CENT QUATRE-VINGT-ONZIÈME JOURNÉE.
Mercredi 31 juillet 1946.
Audience de l’après-midi.
(Le témoin Hirth est à la barre.)Conformément à la décision du Tribunal du 25 juillet relative à la procédure contre les organisations, diverses requêtes ont été présentées au Tribunal demandant une prolongation ’du délai pour les plaidoiries des avocats des organisations. Ces requêtes ont été faites, comme le pense le Tribunal, à la suite d’un malentendu sur l’interprétation de la décision du 25 juillet. Il n’était pas prévu que les plaidoiries dussent longuement traiter des documents. Lorsqu’ils déposent leurs documents ou pendant l’interrogatoire des témoins ou à la fin de leur exposé des preuves, les avocats peuvent faire de brèves références aux documents pour en expliquer la nature et les points qu’ils désirent spécialement mentionner. Tous les éléments de preuve seront ainsi soumis au Tribunal. Cela permettra de consacrer les plaidoiries à un résumé des témoignages ou des documents, et à un commentaire sur les points juridiques ; une journée et demie suffira amplement pour cela. C’est tout ce que j’avais à déclarer.
J’ai une question au sujet de la décision que vous venez d’annoncer. J’ai déposé mes documents et mes moyens de preuve écrits devant le Tribunal sans les commenter, conformément à l’interprétation que j’ai donnée à votre décision. Est-ce que je puis maintenant expliquer mon point de vue sur ces preuves écrites, à la fin de l’exposé des preuves, et demander au Tribunal d’examiner les documents ? Je n’ai pu le faire jusqu’à présent car ils n’étaient pas à notre disposition.
Certainement, Docteur Servatius.
Je vous remercie, Monsieur le Président.
Témoin, je voudrais vous poser une ou deux questions sur des points généraux. Ai-je raison id’e dire que dans les villes et villages de bien des régions du pays, il y avait des vitrines où le Stùrmer était exposé ?
Il y avait dans beaucoup d’endroits des panneaux pour le Stùrmer.
Avaient-ils été installés par le Parti ?
Je ne sais rien sur ce sujet.
Vous ne pouvez pas me dire si ces vitrines d’affichage avaient été installées sur les instructions des Kreisleiter ou Ortsigruppenleiter ?
En ce qui me concerne, j’ai eu l’impression que les SA locales s’étaient occupées d’aménager ces vitrines.
Il y avait aussi, n’est-ce pas, dans les’ villes, en particulier dans les stations de villégiature et un peu partout dans le pays, des affiches avisant la population que les Juifs étaient considérés comme indésirables, « unerwinscht », comme vous le dites en allemand ?
J’ai vu de semblables affiches dans différentes régions d’Allemagne.
Savez-vous si ces affiches avaient été apposées sur les instructions ou les ordres des chefs politiques locaux ?
Je n’en sais rien.
Très bien. Monsieur le Président, j’ai en mains un nouveau document qui a déjà été présenté à ce témoin devant la commission. Peut-être pourrais-je attirer l’attention du Tribunal sur les parties les plus importantes de ce document D-901-a, qui deviendra GB-546.
Monsieur le Président verra que c’est une circulaire envoyée dans le Gau de Cologne-Aix-la-Chapelle, le 31 janvier 1941. Elle contient des instructions à tous les chefs d’organisation des Kreis-gruppen et Ortsgruppen, sur l’institution et l’entretien de fichiers sur les habitants.
Le paragraphe 1 porte sur la signification et le but des fichiers. qui doivent servir de base à toute enquête statistique et donner, avec les mentions portées au dos des fiches, la base d’un jugement politique sur les habitants. Et les lignes suivantes prévoient que les informations obtenues sur les habitants doivent permettre aux Ortsgruppenleiter de fournir à tout moment un jugement suffisant sur les habitants qui les intéressent.
Le paragraphe 5 s’exprime ainsi :
« Les Blockleiter doivent posséder des listes qui contiennent le même texte imprimé que les fiches du fichier central et porter également les mentions nécessaires : état de famille, adhésion au Parti, à ses subdivisions, à ses organisations affiliées, etc. »
La page suivante, sous le numéro 10, indique les informations à obtenir. Nous trouvons, vers le milieu idu paragraphe ! :
« On doit inscrire depuis quand l’intéressé est abonné au Völkischer Beobachter, si la famille possédait déjà un drapeau à croix gammée avant 1935, quels sont les appareils de radio dans la famille. Il est aisé d’obtenir ces informations par une conversation du Blockleiter avec les citoyens en question. »
Le paragraphe suivant traite du jugement politique à porter sur les habitants. Je cite les trois dernières lignes :
« Le jugement politique sur tout Allemand doit être porté par le dirigeant de l’organisation de l’Ortsgruppe en collaboration avec le Blockleiter ou Zellenleiter compétent et en accord également avec l’Ortsgruppenleiter. »
Enfin, dans le dernier paragraphe, n° 14, on décrit la façon dont ces renseignements peuvent être obtenus :
« Il est interdit, en principe, de fournir à des citoyens allemands ou à des membres du Parti des fiches à remplir eux-mêmes. Étant donné leurs visites fréquentes à chaque famille, les Blockleiter ont suffisamment l’occasion d’obtenir les renseignements nécessaires pour le fichier en liant conversation avec les citoyens ».
Le Bloekleiter doit s’assurer de l’exactitude des dates au moyen des fiches d’adhésion et autres éléments. Le Blockleiter est responsable de cette exactitude devant les chefs de l’organisation des Ortsgruppen.
