CENT SOIXANTE-NEUVIÈME JOURNÉE.
Mardi 2 juillet 1946.
Audience du matin.
(Le témoin Markov est à la barre.)Vous permettez, Monsieur le Président ? Donc, témoin, à quelle date exactement avez-vous opéré avec les autres membres de la Commission l’autopsie de ces huit cadavres ? Quelle était la date exacte ?
C’était le 30 avril dans la matinée.
Selon vos propres observations, vous êtes arrivé à la conclusion que les cadavres ont été enterrés à peu près un an ou tout au plus un an et demi avant cela ?
C’est parfaitement juste.
Avant de vous poser la question suivante, je vous demande de me répondre brièvement à cette question : dans la pratique des médecins légistes bulgares est-il d’usage que l’examen médical d’un cadavre se fasse en deux parties, une partie descriptive et des conclusions ?
Chez nous, de même que dans d’autres pays, autant que je le sache, cela se fait ainsi : on fait d’abord une description et on tire ensuite une conclusion.
Dans le rapport que vous avez fourni sur l’autopsie des cadavres, y a-t-il ou non une conclusion ?
Mon rapport sur l’examen de ces cadavres ne contient qu’une seule partie descriptive, sans conclusions.
Pourquoi ?
Parce que des documents qui s’y trouvaient, j’ai compris que l’on voulait nous faire admettre que les cadavres étaient enterrés depuis trois ans. Cela ressortait des documents qui nous avaient été montrés dans la petite maison de campagne dont j’ai déjà parlé.
Ces documents vous ont été montrés avant que vous ayez pratiqué l’autopsie ou après ?
Oui, la veille de l’autopsie.
Vous étiez donc...
Colonel Smirnov, vous interrompez les interprètes continuellement. Avant que l’interprète ait eu le temps de terminer la traduction de ce que dit le témoin, vous posez votre question suivante, de sorte que nous n’arrivons pas à saisir entièrement la question.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de cette indication.
Et comme les résultats des autopsies que j’ai pratiquées étaient en contradiction manifeste avec cette opinion, je me suis abstenu de toute conclusion.
Vous n’avez donc tiré aucune conclusion parce que les résultats objectifs de l’autopsie médico-légale démontraient que ces cadavres étaient enterrés non pas depuis trois ans, mais depuis un an et demi seulement ?
Colonel Smirnov, vous ne devez pas oublier qu’il s’agit d’une double traduction. Si vous ne marquez pas un plus grand arrêt, votre voix se mêle à celle de l’interprète, et nous ne pouvons pas comprendre ce dernier.
Oui, Monsieur le Président.
Oui, c’est exact.
Y avait-il unanimité sur le temps pendant lequel ces cadavres avaient séjourné dans les fosses de Katyn, parmi les membres de la Commission ?
Parmi les membres de la délégation qui ont opéré des autopsies de cadavres dans la forêt de Katyn, la majorité ont donné des conclusions sans tenir compte du temps pendant lequel les cadavres avaient séjourné sous terre. Quelques-uns, comme par exemple le professeur Hajek, ont parlé des choses accessoires. Il a dit, par exemple, que l’un des fusillés avait été atteint de pleurésie ; d’autres, comme le professeur Birkle, de Bucarest, ont prélevé des cheveux sur des cadavres afin de déterminer les âges, ce qui, selon moi, n’avait pas d’intérêt. Le professeur Palmieri, se basant sur l’autopsie qu’il a faite, a déclaré que le cadavre était enterré depuis plus d’un an, mais n’a pas donné plus de précisions à ce sujet. Le seul qui ait donné une conclusion déclarant que les cadavres étaient enterrés depuis trois ans est le professeur Miloslavitch de Zagreb. Mais lorsque le livre allemand sur Katyn a été publié, j’ai lu ses conclusions et j’en ai retiré l’impression que l’état de décomposition du cadavre dont il avait fait la dissection ne différait en rien des autres cadavres. Cela m’amena à conclure que son rapport déclarant que les cadavres étaient enterrés depuis trois ans ne correspondait pas à la description des faits.
Je vous demande de répondre à la question suivante : les membres de la Commission ont-ils trouvé beaucoup de crânes avec le signe de ce qu’on appelle le « pseudo-callus » ? Comme ce terme, dans la criminologie ordinaire et dans les livres généraux de médecine légale, n’est pas connu, je vous demande de vous arrêter et de dire ce que le professeur Orsos, de Budapest, voulait dire par ce terme.
Ayez la bonté de répéter cette question.
Les membres de la Commission ont-ils trouvé beaucoup de crânes avec le signe de ce qu’on appelle « pseudo-callus » ? De plus comme ce terme n’est pas connu dans les livres de médecine légale, je vous demande d’expliquer ce que le professeur Orsos voulait dire par là.
Un instant. Que parlez-vous de crânes ? Vous avez donc dit qu’il y avait beaucoup de crânes avec quelque chose ?
Monsieur le Président, j’ai entendu ce terme pour la première fois moi-même. Je suppose que le terme « pseudo-callus » est une expression latine qui désigne une petite excroissance sur la surface du cerveau.
Pourriez-vous nous épeler ce mot en latin ? (Le colonel Smirnov écrit ce mot sur un papier et le tend au Président.)
Ce que vous avez écrit ici est : p-s-e-u-d-o. Voulez-vous dire « pseudo », qui signifie « faux » ?
C’est exact, « pseudo ».
Veuillez donc poser à nouveau votre question. Mais brièvement, je vous prie.
Est-ce que beaucoup de crânes avec des symptômes de « pseudo-callus » ont été présentés aux membres de la Commission ? Expliquez, je vous prie, ce terme du professeur Orsos.
Le professeur Orsos nous a parlé du « pseudo-callus » lors d’une conférence des délégués, qui a eu lieu le 30 avril dans l’après-midi, dans l’établissement où se trouvait le laboratoire de campagne de Butz à Smolensk. Le professeur Orsos voulait désigner par là une accumulation et un dépôt de sels insolubles de calcium et d’autres sels dans la partie intérieure de la boîte crânienne. Il affirmait que, conformément aux constations qu’il avait faites en Hongrie, ce phénomène s’observait seulement si le cadavre restait sous terre pendant au moins trois ans. Lorsque le professeur Orsos communiqua ce détail à la conférence scientifique, aucun des délégués n’a dit quoi que ce soit ni pour ni contre ce phénomène. J’en tirai la conclusion que les autres délégués ignoraient, tout autant que moi-même, ce phénomène de « pseudo-callus ». Lors de cette même conférence, le professeur Orsos nous a montré ce phénomène sur un crâne.
Je vous demande de dire sous quel numéro était enregistré le cadavre dont le crâne servit à la démonstration du professeur Orsos ?
Le cadavre auquel appartenait ce crâne portait le numéro 526 ; le même numéro figure dans le livre où le cadavre est enregistré. J’en conclus que ce cadavre fut exhumé avant notre arrivée à Katyn, car tous les autres cadavres dont nous avions fait l’autopsie le 30 avril avaient tous des numéros supérieurs à 800. On nous avait expliqué que, dès qu’un cadavre était exhumé de la fosse, le numéro suivant lui devait être affecté.
Dites-moi si sur les crânes des cadavres qui ont été disséqués par vous et par vos collègues il y avait aussi des traces de ce phénomène de « pseudo-callus » ?
Dans le crâne du cadavre dont j’ai fait la dissection, il y avait une masse informe à la place de la cervelle à l’intérieur de la boîte crânienne, mais je n’ai pas observé de phénomène de « pseudo-callus ». De même, les autres délégués, après l’exposé du professeur Orsos, n’ont pas mentionné qu’ils avaient trouvé de pareil phénomène sur les crânes examinés par eux. Même Butz et ses collaborateurs, qui avaient déjà examiné les cadavres avant notre arrivée, n’ont pas déclaré non plus qu’ils avaient observé ce phénomène. Plus tard, quand j’ai lu dans le livre publié par les Allemands le rapport de Butz, j’ai remarqué que Butz se référait au phénomène de « pseudo-callus » afin de justifier sa thèse et de déclarer que les cadavres se trouvaient dans la fosse depuis trois ans.
Donc, sur 11.000 crânes, on ne vous en a présenté qu’un seul portant des symptômes de « pseudo-callus » ?
C’est parfaitement juste.
Je vous demande de décrire en détail l’état des vêtements de ces cadavres ?
Les vêtements étaient généralement bien conservés, mais bien entendu ils étaient imprégnés, du fait de la décomposition des cadavres. Lorsqu’on tirait violemment afin d’enlever les vêtements et les chaussures, les vêtements ne se déchiraient pas et les chaussures ne se décousaient pas le long des coutures. J’ai même eu l’impression qu’après un nettoyage convenable, ces vêtements auraient pu être utilisés à nouveau. Dans les vêtements du cadavre dont j’ai fait l’autopsie, on découvrit quelques documents. Ces documents étaient également imprégnés par le liquide cadavérique. Quelques-uns des Allemands présents à la dissection que j’ai opérée ont exigé que je leur décrive les documents trouvés, et notamment leur contenu, mais j’ai refusé de le faire en déclarant que ce n’était pas l’affaire d’un médecin. En vérité, dans la journée précédente, j’avais déjà remarqué, lors de la découverte des documents, qu’avec l’aide des dates qui se trouvaient sur ces documents on voulait nous faire croire que les cadavres étaient déjà enterrés depuis trois ans. C’est pour cela que je voulais me baser seulement et d’une façon objective sur l’état des cadavres. Quelques autres délégués qui avaient opéré des dissections avaient également découvert dans les vêtements des cadavres quelques papiers. Les papiers qui furent trouvés sur le cadavre dont j’avais fait l’autopsie furent mis dans une enveloppe portant le même numéro que le cadavre, le numéro 827. Plus tard, dans le livre publié par les Allemands, j’ai vu que certains délégués avaient décrit le contenu des documents qui avaient été trouvés sur les vêtements des cadavres.
