CENT SOIXANTE-SEPTIÈME JOURNÉE.
Samedi 29 juin 1946.
Audience du matin.
(Le témoin von Schîrmeister est à la barre.)Je vais examiner les requêtes complémentaires relatives aux documents. La première requête de cette liste concernait l’accusé von Neurath : il en a déjà été décidé. La deuxième requête concernait l’accusé Streicher : elle a été retirée. La troisième requête faite au nom de l’accusé Dönitz portait sur un affidavit de l’ancien magistrat des tribunaux maritimes Jäckel : cette requête est admise. Les deux autres requêtes 4 et 5 au nom de l’accusé von Neurath ont été retirées. Les trois requêtes 6, 7 et 8 de l’accusé Rosenberg sont rejetées. Nous avons déjà statué sur toutes les requêtes suivantes présentées par l’accusé von Papen. Nous faisons droit aux deux requêtes suivantes de l’accusé Bormann. Les trois requêtes 12, 13 et 14 de l’accusé Göring dépendent de la possibilité d’obtenir un accord sur la question de savoir si des déclarations sous serment doivent être déposées ou si des témoins doivent être cités. C’est pourquoi cette requête est provisoirement repoussée. C’est ce que j’avais à dire.
Monsieur le Président, avant que le Tribunal ne commence ses débats, je désirerais lui communiquer le résultat des démarches que j’ai entreprises quant aux témoins qui restent encore. Elles pourront peut-être être complétées par la Défense. Autant que je puisse m’en rendre compte, il s’agit des témoins de l’accusé Göring dont vous venez de parler, Monsieur le Président, à propos de la question de Katyn. Les témoins suivants susceptibles d’être cités sont trois personnes que le Tribunal a autorisées, le cas échéant, à être entendues dans le contre-interrogatoire à propos de l’accusé Kaltenbrunner. Je viens d’en parler avec le Dr Kauffmann, il m’a dit que les témoins Tiefenbacher, Steinbauer, et Strupp, ne lui sont pas indispensables. Si je suis bien renseigné, il s’agit ensuite de l’amiral Boehm pour l’accusé Raeder.
Avant que vous en veniez à ce point, Sir David, sur la liste qui figure devant moi il est mentionné le nom du témoin Strupp pour l’accusé Kaltenbrunner.
Oui, Monsieur le Président, il y a ici Tiefenbacher, Steinbauer et Strupp ; le Dr Kauffmann m’a déclaré qu’il ne comptait pas les utiliser.
Très bien. C’est alors que vous avez parlé de l’accusé Raeder.
Oui, Monsieur le Président, il faut encore traiter la question de l’amiral Boehm. Le Dr Siemers voulait faire tenir au Ministère Public une déclaration sous serment, mais je ne l’ai pas encore vue. Je ne pense pas que le Ministère Public utilise ce témoin à moins que cette déclaration sous serment ne mentionne des faits tout autres que ceux que j’attends. Monsieur le Président, les seuls autres témoins dont je sois informé sont les trois que le Dr Fritz a demandés hier. Le Tribunal aura à se prononcer sur ce point.
Oui.
Autant que je puisse m’en rendre compte, ce sont là tous les témoins en question à moins que je n’aie oublié quelqu’un.
Une requête n’a-t-elle pas été adressée le 26 juin à propos de témoins pour l’accusé Bormann ?
Je l’ai demandé ce matin au Dr Bergold ; il m’a répondu qu’il n’avait qu’un témoin à citer, mais il est malheureusement absent aujourd’hui.
On vient de me signaler qu’il vient précisément d’arriver.
Monsieur le Président, votre renseignement est plus récent que le mien.
II vient d’arriver à l’instant. En ce qui concerne les autres témoins, il n’y en a plus qu’un que le Dr Bergold voudrait citer maintenant.
C’est ce que m’a dit le Dr Bergold ce matin.
Monsieur le Président, un seul de mes témoins est arrivé. J’ai adressé d’autres requêtes sur lesquelles aucune décision n’a encore été prise et je ne suis pas en mesure de savoir si ces témoins pourront comparaître ici et où ils pourraient être découverts. Le cas de Bormann est marqué par les deux faits que ni l’accusé ni les témoins ne peuvent être retrouvés. Au cours des débats d’aujourd’hui, j’adresserai encore une requête particulière que je ne veux pas formuler pour l’instant.
Un instant. Pouvez-vous nous dire à quel témoin vous faites allusion ? Dans votre lettre du 29 juin vous avez retiré la requête que vous aviez adressée pour Mademoiselle Christians.
Oui, Monsieur le Président.
Le Dr Klöpfer est le témoin qui vient d’arriver à Nuremberg ?
Oui. Les témoins Kupfer et Rattenhuber ne sont pas encore là, de même que le témoin Christians.
Helmuth Friedrich n’a pas encore été retrouvé ?
Non, il n’a pas encore été retrouvé.
Voulez-vous citer Mademoiselle Christians ?
Elle n’a pas encore été retrouvée non plus ; elle se trouvait au camp d’Oberursel où elle a bénéficié d’une permission. Elle est partie depuis et on ne l’a pas retrouvée ; elle s’est vraisemblablement enfuie.
Avez-vous votre requête du 26 juin ? Vous avez bien fait une requête le 26 juin ?
J’ai adressé des requêtes.
Bien, pour qui avez-vous adressé cette requête ?
Un instant. Je vais me les faire remettre par ma secrétaire.
Mademoiselle Christians et le Dr Helmuth Friedrich.
Très bien, le Dr Klöpfer et Friedrich.
Oui, et Mademoiselle Christians.
Le 26 juin, j’ai demandé Falkenhorst, Rattenhuber et Kempka. Je renoncerai vraisemblablement à Falkenhorst si je puis avoir à sa place le témoin Klöpfer.
Très bien, si je comprends bien, le témoin Klöpfer est le seul qui soit ici.
C’est le seul qui soit venu. C’est bien cela, Monsieur le Président.
Le Tribunal désirerait savoir combien vous désirez en citer ; en ce qui concerne les autres, vous feriez beaucoup mieux d’y renoncer si vous ne pouvez pas les retrouver.
Oui, Monsieur le Président, je voulais demander un délai. Le témoin Klöpfer vient d’arriver, mais je ne puis encore m’entretenir avec lui. Et je considère qu’il n’est pas recommandé de l’entendre ici pour la première fois ; il n’est pas prêt à cet interrogatoire et ne connaît pas les documents qui ont été déposés par le Ministère Public. J’ignore moi-même s’il a quelque notion des points sur lesquels je compte l’interroger. C’est pourquoi je vous demande de repousser à lundi matin 10 heures les débats relatifs à Bormann, afin de me permettre d’entendre au préalable mon unique témoin et de m’entretenir avec lui. Car j’ignore également si je puis permettre l’audition de ce témoin qui peut faire des déclarations sans la moindre pertinence. La faute ne m’incombe en rien de ne l’avoir entendu plus tôt : je l’ai réclamé depuis de longs mois et si je n’avais pas rencontré à la dernière minute l’aide aimable du Ministère Public américain, je ne l’aurais pas encore découvert aujourd’hui. Je crois également, et j’en ai déjà parlé avec Sir David, que le renvoi de mes explications à lundi matin 10 heures me conviendrait parfaitement pour préparer mon interrogatoire. Mon client n’étant pas là, mes témoins étaient absents, je ne pouvais donc rien entreprendre.
Vous avez eu de longs mois, Docteur Bergold pour préparer votre dossier. Le Tribunal a dû renvoyer votre affaire à longue échéance à cause de vous et maintenant votre témoin est là. Vous pouvez immédiatement entrer en liaison avec lui et le Tribunal est d’avis que vous continuiez. Vous deviez savoir que votre cause, comme toutes les autres, viendrait à son tour au moment opportun. On vous a également accordé la faveur de donner en dernier vos explications et toutes les requêtes que vous avez adressées à propos de témoins et de documents ont été examinées au moment opportun. Maintenant que le témoin est là, et nous n’avons que peu de temps à consacrer aux témoins de l’accusé Fritzsche. C’est en considération de ces circonstances que le Tribunal estime que vous devez continuer.
C’est exact, Monsieur le Président. J’ai bénéficié de longs mois, mais si je n’ai pu obtenir aucun témoin et aucun renseignement ; je demande au Tribunal de bien vouloir se mettre à ma place. A quoi ont pu me servir des mois d’attente creuse pendant lesquels je ne pouvais rien faire ? Les témoins n’étaient pas ici et personne ne pouvait me dire où le témoin Klöpfer se trouvait. Nous venons seulement à la dernière minute de le découvrir ; je ne puis en un quart d’heure aborder toute l’affaire avec lui. C’est pourquoi je demande un très court renvoi jusqu’à lundi. Le Tribunal ne perdrait, de ce fait, que quelques heures. Je ne puis rien contre le fait d’avoir été commis pour défendre un accusé aussi insolite et qui n’est pas présent.
