CENT SOIXANTE-DIXIÈME JOURNÉE.
Mercredi 3 juillet 1946.
Audience de l’après-midi.
Le Tribunal ne siégera pas en audience publique samedi prochain, non plus que les samedis suivants, à moins qu’il ne prévienne à l’avance de son intention de siéger.
Docteur Thoma ?
Monsieur le Président, je parlais hier d’un affidavit du Dr Heinz Ôppert, Reichshauptstellenleiter. J’ai reçu aujourd’hui cette déclaration sous la foi du serment et j’en ai déjà parlé avec M. Dodd. Je vous prie de m’autoriser à la déposer comme preuve. M. Dodd n’a aucune objection à la présentation de ce document.
Puis-je lire un court extrait de cette déclaration ?
Pouvez-vous nous dire quel est l’objet de cet affidavit ?
Oui, Monsieur le Président.
Ce Dr Öppert s’occupait des « Informations Idéologiques » dans le cadre du service du délégué du Führer qui assurait le contrôle de toute l’éducation idéologique et culturelle du Parti. Il déclare, au sujet de l’activité de ce service, qu’elle consistait presque exclusivement à signaler et à enregistrer les événements qui avaient lieu dans ce domaine. Une intervention dans la politique religieuse de l’État ou du Parti n’aurait pas été possible à ce service même s’il avait désiré le faire, car il n’avait pas de pouvoirs exécutifs. Quant aux services de l’État et du Parti qui participaient à cette activité, de vives contradictions, souvent extrêmement violentes, opposaient en permanence le ministère de la Propagande et le ministère des Cultes, le SD et la Chancellerie du Parti. Les interdictions de groupements philosophiques et des sectes et les mesures prises contre certains prêtres furent, à ma connaissance prises par le SD ou la Gestapo à l’insu de ce service et sans qu’il eût exercé aucune influence.
Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte de ce document.
Très bien.
C’est le numéro Rosenberg-51.
Docteur Fritz, pour l’accusé Fritzsche. Quelqu’un représente-t-il le Dr Fritz ?
Dr Schilf, pour l’accusé Fritzsche, en l’absence du Dr Fritz.
Monsieur le Président, le Dr Fritz a remis lundi une demande écrite au sujet de deux affidavits qui ne sont pas encore parvenus.
L’un émane du journaliste anglais Clifton Delmar, l’autre de l’ambassadeur Feldscher, qui représentait alors la puissance protectrice à Berlin et est actuellement à Berne.
Ces deux déclarations ne sont pas encore arrivées, mais je demande au Tribunal de bien vouloir les recevoir par la suite. Je n’ai rien d’autre à dire à ce sujet. Il n’a pas été présenté d’autres requêtes.
Je n’ai pas bien entendu le nom du deuxième. Était-ce Feldscher ?
L’ambassadeur Feldscher, représentant de la puissance protectrice, qui est maintenant à Berne, en Suisse.
Ces affidavits ont-ils été présentés au Ministère Public ?
Non, Monsieur le Président, nous ne les avons pas ; il ne sont pas encore arrivés.
Je comprends. S’agit-il d’affidavits ou de questionnaires ?
Ce sont deux questionnaires.
Des questionnaires. Donc, lorsque ces questionnaires reviendront avec les réponses, vous pourrez les présenter au Ministère Public qui décidera s’il veut déposer des questionnaires contradictoires ; après quoi, ils pourront être traduits et présentés au Tribunal.
Docteur Schilf, il y avait une demande — je ne sais plus si c’était une demande écrite ou simplement orale — concernant Schörner et Voss, et une autre personne dont les déclarations ont été utilisées par le Ministère Public au cours du contre-interrogatoire. Je crois que c’étaient des affidavits, mais je n’en suis pas certain et une demande orale a été faite en vue de les contre-interroger. Maintenez-vous cette demande ou désirez-vous la retirer ?
Monsieur le Président, cette demande n’a pas été retirée, mais elle n’avait été faite qu’à titre complémentaire pour le cas où les procès-verbaux d’interrogatoires présentés par le Ministère Public soviétique seraient reconnus intégralement comme documents par le Tribunal ; cependant, ces comptes rendus d’interrogatoires ne me semblent pas pouvoir être considérés comme des affidavits, mais simplement comme des procès-verbaux d’interrogatoires de police. Dans ce cas, nous ne pourrions pas renoncer à un contre-interrogatoire des témoins. Ces trois documents n’ont été utilisés qu’en partie lors du contre-interrogatoire de l’accusé Fritzsche, et seuls de brefs extraits en ont été présentés à l’accusé. Tous les détails en ont été...
Vous voulez dire que si le Ministère Public ne veut pas utiliser ces documents intégralement, mais seulement les parties qui ont été présentées à l’accusé Fritzsche au cours du contre-interrogatoire, il sera inutile que vous procédiez au contre-interrogatoire de Voss et de Schömer mais que, si le Ministère Public désire déposer ces documents en entier, vous voulez les contre-interroger ? Est-ce cela ?
Oui, Monsieur le Président, c’est exact.
Voulez-vous dire que vous demandez au Tribunal de rayer du procès-verbal les passages du témoignage de l’accusé Fritzsche dans lesquels il est question de ces documents ou bien voulez-vous simplement dire que si le Ministère Public désire utiliser, non seulement les passages qui ont été présentés à l’accusé au cours du contre-interrogatoire, mais également d’autres passages, vous désirez alors contre-interroger les témoins Schömer et Voss ?
Monsieur le Président, nous ne voulons procéder à ces contre-interrogatoires que si le Tribunal considère comme preuves l’ensemble de ces trois procès-verbaux d’interrogatoires.
Vous voulez donc dire ce que je vous ai dit en premier. Le général Rudenko voudra peut-être nous dire s’il désire déposer tout ce document ou s’il considère que ce qu’il a déposé est suffisant.
Monsieur le Président, comme je l’ai déjà déclaré au Tribunal au moment de la présentation de ces dépositions écrites, les procès-verbaux de ces dépositions ont été établis selon les règles en vigueur dans l’Union Soviétique. Nous n’utiliserons que les extraits de documents dont il a été donné lecture au Tribunal et sur lesquels nous avons contre-interrogé l’accusé Fritzsche.
Très bien. Donc, il n’est pas nécessaire de faire venir les témoins pour les contre-interroger.
En effet, Monsieur le Président.
Ceci termine donc l’exposé des preuves de la Défense, à l’exception de deux témoins qui sont ici et qui doivent témoigner pour l’accusé Bormann.
Monsieur le Président, puis-je présenter, pour l’accusé Speer, un document qui est déjà traduit et dont le Ministère Public a pris connaissance ? Il s’agit d’un procès-verbal du Führer du 3 janvier 1943. Ce sera le document Speer n° 35. Je l’avais déjà inscrit sous le numéro 35 ; il n’était simplement pas encore traduit. Puis-je le déposer maintenant ?
Oui, certainement. Je voulais dire que ceci termine l’ensemble des témoignages et des preuves présentés au nom des accusés, à l’exception des questionnaires qui ont été accordés et dont les réponses ne nous sont pas encore parvenues. Ces questionnaires, sous réserve de leur admissibilité, seront reçus plus lard lorsque les réponses seront parvenues. Cela s’applique aussi à tous les documents analogues à des affidavits qui ont été autorisés par le Tribunal. Mais. pour le reste, le dépôt des preuves pour les accusés est terminé, à l’exception du Dr Bergold.
Monsieur le Président, j’ai encore une question à poser au sujet d’une preuve apportée par le témoin Walkenhorst. Pour le cas où l’interrogatoire n’aurait pas lieu, je me suis fait remettre un affidavit. Je suppose que je pourrais le déposer au cas où le témoin ne serait pas entendu. Cet affidavit traite d’une question très brève, à savoir la conversation téléphonique que Sauckel a eue au sujet de l’évacuation du camp de concentration de Buchenwald. Il se trouve que Walkenhorsl était par hasard à l’autre bout du fil. J’ai un affidavit au sujet de cette question, mais naturellement, si le témoin se présente ici, je le questionnerai. J’envisage pour l’instant le cas où il ne serait pas entendu ici.
Vous parlez de Walkenhorst ?
Oui. du témoin Walkenhorst.
Il va être interrogé maintenant.
Je l’espère, Monsieur le Président.
Je crois qu’il est ici.
J’ai devant moi une liste de demandes complémentaires, mais je crois que l’on s’en est occupé au cours des différentes discussions de ces deux derniers jours. S’il y a d’autres questions que la Défense désire poser, qu’elle le fasse maintenant.
Donc, comme je l’ai dit, je considère que les dépositions de la Défense sont terminées maintenant, à l’exception de certains documents — dépositions sous serment ou questionnaires — qui ne sont pas encore revenus.
Monsieur le Président, je voudrais encore déposer trois documents, avec l’autorisation du Tribunal. Il s’agit des questions suivantes : en ce qui concerne l’influence que le journal publié par l’accusé Streicher a exercée sur le peuple allemand, il est très important de savoir comment se répartissait le tirage de ce journal et à quelles circonstances on peut attribuer le fait qu’à une certaine époque, ce tirage a considérablement augmenté. Je me suis astreint à rechercher dans les en-têtes de l’hebdomadaire Der Stürmer quel était son tirage.
Nous nous sommes déjà occupés de cette demande. Elle nous a été présentée ; nous l’avons examinée et nous avons refusé d’y donner suite.