Je n’ai pas d’autre document ; je n’ai pas d’autre question non plus. Monsieur le Président, le général Raginsky a trois documents qu’il désire soumettre au témoin.
Monsieur le Président, avec votre permission, je voudrais soumettre trois documents qui caractérisent le rôle des Kreisleiter et des Blockleiter dans l’accomplissement de crimes tels que la germanisation des régions occupées et de leurs populations.
Le premier est le document URSS-143. Ce document a été découvert dans les archives du KreisFührer de la ville de Pettau, en Yougoslavie, en mai 1945. J’attire l’attention du Tribunal sur le fait que le document commence par la phrase suivante : « Il est nécessaire de donner immédiatement connaissance de ce document à l’occasion du premier appel de service à tous les Blockleiter ». Il est signé par le Kreisleiter. La première partie du document relate les faits suivants :
« Lors de mes voyages d’inspection dans différents Ortsgruppe, j’ai constaté que des panneaux Slovènes sont encore apposés sur les maisons, tels les panneaux des assurances « Slarija », etc. Je demande que les BlockFührer soient immédiatement invités à faire enlever les inscriptions, les affiches, les placards en slovène. Je demande aux OrtsgruppenFührer de veiller avec les ecclésiastiques compétents à ce que les inscriptions Slovènes soient enlevées systématiquement sur les statues, dans les chapelles et dans les églises. »
Le point 3 de ce document dit :
« es OrtsgruppenFührer sont, comme auparavant, responsables devant moi du fait que tout responsable d’un service jusqu’au dernier BlockFührer apprenne à lire et à écrire en allemand. »
Le document suivant, que je dépose sous le numéro URSS-449, est un extrait du discours du ministre de l’Intérieur du Reich Frick, du 16 décembre 1941, à propos id’e la nomination aux fonctions de Gauleiter du Dr Friedrich Rainer. Ce document a été trouvé dans les archives du Kreisleiter à Marbourg, par l’Armée yougoslave, au mois de mai 1945. On y trouve ce passage :
« Cher camarade Rainer, le Führer vous a nommé Gauleiter et Reidisstatthalter... »
Je ne vais pas lire tout le passage, il est traduit.
Général Raginsky, avez-vous l’original de ce document ?
Je m’excuse, Monsieur le Président, je n’ai pas compris votre question.
C’est parfait, nous avons maintenant l’original en mains. Pouvez-vous nous expliquer la nature de ce document ? Est-il certifié exact ? Son authenticité est-elle prouvée ?
Ce document est authentifié par la commission d’enquête de l’État yougoslave sur les crimes commis par les occupants allemands en. Yougoslavie. Le document original se trouve dans les archives de cette commission ; la copie que je présente au Tribunal est authentifiée par le président de la commission d’État, le Dr Nedeikovitch.
« Votre tâche, camarade Rainer, consiste à rendre cette région complètement allemande... La langue allemande doit occuper de plus en plus une place de premier plan dans la vie publique. C’est la seule langue administrative et officielle. La jeunesse, dans les écoles, doit être éduquée immédiatement dans l’esprit allemand ; l’instruction doit être faite exclusivement en langue allemande... Ce n’est pas seulement quand l’apparence extérieure, les inscriptions administratives, la langue officielle, les écriteaux seront allemands, mais quand toute la jeunesse parlera allemand et que la langue allemande aura remplacé le Slovène dans la vie des familles, que nous pourrons parler d’une germanisation de cette région du Kranj supérieur. »
Voici enfin le dernier document que je dépose sous le numéro URSS-191. Il contient des extraits du procès-verbal d’une conférence de l’état-major du Gauleiter de Basse-Styrie. L’original de ce document a été saisi par des unités de l’Armée yougoslave dans les archives du Gauleiter de la ville de Marbourg, au mois de mai 1945. A la première page de cet extrait, on peut voir que le 12 novembre 1941 le Gauleiter a eu une conférence avec le SD, à laquelle assistaient des membres des SS :
« Le Standartenfführer SS Lurcker signale que près de 2.000 personnes ont été transplantées en Serbie, 400 dirigées sur un camp de concentration. Près de 30 ont été fusillées en représailles pour les derniers attentats. »
Le dernier paragraphe de cette page est un autre extrait du procès-verbal d’une conférence du 5 janvier 1942 :
« Le 27 décembre 1941, 40 personnes ont été fusillées par représailles pour un attentat »
Puis on lit dans un rapport sur un discours du Dr Carstanjen, Gauleiter adjoint de Styrie :
« Les déportations dans les limites de l’ancien Reich. sont terminées. Il ne reste à transplanter que 10.000 personnes à peu près. »
Je ne lis pas la suite qui ne comporte que des notes d’un caractère analogue.
Témoin, vous n’avez pas pu vous prononcer sur ces documents. Je vais vous poser brièvement quelques questions à ce sujet. Le premier, idocument D901, était une circulaire du Gau de Cologne-Aix-la-Chapelle, de janvier 1941. Il y était question d’un fichier. Savez-vous si l’on tenait des fichiers sem~ blables dans votre Kreis ?
Je ne connais que des fichiers qui indiquaient pour tous les habitants le nom, la date de naissance, la situation de famille, la profession, l’adhésion au Parti et aux organisations. On ne posait et on ne répondait dans ce fichier à aucune autre question importante.
Est-ce que cette ordonnance peut être considérée comme une exagération du système d’organisation ?
