CENT QUATRE-VINGT-DIXIÈME JOURNÉE.
Mardi 30 juillet 1946.

Audience du matin.

GÉNÉRAL R. A. RUDENKO (Procureur Général soviétique)

Messieurs les juges. J’ai déjà indiqué dans mon discours. d’introduction, que dans la longue série des crimes des envahisseurs germano-fascistes, une place prépondérante était occupée par les déportations forcées dans les bagnes allemands, de citoyens pacifiques, d’hommes, de femmes et d’enfants.

C’est à l’accusé Fritz Sauckel que revient le premier rôle dans ce crime sinistre.

Au cours d’une audience du Tribunal, lors de son contre-interrogatoire, l’accusé Sauckel fut contraint de reconnaître que, dans l’industrie et une certaine partie de l’agriculture allemande, près de 10.000.000 de travailleurs recrutés de force furent employés, aussi bien des travailleurs déportés des territoires occupés que de prisonniers de guerre.

Tout en reconnaissant la déportation en Allemagne de millions de travailleurs, en provenance des territoires occupés et leur utilisation dans l’intérêt de l’industrie de guerre allemande, Sauckel niait le caractère criminel de ces actes en affirmant que le recrutement des travailleurs s’opérait soi-disant par volontariat.

Ce n’est pas seulement un mensonge mais aussi une calomnie à l’égard des millions d’honnêtes patriotes de l’Union Soviétique, de Tchécoslovaquie, de Yougoslavie, de Pologne, de France, de Hollande, patriotes loyaux envers leur patrie et déportés de force en Allemagne hitlérienne.

Les tentatives de l’accusé Sauckel de dépeindre son rôle de délégué général à la main-d’œuvre comme consistant uniquement à coordonner et à superviser le travail des autres organismes gouvernementaux de la main-d’œuvre sont parfaitement inconsistantes.

En sa qualité de délégué général à la main-d’œuvre, Sauckel jouissait de pouvoirs extraordinaires et très étendus, reçus de Hitler, et se trouvait, dans l’accomplissement de sa tâche, sous les ordres directs de Göring.

Et Sauckel utilisa largement ces pouvoirs pour la déportation en Allemagne d’une main-d’œuvre recrutée dans les territoires occupés.

Il n’y a aucune nécessité de se référer aux innombrables preuves documentaires versées au Tribunal qui établissent d’une façon irréfutable le caractère criminel des méthodes de déportation en masse des populations des territoires occupés, ainsi que le rôle d’organisateur joué dans ces crimes par l’accusé Sauckel.

L’étendue de ces crimes ressort de l’opération accomplie par les autorités civiles et militaires allemandes, qui fut appelée « Heu-Aktion », et qui prévoyait l’envoi forcé en esclavage d’enfants âgés de dix ans à quatorze ans ainsi que de jeunes filles ukrainiennes, qui étaient destinées par Hitler à être germanisées.

L’accusé Sauckel s’efforce de convaincre le Tribunal qu’il se conformait étroitement aux stipulations des Conventions de Genève et de La Haye en ce qui concerne l’utilisation de la main-d’œuvre fournie par les prisonniers de guerre. Cependant, ses propres directives dévoilent entièrement son mensonge.

L’accusé Sauckel a préparé à l’avance l’utilisation forcée des prisonniers de guerre soviétiques dans l’industrie de guerre allemande, et il ne faisait aucune différence entre eux et la main-d’œuvre civile.

Les conditions inhumaines dans lesquelles se trouvaient les travailleurs étrangers déportés en esclavage et les prisonniers de guerre ressortent d’innombrables preuves documentaires.

L’accusé Sauckel lui-même se vit forcé de reconnaître que les travailleurs étrangers étaient maintenus dans des camps derrière des barbelés et qu’ils étaient obligés d’arborer des signes distinctifs spéciaux.

Le Dr Wilhelm Jäger, témoin convoqué devant le Tribunal à la requête du défenseur de Sauckel, fut contraint de tracer un tableau effrayant des conditions dans lesquelles : se trouvaient les travailleurs recrutés de force dans les entreprises Krupp.

Combien risibles paraissent après cela les dépositions d’un autre témoin, Fritz Wieshofer, qui, voulant justifier Sauckel, a fait preuve de trop de zèle en déclarant au Tribunal qu’il avait soi-disant vu des travailleurs étrangers se promenant et s’amusant sur le Prater de Vienne.

L’accusé Sauckel déployait une grande activité dans l’accomplissement de tous ses crimes. Au mois d’avril 1943, afin d’accélérer le rythme des déportations de main-d’œuvre, il visita personnellement les villes de Rovno, Kiev, Dniépropétrovsk, Saporojie, Simferopol, Minsk, Riga et, au mois de juin de la même année, Prague, Cracovie, encore Kiev, Saiporojie et Melitopol.

C’est justement après son voyage en Ukraine en 1943 que Sauckel exprima sa reconnaissance au Commissaire du Reich pour l’Ukraine, Koch, pour le succès de la mobilisation, de la main-d’œuvre, à ce Koch, tristement célèbre par ses ordres draconiens et inhumains qu’il appliquait sur une vaste échelle à la population ukrainienne.

Et ce n’est pas par hasard que l’activité criminelle de Sauckel était hautement appréciée en Allemagne hitlérienne.

Le 6 août 1942, à la conférence des Commissaires du Reich pour les régions occupées, l’accusé Göring a déclaré :

« Je ne veux pas adresser de louanges au Gauleiter Sauckel, il n’en a pas besoin. Mais ce qu’il a fait dans ce court laps de temps afin de rassembler rapidement des travailleurs et les diriger sur nos entreprises est dans son genre, une réussite. Je dois dire à tous que si chacun dans son domaine avait fait preuve ne serait-ce que du dixième de l’énergie dont fit preuve Sauckel, les tâches qui vous incombent auraient été alors remplies avec une réelle facilité. »

Dans l’article publié dans le Reichsarbeitsblatt pour l’année 1944 et consacré au cinquantième anniversaire de Sauckel, on lisait :

« Fidèle à sa mission politique, il suit son chemin plein de responsabilité avec une fermeté et une foi inébranlables. Comme l’un des partisans les plus fidèles de Hitler, il puise ses forces créatrices et spirituelles, dans sa confiance en Hitler.

En donnant leur appréciation sur l’activité criminelle de Sauckel, les honorables juges prendront certainement en considération les traces laissées par les millions de personnes qui ont souffert en esclavage hitlérien, les milliers de personnes torturées à mort dans les conditions inhumaines des camps de travail. Ils sauront apprécier et rendre justice.

L’accusé Arthur Seyss-Inquart a été nommé par Hitler, au début de septembre 1939, chef de l’administration civile de la Pologne du Sud, et, à partir du 12 octobre de la même année, a été nommé remplaçant du Gouvernement Général de Pologne. Il est resté à ce poste jusqu’en mai 1940.

Pendant sept mois, Seyss-Inquart, personnellement, ainsi que sous la direction de Frank et en même temps que lui, a instauré en Pologne un régime de terreur, a pris une part active à la conception et à la réalisation des plans d’extermination de plusieurs milliers de gens, au pillage économique et la mise en esclavage des populations de l’État polonais.

Le 17 novembre 1939, Seyss-Inquart prononça un discours devant les chefs des directions et services du Gouvernement de Varsovie, où il a, entre autres, indiqué que, lors de l’établissement de l’administration allemande dans le Gouvernement Général « les principes directeurs doivent être les intérêts du Reich allemand. Au moyen d’une direction sévère et inflexible, cette région doit être utilisée par l’économie allemande et afin de ne pas laisser paraître une pitié inutile ; il y a lieu de se rappeler comment la race polonaise a empiété sur le territoire allemand ».

Deux jours après, Seyss-Inquart donna à ce sujet des instructions au Gouverneur de Lublin, le Brigadeführer SS Schmidt :

« Les ressources et les habitants de ce pays doivent servir l’Allemagne et ne doivent pouvoir évoluer que dans ces conditions. On ne doit pas autoriser l’évolution d’une opinion politique indépendante. Il se peut que la Vistule ait encore une signification plus grande pour le sort de l’Allemagne que le Rhin ».

Du rapport d’une tournée d’inspection de Seyss-Inquart, il est permis d’établir que le Gouverneur de Varsovie, Fischer, informa l’accusé de ce que toutes les valeurs des banques de Varsovie, or, métaux précieux, billets de banque, avaient été transférés à la Reichsbank ; de plus, la population polonaise était obligée de laisser ses valeurs en dépôt dans les banques. Ce rapport établit également que l’administration allemande utilisait le travail obligatoire, que le Gouverneur de Lublin Schmidt avait déclaré en présence de Seyss-Inquart :

« Ce territoire de nature nettement marécageuse aurait pu servir de réserve pour les Juifs, mesure qui n’aurait pas manqué de les décimer. »

J’attire l’attention du Tribunal sur le fait que, justement à Lublin, à Maidanek, les bourreaux hitlériens ont créé un énorme camp de la mort dans ; lequel ils ont exterminé près de 1.500.000 hommes.

Il est bien connu également que Seyss-Inquart, en sa qualité de remplaçant de Frank, se chargeait en son nom des « tâches spéciales ».

Seyss-Inquart a pris part le 8 décembre 1939 à la conférence où il était question de la nomination de Frank comme délégué adjoint au Plan de quatre ans et des tâches du Gouverneur Général pour « que le Reich puisse obtenir ce qu’il y a de meilleur et de plus utile dans l’économie du Gouvernement Général » ; il y était également question du fait qu’à partir du 1er décembre un grand nombre de trains chargés de Polonais et de Juifs étaient arrivés des territoires nouvellement annexés — comme l’a dit l’Obergruppenführer SS Krüger — et que ces transports se continueraient jusqu’à la mi-décembre ; enfin, de la directive complémentaire d’après laquelle le travail obligatoire était étendu à l’âge de quatorze à .dix-huit ans.

Le 21 avril 1940, l’accusé a pris part à la conférence au cours de laquelle furent élaborées les mesures concernant la déportation des ouvriers polonais en Allemagne.

Le 16 mai 1940, l’accusé a pris part à l’élaboration de l’opération AB qui n’était rien d’autre qu’un plan préparé à l’avance de l’extermination en masse des classes cultivées polonaises.

A l’occasion de la nomination de Seyss-Inquart au poste de Commissaire du Reich d’ans les Pays-Bas, Frank et son valeureux remplaçant ont échangé des discours d’adieu.

« Je suis extrêmement content, disait Frank, de pouvoir vous assurer que le souvenir de votre travail dans le Gouvernement Général restera impérissable après la création du futur empire mondial de la nation allemande... »

« J’ai appris beaucoup de choses ici... répondait Seyss-Inquart, et en premier lieu, dans les domaines de l’initiative et d’une ferme direction, telles que je les ai vues chez mon ami le Dr Frank. Toutes mes pensées sont dirigées vers l’Est. Nous avons une mission nationale-socialiste à remplir à l’Est, tandis qu’à l’Ouest, nous n’avons que des fonctions. »

Nous savons quelle était la fonction de Seyss-Inquart à l’Ouest, ainsi que celle des autres ministres et Commissaires du Reich dans les territoires occupés par les Allemands : celle du bourreau et du pillard.

Mes collègues ont parlé en détail du rôle criminel de Seyss-Inquart dans la conquête de l’Autriche et dans l’a réalisation des autres plans d’agression des conspirateurs hitlériens ; ils ont clairement montré comment il a mis en pratique dans les Pays-Bas la sanglante expérience acquise en Pologne au cours de sa collaboration avec Frank. Et cela me donne toute justification pour soutenir, à l’égard de Seyss-Inquart, tous les griefs formulés dans l’Acte d’accusation.