Oui, je m’excuse, Monsieur le Président. Il s’agit de ceci : j’ai, en feuilletant par hasard quelques-uns de ces numéros, constaté qu’en 1935 il y avait eu une augmentation considérable du tirage, et la Défense voudrait prouver que cette augmentation n’était pas due à une demande accrue du peuple allemand, mais au fait que l’influence de services importants du Parti, ainsi qu’une nouvelle direction de la rédaction, ont fait tripler le tirage. Il est évidemment très important de savoir si cette augmentation du triple a eu lieu à la suite d’un accroissement de la demande de la population ou bien si, comme dans ce cas, le Front du Travail allemand a usé de son influence en la personne du Dr Ley ; un numéro spécial de propagande a été publié et distribué par l’appareil considérable que constituait le Front du Travail allemand. C’est ce que je voudrais prouver et je pense que ce point est très important pour la Défense.
C’est dans cet ordre d’idées, Monsieur le Président, que je voudrais présenter trois documents et, si le Tribunal me le permet, je lirai une directive que je vous prie de me permettre de produire comme preuve. Il en ressort que le Dr Ley, en qualité de chef du Front du Travail allemand, a adressé à toutes les formations du Front du Travail des instructions en vue de faire diffuser ce numéro spécial et de le répandre dans les entreprises. En effet, c’est là un des points les plus importants de l’Accusation, à savoir que le peuple allemand a été influencé contre les Juifs par le Stürmer et l’accusé Streicher, et a été ainsi préparé aux mesures qui ont été prises plus tard à l’Est et qui ’ont conduit aux exterminations en masse. Je prie donc le Tribunal de m’autoriser à déposer cette preuve et de la considérer comme recevable.
Vous aviez dit que vous aviez trois documents. Le premier est une directive de Ley ?
Oui, Monsieur le Président.
Quels sont les deux autres ?
L’un est un extrait du Stürmer de mai 1935, n° 18, dans lequel il est dit :
« Bernhardt, qui a fui Berlin pour la France, écrit dans le Pariser Tageblatt du 29 mars 1935 sous le titre : « Le tirage du « Stürmer a triplé » : « La protection accordée par les services les « plus haut placés du Reich, au pornographe Streicher dans la diffusion de son Stürmer lui a permis, en moins d’un an, de tripler « son tirage alors que pendant... »
Vous nous avez déjà dit que le tirage du Stürmer avait triplé, vous n’avez pas besoin de le répéter. Nous voudrions seulement savoir ce que sont ces documents. Le premier est un avis de Ley : le second un exemplaire du Stürmer ; quel est le troisième ?
Le troisième est un relevé du tirage, de janvier 1935 jusqu’à la mi-octobre 1935 ; il en ressort que pendant le cours de cette année le tirage est passé de 113.800 à 486.000. Tout le monde...
Cela suffit, nous n’avons pas besoin d’en savoir davantage pour l’instant.
Très bien, alors je me permettrai de présenter ces trois...
Monsieur le Président, je... Il appartient au Tribunal de décider, mais nous n’avons aucune objection, du point de vue du Ministère Public, à l’admission de ces documents. Le premier semble lier l’accusé Streicher avec un autre conspirateur et semble être un document très important.
Très bien. Docteur Marx, ces trois documents seront admis.
Je dépose donc ces documents sous les numéros 19, 20 et 21.
Très bien.
Je vous demande pardon, Monsieur le Président, puis-je ajouter quelque chose ? Tout ceci a été retardé parce que je n’en savais rien moi-même. C’est tout à fait par hasard que j’ai fait cette constatation sur les en-têtes du Stürmer. Je ne le savais pas auparavant, mais j’ai pensé que cela pouvait, à mon point de vue, constituer une preuve. Je vous prie de m’excuser pour leur présentation tardive.
Monsieur le Président, bien entendu je n’ai plus de preuves à présenter, mais je voudrais demander que soit tiré au clair un point de Droit : actuellement ont lieu, devant les commissions, des interrogatoires destinés à établir des preuves relatives aux organisations. On y entend des témoins que nous ne connaissons pas ici et on y présente également des documents dont nous n’avons pas encore connaissance. Ce n’est qu’au cours des semaines à venir que nous aurons connaissance du résultat de l’admission de ces preuves concernant les organisations. Nous pensons donc, nous, avocats, qui sommes ici, à la chose suivante : il se pourrait que, par exemple, une de ces nouvelles dépositions de témoins concernant les organisations apporte une preuve contre un de ces accusés ou bien que des documents soient produits au sujet desquels il est indispensable que la Défense prenne position ou, dans certains cas, apporte des preuves contraires. Nous sommes parfaitement d’accord avec le fait que la production des preuves soit terminée ici, mais nous voudrions cependant nous réserver la possibilité, dans des cas semblables, d’avoir communication du résultat de la production des preuves relatives aux organisations.
Je crois que si vous examinez soigneusement les décisions prises par le Tribunal, vous verrez que ce cas a été prévu ; et si, dans le cours des débats relatifs aux organisations, il s’élève une question qui intéresse directement ou matériellement l’un des accusés, le Tribunal pourra entendre l’avocat de cet accusé sur ce point. Je crois que cela est spécifié dans la décision que vous avons prise.
Nous sommes au courant de cette décision, Monsieur le Président, bien entendu. Mais nous voulions tirer la question au clair afin de savoir si cette décision serait maintenue, même après la fin de la production des preuves.
Certainement.
Le Ministère Public a-t-il des demandes à présenter au Tribunal ?
J’ai huit documents à déposer, Monsieur le Président. Ce sont des documents auxquels nous avons l’intention de nous référer dans le réquisitoire et je veux simplement indiquer au Tribunal quelle est leur nature et, très rapidement, les déposer comme preuve. J’en ai une liste que je présenterai d’abord.
Ces documents n’ont-ils pas encore été déposés ? Il serait bon de savoir de quoi ils traitent.
Oui, Monsieur le Président, ce sont des documents que je dépose à titre de preuves contraires.
Avez-vous une liste ?
Oui, Monsieur le Président. Le premier document est...
Avez-vous communiqué ces documents à la Défense ?
Non, pas encore, Monsieur le Président. J’en ai des copies. Le premier document, PS-1519, contient des ordres pour le traitement des prisonniers de guerre soviétiques. Ce document n’est pas, à proprement parler, une preuve contraire, mais le Tribunal a déjà un document EC-338, qui a été déposé sous le numéro URSS-356. Ce document est un commentaire de ces ordres par i’amiral Canaris. Votre Honneur s’en souviendra peut-être. L’accusé Keitel avait porté différentes notes sur ce document et il a été contre-interrogé à ce sujet (Tome X, pages 644 et suivantes). Il semble que non seulement le commentaire, mais aussi les ordres, doivent être déposés au Tribunal.
Ce document sera déposé sous le numéro GB-525. Le Tribunal verra que c’est une lettre accompagnant un document, adressée par Bormann aux Kreisleiter et aux Gauleiter. Elle accompagne une lettre de l’OKW signée du général Reinecke qui dirigeait le service des prisonniers de guerre ; suivent les règlements à appliquer.
Ce document n’a-t-il pas déjà été déposé ?
Monsieur le Président, on me dit que non. Ce qui a déjà été déposé, c’est le commentaire de ce document fait par l’amiral Canaris. Ce document figurait dans le livre de documents de Keitel, mais n’avait pas été déposé. Je le dépose sous le numéro GB-525.
Bien. Ce sera le numéro GB... ?
525, Monsieur le Président.
Oui.
Le deuxième document, D-912, sera déposé sous le numéro GB-526. C’est une série d’émissions de la radio allemande, faites entre le 6 septembre et le 22 octobre 1939. Elles ont été captées par la British Broadcasting Corporation et traitent de l’affaire de l’Athenia. Je dépose ce document en raison du témoignage de l’accusé Raeder. Le Tribunal se souviendra que, selon lui, l’article du Völkischer Beobachter du 23 octobre lui causa une grande surprise (Procès-verbal du 17 mai 1946, matin, tome XIV, page 86). Ceci a également rapport aux questions posées par le Tribunal à l’accusé Fritzsche et confirme son témoignage selon lequel les émissions rendant M. Winston Churchill responsable du naufrage de l’Athenia. avaient commencé au début de septembre et avaient continué, tout le mois. En fait, comme le Tribunal le verra, ces émissions... La première eut lieu le 6 septembre. Je pourrais peut-être en lire une phrase, à la seconde ligne :
« La presse allemande réfute toutes les accusations de la presse britannique selon lesquelles un sous-marin allemand aurait coulé l’Athenia. Un des premiers actes de Churchill a été de couler l’Athenia afin d’éveiller des sentiments anti-allemands aux États-Unis. »
Il y a eu des émissions similaires faites par d’autres stations le même jour, ainsi que le 7, le 11 et le 25. Je n’ai pas celle du 27, qui a été déposée par le général Rudenko, mais il y en a une de l’accusé Fritzsche, du 1er octobre, et cela se poursuit jusqu’à un message radiodiffusé de Goebbels, le 22 octobre, la veille du jour où parut l’article. Je le dépose sous le numéro GB-526.
Le document suivant, PS-3881, est un extrait des débats du Tribunal du Peuple, les 7 et 8 août 1944, à la suite de l’attentat contre Hitler. Je dépose un extrait traduit, mais la photocopie est complète. J’aurais dû dire encore que les documents remis au Tribunal ne sont qu’une traduction de certains extraits, mais la pièce elle-même contient tout le procès-verbal des débats. Monsieur le Président, je...