Jusqu’ici, je n’avais jamais eu connaissance de cette ordonnance. Si elle avait été générale pour tous les Orts-gruppen en Allemagne, elle nous eût été communiquée et exécutée. Si elle existe dans le Gau de Cologne-Aix-la-Chapelle, on doit certainement l’attribuer au Gauleiter local et à son chef d’organisation. Et c’est une interprétation exagérée de sa part.
La lettre suivante adressée le 30 avril 1942 par le Heimatbund de Styrie, de Pettau, à tous les Ortsgruppen-leiter, venait du Kreis’Eùhrer. Elle concernait l’enlèvement des enseignes yougoslaves. Est-ce que vous en avez eu connaissance à l’étranger ?
Cela m’est complètement inconnu.
Saviez-vous que Pettau a été jusqu’en 1918 une ville allemande qui revint après 1918 à la Yougoslavie ?
Je n’ai pas compris le nom de cette ville.
Pettau. Pouvez-vous répondre ?
Non.
On a alors déposé une allocution du Dr Frick, adressée au Reichsstatthalter Rainer. Elle concerne la situation du nouveau Gau fontalier. Est-ce que vous êtes au courant des événements qui s’y sont déroulés ?
Non, je n’en ai aucune connaissance.
Le dernier document se compose de remarques sur des conversations d’état-major du Gauleiter Uiberreither qui se rapportent au Gau frontalier de Yougoslavie. Pouvez-vous dire quelque chose sur ces événements ?
Non, pas la moindre chose.
Je n’ai plus aucune question à poser à ce témoin.
Aviez-vous quoi ce fût à voir avec la déportation de la main-d’œuvre étrangère ?
Non.
Qui s’en occupait ?
Je ne sais pas.
Ne connaissez-vous personne qui se soit occupé de ce travail forcé
Je n’ai pas compris la question.
N’y avait-il pas de nombreux travailleurs étrangers qui étaient employés dans des usines en Allemagne ?
Il y avait de nombreux travailleurs étrangers qui étaient employés en Allemagne dans des entreprises et des usines.
Et dans les maisons particulières ?
Je sais que des étrangères servaient de femmes de ménage chez des particuliers.
Mais je vous ai demandé si vous aviez quoi que ce soit à faire avec le placement des ouvriers étrangers dans les usines, les bureaux, l’artisanat ou chez les particuliers ?
En aucun sens je n’ai eu quoi que ce soit à faire avec cela.
Connaissiez-vous les services qui s’occupaient du placement de cette main-d’œuvre ?
Je n’en sais rien ; je ne me suis jamais intéressé à cela.
Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)
Avec la persmission du Tribunal, j’appelle le dernier témoin qui déposera sur les services techniques, en particulier le Front du Travail allemand. (Le témoin gagne la barre.)
Veuillez préciser votre nom.
Dr Théo Hupfauer.
Veuillez répéter ce serment après moi : « Je Jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, quand êtes-vous né ?
Le 17 juillet 1906.
Vous avez été, pendant huit ans, de 1936 à 1944, chef politique dans les hauts services du Front du Travail ? Vous avez été dans le service du Dr Ley et ensuite, jusqu’en 1945, vous avez été l’homme de liaison entre la DAF et le ministère de l’Armement de Speer. Est-ce exact ?
J’étais...
Témoin, vous devez attendre, pour la réponse, que l’interprète ait traduit la question.
Jusqu’en 1944, j’ai été chef de service au bureau central du Front du Travail.
Et, die ce fait, chef politique ?
Et, de ce fait, chef politique. Après ma nomination, j’ai été depuis 1942 homme de liaison du Front du Travail avec le ministère de l’Armement et, à partir de 1944, je suis devenu chef du service central du ministère de l’Armement.
Est-ce que le Front du Travail allemand était une organisation qui dépendait du parti nazi ? Ce dernier en avait-il la direction politique ?
Le Front du Travail allemand était un organisme doué d’une indépendance personnelle dans le domaine de l’organisation et des finances. Il appartenait au Parti, mais les tâches de direction étaient celles du Parti lui-même.
Est-ce que les chefs du Front du Travail, qui étaient des chefs politiques, avaient des tâches politiques ? Étaient-ils chefs politiques de ce fait ?
Les chefs du Front du Travail avaient des tâches purement sociales ; ils avaient été nommés spécialement pour cela et étaient des chefs politiques.
Le Front du Travail allemand était représenté dans le Gau, le Kreis et l’Ortsgruppe par des chefs. Est-ce que ces Obmänner, ces chefs, étaient des chefs politiques dans les états-majors du Parti ?
Ces chefs n’étaient des chefs politiques que lorsqu’ils étaient nommés à cet effet.
Est-ce qu’il y avait, dans le Front du Travail, des chefs politiques qui ne jouaient aucun rôle dans l’état-major du Parti ?
Dans l’état-major du Parti n’intervenaient que les Obmânner locaux. Tous les autres fonctionnaires du Front du Travail allemand, qui étaient des chefs politiques. n’avaient aucune charge dans le Parti.
Est-ce que le nombre de ceux qui n’avaient pas de charges, et qui étaient pourtant des chefs politiques, était élevé ?
La plus grande partie des fonctionnaires qui étaient chefs politiques n’avaient aucun service dans le Parti.
Pouvez-vous évaluer le nombre de ces personnes ?
Je ne peux pas donner de chiffres ni de pourcentage. Mais dans les services dont je m’occupais, c’était la partie la plus importante.