Docteur Bergold, la seule chose que vous désirez démontrer aux termes de votre requête avec les déclarations de ce témoin est le fait admis que Bormann est mort. C’est sur ce point que votre témoin doit déposer et c’est ce que vous dites dans votre requête.
Non, Monsieur le Président, c’est une erreur. Le témoin Klöpfer ne peut rien dire sur ce point. Il ne peut se prononcer que sur l’accusation générale et en particulier sur le fait de savoir si Bormann est coupable. Seuls les témoins Christians,Lueger, Rattenhuber sont en mesure de déclarer si l’accusé Bormann est mort. Le témoin Klöpfer peut témoigner seulement sur les points de l’Accusation.
Où est votre requête pour Klöpfer, où sont vos requêtes ?
C’est ma requête du 26 mai.
Puis-je l’avoir ? L’avez-vous ? Docteur Bergold, vous n’avez donc rien, vous n’avez pas de documents ou aucun moyen de preuve qui vous permette de continuer aujourd’hui vos explications sans entendre le témoin Klöpfer ?
Monsieur le Président, ce que je possède est si léger et si maigre que je ne sais pas moi-même si je résisterai à l’épreuve jusqu’au moment de l’audition du témoin. Jusqu’à présent je m’en suis tenu au domaine de la pure hypothèse ; je n’ai jamais pu obtenir de renseignements effectifs. Tout cela n’est que considérations juridiques susceptibles de s’effondrer aux premiers mots du témoin.
Messieurs, j’élève une objection contre le renvoi de ces explications. Comme le Tribunal l’a déclaré, la Défense a eu des mois à sa disposition et nos services lui ont apporté toute l’aide possible aussi bien en ce qui concerne ses documents que la recherche de ses témoins. Si elle veut cesser de parler et se retirer pour s’entretenir avec son témoin qui vient d’arriver, elle est, à mon avis, suffisamment prête pour poursuivre ses explications.
Docteur Bergold, le Tribunal va maintenant s’occuper du cas de l’accusé Fritzsche : entre temps, il vous sera loisible de vous entretenir avec le témoin Klöpfer. Après cet entretien, si vous avez encore une autre requête à adresser, vous pouvez le faire. Mais le Tribunal espère qu’après avoir déterminé le témoignage que ce témoin peut vous apporter, vous serez en état de poursuivre vos explications. Jusqu’alors, je n’avais votre requête relative au témoin Klöpfer qu’en langue allemande : mais je viens de la recevoir en anglais ; en résumé, il en ressort que le témoin était directeur du service III de la Chancellerie du Parti et qu’il peut témoigner sur les questions de préparation et de rédaction des lois ainsi que sur le fait que l’activité de l’accusé Bormann, dans la promulgation de ces textes, a été celle du subordonné ; c’est le seul motif de la citation de ce témoin que vous ayez donné dans votre requête.
C’est une hypothèse de ma part. Mais la possibilité subsiste que le témoin en sache naturellement beaucoup plus car il a été un des collaborateurs principaux. J’ai rédigé ma requête avec prudence car ma qualité d’avocat ne me permet pas de faire état de fantaisie devant le Tribunal.
Je viens d’expliquer ce que vous pouvez faire à propos du témoin Klöpfer. Voulez-vous citer également le témoin Falkenhorst ?
Je ne pourrai me prononcer sur ce point qu’après avoir entendu le témoin Klöpfer. Je renoncerai vraisemblablement à ce témoin Falkenhorst.
Docteur Bergold, vous avez bien entendu ce que je disais : vous pouvez maintenant vous entretenir avec le témoin Klöpfer.
Monsieur le Président, je voudrais faire connaître au Tribunal ce qu’il en est des témoins. A votre question, j’ai répondu, Monsieur le Président, qu’il nous faudrait encore deux jours pour en avoir terminé avec les témoins. Messieurs, compte non tenu des témoins cités dans le cas de Katyn, il est vraisemblable que ce temps sera plus court, comme on me le signale à l’instant.
Très bien. Et quand serons-nous informés de la citation des témoins de Katyn et du fait de savoir si un accord sur des affidavits ou des citations à l’audience pourra intervenir ?
Monsieur le Président, je vais me renseigner et essayer de vous en informer à la fin de l’audience.
Je suppose donc que nous ne nous en occuperons pas ce matin.
Je ne pense pas, d’autant plus qu’en dehors de cela il reste encore certains questionnaires sur lesquels la Défense a peut-être l’intention d’intervenir. Mais c’est la seule chose qui nous soit connue. Le Ministère Public estime qu’il y a peut-être quelques documents à déposer : ils serviraient plus ou moins à éclaircir des questions qui ont surgi au cours des débats et ne constituent pas des moyens de preuve formels. Il y en a un très petit nombre et ils exigeraient peu de temps.
Y en a-t-il parmi des documents pour l’accusé von Neurath dont le sort doive être réglé ?
Je me rappelle un ou deux questionnaires, mais, dans l’ensemble, j’ignore tout.
Nous ferions peut-être mieux de nous occuper de ces ; questions lundi matin.
Comme vous le voudrez, Monsieur le Président
J’espère que la Défense conçoit clairement que le Tribunal attend d’elle qu’elle commence ses plaidoiries pour les accusés dès la fin de l’exposé des preuves.
J’en ai déjà parlé ce matin pour vous donner, Monsieur le Président, un aperçu du temps nécessaire ;
Oui.
Comme on me le signale, il a été décidé que le Pr Jahrreiss prononcera le premier sa plaidoirie.
Oui.
Je crois savoir que le Pr Jahrreiss est prêt. Je crois qu’il pourra peut-être prendre la parole dès lundi.
Très bien. Docteur Fritz, voulez-vous continuer maintenant l’interrogatoire de votre témoin ?
Monsieur le Président, Messieurs, je vous demande l’autorisation de continuer l’interrogatoire du témoin von Schirmeister. Témoin, hier, à la fin de l’interrogatoire, nous nous sommes arrêtés à l’attitude antisémite de l’accusé Fritzsche dans ses allocutions à la radio. Je vous pose une question connexe : où les Juifs ont-ils été évacués d’après les explications du Dr Goebbels ?
Jusqu’à la fin de la première année de la campagne de Russie, le Dr Goebbels a toujours fait allusion dans les conférences qu’il tenait, au plan de Madagascar ; il changea ultérieurement et déclara qu’un nouvel État juif devait être créé à l’Est dans lequel se rassembleraient les Juifs.
Savez-vous si, à l’occasion des nouvelles de l’étranger qui informaient que les Allemands avaient commis des atrocités et dans la mesure où elles ne concernaient pas seulement des Juifs mais aussi d’autres peuples, Fritzsche n’a pas fait procéder à des recherches par le RSHA ou par tout autre service susceptible d’intervenir ?
Oui, non seulement à l’occasion de ces nouvelles rapportant des adresses, mais à l’occasion des informations de propagande de l’étranger qui pouvaient nous être désagréables, des recherches étaient entreprises en partie par le RSHA et le service de Müller à Berlin, en partie par les services plus directement intéressés.
A quels services autres que le RSHA a-t-il pu s’adresser ?
Par exemple au ministère du Ravitaillement, au ministère de l’Armement, à l’OKW, suivant les cas.
Savez-vous si, à la suite de ces investigations, un démenti clair et digne de foi a toujours été donné ou comment les choses se sont-elles passées ?
Aucun démenti n’était donné mais plus souvent on recevait des informations très précises ; par exemple, on prétendait qu’une grève avaift éclaté en Bohême »-Moravie et l’on répondait où la grève avait éclaté, dans telle ou telle usine. Mais ce n’est qu’exceptionnellement qu’un démenti formel a été donné sur les atrocités commises dans les camps de concentration ou autres. C’est pourquoi la foi accordée à ces démentis croissait de ce fait. Je dois ajouter que c’était pour nous la seule possibilité de nous renseigner. Ces renseignements n’étaient pas destinés à l’opinion publique mais étaient prévus pour le ministre. Et nous disions toujours : « Non, il n’est pas un mot de vrai dans toutes ces choses ». Je ne sais pas encore aujourd’hui quels autres chemins nous aurions pu emprunter.
Une question annexe : pouvez-vous nous dire quelque chose sur l’attitude de Fritzsche sur la question des Églises ?
M. Fritzsche s’est couvert en cette matière, pendant la guerre, par l’opinion représentée par son ministre. Au début de la guerre, le ministre avait réclamé une paix sociale absolue car tout ce qui pouvait amener une division du peuple allemand eût été un élément de trouble. Je ne sais si je dois expliquer cela plus en détail.
Non. J’en arrive à un autre point important. Connaissez-vous, témoin, les raisons que Goebbels a données à ses collaborateurs, à propos de chaque action militaire de l’Allemagne.