Si elle n’est pas traduite, nous ne pouvons pas la recevoir comme preuve.
Monsieur le Président, nous nous proposons de nous référer aux seuls extraits traduits ; je dis cela pour les avocats qui voudraient peut-être voir l’ensemble.
Très bien.
Je ne disais cela que dans l’intérêt de la Défense que le reste du document intéresse peut-être,
Je dépose ce document à la suite du témoignage de l’accusé Jodl, selon lequel ce n’est que parce que des généraux britanniques ont obéi aux ordres que des généraux allemands sont actuellement en train d’être jugés. Ceci figure au procès-verbal des débats du 5 juin 1946 (Tome XV, page 399). On voit dans ce passage que le président du Tribunal du Peuple a refusé d’accepter l’argument des accusés selon lequel ils auraient obéî à des ordres supérieurs. Ceci sera le numéro GB-527.
Le document suivant, D-181, que je dépose sous le numéro GB-528, est une lettre d’un Gauleiter aux Gauamtsieiter, Gauinspektoren et Kreisleiter, au sujet de la loi sur la santé et l’hérédité et sur la stérilisation pour faiblesse d’esprit. C’est un document important au sujet de l’accusé Frick, et je le dépose en raison de la déclaration faite par son avocat (Procès-verbal des débats du 24 avril matin, tome XII, page 164), déclaration suivant laquelle Frick n’aurait exercé aucun contrôle sur la Police politique et Himmler ne dépendait de lui qu’en théorie. Cette lettre contient un certain nombre d’indices qui montrent que le décret et son application dépendaient entièrement de l’accusé Frick.
Le document suivant est très semblable au précédent et s’applique à la même page du procès-verbal d’audience. C’est le document M-151, que je dépose sous le numéro GB-529. Ce document est constitué par trois lettres relatives à l’assassinat d’aliénés dans les asiles. La première lettre est datée du 6 septembre et adressée par un directeur de sanatorium à Stetten i.R., au ministre de la Justice du Reich. Elle fait état du sentiment d’insécurité régnant dans le voisinage du sanatorium en raison du nombre élevé de décès qui s’y sont produits.
La deuxième, datée du 10, provient du ministère de la Justice qui accuse réception de cette plainte et déclare que cette lettre a été transmise à l’accusé Frick. La troisième, datée du même jour, est la lettre du ministre à son collègue et lui transmettant la plainte.
Monsieur le Président, le document suivant traite encore du même sujet. C’est le document M-152, que je dépose sous le numéro GB-530. Ce document est composé de quatre lettres. La première, en date du 19 juillet 1940, est adressée à l’accusé Frick, ministre de l’Intérieur, par l’évêque Wurm, évêque de l’Église évangélique du Wurtemberg. Cette lettre parle à nouveau des innombrables plaintes qu’il a reçues et de la cruauté des procédés utilisés. La deuxième lettre, datée du 23 août, est une lettre adressée au ministre de la Justice et relative à la lettre adressée à l’accusé Friek. La troisième, du 5 septembre, est une lettre adressée à l’accusé Frick lui rappelant la lettre du 19 juillet, restée sans réponse. Le 6 septembre, une lettre identique de nouveau adressée au ministre de la Justice. Enfin, le 11 septembre, à la dernière page du document, figure une note du ministère de la Justice déclarant qu’un fonctionnaire du ministère avait dit au doyen de l’évêché, probablement le doyen Keppler, que cette question ne pouvait être réglée que par l’accusé Frick.
Monsieur le Président, le document suivant, D-455, que je dépose sous le numéro GB-531, est une brochure de propagande établie par les autorités du gouvernement militaire allemand en Belgique. Elle provient des dossiers du ministère de la Guerre allemand, de l’OKH, et a pour titre : « La contribution de la Belgique à l’économie de guerre allemande ». Elle est datée du 1er mars 1942. Je la dépose en raison des preuves et des témoignages qui ont été apportés, selon lesquels l’occupation allemande était bienfaisante. Le Tribunal a entendu dire maintes et maintes fois que les Allemands avaient fait beaucoup de bien aux pays qu’ils occupaient. Ce document est une excellente illustration de l’inexactitude des preuves apportées sur ce point par la Défense. Je voudrais, Monsieur le Président, le parcourir rapidement : à la page 3 figure un tableau des chiffres de la population d’après leur emploi, montrant que plus de la moitié des travailleurs était au service de l’Allemagne. Des 1.800.000 ouvriers et employés en Belgique, 901.280 étaient employés par l’Armée allemande et dans l’intérêt de l’Allemagne.
A la quatrième page figure une comparaison entre la Belgique, la Hollande et la France, exprimée en pourcentages. A la cinquième page figurent les chiffres de production de la contribution de la Belgique à l’effort allemand ; je crois que c’est à la septième ligne que figure un résumé : « Prestations pour une valeur de 1.200.000.000 de Reichsmark ». A la page 6, il y a aussi une comparaison entre la production de charbon belge et celle de la Ruhr pour la même année A la page 8, on compare les livraisons d’acier laminé aux quantités totales d’acier laminé utilisées à la construction de la ligne Siegfried. A la page 9, c’est le ciment. A la page 10, ce sont les textiles ; à la page 11, les métaux. Une phrase résume ce qui a été pris dans le pays : « Ces résultats n’ont pu être obtenus qu’en épuisant les dernières réserves du pays ».
A la page 12, un tableau montre dans quelle mesure la collecte des métaux a affecté les individus. C’est une comparaison entre la Belgique, la Hollande et la France.
A la page 13 figure une déclaration à propos de la contribution aux transports et, à la page 14, un graphique. A la page 15, il apparaît que la contribution en espèces dépasse l’ensemble du revenu des travailleurs belges pour l’année précédente. A la page 16, il y a des chiffres montrant la quantité d’or prise en Belgique pour être mise en sécurité à la Reichsbank.
A la page 18, il est question de titres et on établit une comparaison avec le capital total de l’IG-Farben, 700.000.000 de Reichsmark contre 800.000.000 pour le capital de l’IG-Farben.
Ensuite, une déclaration concernant le rationnement montrant que l’Allemagne importait du ravitaillement en Belgique et que, malgré cela, les rations étaient les plus faibles de tous les pays de l’Ouest. Enfin, à la dernière page, on montre le changement qui a été apporté au rationnement de la population belge entre 1938 et 1941, sous la bienveillante occupation allemande. Ces chiffres, Monsieur le Président, parlent d’eux-mêmes.
Le dernier document, D-524, est une brochure semblable, mais s’appliquant à la France. Elle provient de la même source et je la dépose sous le numéro GB-532.
Monsieur le Président, en raison d’une panne d’électricité, je n’ai pas pu terminer la photocopie de ce document en anglais, mais je le déposerai plus tard et, pour l’instant, je remets au Tribunal les exemplaires en allemand.
Monsieur le Président, je dépose ce document, eu égard au témoignage de l’accusé Sauckel (Procès-verbal des débats du 29 mai 1946, après-midi, tome XV, page 60) au cours duquel il a déclaré que le total des travailleurs forcés n’avait pas dépassé 5.000.000 ; aux pages 8 et 9 de ce document, le Tribunal verra les chiffres des travailleurs forcés en Allemagne pour la fin de 1943, chiffres auxquels on doit ajouter ceux de l’année 1944. Il atteint près de 7.000.000, dont 1.462.000 prisonniers de guerre, si bien qu’à cette date le chiffre des travailleurs forcés était de plus de 5.000.000 en déduisant les prisonniers de guerre. A ce chiffre on doit ajouter, comme je l’ai dit, le nombre de travailleurs forcés recrutés en 1944.
La page 8, Monsieur le Président, comporte d’autres chiffres comparatifs : Travailleurs civils hommes : 3.631.000 ; Prisonniers de guerre : 1.462.000 ; Femmes : 1.714.000.
On indique également la répartition par pays. A la page 9, on reproduit simplement une illustration en couleurs.
La suite de cette brochure donne des chiffres faisant ressortir la main-d’œuvre obligatoire prélevée en France, chiffres très semblables à ceux de la Belgique. Je n’en donnerai pas lecture au Tribunal à moins qu’il ne le désire. Je crois que j’en ai déjà indiqué le numéro : GB-532.
Monsieur le Président, ce sont là tous les documents que j’avais à déposer, mais je crois que mon ami M. Dodd en a également quelques-uns.
Plaise au Tribunal. Au moment du contre-interrogatoire de l’accusé Hermann Göring, nous lui avons présenté un document, PS-3787, qui avait été déposé sous le numéro USA-782. C’était le compte rendu de la deuxième réunion du Conseil de défense du Reich. Göring a reconnu l’authenticité de ce document Tel qu’il lui était présenté dans le texte allemand. Nous n’avions pas alors les traductions et, en conséquence, nous ne pouvions pas donner lecture, afin qu’il figurât au procès-verbal, de tous les extraits de ce document qui nous semblaient intéressants en raison de son caractère d’authenticité et de preuve recevable, et en raison du fait que nombre des autres accusés avaient nié qu’ils connussent les plans de préparation à la guerre ou qu’ils y eussent participé.
J’aimerais donner lecture de certains extraits qui me semblent très importants comme moyen de réfutation des dépositions de certains accusés.