Quelles étaient l’activité et les tâches des chefs politiques qui n’étaient pas dans les Etats-majors ?
Les chefs politiques qui n’étaient pas dans les états-majors du Parti avaient les mêmes tâches que ceux qui étaient dans les états-majors du Parti et, par conséquent, une tâche sociale et technique.
Toutes les personnes qui avaient un service dans le Front du Travail s’appelaient des Amstwalter. Est-ce exact ?
Oui.
Est-ce que tous ces Amtswalter étaient en même temps nommés comme chefs politiques ?
Non. Il n’y avait qu’une partie de ces Amtswalter qui étaient nommés. Il pouvait arriver et il arrivait, que deux fonctionnaires qui avaient des charges aussi importantes fussent, l’un chef politique, et l’autre non. Il est aussi arrivé que le supérieur n’avait pas les prérogatives d’un chef politique alors que le subordonné l’était.
Quel était le but de la nomination à la qualité de chef politique ? Ces Amtswalter recevaient-ils des tâches et des droits spéciaux ?
Des tâches et des droits spéciaux n’étaient pas attachés à la nomination de chef politique.
Mais quel sens cela pouvait-il avoir de les nommer ?
Cela présentait un intérêt dans des buts de représentation et jouait peut-être un rôle pour représenter en pratique l’autorité du Parti à l’étranger, dans l’économie et dans l’État. Mais cela n’avait aucun rapport avec la tâche elle-même.
Quelle était l’activité des chefs politiques comme Obmànner dans les états-majors du Parti ?
Les Obmänner qui étaient dans les états-majors du Parti comme chefs politiques’ avaient à conseiller les Hoheitsträger dans le domaine de leur compétence.
Dans quelle proportion numérique ces chefs politiques de la DAF étaient-ils par rapport à la totalité des chefs politiques ? Étaient-ils relativement nombreux ?
Le Front du Travail était une organisation qui comprenait environ 20.000.000 de membres. Son organisation se ramifiait jusqu’aux Ortsgruppen et aux entreprises et comprenait, par conséquent, un grand nombre de fonctionnaires. Pour la même raison, un grand nombre de ces fonctionnaires étaient des chefs politiques. Il en ressort que la majorité appartenait aux services spéciaux du Front du Travail.
Le Front du Travail était ce qu’on appelait une organisation affiliée. Êtes-vous au courant de l’activité des chefs politiques dans les autres organisations professionnelles et techniques ?
-Comme Amtsieiter du Front du Travail, j’étais naturellement en relations avec les fonctionnaires des autres organisations. C’est pourquoi je puis, non en détail mais dans le principe, donner des renseignements sur ces organisations.
Est-ce que la position des chefs politiques dans ces organisations professionnelles et spéciales était organisée d’e la même manière que dans le Front du Travail ?
Elle était organisée de la même manière, en général, c’est-à-dire que les chefs locaux de ces organisations étaient également rattachés au Parti. Ils n’avaient aucune tâche politique de direction à remplir mais ils avaient, comme des chefs d’organisation, à défendre les intérêts de leurs membres.
Y avait-il à l’intérieur de ces organisations spéciales des chefs politiques qui ne jouaient aucun rôle dans les états-majors du Parti, dans la NSV par exemple ?
Il y avait aussi des chefs politiques qui n’avaient aucune activité dans l’état-major du Parti.
Est-ce que vous pouvez nommer les plus importantes de ces organisations professionnelles et indiquer les offices correspondants dans les directions des Gaue, des Kreis et Ortsgruppen ?
Ce sont les organisations suivantes et les offices qui leur correspondent : la NSV et la Volkswohifart, l’association des instituteurs avec le service de l’éducation, l’association dea fonctionnaires avec le service des fonctionnaires, l’association des techniciens allemands avec le service de la technique, l’union des juristes avec le service juridique.
Les services que vous avez ajoutés dans chaque cas étaient-ils intégrés dans des offices, ides états-majors du Parti ?
Ces offices étaient intégrés dans le Parti et étaient en général dirigés par les chefs locaux de l’organisation des associations affiliées.
Quelles étaient les tâches de ces chefs politiques ?
Les tâches des chefs politiques étaient des tâches techniques spéciales et non pas des tâches politiques générales. Ils avaient à représenter les intérêts de leurs membres.
Quelle était la proportion des chefs politiques des groupes techniques c’est-à-dire de ceux qui étaient dans les Etats-majors du Parti comme chefs de ces services et ide ceux qui étaient dans les organisations ? Cela en représentait-il un grand nombre ?
Le nombre dépendait de l’importance des organisations ?
Quelle était la plus importante de ces organisations ?
De celles que je viens de nommer, après le Front du Travail, c’était la NSV.
Est-ce que le Front du Travail, en 1933, a supprimé les syndicats ?
Le 2 mai 1933, le Front du Travail n’existait pas. Ce sont des fonctionnaires de l’organisation des cellules nationales-socialistes, le NSBO, qui n’ont pas détruit les syndicats mais ont pris la direction de leurs travaux pour leur compte.
Quel était le but de ces mesures ? Briser la résistance des travailleurs contre le Parti ? Et supprimer la résistance à la politique d’une guerre d’agression ?