L’accusé Franz von Papen, dès 1932, lorsqu’il était Reichskanzler de la République allemande, a activement encouragé le développement du mouvement fasciste dans le pays.

Papen a révoqué le décret promulgué par son prédécesseur Brüning, interdisant l’activité des SA. C’est également lui qui renversa le Gouvernement social-démocrate de Braun-Severing en Prusse. Ces mesures renforcèrent dans une mesure sensible la position des fascistes et favorisèrent leur accession au pouvoir.

C’est ainsi que Papen a frayé la voie à Hitler. Ayant assuré le pouvoir aux nazis, Papen occupa lui-même le poste de vice-chancelier dans le cabinet de Hitler. A ce titre, Papen prit part à l’élaboration et à l’application de toute une série de mesures législatives destinées à affermir le fascisme allemand.

Et par la suite, au cours de longues années, jusqu’à l’effondrement même de l’Allemagne hitlérienne, von Papen resta fidèle à ses amis fascistes et joua un. rôle considérable dans la réalisation de la conspiration criminelle.

L’accusé von Papen s’efforce maintenant d’expliquer son rôle dans le développement du mouvement nazi et dans l’accaparement du pouvoir par Hitler par la situation politique de l’Allemagne qui aurait rendu inévitable l’accession de Hitler au pouvoir.

Mais le motif qui a vraiment dicté la conduite de von Papen, c’est qu’il était un fasciste convaincu et dévoué à Hitler.

Prenant la parole à Essen, au cours de la campagne pour les élections du Reichstag le 2 novembre 1933, Papen déclarait :

« Depuis que le destin m’a appelé à devenir le pionnier de l’éveil national et de la renaissance de notre patrie, j’ai essayé de toutes mes forces de soutenir le travail du mouvement national-socialiste ainsi que ses dirigeants. De même qu’après être devenu chancelier je suis intervenu pour frayer un chemin au jeune mouvement de choc de la libération, de même que le 30 janvier, un sort favorable m’a choisi pour remettre le pouvoir entre les mains de notre chancelier et Führer, de même je dois dire aujourd’hui au peuple allemand, et à tous ceux qui m’ont gardé leur confiance, qu’un dieu bienveillant a béni l’Allemagne en lui donnant, dans les jours de ses plus grandes souffrances, un chef doué d’une si pure intuition d’homme d’État, un chef qui par delà tous les malheurs et toutes les faiblesses et toutes les crises, et tous les dangers, la mènera vers un avenir heureux. »

Le Tribunal Militaire International a pleinement apprécié l’activité criminelle de l’accusé von Papen, qui a joué un rôle décisif dans la prise du pouvoir par Hitler. Il a largement exploité les méthodes provocatrices au cours de son activité diplomatique, contribuant, par tous ses efforts, à organiser les sombres forces du nazisme qui ont entraîné le monde dans des guerres sanglantes et ont causé des misères sans nombre.

L’architecte Albert Speer, dès avant l’arrivée des nazis au pouvoir, était l’ami personnel du dessinateur en architecture Hitler et l’est resté jusqu’à la fin. Ce ne fut pas seulement la communauté de leurs intérêts professionnels qui rapprocha et unit les deux hommes, mais aussi leurs intérêts politiques. Speer commença sa carrière en 1932 avec la reconstruction de la « Maison Brune », Quartier Général de la NSDAP à Berlin, et dix ans après il était à la tête de toutes les constructions militaires et de toute la production de guerre de l’Allemagne fasciste. Après avoir commencé par construire les bâtiments du congrès du Parti, Speer finit par édifier le « Mur de l’Atlantique ».

Speer occupait une place de premier plan dans l’appareil gouvernemental et militaire de l’Allemagne hitlérienne et a pris la part la plus directe et la plus active à l’élaboration et à la réalisation de la conspiration criminelle.

En quoi consiste la « ligne de défense » de Speer devant le Tribunal ? Speer présente les choses en disant que le poste de ministre lui avait été imposé par Hitler ; il était l’ami intime de Hitler, mais il ignorait tout des projets de celui-ci ; il fut membre du Parti pendant quatorze années, mais il se tenait à l’écart de la politique et n’avait même pas lu Mein Kampf. Cependant, une fois démasqué, Speer a fini par avouer qu’il avait menti lors de l’interrogatoire préliminaire.

Speer mentait lorsqu’il niait avoir appartenu aux SA et aussi aux SS. Le Tribunal a, à sa disposition, le dossier original du SS Albert Speer, qui était membre de l’État-Major personnel du Reichsführer SS Himmler.

Speer avait également un rang assez élevé dans le parti nazi. Dans la chancellerie du Parti, il était délégué pour toutes les questions techniques, il était à la tête de la direction technique principale de la NSDAP, il dirigeait l’union des techniciens nationaux-socialistes allemands’, il était délégué de l’État-Major de Hess et le directeur die l’une des grandes organisations du Front du Travail allemand.

Ceci dit, peut-on prendre au sérieux la déclaration de Speer selon laquelle il n’était qu’un technicien sans caractère politique. En réalité, en qualité de plus proche collaborateur de Hitler, de Hess, de Ley et de Göring, Speer dirigeait la technique allemande non seulement en tant que ministre du Reich, mais également en tant que chef politique nazi.

Devenu le successeur de Todt, Speer — comme il l’a exprimé lui-même devant les Gauleiter — se consacra de son propre chef au règlement des tâches militaires. En exploitant sans pitié la population des territoires occupés et les prisonniers de guerre des Puissances alliées, au prix de la santé et de la vie de centaines de milliers de gens, Speer intensifia la production des armements et de l’équipement destinés à l’Armée allemande. En pillant les matières premières et autres ressources des territoires occupés, Speer augmenta de maintes façons le potentiel de guerre de l’Allemagne hitlérienne.

Ses pouvoirs augmentaient d’un mois à l’autre de la guerre. Par des décrets de Hitler du 2 septembre 1943, Speer devint fondé de pouvoir et responsable de l’approvisionnement en matières premières, de la direction et de la production de toute l’industrie de guerre. Il se vit même confier la tâche de régler les échanges commerciaux, tandis que le décret de Hitler du 24 août 1944 lui donnait pratiquement des pouvoirs dictatoriaux dans toutes les questions allemandes, tant à l’intérieur même du pays que dans les territoires occupés dont l’activité avait le moindre rapport avec le renforcement de la puissance guerrière de l’Allemagne.

Et lorsque les aviateurs fascistes bombardaient des villes et des villages paisibles, tuant des femmes, des vieillards et des enfants, lorsque l’artillerie allemande ouvrait le feu. de ses pièces lourdes sur Leningrad, lorsque les pirates hitlériens coulaient des navires-hôpitaux, lorsque les bombes volantes détruisaient les villes anglaises, c’était le résultat de l’activité de Speer. C’est sous sa direction que fut intensifiée la production des gaz et autres substances de la guerre chimique. L’accusé lui-même, lors de son interrogatoire par M. Jackson, au Tribunal, a reconnu que trois usines travaillaient pour la guerre des gaz et qu’elles avaient marché à plein rendement jusqu’en novembre 1944.

Non seulement Speer était au courant des méthodes appliquées par Sauckel à la déportation et à la réduction en esclavage de la population des territoires occupés, mais : il participait lui-même, avec Sauckel, aux conférences qui avaient lieu chez Hitler et à la direction du Plan central où avait été décidée la déportation en Allemagne de millions d’habitants des territoires occupés.

Speer était en étroit contact avec Himmler ; celui-ci lui envoyait des détenus pour travailler dans les usines de guerre ; dans beaucoup d’usines placées sous l’autorité de Speer, on avait organisé des succursales des camps de concentration. Eh échange des services rendus par Himmler, Speer, à son tour, fournissait aux SS des spécialistes expérimentés et des armements supplémentaires.

Speer a dit et répété ici qu’il avait sévèrement critiqué l’entourage immédiat de Hitler, qu’il avait eu, soi-disant, de très graves divergences de vues avec Hitler, et que, dans ses lettres à Hitler, il avait souligné combien il était inutile de poursuivre la guerre.

Lorsque le représentant du Ministère Public soviétique a demandé à Speer quels étaient exactement les hommes de l’entourage immédiat de Hitler qu’il critiquait et sur quoi portaient ces critiques, l’accusé a, répondu : « Je ne vous le dirai pas ».

Il est tout à fait évident que Speer, non seulement ne voulait pas, mais ne pouvait, pas non plus le dire, pour la bonne raison qu’il n’avait critiqué aucun des membres de l’entourage immédiat de Hitler et ne pouvait pas les critiquer non plus, puisqu’il était lui-même un nazi convaincu et appartenait à cet entourage immédiat. En ce qui concerne les prétendues « graves divergences de vues », Speer a reconnu quelles n’avaient surgi que lorsqu’il s’était rendu compte que l’Allemagne avait perdu la guerre. Les lettres de Speer à Hitler datent de mars 1945. A ce moment-là, Speer ne risquait plus grand-chose à souligner la situation désespérée de l’Allemagne. Elle paraissait déjà évidente aux yeux de tous et ne faisait pas l’objet de divergences de vues. Et ce n’est pas par hasard que Speer resta le favori de Hitler après l’envoi de ces lettres. Ce fut justement Speer que Hitler chargea, le 30 mars 1945, de diriger la destruction systématique mais totale ’des objectifs industriels’ en contraignant tous les organismes du Parti, du Gouvernement et de l’Armée de lui donner toute l’assistance possible.

Tels sont le véritable aspect et le véritable rôle de l’accusé Speer dans les crimes commis par la clique hitlérienne.

C’est à Constantin von Neurath qu’appartient le rôle marquant dans l’affermissement du pouvoir des conspirateurs nazis, lors de la préparation et de la réalisation de leurs plans d’agression.

Au cours de nombreuses années, chaque fois qu’il fallait faire disparaître les traces, chaque fois ; qu’il fallait couvrir les actes d’agression par des manipulations diplomatiques, il apparaissait au secours des hitlériens avec sa longue expérience dans la sphère de la politique extérieure, lui, Neurath, le diplomate des nazis, qui avait rang de général SS.

Je vais rappeler l’appréciation officielle de l’activité de Neurath qui a été publiée le 2 février 1943 dans tous les journaux de l’Allemagne fasciste :

« Les événements politiques les plus marquants après l’arrivée au pouvoir, dans lesquels le baron von Neurath a joué un rôle décisif en tant que ministre des Affaires étrangères du Reich et auxquels son nom sera éternellement attaché, sont : le départ de la conférence du désarmement à Genève le 14 octobre 1933, le retour de la région de la Sarre, la promulgation et la dénonciation du Traité de Locarno... »

Comme Protecteur de la Bohême et Moravie, Neurath était pour les conspirateurs nazis les « mains sûres et fermes » dont a parlé dans son mémorandum le général Friderici et qui devaient transformer la République tchécoslovaque en une partie inséparable de l’Allemagne. Pour atteindre ce but, Neurath a implanté « l’ordre nouveau », dont l’essence est maintenant bien connue.

Neurath a essayé de nous persuader ici que toutes les atrocités ont été commises par la Police et la Gestapo, sur l’ordre direct de Himmler, et que lui n’en avait même pas connaissance. On peut comprendre Neurath quand il fait de telles, assertions, mais on ne peut absolument pas être d’accord avec lui.

Karl Frank, interrogé le 7 mars 1946, a déclaré que Neurath entendait régulièrement les rapports du chef de la Police de sûreté et Frank lui-même sur les « événements importants du Protectorat qui touchaient à la Police de sécurité », que Neurath avait la possibilité de donner des directives à la Police de sécurité ; quant au SD (service de sécurité), ses droits à son égard étaient encore plus étendus et ne dépendaient en aucun cas de l’accord de l’Office principal de la sécurité du Reich (RSHA).