Il y a d’abord une lettre de transmission, en date du 10 juillet 1939, provenant du Commandement suprême des Forces armées et qui a pour objet la « deuxième réunion du Conseil de défense du Reich ». Elle a été établie en cent exemplaires ; le nôtre porte le numéro 84. C’est un document très secret qui transmet, au nom du Commandement suprême des Forces armées, les documents inclus aux destinataires suivants (je ne nommerai que ceux qui nous intéressent) : au Parti, à l’adjoint du Führer, le premier exemplaire ; au chef de la Chancellerie du Reich, au ministre président, le maréchal Göring ; au ministre de l’Air et Commandant en chef de la Luftwaffe, au ministère des Affaires étrangères, neuf exemplaires au plénipotentiaire pour l’administration du Reich, dont un pour le ministre de l’Intérieur, pour le ministre de la Justice, le ministre de l’Éducation et de l’Instruction populaire, le ministre des Cultes et le service des Plans ; au plénipotentiaire à l’Économie, avec des exemplaires pour le ministre de l’Économie, le ministre du Ravitaillement et de l’Agriculture, au ministre du Travail, le maître des Eaux et Forêts et le commissaire au Contrôle des prix ; au ministre des Finances, au ministre des Transports, à la Direction des chemins de fer, au ministre des Postes, au ministère de la Propagande, au Directoire de la Reichsbank, à l’Inspecteur général du réseau routier allemand et à la Wehrmacht, dont 9 exemplaires pour l’OKH, 5 exemplaires pour l’OKM, le ministre de l’Air et Commandant en chef des forces aériennes, le Commandement suprême des Forces armées. D’autres exemplaires étaient joints.
Le document joint est un compte rendu de la deuxième réunion du Conseil de défense du Reich, tenu à une date à laquelle nous attachons beaucoup d’importance, le 23 juin 1939. Lieu : la grande salle de conférences du ministère de l’Air. Début : 11h10, fin : 13 h. 55. Président : maréchal Göring. Personnes présentes (je ne nommerai que celles que nous tenons pour importantes) : L’adjoint du Führer, le chef de la Chancellerie du Reich, le Dr Lammers ; de l’État-Major du maréchal Göring : le secrétaire d’État Körner, le secrétaire d’État Neumann, le conseiller Berg-bohm et plusieurs autres ; le plénipotentiaire général à l’administration du Reich ; le ministre du Reich Frick ; le Reichsführer SS Himmler et le chef de la Police du maintien de l’ordre Daluege ; le plénipotentiaire général à l’Économie, le ministre Funk ; le ministre des Finances, von Krosigk ; le ministre des Transports ; l’Inspecteur général des routes allemandes, le Dr Todt ; du Commandement suprême des Forces armées : le général Keitel, le colonel Warlimont et le général Thomas ; du Commandement suprême de l’Armée de terre, État-Major général : le général d’artillerie Halder ; du Commandement suprême de la Marine : l’amiral Raeder et, pour le ministère de l’Air : le général Milch et le général Bodenschatz qui, tous les deux, ont été entendus ici comme témoins.
Je ne lirai pas le résumé de la séance.
« Procès-verbal de la séance : le maréchal Göring fait remarquer, en préambule, que, selon le vœu du Führer, le Conseil de la défense du Reich est l’organe destiné à prendre toutes les décisions relatives aux préparatifs de guerre. Il n’a à discuter que des questions les plus importantes pour la défense du Reich. Ces questions seront étudiées par le Comité de défense du Reich.
« Le Conseil de défense du Reich ne sera convoqué que pour les décisions inévitables. Il est demandé que les chefs des organismes importants soient présents en personne.
« Distribution de la main-d’œuvre
I. Le président donne les directives suivantes pour l’utilisation et la distribution de la population en temps de guerre :
« 1. Les effectifs totaux de la Wehrmacht en temps de guerre sont déterminés par le Führer. Elle ne comprend que la moitié des hommes aptes au service. Néanmoins, sa mise sur pied entraînera des difficultés pour l’économie, l’administration et toute la vie civile.
« 2. Pour l’établissement d’un bilan humain, il s’agit, à la base, de savoir comment, après retrait des effectifs nécessaires à la Wehrmacht, le reliquat peut être employé pour obtenir le meilleur rendement.
« 3. Les besoins de l’industrie d’armement sont aussi importants que ceux de la Wehrmacht. Cette industrie doit être organisée dès le temps de paix, au point de vue matériel et au point de vue personnel, de telle façon que le déclenchement des hostilités ne produise pas une baisse de la production mais une augmentation immédiate.
« 4. La répartition de la main-d’œuvre entre l’industrie d’armement essentielle et le secteur civil constitue la tâche principale du plénipotentiaire général à l’Économie.
« a) L’armement de guerre comprend non seulement les usines produisant du matériel de guerre mais aussi celles produisant le caoutchouc synthétique, l’outillage pour la production ’d’armement, les usines d’hydrogénation, les houillères, etc.
« b) 1) D’une façon générale, aucune main-d’œuvre essentielle et irremplaçable ne pourra être retirée des entreprises considérées comme de première importance pour la guerre et dont la production est indispensable à la guerre, si elle ne peut pas être remplacée.
« La production houillère est la plus importante. Tout travailleur considéré comme essentiel à l’extraction du charbon est « indispensable ». Note : les charbonnages sont dès maintenant la clé de toute l’industrie d’armement, ’des communications et de l’exportation. Si la main-d’œuvre nécessaire n’est pas disponible dès maintenant, la part la plus importante de nos exportations, le charbon, disparaîtra. Les achats de charbon en Pologne s’arrêteront. Une distribution judicieuse de la main-d’œuvre est absolument essentielle. Afin de pouvoir tenir de telles positions-clés, des exigences draconiennes seront soumises au Führer, mesures qui, dans l’année de la mobilisation, pourront, dans certaines circonstances, amener à une organisation exceptionnelle de l’économie, par exemple à l’immobilisation de certains véhicules et à la fermeture, pour manque de charbon, d’usines non essentielles.
« A cela s’ajoute la fourniture de charbon à l’Italie et à d’autres pays tels que les États Scandinaves (afin de maintenir le ravitaillement allemand en fer). »
Je saute certains passages qui ne semblent pas essentiels à notre argumentation, et je passe à la page 9 de la traduction anglaise, sous le chiffre 2) :
« 2) Une deuxième catégorie de travailleurs susceptibles d’être mobilisés sera appelée pendant la guerre une fois que leurs remplaçants auront été instruits. La formation et la rééducation préliminaire des travailleurs, entreprises sur une grande échelle, joueront un rôle décisif.
« 3) Des préparatifs doivent être entrepris pour remplacer les grandes quantités d’autres travailleurs susceptibles d’être appelés sous les drapeaux, même en ayant recours à une augmentation du nombre de travailleurs féminins. S’y ajouteront les soldats réformés.
« 4) Le travail obligatoire pour les femmes, en temps de guerre, est d’une importance décisive. Il est indispensable d’instruire les femmes aux travaux essentiels à la guerre sur une grande échelle, afin qu’elles puissent remplacer et renforcer la main-d’œuvre masculine.
« d) Afin d’éviter le désordre au moment de la mobilisation, les personnes travaillant dans des services essentiels à la guerre, c’est-à-dire l’administration, les transports, la police, le ravitaillement, ne seront pas mobilisées dès le début. Il est nécessaire d’établir l’ordre d’urgence et d’utilité.
« e) Dans le cadre du service auxiliaire civil, tel qu’il est prévu dans tous les pays d’Europe pour obtenir et maintenir une avance pendant les premières semaines décisives de la guerre, il faudra s’efforcer, au moyen d’une organisation nette et compétente, qu’en temps de guerre chaque Allemand ait non seulement ses instructions de mobilisation, mais aussi soit parfaitement préparé à son activité de guerre. Les usines devront être prêtes à recevoir les remplaçants et les travailleurs complémentaires. »
Je passerai maintenant au bas de la page 10 :
« 6) Le plénipotentiaire général à l’Économie déterminera la nature du travail à attribuer aux prisonniers de guerre, aux internés des prisons, des camps de concentration et des établissements pénitentiaires.
« Suivant les indications du Reichsführer SS, les camps de concentration recevront en temps de guerre de nouveaux internés.
Les 20.000 internés travailleront principalement dans des ateliers situés à l’intérieur des camps de concentration.
« IV. Le secrétaire d’État du ministre du Travail du Reich Dr. Syrup, a établi un rapport pour l’utilisation de la main-d’œuvre en cas de mobilisation et un plan de main-d’œuvre en temps de guerre. »
Ceci peut sembler un peu trop détaillé, mais est, je crois, très important, puisqu’on y voit apparaître dans sa totalité, plusieurs mois avant la guerre, le plan de mobilisation. Ceci montre que des préparatifs avaient été faits pour une guerre de beaucoup plus grande envergure qu’un simple conflit avec la Pologne.