En mai 1933, les premiers succès sensibles pour les travailleurs allemands se faisaient sentir dans la solution donnée au chômage de millions d’ouvriers. La situation était la suivante : les ouvriers allemands avaient la certitude de recevoir bientôt du travail et du pain. C’est pourquoi on ne peut pas parler de leur résistance contre le Parti. La fondation du Front du Travail avait le but suivant : il était nécessaire au premier chef, pour pouvoir pousser la reconstruction économique sans frictions et mettre en ordre le marché du travail, de supprimer les troubles dus aux conflits du travail, préjudiciables sur le plan social et économique, tels les grèves et les lock-out. Il était donc nécessaire de créer un équilibre juste entre les intérêts des patrons et des ouvriers. On pouvait le faire de la façon la plus sûre grâce à une organisation commune comprenant patrons et ouvriers.
Ainsi donc, les organisations patronales ont été également dissoutes à cette époque ?
L’organisation patronale a été également dissoute dans le but de créer une organisation commune afin de supprimer la lutte des classes et de créer ainsi la condition indispensable à un ordre véritablement social.
Est-ce que la mainmise sur ces syndicats ne s’est pas effectuée par la violence, en faisant appel aux SA, aux SS et à la Police ? Les chefs des syndicats n’ont-ils, pas été arrêtés ?
Le 2 mai, les maisons ides syndicats ont en effet été occupées par la Police avec l’aide de la police auxiliaire, des SS, des SA et des « Casques d’acier ». Les chefs des syndicats ont également été emprisonnés pendant un très court délai. Ces mesures avaient pour but immédiat d’éviter ide dilapider les biens des syndicats qui subsistaient encore et de permettre de continuer le travail dans le cadre de ces organisations.
Est-ce que l’organisation des cellules d’usines nationales-socialistes a pris pour elle les biens des syndicats dissous, et qu’en a-t-elle fait ?
Les biens des syndicats n’ont pas été utilisés par le NSBO, car cette organisation était financée par les cotisations de ses membres. Les biens des syndicats ont été utilisés pour continuer le travail d’assistance et ils ont, en outre, été utilisés pour assurer les anciens droits des membres des syndicats afin de pouvoir continuer à leur payer des secours en cas d’invalidité, de maladie, et de mort.
Les syndicats avaient-ils à ce moment-là des biens importants ?
En 1933, c’était la fin de la crise économique qui avait commencé en 1930. Cette crise économique avait eu naturellement aussi une influence négative sur les syndicats. Il est établi qu’en raison idu chômage, l’augmentation du nombre des syndiqués était devenue de plus en plus faible, que le nombre des syndiqués chômeurs croissait de plus en plus et qu’une grande partie d’entre eux ne pouvaient plus payer leurs cotisations. Un grand nombre d’entre eux devaient avoir recours aux caisses d’assistance de ces syndicats, ce qui contribuait à les vider.
Est-ce que le Dr Ley lui-même n’a pas reconnu qu’il avait utilisé illégalement l’argent des syndicats et qu’il avait déjà un pied en prison si le Führer ne sanctionnait pas légalement la confiscation de ces biens ?
Si je me souviens bien, le Dr Ley a fait cette déclaration à l’occasion d’un congrès du Parti à Nuremberg, dans le cadre d’un rapport sur les prestations du Front du Travail allemand. Il voulait dire par là qu’il lui appartenait de faire sanctionner légalement la confiscation de ces biens qui était la conséquence d’une action politique. Dans le même discours, il a parlé des prestations du Front du Travail et montré que ces biens avaient été utilisés dans l’intérêt des ouvriers allemands.
Est-ce que le but de la création du Front du Travail allemand n’était pas de créer un instrument pour combattre la volonté de paix des travailleurs ?
Le Front du Travail allemand...
Docteur Servatius, est-ce que cela ne figure pas également dans le résumé ?
Je n’ai pas vu le résumé, je ne le connais pas.
Il a six ou sept pages.
Je ne l’ai pas vu.
Est-ce que tout cela ne figure pas dans les dépositions du témoin devant la commission ?
On ne peut éviter ides répétitions. Je me suis efforcé de résumer afin d’avoir une impression d’ensemble. En ce qui concerne la question des syndicats, j’en suis arrivé à la fin. Et je vais m’occuper du traitement réservé aux travailleurs étrangers.
Témoin, les travailleurs étaient-ils désavantagés par la DAF ? Est-ce qu’ils protestaient ?
Dans une des questions précédentes, j’ai déjà déclaré que le Front du Travail allemand avait œuvré dans l’intérêt des membres du Front du Travail.
Cela suffit. Est-ce que le Front du Travail a reçu des instructions en vue de préparer une guerre d’agression ?
Je n’ai pas entendu la question.
Est-ce que vous connaissez des instructions adressées à la DAF concernant une guerre d’agression ?
Je ne connais aucune proclamation orale ou écrite donnant le devoir au Front du Travail de pousser à une guerre d’agression.
Est-ce que le Front idu Travail, pendant la guerre, était chargé des secours donnés aux travailleurs étrangers ?
Le Front du Travail allemand, dans la mesure où je m’en souviens, a pris volontairement à son compte en 1938 le traitement des travailleurs étrangers.
Ce qui nous intéresse ici, ce sont les travailleurs étrangers qui sont venus travailler en Allemagne pendant la guerre et, en particulier, ceux qui ont été astreints à ce travail.
Le Front du Travail allemand a assumé pendant la guerre l’œuvre de soutien aux travailleurs étrangers.
Quelle était la tâche du Front du Travail ?
