondit (le procès-verbal en fait mention) que cette main-d’œuvre devait être ramenée sans délai à son travail et qu’après une conversation entre Himmler et moi, il communiquerait également sa décision à Himmler.
Je dépose sous le numéro 13 un extrait de la conférence avec le Führer du 3 au 5 juin 1944. Ce document se trouve au livre de documents, page
Immédiatement après cet entretien, je me rendis chez Himmler et lui communiquai la décision prise par Hitler. Himmler me déclara que jamais un tel nombre d’ouvriers n’avait été interné par la Police, mais il m’affirma qu’il allait aussitôt prendre un arrêté en vertu duquel, conformément à la demande de Hitler, les SS n’auraient plus le droit de détenir les ouvriers. Je fis part à Hitler de ce résultat et le priai d’en parler une nouvelle fois à Himmler. Je n’avais, à ce moment-là, aucune raison de me méfier de la parole de Himmler, puisque aussi bien il n’est pas d’usage entre ministres de se méfier ainsi les uns des autres et je dois dire que je ne reçus plus de mes collaborateurs aucune plainte à ce sujet. Je tiens à signaler que je n’avais aucune compétence pour le règlement de toute cette affaire, mais j’avais trouvé cette information tellement inouïe que je décidai d’intervenir sur-le-champ. Si j’avais su que Himmler avait, dix-huit mois auparavant, entrepris une action semblable et que dans cette lettre, qui a été produite ici...
Monsieur le Président, il s’agit du document PS-1063 (USA-219), page 51 du texte anglais de mon livre de documents. C’est le document dont parle le témoin. (Au témoin.) Dans quelle mesure vous êtes-vous efforcé d’obtenir pour l’industrie d’armement de la main-d’œuvre provenant des camps de concentration ?
Puis-je ajouter encore quelques mots au sujet de ce document ? Si j’avais eu connaissance de cette lettre, je n’aurais jamais eu suffisamment confiance en Himmler pour penser qu’il ferait exécuter un ordre donné à la Suite d’instructions de Hitler, car cette lettre prouve très clairement que cette opération devait être tenue secrète à l’égard des autres services : ces « autres services » ne pouvaient être que les services du plénipotentiaire général à la main-d’œuvre ou les miens.
Pour conclure, je dois dire que mon devoir de ministre de l’Armement était d’utiliser, pour l’armement ou pour toute autre industrie, le plus grand nombre possible de ces ouvriers dont je pouvais disposer. C’est pourquoi je considérais comme juste que des ouvriers pris dans les camps de concentration fussent également affectés à des usines d’armement ou à la production de guerre.
L’allégation du Ministère Public suivant laquelle j’aurais intentionnellement élevé ou fait élever le nombre des camps de concentration est inexacte en tous points. Mes intérêts étaient absolument opposés, même en ne me plaçant qu’au point de vue de la production.
A ce propos, je renvoie aux réponses faites aux questionnaires par les témoins Schmelter sous les numéros 9 et 35 et Schieber sous le numéro 20.
Monsieur Speer, le Ministère Public a déposé sous le numéro R-124 (US-179) un document qui fait état de plusieurs remarques que vous auriez faites au cours des réunions du Comité de planification centrale (Zentrale Planung).
Monsieur le Président, puis-je attirer votre attention sur la page 53 du texte anglais de mon livre de documents ?
Que signifiait, Monsieur Speer, au cours de la séance du 30 octobre 1942, votre remarque sur les « flâneurs » ?
J’ai fait cette remarque telle qu’elle est consignée dans ce sténogramme. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de relire ce procès-verbal et j’ai constaté que rien n’avait été fait à la suite de ma remarque et que, d’ailleurs, on ne me demanda pas de prendre une mesure quelconque.
A la même page du livre de documents figure une remarque faite au cours d’une séance du 22 avril 1943. Il s’agit des prisonniers de guerre russes ; qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Cela s’explique très facilement en disant que ce n’est là qu’une preuve du fait que l’idée d’« armement » doit être comprise de la manière que j’ai expliquée. En effet, les deux secteurs d’où provenaient les 90.000 Russes employés dans l’armement d’après ce document, sont la production du fer, de l’acier et l’industrie métallurgique, avec 29.000 hommes, et la construction de chaudières, de voitures et d’appareils, avec 63.000.
D’autre part, le Ministère Public cite une de vos déclarations du 25 mai 1944. Elle figure également à la page 53 du texte anglais de mon livre de documents. A l’occasion d’une conférence avec Keitel et Zeitzler, vous avez dit que, suivant un ordre de Hitler, les formations d’auxiliaires volontaires russes devaient être dissoutes et que vous deviez effectuer le transfert de ces Russes en provenance de la zone arrière des Armées.
Ici également j’ai pris connaissance du procès-verbal. Je m’expliquerai brièvement. Les « Hiwi » dont parle le document sont les « auxiliaires volontaires » qui s’étaient joints à nos troupes combattant en Russie. Mois après mois, ils étaient devenus extrêmement nombreux car ils suivaient nos troupes en retraite, craignant d’être considérés comme traîtres dans leur pays. Mais ces volontaires ne furent pas affectés à l’industrie comme je le désirais car la conférence qui avait été prévue à cet effet n’eut pas lieu.
Voudriez-vous vous expliquer brièvement sur un document qui a été déposé par le Ministère Public sous le numéro PS-556. C’est une note de Sauckel à propos d’une conversation téléphonique du 4 janvier 1943, se rapportant à la question de la main-d’œuvre.
Oui, suivant cette conversation téléphonique, des mesures plus sévères devaient, en France, renforcer le recrutement de la main-d’œuvre. Du procès-verbal d’une conférence chez le Führer, que j’ai trouvé il y a quelques jours, à savoir de la conférence qui eut lieu du 3 au 5 janvier 1943, il ressort qu’il s’agissait là d’une déclaration de Hitler en vue d’une meilleure utilisation de la main-d’œuvre française en France même, dans l’industrie et l’économie locale.
Monsieur le Président, je déposerai ce document un peu plus tard, car je n’ai pas encore eu la possibilité de...
Pouvez-vous dire au Tribunal pour combien de temps vous en avez encore ?
J’espère en avoir terminé ce soir avant 5 heures.
N’oubliez pas ce que je vous ai dit tout à l’heure quant à la pertinence des arguments et des preuves que vous avez apportées jusqu’ici.
Oui, Monsieur le Président.
L’audience est suspendue.