II n’a surtout pas donné ses raisons personnelles, mais a toujours fait dépendre ses commentaires des explications officielles du Führer.
Pour aborder quelques exemples, pouvez-vous, de ce fait, nous dire si l’accusé Fritzsche a su au préalable qu’une attaque militaire était prévue contre ; 1° La Pologne ; 2° La Belgique et la Hollande ; 3° La Yougoslavie ?
Dans le cas de la Pologne, nous savions naturellement que la question du Couloir de Dantzig était décisive. Le Dr Goebbels lui-même nous a toujours cependant donné l’assurance, et lui-même le croyait, qu’on ne viendrait pas, de ce fait, à une guerre, car il était absolument persuadé de l’attitude des Puissances de l’Ouest qui ne faisaient que bluffer et du fait qu’une aide militaire de l’Ouest ne pousserait pas la Pologne à une guerre.
Et la Belgique et la Hollande ?
La veille de l’attaque contre la Belgique et la Hollande eut lieu la visite officielle du ministre italien Pavolini. Le soir même avait lieu une représentation théâtrale suivie d’une réception à la maison des aviateurs. Tard dans la soirée, le ministre s’est retiré avec moi au ministère pour y passer la nuit. Au cours de la nuit j’ai dû appeler au téléphone diverses personnalités. Le lendemain, le ministre remit à M. Fritzsche, en ma présence, les deux proclamations à transmettre par la voix de la radio : d’abord la raison ministérielle et ensuite les raisons du service secret. M. Fritzsche n’avait pas eu le temps de les parcourir. J’avais, quant à moi, lu les raisons du service secret mais n’en n’avais pas eu connaissance avant ce moment-là.
Que se passa-t-il avec la Yougoslavie ?
La même chose. Le ministre avait envoyé en permission le soir même son chef de cabinet. Pendant la nuit, j’ai dû appeler au téléphone différentes personnalités et, au petit matin, la radio nous annonçait la nouvelle qui, jusqu’alors, nous était restée complètement ignorée.
Et que se passa-t-il dans le cas de l’attaque contre l’Union Soviétique ?
Ce fut encore plus extravagant, car le ministre avait menti à ses propres chefs de service afin de camoufler l’affaire. Au début de mai environ, il convoqua dix des vingt personnes présentes ordinairement à ses conférences et leur dit : « Messieurs, je sais que maints d’entre vous pensent que nous allons attaquer la Russie ; je dois vous dire aujourd’hui que nous attaquons l’Angleterre. Nous sommes à un pas de l’invasion. Conformez vos travaux en conséquence. Vous, Docteur Glasmeier, faites une nouvelle fanfare contre l’Angleterre... »
C’était un pur mensonge à ses propres chefs de service afin de camoufler l’affaire.
Vous voulez donc prétendre que personne n’a rien su au ministère de la Propagande sur la campagne de Russie avant son déroulement ?
Non. Les personnes ci-après au ministère de la Propagande, étaient au courant de la campagne de Russie. Si, je puis faire une supposition, une lettre que Lammers adressait au ministre constituait la clef. Il s’agit d’une lettre dans laquelle Lammers informait personnellement en grand secret le ministre que le Fùhrer avait l’intention de nommer M. Rosenberg au poste de ministre de l’Est. Le ministère devait envoyer un officier de liaison personnel à M. Rosenberg. C’est là qu’était la clef. En ont eu connaissance : le ministre ; M. Hadamowsky, qui était son conseiller personnel et son représentant à l’époque ; le Dr Tauber, qui avait été désigné comme agent de liaison ; moi, qui, par hasard, avait lu cette lettre, et le Dr Boehme, chef de la section de presse étrangère. Le Dr Boehme, ce qui est très important, m’a dit lui-même la veille de son arrestation, en présence du prince Schaumburg-Lippe qu’il avait appris personnellement cette nouvelle de l’entourage de M. Rosenberg et, comme il faut le remarquer, non pas de notre ministère ou de notre ministre. En qualité de chef de section parallèle, les deux chefs de service ont dû être naturellement entretenus du fait. Si Boehme ne le savait pas par le ministre, M. Fritzsche ne pouvait pas non plus, lui, l’avoir appris. Le lendemain, Boehme fut arrêté en raison d’une remarque imprudente qu’il avait faite en ce sens. Il a ensuite disparu.
Je rassemble cette partie de mes questions dans une question générale : avez-vous jamais observé que Goebbels, avant les grands actes politiques ou militaires du Gouvernement ou de la NSDAP, eût échangé des impressions quant à un plan préétabli avec l’accusé Fritzsche ?
C’est complètement exclu, car c’eût été contrevenir complètement aux principes du ministre. Non seulement il n’a échangé aucune idée sur cette question, mais il n’en a informé personne.
Passons à un autre sujet. Le Ministère Public reproche à l’accusé Fritzsche d’avoir influencé le peuple allemand dans le sens de l’idée de la « race des seigneurs » et également dans le sens de la haine. Fritzsche a-t-il jamais reçu mission de mener une propagande dans le sens de l’idée de la « race des seigneurs » ?
Non, en aucun cas. Vous devez savoir, à ce propos, que le Dr Goebbels ne pouvait rien entreprendre avec la dogmatique du Parti et avec le mythe. Ce ne sont pas des choses avec lesquelles on attire les masses. Pour lui, le Parti était le grand réservoir dans lequel le peuple allemand devait le plus possible trouver de nombreuses directions. Et il s’est moqué de l’idée de la race des seigneurs peut-être en raison de sa petite corpulence personnelle. Il l’a complètement repoussée.
Ce n’était pas pour le Dr Goebbels ? Dois-je aussi répondre à propos de la haine ? Vous m’avez bien interrogé à propos de la haine ?
Oui.
Une propagande de la haine contre les autres peuples était absolument contraire à la ligne de propagande du Dr Goebbels car il espérait — et s’est accroché à cette espérance en dernière analyse comme à une « fata morgana » — et il espérait qu’un jour les expressions, « contre l’Angleterre » et « contre l’Amérique » pourraient se transformer en « avec l’Angleterre », « avec l’Amérique ». Lorsqu’on a cette intention, on n’a pas besoin d’employer la haine contre un peuple. Il faudrait aller avec les peuples et non contre les peuples.
Qui cette propagande de la presse et de la radio devait-elle combattre ?
En premier lieu, des systèmes. Le Dr Goebbels a fait lui-même du concept de la ploutocratie ce qu’on entend aujourd’hui par là dans le monde entier ; ultérieurement, le concept de bolchevisme est venu d’un autre côté. Par moments, cette propagande s’adressait aux hommes dirigeants, mais elle n’était pas d’accord là-dessus avec la presse allemande et il en montrait quelque irritation. Il dit un jour au cours d’une conférence :
« Messieurs, si je pouvais mettre dix Juifs à votre place, ils mèneraient les choses à bien. »
Mais plus tard aussi il revint de cette attitude agressive contre des personnalités telles que Churchill. Il craignait que ces hommes ne devinssent trop populaires du fait de cette propagande. Au surplus, il n’a pas personnellement haï Churchill. Mais il l’a plutôt admiré en général, de même que, par exemple, pendant toute la durée de la guerre, il avait un portrait du duc de Windsor sur sa table. Sa haine s’adressait donc tantôt à des hommes isolés tantôt à des systèmes.
Témoin, avant de répondre à la dernière phrase, examinez exactement vos souvenirs et pensez à ce propos que vous parlez sous la foi du serment. La propagande pour laquelle Fritzsche recevait et exécutait des ordres avait-elle pour but de réveiller des passions réfrénées susceptibles de constituer un encouragement au meurtre et aux actes de violence ou quel était son but ?
Non, le ministre n’avait pas besoin de passions dans sa propagande. Les passions flambent et disparaissent. Ce dont le ministre avait besoin, c’était une ligne de conduite permanente, une attitude permanente, un moyen de se maintenir pendant les périodes difficiles ; l’excitation à la haine ou au meurtre a été repoussée par le peuple allemand et le Dr Goebbels ne pouvait en avoir besoin.
La propagande allemande à l’étranger et particulièrement en Russie dépendait-elle principalement du ministre de la Propagande ?
Je dois ici discuter ; je ne sais pas si je dois aborder la contradiction bien connue qui existait entre le Dr Goebbels et Ribbentrop. Le ministère des Affaires étrangères avait exigé dès le début de la guerre que toute la propagande étrangère qui comprenait en particulier la propagande à l’étranger, la propagande par radio à l’étranger et la propagande exercée en Allemagne sur les étrangers qui y vivaient fut concentrée entre ses propres mains. Et il en résulta de pénibles controverses. Une décision du Fùhrer fut sollicitée ; en fin de compte, les deux parties exploitèrent cette décision à leur avantage.
Témoin, soyez plus bref.