Je vous demande de répondre à la question suivante : sur quelles données médico-légales objectives se basent les conclusions de la Commission déclarant que les cadavres ont séjourné au moins trois ans sous terre ?
Veuillez répéter cette question, je l’ai mal comprise.
J’ai demandé sur quelles données médico-légales objectives se base le rapport de la Commission médicale internationale qui prétend que les cadavres sont restés enterrés au moins trois ans ?
A-t-il dit que c’était une conclusion qu’il avait tirée lui-même ? Au moins trois ans ?
Il n’a pas dit cela.
Il n’a pas du tout dit qu’il avait lui-même tiré la conclusion que les cadavres étaient restés enterrés trois ans au moins.
Il n’a pas tiré cette conclusion, Monsieur le Président, mais le professeur Markov, ainsi que d’autres membres de la Commission, ont signé le rapport collectif de la Commission internationale.
Oui, je sais, et c’est pourquoi je vous avais demandé de répéter la question. La question telle qu’elle nous fut traduite était : Comment êtes-vous arrivé à la conclusion que les cadavres étaient restés enterrés trois ans au moins ? Voilà exactement le contraire de ce qu’il a dit. Veuillez répéter encore la question.
Oui, Monsieur le Président. Témoin, je vous interroge non pas sur votre rapport personnel, mais sur le rapport collectif de la Commission. Je vous demande sur quelles données médico-légales objectives se basent les conclusions de la Commission entière, parmi les signatures de laquelle se trouve également la vôtre, déclarant que les cadavres étaient enterrés depuis trois ans au moins ?
Un instant. Voyez, colonel Smirnov, veuillez répéter encore votre question.
Très bien, Monsieur le Président. Je demandais sur quelles données médico-légales objectives s’appuie la conclusion de la Commission entière — non pas le compte rendu personnel dressé par le Dr Markov, auquel il manque une conclusion, mais la conclusion de toute la Commission — constatant que les cadavres étaient enterrés depuis trois ans au minimum.
Le rapport commun qui a été signé par tous les délégués est très pauvre en ce qui concerne les données médico-légales véritables. En ce qui concerne l’état des cadavres, on n’y trouve qu’une seule phrase déclarant que les cadavres sont dans divers états de décomposition, mais le degré de leur décomposition n’est pas donné. Donc, à mon avis, cette conclusion s’appuie sur des dépositions de témoins et sur les documents trouvés, mais en aucune façon elle ne s’appuie sur des données médico-légales. Au point de vue médico-légal, on s’est efforcé d’appuyer cette conclusion par la constatation du professeur Orsos relative à la constatation du phénomène de « pseudo-callus » sur le crâne du cadavre n° 526 ; mais, selon ma conviction, il n’est pas juste de tirer de ce seul crâne une conclusion qui porte sur des milliers de cadavres qui avaient été découverts dans les fosses de Katyn. De plus, les observations du professeur Orsos relatives au « pseudo-callus » avaient été faites en Hongrie, c’est-à-dire dans des circonstances et des conditions de climat et de sol absolument différentes. De plus, elles avaient été faites dans des tombes séparées et non pas dans des fosses communes comme à Katyn.
Vous parlez de dépositions de témoins. Les membres de la Commission ont-ils eu la possibilité d’interroger personnellement et en détail des témoins, des témoins russes aussi ?
Nous n’avons pas eu la possibilité d’avoir un contact avec la population locale. Au contraire, sitôt notre arrivée à l’hôtel, à Smolensk, Butz nous rassembla et nous prévint que nous nous trouvions dans une zone de combat et que nous n’avions pas le droit de nous déplacer en ville sans être accompagnés par des représentants allemands de la Wehrmacht, ou de converser ou d’avoir un contact quelconque avec les habitants, ou encore de prendre des clichés. En fait, lors de notre séjour là-bas, nous n’avons eu absolument aucun contact avec les habitants de la région. Le jour de notre arrivée dans la forêt de Katyn, c’est-à-dire le 29 avril au matin, quelques citoyens russes, accompagnés de sentinelles allemandes, furent amenés vers les fossés. Sitôt notre arrivée à Smolensk, nous avions reçu des dépositions de quelques témoins de la région, des dépositions écrites à la machine. Lorsque ces témoins furent amenés dans la forêt de Katyn, on nous déclara que c’étaient les mêmes dont on nous avait présenté les dépositions. On n’a pas fait de procès-verbal régulier d’interrogatoire de ces témoins. Le professeur Orsos, nous ayant déclaré qu’il connaissait la langue russe, puisqu’il avait été prisonnier en Russie au cours de la première guerre mondiale, commença à s’entretenir avec un homme assez âgé dont le nom, je crois, était Kiselov. Ensuite il conversa avec un autre témoin dont le nom était, autant que je m’en souvienne, Andrejev. Tout cet entretien ne dura que quelques minutes. Profitant du fait que notre langue bulgare a des similitudes avec la langue russe, j’entamais des conversations avec quelques-uns de ces témoins...
Ne pourrait-on laisser tous ces détails pour le contre-interrogatoire ?
Comme vous voudrez, Monsieur le Président. Je vous demande, Monsieur le témoin, d’interrompre votre réponse à cette question et de répondre à la question suivante : Lorsque vous avez signé le rapport commun de toute la Commission, vous était-il parfaitement clair que les assassinats commis dans la forêt de Katyn n’avaient pas eu lieu avant le dernier quart de l’année 1941 et, en tout cas, pas en 1940 ?
Oui, cela m’était parfaitement clair et c’est pour cette raison que je n’ai pas donné de conclusion au rapport que j’ai dressé personnellement dans la forêt de Katyn.
Mais pourquoi avez-vous signé tout de même ce rapport commun de toute la Commission, qui n’était pas correct à votre point de vue ?
Afin de préciser dans quelles conditions j’ai signé ce rapport, je dois dire dans quelles conditions et comment il avait été dressé et comment se fit sa signature.
Une question afin de préciser cela : Est-ce que le rapport a réellement été signé le 30 avril 1941 à Smolensk ou bien a-t-il été signé à une autre date et dans un autre lieu ?
Il n’a pas été signé à Smolensk le 30 avril, mais le 1er mai à midi sur l’aérodrome qui était dénommé aérodrome « Bêla ».
Dans quelles conditions ? Voulez-vous le dire au Tribunal ?
On devait dresser le rapport lors de la conférence dont j’ai parlé et qui avait été tenue au laboratoire de Butz. C’était le 30 avril dans l’après-midi. A cette conférence assistaient tous les délégués, tous les Allemands qui étaient arrivés avec nous de Berlin, Butz et ses collaborateurs, le médecin-général Holm, le médecin-chef du secteur de Smolensk, ainsi que quelques autres Allemands qui m’étaient inconnus, des militaires. Butz déclara que les Allemands n’y assistaient qu’en qualité d’hôtes ; mais c’était en réalité le médecin-général Holm qui dirigeait la conférence et Butz les travaux relatifs à la rédaction du rapport. C’est la secrétaire privée de Butz qui a fait fonction de secrétaire et a dressé le procès-verbal de cette conférence. Ce procès-verbal, je ne l’ai jamais vu. A cette conférence, Butz et Orsos se sont présentés avec un projet de rapport, mais je n’ai jamais appris qui les avait chargés de dresser ce rapport. Butz lut ce rapport. C’est alors que surgit la question de l’âge des petits sapins qui se trouvaient dans les clairières de la forêt de Katyn. Butz estimait que dans ces clairières se trouvaient également des fosses.
Excusez-moi de vous interrompre. Vous a-t-on soumis des preuves montrant qu’il y avait également des tombes dans ces clairières ?
Non, à l’époque où nous nous trouvions à Katyn, aucune nouvelle fosse ne fut ouverte. Comme quelques délégués avaient déclaré qu’ils n’étaient pas compétents en tant que médecins et qu’ils ne pouvaient pas déterminer l’âge de ces arbres, le général Holm prit des dispositions afin de faire venir un Allemand spécialiste de ces questions. Celui-ci nous montra une section d’un tronc d’un de ces petits sapins et, selon le nombre de cercles de cette section, il arriva à la conclusion que l’âge de ce petit arbre était de cinq ans.
Excusez-moi de vous interrompre de nouveau. Pouvez-vous affirmer vous-même que cet arbre fut prélevé sur une fosse et non pas quelque part dans la carrière ?
Je peux seulement déclarer qu’il y avait dans la forêt de Katyn des clairières avec de petits arbres et que, lorsque nous sommes revenus à Smolensk, je me suis aperçu que l’on transportait dans l’autocar un de ces petits arbres, mais je ne sais pas d’une façon sûre s’il y avait une tombe à l’endroit où fut prélevé ce petit sapin puisque, comme je lai déjà dit, aucune tombe n’avait été ouverte en notre présence.
Je vous prie de poursuivre votre réponse, mais brièvement, afin de ne pas prendre le temps précieux du Tribunal par des détails inutiles.
Ce projet de rapport présenté à cette conférence contenait également quelques remarques relatives à la rédaction, et dont je ne me souviens pas. Alors Orsos et Butz se virent chargés de dresser un rapport final. La signature de ce rapport devait avoir lieu le même soir, au banquet qui eut lieu dans un hôpital militaire allemand. Butz arriva à ce dîner avec son rapport et il commença à le lire. Mais la signature n’eut pas lieu à ce moment, pour des raisons qui, jusqu’à présent, ne me sont pas claires. On déclara que le rapport devait être repris, et c’est pourquoi le banquet se poursuivit jusqu’à trois ou quatre heures du matin. Le professeur Palmieri me déclara alors que les Allemands n’étaient pas contents du texte de ce rapport, que des conversations téléphoniques avaient lieu avec Berlin et qu’il n’y aurait peut-être aucun rapport. En vérité, après avoir passé la nuit à Smolensk, le 1er mai au matin, nous quittions Smolensk en avion sans avoir signé de rapport. Personnellement, j’en ai conclu qu’il n’y aurait aucun rapport et en ai été très satisfait. Sur la route de Smolensk, quelques délégués demandèrent à s’arrêter à Varsovie afin de visiter la ville, mais on nous répondit que c’était impossible pour des raisons militaires.