Je rappelle également les paragraphes 11, 13 et 14 de la décision du Conseil de Défense du Reich, en date du 1er septembre 1939, établissant que le Reichsführer SS et le chef de la Police allemande prennent les mesures administratives en Bohême et Moravie, en accord avec le Protecteur du Reich et que les organes de la Police allemande de sécurité dans le Protectorat sont obligés d’en informer le Protecteur et les services sous ses ordres et de les tenir au courant des événements importants.

Si l’on ajoute encore à cela que le 5 mai 1939 l’accusé Neurath a fait d’un Führer du SD, chargé de la Police de sécurité, son conseiller politique, si l’on se souvient des déclarations faites devant le Tribunal par l’ancien président du conseil des ministres tchèques sous Neurath, Richard Bienert, aux termes desquelles la Gestapo procédait à des arrestations sur les ordres du Protecteur du Reich, peut-on encore douter que Neurath ait sanctionné les arrestations massives, les exécutions sans jugement et autres actes inhumains commis par la Gestapo et la Police en Tchécoslovaquie ?

Je passe aux événements du 17 novembre 1939 au cours desquels neuf étudiants furent fusillés sans jugement, un millier d’étudiants jetés dans des camps de concentration et les universités fermées pour trois ans. Neurath déclare qu’il n’a connu ces événements qu’après coup. Nous avons cependant déposé devant le Tribunal une proclamation sur ces arrestations et exécutions d’étudiants qui était signée de l’accusé. Et Neurath cherche d’autres excuses. Il prétend que Frank a signé cette proclamation de son nom à lui, Neurath, et il ajoute pour renforcer sa thèse qu’il a appris ultérieurement d’un subordonné que Frank a souvent fait un abus de son nom sur de nombreux documents. Peut-on accorder quelque crédit à ces affirmations ? Il suffit d’analyser rapidement les faits pour répondre par la négative. Neurath déclare que Frank s’est servi de son nom, mais qu’a-t-il fait cependant ? Peut-être a-t-il demandé la démission de Frank ou une sanction pour faux en écritures ? Non. Peut-être a-t-il communiqué officiellement à quelqu’un ces falsifications de documents ? Non, bien au contraire, il a continué à collaborer avec Frank comme auparavant. Neurath déclare qu’il a appris de la bouche d’un fonctionnaire ces actes de Frank. Mais quel était le nom de ce fonctionnaire ? Qui était-il ? Pourquoi n’avons-nous vu aucune requête aux fins de citation de ce témoin ? Pourquoi n’y a-t-il aucune déposition écrite qui nous reste ? Le fait est que personne n’a parlé à Neurath de l’abus de signature de Frank, car il n’y a jamais eu d’abus de signature. Au contraire, le Tribunal a à sa disposition les preuves du fait que la proclamation du 17 novembre 1939 était signée par Neurath et que les mesures de terreur dont il est question dans cette proclamation ont été sanctionnées par lui. Et je fais allusion à deux déclarations de Karl Frank, participant direct à ces événements sanglants. Karl Frank a déclaré dans son interrogatoire du 26 novembre 1945 :

« Ce document était daté du 17 novembre 1939 et signé par von Neurath qui n’a protesté ni contre l’exécution de neuf étudiants, ni contre le grand nombre d’étudiants qui devaient être internés dans les camps de concentration. »

Je cite une seconde déclaration de Karl Frank, en date du 7 mars 1946 :

« Le Protecteur du Reich, von Neurath, par la signature qu’il a apposée au bas de cette proclamation officielle dans laquelle il était question de l’exécution de ces étudiants tchèques, a sanctionné officiellement ces actes. Je l’ai informé officiellement des faits et il l’a signée lui-même. S’il n’avait pas été d’accord et avait par exemple demandé un adoucissement de cette peine, ce qu’il avait le droit de faire, j’eusse été obligé de me rendre à ses vues. »

Au mois d’août 1939, en considération de la « situation particulière », Neurath a promulgué un prétendu avertissement dans lequel il déclarait que la Bohême-Moravie devenait partie intégrants du Grand Reich allemand et établissait « que la responsabilité de tous les actes de sabotage était supportée non seulement par les auteurs individuels mais également par toute la population tchèque » (document URSS-490) ; c’est-à-dire qu’il établissait le principe de la responsabilité collective et intraduisait le système des otages. Si l’on apprécie les événements du 17 novembre’ 1939 à la lumière de cette directive de Neurath, nous trouvons encore une autre preuve irréfutable contre l’accusé. A partir du 1er septembre 1939, en Tchécoslovaquie et en Moravie, plus de 8.000 Tchèques furent arrêtés comme otages dont la plupart furent déportés dans les camps de concentration. Bon nombre d’entre eux furent exécutés, ou moururent de faim ou des suites des tortures auxquelles ils avaient été soumis. Messieurs les juges, vous avez entendu, à ce sujet, les déclarations de Bienert, Krejci et Havelka. Ces actes de terreur contre les intellectuels tchèques n’étaient-ils pas accomplis sur la base de ces avertissements de Neurath ?

Il n’est pas indispensable de revenir sur tout ce qui se passa à Lidice et ensuite à Lestraki. Tout cela est de notoriété publique. Est-ce que les envahisseurs allemands n’y ont pas agi conformément aux avertissements die Neurath et au principe qu’il avait établi suivant lequel la responsabilité est portée non seulement par les auteurs isolés, mais également par toute la population tchèque ?

C’est Neurath qui, en août 1939, a inauguré la terreur massive contre la population tchécoslovaque. Ce sont ses mains qui sont rouges du sang de plusieurs milliers de femmes, d’enfants, de vieillards tués et torturés, et je ne crois pas qu’il existe une différence entre le baron von Neurath et les autres chefs du criminel régime fasciste.

Le rôle de l’accusé Hans Fritzsche dans le plan concerté, dans les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité est indiscutablement plus important qu’il ne pourrait le paraître à première vue.

L’activité criminelle de Fritzsche, le plus proche collaborateur de Goebbels, menée systématiquement de jour en jour, était un chaînon très important dans le plan concerté criminel de la conspiration, et de la façon la plus active, contribuait à créer les conditions dans lesquelles sont nés et ont mûri un grand nombre de crimes hitlériens.

Toutes les tentatives de l’accusé Fritzsche et de son avocat pour atténuer son importance et son rôle dans ces crimes se sont nettement effondrées.

Les déclarations de Hitler dans Mein Kampf témoignent du rôle absolument particulier qu’a joué la propagande mensongère dans l’Allemagne hitlérienne. Il écrivait :

« La question de la renaissance de la puissance allemande signifie non pas « Comment fabriquerons-nous des armes ? », mais « Comment créerons-nous cet état d’esprit qui rendra le peuple capable de, porter les armes ? » Si cet état d’esprit règne sur le peuple, la volonté trouvera des milliers de voies, dont chacune conduira à une arme. »

Je viens de citer un extrait de Mein Kampf, 64e édition, 1933, pages 365-366.

Ce n’est pas par hasard que, de la même façon, au congrès du parti nazi à Nuremberg, en 1936, des slogans étaient lancés :

« La propagande nous a aidés à accéder au pouvoir. La propagande nous aidera à maintenir le pouvoir. La propagande nous aidera à conquérir le monde entier. »

De par sa situation, l’accusé Fritzsche, qui bénéficiait de’ la confiance particulière de Goebbels, était indiscutablement l’un des propagandistes les plus en vue et l’une des personnes les mieux informées de l’Allemagne hitlérienne.

Comme on le sait, de 1938 à 1942, Fritzsche a été le chef de la section la plus importante : la presse allemande, au ministère’ de la Propagande ; et de 1942 jusqu’à l’écroulement de l’Allemagne hitlérienne, il a dirigé le service radiophonique allemand d’informations.

Élevé dans la carrière journalistique, dans la presse réactionnaire de Hugenberg, et membre du parti nazi depuis 1933, Fritzsche, en tant que commentateur du Gouvernement à la radio, a joué, par sa propagande personnelle, un rôle prépondérant dans la propagation du nazisme en Allemagne, dans la corruption politique et morale du peuple allemand. Les témoins Ferdinand Schörner, ancien Feldmarschall de l’Armée allemande et Hans Voss, ancien vice-amiral de la flotte allemande, en ont fait un compte rendu détaillé dans leur déposition, écrite.

Les textes des discours prononcés à la radio’ par l’accusé Fritzsche et captés par les services d’écoute de la radio anglaise qui ont été présentés au Tribunal sous le numéro PS-3064 et le numéro URSS-496, confirment entièrement ces déductions du Ministère Public.

Dans son activité, la propagande allemande et personnellement l’accusé Fritzsche ont, sur une large échelle, utilisé des méthodes de provocation, le mensonge et la calomnie et, sur une échelle particulièrement étendue, ont utilisé ces méthodes dans le but de justifier les actes d’agression de l’Allemagne hitlérienne.

Hitler écrivait encore dans Mein Kampf  : « Avec l’aide d’une propagande savante et de longue durée, on peut même faire croire au peuple que le ciel est l’enfer et, au contraire, représenter la vie la plus pauvre comme un paradis ».

Fritzsche s’est avéré être la personne qui convenait le mieux pour ce travail si sale.

Dans la déclaration déposée devant le Tribunal le 7 janvier 1946, Fritzsche a décrit en détails les méthodes de provocations largement utilisées par la propagande allemande et par ses soins à propos des actes d’agression contre l’Autriche, la région des Sudètes, la Bohême et la Moravie, la Pologne et la Yougoslavie.

Les 9 avril et 2 mai 1940, Fritzsche a fait une déclaration à la radio en donnant une explication mensongère des raisons de l’occupation de la Norvège par l’Allemagne. Il déclarait :

« ... Personne n’a été blessé, pas une seule maison n’a été démolie, la vie et le travail continuent normalement. » Au contraire, le rapport officiel du Gouvernement norvégien qui a été présenté au Tribunal s’exprime ainsi :

« L’agression allemande contre la Norvège, le 9 avril, a précipité la Norvège dans la guerre pour la première fois depuis 126 ans. Pendant deux mois, la guerre a fait rage d’un bout à l’autre du pays, accumulant les destructions. Plus die 40.000 maisons ont été endommagées ou détruites et on compte près de 1.000 victimes dans la population civile ».

La propagande allemande et Fritzsche personnellement se répandirent en calomnies insolentes à l’occasion du torpillage du paquebot anglais Athenia.

La propagande allemande se fit particulièrement active à propos de l’agression perfide de l’Allemagne hitlérienne contre l’Union Soviétique.

L’accusé Fritzsche s’est efforcé d’affirmer qu’il entendit parler pour la première fois de l’agression contre l’URSS, le 22 juin 1941, lorsqu’il fut appelé à 5 heures du matin pour une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères chez Ribbentrop et que les buts de cette attaque ne devinrent clairs pour lui qu’à la suite d’observations personnelles et en 1942 seulement.

Ce genre d’affirmations se trouve réfuté par des documents tels que le compte rendu de l’accusé Rosenberg. Il résulte de ce document que Fritzsche connaissait, longtemps avant l’attaque contre l’URSS, les préparatifs qui s’y rapportaient, et qu’en sa qualité de représentant du ministère de la Propagande, il avait participé aux travaux de mise au point die la propagande à l’Est que l’on poursuivait au ministère des Territoires occupés de l’Est.