Très bien. Je puis abandonner ce point. La controverse entre les deux est connue, mais je veux dire quelque chose encore à propos de la Russie : en Russie, la presse et la propagande dépendaient, jusqu’aux environs de mars 1944, de M. Rosenberg. Là aussi le Dr Goebbels …
Un instant. Qu’est-ce que la propagande russe a à voir avec l’accusé ?
Non, il s’agit de la propagande allemande dans les territoires russes. C’est pourquoi je lui ai posé la question : il n’avait qu’une phrase à répondre. Et il l’a dite.
Jusqu’en 1944, Rosenberg... au grand déplaisir du Dr Goebbels qui pensait que l’on aurait pu gagner la campagne de Russie sur le terrain de la propagande.
J’ai encore une question à vous poser : le Ministère Public a déposé hier de nombreux procès-verbaux d’interrogatoires au cours de l’interrogatoire de Fritzsche. Parmi ceux-ci, par exemple, celui du général Schörner qui déclare que Fritzsche était le remplaçant permanent de Goebbels au ministère de la Propagande. Est-ce exact ?
C’est une pure absurdité. Je ne puis m’expliquer comment une telle déclaration a pu être faite. Elle ne contient pas un mot de vrai.
Je vous remercie, Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres questions à poser.
Un autre avocat désire-t-il poser des questions au témoin ? Le Ministère Public ?
Monsieur le Président, le Ministère Public n’a pas l’intention d’interroger ce témoin. Ce qui ne veut pas dire que nous n’ayons pas d’objection à formuler contre ses déclarations.
Le témoin peut se retirer.
Monsieur le Président, je dois encore attirer votre attention sur les documents qui se trouvent dans mes deux livres de documents et vous prierai d’en prendre acte dans la mesure où je ne les aurais pas cités. Dans mon livre de documents n° 2 figure encore une déclaration sous serment du Dr Scharping que j’ai déposée devant le Tribunal sous le numéro Fritzsche-3. Elle figure aux pages 16 à 19. Cet affidavit concerne l’attitude de l’accusé Fritzsche vis-à-vis des mesures qui avaient été prévues par Hitler après la grande attaque aérienne sur la ville de Dresde. Je vous demande de bien vouloir prendre acte de l’ensemble du contenu de cette déclaration sous serment, livre de documents n° 2, page 16 et suivantes.
Docteur Fritz, le Tribunal constate que le document n° 3 que vous venez de déposer contient une explication de la personne qui a fourni l’affidavit dans laquelle il rapporte qu’après les attaques aériennes sur la ville allemande, en août 1944, le Dr Goebbels aurait déclaré qu’il n’avait aucune objection à formuler si les membres des équipages abattus étaient abandonnés à la fureur du peuple. Le Tribunal aimerait rappeler l’accusé Fritzsche à la barre et l’interroger sur ce point. Lui avez-vous posé la question pendant votre premier interrogatoire ?
Non, Monsieur le Président, j’attendais. C’est ce que je voulais ajouter à la fin de mes explications, mais j’attendais encore une déclaration des envoyés suisses de la puissance protectrice sur le même sujet qui, malheureusement, ne m’est pas encore parvenue. Je désirerais vous prier de m’autoriser à présenter cette déclaration si elle arrive en temps utile.
Faites-vous allusion à un questionnaire ou à un affidavit ?
Oui, il s’agit d’une explication qui traite de la même question.
Oui.
Puis-je encore ajouter quelque chose pour terminer, Monsieur le Président ? J’attends encore une déclaration de Clifton Delmar, commentateur à la radio britannique, que je n’ai pas encore reçue. M’est-il encore possible...
Nous vous y autorisons. Mais ce qui intéresse pour l’instant le Tribunal et ce qu’il considère comme important pour l’instant, c’est de savoir...
Je comprends, Monsieur le Président. (L’accusé Fritzsche gagne la barre des témoins.)
Vous parlez toujours sous la foi du serment ; vous pouvez vous asseoir. Avez-vous lu ces explications ?
Je ne les ai plus présentes à l’esprit dans les ; détails.
Nous n’avons pas entendu votre réponse.
Je n’ai pas présente à la mémoire cette déclaration que mon avocat a remise au Tribunal. Je me souviens seulement de son existence.
Le Tribunal désire vous interroger sur la déclaration suivante :
« Le Dr Goebbels parla souvent aussi à ce sujet à partir de l’automne 1944 dans ce qu’il appelait sa conférence ministérielle... »
Je lis plus avant :
« L’effet sans cesse croissant des attaques aériennes anglaises et américaines sur les villes allemandes a déterminé Hitler et ses conseillers les plus proches à rechercher des mesures de représailles énergiques. »
« Le Dr Goebbels parla souvent aussi à ce sujet, à partir de l’automne 1944, dans ce qu’il appelait sa conférence ministérielle qui réunissait les innombrables fonctionnaires et spécialistes de son ministère et à laquelle j’étais... »
Il s’agit bien de Franz Scharping ?
Oui.
« ...j’étais présent en général. A ce propos, le Dr Goebbels a expliqué qu’il n’aurait plus aucune objection à formuler lorsque les membres des équipages abattus seraient livrés à la fureur du peuple. »
Comme vous le savez, une foule de preuves ont été fournies au Tribunal sur cette question. Avez-vous évoqué ce sujet dans vos discours de propagande ?
Non, je n’ai jamais exigé dans mes discours de propagande de tuer les membres des équipages des avions abattus. Par contre, je sais que le Dr Goebbels, dans des buts d’intimidation, avait déjà, dès l’automne 1944, fait diffuser des nouvelles pour l’étranger semblables à l’exemple suivant : un avion anglo-saxon qui avait tiré sur des gens qui se rendaient à l’église un dimanche dans la rue fut ensuite abattu et les membres de son équipage lynchés par la foule. En fait, ces incidents n’étaient pas exacts et ne pouvaient pas être exacts car il est par trop invraisemblable qu’un avion soit abattu dans de telles circonstances.
Par une lettre circulaire, le Dr Goebbels a, comme je l’ai su, exigé également des services de propagande des Gaue de lui transmettre les nouvelles sur ces incidents qui pouvaient survenir. Mais, à ma connaissance, il n’a pas reçu d’informations semblables. C’est à cette époque qu’il a écrit également un article dans Das Reich sur cette question, mais dont je ne puis pas aujourd’hui donner le titre. En tout cas, cette campagne se renforçait après avoir connu, en janvier ou février peut-être, une période de calme, dans les jours qui, après l’attaque aérienne sur Dresde, devaient amener l’incident suivant. Le Dr Goebbels expliqua, dans cette conférence de onze heures dont il a été maintes fois question ici, qu’il fallait déplorer 40.000 victimes à Dresde. A cette époque, on ne savait pas encore que ce nombre devait être de beaucoup plus élevé. Le Dr Goebbels ajoutait à sa communication qu’il devait être mis fin d’une façon ou d’une autre à cette terreur et que Hitler était fermement décidé à faire fusiller à Dresde un nombre d’aviateurs anglais, américains et russes égal à celui des habitants de Dresde qui avaient trouvé la mort. Il se tourna alors vers moi et me demanda de préparer cette action et de l’annoncer. Un incident se produisit ; je me levai et lui refusai. Le Dr Goebbels mit fin à la conférence, me reçut dans son bureau où nous eûmes un entretien très serré à la fin duquel il me déclara qu’il interviendrait auprès de Hitler afin que ce plan ne soit pas mis à exécution. II parla enfin avec l’ambassadeur Rühie, agent de liaison du ministère des Affaires étrangères, et le pria d’agir sur son ministre dans le même sens. Je parlai ensuite avec le secrétaire d’État Naumann en lui demandant d’agir dans le même sens auprès de Bormann dont la forte influence était connue.
Enfin j’ai eu — ce qui, alors, ne m’était pas permis par les règlements en vigueur — un entretien avec l’envoyé de la puissance protectrice auquel je donnai quelques renseignements confidentiels sur le plan dont j’avais parlé et auquel je demandai de bien vouloir me fournir un argument ou une phrase pour me permettre de travailler avec plus d’efficacité contre ce plan. Il me déclara qu’il le ferait avec la plus grande hâte et m’appela à nouveau dès le lendemain matin. Nous eûmes un deuxième entretien et il me communiqua qu’il avait en vue un échange de prisonniers anglais et allemands portant, je crois, sur 50.000 hommes. Je le priai d’acheminer cette proposition par la voie diplomatique normale et habituelle, mais de me permettre de parler au Dr Goebbels, à Naumann et à Bormann de cette chance d’un échange de prisonniers qui s’offrait ainsi. C’est ce que j’ai fait et comme à cette époque le Gouvernement semblait attacher beaucoup d’importance aux prisonniers qui restaient et qui étaient peut-être susceptibles d’être encore utilisés, cette démarche...
Comment estimez-vous que cet échange de prisonniers peut influer sur le problème consistant à assassiner 40.000 aviateurs anglais, américains et russes par mesure de représailles ?