Cela n’a absolument aucun rapport avec la question que nous traitons, et je vous prie de vous en tenir aux faits.
A midi nous atterrissions sur l’aérodrome « Bêla ». C’était probablement un aérodrome militaire puisque je n’y ai vu que des baraques militaires légères. Là, nous avons pris un repas et, aussitôt après ce repas, bien qu’on eût dit que la signature du rapport devait avoir lieu sur le chemin de Berlin, on nous en présenta des exemplaires pour la signature. De nombreuses personnes militaires assistaient à cette signature car à l’aérodrome il n’y avait personne d’autre que des militaires. Je fus frappé d’un côté par le fait que ce rapport était prêt à Smolensk et ne nous y avait pas été soumis pour signature, et d’un autre côté par le fait que personne n’avait voulu que nous le signions à Berlin quelques heures plus tard, mais qu’on nous proposait de le signer justement là, sur ce petit aérodrome militaire isolé. Voilà justement pourquoi j’ai signé ce rapport, malgré les conclusions auxquelles j’étais arrivé lors des autopsies que j’ai pratiquées à Smolensk.
Donc la date figurant sur ce rapport et l’indication de la localité sont fausses ?
Oui, c’est ainsi.
Et vous l’avez signé parce que vous vous êtes trouvé dans une situation sans issue ?
Colonel Smirnov, il n’est pas admissible de poser des questions tendancieuses. Il a constaté des faits et il n’est pas nécessaire d’en tirer des conclusions.
C’est bien, Monsieur le Président ; je n’ai pas d’autres questions à poser à ce témoin.
Quelqu’un désire-t-il interroger contradictoirement ce témoin ?
Monsieur le Président, je voudrais, avant de poser mes questions, soulever quelques questions de procédure. On avait prévu que chacune des parties présenterait trois témoins au Tribunal. Or, ce témoin, à mon avis, a non seulement fourni des déclarations sur des faits, mais il a également donné des appréciations qui peuvent être considérées comme une expertise, c’est-à-dire qu’il s’est exprimé non pas seulement, comme nous l’appelons en Droit allemand, comme un témoin en connaissance de cause, mais aussi comme un expert. Si le Tribunal désirait accorder une valeur quelconque aux déclarations fournies par le témoin, en tant qu’expert, je demanderais dans ce cas de m’autoriser à désigner un expert de la Défense.
Non, Docteur Stahmer, nous n’entendrons pas plus de trois témoins de part et d’autre. Vous pouviez citer tous les experts qui vous semblaient bons ou un autre membre de la Commission des experts qui a fait l’enquête du côté allemand. Il vous appartenait d’en désigner un.
Monsieur le témoin, depuis quand exercez-vous l’activité scientifique de médecin légiste ?
Je m’occupe depuis le début de l’année 1927 de médecine légale à la faculté de médecine légale de Sofia. J’étais assistant et occupe maintenant la chaire de médecine légale comme professeur. Je ne suis pas professeur titulaire de médecine légale. Ma situation correspond à celle de professeur suppléant en Allemagne.
Est-ce que votre Gouvernement, avant votre visite à Katyn, vous a dit que vous deviez participer à une action politique, et cela sans qu’il soit tenu aucun compte de vos connaissances scientifiques ?
Cela ne m’a pas été déclaré littéralement, mais la presse parlait déjà de la question de Katyn comme d’une question politique.
Vous vous sentiez libre à l’époque dans votre conscience professionnelle ?
A quel moment ?
A l’époque où vous vous êtes rendu à Katyn.
La question ne m’est pas absolument claire, je voudrais que vous l’élucidiez.
Considériez-vous la tâche dont vous étiez chargé comme une tâche scientifique ou comme une tâche politique ?
J’ai considéré cette tâche dès le premier jour comme une tâche politique, et c’est pour cela que je m’efforçais de l’éviter.
Étiez-vous conscient de la signification hautement politique de cette tâche ?
Oui, d’après les données fournies par la presse.
Lors de votre déposition, hier, vous avez dit qu’à votre arrivée à Katyn les fosses avaient déjà été ouvertes et que certains cadavres avaient été mis au jour. Voulez-vous dire par là que ces cadavres ne provenaient pas du tout de ces fosses ?
Non, ce n’est pas ce que je voulais dire et je ne veux pas non plus le dire maintenant, puisque des cadavres étaient retirés des fosses et que d’autres s’y trouvaient encore.
Donc, pour fixer ce point d’une manière positive, vous n’aviez aucun indice établissant que les cadavres examinés par la Commission ne provenaient pas des fosses ?
Il ne savait pas d’où ils provenaient, n’est-ce pas ?
Manifestement des fosses qui avaient été ouvertes.
Vous avez déjà donné des indications sur les résultats de l’expertise médico-légale, en disant que cette Commission internationale avait un rapport sur cette expertise. De plus, vous avez indiqué que ce procès-verbal porte votre signature. Ce procès-verbal, Monsieur le Président, est contenu in extenso dans les documents officiels qui ont été publiés par le Gouvernement allemand à propos de ces événements, et je prie le Tribunal de bien vouloir accepter à titre de preuve ce Livre Blanc que je me propose de verser au dossier tout à l’heure.
Nous suspendons l’audience.
Docteur Stahmer, le Tribunal décide que vous pourrez faire porter votre contre-interrogatoire sur ce rapport. Le procès-verbal sera admis comme preuve si vous voulez le déposer, conformément à l’article 19 du Statut. Naturellement, nous ne prendrons pas acte de ce procès-verbal d’après l’article 21 du Statut, mais il sera déposé d’après l’article 19 du même Statut.
Donc, vous pouvez soit en faire état au cours du contre-interrogatoire, soit dire les parties que vous voulez faire traduire.
Témoin, le rapport a-t-il été signé par vous et les autres experts comme le déclare le Livre Blanc allemand ?
Oui, ce procès-verbal publié dans le Livre Blanc allemand est celui que j’ai rédigé. Longtemps après mon retour à Sofia, deux exemplaires de ce procès-verbal m’ont été envoyés du côté allemand par le directeur Dietz. Ces deux exemplaires étaient écrits à la machine. On me demandait d’y apporter des modifications ou des notes supplémentaires si c’était nécessaire. Mais je l’ai laissé tel qu’il était et il a été publié ainsi sans conclusions.
Monsieur le Président, j’ai l’impression qu’il y a un malentendu. Le témoin donne des renseignements sur son propre rapport, tandis que le Dr Stahmer demande des renseignements sur le rapport commun. Ainsi le témoin ne répond pas à la question qui lui a été posée.
J’avais déjà, sans cela, éclairci la question. Vous parlez de votre propre rapport d’autopsie ?
Je parle de mon rapport que j’ai moi-même rédigé, et non pas du procès-verbal collectif.
Qu’est-ce qui s’est passé avec ce rapport commun ? Quand avez-vous reçu la copie ?
La copie du procès-verbal collectif, je l’ai reçue à Berlin, car on y a signé autant de copies de ce procès-verbal qu’il y avait de membres dans la délégation.
Précédemment, vous avez dit que des témoins russes avaient été présentés à la Commission dans la forêt de Katyn, mais que les experts n’avaient pas eu la possibilité d’entendre les témoins sur la question. Le procès-verbal porte l’observation suivante, et je cite :
« La Commission a entendu personnellement quelques témoins russes qui habitaient sur place et qui confirmèrent entre autres qu’au cours des mois de mars et avril 1940, presque journellement il arrivait par chemin de fer de nombreux transports d’officiers polonais à la gare de Gnjesdova, qui se trouve près de Katyn. On fit débarquer ces gens, on les mit dans des voitures cellulaires et on les transporta dans la forêt de Katyn. Depuis on ne les a jamais revus. Elle prit en outre connaissance des constatations déjà faites et examina les preuves qui avaient été découvertes. »
Comme je l’ai déjà dit, le professeur Orsos a en effet interrogé deux témoins sur les lieux. Ils ont déclaré qu’ils avaient vu arriver des officiers polonais à la gare de Gnjesdova et qu’ils ne les avaient jamais revus.
Le Tribunal pense que le témoin devrait pouvoir voir le compte rendu si vous lui en présentez des parties.
Oui.
En avez-vous un autre exemplaire ?
Malheureusement, je n’en ai plus d’exemplaire, Monsieur le Président.
Le témoin sait-il l’allemand ?
Non, mais je peux comprendre le contenu du procès-verbal.
Vous pouvez le lire ?
Oui, je peux le lire aussi.
Le témoin sait-il lire l’allemand ?
Oui, je sais lire l’allemand.
Monsieur le Président, puis-je faire une proposition ?
Si vous n’avez qu’un seul exemplaire vous feriez mieux de le reprendre. On ne peut pas se passer le livre d’une main à l’autre.
Monsieur le Président, puis-je vous faire une proposition ? On pourrait interrompre le contre-interrogatoire pour un instant et appeler le témoin suivant. Entre temps, j’en ferai faire quelques copies à la machine. Ce serait une solution. Il ne s’agit que de quelques phrases...
Vous pouvez les lire. Reprenez le livre.
Je ne lirai que quelques phrases. (Au témoin.) Vous avez déclaré hier que les experts s’étaient limités à autopsier un cadavre. Or, le rapport dit ceci, et je cite :
« Les membres de la commission ont autopsié neuf cadavres et ont entrepris des examens des cadavres dans de nombreux cas spécialement choisis. » Est-ce exact ?
C’est exact. Les membres de la Commission qui étaient des médecins éprouvés ont, à l’exception du Professeur Naville, fait chacun une autopsie, tandis que Hajek a autopsié deux cadavres.
Il ne s’agit pas ici d’autopsie, mais de l’examen d’un cadavre.
Les cadavres n’ont été examinés que superficiellement à l’occasion d’un examen qui a eu lieu le premier jour. On n’a pas fait l’autopsie de chaque cadavre séparément, mais on les a seulement examinés alors qu’ils se trouvaient les uns à côté des autres.