Répondant aux questions du Ministère Public soviétique, au cours du contre-interrogatoire, Fritzsche a déclaré que s’il avait connu les ordres criminels du Gouvernement hitlérien, qui ne lui furent révélés qu’ici même au cours du Procès, il n’aurait pas suivi Hitler. Et, dans ce cas encore, Fritzsche a menti devant le Tribunal Militaire International. Il a dû reconnaître que les ordres criminels de Hitler portant sur l’extermination, des Juifs et l’exécution des commissaires soviétiques sont parvenus à sa connaissance dès 1942 et que, cependant, il a continué à occuper son poste et à se livrer à sa propagande mensongère.

Dans son émission radiophonique du 16 juin et du 1er juillet 1944. Fritzsche exalta l’adoption par l’Allemagne d’armes nouvelles, s’efforçant par tous les moyens d’entraîner l’Armée et le peuple à prolonger une résistance vaine.

A la veille de l’écroulement de l’Allemagne hitlérienne, le 7 avril

1945. Fritzsche, prenant la parole à la radio, appela le peuple allemand à prolonger la résistance aux Armées alliées et, pour cela, à entrer dans l’organisation du Werwolf.

Ainsi jusqu’à la fin, l’accusé Fritzsche est resté fidèle au criminel régime hitlérien. Il s’est consacré de toute son âme à la réalisation du complot fasciste et de tous les crimes prévus et perpétrés.

C’est un participant actif de tous les crimes hitlériens pour lesquels il porte la responsabilité la plus lourde.

Messieurs les juges. Tous ces accusés sont devant vous, hommes sans honneur et sans conscience, hommes qui ont précipité le monde dans un abîme de malheur et de souffrance sans fin, hommes qui ont apporté des misères sans nom à leur propre peuple. Aventuriers politiques, ne s’arrêtant devant aucune abomination pour arriver à leurs fins criminelles, démagogues de bas étage, couvrant leurs plans de bandits d’idées mensongères, bourreaux ayant assassiné des millions d’innocents, ils. se sont rassemblés en une clique de conspirateurs, se sont emparés du pouvoir et ont transformé l’appareil de l’État allemand’ en instrument de leurs crimes.

L’heure de payer est maintenant arrivée.

Pendant neuf mois, nous avons observé les anciens maîtres de l’Allemagne fasciste. Devant ce Tribunal, assis au banc des accusés, ils ont perdu leur bruyante arrogance. Quelques-uns d’entre eux ont même condamné Hitler. Mais ils ne reprochent pas en ce moment à Hitler la provocation à la guerre ni les assassinats de peuples et la dévastation d’États ; la seule chose qu’ils ne peuvent pas lui pardonner, c’est la défaite. Ils étaient prêts, de concert avec Hitler, à exterminer des millions d’hommes, à asservir toute l’humanité civilisée en vue d’atteindre leur but criminel : la domination du monde.

Mais l’Histoire en a décidé autrement : la victoire n’a pas marché sur la trace des crimes. Les peuples épris de liberté ont vaincu, la vérité également a vaincu, et nous sommes fiers du fait que le jugement du Tribunal Militaire International soit le jugement de la justice victorieuse des peuples pacifiques.

Les avocats des accusés ont parlé d’humanité. Nous savons que civilisation et humanité, démocratie et humanité, paix et humanité, sont inséparables. Mais, combattants de la civilisation, de la démocratie et de la paix, nous repoussons catégoriquement une humanité favorable aux accusés et indifférente à leurs victimes. Le défenseur de Kaltenbrunner a lui aussi parlé ici d’amour du, prochain. Ces mots d’amour de l’humanité rapprochés du nom et des actes de Kaltenbrunner sonnent comme un blasphème.

Monsieur le Président, Messieurs, mon réquisitoire termine l’exposé des charges du Ministère Public.

Parlant devant ce Tribunal au nom des peuples de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques, je considère comme’ pleinement démontrées toutes les charges portées contre les accusés. Et, au nom de l’amour le plus pur de l’Humanité qui anime les peuples qui ont apporté le plus grand nombre de victimes pour sauver le monde, la liberté et la culture, au nom des millions d’innocents torturés et mis à mort par une bande de criminels jugés devant le Tribunal de l’humanité civilisée, au nom du. bonheur et du travail paisible des générations à venir, je demande au Tribunal de prononcer contre tous les accusés, sans exception, la peine la plus sévère, la peine de mort. Ce verdict sera accueilli avec satisfaction par tout l’univers civilisé.

LE PRÉSIDENT (Lord Justice Sir Geoffrey Lawrence)

Maintenant, nous allons nous occuper des requêtes concernant les témoins et les documents présentés par l’avocat des. SA.

COMMANDANT J. HARCOURT BARRINGTON (Substitut du Procureur Général britannique)

Au début, sept témoins avaient été demandés pour les SA, quatre pour les Allgemieine SA, deux pour le Stahlheim et un pour les unités montées des SA. Depuis, il y a eu une huitième requête pour un témoin du Stahlheim qui, si je le comprends bien, doit remplacer les deux autres qui avaient été prévus précédemment. Cela réduirait donc les témoins des SA à six. Tous ceux qui avaient fait l’objet de requêtes au début, ont déjà été entendus par la commission, mais celui qui a été demandé récemment, un nommé Gruss, n’a pas encore été entendu par cette commission. Si le Tribunal approuve la citation de ce témoin, il devra être au préalable entendu par la commission.

Je suppose que le Tribunal aura sous les yeux les recommandations de la commission au moment où il aura à décider. Cela étant, le Ministère Public désire simplement mentionner ici qu’il n’a pas d’objection spéciale à formuler contre cette requête.

LE PRÉSIDENT

Vous n’avez aucune objection à présenter contre tous ces témoins ?

COMMANDANT BARRINGTON

Non, aucune objection, Monsieur le Président, étant bien entendu que Gruss se substituera aux deux autres témoins Waldenfels et Hauffe, demandés pour le Casque d’Acier.

LE PRÉSIDENT

Très bien, Monsieur Böhm ?

M. GEORG BÖHM (avocat des SA)

Monsieur le Président, j’ai demandé que soient cités pour les SA les témoins Juttner, Bock, Klähn, Schäfer, von der Borch et tout d’abord, les témoins Waldenfels et Hauffe. Le témoin Hauffe a été demandé parce qu’il n’était pas possible d’obtenir à Nuremberg un autre témoin qui était Gruss. En ce qui concerne ce dernier, je voudrais demander qu’il soit cité devant la commission pour être ensuite entendu devant le Tribunal. Il vient d’être retrouvé. Ma demande de citation avait été présentée au mois de mai, et il a fallu le chercher pendant deux mois. C’est un témoin important pour le Stahlheim et les SA, étant donné qu’il a été trésorier du Stahlheim et qu’il connaît les conditions qui régnaient en Allemagne, pour la période postérieure à 1935. Mais étant donné que je ne puis faire cette demande qu’à partir du moment où il sera entendu devant la commission, je vous prie de permettre qu’il soit cité devant cette commission. Je maintiendrai la même requête pour le témoin Waldenfels. La situation sera donc la suivante : pour les SA, il y aura non pas six, mais sept témoins qui seront entendus, ainsi qu’il en avait tout d’abord été décidé.

LE PRESIDENT

Quels sont leurs noms ?

M. BÖHM

Jüttner, Bock, Klähn, Schäfer, von der Borch, Waldenfels et Gruss.

J’aimerais vous prier, Monsieur le Président, étant donné que je ne connais pas encore la portée du témoignage du témoin Gruss, de me laisser le choix entre les deux témoins Gruss et Hauffe. Par conséquent, j’aimerais, après l’audition du témoin devant la commission, — il s’agit de Gruss- — pouvoir prendre une décision sur la question de savoir si, à côté du témoin Waldenfels, j’entendrai encore Gruss ou Hauffe, ici, devant le Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Est-ce tout ce que vous vouliez nous dire, Docteur Böhm ?

M. BÖHM

Oui, Monsieur le Président, du moins en ce qui concerne la question des témoins. En ce qui concerne les documents, j’ai quelques déclarations à faire, si vous me le permettez.

LE PRÉSIDENT

Un instant, s’il vous plaît. Monsieur Barrington, désirez-vous ajouter quelque chose au su jet de cette requête qui concerne sept témoins au lieu de six ?

COMMANDANT BARRINGTON

Le Ministère Public est d’avis qu’un témoin serait suffisant pour le Casque d’Acier. Mais, naturellement, Monsieur le Président, vous aurez sous les yeux les recommandations de la commission. En ce qui concerne le choix entre Hauffe et Gruss, nous n’avons pas d’objection à formuler lorsque Gruss aura été entendu .devant la commission.

M. BÖHM

Monsieur le Président, puis-je dire à ce propos que le Stahlheim représente environ dans les SA le quart des effectifs des membres des SA. Il y a 1.000.000 d’adhérents au Stahlheim qui sont entrés dans les SA. Et je crois que, si l’on veut tenir compte de leur nombre élevé, on peut estimer qu’il est nécessaire de leur accorder deux témoins.

LE, PRÉSIDENT

Fort bien. Le Tribunal prendra vos arguments en considération. Maintenant, voyons ce qui concerne les documents.

COMMANDANT BARRINGTON

Vous conviendrait-il que je présente d’abord mes observations sur les documents ?

LE PRÉSIDENT

Oui, certainement.

COMMANDANT BARRINGTON

Monsieur le Président, un accord est intervenu à propos des livres de documents, à l’exception d’un groupe de cinq documents contre lesquels le Ministère Public élève des objections. Avant de traiter ce groupe, je voudrais mentionner devant ce Tribunal que, parmi les autres documents, sur lesquels nous sommes tombés d’accord pour les écarter, il y avait de nombreuses photographies de membres du corps monté des ; SA, en vêtements civils ; la majorité de ces photographies ont été écartées. Quelques-unes ont été retenues ; mais. je voudrais simplement dire que ces photographies devaient montrer que le but des corps montés des SA était uniquement de déployer une’ activité sportive, mais le Ministère Public estime que ce’ n’était pas leur seul but. En ce qui concerne le groupe de cinq documents, je crois pouvoir le traiter rapidement ; j’ai préparé un résumé que le Tribunal trouvera au verso de ce document.

LE PRÉSIDENT

Oui.

COMMANDANT BARRINGTON

Ces cinq documents sont tous des extraits d’articles d’écrivains et de journalistes anglais pendant la période de 1936 à 1939 et représentant tous, d’après moi, des opinions officieuses personnelles et des arguments personnels. Monsieur le Président pourra voir en gros en quoi ils consistent.

Le premier, SA-236, est de M. Dawson ; dans Le XIX e siècle, il cherche à démontrer que la politique de Hitler vis-à-vis des hommes d’État européens est pacifique. Il dit que Hitler a sauvé l’Allemagne de l’écroulement total et qu’il voulait sauver l’Europe par ses propositions de paix.

Ensuite, le SA-237, du Dr A. J. Mac Donald, tiré du livre Pourquoi j’ai foi en Hitler et dans le III e Reich allemand où l’auteur dit que la garantie la plus grande de la stabilité du régime hitlérien réside dans sa pureté morale. Il s’est attaché au problème de la jeunesse, etc.

Le SA-242 est un extrait du journal Das Archiv citant le Pr Cornell Evans et à nouveau le Pr Dawson. Il y est dit : « Le départ de Hitler de Locarno et l’occupation de la Rhénanie sont une bonne chose ». « Les propositions de paix de Hitler seront précieuses ». « Le Traité de Versailles est injuste », etc.

Le SA-246, autre extrait du XIX e siècle, affirme que les Allemands occupent des parties de leur propre pays et que ce geste est entièrement justifié.

Le. SA-247 est extrait d’un livre dé A. P. Lorry, Le cas de l’Allemagne, qui dit : « La récrimination contre l’usage de la violence par l’Allemagne n’est pas justifiée ; l’occupation de l’Autriche ne peut être considérée comme une agression ».