II me semblait qu’au moment où s’offrait la chance d’un échange de prisonniers entre deux belligérants toute pensée d’une action contraire aux lois de l’Humanité devait être repoussée. En d’autres termes, au moment où l’on parlait d’un échange de prisonniers, la pensée du massacre de prisonniers devait disparaître à l’arrière-plan.
J’en termine rapidement. Ce plan a été discuté ; j’en ai fait part au Dr Goebbels ; il a été discuté le soir chez Hitler, d’après des rapports concordants que j’ai reçus des deux côtés. Et un merveilleux hasard a voulu que l’ordre lui-même s’enlisât quelque part dans la voie bureaucratique longtemps après le règlement de ce pénible incident.
Me comprenez-vous maintenant ? Je vous demande quand vous avez entendu cet ordre de Hitler. Pas celui qui concerne ces prisonniers, mais celui qui se rapporte aux aviateurs abattus ? Quand en avez-vous entendu parler pour la première fois ?
Vous avez dit que le Dr Goebbels avait fait de la propagande à l’étranger à l’automne à propos de cet ordre. En savez-vous quelque chose ?
Oui.
Connaissiez-vous cet ordre à l’automne 1944 ?
Non.
Quand alors ?
Je ne puis pas le dire avec précision, mais je ne connaissais pas cet ordre à l’automne 1944 et je dois être extrêmement prudent puisque je parle sous la foi du serment. Je crois que j’en ai entendu parler ici dans cette salle pour la première fois, mais cela se confond quelque peu dans ma mémoire avec la campagne du Dr Goebbels que je viens de décrire. Je ne peux donc clairement...
Cet ordre a bien été discuté au cours du conseil de février, lorsqu’on a parlé de la mort de 40.000 prisonniers de guerre ?
Non, certainement pas à cette occasion.
Et vous n’aviez pas de doutes que Hitler voulait faire exécuter ces prisonniers ?
II va de soi que je l’ai cru au moment où le Dr Goebbels a expliqué que Hitler voulait exécuter cette action.
Votre réponse est donc oui. Vous ne doutiez pas que Goebbels voulait les faire mettre à mort ?
Les 40.000 de Dresde ?
Oui.
Dans l’ensemble, oui.
Oui ?
Oui, je ne doutais pas que le Dr Goebbels fut également d’accord.
Quels sont les autres chefs qui voulaient également les faire exécuter ? On en a certainement beaucoup parlé. Qui, au Gouvernement, était partisan de cette politique ?
Je ne puis pas répondre avec précision à propos du seul qui soit encore ici en question, c’est-à-dire de Bormann. Par contre, je sais qui a fait le contraire et qui a essayé de faire revenir Hitler sur sa décision par l’ambassadeur Rühie, qui appartenait au service de von Ribbentrop, qui était alors ministre des Affaires étrangères. Il a aussi agit dans ’le même sens.
Ribbentrop a-t-il collaboré à ce problème particulier consistant à faire exécuter ces prisonniers ? Je ne me suis pas exprimé très clairement. Ribbentrop a-t-il su quelque chose ?
Je ne puis dire que ce que j’ai personnellement observé. Je me suis entretenu à ce moment avec l’ambassadeur Rühie et l’ai prié d’en informer Ribbentrop et de le pousser à agir dans le même sens. Rühie me raconta alors le lendemain ou deux jours plus tard, car nous nous téléphonions souvent, que son ministre...
Je n’ai pas besoin des détails. D’après vous, le ministère des Affaires étrangères le savait, sinon Ribbentrop lui-même. Est-ce exact ?
Ribbentrop en a été informé personnellement.
C’est ce que je voulais savoir.
Oui.
Connaissiez-vous l’attitude que Bormann a adoptée dans cette affaire ?
D’après ce que j’ai appris à ce sujet, il avait d’abord soutenu le plan et la pensée de Hitler qui tendait à l’exécution de ces 40.000 hommes ; mais sous l’influence de Naumann et de Goebbels, il a ultérieurement adopté l’attitude contraire et a contribué à faire revenir Hitler sur sa décision.
Ont-ils été consultés à cette occasion, dans la mesure où cela concernait les commandants en chef de la Wehrmacht ?
Je ne sais rien de cela.
Et je me propose encore de vous demander ceci : savez-vous quelle a été l’attitude de Ribbentrop a propos de l’exécution de ces prisonniers ?
Oui. Après la communication de l’ambassadeur Rùhie, il s’est prononcé en faveur de l’avortement de ce plan d’exécution. Mais j’ignore sous quelle forme.
Docteur Fritz, désirez-vous encore poser quelques questions au témoin ?
Non, Monsieur le Président.
Le Ministère Public désire-t-il soulever quelques points à la suite des questions du Tribunal ?
Non, Monsieur le Président.
Dans ces conditions, l’accusé peut reprendre sa place à son banc.
Monsieur le Président, j’en suis ainsi arrivé à la fin de l’exposé des preuves de l’accusé Fritzsche.
Désirez-vous déposer comme preuves tous les documents qui se trouvent dans vos deux livres de documents ?
Oui, Monsieur le Président.
Tous vos numéros de documents sont en ordre ?
Oui, j’ai remis tous les originaux.
Très bien. N’avez-vous pas deux documents n° 1. L’un dans un livre et l’autre dans le second.
Non, Monsieur le Président.
Très bien. Nous en avons terminé avec l’accusé Fritzsche.
Oui, Monsieur le Président.
L’audience est suspendue.
Je dois d’abord vous dire, Messieurs, que je renonce au témoin Klöpfer du fait qu’il a travaillé depuis 1942 seulement en étroite collaboration avec Bormann et qu’il n’est susceptible de fournir aucun renseignement sur la plupart des documents qui sont à la base de l’accusation. Il n’a fait que diriger le service de Droit constitutionnel à la Chancellerie du Reich.
Il me faut également, Messieurs, donner une courte explication de principe. L’accusé Bormann n’est pas ici. La plupart de ses collaborateurs ne sont pas à ma disposition. Je puis donc seulement tenter de tirer de la foule générale des documents déposés par le Ministère Public la preuve légère que l’accusé n’a pas joué le grand rôle important qu’on veut bien lui attribuer après la défaite. Il me répugne, en tant qu’avocat, comme ce fait m’a toujours répugné, de faire quelque chose avec rien : c’est pourquoi mes explications seront des preuves et le Tribunal ne devra pas l’oublier. Ces courtes explications ne sont pas dues au fait de ma négligence, mais à l’impossibilité de trouver sans le secours de l’accusé quelque chose de positif en sa faveur dans ces documents.
J’en viens tout d’abord à la question de savoir si les débats peuvent être continués contre Bormann. J’ai fourni des preuves qui démontrent avec la plus grande vraisemblance que l’accusé Bormann est tombé le. 1er mai 1945 alors qu’il tentait de s’enfuir de la Chancellerie du Reich. C’est alors que j’ai appris le nom du premier témoin : le témoin Eise Krùger qui m’a été autorisé par le Tribunal. J’ai déclaré dans une enquête du 26 juin que je renoncerai au témoignage du témoin Eise Krùger si le Tribunal m’autorisait à déposer un affidavit au lieu de l’entendre ici.
Depuis, je n’ai rien su de cette requête et je suppose, comme je l’ai appris du Dr Kempner que le Ministère Public est d’accord sur ce point et que le Tribunal n’a, lui non plus, aucune objection à formuler.
Je croyais que cette requête pour le témoin Krüger avait été retirée.
J’ai expliqué que je renonçais au témoin Krüger à condition que je puisse déposer un affidavit. Il semble qu’il y ait malentendu. Le Ministère Public m’a déclaré qu’il était d’accord avec moi.
Nous avons déclaré que nous n’avions aucune objection à formuler contre la présentation de cet affidavit lorsque le Dr Bergold a renoncé à faire venir le témoin.
Je dépose cet affidavit sous le numéro Bor-mann-12.
J’ai alors donné les noms de trois autres témoins de la mort de Bormann. D’abord le témoin Kempka qui a été pendant des années chauffeur de Hitler et qui était présent lorsque cette tentative de fuite de la Chancellerie du Reich échoua. Ce témoin n’est pas ici. D’après mes renseignements, il se trouvait en décembre 1945 dans le camp d’internement de Freising entre les mains des autorités américaines ; il n’a pas encore été transféré ici. J’ai mentionné le témoin Rattenhuber qui était également présent lorsque Bormann est tombé et qui, d’après les renseignements que j’ai reçus, se trouverait aux mains des Russes. Le témoin Christians qui m’a été accordé n’a pas encore pu être retrouvé. Elle était internée dans le camp d’Oberursel ; ’ elle a obtenu une permission qu’elle a utilisée pour disparaître. En dehors de cet affidavit du témoin Krüger, je n’ai donc pas la moindre preuve pour maintenir mon affirmation. Je regrette infiniment que cette preuve ne puisse pas être clairement établie et que le Ministère Public ne puisse pas m’apporter une aide plus considérable, car de cette manière une légende ne manquera pas de se former. De faux Demetrius, de faux Martin Bor-mann se sont révélés et m’ont adressé des lettres au nom de Martin Bormann, mais qui ne pouvaient en rien provenir de lui. Je crois qu’il eût été utile à toute l’opinion publique, aussi bien au peuple allemand qu’aux Alliés, de pouvoir apporter cette preuve comme je l’avais demandé. J’en viens maintenant à mes documents.