Je vous demande maintenant ce que l’on entend dans la science médicale par l’expression « examen d’un cadavre ».
Nous distinguons entre une observation extérieure au cours de laquelle le cadavre est déshabillé et est examiné superficiellement et une autopsie au cours de laquelle on examine les organes internes du cadavre. Les centaines de cadavres qui se trouvaient là ne pouvaient pas subir cet examen ; matériellement ce n’était pas possible. Nous ne sommes restés là qu’une matinée et c’est pourquoi je suis d’avis qu’un examen médico-légal, au sens propre du mot, n’a pas eu lieu.
Vous avez parlé précédemment d’une plantation d’arbres qui se serait trouvée sur les fosses communes, et vous avez dit qu’un expert vous en aurait donné l’âge d’après un tronc d’arbre. Le rapport s’exprime ainsi à ce sujet :
« D’après les constatations oculaires de la commission et les déclarations de l’expert que l’on avait désigné, l’inspecteur des forêts von Herz, il s’agit d’arbres qui ont au moins cinq ans. Et qui, se trouvant à l’ombre de grands arbres, étaient mal développés. Ils avaient été plantés à cette place depuis plus de trois ans. »
Je vous demande maintenant s’il est exact que vous ayez fait une enquête sur place et que, rendu sur les lieux, vous vous soyez convaincus du fait que les déclarations de l’expert forestier étaient exactes ?
Nos impressions personnelles et ma conviction personnelle à ce sujet se rapportent uniquement au fait que dans la forêt de Katyn il y avait en fait des clairières avec de petits arbres. Il est vrai qu’un expert, un inspecteur allemand des forêts, nous a montré la section d’un arbre et qu’il a attiré notre attention sur les cercles de croissance. Mais j’estime que je ne suis pas compétent pour vérifier l’exactitude des conclusions qui sont contenues dans le rapport. C’est justement pour cette raison qu’il a fallu appeler un expert en matière forestière puisque des médecins n’étaient pas compétents sur cette question. La conclusion sur l’âge des arbres émane exclusivement d’un expert allemand.
Mais, d’après l’apparence locale, avez-vous douté si les déclarations de l’expert étaient exactes ou non ?
Après que l’expert allemand nous eût donné les conclusions de son observation, personne au cours de la conférence des délégués, ni moi ni les autres délégués, ne nous sommes prononcés sur la question de savoir si la conclusion de cet officier des eaux et forêts était juste ou non. Elle a été inscrite dans le rapport dans la forme même où il l’avait énoncée.
D’après votre rapport d’autopsie, le cadavre de l’officier polonais que vous aviez autopsié était habillé. Vous avez d’ailleurs décrit ces vêtements en détails. S’agissait-il d’un vêtement d’été ou d’une tenue d’hiver ?
C’était une tenue d’hiver avec un manteau d’hiver et une écharpe en laine autour du cou.
Le procès-verbal signale en outre, et je cite :
« De plus, des cigarettes polonaises et des boîtes d’allumettes se trouvaient sur les morts ; quelquefois on a également trouvé des blagues à tabac et des fume-cigarettes portant gravés l’inscription « Kosielsk ».
Je vous demande maintenant si vous avez vu ces objets ?
Nous avons effectivement vu ces boîtes à tabac sur lesquelles était gravé le mot « Kosielsk ». Elles se trouvaient dans une vitrine qui nous avait été montrée dans une maison non loin de la forêt de Katyn. Je m’en souviens parce que Butz avait effectivement attiré notre attention là-dessus.
Témoin, dans votre procès-verbal d’autopsie se trouve l’observation suivante : « Dans les vêtements, on trouve des documents. Ils sont mis dans l’enveloppe n° 827 ».
Je vous demande maintenant comment vous avez découvert ces documents. Les avez-vous vous-même retirés de la poche ?
Ces papiers se trouvaient dans les poches des vareuses et des manteaux. Pour autant que je m’en souvienne, ils étaient sortis par un aide allemand qui déshabillait les cadavres sous mes yeux.
Les documents étaient-ils alors déjà dans cette enveloppe ?
Ils n’étaient pas encore dans une enveloppe. Après les avoir retirés des poches, on les mettait dans une enveloppe portant le numéro du cadavre : on nous a expliqué que c’était la manière normale de procéder.
De quels documents s’agissait-il ?
J’ai indiqué déjà que je ne les ai pas examinés. J’ai refusé de les examiner. D’après le format, il me semble que c’étaient des cartes d’identité. On y voyait des lettres séparées. Je ne puis dire s’il était possible de lire ce qui était écrit, du fait que je n’ai pas essayé de déchiffrer ces papiers.
Dans le procès-verbal se trouve l’indication suivante. Je cite :
« Les documents trouvés sur les corps (lettres, journaux, etc.) étaient datés de l’automne 1939, jusqu’à mars et avril 1940. La date extrême que l’on a pu fixer est celle d’un journal russe du 22 avril 1940. »
Je vous demande maintenant si cette indication est exacte et conforme à vos constatations.
Il y avait effectivement dans les vitrines qu’on nous a montrées des lettres et des journaux semblables. Quelques papiers de ce genre ont été trouvés par certains membres de la délégation qui avaient examiné les cadavres et, si j’ai bonne mémoire, ils ont décrit la teneur de ces papiers, c’est-à-dire qu’ils ont fait ce que moi je n’ai pas fait.
Vous avez précédemment, lors de votre interrogatoire, déclaré que très peu d’indications scientifiques avaient été données dans ce rapport et que c’était sans doute avec intention qu’on s’était abstenu de faire figurer ces indications scientifiques.
Je cite ce passage du rapport :
« Il existe différents degrés et formes de décomposition dus à la façon dont les cadavres sont placés dans la fosse ; A côté de la momification à la surface du cadavre se produit une macération humide dans la partie moyenne de la masse. L’agglutination des corps par le liquide cadavérique épais et, en particulier, les déformations dues à la compression indiquent clairement la position primitive.
« On ne trouve sur les cadavres aucune trace d’insectes pouvant provenir du moment de l’enfouissement. On peut donc en conclure que les exécutions et l’enfouissement ont dû se produire au cours d’une saison froide, exempte d’insectes. »
Ces indications sont-elles exactes et conformes aux constatations que vous avez faites ?
J’ai déjà dit qu’on a peu parlé de l’état des cadavres dans ce rapport. Effectivement, comme on peut le constater d’après la citation que l’on vient de lire, on ne parle ici que d’une façon générale de l’état de la décomposition des cadavres, aucune description détaillée et concrète n’est donnée.
En ce qui concerne la question des insectes et de leurs larves, la mention de leur absence sur les cadavres que fait le rapport collectif est en contradiction absolue avec les constatations que le Professeur Palmieri a indiquées dans le rapport qu’il a rédigé à la suite d’une autopsie qu’il avait lui-même pratiquée. Dans ce rapport, qui figure dans le même Livre Blanc allemand, on signale que des résidus d’insectes et de larves ont été trouvés dans la bouche des cadavres.
Vous avez précédemment parlé des examens scientifiques que le Professeur Orsos aurait faits sur des crânes. Dans le compte rendu, on s’exprime ainsi à ce sujet. Je cite :
« Un grand nombre de crânes ont été examinés au point de vue des modifications, ce qui, d’après les expériences du Pr Orsos, est d’une grande importance pour fixer la date de la mort.
« Il s’agit ici d’une incrustation calcaire par couches à la partie supérieure de la bouillie cérébrale à consistance argileuse et homogène. On ne remarque pas ce phénomène sur les cadavres qui sont enterrés depuis moins de trois ans. Un exemple très marqué de ce phénomène a été donné par le crâne du cadavre n° 526 qui était inhumé à la partie supérieure d’une grande fosse commune. »
Je vous demande s’il est exact qu’on a constaté ce phénomène, non seulement dans le crâne d’un cadavre, comme on le dit ici, mais également sur d’autres cadavres, comme le rapporte le Professeur Orsos ?
A cette question, je réponds d’une façon catégorique qu’on ne nous a montré qu’un seul crâne, celui dont il est question dans le procès-verbal ; crâne n° 526. Je n’ai pas entendu dire que l’on ait procédé à l’examen de plusieurs crânes, comme on le dit dans le procès-verbal. J’estime que le Professeur Orsos n’avait pas la possibilité de procéder à l’autopsie d’un grand nombre de cadavres, du fait qu’il est arrivé et parti avec nous, c’est-à-dire qu’il est resté dans la forêt de Katyn autant de temps que moi et que tous les autres membres de la commission.
Je cite enfin la conclusion dans laquelle on dit :
« Il se dégage des déclarations des témoins, des lettres, des agendas et des journaux qu’on a trouvés sur les cadavres, que les exécutions ont eu lieu au cours des mois de mars et avril 1940. »
« Les découvertes faites auprès des fosses et sur les cadavres isolés des officiers polonais sont concordantes sur ce point. »
Je vous demande si cette constatation est exacte en fait ?
« Les découvertes faites auprès des fosses et sur les cadavres isolés des officiers polonais sont concordantes sur ce point. » C’est la conclusion du procès-verbal.
Un instant. Il n’est pas dit que les personnes soussignées sont en plein accord, mais seulement que les faits suivants sont en plein accord. C’est exact ?
Non, c’est pourquoi je pose la question : « Est-ce que vous approuvez cette constatation ? »
Je sais, mais vous avez lu un certain passage ainsi rédigé : « ...les suivants sont en plein accord... » Je veux savoir s’il s’agit de personnes ou de faits.
Il s’agit ici de faits déterminés que l’on aurait constatés d’un rapport d’experts signé par l’ensemble des membres de la commission. Il s’agit donc d’un exposé scientifique avec une constatation des faits.