« 7) Les chiffres du plan de main-d’œuvre établi provisoirement ne peuvent être considérés que comme préparatoires et donnés à titre d’indication. On se basait sur une population de 79.000.000. Sur ce chiffre, 56.500.000 sont compris entre 14 et 65 ans. Il est également possible de faire appel aux hommes de plus de 65 ans et aux jeunes de 13 à 14 ans. De ces 56.500.000, il faut déduire les infirmes et les invalides. La plupart des internés des prisons sont déjà utilisés dans l’industrie. Le chiffre le plus important à soustraire est celui de 11.000.000 de mères ayant des enfants de moins de 14 ans. Après ces déductions, il reste une population utilisable de 43.500.000 :
« 26.200.000 hommes, déduction faite de 7.000.000 d’hommes sous les drapeaux : 19.200.000 ; 17.300.000 femmes, déduction faite de 250.000 infirmières, etc. : 17.100.000 pour toute la vie civile et économique de l’Allemagne. Le président ne considère pas que les femmes âgées de plus de 60 ans puissent être utilisées.
« Le nombre des ouvriers et employés utilisés à l’heure actuelle (2/3 de la population active), pris dans les vingt grandes branches de l’économie, est le suivant : 24.000.000 d’hommes (déduction faite de 2.000.000 de soldats), 14.000.000 de femmes.
« 9) Nous ne disposons pas encore pour le moment des chiffres relatifs aux hommes que la Wehrmacht prendra dans les diverses branches de l’économie. On a donc estimé le nombre d’hommes qui resteraient aux différentes branches ’de l’économie après la mobilisation de 5.000.000 de soldats.
« Il est actuellement donné satisfaction à la demande du président en vue de déterminer le chiffre exact des mobilisables. Ces enquêtes ne sont pas secrètes, exception faite pour les chiffres et les affectations. »
Je passe le paragraphe 10 qui ne présente pas d’importance.
« 11) Exception faite des 13.800.000 femmes employées à l’heure actuelle, 3.500.000 femmes sans travail peuvent encore être employées. Elles figurent sur les fidiiers de la population. 2.000.000 de femmes devraient être transférées, c’est-à-dire qu’on pourra affecter à l’agriculture ou aux industries métallurgiques et chimiques celles qui travaillaient précédemment aux industries du textile, de la confection, de la céramique ou dans le petit commerce, les assurances, les banques, ou qui étaient employées comme domestiques.
« 12) Le manque de travailleurs dans l’agriculture, où il sera prélevé 25% environ des hommes aptes au service armé, sera comblé par les femmes, à raison de deux femmes pour un homme, et par les prisonniers de guerre. On ne peut pas compter sur des travailleurs étrangers. La Wehrmacht est priée de libérer le plus possible de fermiers et de travailleurs spécialistes tels que laitiers, conducteurs de tracteurs (35% sont encore mobilisables).
« 13) Le président souligne le fait que les chefs d’entreprises, la Police et la Wehrmacht doivent se préparer à utiliser les prisonniers de guerre.
« 14) Dans l’agriculture, des préparatifs doivent être entrepris pour faciliter le travail au moyen de l’entraide entre voisins, de l’utilisation de toutes les machines agricoles et de la création de stocks de pièces de rechange.
« 15) Le président annonce que, pendant la guerre, des centaines de milliers de travailleurs provenant d’usines ne travaillant pas pour la guerre dans le Protectorat, seraient employés sous surveillance en Allemagne, particulièrement dans l’agriculture ; ils devraient loger dans des baraquements. Le maréchal Göring obtiendra une décision du Führer à ce sujet. »
Je saute le paragraphe 16.
Cela semble peut-être assez détaillé, mais ces précisions sont nécessaires pour montrer jusqu’à quel point les préparatifs étaient avancés au mors de juin 1939.
« 17) a) La procédure d’établissement des postes de travailleurs indispensables et protégés a donné jusqu’ici le résultat suivant : sur 1.172.000 demandes, 727.000 ont été approuvées et 233.000 ont été refusées. »
Je passerai maintenant au paragraphe c), au bas de la page :
« Les ordres à adresser au personnel complémentaire lorsqu’il sera appelé sont prêts dans les offices du travail. »
Puis, la séance continue et on examine la question des primes de production, en relations avec les salaires, et je passe au paragraphe 21, détail qui montre que l’on s’attendait à une guerre de longue durée :
« 21) Au moment du regroupement de la main-d’œuvre, il sera important — et essentiel pour les travailleurs spécialisés — que les travailleurs reçoivent leur formation dans leur nouvelle usine afin d’éviter des retards dans les premiers mois de la guerre. Après quelques mois, il devra être possible de remplacer la plupart des ouvriers spécialisés. »
Je passe au numéro V.
« Le plénipotentiaire à l’Économie, le ministre de l’Économie Funk, donne son opinion sur les conséquences de ce plan de main-d’œuvre sur le fonctionnement ultérieur de l’Économie.
« 24) a) D’après les accords verbaux passés avec l’OKW, les règlements pour le personnel indispensable ont été établis et les certificats destinés à ce personnel ont été remis. »
Je passe maintenant au paragraphe 25, à la page 15 :
« 25) En réponse à la demande du rapporteur, en vue, lors d’un prélèvement de main-d’œuvre sur les chantiers navals, de tenir compte des secteurs importants de l’industrie, à savoir l’exportation et la presse, le président rappelle la nécessité, prévue par le Führer, d’exécuter à plein le programme de constructions navales de la Kriegsmarine. »
Je passerai au numéro VI.
« Le plénipotentiaire à l’administration, le ministre de l’Intérieur, Dr Frick, parle de l’économie de la main-d’œuvre dans les administrations publiques.
« 27) Cette tâche est en premier lieu un problème d’organisation. Comme il ressort des tableaux présentés aux assistants et montrant l’organisation administrative ainsi que celle des services économiques et sociaux, il existe dans le « Kreis » environ cinquante catégories différentes de fonctionnaires. C’est un état de choses tout à fait impossible. Auparavant, il y avait dans l’État deux divisions principales : la Wehrmacht et l’administration. Depuis la prise du pouvoir, le Parti et les organisations permanentes (Reichsnährstand, etc.) y ont été ajoutés avec tous leurs rouages. De cette façon, le nombre des services et des fonctionnaires a été multiplié. Ceci rend le service public beaucoup plus difficile à diriger.
« 28) Depuis la guerre, il y a beaucoup plus de travail à faire. » (Le contexte établit nettement qu’il s’agit de la guerre précédente.) « L’organisation de la guerre totale exige naturellement beaucoup plus de travail, même ’dans l’administration publique, qu’en 1914. Mais il est impossible que cet appareil ait pu augmenter de vingt à quarante fois pour les services subalternes seulement. C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur du Reich essaye de coordonner l’administration. »
Une petite commission fut créée. J’attire l’attention sur le point 29, à propos du témoignage de Göring, selon lequel elle aurait cessé de fonctionner.
« 29) Au lieu d’en discuter plus longuement devant toute l’assemblée, la création d’une petite commission est recommandée afin d’établir des propositions positives. De nombreux travaux préparatoires ont été accomplis. »
Il y a une note de la commission déclarant qu’elle est entrée en fonctions.
« 30) Le président demande que les propositions de la commission soient soumises. C’est un élément important pour les préparatifs de guerre. »
Je vais maintenant passer à la subdivision C. qui traite de l’augmentation du rendement des transports, sur la base d’un rapport de l’État-Major général de l’armée de terre.
« 31) L’examen du plan de concentration stratégique effectué il y a un an et demi a montré que les services de transport ne pouvaient pas répondre entièrement à la demande de l’Armée. Le ministre des Transports approuve. La part de 1938 du programme de quatre ans, sera vraisemblablement achevée pour le mois d’août 1939.
« 32) Peu après l’établissement de ce programme, des demandes ont été faites à la Wehrmacht, qui sont complètement différentes de l’utilisation traditionnelle d’une armée au début d’une guerre. Des troupes doivent être amenées à la frontière le plus rapidement possible, en nombre inconnu jusqu’ici. La Wehrmacht a été capable de prendre ces mesures au moyen de sa propre organisation, mais les transports ne l’ont pas pu.
« 33) Dans le domaine des transports, l’Allemagne n’est pas, à l’heure actuelle, prête pour la guerre. »
Les détails dont je vais donner lecture contredisent les déclarations répétées de nombreux témoins selon lesquels les mouvements de troupes vers la Rhénanie, l’Anschluss, etc., et les autres mesures, même l’opération de Tchécoslovaquie auraient été faits par surprise.
« a) Dans le cas des trois opérations de 1938 et 1939, il n’y a pas eu de concentration stratégique à proprement parler. Les troupes avaient été transportées longtemps à l’avance dans une région proche de la zone de concentration stratégique, et ces déplacements avaient été camouflés.
« b) Cet expédient échouera indubitablement si l’on ne peut fixer une date précise et la connaître longtemps à l’avance, et si, au contraire, une décision militaire inattendue et immédiate est requise. Dans l’état actuel des choses, les transports ne peuvent pas, malgré tous les préparatifs, assurer le déplacement des troupes en quantité suffisante. »
Le point a) de la page 18 n’a pas d’importance pour mon exposé ; b) et c) exposent les mesures à prendre pour remédier à cette carence. A la page 19, je ne lirai pas les déclarations du paragraphe 38 relatives aux préparatifs entrepris sur les grandes routes Est-Ouest et Nord-Sud. Je lirai le point 39 :
« 39) Le président fait remarquer que, dès le temps de paix, certaines réserves d’importance vitale pour l’industrie et l’Armée devaient être transférées dans les centres industriels de guerre afin d’économiser plus tard les moyens de transport. »
Je passerai au point 41, à la page 20 :
« 41) En conclusion, le président affirme que toutes les questions essentielles ont été éclaircies au cours de cette réunion. »
Le Ministère Public américain a quelques documents complémentaires que M. Dodd présentera, avec l’autorisation du Tribunal.