Le Tribunal aimerait entendre cet affidavit de Krùger.
Le voici :
« Mademoiselle Eise Krüger, née le 9 février 1915 à Hambourg-Altona, secrétaire, actuellement en résidence à Hambourg 39, Hausenweg 1.
« J’ai été employée en qualité de secrétaire à la fin 1942 par l’accusé Martin Bormann. Nous étions environ trente à quarante secrétaires, mais je ne puis à l’heure actuelle donner le chiffre et les noms exacts. Je suis restée en fonction jusqu’à la fin et après là mort de Hitler.
« Le 1er mai 1945, j’ai vu Bormann pour la dernière fois dans l’abri de la Chancellerie du Reich et lui ai parlé. A ce moment, je ne travaillais déjà plus pour lui car il écrivait à la main ses instructions à la radio. Lorsque nous étions dans cet abri de la Chancellerie du Reich, je n’avais, dans mon for intérieur, qu’à me préparer à ma propre mort. Les derniers mots qu’il adressa à l’occasion de notre rencontre fortuite dans l’abri ont été les suivants :
« Eh bien, au revoir. Tout cela n’a plus de sens. Je vais « essayer, mais je ne pourrai certainement pas m’en tirer ». Telles ont été à peu près ses dernières paroles, mais je ne puis aujourd’hui me les rappeler exactement.
« Plus tard, au cours de la soirée, lorsque les Russes se furent approchés de l’abri de la Chancellerie du Reich comme je le supposais à ce moment-là, je me suis enfuie avec un groupe d’environ vingt personnes, des soldats pour la plupart, en gagnant par des souterrains les décombres de la Chancellerie du Reich, la Wilheimplatz, l’entrée de la station de métro Kaiserhof et enfin la Friedrichstrasse. La fuite se poursuivit au travers de nombreux tracés de rues, de décombres de maisons. Je ne puis plus, en raison de la situation tendue, me rappeler les détails exacts. Au cours de la matinée du lendemain, nous avions atteint un abri quelconque dont je ne puis pas indiquer exactement la situation. C’était peut-être l’abri Humboldthain. »
Docteur Bergold cet affidavit ne concerne pas du tout l’accusé Bormann ?
Parfaitement, et j’en arrive à ceci :
« Au bout d’un certain temps, nous avons vu apparaître soudain le SS-Gruppenführer Rattenhuber qui était sérieusement blessé’ à la jambe. On l’étendit sur un lit de camp. Il expliqua en ma présence aux gens qui lui demandaient d’où il venait qu’il avait essayé de fuir en voiture avec Bormann et d’autres par la Friedrichstrasse.
« Il supposait que tous étaient morts tant il y avait de cadavres. Je recueillis de ses explications sa conviction que Bormann était mort. Cela me semble également vraisemblable, cai, d’après des explications qui m’ont été fournies par des soldats inconnus, toutes les personnes qui ont essayé de quitter l’abri après la fuite de notre groupe furent prises sous un violent feu des Russes et sont restées avec des centaines de morts sur le pont Weidendammer. »
J’omets une phrase qui est sans importance.
« Si mes souvenirs sont exacts, j’ai lu ultérieurement dans un journal anglais quelconque que le chauffeur de Hitler, qui le conduisait depuis de longues années et qui s’appelait Kempka, avait déclaré quelque part que Bormann, avec lequel il s’était enfui, était mort. »
C’est tout ce que j’ai trouvé. Les véritables témoins n’ont malheureusement pu être identifiés.
J’en arrive maintenant aux documents. Afin d’abréger l’exposé de ces preuves, je demande l’autorisation de me référer au livre de documents que j’ai déjà déposé. Il s’agit exclusivement des instructions de Bormann qui ont paru dans la collection législative :
« Ordonnances du représentant du Führer ». Je vous demande de bien vouloir prendre acte de ces ordonnances officielles. Je tirerai dans ma plaidoirie les conséquences juridiques de ces documents. Je voudrais me référer rapidement à l’ordonnance n° 23/36 et lire une phrase de l’ordonnance sous le chiffre 8.
Vous dites PS ?
Non, l’ordonnance n° 8 de mon livre de documents. Je voudrais simplement me référer à un point particulier de cette ordonnance sans rien en dire. J’en arrive maintenant au livre de documents que le Ministère Public a déposé et voudrais lire un court passage du document PS-098, page 4, deuxième paragraphe.
Vous dites PS-098 ?
Oui PS-098, lettre de Bormann du 22 février 1940 à M. le Reichsleiter Alfred Rosenberg.
Page 4 ?
Oui, page 4. Il s’agit de la lettre dans laquelle Bormann s’est exprimé avec violence contre la religion chrétienne. Cependant il écrit page 4 :
« En ce qui concerne la répartition des heures d’instruction religieuse dans les écoles, il n’y a, à mon avis, rien à changer aux conditions actuellement en vigueur. D’après les instructions sans ambiguïté du représentant du Fûhrer, aucun reproche ne saurait être fait à un instituteur national-socialiste qui se déclarerait prêt à donner des leçons d’instruction religieuse dans les écoles. »
Je saute une phrase et continue :
« Dans la lettre circulaire du représentant du Führer n° 3/39 du 4 janvier 1939, on signale expressément que les instituteurs habilités à donner des cours d’instruction religieuse n’ont pas à pratiquer un choix dans les textes bibliques, mais sont obligés de faire porter leur enseignement sur l’ensemble de ces textes. Ils laisseront de côté les divergences d’interprétation, les commentaires et les points de vue différents quant à cette directive ; diverses tentatives de ce genre ont été faites par certains groupes d’Églises ». On faisait allusion par là aux chrétiens allemands.
Je cite maintenant le document PS-113 qui figure dans le livre de documents du Ministère Public. C’est l’ordonnance du n° 104/38. Je cite :
« La neutralité du Parti à l’égard des Églises commande d’éviter le plus possible les points de friction qui peuvent se présenter. Du fait que les prêtres qui sont chefs politiques ou dirigeants et animateurs des groupements et associations affiliés ne possèdent pas, en raison de cette double appartenance, la liberté de décision que l’on est en droit d’attendre d’eux, et menacent, en raison de cette fonction qu’ils remplissent dans l’Église, d’entraîner le mouvement dans la querelle des Églises, le représentant du Führer a ordonné :
« l. Les prêtres qui détiennent une position dans le Parti seront immédiatement déliés de leurs fonctions dans celui-ci. »
Je cite maintenant le document PS-099 dans lequel Bormann s’élève, par une lettre du 19 janvier 1940 adressée au ministre des Finances du Reich, contre la trop faible contribution que l’Église fournit en vue de la guerre.
Je cite :
« La fixation d’une contribution si minime m’a surpris. Je relève dans de nombreux rapports que les communautés politiques ont à fournir une contribution de guerre si élevée que l’exécution des tâches particulièrement importantes qui leur incombent pour une part, en particulier dans le domaine de l’assistance publique, risque d’être compromise. » J’omets une phrase et je poursuis :
« Comme je l’apprends, la fixation de cette contribution particulièrement infime s’explique, entre autres, par le fait que seules sont soumises à la perception de cette contribution de guerre les Églises qui, dans le vieux Reich, sont autorisées à percevoir des redevances alors que les Églises évangéliques d’Autriche et du pays des Sudètes qui bénéficient de la même autorisation en sont exemptes. »
Je saute le reste de la phrase et continue :
« II n’existe pas, à mon avis, la moindre raison de traiter si différemment les différentes parties de l’Église et des organisations ecclésiastiques. »
Je cite en outre le document PS-117 qui est une lettre de Bor-mann adressée à Rosenberg le 28 janvier 1939. Le deuxième paragraphe est ainsi rédigé :
« Au cours de ces dernières années, le Parti a dû se prononcer à maintes reprises en faveur du plan d’une Église d’État ou d’une union plus étroite à réaliser sous quelque forme que ce soit entre l’État et l’Église. Il n’a cessé, avec toute son énergie, de repousser ce plan pour deux motifs. D’abord, il serait contraire aux exigences idéologiques du national-socialisme que l’État contractât une alliance avec les Églises, ces communautés religieuses n’ayant pas pour but, dans tous les domaines, l’application des principes nationaux-socialistes. En second lieu, des considérations de pure pratique politique parlent contre une telle alliance officielle. ». Je me réfère maintenant au document L-22. Il s’agit de l’entretien du 16 juillet 1941 au Quartier Général du Führer auquel assistaient Hitler, Rosenberg, Lammers, Keitel, Göring et Bormann.