Dans la mesure où ces extraits doivent prouver des faits, il me semble qu’ils ne constituent pas des preuves directes mais simplement des opinions et, par conséquent, ils n’aident absolument pas le Tribunal à résoudre les problèmes qui se posent à lui. Si, par ailleurs, on se propose de prouver que ces extraits ont laissé croire aux SA que le régime nazi était une chose admirable ou était estimé à l’étranger, je soulignerai à nouveau que ce sont là des opinions personnelles et qu’il n’y a rien pour nous prouver qu’ils eussent été lus par les SA, ou les eussent influencées. C’est tout ce que j’ai à dire à ce sujet.

LE PRÉSIDENT

Docteur Böhm.

M. BÖHM

Monsieur le Président, d’abord, je n’ai pas l’intention de traiter en détails, le contenu de ces documents, comme l’a fait M. le représentant du Ministère Public tout à l’heure, pour ne pas m’exposer au reproche de faire ici de la propagande nationale-socialiste. Mais il s’agit ici de courts extraits de la littérature anglaise et américaine qui ne présentent pas ’de difficultés de traduction- et que, d’ailleurs, je ne me proposais pas de lire ici. Je n’ai pas non plus l’intention de présenter, au cours de l’exposé des preuves, le texte complet de ces. documents, mais je voudrais tout au moins avoir la possibilité, au cours de ma plaidoirie, de me référer à ces textes. Ces citations ont été publiées dans les journaux allemands et sont contenues également dans, les recueils comme celui constitué par la revue Das Archiv ; ils étaient à la disposition du public allemand et ils étaient connus. On ne peut donc pas, dire qu’on les ait traduits simplement en extraits et que personne, en Allemagne, ne les connaissait. Ils ont paru dans le Völkischer Beobachter et Das Archiv ; ils étaient publics, et tous les Allemands pouvaient les lire et en prendre connaissance. Ces extraits sont d’une certaine importance, étant donné que leurs auteurs sont originaires de Puissances principales du monde. Sans considérer l’importance des écrivains ou des gens qui ont fourni ces explications, ces articles présentent cependant une importance pour les Allemands car il s’agissait de gens ; appartenant à de, grands États qui avaient exprimé leur opinion sur des thèmes qui présentaient une acuité en Allemagne. Et je regretterai que le Tribunal ne puisse se ’décider à me permettre d’introduire ces documents dans mon livre de documents ; car ils ne donneront que très peu de travail pour leur traduction ; ils ne sont pas très volumineux et, sous ce rapport, ne présentent pas d’obstacle.

LE PRÉSIDENT

Tous ces documents ont-ils déjà été traduits ?

M. BÖHM

Je ne le pense pas, il y en a un nombre considérable.

LE PRÉSIDENT

Ces documents sont-ils très longs ?

M. BÖHM

Je ne peux pas dire cela des cinq. La majorité sont de courts extraits.

LE PRÉSIDENT

Je ne parle pas des cinq, mais des autres.

COMMANDANT BARRINGTON

Pour la plupart d’entre eux, ce sont de courts extraits. Ils sont très variés.

M. BÖHM

Seuls quelques documents de mon livre de documents ont été traduits jusqu’ici en entier. Et seulement les extraits de ces documents qui sont particulièrement importants pour la présentation de mes preuves et auxquels je ferai allusion dans ma plaidoirie. J’insiste sur le fait que la traduction de ces documents ne donnera pas beaucoup de travail et en particulier les documents que je demande de bien vouloir admettre ne présentent pas de difficultés en ce qui concerne la traduction.

LE PRÉSIDENT

Désirez-vous encore ajouter quelque chose, Monsieur Böhm ?

M. BÖHM

A mon grand regret, je me vois obligé de présenter encore une requête à laquelle j’aurais renoncé si j’avais pu le faire, mais la situation est telle que je suis obligé de la présenter. Je vous prie de bien vouloir autoriser la citation, devant la commission, des témoins Fuss, Lucke, Waldenfels, von Alvensleben, Dr Geyer et Dr Meder. J’ai demandé le témoin Fusa le 25 avril ; le témoin Lucke le 7 mai ; le témoin Waldenfels le 21 mai ; le témoin von Alvensleben le 20 mai ; le témoin Dr Geyer le 25 avril et le témoin Dr Meder le 25 avril de cette année.

Ces témoins sont des témoins importants et, si je puis citer un seul exemple à l’appui, je dirai que l’audition des témoins Fuss et Lucke amènerait la réfutation d’un des documents les plus importants de ce Procès, le document PS-1721, dans lequel on reproche à la brigade 50 d’avoir rendu compte, par la voix de son chef, au Gruppenführer, de l’incendie d’environ trente-huit synagogues. Les autres témoins, sur l’interrogatoire desquels je n’entre pas dans ; les détails et à propos desquels j’ai obtenu l’autorisation du colonel Neave, ne sont pas encore arrivés. Je crois avoir entendu dire hier que le Dr Geyer serait arrivé depuis quelques jours. Les points sur lesquels porteront les interrogatoires de ces témoins sont importants et la durée de leur audition devant la commission sera très brève. Je ne puis à aucun prix renoncer à l’audition de ces témoins, au sujet desquels j’ai fait des réclamations constantes ; il faut qu’ils soient entendus et je crois qu’on peut les faire comparaître à temps afin qu’ils figurent encore dans le cadre de l’audition des preuves de ce Procès.

LE PRÉSIDENT

Combien de témoins demandez-vous ?

M. BÖHM

Sept témoins qui doivent être entendus par la commission ; pardon, six témoins.

LE PRÉSIDENT

Combien en avez-vous déjà fait entendre devant la commission. On m’informe qu’il s’agit de seize témoins. Ce chiffre est-il exact ?

M. BÖHM

Il m’est impossible d’indiquer le chiffre exact en ce moment, mais je suis tout disposé à vérifier immédiatement.

LE PRÉSIDENT

Combien en a-t-on amenés à Nuremberg pour être mis à votre disposition ?

M. BÖHM

Monsieur le Président, les témoins qui ont été mis à ma disposition à Nuremberg sont pour la plupart de faux témoins. Un certain nombre d’entre eux ont dû être amenés ici deux ou trois fois pour que l’on obtienne enfin un témoin intéressant, comme le témoin Wolff par exemple.

LE PRÉSIDENT

Je vous demandais leur nombre.

M. BÖHM

S’agit-il, Monsieur le Président, de l’ensemble des témoins qui sont venus ici pour donner une déclaration sous la foi du serment, ou bien s’agit-il des témoins entendus devant la commission ?

LE PRÉSIDENT

Combien de personnes ont-elles été amenées à Nuremberg aux fins d’interrogatoires ?

M. BÖHM

Monsieur le Président, je crois qu’il s’agit là d’une question qui nécessite une explication. Il y a des témoins qui sont venus ici pour être entendus par la commission et, éventuellement, devant le Tribunal ; mais on a fait venir ici aussi des témoins dans le seul but de leur faire donner une déclaration sous la foi du serment sur un sujet quelconque, sur une preuve qui paraissait importante. Il s’agissait donc là de témoins qui n’avaient pas à comparaître devant la commission ou le Tribunal. Ils ont été renvoyés d’ailleurs après avoir donné leur déclaration sous la foi du serment.

LE PRÉSIDENT

Je vous demande encore une fois combien de personnes au total ? Combien ? Vous ne pouvez pas me répondre ?

M. BÖHM

En tout ? J’aimerais savoir, Monsieur le Président, si votre question concerne également les personnes qui ont été entendues par la commission ou bien si elle concerne tous les témoins venus ici ?

LE PRÉSIDENT

Parmi les personnes convoquées ici, certaines ont été entendues devant la commission ; d’autres ont fourni des affidavits, d’autres n’ont pu faire ni l’un ni l’autre. Je voudrais connaître leur nombre global.

M. BÖHM

Je ne puis donner le chiffre exact, parce que ce n’est pas moi qui les ai tous entendus. Je vous prie de bien, vouloir me permettre de le vérifier au cours de la suspension d’audience.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal suspend maintenant l’audience.

(L’audience est suspendue.)
LE PRÉSIDENT

Je vais m’occuper d’abord des documents. Les documents pour lesquels aucune objection n’a été faite seront traduits et seront admis sous réserve des objections qui seront soulevées contre leur admission. Les documents pour lesquels on a déjà fait des objections, c’est-à-dire SA-236, 237, 242, 246, 247, sont tous refusés et ne seront pas traduits.

En ce qui concerne les témoins, les témoins suivants qui ont été entendus devant la commission pourront déposer devant le Tribunal. Le témoin Schäfer, le témoin Jüttner, le témoin Bock ou le témoin Klähn, suivant la décision de l’avocat des SA. L’un des trois : témoins Waldenfels, Hauffe et Gruss sera entendu devant la commission. Von den Borch n’est pas autorisé, mais son témoignage peut être donné sous forme d’affidavit.

En ce qui concerne les six autres témoins pour lesquels une requête a été faite, tous les efforts possibles sont faits pour essayer de les retrouver. S’ils arrivent cette semaine, c’est-à-dire avant mardi de la semaine prochaine au plus tard, ils seront entendus devant la commission. C’est tout ce que j’avais à dire.

M. BÖHM

Monsieur le Président, puis-je faire une brève déclaration ? Le Tribunal a autorisé les témoins Waldenfels, Hauffe et Gruss à comparaître devant la commission.

LE PRÉSIDENT

Non. Les témoins Waldenfels, Hauffe et Gruss ont déjà été entendus devant la commission, n’est-ce pas ?

M. BÖHM

Oui.

LE PRÉSIDENT

J’ai dit que vous deviez choisir l’un des trois témoins : Waldenfels, Hauffe et Gruss ; une fois que Gruss aura été entendu devant la commission. De cette façon, vous aurez en tout quatre témoins : Schäfer, Jüttner, Bock ou Klähn et un quatrième à choisir entre Waldenfels, Hauffe et Gruss. Ce qui fait quatre en tout ; vous pourrez également déposer un affidavit de von der Borch.

M. BÖHM

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Barrington, en ce qui concerne le Cabinet du Reich, je vois qu’un témoin n’a pas. encore été accordé ; c’est le témoin Schlegelberger. Il n’a pas encore été entendu devant la commission. Oui, docteur Kempner ?

Dr ROBERT M. KEMPNER (Substitut du Procureur Général américain)

Monsieur le Président, Schlegelberger a été entendu hier devant la commission.

LE PRÉSIDENT

Y a-t-il une objection ?

Dr KEMPNER

Non.

LE PRÉSIDENT

Y a-t-il d’autres témoins, pour le Cabinet du Reich ?

Dr KEMPNER

Pas que je sache.

LE PRÉSIDENT

Nous économiserions, peut-être du temps si nous passions dès maintenant aux documents. Y a-t-il d’autres documents pour le Cabinet du Reich sur lesquels vous ne soyez pas d’accord ?

Dr KEMPNER

Nous avons examiné tous les documents.

LE PRÉSIDENT

Vous êtes, d’accord ? Très bien.

Dr KEMPNBR

Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT

Nous allons maintenant entendre les témoins des chefs politiques.

Dr ROBERT SERVATIUS (avocat de l’accusé Sauckel et du Corps des chefs politiques)

Monsieur le Président, d’après les décisions des 25 et 26 juillet, je dois d’abord présenter des documents et des affidavits afin qu’ils figurent dans le procès-verbal. Dois-je le faire d’abord, ou dois-je d’abord interroger les témoins ? Conformément à votre décision, je présenterai d’abord les documents.

LE PRÉSIDENT

Très bien. Faites.