Sa tâche consistait en ceci : la DAF devait soutenir dans son action le chef d’entreprise qui avait légalement la charge d’assurer l’entretien de ses travailleurs. Elle a, de plus, essayé par des mesures qui dépassaient sa compétence de faciliter les tâches du chef d’entreprise.
Est-ce que le Front du Travail s’est acquitté de ce devoir de secours ?
C’était particulièrement difficile en temps de guerre, en particulier dans les secteurs qui étaient l’objet d’attaques de la part des bombardiers ennemis. Mais je peux déclarer que le Front du Travail allemand a fait tout ce qu’il était humainement possible en faveur des ouvriers étrangers.
Vous étiez, en 1943 et 1944, pendant les attaques sévères contre la Ruhr, particulièreraent chargé par le Front du Travail, d’assurer le soutien aux travailleurs ?
En juillet 1943, j’ai reçu l’ordre de porter mon activité dans la Ruhr pour maintenir, malgré les attaques aériennes, la production des ouvriers et pour cela de soutenir les offices locaux compétents.
Est-ce que vous connaissez la façon dont les choses se sont passées alors aux usines Krupp ?
Je ne connais pas les détails des conditions dans les usines Krupp ; mais je peux donner des renseignements sur les choses essentielles du fait que j’ai moi-même visité deux ou trois fois les usines Krupp, sinon dans leur ensemble, en partie tout au moins.
Qu’est-ce qui a été entrepris en gros au point de vue des secours à donner aux ouvriers ?
Pour l’essentiel, il s’agissait toujours de deux choses : d’abord de la nourriture des ouvriers et, en second lieu, de leur logement. Du fait que les usines Krupp elles-mêmes, comme la ville d’Essen elle-même, étaient attaquées sans arrêt, ces usines travaillaient dans des conditions particulièrement difficiles. Et il a souvent été nécessaire que des institutions qui dépassaient le cadre des entreprises, telles que le Front du Travail allemand, l’office de l’Agriculture ou autres, apportent leur appui à ces usines.
Devant la commission, on vous a montré un document D-288, un rapport du Dr Jàger, qui révèle des abus dans le traitement des ouvriers. Est-ce que ce document correspond aux faits que vous avez constatés ?
Personnellement, je ne peux pas apprécier, bien entendui, dans quelle mesure ce rapport du Dr Jàger correspond aux faits, mais d’après ma propre expérience, j’ai pourtant l’impression que sur beaucoup de points les choses ont été exprimées d’une façon quelque peu exagérée. De la part du Dr Jàger, il y avait certainement une bonne intention d’influencer les services qui devaient lui prêter aide. Je me souviens que le Dr Jäger déclare à un moment que les ouvriers étrangers n’avaient que des rations de 1.000 calories. Je peux dire à ce propos qu’en Allemagne également, un usager normal pendant la guerre n’avait pas 1.000 calories par jour.
Les conditions que le Dr Jäger décrit pour quelques camps étaient-elles valables pour l’ensemble des usines Krupp ?
Autant que je me souvienne, le Dr Jàger ne parle que de deux camps, et encore de questions de détails. Les difficultés étaient grandes chez Krupp, mais il ne faut pas généraliser pour tous les camps. Si le Dr Jâger indique en particulier que dans une baraque il avait plu pendant des semaines, je ne peux que constater que dans la ville d’Essen il a plu pendant des semaines dans des milliers d’habitations. Heureux ceux qui avaient un toit, même s’il laissait passer la pluie.
Devant la commission, on vous a présenté d’autres documents sur le traitement des travailleurs chez Krupp. Est-ce qu’ils vous donnent un tableau approchant des conditions qui existaient dans tout le Reich ?
J’ai à dire à ce propos que dans le Reich nous avions des idizaines de milliers ’d’entreprises moyennes et grosses, et les conditions constatées à Eissen ne doivent pas être généralisées pour tout le territoire en ce qui concerne le traitement des ouvriers étrangers en Allemagne.
Est-ce qu’on a pris des mesures de sécurité afin qu’aucun élément de la DAF qui n’était pas qualifié pour ce travail ne soit chargé de ces tâches d’assistance ?
Le Front du Travail allemand avait dans le Reich, le Gau et le Kreis, un service du travail qui s’occupait de ces questions concernant les ouvriers étrangers. Toutes les instructions qui parvenaient à ces services et aux entreprises montraient la nécessité d’un traitement correct et juste, aussi bien pour des motifs d’humanité qu’en raison du rendement de ces ouvriers étrangers. Afin d’empêcher des hommes qui, d’une manière ou d’une autre, avaient abusé de leurs compétences, de revenir de nouveau en contact avec des ouvriers étrangers, ce service du travail avait établi un fichier des chefs de camps dans les Kreis et Gaue. Tous ces gens’ étaient inscrits avec la sanction qu’ils avaient encourue et la mention qu’ils ne devaient plus être utilisés comme chefs de camp. Des instructions ont donc été diffusées qui prévoyaient un traitement, en particulier l’interdiction des brutalités.
Est-ce qu’il n’en résulte pas que ces instructions étaient nécessaires pour ne pas généraliser ces abus ?
Dans toute organisation, il y a toujours des éléments asociaux, et je ne conteste pas que ça et là un fonctionnaire du Front du Travail allemand ait pu abuser de ses compétences. Ce fait a pu donner lieu à ces instructions. D’autre part, cette instruction n’est à considérer que comme un recueil de toutes celles qui avaient été données jusque-là. Mais on peut ajouter qu’il y a dans tout État civilisé des lois qui interdisent et punissent le meurtre et le vol.