Nous suspendrons l’audience maintenant.
Monsieur Dodd, avez-vous quelques autres documents à présenter ?
J’aimerais verser aux débats, Monsieur le Président, le document PS-4006, qui est le bulletin du ministère de l’Armement et des Munitions. Nous pensons que le Tribunal pourrait prendre acte, puisque c’est un document officiel. Il nous sera utile à propos du programme d’utilisation de la main-d’œuvre de Sauckel et de Speer, et il est déposé dans l’intention d’éclaircir les questions qui se sont posées après les dépositions de Sauckel et de Speer. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de le lire en entier ici ; je me contente ’de le verser aux débats ; il portera le numéro USA-902.
Ensuite, j’aimerais déposer le document PS-1452. C’est le compte rendu d’une conférence dé chefs, tenue avec le chef de l’Office économique des Armements. J’aimerais en lire un bref extrait. C’est le document PS-1452, en date du 24 mars 1942. On y lit : « Conférence des chefs avec le chef de l’Office. ’Rapport du chef de l’Office sur la conférence du 23 mars avec Milch, Witzell, Leeb, dans les bureaux du ministre Speer.
« Le Führer considère Speer comme son principal porte-parole, comme son conseiller pour toutes les questions économiques. Speer est le seul qui, aujourd’hui, puisse dire quelque chose. Il peut intervenir dans tous les services, et dès à présent il n’a à tenir compte d’aucun autre service. »
Il n’est pas nécessaire de citer le reste du document. Je ne pense pas que ce soit nécessaire, car l’extrait que nous en avons donné ne change rien au texte. Ce sera le document USA-903.
Ensuite, nous avons aussi quelques photographies. Nous les versons aux débats, au sujet de l’accusé Kaltenbrunner. Elles nous ont été remises par nos collègues de la Délégation française. La première est le document F-894 qui devient USA-904. C’est une photographie montrant Himmler félicitant quelqu’un. Kaltenbrunner se trouve immédiatement derrière lui.
Comment sont-elles identifiées ?
Je voudrais le déposer... Ce sont des documents saisis, mais... Voulez-vous dire sur la photographie, Monsieur le Président ?
Non, je veux dire ont-elles été saisies ou d’où viennent-elles ?
Je suppose que ce sont des documents saisis. Ah ! je vois... Il y a, joint à chacune d’elles, un affidavit qui indique leur origine. Le premier est dû à un nommé François Boix. Il dit qu’il est photographe et a été interné à Mauthausen, etc. Il certifie que cette photographie a été prise, etc. Je pense que cela suffira pour identifier ces photographies. Je crois que chacune d’elles comporte une déclaration du même genre.
Le document suivant est le F-896 qui deviendra USA-905. Au dos de l’original se trouve également un affidavit de François Boix.
Le suivant est le F-897 qui deviendra USA-906. Celle-ci encore comporte un affidavit de François Boix et montre Kaltenbrunner, Himmler et d’autres officiers SS.
Enfin, nous avons le document F-895, qui deviendra USA-907. Nous attirons particulièrement l’attention du Tribunal sur cette photographie. Elle porte également le certificat de François Boix. Kaltenbrunner est là, au second plan ; on y voit également Himmler et Hitler, entre Kaltenbrunner et, vraisemblablement, Martin Bor-mann. Cette photographie a été prise dans un camp de concentration, comme il ressort de la présence d’internés sur le côté gauche de la photo.
Ensuite, nous désirons verser aux débats une brève déclaration sous serment, le numéro PS-4033 (USA-908). C’est une déclaration d’Oswald Pohl, P-o-h-l. Elle est datée du 28 mai 1946. L’essentiel de cette déclaration déclare ce qui suit :
« Je peux déclarer avec certitude qu’à l’occasion d’une visite officielle, j’ai vu le SS-Obergruppenfùhrer Ernst Kaltenbrunner... »
Un instant. Pohi a-t-il été cité comme témoin ?
Non, Monsieur le Président, il n’a pas été cité. C’était Puhl, P-u-h-l ; les noms sont semblables.
« ... j’ai vu le SS-Obergruppenfuhrer Ernst Kaltenbrunner et lui ai parlé devant le mess des officiers, à l’entrée du camp, à l’automne 1943 ou au printemps 1944 ; j’ai déjeuné avec lui à la table commune. »
Puis un autre affidavit, le document PS-4032, qui deviendra USA-909. Il est inutile de le lire, il a été traduit. C’est la déposition d’un certain Karl Reif, R-e-i-f. Il dit avoir vu Kaltenbrunner en mai ou juin, vers midi, en 1942 dans le camp de Mauthausen.
Ce sont là tous les documents que nous avions à présenter, Monsieur le Président.
Y a-t-il d’autres membres du Ministère Public qui désirent déposer d’autres témoignages ?
Nous pouvons donc passer à la déposition en faveur de Bormann. Docteur Bergold, voulez-vous appeler le témoin que vous désirez faire comparaître, Kempka.
Messieurs du Tribunal, je demande la comparution du témoin Kempka.
Voulez-vous décliner vos nom et prénom, je vous prie.
Mon nom est Erich Kempka.
Voulez-vous répéter ce serment après moi :
« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien. » (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, dans quelles circonstances avez-vous travaillé dans l’entourage de Hitler pendant la guerre ?
Pendant la guerre, j’étais chauffeur personnel d’Adolf Hitler.
En cette qualité, avez-vous connu Martin Bormann ?
Oui, j’ai rencontré Martin... le Reichsleiter Martin Bormann en ma qualité de chauffeur ; il était mon supérieur indirect.
Témoin, quel jour avez-vous vu l’accusé Martin Bormann pour la dernière fois ?
J’ai vu le Reichsleiter... l’ex-Reichsleiter Martin Bormann pendant la nuit du 1er au 2 mai 1945, près de la gare de la Friedrichstrasse, au pont de Weidendamm. Le Reichsieiter... l’ex-Reichsleiter Martin Bormann me demanda quelle était la situation générale à la gare de Friedrichstrasse, et je lui ai dit qu’il était à peine possible...
Vous allez trop vite ; que vous a-t-il demandé ?
Il me demanda quelle était la situation et si l’on pouvait passer près de la gare de Friedrichstrasse. Je lui répondis que c’était pratiquement impossible, car il s’y livrait de violents combats défensifs. Il me demanda encore s’il serait possible de passer avec une voiture blindée. Je lui ’dis qu’il suffirait d’essayer. A ce moment, arrivèrent quelques chars et quelques voitures PSW. De petits groupes se formèrent sur le flanc des chars et ceux-ci avancèrent jusqu’au barrage anti-chars ; le char de tête, à côté duquel marchait Martin Bormann, à peu près au milieu, fut soudain touché directement par un projectile, probablement une grenade de bazooka venant d’une fenêtre, et sauta. Du côté où marchait Bormann s’éleva brusquement une flamme brillante, et je vis encore...
Vous parlez trop vite, beaucoup trop vite encore. La dernière chose que j’aie comprise est que Bormann marchait au milieu de la colonne. Est-ce exact ?
Oui ; à hauteur du milieu du char, sur le côté gauche. Après avoir dépassé de quarante ou cinquante mètres le barrage anti-chars, le char fut touché, probablement par un projectile de bazooka, tiré d’une fenêtre. Le char fut ’déchiqueté à l’endroit même où marchait Martin... le Reichsleiter Bormann. Je fus moi-même jeté sur le côté par l’explosion et par une personne qui marchait devant moi — je crois que c’était le Standartenführer Dr Stumpfecker — et je perdis connaissance. Quand je revins à moi, je ne pouvais rien voir car cet éclair m’avait rendu aveugle. J’ai rampé pour retourner en arrière jusqu’au barrage anti-chars et, à partir de ce moment, je n’ai jamais revu Martin Bormann.
Témoin, avez-vous vu à ce moment Martin Bormann s’effondrer dans la flamme qui jaillit ?
Oui, je vis encore un mouvement, une sorte ’d’effondrement. On pourrait dire qu’il tenta de fuir.
L’explosion fut-elle si violente que, d’après ce que vous avez vu, Martin Bormann ait dû être tué sur-le-champ ?
Oui, je suis persuadé qu’étant donné la violence de l’explosion il a été tué.
Comment Martin Bormann était-il habillé à ce moment ?
Martin Bormann portait un manteau de cuir, une casquette de chef SS et les insignes d’Obergruppenfuhrer SS.
Croyez-vous que si, à ce moment-là, on l’avait trouvé blessé, il aurait pu, à cause de ces vêtements, être identifié comme l’un des dirigeants du mouvement ?
Oui.
Vous avez dit qu’à côté ou devant Martin Bormann marchait un autre homme, M. Naumann, du ministère de la Propagande.
Oui, c’était l’ancien secrétaire d’État Dr Naumann.
Était-il à peu près à la même distance de l’explosion ?
Non, il était environ un ou deux mètres devant Martin Bormann.
Avez-vous jamais revu par la suite le secrétaire d’État Naumann ?
Non, je ne l’ai jamais revu, non plus que le Standartenfuhrer Dr Stumpfecker.
Vous avez rampé pour revenir en arrière, dites-vous ?
Oui.
Personne ne vous a suivi ?