Voulez-vous écouter ce que je vais lire dans mes notes :
« Il se dégage des déclarations des témoins, des lettres, des agendas, des journaux qu’on a trouvés sur les cadavres, que les exécutions ont eu lieu au cours des mois de mars et avril 1940. Les soussignés sont en complet accord. »
Je vous demande donc... (Le Dr Stahmer essaye d’interrompre.)
Un instant encore, Docteur Stahmer. Je vous demande si cette déclaration signifie que les personnes soussignées sont d’accord, ou que les faits suivants concordent absolument ?
Non, non, les personnes soussignées déclarent que ces faits, c’est-à-dire que les exécutions ont eu lieu dans les mois de mars et avril 1940, sont en accord avec les constatations qu’elles ont faites et avec les découvertes des fosses communes des cadavres des officiers polonais. Voilà ce que cela signifie. C’est la conclusion. Les constatations de fait sont en accord avec ce qui a été constaté scientifiquement. Voilà ce que cela doit signifier.
Continuez.
Est-ce que cette conclusion est conforme à vos convictions scientifiques ?
J’ai déjà dit que cette opinion sur l’état des cadavres est fondée sur une date qui ressort des déclarations des témoins et des documents qui nous ont été présentés, mais qui est en contradiction complète avec ce que j’ai constaté moi-même sur les cadavres que j’ai autopsiés. J’estimais donc que les découvertes faites lors des autopsies ne confirmaient pas en fait la date de la mort présumée qui nous avait été donnée par les déclarations des témoins ou les documents.
Si j’avais eu la conviction que l’état des corps correspondait à l’époque indiquée par les Allemands comme l’époque de la mort, j’aurais donné également une conclusion à mon procès-verbal individuel. J’ai toujours douté, après avoir eu entre les mains le procès-verbal signé, que la dernière phrase, qui vient juste avant la signature, figurât dans le projet de procès-verbal que nous avions vu au cours de la conférence à Smolensk ; d’après ce que j’ai compris, on confirmait uniquement dans ce projet de procès-verbal élaboré à Smolensk qu’on nous avait effectivement montré des papiers et que nous avions entendu des témoins ; cela devait prouver que l’extermination avait bel et bien eu lieu en mars et avril 1940. J’estimais que cette conclusion n’était pas basée sur des données médico-légales, qu’elle n’était pas confirmée exactement par ces données médico-légales et que cela était la raison pour laquelle ce procès-verbal n’avait pas été signé à Smolensk.
Témoin, au début de mon interrogatoire, vous avez déclaré que vous vous étiez parfaitement rendu compte de la portée politique de votre tâche. Pourquoi alors avez-vous omis d’élever des objections contre ce procès-verbal puisqu’il était contraire à vos convictions scientifiques ?
J’ai déjà dit que j’ai signé ce procès-verbal parce que j’étais convaincu qu’il n’y avait pas d’autre possibilité, étant donné les circonstances sur cet aérodrome militaire isolé : je ne pouvais en effet soulever aucune objection.
Mais pourquoi, plus tard, avez-vous omis d’entreprendre une quelconque démarche ?
Ma conduite après la signature du procès-verbal répond exactement à ce que j’ai déjà déclaré ici, c’est-à-dire que je n’ai effectivement jamais été convaincu que la version allemande fût correcte. J’ai, à maintes reprises, été prié par le Dr Dietz à Berlin, par la légation allemande à Sofia, par le ministère des Affaires étrangères bulgare, de dire publiquement, à la radio ou dans les journaux ce que nous avions constaté au cours de nos recherches. Cependant, je ne l’ai pas fait, et j’ai toujours refusé de le faire ; étant donné la situation politique où nous nous trouvions à l’époque, il était impossible de faire une déclaration publique proclamant que l’assertion allemande était fausse. A ce sujet, j’ai eu de véhémentes discussions avec la légation allemande à Sofia. Et lorsqu’on estima nécessaire, quelques mois plus tard, d’envoyer à nouveau un délégué bulgare siéger dans une commission semblable — il s’agissait, en l’occurrence, de l’examen de cadavres découverts à Vinnitza en Ukraine — on déclara textuellement du côté allemand, et c’était le ministre allemand Beckerle qui s’adressait en personne au ministre des Affaires étrangères bulgare, que les Allemands ne désiraient pas que je fusse envoyé comme délégué à Vinnitza. Cela indique que, du côté allemand, on avait parfaitement compris et saisi mon opinion et mon attitude à ce sujet. A propos de cette question, je voudrais dire que notre ministère des Affaires étrangères, en la personne du ministre plénipotentiaire Saratov, possède des procès-verbaux sténographiques sur ces conversations qui, si le Tribunal l’estime indispensable, peuvent être demandés à la Bulgarie.
Par conséquent, mon refus, après avoir signé ce procès-verbal, d’exercer une activité quelconque destinée à la propagande, correspond entièrement à ce que j’ai dit, c’est-à-dire au fait que la conclusion du procès-verbal collectif ne correspond pas à ma conviction personnelle. Je répète donc que, si j’avais eu cette conviction que les cadavres se trouvaient enterrés depuis trois ans, j’aurais donné une conclusion au moment de procéder à l’autopsie des cadavres. Mais j’ai laissé mon rapport inachevé, ce qui est absolument extraordinaire pour un examen médico-légal.
Le procès-verbal n’est pas signé par vous seul ; il porte les signatures de onze savants, dont les noms ont été désignés hier et dont quelques-uns ont une réputation mondiale ; parmi ces gens se trouvait un savant neutre, le Professeur Naville.
Avez-vous saisi l’occasion, entre temps, de vous mettre en rapport avec l’un des experts pour pouvoir arriver à une rectification du procès-verbal ?
J’ignore la raison pour laquelle les autres délégués ont signé le rapport, mais ils l’ont signé dans les mêmes circonstances que moi. Cependant, lorsque j’ai lu leurs procès-verbaux individuels, j’ai vu qu’ils omettaient aussi de donner la date à laquelle avait été tués les gens dont ils avaient examiné les cadavres. Il n’y a eu qu’une seule exception, comme je l’ai déjà dit ; le Professeur Miloslavitch, qui a été le seul à affirmer que le cadavre dont il avait fait l’autopsie avait séjourné plus de trois ans en terre. Après la signature du procès-verbal, je ne me suis pas trouvé en contact avec les autres personnes qui avaient signé ce procès-verbal collectif.
Témoin, vous avez donné deux explications : l’une dans le procès-verbal, dont nous venons de parler, l’autre ici, devant le Tribunal. Quelle est celle qui est exacte ?
Je ne vois pas bien de quelles explications vous voulez parler ; je vous prierai de préciser.
Dans votre première explication du procès-verbal, vous dites que selon les conclusions faites à l’époque les exécutions ont eu lieu trois ans auparavant. Aujourd’hui, vous déclarez que cette constatation est inexacte et que, entre l’exécution et votre expertise, il ne s’est écoulé qu’une durée d’environ un an et demi.
J’ai dit que la conclusion du procès-verbal collectif ne correspondait pas à ma conviction.
Est-ce qu’elle ne « correspond » pas ou qu’elle ne « correspondait » pas à votre conviction ?
Elle ne correspondait pas, à l’époque où elle a été faite, et elle ne correspond pas plus aujourd’hui.
Je n’ai plus d’autres questions à poser.
Monsieur le Président, je n’ai plus d’autres questions à poser à ce témoin.
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qui aurait soi-disant été joint à la lettre adressée à Lammers ne porte même pas mon paraphe. Mais il y a quelque chose de plus curieux, c’est la note qu’on trouve sur cette photocopie et en certifie l’exactitude. Cette annotation ne pouvait avoir de sens que si je n’avais pas signé le rapport annexé à la lettre à Lammers et si ce rapport avait été annexé à la lettre sans ma signature. Étant donné que la note que j’ai fait transmettre a certainement été signée par mes soins, cette annotation montre que la lettre que j’ai adressée à Lammers n’était pas accompagnée d’un rapport signé de moi, mais qu’il y avait là un autre rapport qui avait été joint soit par Frank, soit par des fonctionnaires de son cabinet. En ce qui concerne le rapport de Frank, le texte de la photocopie présenté ici n’est pas, pour autant que je m’en souvienne, identique avec le texte du projet que j’ai accepté et que j’ai ensuite transmis à Lammers en même temps que mon rapport car...
Nous avons déjà entendu plus d’une fois ces explications. Je pense que les annexes jointes à la lettre n’étaient pas les mêmes que celles qu’il avait lui-même élaborées. Point n’est besoin de le répéter pour nous convaincre.
Je voulais simplement le faire expliquer encore une fois ; mais si le Tribunal estime que cette explication a été donnée d’une façon suffisante, je pense qu’on peut s’en tenir là.
Monsieur le Président, je vous prie de me permettre de faire encore une déclaration sur la façon dont je suppose, car ce n’est qu’une hypothèse, que les choses se sont passées. Je suis fermement convaincu que si, effectivement, les deux rapports présentés ici sous forme de photocopies ont été joints à la lettre de Lammers, ils ont été établis dans les services de Frank et que c’est dans ces services qu’ils ont été joints à mon insu. Il y aurait naturellement une autre possibilité...
Nous sommes, tout aussi bien que vous, à même d’imaginer ce qui aurait pu se produire. En tout cas, il est certain que cette lettre était signée de son nom. La lettre était signée, n’est-ce pas ?
Oui.
Elle fait expressément mention des pièces jointes ?
Oui.
Bien, nous avons compris.
C’est cela qu’il importait d’éclaircir pour le Tribunal car je ne pouvais pas connaître, comme je l’ai dit, les caractéristiques spéciales de ces deux documents quant à
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« Réponse
En principe général, les sous-marins américains ne sauvaient pas les survivants ennemis si l’opération comportait un « danger supplémentaire sur lequel on ne comptait pas, ou si le sous-marin, par là même, était empêché d’accomplir ses missions futures. Les sous-marins américains étaient limités dans leurs mesures de sauvetage par l’étroitesse de l’espace réservé aux passagers et par le caractère désespéré et enclin au suicide qui était notoire chez l’ennemi. Par conséquent, il était dangereux de recueillir beaucoup de survivants. Fréquemment, on donnait aux survivants des bateaux en caoutchouc et des provisions. Presque invariablement « les survivants ne venaient pas volontairement à bord du sous-marin et il était nécessaire de les capturer de force.