Pouvez-vous nous indiquer dans quelle partie du livre de documents il figure et le numéro qu’il porte ?
L-22. Il est environ au milieu du rapport. C’est Bormann qui a fait fonction de secrétaire au cours de cet entretien. Le Ministère Public a prétendu qu’il ressortait des remarques de Bormann que ce dernier aurait participé à la discussion du plan exposé au cours de cette conférence et aux termes duquel des territoires russes devaient être incorporés dans le Reich. C’est pourquoi je dois lire ces remarques,
C’est le document L-221 et non pas L-22.
La première remarque figure dans le quatorzième paragraphe :
« Remarque accessoire : y a-t-il encore une classe cultivée en Ukraine ou n’existe-t-il, comme Ukrainiens de classe élevée, que les émigrants qui ont quitté la Russie ? »
Docteur Bergold, pouvez-vous nous donner le numéro de la page originale ? Dans notre livre de documents, nous avons l’indication page originale : tant à tant. Ces mots ne figurent pas sur votre document ?
Si, ils y figurent. A l’instant je vais rechercher. La traduction qui m’a été remise indique page 4.
Je vous remercie. « ... Nous devons en faire un Eden... » Dans la première partie de la page 4, je lis : « Nous devons en faire un Eden ».
Oui,, oui, oui. La deuxième phrase se confond avec la troisième. L’avez-vous, Monsieur le Président ?
Continuez à lire, je vous prie. Je ne sais encore si je l’ai. Il faut que vous me disiez comment elle commence.
Elle commence par les mots : « Remarque accessoire : y a-t-il encore une classe cultivée en Ukraine ? »
Ah, je l’ai maintenant ; page 3.
Elle est à la page 3.
Je crois qu’elle est à la page 4 et veut dire à peu près ceci : « Y a-t-il encore une classe éclairée en Ukraine ? »
D’après le livre de documents qui m’a été remis, elle figure à la page 3. Mais il est possible qu’elle soit à la page 4, 3 ou 4...
L’original est à la page 4.
Et à la page 5 ou la page 4, ou à la page 3, Monsieur le Président, figure une remarque tout à fait semblable :
« II est à maintes reprises apparu que Rosenberg a un penchant certain pour les Ukrainiens ; il veut accroître d’une manière sensible la vieille Ukraine. »
Et la dernière remarque accessoire de la page 8, page 5 du texte anglais, troisième paragraphe avant la fin :
« Remarque pour le camarade Klöpfer : demander le plus rapidement possible au Dr Mayer les documents sur l’organisation qui est en vue et sur les occupations de postes auquels on a l’intention de participer. »
Et à la fin de la page 6 de votre original, dernier paragraphe :
« Remarque : le Führer insiste sur le fait que l’activité des Églises n’interviendra en aucune manière. Papen lui aurait envoyé par l’intermédiaire du ministère des Affaires étrangères un long mémoire dans lequel il prétendrait que le moment serait opportun d’y rétablir les Églises. Mais il n’est nullement question. »
II s’agit là d’une de ces remarques subsidiaires relatives à une explication de Hitler. J’en viens maintenant au document PS-1520 à propos duquel je dois tout d’abord attirer l’attention du Tribunal sur le fait que la présence de Bormann n’a pas été mentionnée au début de ce procès^ verbal rédigé par Lammers, du fait que son activité de secrétaire était considérée comme normale. Je désirerais lire à la page 2 de votre original à partir de la phrase qui commence par : « La question du problème de la liberté de religion se posa alors... ». A partir du quatrième paragraphe, les huit lignes :
« Bormann donna son accord complet sur cette attitude, mais expliqua seulement que c’était une question qui intéressait le ministre du Reich à l’Est, qui, après tout, était connue en Allemagne, et qu’il n’appartenait pas à une loi de créer des liens susceptibles d’avoir une influence sur le Reich. Les Églises auraient voulu définir elles-mêmes ce qu’il fallait entendre par liberté religieuse et il prévoyait que cette loi amènerait de la part des Églises en Allemagne des centaines de nouvelles lettres et plaintes.
La phrase suivante s’exprime ainsi :
« On décida finalement que toute la question ne serait pas mise en forme de loi par mes soins » — c’est Lammers qui parle — « mais que les Commissaires du Reich prévoieraient en quelque sorte la liberté religieuse qui devrait régner et prendraient les mesures d’exécution nécessaires. »
Je voudrais lire également le troisième paragraphe du document PS-072 qui est une lettre de Bormann à Rosenberg. Je cite :
« Le Führer insista sur le fait que l’envoi de ces spécialistes était inutile dans les Balkans, car il n’y avait aucune œuvre d’art à y confisquer ; à Belgrade, il n’existait que la collection du prince Paul que celui-ci tenait à conserver complètement. Les organismes du Gruppenführer Heydrich saisiraient le matériel des loges, etc. »
Je voudrais lire l’introduction du document PS-062 dans lequel l’accusé Hess s’explique sur les ordres qui lui ont été donnés sur le traitement des aviateurs.
Je cite :
« La population française a été avertie officiellement et par la voix de la radio de l’attitude qu’elle avait à observer lors de l’atterrissage d’avions allemands. »
Et je voudrais lire les mots de l’introduction de Bormann et plus spécialement le deuxième paragraphe du document PS-205.
Ce document PS-62 est de quelle date ? (L’interprète a traduit par erreur PS-205.)
5 mai 1943, lettre circulaire 70/43.
Je vous remercie. Je l’ai maintenant.
5 mai 1943.
Non, je voulais savoir quelle est la date du document PS-062, et il me semble que c’est le 13 mars 1940. Est-ce bien exact ?
PS-062, oui, il est du 13 mars 1940 ; c’est celui que j’ai lu tout à l’heure.
Le Tribunal ne comprend pas pourquoi vous avez lu ce document en tenant compte du point 4 qui s’exprime ainsi :
« Les parachutistes ennemis doivent aussi être appréhendés et mis dans l’impossibilité de nuire. »
J’y reviendrai dans ma plaidoirie, Monsieur le Président, et m’expliquerai ultérieurement sur ce point. Si vous le désirez, je puis développer cet argument, mais je crois que vous n’y tenez pas.
Non, non, je croyais simplement que vous aviez à mentionner une autre partie de ce document.
Non. J’ai attiré votre attention sur son introduction, en l’espèce sur une explication de l’accusé Hess qui précède ce document de Bormann.
J’en arrive maintenant au document PS-205 du 5 mai 1943 : c’est la lettre circulaire n° 70/43 ; je lis la phrase suivante :
« Je prie, conformément à la copie ci-jointe, d’attirer d’une manière appropriée l’attention des camarades du Parti et des citoyens sur la nécessité de traiter sévèrement, mais équitablement, les travailleurs étrangers. »
Cette lettre circulaire a été envoyée par l’accusé Sauckel. J’en viens au document PS-025 du 4 septembre 1942 et je lis...
A quel numéro en arrivez-vous ?
PS-025, du 4 septembre 1942 ; je lis la dernière phrase du deuxième paragraphe :
« C’est pourquoi je suis également de l’avis du Reichsmarschall et du Reidsleiter Bormann : la solution de la condition des gens de maison doit être trouvée dans un sens autre que celui qui a été indiqué précédemment. »
Je lis à partir de la deuxième phrase du troisième paragraphe :
« A ce propos » — il s’agit de la déportation pour le travail en Allemagne de jeunes filles de l’Est — « le fait pour les ressortissants de la Wehrmacht ou de services quelconques d’avoir introduit illégalement en Allemagne du personnel domestique féminin doit être ultérieurement autorisé indépendamment des services officiels d’embauché qui n’auraient pas à y mettre obstacle. Le Reidsleiter Bormann a donné son accord pour ces mesures. D’après la volonté nettement exprimée du Fùhrer, on est parti, dans cette embauche des domestiques ukrainiennes, du point de vue décisif que ces jeunes filles ne doivent pas apporter d’obstacles à leur séjour prolongé dans le Reich du fait de leur attitude ou de leur comportement. »
Et je lis le point 1, dernier paragraphe de la page 3 de votre livre de documents :
« Dans la pratique, l’embauche qui, dans le cas des domestiques, doit se faire d’une façon particulièrement étendue sur la base du volontariat, interviendra avec la participation des services du Reichsführer SS ».
J’en ai ainsi terminé avec la citation que je voulais faire dans le livre de documents du Ministère Public et voudrais encore me référer pour mes explications ultérieures au document russe URSS-72, Dônitz-91.
L’exposé de mes preuves sera ainsi terminé.