Si. Chaque fois qu’on passait derrière ce barrage anti-chars, on se trouvait en plein feu de la défensive ; à chaque fois, quelques-uns restaient couchés sur place et d’autres revenaient en arrière ; mais ceux qui étaient auprès de ce char, je ne les ai jamais revus ensuite.
Messieurs, je n’ai pas d’autres questions à poser au témoin.
Je n’ai pas de questions à poser, Monsieur le Président.
La Défense désire-t-elle encore poser des questions ? (Au témoin.) Combien y avait-il de chars dans cette colonne ?
Je ne peux pas le dire pour le moment, peut-être deux ou trois. Il peut y en avoir eu quatre, mais il y avait là, en plus grand nombre, des voitures PSW, des voitures blindées.
Combien y en avait-il de ceux-ci ?
Il en venait de plus en plus, et quelques-unes repartirent. Elles essayèrent de passer, une ou deux peut-être. Les autres reculèrent quand le char eut sauté.
D’où venait cette colonne ?
Cela, je n’en sais rien. Ils sont arrivés tout à coup ; je pense que c’étaient des chars qui s’étaient retirés vers le milieu de la ville et qui cherchaient à sortir en direction du Sud.
Quand vous dites qu’ils sont arrivés tout d’un coup, où voulez-vous dire qu’ils étaient ? Où vous ont-ils pris avec eux ?
Ils ne m’ont pas pris avec eux. Je quittais la Chancellerie du Reich...
Bon. Où vous ont-ils rejoint ? Où les avez-vous vus pour la première fois ?
Près du pont de Weidendamm, derrière la gare de Friedrichstrasse. Là, ils sont venus là au cours de la nuit.
Où Bormann vous a-t-il demandé la première fois s’il était possible de passer ?
C’était au barrage anti-chars, derrière la gare de Friedrichstrasse près du pont de Weidendamm.
Voulez-vous dire que vous l’avez rencontré dans la rue ?
Oui. Quand je suis parti de la Chancellerie du Reich, Martin Bormann n’était pas présent, il n’est venu près du pont qu’entre 2 heures et 3 heures du matin.
Vous l’avez rencontré par hasard, voulez-vous dire ?
Je l’ai rencontré par hasard, oui.
Il y avait quelqu’un avec lui ?
Le secrétaire d’État Dr Naumann, du ministère de la Propagande, était avec lui et aussi le Dr Stumpfecker, qui avait été le dernier médecin qui fût avec le Führer.
A quelle distance étaient-ils de la Chancellerie du Reich ?
Il y a... de la Chancellerie du Reich à la gare ’de Friedrichstrasse, il y a peut-être un quart d’heure de route dans des circonstances normales.
Et alors vous avez vu arriver quelques chars et quelques autres véhicules blindés ; est-ce cela ?
Oui, oui.
Des chars allemands et des blindés allemands ?
Oui, des blindés allemands.
Avez-vous parlé avec leurs conducteurs ?
Non, je n’ai pas parlé aux conducteurs ; je crois que le secrétaire d’État, l’ancien secrétaire d’État, le Dr Naumann, l’a fait.
Et vous n’êtes pas entré dans les chars ni les voitures blindées ?
Non, nous ne l’avons pas fait, ni le secrétaire d’État Dr Naumann, ni le Reichsleiter Bormann.
Vous marchiez simplement à côté ?
Oui, je marchais à côté.
Et où étiez-vous par rapport à Bormann ?
J’étais derrière le char, approximative-ment sur le côté gauche, derrière le char.
A quelle distance de Bormann ?
Peut-être à trois ou quatre mètres.
Et alors un projectile frappa le char ; c’est bien cela ?
Non, je crois que le char fut touché par un bazooka tirant d’une fenêtre.
Et alors vous avez vu jaillir une flamme et vous avez perdu connaissance ?
Oui, j’ai vu tout à coup un éclair et, dans une fraction de seconde, j’ai vu également le Reichsleiter Bormann et le secrétaire d’État Naumann projetés et tomber. Moi-même, je fus jeté sur le côté au même moment, et je perdis conscience.
Et vous êtes parti en rampant ?
Quand je suis revenu à moi, je n’y voyais pas et je suis parti en rampant. J’ai rampé jusqu’à ce que je bute de la tête contre le barrage anti-chars.
Où êtes-vous allé cette nuit-là ?
J’ai attendu là pendant un moment et puis j’ai dit adieu à mes chauffeurs dont quelques-uns étaient encore là et ensuite... je suis resté dans les ruines et le jour suivant j’ai quitté Berlin.
Où avez-vous été fait prisonnier ?
J’ai été fait prisonnier à Berchtesgaden.
A quelle distance du char étiez-vous lorsqu’il explosa ?
J’estime à trois ou quatre mètres.
Et à quelle distance Bormann était-il du char quand il explosa ?
Je crois qu’il s’y tenait d’une main.
Vous dites que vous croyez. L’avez-vous vu ou ne l’avez-vous pas vu ?
Je ne l’ai pas vu réellement s’accrocher au char, mais pour suivre le char j’aurais fait la même chose, je me serais tenu après l’arrière du char.
Avez-vous vu Bormann essayer de monter sur le char juste avant l’explosion ?
Non, je ne l’ai pas vu. Je n’ai pas vu Bormann faire un effort indiquant qu’il voulait monter à bord du char.
Depuis combien de temps, avant l’explosion, regardiez-vous Bormann ?
Tout ceci s’est passé en très peu de temps. Pendant que j’étais encore en train de parler à Bormann, les chars sont arrivés ; nous avons immédiatement passé à travers le barrage anti-chars, et trente ou quarante mètres plus loin le char a été touché.
Qu’appelez-vous très peu de temps ?
Pendant que vous parlions... quelques minutes peut-être.
Combien de temps s’écoula-t-il entre la conversation et l’explosion ?
Je ne peux pas vous dire le temps exact, mais sûrement il ne s’écoula pas un quart d’heure... disons une demi-heure.
Étiez-vous allé à la Chancellerie juste auparavant ?
J’ai quitté la Chancellerie dans la soirée vers 9 heures.
Avez-vous déjà raconté cette histoire à quelqu’un d’autre ?
J’ai été interrogé à ce sujet plusieurs fois et j’ai déjà fait le même rapport.
Et qui vous a interrogé, des officiers ?
Oui.
De quelle armée, de quelle nation ?
J’ai été interrogé par divers officiers de l’armée américaine, la première fois à Berchtesgaden, la seconde fois à Freising et la troisième fois à Oberursel.
A la suite de l’interrogatoire du Tribunal, il y a une ou deux questions qui, me semble-t-il, devraient peut-être être éclaircies et sur lesquelles je voudrais interroger le témoin.
Certainement.
Vous étiez avec Bormann à 9 heures dans l’abri de la Chancellerie, cette nuit-là ?
Oui. Vers 9 heures je l’ai vu pour la dernière fois quand j’ai pris congé du Dr Goebbels ; j’ai vu Martin Bormann en bas, dans la cave, et je l’ai revu pour la dernière fois pendant la nuit entre 2 heures et 3 heures du matin.
Bien. Peut-être Pavez-vous déjà dit, mais je ne l’avais pas compris. Où l’avez-vous vu entre 2 heures et 3 heures du matin, avant le moment où vous avez commencé à marcher avec lui à côté du char ?
Avant cela, je l’ai vu à la gare de Friedrichstrasse entre 2 heures et 3 heures du matin, et avant cela je l’avais vu pour la dernière fois à 21 heures à la Chancellerie du Reich.
Bien, je sais cela. Mais n’avez-vous pas eu une conversation avec Bormann sur la façon de sortir de Berlin, quand vous avez quitté l’abri de la Chancellerie du Reich vers 9 heures cette nuit-là ?
J’avais reçu mes ordres de l’ancien Brigadeführer Milunke. Je ne recevais plus d’ordres du Reichsleiter Bormann directement.
Je ne vous demande pas si vous receviez des ordres de lui. Je vous demande si vous et Bormann — et qui que ce soit d’autre qui fût présent — n’avez pas discuté de la manière de sortir de Berlin. Il était 9 heures du soir et la situation devenait à peu près désespérée. N’avez-vous pas parlé de la façon dont vous sortiriez cette nuit-là ? Vous n’étiez plus beaucoup à rester là ?
Si, il y avait encore 400 à 500 personnes à la Chancellerie du Reich, et ces 400 ou 500 personnes avaient été réparties en groupes qui quittaient la Chancellerie isolément.
Je sais qu’il peut y avoir eu autant de personnes à la Chancellerie. Je parle de l’abri dans lequel vous étiez. Vous avez déjà témoigné à ce sujet, n’est-ce pas ? Vous avez dit que vous saviez que Hitler était mort, de même que Bormann. Vous deviez être dans l’abri si vous savez cela.
Oui, j’ai déjà témoigné à ce sujet.
Bien. Ce que je désire savoir c’est si, oui ou non, vous et Bormann, et éventuellement d’autres personnes restées dans l’abri, avez parlé de quitter Berlin cette nuit-là avant que vous ne quittiez l’abri.
Non, je n’ai plus parlé au Reichsleiter Martin Bormann à ce sujet. Nous avions seulement un ordre de route disant de nous rendre, si possible, à Fehrbellin où nous devions nous joindre à un groupe de combat.
Vous êtes le seul homme qui ait pu témoigner que Hitler fût mort, et le seul également qui ait pu témoigner que Bormann fût mort ; est-ce exact, autant que vous sachiez ?