« Question
Si un tel ordre ou un tel usage n’existait pas, les sous-marins américains effectuaient-ils alors des mesures de sauvetage dans les cas mentionnés ci-dessus ?
« Réponse
Dans beaucoup de cas, des survivants ennemis ont été sauvés par les sous-marins américains.
« Question
En répondant à la question ci-dessus, l’expression « vaisseaux marchands » signifie-t-elle tous les bateaux qui n’étaient pas bateaux de guerre ?
« Réponse
Non. Par « vaisseaux marchands » j’entends tous les « types de bateaux qui n’étaient pas des bateaux de guerre. Cela comprend, dans ce sens, les bateaux de pêche, etc.
« Question
Dans l’affirmative, quelle sorte de bateaux ?
« Réponse
Ma dernière déclaration répond à cette question.
« Question
Un ordre quelconque des autorités navales américaines, mentionné dans le questionnaire ci-dessus et concernant la tactique des sous-marins américains contre les navires marchands japonais a-t-il été basé sur des mesures de représailles ? Quels ordres, dans l’affirmative ?
« Réponse
La guerre sous-marine et aérienne sans restriction, « ordonnée le 7 décembre 1941, fut la conséquence des tactiques japonaises qui s’étaient révélées à cette date. Aucun ordre donné aux sous-marins américains sur la tactique à observer à l’égard des navires marchands japonais n’a, pendant toute la guerre, été basé sur des motifs de représailles, bien que des exemples précis d’atrocités commises par des sous-marins japonais contre les survivants de navires marchands américains eussent pu justifier une telle méthode.
« Question
Cet ordre ou ces ordres ont-ils été annoncés au Gouvernement japonais comme mesures de représailles ?
« Réponse
Cette question n’est pas claire. C’est pourquoi je n’y réponds pas.
« Question
Sur la base de quelle tactique japonaise les mesures de représailles étaient-elles considérées comme justifiées ?
« Réponse
Les ordres sur la guerre aérienne et sous-marine sans restriction, prescrits par le chef des opérations navales le 7 décembre 1941, étaient justifiés par les attaques japonaises commises à cette date contre les bases des États-Unis ainsi que sur des navires armés ou désarmés et sur nos nationaux, sans déclaration de guerre et sans avertissement.
« La copie ci-dessus de mon témoignage a été relue par mes soins ce jour. Elle est en tous points exacte et vraie. Signé : Chester W. Nimitz, Grand-Amiral de la Flotte des États-Unis. »
Ce document porte le numéro Dônitz-100.
Comme document suivant, je voudrais soumettre un avis d’expert donné par l’ancien juge de la Marine, Jäckel, sur les décisions rendues par les tribunaux maritimes pour la protection des populations indigènes quand elles étaient attaquées par des marins. Ce document a été admis par le Tribunal et traduit. C’est pourquoi il est inutile que je le lise.
Voulez-vous nous en donner le numéro ?
Dönitz-49, Monsieur le Président. Monsieur le Président, il y a quelques semaines, j’ai fait une requête aux fins d’admission des extraits des procès-verbaux d’un procès de criminels de guerre à Oslo. Ces procès-verbaux ont été utilisés par le Ministère Public à l’occasion du contre-interrogatoire de l’amiral Dönitz. A cette époque, ils n’avaient pas reçu de numéro. J’ai fait, de ces procès-verbaux, quelques extraits qui tendent à prouver que le torpilleur n° 345, dont l’équipage fut fusillé sur la base de l’ordre des commandos, exécutait une mission de sabotage ; que le Haut Commandement de la Marine et, de ce fait, l’amiral Dönitz, n’ont eu aucune connaissance du traitement infligé à ces prisonniers et que, d’autre part, cette question fut traitée et réglée directement par des entretiens entre le Gauleiter Terboven et le Grand Quartier Général du Führer. Je demande donc au Haut Tribunal d’admettre ce document comme preuve, puisqu’il a été utilisé par le Ministère Public. Il recevrait le numéro Dônitz-107.
Votre Honneur, je ne sais pas si le Tribunal a eu entre les mains la réponse que le Ministère Public a faite à cette requête.
Oui, nous venons de la voir à l’instant.
En quelques mots, elle revient à ceci : nous sommes tout disposés à admettre le dépôt des débats entiers, mais nous nous refusons au dépôt de simples extraits. Et je pense, parmi tous ces affidavits et tout cet arsenal, à des preuves susceptibles d’étayer les thèses que soutient l’avocat de l’accusé Dönitz. Mais il y a, d’autre part, une masse de preuves contraires. C’est pourquoi, Votre Honneur...
Pourrait-on éviter la traduction si vous déposiez les passages de ce document sur lesquels vous vous basez ?
Si c’est plus pratique, Monsieur le Président, nous pouvons le faire.
Je ne connais pas la longueur de ce document. Il est peut-être très long réellement.
Les débats entiers sont très longs. Le Procès a duré quatre jours.
Il serait alors désirable que vous préleviez les parties sur lesquelles vous vous basez ; le Dr Kranzbùhler pourra les déposer...
Monsieur le Président, notre réponse signale que le document qui témoigne contre l’accusé est un affidavit du magistrat militaire qui analyse l’effet des moyens de preuve acceptés par le Tribunal.
Le Tribunal le comprend mais pense qu’il serait désirable que vous déposiez, ainsi que la Défense, les passages sur lesquels vous vous appuyez.
Puis-je soumettre le document, Monsieur le Président ?
Quel est son numéro ?
Dönitz-107, Monsieur le Président.
Et il contient des extraits de ces débats, n’est-ce pas ?
Oui, des extraits.
Le Ministère Public déposera ses extraits et nous délibérerons sur l’ensemble.
Monsieur le Président, j’ai encore une question qui se rapporte à des documents concernant l’affaire de Katyn dont on vient de parler. Le témoin, professeur Markov, a mentionné l’opinion du professeur italien Palmieri qui figure dans le Libre Blanc allemand ; je voudrais déposer l’opinion de ce dernier comme preuve, pour la raison que le professeur Palmieri ne parle pas d’insectes trouvés sur les cadavres, comme le professeur Markov le prétend, mais de larves. La différence me semble résulter du fait que les insectes volent en été, tandis que les larves se cachent en hiver. Monsieur le Président, puis-je soumettre ce document ?
Monsieur le Président, je voudrais seulement établir un fait : dans le procès-verbal du professeur Palmieri, on indique que les larves se trouvaient dans le cou des cadavres. Je ne peux pas m’imaginer qu’il y ait des insectes dans le cou d’un cadavre. C’est pourquoi je ne pense pas qu’il soit opportun de présenter ce document.
Docteur Kranzbühler, vous faites allusion à un document particulier mentionné dans le Livre Blanc ? Est-ce exact ?
Oui, Monsieur le Président.
Et vous parlez de ce document entier ?
Ce document est long d’une page environ, Monsieur le Président.
Alors vous pouvez le déposer s’il est traduit.
Très bien, Monsieur le Président.
Monsieur le Président, il s’agit d’un document qui est un procès-verbal de l’autopsie d’un cadavre, pratiquée par le professeur Palmieri. Ce n’est pas un rapport, mais le procès-verbal d’une autopsie pratiquée personnellement par le professeur Palmieri.
Figure-t-il dans le rapport final ?
Il a servi de base pour le rapport final au même titre que le procès-verbal du professeur Markov. C’est le rapport de l’autopsie à laquelle le professeur Palmieri s’est livré.
Très bien.
Monsieur le Président, j’ai un autre document que je désirerais produire dans l’affaire de Katyn ; je l’ai reçu d’une source polonaise il y a quelques jours. C’est un document établi en anglais, qui a été publié à Londres en 1946. Le titre est : « Rapport sur le massacre des officiers polonais dans la forêt de Katyn ». Des sources polonaises sont utilisées dans ce document, et je voudrais le soumettre au Tribunal comme preuve. Cependant, avant de déposer ces moyens de preuve, je voudrais demander au Tribunal d’examiner ce document, parce qu’il pourrait y avoir des doutes sur le point de savoir s’il peut être utilisé présentement comme preuve.
Docteur Kranzbühler, ce document n’est imprimé que pour le commerce privé. Le nom de l’imprimeur n’y figure pas et il est entièrement anonyme.
Oui, Monsieur le Président, j’avais les mêmes doutes. J’ai cependant soumis ce document en raison de l’importance de cette affaire, en pensant que le Tribunal, néanmoins, désirerait prendre acte de son contenu.
Non, le Tribunal pense qu’il n’est pas indiqué de prendre connaissance d’un document de cette nature.
Monsieur le Président, je ne voudrais faire qu’une remarque, car le Tribunal a déjà pris sa décision. Je suis fort étonné que cet avocat déclare avoir reçu ce document de la Délégation polonaise. Je voudrais savoir de quelle Délégation polonaise il a reçu ce document, parce que la Délégation polonaise qui est représentée ici ne pourrait en aucun cas avoir déposé une brochure de propagande fasciste telle que celle-ci.
Je crois que le général Rudenko a mal compris ce que le Dr Kranzbühler a dit.
Monsieur le Président, quatre questionnaires m’avaient été accordés encore en faveur de l’accusé Funk. Quand j’ai présenté les preuves de mon client, je n’ai pu les soumettre parce qu’ils n’avaient pas été traduits. Entre temps, j’ai reçu ces traductions, qui ont été soumises au Tribunal. Je vous demande de me permettre de les exposer rapidement.