Dr SERVATIUS

D’après la décision du 25 juillet, il me faut d’abord produire les documents ; ces documents ne seront appréciés qu’au cours, de mes conclusions ; je ne ferai donc que remettre maintenant les documents sans aucun commentaire. Je m’en tiens à la décision du Tribunal. Je remets donc d’abord une liste des témoins qui ont été entendus par la commission et dont je désire utiliser les témoignages. Il y a vingt témoins. Est-ce que le Tribunal croit nécessaire que je lise les noms de ces témoins ?

LE PRÉSIDENT

Je ne crois pas qu’il soit utile die les lire ; il suffira que vous déposiez les procès-verbaux de leurs déclarations devant la commission.

Dr SERVATIUS

Certainement. Je dépose donc les copies des procès-verbaux dont les originaux sont entre les mains de la commission. Il manque encore le procès-verbal du témoin Mohr, qui apparaît sous le numéro 7 de la liste. Je n’ai pas encore reçu ce procès-verbal, je le remettrai plus tard.

LE PRÉSIDENT

Le Secrétaire général versera aux archives les originaux des procès-verbaux.

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Et vous leur donnerez une référence, un numéro de dépôt ?

Dr SERVATIUS

Je m’entretiendrai sur ce point avec le Secrétaire général, car il y a encore quelques imprécisions sur l’ordre de ces documents.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SERVATIUS

Je remets donc une liste...

LE PRÉSIDENT

Un instant. Voua pourrez décider avec le Secrétaire général s’il est préférable de donner à ces procès-verbaux de déclarations devant la commission un numéro de dépôt ou non.

Dr SERVATIUS

Oui, nous nous mettrons d’accord. Je remets une liste d’affidavits qui ont reçu raccord de la commission. Il y en a cinquante-deux. Dans cette liste, sont cités les documents dont la traduction a été jugée particulièrement importante par la commission. Les affidavits eux-mêmes se trouvent entre les mains de la commission et, là encore, je me mettrai d’accord avec M. le Secrétaire général afin de savoir sous quelle forme nous leurs donnerons une référence de dépôt. Conformément à votre décision, j’ai fait un résumé écrit de ces affidavits et si le Tribunal le désire, je lirai ce résumé qui contient une déclaration au sujet de ces documents. Je ne pense pas que cela soit utile maintenant, mais cela vaudra mieux plus tard, lorsque nous aurons l’ensemble des documents sous la main.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SERVATIUS

Je voudrais produire d’autres affidavits qui n’ont pas encore été déposés ou que la commission n’a pas encore traités. Il s’agit de 139.000 affidavits, résumés de la façon suivante : ils sont classés en différents groupes qui ont été examinés par des membres d’organisations actuellement détenus, ici et, pour chaque groupe, on a donné un affidavit d’ensemble. A ces affidavits d’ensemble, on en a joint trois particulièrement importants et typiques. Je pourrais déposer la majorité des documents en question et je demande au Tribunal de m’en donner l’autorisation. Je voudrais m’entendre avec M. le Secrétaire général sur la façon d’effectuer ce dépôt. Pratiquement, il y a douze groupes différents : nous avons donc douze affidavits dont trois annexes. Les plus importants concernent la question des Églises, la question des camps de concentration, la question des aviateurs, soit neuf groupes. Puis, j’ai deux groupes qui font la moyenne de deux camps où étaient internés des milliers de personnes : on pourra ainsi se faire une image de ces internés. Le tout est résumé dans un seul affidavit, avec quelques rares annexes.

C’est ainsi que j’ai essayé de rassembler tout ce matériel de façon que le Tribunal puisse en prendre connaissance et je serais très heureux de pouvoir déposer l’ensemble afin que le Tribunal puisse se rendre compte, par quelques examens particuliers, de l’exactitude de ces déclarations.

LE PRÉSIDENT

D’après ce que je comprends, il y a 139.000 affidavits que vous avez divisés en douze catégories.

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRESIDENT

Avec douze affidavits d’ensemble pour ces douze groupes ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Et vous avez joint à chacun de ces douze affidavits d’ensemble deux ou trois…

Dr SERVATIUS

Trois. Comme je viens de le voir, on a ajouté un plus grand nombre d’annexes ; mais je vais revoir tout cela et diminuer leur nombre de telle sorte qu’il n’en reste que trois en principe pour chaque groupe.

LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, le Tribunal pense que ces 139.000 affidavits devraient être déposés. Sans doute les douze affidavits d’ensemble avec les deux autres qui leur sont joints seront très importants pour le Tribunal. Ils doivent être remis à la commission et après examen déposés devant le Tribunal.

Dr SERVATIUS

J’ai alors à remettre les livres de documents que le Tribunal a sous les yeux. Les originaux des documents sont entre mes mains et je les remets au Tribunal. Je ne peux pas remettre une série de documents sous la forme d’originaux. Il s’agit de documents qui se trouvent à l’université d’Erlangen. Il s’agit des documents PL-15, le livre Les fonctionnaires du Parti , et du document PL-78 qui est un livre intitulé Le droit de la NSDAP , du Dr Hein et de Fischer. J’ai remis tous les autres documents. Une grande partie des documents provient des collections de revues et de livres qui sont dans la bibliothèque du Ministère Public. Le titre de ces revues figure en tête des documents des livres de documents. Je demande de considérer comme des originaux ces revues et ces livres qui se trouvent dans la bibliothèque du Ministère Public.

LE PRÉSIDENT

Oui, réserve faite pour toute objection.

Dr SERVATIUS

J’en ai donc terminé avec l’exposé des moyens de preuve produits devant la commission. Avec la permission du Tribunal j’appelle le émoin Gauleiter Kaufmann.

(Le témoin s’avance à la barre.)
LE PRÉSIDENT

Voulez-vous donner votre nom ?

TÉMOIN KARL KAUFMANN

Karl Otto Kurt Kaufmann.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi : "Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne célerai ni n’ajouterai rien". (Le témoin répète la formule du serment.)

LE PRÉSIDENT

Vous pouvez vous asseoir.

Dr SERVATIUS

Témoin, vous avez été Gauleiter, de 1925 à 1928 dans le Gau de la Ruhr, et de 1928 à 1945 dans le Gau de Hambourg ?

TÉMOIN KAUFMANN

Oui.

Dr SERVATIUS

Quelle était la population de ces Gaue ?

TÉMOIN KAUFMANN

A peu près, oui.

Dr SERVATIUS

En 1921, vous êtes devenu membre du Parti, et après la dissolution du Parti, vous y êtes à nouveau entré en 1925 ?

TÉMOIN KAUFMANN

Oui.

Dr SERVATIUS

Entre temps, vous avez travaillé de 1921 à 1925 dans la Ruhr et en Bavière ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, de 1923 à 1925.

Dr SERVATIUS

Quand, d’après la terminologie nationale-socialiste, un individu devient-il un "chef politique" ?

TÉMOIN KAUFMANN

Quand il est nommé, possède un document à l’appui et, de plus, a le droit de porter l’uniforme.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les Blockleiter et Zellenleiter n’étaient pas des chefs politiques subordonnés à des chefs plus élevés ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les Blockleiter et Zellenleiter étaient les petits organes d’exécution des Ortsgruppenleiter.

Dr SERVATIUS

Est-ce que l’activité des Blockleiter et Zellenleiter était moindre que celle des Amtsleiter dans les Ortsgruppen, dans l’Etat-Major des Ortsgruppen ?

TÉMOIN KAUFMANN

Chez les Amtsleiter de l’Ortsgruppe, il y avait des tâches plus ou moins importantes. Les chefs de service qui avaient des tâches plus ou moins importantes. Les chefs de service qui avaient des tâches importantes étaient au-dessus de ceux qui n’en avaient pas de si importantes.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les Blockleiter et Zellenleiter n’étaient pas détenteurs de souveraineté et des chefs politiques particulièrement importants ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’ai déjà dit qu’ils étaient détenteurs de souveraineté, mais uniquement de petits organes d’exécution de l’Ortsgruppenleiter.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE (Procureur Général adjoint britannique)

Monsieur le Président, je voudrais faire une suggestion pour que le Tribunal la prenne en considération. Je crois qu’il serait préférable que l’interprète utilisât le terme allemand, car nous sommes habitués à ces termes. Nous nous sommes : toujours servis des expressions d’Ortsgruppenleiter au lieu de « local group ». Si nous utilisons ce dernier terme, cela peut amener des difficultés pour savoir au juste ce dont il s’agit. Ce n’est qu’une proposition qui faciliterait ma tâche. Je ne sais si le Tribunal est de mon avis.

LE PRÉSIDENT

Mais oui, certainement.

Dr SERVATIUS

En quoi consistait l’activité pratique des chefs politiques ? Comment était-ce avant et après le déclenchement des hostilités ?

TÉMOIN KAUFMANN

L’activité des chefs politiques se déterminait d’après leurs fonctions. Il y avait des chefs politiques qui étaient formés d’une façon purement technique et il y avait des chefs politiques qui avaient des tâches de direction politique. Avant la prise du pouvoir, les tâches étaient les mêmes que dans tous les partis, c’est-à-dire : recruter des membres pour l’idée ; organiser le Parti et, lors de luttes électorales, trouver des voix dans la population pour le succès du Parti. Après la prise du pouvoir, l’activité essentielle d’un chef politique était d’abord l’assistance sociale de la population et la réalisation de buts sociaux déterminés, il devait en outre s’occuper des questions sociales d’organisation, d’instruction et de question de propagande. Pendant la guerre, ces tâches furent modifiées, et aux tâches sociales de la paix se joignirent les grandes tâches d’assistance entraînées par la guerre et ses conséquences.

Dr SERVATIUS

Quel était le nombre des chefs politiques avant et pendant la guerre ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je ne puis donner des indications qu’en ce qui concerne mon Gau. Je suppose qu’à Hambourg, avant la guerre, il y avait environ 10.000 chefs politiques, sans compter les divisions. Pendant la guerre, ce chiffre a fortement diminué en raison de la mobilisation.

Dr SERVATIUS

Dans votre Gau, quel était le pourcentage des chefs politiques qui ont été mobilisés ?

TÉMOIN KAUFMANN

En faisant abstraction de l’armement, car beaucoup de chefs politiques n’avaient qu’une activité honorifique, 10% environ ont été réclamés comme indispensables par le Parti.

Dr SERVATIUS

Ils sont donc restés dans le Gau ?

TÉMOIN KAUFMANN

Oui. En 1944, ce chiffre qui portait sur les classes 1900 et plus jeunes, s’élevait pour tout le Parti à Hambourg, à douze, exception faite de l’administration et ’die l’armement.

Dr SERVATIUS

Voulez-vous dire 12% ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, douze hommes.

Dr SERVATIUS

Exprimé en pourcentage, cela fait combien ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’estime que nous avions 6.000 chefs politiques.

Dr SERVATIUS

A l’État-Major des Gauleiter, Kreisleiter et Ortsgruppenleiter appartenaient aussi les chefs des services techniques. Avaient-ils également des tâches politiques ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, la grande masse des chefs politiques dans les services techniques était exclusivement occupée à des tâches techniques d’organisation.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les chefs die ces services techniques prenaient part à toutes les conférences ? Ou est-ce un état-major plus étroit qui décidait ?

TÉMOIN KAUFMANN

Cela se décidait d’après le : sujet des conférences à l’ordre du jour. Si le sujet était politique et ’d’intérêt général, on élargissait le cercle de ceux qu’on convoquait. S’il ne s’agissait que d’une conférence ayant trait à certains services, on limitait les participants à ces services.

Dr SERVATIUS

Est-ce que l’on occupait le poste de chef politique volontairement ou bien par obligation ou par force ?