Je peux déclarer que Hitler est mort. Je peux dire qu’il est mort le 30 avril dans l’après-midi entre deux heures et trois heures.
Je sais, mais vous ne l’avez pas vu mourir non plus, n’est-ce pas ?
Non, je ne l’ai pas vu mourir.
Et vous avez dit aux interrogateurs que vous croyez avoir transporté son corps en dehors de l’abri et y avoir mis le feu. N’est-ce pas vous qui avez dit cela ?
J’ai porté la femme d’Adolf Hitler au dehors et j’ai vu Adolf Hitler lui-même, roulé dans une couverture.
Avez-vous réellement vu Hitler ?
Je ne l’ai plus revu lui-même. La couverture dans laquelle il était roulé était un peu trop courte et je ne voyais que ses jambes qui en sortaient.
Je n’interrogerai pas le témoin plus avant, Monsieur le Président.
Je n’ai pas non plus d’autres questions à poser.
Le témoin peut se retirer.
Messieurs, il y a également le témoin Walkenhorst qui est présent. Il semble qu’il y ait un malentendu entre le Tribunal et moi-même. J’ai déclaré samedi qu’à part le témoin Kempka, je ne désirais pas citer d’autre témoin ; en conséquence, je renonce expressément au témoin Walkenhorst.
Qu’était-il et que vouliez-vous qu’il prouve, à l’origine ?
Originairement, j’avais demandé sa comparution à titre de remplaçant...
Nous avons votre demande.
Mais après m’être entretenu avec le témoin Klopfer, que je ne désire pas faire comparaître non plus, je renonce également au témoin Walkenhorst, parce qu’il ne m’apparaît pas assez compétent pour témoigner sur la question dont je voulais lui faire témoigner.
J’ai donc terminé la présentation de mes preuves, à l’exception de deux documents qui m’ont été accordés par le Tribunal, c’est-à-dire le décret prescrivant l’arrêt des mesures contre les Églises et l’ordonnance de Bormann de 1944 par laquelle il interdisait au personnel de sa chancellerie de faire partie du SD. Je n’ai pas encore reçu ces deux documents. Dès que je les aurai reçus, je les soumettrai.
Très bien.
Docteur Servatius, n’aviez-vous pas des questions à poser à ce témoin Walkenhorst, ou un affidavit de lui à soumettre ?
J’ai un affidavit du témoin Walkenhorst qui traite brièvement de la conversation téléphonique tenue par Sauckel au sujet de l’évacuation du camp de Buchenwald. Il a été accusé d’avoir ordonné l’évacuation du camp à l’approche de l’armée américaine. Ce témoin Walkenhorst a été trouvé accidentellement et il apparaît qu’il se trouve précisément être l’homme avec lequel Sauckel eut cette conversation. Il a confirmé dans un affidavit que Sauckel avait demandé que ce camp soit remis régulièrement. C’est tout ce que je voulais demander au témoin. Je peux déposer ce témoignage sous la forme d’un affidavit.
Le Ministère Public ’désire-t-il que le témoin comparaisse, ou l’affidavit suffira-t-il ?
Le dépôt de cet affidavit me suffit.
Pour le Ministère Public, un affidavit suffira.
Très bien.
Dans ce cas, je dépose l’affidavit ; je donnerai le numéro de dépôt avec ma liste.
Il y a un autre point sur lequel je désire attirer l’attention de la Défense.
Le Tribunal a été informé de la longueur des plaidoiries de certains avocats, qui ont été remises à la section de traduction pour être traduites ; dans le cas de l’accusé Keitel et celui de l’accusé Jodl, les plaidoiries qui ont été remises à la section de traduction semblent être beaucoup plus longues que le Tribunal ne l’avait prévu et absolument impossible à prononcer en une journée.
L’avocat de l’accusé Keitel voudrait-il expliquer au Tribunal ce qu’il en est et quelles mesures il a prises pour abréger sa plaidoirie ?
Monsieur le Président, j’ai adressé ce matin une lettre au Tribunal qui, je crois, ne lui est pas encore parvenue. J’y demande au Tribunal de m’autoriser, dans le cas de l’accusé Keitel, à dépasser le temps accordé qui, pour les cas importants, a été fixé à une journée. Quand, suivant le désir du Tribunal, j’ai indiqué la durée de ma plaidoirie, mon manuscrit était terminé. Ce manuscrit aurait pris environ sept heures. J’ai remis ce manuscrit tel quel à la section de traduction parce qu’il n’était plus possible de le modifier. J’en ai remis la première partie mercredi dernier et la seconde partie samedi matin.
Si le Tribunal maintient sa décision de n’accorder qu’une journée seulement, soit cinq heures et demie consécutives au maximum, et ne désire passer outre en aucun cas, même dans le cas de l’accusé Keitel qui est particulièrement important, je serai contraint d’éliminer certains passages du manuscrit et de les soumettre simplement par écrit. Il appartient au Tribunal de décider si c’est possible.
Docteur Nelte, le Tribunal prend note du fait que lorsqu’on vous a demandé combien de temps durerait votre plaidoirie vous avez dit, je crois, sept heures.
Oui.
Sept heures. Bien. Suivant l’estimation qui a été ’donnée au Tribunal, la plaidoirie que vous avez donnée à traduire prendrait environ treize heures. C’est à peu près le double du temps que vous avez indiqué et presque le double de la longueur de la plaidoirie qui a été soumise pour l’accusé Ribbentrop, dont le cas est presque aussi important, s’il ne l’est pas autant. Il semble au Tribunal qu’il n’y ait aucune raison pour que vous présentiez une plaidoirie qui durera probablement deux fois plus de temps que vous ne l’avez indiqué vous-même. La plaidoirie que vous présentez est plus de deux fois plus longue que celle qui a été remise au nom de l’accusé Göring.
Naturellement, je ne suis pas à même de connaître les points de vue des défenseurs du maréchal Göring ou du ministre des Affaires étrangères von Ribbentrop. Je ne peux pas savoir les principes qui les ont guidés. Je ne peux me laisser guider que par les miens propres et par mon devoir.
Tout cela est relatif, il est vrai, mais vous avez dit vous-même sept heures et vous déposez une plaidoirie qui en prendra probablement treize.
Je crois, Monsieur le Président, que je prononcerai cette plaidoirie en sept heures, si on m’accorde sept heures.
Le Tribunal a examiné cette question très sérieusement, comme vous le savez, et il a déclaré que chaque plaidoirie devait être prononcée en une journée ; cela prendra un temps considérable pour l’ensemble des accusés.
Monsieur le Président, j’attends votre décision. Si je suis limité à une journée, je ne prononcerai pas certaines parties de mon manuscrit mais, dans ce cas, puis-je demander que le reste soit porté à la connaissance du Tribunal, parce que tout ce que j’ai inclus dans mon manuscrit est le minimum de ce que je considère comme nécessaire pour un procès aussi considérable ?
Docteur Nelte, nous examinerons votre demande en vue de déposer les autres passages de votre plaidoirie, et nous ferons connaître à la Défense la décision que nous aurons prise.
Docteur Siemers, le Tribunal a maintenant reçu un rapport complet sur les efforts considérables faits par le secrétariat pour trouver ou essayer de trouver le témoin Schuize, Otto Schuize, dont vous avez demandé la comparution pour la première fois au mois de février de cette année ; le Tribunal désirerait savoir quelles sont les mesures que vous avez prises pendant ce temps pour essayer de le trouver.
Je crois, Monsieur le Président, qu’il était inutile de rechercher le témoin, puisque aussi bien on sait qu’il habitait Hambourg-Blankenese, et qu’à mon avis il y habite toujours. C’est l’adresse que j’ai donnée à maintes reprises au Secrétariat général.
Vous saviez ce que le Secrétariat général faisait à ce sujet. Vous saviez qu’ils n’ont pas pu le trouver à cette adresse. Vous saviez qu’ils avaient envoyé les questionnaires à Washington parce qu’on leur avait dit qu’il avait été envoyé là-bas et, d’autre part, on nous a dit que vous étiez allé à Hambourg vous-même.
Je sais depuis vendredi, à mon retour de Hambourg, que le questionnaire a été envoyé à Washington. Je ne pouvais personnellement pas prévoir qu’une telle erreur ou un tel malentendu pourrait se produire ; je ne sais pas non plus comment cela s’est fait. Je n’avais pas non plus la moindre intention de porter une accusation quelle qu’elle soit. J’ai simplement demandé que, si le document arrivait, le. Tribunal accepte encore de le recevoir comme preuve. Malheureusement, je ne peux toujours pas le soumettre aujourd’hui. A nouveau, j’ai immédiatement communiqué l’adresse au Secrétariat général, et je ne connais que l’adresse de Hambourg. A mon avis, l’amiral Schuize n’est pas en captivité ; il est possible que pendant mon absence quelque malentendu se soit produit, mais personnellement je n’en ai entendu parler que vendredi dernier.
Bien. Mais je ne peux pas comprendre pourquoi, pendant tous ces derniers mois où vous étiez ici et où vous aviez l’occasion de voir le Secrétaire général, et où vous avez reçu toute l’aide que vous-même et tous les autres avocats de la Défense ont reçue du Secrétariat général, vous n’avez pas apporté au Secrétaire général plus de bonne volonté pour l’aider à trouver ce témoin. C’est tout.
L’audience est levée.