L’un de ces affidavits, dans le livre de documents Walter Funk, supplément n° 2, reçoit le numéro 16. C’est un interrogatoire assez étendu du témoin Landfried, qui se trouvait dans le ministère de l’accusé Funk en qualité de secrétaire d’État. Je ne crois pas que j’aie besoin de lire ce procès-verbal en détail, mais la première question traite de la politique économique pratiquée par Funk dans les territoires occupés. Il la décrit exactement de la même manière que l’a décrite Funk. Dans la deuxième question, il traite des directives données par l’accusé Funk aux commandants militaires et aux Commissaires du Reich dans les pays occupés. Puis, dans la question n° 4, le témoin parle de la question du pillage des pays occupés. Il confirme que l’accusé Funk s’est toujours opposé au pillage, qu’il a combattu le marché noir, qu’il s’est opposé à la dévaluation de la monnaie et qu’il a essayé de la maintenir à un même niveau. Dans sa réponse à la phrase 5, le témoin décrit en détail comment l’accusé Funk s’est efforcé d’éviter des charges financières trop lourdes aux territoires occupés et de diminuer, en particulier, le plus possible les frais d’occupation. En répondant à d’autres questions, en particulier à la question 11, le témoin explique les activités de l’accusé Funk au ministère de l’Économie, en particulier en ce qui touche les préparatifs allemands en cas de guerre. Puis, en réponse à la question 12, le témoin examine la position du Délégué général à l’Économie et conclut qu’en pratique sa fonction n’existait que sur le papier.
Cependant, je ne désire pas lire ces données détaillées pour ne pas abuser de votre temps, parce que, dans l’ensemble, elles ne font que répéter des explications que vous avez déjà entendues. Dans les deux dernières questions, 14 et 15, le témoin Landfried qui, comme je l’ai déjà dit, a pendant des années été l’adjoint de l’accusé, décrit l’attitude de l’accusé vis-à-vis du terrorisme et vis-à-vis de l’utilisation des travailleurs étrangers ou autres.
Monsieur le Président, je demande que le Tribunal prenne connaissance de ce témoignage détaillé et qu’il se contente des quelques extraits que je viens de citer rapidement.
Le questionnaire suivant émane du témoin Emil Puhl. C’est le même témoin qui a été interrogé dans cette salle d’audience sur d’autres questions, telle que celle des dents en or. C’est l’interrogatoire et les réponses du témoin Emil Puhl, livre de documents Funk, supplément n° 3, document Funk-17.
Docteur Sauter, ce questionnaire a-t-il été autorisé ?
Oui, Monsieur le Président.
Il a déposé ici. Nous n’accordons généralement pas de questionnaires aux témoins qui ont déposé dans cette salle.
Monsieur le Président, la question était celle-ci : en décembre déjà, j’avais demandé que ce questionnaire me fût accordé, et à des reprises différentes je l’ai demandé ; mais il n’est pas arrivé. Et pendant deux jours de contre-interrogatoire, ce témoin Emil Puhl a été interrogé par le Ministère Public sur des sujets entièrement différents, tels l’affaire des dents en or et le dépôt d’or des SS. Cet interrogatoire du Ministère Public n’a pas porté sur ce questionnaire qui, je crois, m’avait été accordé en février.
Docteur Sauter, voici ce que je veux dire : en supposant que le Tribunal soit prié d’accorder un questionnaire et qu’il l’accorde et qu’ensuite le témoin soit ultérieurement cité pour déposer, ce dernier doit, à ce moment, être interrogé sur toutes les questions qui touchent aux débats. Le Tribunal ne veut pas avoir à lire ce témoignage d’un côté et ce questionnaire de l’autre.
Avez-vous une objection, Monsieur Dodd, à accepter ce questionnaire ?
Je n’ai pas d’objection, Monsieur le Président. Voici quelle est la situation : il a été accordé avant que Puhl ne soit cité. Celui-ci a comparu ici pour un contre-interrogatoire et je ne me rappelle pas si la Défense s’est enquise des questions contenues dans ce questionnaire. En tout cas, nous n’avons pas d’objections. C’est peut-être pour le Tribunal un ennui que nous regrettons.
Monsieur le Président, au cours de son interrogatoire dans un camp français, on a présenté également au témoin Puhl les questions du contre-interrogatoire, auxquelles il a répondu. Il n’a donc pas seulement été entendu sur ce que je voulais démontrer, mais aussi sur les questions du contre-interrogatoire du Ministère Public. Je soumettrai donc ce document, cet interrogatoire rempli par Emil Puhl, livre de documents n° 3, supplément n° 3, sous le numéro 17.
Ce témoin Puhl, qui était vice-président de la Reichsbank, traite seulement dans ce questionnaire de questions entièrement différentes de celles qui ont été traitées ici. Il parle des préparatifs du président de la Reichsbank, Funk, pour le cas de guerre. La question 1 parle du traitement des dettes de clearing. Puis, dans le second point, il s’occupe de la revalorisation de la monnaie danoise...
Je pense que le Tribunal ne croit pas nécessaire que vous lisiez ce questionnaire, mais il vous autorise à le déposer.
Je vous remercie, Monsieur le Président ; je voulais brièvement tracer son contenu.
Je voudrais aussi déposer un autre témoignage qui a déjà été accordé par le Tribunal. C’est le témoignage de Heinz Kallus, que vous trouverez dans le livre de documents de Walter Funk, supplément n° 4, et qui portera le numéro Funk-18. Je voudrais remettre ce témoignage au Secrétaire général et vous demander, afin d’éviter une perte de temps, d’en prendre connaissance.
Comme quatrième et dernier document, je voudrais soumettre un affidavit déposé par M. Messersmith, un supplément à une déclaration qu’il a déjà faite et qui a déjà été soumise au Tribunal. Il est très bref ; en fait, il n’y a qu’une phrase. Vous la trouverez dans le livre de documents Walter Funk, supplément n° 5 ; elle porte le numéro 19. Je voudrais donc déposer ce document. Et j’en suis maintenant arrivé à la fin de mes explications, Monsieur le Président. Je vous remercie.
Monsieur le Président, je voudrais déposer devant le Tribunal le témoignage du Dr Beil. Jusqu’à maintenant, je l’ai reçu en anglais seulement. Je l’ai demandé au service de traduction afin de pouvoir le déposer sous le numéro 50. Cet interrogatoire contient d’importantes questions traitant de l’attitude prise par le ministère de l’Est dans le recrutement de la main-d’œuvre et il est d’une telle importance que je demande la permission au Tribunal de le lire ou de le faire lire. Comme je ne possède pas suffisamment la langue anglaise, je désirerais demander à un interprète de lire ce questionnaire.
Docteur Thoma, avez-vous sollicité l’admission de ce document ? Ce questionnaire a-t-il été accordé par le Tribunal ?
Oui, il a été autorisé par le Tribunal.
Est-il nécessaire de le lire ? Ne pouvez-vous le déposer comme preuve ? Le Tribunal l’examinera alors.
Je le laisserai à l’appréciation du Tribunal. Je voulais seulement faire remarquer qu’il s’agit d’un témoignage très important qui est décisif quant à la question de la main-d’œuvre au ministère de l’Est. Cependant, je m’en remets à la décision du Tribunal.
Pouvez-vous le résumer ?
Monsieur le Président, je n’ai qu’un exemplaire anglais et je ne veux pas essayer d’en faire quoi que ce soit. Mais il n’y a que deux pages et je pense que l’interprète les lirait en un rien de temps.
Alors, faites-les lire par l’interprète.
« Copie du document RO-50.
« Questionnaire rempli par le Ministerialrat, Dr Beil, pour Rosenberg.
« Ayant dûment prêté serment, le témoin déclare :
« Question
Étiez-vous en permanence chargé au ministère de l’Est des questions de main-d’œuvre et de politique sociale ?
« Réponse
Oui, j’étais l’un des dix fonctionnaires permanents. Nous avons débuté à l’origine au nombre de 52, mais avec le recul sur le front de l’Est, ce nombre a été finalement réduit à dix. J’étais, du point de vue administratif, chargé de la main-d’œuvre et de la politique sociale. A la tête de ce service, se trouvait le Landesbauernführer Peuckert.
« Question
Le ministère de l’Est était-il favorable au recrute-« ment volontaire des travailleurs dans l’Est ?
« Réponse
Oui, au recrutement volontaire seulement. Mes « instructions tendaient à un recrutement sur cette base.
« Question
Les résultats vous en sont-ils connus ?
« Réponse
Oui, mais les résultats n’ont pas atteint ce qu’on attendait : nous n’avons eu que 300.000 à 400.000 volontaires d’Ukraine, de Lituanie et d’Estonie.
« Question
N’y a-t-il pas eu des négociations pour diminuer les chiffres des contingents ordonnés par le GBA ?
« Réponse
Oui, des négociations ont eu lieu sur la diminution des contingents, mais elles ont échoué en raison des exigences de Sauckel qui demandait le transfert à l’intérieur de 1.000.000 de travailleurs environ.
« Question
Qui était responsable du traitement et du contrôle des travailleurs de l’Est dans le Reich ?
« Réponse
Le Front du Travail et les services du ravitaillement étaient responsables du traitement des travailleurs de l’Est, le premier pour les ouvriers travaillant dans les usines de munitions et dans l’industrie lourde, et les derniers pour les travailleurs agricoles.
« Question
Quel était le point de vue du service ASO... »
C’était, si je puis interrompre, le service principal de la politique du travail et de la politique sociale du ministère de l’Est.
« Question
Quel était le point de vue du service ASO sur le traitement des travailleurs de l’Est dans le Reich ?
« Réponse
Mon service ASO était d’avis que le recrutement volontaire des travailleurs sur la base de la liberté de mouvement et le fait de les retirer des usines entourées de barbelés seraient & la meilleure méthode de traitement. Nous prônions aussi le retrait des insignes portés d’abord sous la forme de brassards et, plus tard, sur le côté gauche de la poitrine, qui portaient le mot « Est » pour les distinguer des travailleurs de l’Ouest qui ne les ont à aucun moment portés. Cette inscription a mentionné plus tard : « Grande Russie », « Russie blanche » et « Ukraine ». Les gens « des États Baltes n’ont jamais porté de brassard. Certains Russes, de petits groupes de Cosaques, des Tartares et un ou deux autres groupes n’étaient pas obligés de porter ce brassard parce qu’ils étaient anti-bolchevistes et prie-allemands. Une certaine proportion d’entre eux furent finalement enrôlés dans l’Armée allemande. Quelque 7.000 jeunes Ruthéniens furent appelés par l’ASO et mis en apprentissage dans les usines Junkers.