TÉMOIN KAUFMANN

Il faut faire des distinctions entre deux périodes. Avant la prise du pouvoir, volontairement, naturellement. Après la prise du pouvoir, pour chaque membre : du Parti existait l’obligation de principe de collaborer. Personnellement, j’insistai pour maintenir en tout état de cause : le volontariat dans mon Gau, car évidemment par une collaboration forcée ou obligatoire, je ne m’attendais à aucun succès politique. Je sais que dans d’autres Gaue on a agi d’une façon analogue.

Dr SERVATIUS

Pourquoi des membres du Parti refusaient-ils des fonctions honorifiques de chefs politiques ? Le faisaient-ils pour des raisons politiques ou pour des raisons personnelles ?

TÉMOIN KAUFMANN

Il y avait des raisons différentes. Les uns refusaient parce qu’ils avaient trop de charges professionnelles. C’était surtout le cas pour certaines professions pendant la guerre. Et d’autres refusaient parce qu’ils ne désiraient pas s’exposer politiquement.

Dr SERVATIUS

En quoi consistait l’activité de Blockleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les Blockleiter étaient les assistants de l’Ortsgruppenleiter. Si donc il y avait nécessité, en temps de paix ou en temps de guerre, de faire appel à la population, et c’était notamment le cas lors de mesures d’assistance, l’Ortsigruppenleiter se servait des Blockleiter. Dans le Gau de Hambourg, les Blockleiter et Zellenleiter étaient surtout axés, comme d’ailleurs dans tout le Parti en temps de paix et pendant la guerre, sur les tâches sociales et les activités d’assistance.

Dr SERVATIUS

D’où les Gauleiter recevaient-ils leurs instructions ?

TÉMOIN KAUFMANN

Tous les Gauleiter recevaient leurs instructions du Führer. Ils dépendaient directement du Führer et parfois du représentant du Führer, et recevaient les ordres de la chancellerie du Parti au nom du Führer.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les Reichsleiter pouvaient donner des instructions aux Gauleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, les Reichsleiter étaient limités à leur service technique dans les différents Gaue. Le Gauleiter avait le droit de retenir des mesures qui provenaient de la Reichsleitung par cette voie s’il le croyait nécessaire ; dans les cas de divergence, c’était le représentant du Führer ou le Führer lui-même qui devait décider.

Dr SERVATIUS

Comment les Gauleiter étaient-ils instruits des intentions et des mesures politiques ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les intentions et mesures politiques fondamentales du Führer nous étaient transmises par le programme du Parti et par son livre Mein Kampf. A ce propos, l’instruction et l’entraînement de nos collaborateurs en vue de la propagande se faisait de la même façon. Après la prise du pouvoir, les Gauleiter n’ont été informés d’intentions ’politiques, notamment en matière de politique extérieure, mais également en politique intérieure, qu’après que les actions se fussent réalisées.

Dr SERVATIUS

Y avait-il des ordonnances, des instructions des conversations ? Que pouvez-vous ; dire à ce sujet ?

TÉMOIN KAUFMANN

Il y avait des entretiens, relativement très rares.

Dr SERVATIUS

Sous quelle forme ces entretiens avaient-ils lieu ?

TÉMOIN KAUFMANN

Pour la direction du Parti, sous la forme d’entretiens des Reichsleiter et des Gauleiter. Ce n’étaient pas des conférences, mais des ; réunions.

Dr SERVATIUS

Où voyez-vous la différence entre conférence et réunion ?

TÉMOIN KAUFMANN

D’ans la conférence, il y a possibilité de discussion. Cette possibilité de discussion a existé d’une façon à peu près illimitée jusqu’au départ de Strasaer en 1932, limitée jusqu’au départ de Hess ; elle a été totalement exclue après le départ de Hess. A partir de ce moment-là, les réunions n’étaient plus que des occasions de transmettre des ordres ; il n’y avait plus de possibilité de discuter ou de poser des questions. Ces réunions étaient dirigées par Bormann. L’autre voie était la voie des circulaires qui passaient d’abord par le représentant du Führer, plus tard par la chancellerie du Parti. Par cette voie, nous recevions des instructions directes : du Führer ou bien des instructions au nom du Führer. C’était la voie hiérarchique qui était généralement employée.

Dr SERVATIUS

Est-ce qu’il y avait des conversations, avec les Reichsleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je ne me souviens d’aucune conférence à laquelle tous les Gauleiter aient assisté avec tous les Reichsleiter.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les chefs politiques avaient des tâches autres que celles de leurs fonctions de chefs politiques ?

TÉMOIN KAUFMANN

Il y avait des hauts fonctionnaires du Parti qui, en dehors de leur fonction dans le Parti, occupaient des postes dans l’État. D’autres étaient strictement limités à leurs fonctions dans le Parti.

Dr SERVATIUS

Quel était le contenu des instructions que les chefs politiques recevaient par la voie hiérarchique du Parti ? Faut-il ’distinguer des périodes : avant la prise du pouvoir, avant la guerre, pendant la guerre ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’ai déjà répondu en partie à cette question. Je résume : avant la guerre, c’était une tâche d’organisation et de propagande, et ’pendant la guerre — en raison même de la guerre — ces tâches confinaient surtout à l’assistance.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les chefs politiques ont reçu des instructions au sujet du point 1 du programme du Parti qui contenait pratiquement l’Anschluss de l’Autriche à l’Allemagne ? Est-ce que de telles instructions préparaient une guerre d’agression ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les chefs politiques n’ont nullement été informés de la façon et de la date à laquelle devait se faire l’Anschluss de l’Autriche. L’Anschluss était naturellement un des buts du Parti et cela parce que la volonté d’annexion avait été exprimée depuis 1918, dans la loi de l’ancien chancelier Renner, dans le résultat des élections de 1921 dans les États fédéraux de Salzbourg et du Tyrol, et ultérieurement par la réaction autrichienne à la suite de l’entrée des troupes et éventuellement du rattachement. Les chefs politiques le savaient.

Dr SERVATIUS

Avez-vous reçu des instructions au sujet du point 2 du programme du Parti demandant l’annulation du Traité de Versailles ? Est-ce que ces instructions préparaient une guerre d’agression ?

TÉMOIN KAUFMANN

La révision du Traité de Versailles — et je souligne : révision — était un de nos buts politiques. Le chef politique, avant la guerre et avant la prise du pouvoir, était fermement convaincu que ce but devait être atteint par une révision, c’est-à-dire par des pourparlers ; avant la guerre, les chefs ’politiques n’ont jamais reçu d’autres instructions sur des méthodes qui devaient mener à cette révision.

Dr SERVATIUS

Avez-vous reçu des instructions au sujet du point 3 du programme qui demandait des terres afin de pouvoir y installer la population ? Est-ce que ces instructions avaient trait à une guerre d’agression ?

TÉMOIN KAUFMANN

Ce point du programme (car je crois que c’en est un) a été compris par les chefs politiques, et ils ont été instruits dans ce sens, comme une restitution des colonies allemandes. Les discussions au sujet d’autres territoires n’ont pas surgi avant la guerre, mais pendant la guerre. Je souligne le mot « discussions ».

Dr SERVATIUS

Quelles ont été vos instructions au sujet de la question juive qui est traitée dans les points 4 à 8 du programme du Parti ? Est-ce que de telles instructions demandaient l’extermination des Juifs pare qu’ils empêchaient une guerre d’agression ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les points du programme sur la question juive étaient fermes. Les opinions étaient bien différentes. Les chefs politiques avec lesquels j’étais en rapport ont été instruits par mes soins de la façon suivante : cette question ne devait trouver sa solution que dans une voie constructive, c’est-à-dire par un changement fondamental du système existant. L’instruction et la propagande n’avaient sur ce point aucun lien avec la guerre d’agression.

Dr SERVATIUS

Quelles instructions avez-vous reçues au sujet de la question religieuse, point 24 du programme du Parti ? Deviez-vous considérer l’Église comme un adversaire ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je n’ai jamais reçu une telle instruction, ni mes chefs politiques. En ce qui concerne mes chefs politiques, jusqu’à la fin, — malgré les commentaires fournis par différentes personnalités du Parti au sujet de ce point du programme — la reconnaissance d’un christianisme positif les a liés. Cela prouve que la masse des chefs politiques étaient et sont restés dans l’Église.

Dr SERVATIUS

Quelles instructions avez-vous reçues au sujet du point 25 du Parti, la dissolution des syndicats ? Est-ce qu’ils devaient être éliminés comme adversaires ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, nous avons voulu voir, et mes chefs politiques également, dans la dissolution des syndicats, la démonstration d’un développement progressif et organique. La masse ides membres des syndicats, bien avant la dissolution des syndicats, était membre de la NSBO, donc de l’organisation nationale-socialiste des travailleurs.

Dr SERVATIUS

Voudriez-vous vous interrompre ici ; j’interrogerai le témoin Hupfauer sur ce point.

Est-ce que l’Anschluss de l’Autriche n’a pas eu lieu par l’entrée des troupes ? Les chefs politiques ne l’ont-ils pas approuvée ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’ai déjà mentionné que les chefs politiques n’ont nullement été informés ou questionnés au sujet de l’entrée des troupes allemandes en Autriche, qu’ils ont salué ce rattachement puisque, du point de vue historique, le désir du peuple autrichien s’accordait avec cet événement.

Dr SERVATIUS

Est-ce qu’en fait on n’a pas annexé l’Alsace et la Lorraine ? Les chefs politiques ont-ils approuvé cette mesure ?

TÉMOIN KAUFMANN

La question du rattachement de territoires litigieux est une question de traité de paix. Les chefs politiques étaient convaincus que l’Alsace et la Lorraine dépendaient, pour la durée de la guerre, d’une administration allemande spéciale, et qu’après une guerre victorieuse, les exigences allemandes devaient comprendre l’annexion de ces territoires. C’était la répétition du cas inverse après la première guerre mondiale.

Dr SERVATIUS

Les territoires occupés de l’Est n’étaient-ils pas réclamés comme espace vital et les chefs politiques ne l’admettaient-ils pas ?

TÉMOIN KAUFMANN

La guerre contre la Russie a été décrite aux chefs politiques par la direction politique comme une guerre préventive. Il ressort de ce fait qu’une telle justification tout au début de cette guerre n’avait rien à voir dans les informations adressées aux chefs politiques .avec des intentions d’annexion.

Dr SERVATIUS

Est-ce qu’en réalité les Églises n’ont pas été persécutées ? Les chefs politiques étaient-ils d’accord avec ces persécutions ?

TÉMOIN KAUFMANN

Il est parfaitement possible que malgré le point du programme du Parti reconnaissant le christianisme positif, on se soit, dans certains Gaue isolés, écarté de ce point, et que, dans ces Gaue, l’Église ait été exposée à quelques persécutions. Dans ses instructions, le Führer lui-même n’a pas abandonné le programme du Parti.

Dr SERVATIUS

Vous n’étiez donc pas d’accord avec ces persécutions ?

TÉMOIN KAUFMANN

Nom seulement je n’étais pas d’accord, mais je les ai interdites dans mon Gau.

Dr SERVATIUS

Les syndicats n’ont-ils pas été éliminés ? Et les chefs politiques n’ont-ils pas approuvé cette mesure ?

TÉMOIN KAUFMANN

Avec moi, les, chefs politiques ont vu dans le Front du Travail le développement d’un grand syndicat unique, et s’il y avait quelques doutes, les mesures sociales en faveur de l’ouvrier les ont fait disparaître.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les buts politiques poursuivis n’étaient pas contenus déjà dans Mein Kampf et connus d’une façon générale des chefs politiques qui avaient donné leur accord ?