Docteur Servatius, il n’est vraiment pas nécessaire de traiter la question avec tellement de détails.
Cette question a été posée à maintes reprises au témoin devant la commission. C’est pourquoi je l’ai répétée. Je ne vois pas le grand intérêt que le Ministère Public trouve à cette question, mais il n’a cessé de la répéter. Je passe à une autre question. Qu’est-ce qui s’est passé dans la surveillance de l’exécution de ces directives concernant le traitement et l’assistance aux travailleurs ?
A côté du service du Travail compétent dont j’ai déjà parlé, le Dr Ley a créé à l’intérieur du Front du Travail ce qu’on a appelé une inspection des camps, qui était sous la direction d’un fonctionnaire du Front du Travail et avait pour mission, en dehors de la compétence du service du Travail, d’inspecter les camps id’’étrangers et, de son côté, d’assurer l’ordre partout où il y avait du désordre. En soi, cette institution avait également pour but d’éviter que d’autres organes, en dehors du Front du Travail, s’occupassent de ces questions dans l’entreprise.
Est-ce que vous avez constaté quelquefois un traitement indigne des ouvriers ? Vous a-t-on rendu compte de quelque chose de semblable ? Quelle est votre impression d’ensemble sur ces entreprises où vous circuliez beaucoup ?
Ces choses ne m’ont pas été communiquées directement, car je n’étais pas pour cela le chef de service compétent. Mais, comme chargé de mission au rendement des entreprises, j’ai visité des centaines d’usines et de camps et je suis obligé de constater qu’à part quelques cas isolés, les choses y étaient en ordre.
Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres questions à poser au témoin. J’ai ainsi entendu tous mes témoins.
Le Tribunal suspend l’audience.
Témoin, je voudrais vous poser une question sur les fonctionnaires spécialistes des Gauleiter, Kreisleiter et Ortsgruppenleiter. En matière disciplinaire, dépendaient-ils des Hoheitsträger correspondants ?
Oui. Chaque fonctionnaire du Front du Travail dépendait disciplinairement de son supérieur direct. Personnellement, comme chef de service du Front du Travail, je dépendais directement du chef du Front du Travail allemand. Lui seul pouvait me nommer à une fonction ou me relever d’une fonction.
Les spécialistes de l’état-major du Gau, par exemple les représentants du Front du Travail allemand, recevaient-ils des instructions professionnelles des supérieurs du Front du Travail ?
Personnellement, comme tous les autres fonctionnaires, je recevais mes instructions de mes chefs du Front du Travail, en ce qui me concernait.
Je suis convaincu que vous pouvez répondre par oui ou non à ma question. Je disais donc que bien que vous receviez vos instructions professionnelles ou techniques de vos supérieurs du Front du Travail, vous étiez également subordonné, n’est-ce pas, au Hoheitsträger de votre état-major pour toutes les questions de discipline et celles qui avaient un rapport avec le Parti ?
Lorsque quelqu’un était chef politique, il était naturellement subordonné à la discipline du Parti ; mais il s’occupait seulement de ce qui faisait partie de son domaine de compétence et de son service.
Une question au sujet des chefs politiques du Front du Travail. Un chef politique du Front du Travail- était-il assermenté comme chef politique de la même façon que les autres chefs politiques ?
Les chefs politiques du Front du Travail avaient prêté serment au Führer.
Recevaient-ils également un certificat spécial ou une carte d’identité spéciale tels que ceux qui étaient distribués à tous les autres chefs politiques ?
Oui, ils avaient une carte sur laquelle était mentionné leur rang.
Monsieur le Président, le témoin a été contre-interrogé devant la commission, et je voudrais simplement attirer l’attention du Tribunal sur un nouveau document qui n’e lui a pas encore été présenté, et sur deux autres documents qui concernent particulièrement le Front du Travail. C’est le document D-338 que je verse au dossier. Monsieur le Président, c’est un rapport sur les conditions qui régnaient à r’infirmerie d’un camp des usines Krupp. Je le dépose, car il est adressé au KVD d’Essen et au Gauamtsierter Dr Heinz à Muhlheim-Ruhr. Je vais poser au témoin une question à ce sujet : témoin, le KVD était bien une association de médecins ?
C’était une association de médecins alle’mands, une caisse de secours. L’association des médecins était l’Arztebund.
C’était une association de médecins. Le Gauamtsieiter était le Dr Heinz. Concluez-vous de ce document qu’il était un chef spécialiste sans caractère politique dans l’état-major du Gauleiter et qu’il s’occupait des questions médicales ?
La charge qu’il occupait ne figure pas ici, mais je pense qu’il s’occupait des questions de santé pour le Gau.
Monsieur le Président, le Tribunal trouvera le document suivant...
Quel est son numéro ?
Je vous dte-mande pardon : GB-547. Ce document se trouve à la page 19 du livre de documents. C’est un document qui a déjà été déposé ; je ne suis pas certain qu’il ait été lu au Tribunal. J’aimerais particulièrement me référer à l’avant-dernier paragraphe de la première page qui a une importance considérable dans la question du Front du Travail. C’est le rapport d’un bureau de Krupp ou de l’un id’e ses directeurs. C’est un document original allemand qui se rapporte à une discussion que cet homme a eue avec trois membres du Front du Travail au sujet du ravitaillement qu’il essayait d’obtenir pour les prisonniers et travailleurs russes affamés.
Le Tribunal voudra bien m’arrêter s’il connaît déjà ce document, mais je voudrais qu’on me permette de lire ce paragraphe qui décrit cette entrevue.