« Question
L’Office central pour les peuples de l’Est au ministère de l’Est vous est-il connu ? Comment était-il organisé ?
« Réponse
Oui, il était considéré comme un consulat pour l’Est ; les membres du personnel étaient en partie des Allemands « et en partie des employés indigènes de l’Est qui étaient considérés comme aptes à un tel emploi. Quelques-uns de ces employés étrangers ont été placés à la disposition des bureaux des pays pour veiller aux intérêts de leurs compatriotes qui travaillaient dans ces régions. On a institué à l’Office central des bureaux pour chacun des États de l’Est. Chaque bureau était dirigé par un Allemand ; quelques-uns de ceux-ci étaient originaires de ces États. Il existait aussi un service d’assistance sociale qui était dirige par des gens de ces États de l’Est qui devaient veiller au confort de leurs propres compatriotes ; il y avait également des secours religieux qui étaient dirigés par un prêtre de ces pays, mais cette assistance ne réussit pas très bien car elle manquait de prêtres.
« Question
Les plaintes étaient-elles prises en considération « avec l’assistance de la DAF ?
« Réponse
On s’est toujours préoccupé des intérêts des travailleurs étrangers ; des missions ont été envoyées dans les lieux où étaient rassemblés les travailleurs de l’Est pour constater les progrès qu’ils faisaient et quel traitement ils recevaient. Ces missions s’occupaient des plaintes qui leur étaient soumises pendant leurs visites mais l’Office central avait également à traiter des plaintes écrites qu’il recevait par la poste.
« Question
Est-ce que vous connaissez une brochure qui ordonnait un traitement convenable et qui était adressée aux autorités du pays ? En savez-vous des détails ? Connaissez-vous l’affaire des familles évacuées par le groupe d’armées du Centre « et aussi la question des jeunes de dix à quatorze ans ?
« Réponse
Oui, il y avait une circulaire qui traitait de ces questions. Elle contenait des détails sur le traitement équitable des travailleurs de l’Est. Cette circulaire a été publiée par Sauckel à la demande du ministère de l’Est. Rosenberg publia une deuxième « circulaire qui s’occupait du traitement équitable des travailleurs de l’Est seulement. Je ne connais pas les autres affaires car c’est « le groupe d’armées du Centre qui s’en est occupé.
« Question
Le témoin connaît-il la brochure adressée par le ministère de l’Est aux entrepreneurs, qui traitait des peuples de « l’Europe orientale et de l’attitude vis-à-vis de ces peuples ? »
Docteur Thoma, cet affidavit ne me semble pas être court. Il paraît, dans son ensemble, faire double emploi. Nous avons entendu déjà tout cela, et pas une seule fois mais à plusieurs reprises.
Il y a encore deux petites phrases.
« Réponse
Deux brochures ont été publiées, l’une par Sauckel et l’autre par la DAF en collaboration avec « Sauckel et le ministère de l’Est.
« Question
Le témoin a-t-il un exemplaire de ces brochures ?
« Réponse
Je n’en ai aucun exemplaire.
« Signé : Beil. »
Docteur Thoma, le Tribunal accorde, comme vous le savez, sa confiance aux avocats de la Défense. Si vous nous dites que c’est un affidavit important, nous le croyons. Mais le Tribunal a l’impression que la lecture de cet affidavit a constitué une perte de temps absolue pour lui.
Je voudrais faire une autre demande au Tribunal. J’ai demandé qu’il me soit accordé un questionnaire pour le Reichshauptstellenleiter Dr Oeppert, du service du délégué du Führer pour la surveillance des relations spirituelles et idéologiques du Parti, le service de Rosenberg. Cet affidavit ne m’a pas été accordé, mais je l’ai entre les mains.
Le Ministère Public l’a-t-il vu ?
Non, Monsieur le Président, je ne le pense pas. J’ai adressé une requête au Secrétaire général, mais je ne sais pas si cette requête a été transmise au Ministère Public.
La seule requête que nous ayons eue jusqu’ici, autant que je puisse le voir, concerne un questionnaire du Dr Köppen à la place de celui du Dr Stellbrecht. Est-ce celui dont vous nous parlez maintenant ?
Non ; Monsieur le Président, on m’a accordé la permission d’interroger le Dr Köppen au lieu du Dr Stellbrecht et le questionnaire a déjà été envoyé. Mais là, il s’agit d’une nouvelle requête concernant le Dr Oeppert, et aucune décision n’a été prise à ce sujet.
Vous feriez mieux de soumettre d’abord ce questionnaire au Ministère Public pour voir s’il n’a pas d’objection à y faire, et nous pourrons revoir cette question demain.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Dans le cas de von Papen, il y a six questionnaires dont le sort n’a pas encore été réglé. Trois d’entre eux viennent de revenir, ces jours derniers, et sont à la traduction. Je demande la permission, quand j’aurai reçu les derniers questionnaires, de pouvoir les soumettre en même temps au Tribunal.
J’ai, sans intervention de ma part, reçu un affidavit d’un journaliste étranger, Rademacher von Unna, de Milan. Il est pour l’instant en cours de traduction ; je l’ai donné à M. le représentant du Ministère Public anglais ; il n’a pas fait d’objection. Je demande à être autorisé à soumettre ultérieurement cet affidavit avec le reste de mes documents.
Oui, certainement, vous pouvez le soumettre. Nous déciderons alors de son admissibilité.
Merci, Monsieur le Président.
Monsieur le Président, je vous demande la permission maintenant de déposer les réponses aux questionnaires des témoins qui n’ont pas encore été soumises.
Sous le numéro Frank-19, je voudrais soumettre les réponses au questionnaires envoyé au témoin Dr Ernst Bopple. Bopple était secrétaire d’État au Gouvernement Général. Il a répondu à 41 questions.
Sous les numéro Frank-20, je voudrais déposer les réponses à un questionnaire envoyé au témoin Max Meidinger. Meidinger était chef de la Chancellerie du Gouvernement Général. Il a répondu à 43 questions.
Ce questionnaire, de même que le premier, autant que j’ai pu le savoir n’a pas encore été traduit, bien que j’aie remis ces interrogatoires à la traduction il y a environ dix jours. Cependant, une traduction anglaise, établie au moment de l’interrogatoire, est jointe à ces questionnaires.
Sous le numéro Frank-21, je voudrais soumettre les réponses données par le témoin Gassner, qui a répondu à 49 questions. Gassner était chef de la presse dans le Gouvernement Général.
Je donnerai le numéro Frank-22 au questionnaire déposé par le Dr Stepp qui était Oberlandesgerichtspräsident. Dans l’ensemble, il traite des efforts faits par l’accusé Frank dans les années 1933 et 1934 en qualité de ministre de la Justice de Bavière, pour la dissolution du camp de concentration de Dachau.
Je voudrais également profiter de cette occasion, Monsieur le Président, pour faire remarquer une erreur de traduction qui ne se rapporte pas à un document de Frank, mais à un document qui a été déposé au nom de l’accusé Hess. Il n’a pas été utilisé par le Ministère Public pour démontrer la responsabilité personnelle de Hess ; cependant, on le trouve dans le livre de documents, et le document en question est le document USA-696 (PS-062). C’est une directive en date du 13 mars 1940, la même qui a été mentionnée samedi dernier dans le cas de l’accusé Bormann et à l’occasion de laquelle vous avez lu, Monsieur le Président, le numéro 4 de ce document qui a été déposé comme annexe de cette directive. Il y a une grave erreur de traduction qui défigure complètement le sens de la directive et, si je puis dire, peut devenir très dangereuse par ses effets. Sous le chiffre 4, les mots « unschädlich gemacht » ont été traduits par « liquidated ».
S’il y a une erreur dans la traduction, adressez-vous à M. le Secrétaire général, qui transmettra l’affaire à la section de traduction.
Oui, Monsieur le Président, mais les choses ne semblent pas si simples. Le traducteur, d’une façon évidente, a eu le sentiment que la traduction ne reproduisait pas le sens d’une façon très exacte, parce qu’il a ajouté entre parenthèses « Unschädlich gemacht ». A mon avis cette phrase aurait dû être traduite ainsi :
« Likewise, enemy parachutists are immediately to be arrested or made harmless ». Le sens en était, de façon évidente, que les parachutistes...
Docteur Seidl, nous n’avons pas ce document devant les yeux et nous ne comprenons pas tous l’allemand. Par conséquent, il vaudrait mieux transmettre l’affaire à la section de traduction. Il est inutile de vous en référer à nous.
J’adresserai alors une requête écrite au Secrétaire général, Monsieur le Président.
Oui. Le Ministère Public a-t-il une objection quelconque à formuler à ces questionnaires dont le Dr Seidi vient de nous parler ? Le Ministère Public a-t-il eu l’occasion de déposer de nouveaux questionnaires s’il le désirait ?
Monsieur le Président, on me signale que c’est le cas, avec l’exception possible du dernier document. Peut-être pourrai-je le regarder ce soir.
Très bien.
Je regarderai ce point-là et ferai connaître notre décision au Tribunal. Monsieur le Président, Je Ministère Public a quelques documents à déposer. J’en ai huit, et je crois que mon collègue M. Dodd en a trois. Je pourrais le faire rapidement, mais il vous serait peut-être plus agréable de reporter cela à demain matin.
Nous nous occuperons de tous ces documents demain matin. Il y en aura d’autres en faveur de quelques autres accusés. Nous entendrons aussi les témoins Kempka et Walkenhorst, que le Dr Bergold a cités, je crois. Le Tribunal désire que le Dr Bergold soit présent demain matin afin d’être à même d’interroger ces témoins.
L’audience est levée.