TEMOIN KAUFMANN

Le livre Mein Kampf était certainement connu d’une partie des chefs politiques, tout comme le pro- gramme du Parti. L’opinion sur ces deux écrits était la même dans la NSDAP que dans tous les autres partis. On était d’accord sur certains points qui avaient été la raison de l’adhésion. Les autres points ne nous intéressaient pas et une troisième catégorie des points du programme pouvait même être rejetée. Il en était ainsi dans la NSDAP comme dans chaque parti à propos des objectifs qui donnaient lieu à discussion et ce processus n’était jamais terminé.

Dr SERVATIUS

Y avait-il différentes directions dans le Parti ?

TÉMOIN KAUFMANN

Oui, à propos des questions importantes de l’application des points du programme.

Dr SERVATIUS

Quels étaient ces groupes ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je voudrais : distinguer trois grands groupes : le groupe socialiste qui, à mon avis, était composé de la masse des membres et partisans, un groupe plutôt nationaliste et un groupe négativement antisémite.

Dr SERVATIUS

Que voulez-vous dire par « négativement antisémite » ? Est-ce la tendance Streicher ?

TÉMOIN KAUFMANN

Si vous le demandez, oui.

Dr SERVATIUS

A quelle direction politique apparteniez-vous dans le Parti ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’étais et je reste socialiste.

Dr SERVATIUS

Et à quel groupe appartenaient les Reichsleiter dans leur majorité ?

TÉMOIN KAUFMANN

C’est très difficile à dire.

Dr SERVATIUS

Et les Gauleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les Gauleiter des territoires industriels étaient en majorité socialistes.

Dr SERVATIUS

Et les Kreisleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Cela dépendait de leur pays en général.

Dr SERVATIUS

La même observation est valable pour les Ortsgruppenleiter, Blockleiter et Zellenleiter ?

TÉMOIN KAUFMANN

Elle vaut pour la masse des chefs politiques et des membres du Parti.

Dr SERVATIUS

Quelle était l’influence politique des différents groupes ? Où s’exerçait la plus forte influence ?

TÉMOIN KAUFMANN

C’est très difficile à dire. Si vous parlez de l’influence, je crois que la masse des membres du Parti, comme moi-même, a cru dans la volonté socialiste du Führer ; il me paraît vraisemblable qu’il y ait eu dans son entourage également des hommes qui tenaient moins au socialisme qu’à autre chose.

Dr SERVATIUS

Étiez-vous d’accord avec la direction du Parti en tant que socialiste ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’étais parfaitement d’accord avec les buts socialistes du Fûhrer, mais non par contre avec quelques membres qui occupaient des fonctions importantes et avec leurs conceptions.

Dr SERVATIUS

Pourquoi, vous-même, et d’autres chefs politiques qui n’étaient pas d’accord, êtes-vous restés dans vos fonctions lorsque vous vous êtes rendu compte qu’unie partie importante du programme du Parti abandonnait son but social et visait à persécuter les Églises ou les Juifs ?

TÉMOIN KAUFMANN

A aucun moment, jusqu’à la défaite, je n’ai eu l’impression, et avec moi mes collaborateurs, que les buts socialistes étaient abandonnés. J’ai déjà souligné que loirsqu’un vieux national-socialiste a eu pendant vingt-cinq ans une activité pour son Parti, il est de son devoir de lutter pour l’obtention de ces buts, jusqu’à la fin. Ce n’est pas possible à l’extérieur du Parti ; ce l’est uniquement à l’intérieur du Parti. C’est une des raisons essentielles pour lesquelles je suis resté membre du Parti.

Dr SERVATIUS

Comment les Kreisleiter et Ortsgruppenleiter étaient-ils instruits ?

TÉMOIN KAUFMANN

Pour répondre à cette question, il faut distinguer entre les Gaue de ville d’un côté et les Gaue d’e province de l’autre. Dans le Gau de la ville de Hambourg, les chefs politiques étaient convoqués très souvent et recevaient des instructions verbales. Dans les Gaue de province, cela se faisait par la voie écrite, en raison des distances ; leur instruction se faisait donc par écrit et verbalement.

Dr SERVATIUS

Les Kreisleiter étaient-ils informés sur la même échelle que les Gauleiter ou n’avaient-ils connaissance que de choses moins importantes ?

TÉMOIN KAUFMANN

Jusqu’au déclenchement de la guerre, je ne me souviens d’aucun cas où les Kreisleiter — et je suppose que dans les autres Gaue cela se passait de la même façon — n’eussent appris ce que je savais moi-même. Pendant la guerre, c’était autre chose, en raison de la conservation du secret.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les chefs politiques ont reçu des instructions afin de commettre des crimes de guerre ou de les tolérer ? Que se passait-il dans les cas de lynchage des aviateurs ?

TÉMOIN KAUFMANN

Des ordres tels que ceux que vous citez ici, Maître, me sont inconnus, tout au moins sous une forme directe. Je suppose que vous parlez d’abord de l’article1 de journal de l’ancien ministre du Reich Dr Goebbels, d’autre part de l’ordonnance bien connue du Reichsführer SS, adressée à la Police, et en troisième lieu, de la circulaire plusieurs fois citée du Reichsleiter Bormann ?

Dr SERVATIUS

Oui, c’est bien cela.

TÉMOIN KAUFMANN

Ces ordres n’ont pas été formulés d’une façon précise dans le sens de votre question et j’ajoute que dans leur application ils pouvaient amener un développement des actes discutés ici. Ces ordres parvenaient par l’intermédiaire dû Gaustabsamt et étaient transmis par cet organisme aux Kreisleiter compétents. La circulaire de Bormann dans mon Gau — et je crois dans d’autres Gaue également — a été arrêtée par mes soins. Car, devant le développement de la guerre aérienne et de ses conséquences, je voulais prévenir mes chefs politiques d’une application dangereuse de cet ordre. Malgré l’article de Goebbels et l’ordonnance de Himmler, j’ai clairement donné des ordres contraires aux Kreisleiter et aux préfets de Police. J’espère que dans d’autres Gaue on a agi, de la même façon.

Dr SERVATIUS

Comment les ouvriers étrangers ont-ils été traités ? Avez-vous reçu des instructions à ce sujet, visant les crimes .de guerre ?

TÉMOIN KAUFMANN

Toutes les instructions que je connais à ce sujet ont exclusivement trait à un soutien exigé pour le travail d’assistance. Pour moi, en tant que socialiste, il était tout à fait naturel que mes organes — c’est-à-dire le Front du Travail et les Kreisleiter — administrassent d’une façon positive des ouvriers. Je m’en rendais compte par mes visites dans les camps.

Dr SERVATIUS

Quelles étaient les conditions faites aux étrangers dans les camps de concentration ? Aviez-vous des instructions pour interner des étrangers dans ces camps de concentration ou y contribuer ? Saviez-vous ce qui se passait dans les camps de concentration ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je suppose que lia question de compétence en matière de camps de concentration est connue du Tribunal. En tant que chef politique suprême du Gau...

LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, je n’ai pas compris ce que le témoin veut exprimer quand il dit que la question de compétence en matière de camps de concentration est connue du Tribunal.

Dr SERVATIUS

Il ne voulait pas parler des détails et simplement dire qu’il n’était pas lui-même, en tant que Gauleiter, responsable des camps de concentration. Il voulait simplement déclarer qu’il allait passer directement à sa responsabilité, mais qu’il ne voulait pas s’étendre longuement sur la question des compétences. C’est pourquoi il a dit qu’il supposait que la question était connue du Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous dire que vous vous occupiez et que vous étiez responsable des camps de concentration ?

TÉMOIN KAUFMANN

Non, nullement.

LE PRÉSIDENT

Que voulez-vous donc dire par compétence en matière de camps de concentration ?

TÉMOIN KAUFMANN

Je voulais déclarer que je supposais que le Tribunal connaissait ces compétences. Dans la négative, je suis prêt à l’exposer rapidement.

LE PRÉSIDENT

Oui, expliquez-le brièvement.

TÉMOIN KAUFMANN

Oui ; les camps de concentration, dans toute l’histoire de leur installation et de leur administration, se sont trouvés à l’extérieur de toute orientation, de toute influence des chefs politiques. Ceux-ci n’avaient donc aucune compétence en matière de camps de concentration et ne pouvaient pas voir ce qui se passait réellement dans ces camps. Moi-même, lorsque je désirais visiter un camp, je devais obtenir une autorisation écrite spéciale du RSHA. Je crois que cette explication peut suffire.

Dr SERVATIUS

Est-ce qu’on n’a pas réellement lynché des aviateurs ? Ce fait n’était-il pas notoire ? Chaque chef politique le savait et a ’donné son accord en restant en fonctions ?

TÉMOIN KAUFMANN

J’ai déjà déclaré que de telles, choses ne se sont pas produites dans le Gau de Hambourg. Quant à moi, ce n’est qu’au cours de ma captivité que j’ai eu connaissance de tels cas. Je dois supposer que mes chefs politiques, comme moi, n’ont eu connaissance de ces événements que pendant leur captivité.

Dr SERVATIUS

La question du mauvais traitement des ouvriers étrangers dans tout le Reich était parfaitement connue. Tout chef politique était au courant et, en restant en fonctions, y donnait son accord tacite ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les chefs politiques, pendant la guerre, étaient liés à leur territoire. Ils ne pouvaient donc se rendre compte que de ce qui se passait dans leur rayon d’action. Et ce que j’ai vu dans ces camps, ainsi que mes chefs politiques à Hambourg, était positif. Les Kreisleiter étaient habilités à faire cesser immédiatement toute condition défavorable en se mettant immédiatement en rapport avec le Front du Travail et les chefs d’entreprises.

Dr SERVATIUS

Quels étaient les rapports des chefs politiques avec les organisations et les administrations de l’État ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les fonctions étaient totalement séparées, sauf dans le cas où une personne détenait deux fonctions.

Dr SERVATIUS

Quels étaient les rapports des chefs politiques avec les SA et les Allgemeine SS ?

TÉMOIN KAUFMANN

Les SA et les Allgemeine SS étaient des organisations indépendantes ayant une voie hiérarchique propre. Les chefs politiques pouvaient leur demander de les seconder dans leur travail.

Dr SERVATIUS

Est-ce que les chefs politiques, avaient un pouvoir exécutif personnel ?

TÉMOIN KAUFMANN

Nullement ; s’ils, n’occupaient pas de fonctions dans l’État, ils étaient exclusivement limités à leur domaine du Parti.

Dr servatius

Est-ce que les chefs politiques pouvaient donner des instructions à la Gestapo ou au SD ?

TÉMOIN KAUFMANN

Cela découle déjà de la réponse à la question précédente. La Gestapo et le SD .apportaient encore une vigilance plus grande que toutes les autres administrations, et chacun le savait parfaitement.

Dr SERVATIUS

Quels étaient vos rapports avec le Führer ?

TÉMOIN KAUFMANN

Pendant les premières années, j’ai admiré le Fuhrer. Plus tard, je l’ai également admiré, mais je ne l’ai plus compris sur beaucoup de points ; je n’aurais pas cru que fussent possibles ce que nous qualifions aujourd’hui de mesures du Führer.

Dr SERVATIUS

Est-ce que l’on peut dire que les chefs politiques étaient de bonne foi lorsqu’ils croyaient à Hitler et disaient qu’ils n’avaient pas connaissance de l’extermination des Juifs et autres ?

TÉMOIN KAUFMANN

A mon avis, les chefs politiques doivent bénéficier de cette bonne foi d’une façon illimitée dans l’appréciation équitable de leurs fonctions, de leurs opinions, de ce qu’ils devaient ou pouvaient savoir.

Dr SERVATIUS

Je n’ai pas d’autres questions à poser au témoin, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

L’audience est suspendue.

(L’audience est suspendue jusqu’à 14 heures.)