Monsieur le Président, puisse proposer quelque chose ? Même si nous pouvons retrouver le témoin Kempka, la Défense pourrait transmettre un affidavit ou un questionnaire à toutes ces personnes qui ont connaissance de la mort présumée de Bormann. Nous n’élèverions, à ce propos, aucune objection.
Je n’ai moi-même aucune objection à formuler.
Docteur Bergold, savez-vous ce que ce témoin Kempka nous dira sur la mort de Bormann ?
D’après l’affidavit que j’ai lu ici, il était présent au moment où Bormann est tombé lors de l’explosion d’un char. Il a donc dû être un témoin occulaire tout comme le témoin Rattenhuber qui a donné ces informations au témoin Kruger. Si nous pouvons retrouver les deux témoins Kempka et Rattenhuber, je peux me contenter d’affidavits et de questionnaires.
Monsieur le Président. J’ai déjà vu il y a quelque temps ces déclarations de Kempka données sous la forme d’un afftdavit sur lequel nous avons attiré l’attention, mais d’après mes souvenirs il n’a pas déclaré d’une façon positive qu’il avait vu mourir Bormann. Je propose cependant encore une fois que nous fassions d’autres efforts pour avoir de lui un affidavit ou un questionnaire, ou éventuellement pouvoir l’interroger sur les circonstances de cette mort.
Le Ministère Public a signalé au Tribunal que Bormann s’était enfui de la Chancellerie dans un char qui avait été arrêté ou détruit sur un pont et que deux des personnes qui se trouvaient dans ce char avaient pour la dernière fois vu Bormann blessé ou quelque chose de semblable.
Oui, je crois que c’est le meilleur renseignement.
Monsieur Dodd, si le Ministère Public possède quelque renseignement sous la forme d’un affidavit ou autre, le Tribunal serait heureux que vous le déposiez.
Oui, je suis certain que nous n’avons pas d’affidavit. Autant que mes souvenirs soient exacts, quelqu’un nous a transmis à l’automne dernier un rapport de Kempka sur les derniers jours de Berlin. Je vais faire des recherches et vous le soumettre.
Si vous voulez aborder cette question, peut-être pourra-t-elle être tirée au clair par vos recherches.
Très bien.
Nous pourrions alors recevoir les interrogatoires ou les affidavits.
Oui.
Vous en avez donc terminé avec l’exposé de vos preuves relatives à Bormann ?
C’est là tout ce que je possède.
Très bien, je vous remercie. Colonel Pokrovsky, avez-vous quelque chose à dire ?
Je vous demande pardon, Docteur Bergold, avez-vous déposé comme preuves tous les documents dont vous voulez faire état et leur avez-vous donné des numéros ?
Oui, dans mes livres de documents.
Avez-vous l’intention de déposer d’autres livres de documents ?
Oui.
Chaque document porte une référence ?
Oui, chaque document.
C’est très bien. Colonel Pokrovsky, le Tribunal désirerait savoir si vous êtes arrivé à un accord avec le Dr Stahmer, avocat de l’accusé Gôring, sur les affidavits, les preuves ou les témoins qui concernent le cas de Katyn.
Monsieur le Président, nous avons eu trois entretiens avec la Défense. Après le deuxième entretien, j’ai déclaré au Tribunal que le Ministère Public soviétique se contenterait, afin de gagner du temps, de la lecture d’une partie des moyens de preuves déposés. Il y a un quart d’heure, j’ai rencontré le Dr Exner et le Dr Stahmer, membres de la Défense, qui m’ont déclaré qu’ils considéraient que le point de vue du Tribunal consistant, suivant la détermination antérieure qui avait été prise, à citer deux témoins, était encore en vigueur. La discussion ne porte plus que sur les documents complémentaires. Je pense qu’il ne nous est pas possible de concilier une telle interprétation de la décision du Tribunal avec les conceptions de la Défense. Autant que je puisse le comprendre, il appartiendra au Tribunal, en l’occurrence, de prendre cette décision.
Le Tribunal décide qu’au cas où aucun accord ne serait susceptible d’intervenir, ces témoignages ne seraient pas apportés sous forme d’affidavits et que les trois témoins de chacun des adversaires seraient cités lundi matin à 10 heures, si d’ici là aucun accord n’intervient pour admettre que ces témoignages soient reçus sous la forme d’affidavits.
Monsieur le Président, puis-je ajouter une remarque. Plusieurs avocats intéressés au cas de Katyn ont eu ce matin un entretien, en particulier le Dr Stahmer et le Pr Exner. Nous voulons demander au Tribunal de bien vouloir décider que deux témoins soient personnellement entendus ici par la Défense et, en l’espèce, les deux témoins colonel Ahrens et von Eichborn. Quant au troisième témoin, il ne sera pas entendu, mais à sa place seront déposés un affidavit et deux affidavits supplémentaires. Nous estimons ainsi proposer au Tribunal un moyen plus pratique qui réalise également un gain de temps en entendant deux témoins et en déposant trois affidavits.
Docteur Siemers, le Tribunal n’a aucune objection à ce que deux témoins soient cités et un affidavit déposé. Mais comme il avait été décidé que l’exposé des preuves devait se limiter pour chacune des ’parties à trois témoins, le Tribunal n’est pas disposé à admettre d’autres affidavits. L’exposé des preuves doit, pour chacun des adversaires, se limiter à trois témoins. Les témoins peuvent faire leur déposition soit oralement, soit par affidavit.
Monsieur le Président, ainsi que j’en ai été informé, la décision primitive du Tribunal stipulait que trois témoins devaient être entendus sans qu’il fût question d’affidavits ; c’est pourquoi le Dr Stahmer et le Pr Exner avaient supposé qu’en dehors des dépositions des témoins, quelques points particuliers pouvaient être démontrés par des affidavits. Et j’estime que si nous citons deux témoins et déposons trois affidavits, nous utiliserons moins de temps que si nous citons ici trois témoins.
Je regrette que le Dr Stahmer et le Pr Exner aient mal interprété cette décision du Tribunal. Le Tribunal avait l’intention, et il a encore l’intention, de limiter l’exposé des preuves ou déclarations à trois témoins pour chacune des parties. Il n’y a aucune espèce de différence si ces déclarations sont faites oralement ou sous la forme d’affidavits. Nous avons laissé au Ministère Public soviétique et à la Défense le soin de se mettre d’accord afin de recueillir ces dépositions par affidavits dans le but de gagner du temps. Mais cela n’implique nullement l’intention d’augmenter le nombre des témoins qui devaient déposer.
Monsieur le Président, je vous serais reconnaissant si vous pouviez éventuellement entendre le Dr Stahmer et le Pr Exner, car ces derniers jours je n’étais pas présent à Nuremberg et je n’ai pas participé à des discussions de détail. Tout cela présente quelques difficultés pour moi. Je viens d’apercevoir le Dr Stahmer ; peut-être serait-il susceptible de fournir lui-même quelques indications sur ce point.
Je viens d’entendre en partie la communication du Dr Siemers, et lors de notre dernier entretien, Monsieur le Président, j’avais déjà attiré l’attention sur le fait que le Pr Exner et moi-même avions ainsi compris la décision du Tribunal, que nous pouvions, en dehors des trois témoins, soumettre également des affidavits. A l’origine, cinq témoins nous avaient été accordés avec cette restriction que seuls trois d’entre eux viendraient personnellement déposer à la barre. Et nous en avions conclu que nous serions, en tout cas, autorisés à déposer pour ces cinq témoins un certain nombre d’affidavits. La décision primitive nous avait accordé cinq témoins et le Tribunal décida plus tard...
Je vous demande de m’écouter. Le Tribunal ne sait rien sur ce point. Si vous le prétendez, vous devez démontrer, par écrit, que cette décision était ainsi formulée. Le Tribunal ne se souvient pas d’avoir autorisé la citation de cinq témoins.
Oui, je me propose de reporter par écrit les décisions du Tribunal telles qu’elles ont été publiées. Les détails me sont sortis de la tête, mais à l’origine cinq témoins avaient été admis et j’en avais encore par la suite mentionné un autre qui a été admis à son tour. C’est alors qu’est intervenue la décision de ne citer que trois témoins devant le Tribunal.
Docteur Stahmer, lorsque la décision a été publiée de réduire le nombre des témoins de cinq à trois, elle ne contenait, à ma connaissance, aucune mention relative à des affidavits.
Non, à ce moment il n’a pas été question d’affidavits.
Je ne puis vous dire que ceci : lorsque le Tribunal a publié cette décision restrictive, il avait en vue de réduire les témoignages à la citation de trois témoins pour chacune des parties, car les circonstances ne présentaient qu’un caractère secondaire et parce que le Tribunal estimait qu’à ce stade des débats l’établissement de ces faits ne devait pas requérir la citation d’un grand nombre de témoins. Trois témoins pour chacune des parties sont largement suffisants. Par ces motifs, le Tribunal ne désire que les déclarations de trois témoins, soit verbalement, soit par affidavit.
L’audience est levée.