Il a déjà été lu.
Monsieur le Président, je me bornerai donc à attirer l’attention du Tribunal sur ce paragraphe et sur les remarques que le représentant de la DAF y a faites.
L’autre document se trouve pages 9 et 10. C’est le document D-226 (USA-697). Peut-être pourrai-je poser une question au témoin sur ce sujet.
Témoin, voudriez-vous regarder ce document et la lettre d’envoi datée du 10 novembre 1944. Cette lettre est bien signée de vous ?
Oui.
Vous verrez que c’est une lettre d’envoi d’une directive sur l’embauche des travailleurs étrangers. Elle s’exprime ainsi :
« Il est particulièrement important et décisif, non seulement d’assurer le maintien du bon rendement obtenu jusqu’alors, mais encore de libérer les autres réserves d’énergies qui peuvent encore être tirées sans aucun doute des millions de travailleurs étrangers. »
Et au paragraphe 2 :
« Tous les hommes et femmes de ces entreprises : qui appartiennent à la NSDAP, à ses ramifications et à ses associations affiliées, seront avertis des instructions des Kreisleiter par la voie des Ortsgruppen-le’iter et seront habilités... »
Monsieur le Président, le document insiste sur le fait qu’il faut une collaboration étroite entre le Parti, l’État et l’industrie’ avec les unités de la Police secrète, et que cette collaboration est absolument nécessaire dans ce but. Je lis les trois dernières lignes du paragraphe 2 b :
« Les membres du Parti, en effet, et les membres des organisations et des corps ; affiliés, doivent avoir de plus. en plus une attitude exemplaire. »
Et au bas de la page :
« Le chef de la DAF du Gau donnera des instructions détaillées en collaboration avec le chef de la propagande du Gau et le chef de l’étude des questions raciales. »
Au paragraphe suivant, vous trouverez d’autres preuves de la collaboration des chefs politiques, en particulier des Kreisleiter avec la Gestapo.
Je n’ai pas d’autres questions à poser, Monsieur le Président.
Docteur Servatius, avez-vous des questions ? Non ? Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)
Docteur Servatius, voulez-vous faire les commentaires que vous estimez nécessaires à propos de vos documents ?
Monsieur le Président, je n’ai pas maintenant les documents sous la main ; ils ne sont pas encore traduits, de sorte qu’ils n’ont pas été présentés au Tribunal. Je proposerai tout d’abord que les témoins soient entendus ; les documents seront ensuite assez avancés pour qu’on puisse les traiter.
Nous avons le livre de documents.
Ce n’est pas seulement le livre de documents, mais les affldavits aussi que je n’ai pas sous la main. Je ne peux pas le faire maintenant, car je ne les ai pas rassemblés et je pensais pouvoir en parler dans mes explications finales. Je pourrai le faire demain matin.
Très bien, Docteur Servatius. Est-ce qu’il vous conviendrait de commenter maintenant certains documents du livre de documents et de réserver les affidavits pour plus tard ?
Je ne les ai pas ici et ne suis pas prêt. Cela prendrait beaucoup de temps et serait désordonné. Je préférerais le faire à un autre moment.
Le Tribunal examinera donc les preuves de l’organisation suivante.
Quand dois-je exposer cette question ? Après l’audition des témoins de l’organisation suivante ou après l’audition des témoins de toutes les organisations ?
Après cette prochaine organisation.
Très bien.
Quelle est la prochaine organisation dont nous aurons à nous occuper ?
Monsieur le Président, Messieurs les juges. Je vous prie de me permettre tout d’abord de présenter mes documents. Je verse tout d’abord mes deux livres de documents : le livre de documents n° 1, qui contient les documents 1 à 31, et le livre de documents n° 2,, qui contient les documents 32 à 62. Voulez-vous que je commente ces différents documents ou bien voulez-vous que je le fasse après l’audition des témoins ?
Qu’est-ce qui vous convient le mieux ?
Je préférerais personnellement traiter ce problème après l’audition des témoins.
C’est très bien.
Puis-je vous remettre une liste des treize témoins qui ont été entendus devant la coinmisision et, de plus, une copie allemande de ces treize procès-verbaux ? Je prie le Tribunal de bien vouloir les accepter comme preuves. Quant à l’argumentation elle-même, j’y procéderai après l’interrogatoire des témoins. Enfin, je remets encore une liste contenant les noms et un résumé des ’déclarations sous la foi du serment remises à la commission, qui portent les numéros 1 à 85 et que je dépose également comme preuves. Je verserai, dès que je les aurai, les trois procès-verbaux des séances de la commission qui toucheait à la discussion, de ces déclarations sous serment. De plus, j’aurai à présenter encore 1.500 déclarations sous la foi du serment, que je présenterai sous la forme d’un affidavit d’ensemble. Comme ce résumé n’est pas encore entièrement fait, je vous prie de me permettre de vous remettre ces documents après l’audition, des témoins.
Avec la permission d’un Tribunal, je désirerais appeler le témoin, Dr Best.
Faites entrer le témoin. (Le témoin gagne la barre.)
Voudriez-vous me donner votre nom.
Dr Karl Rudolf Werner Best.
Voulez-vous répéter ce serment après moi :
« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Monsieur le témoin, voulez-vous rapidement nous donner des indications sur votre carrière.
Je suis juriste et fonctionnaire de profession. A partir de 1929, j’ai été juge ; depuis 1933, fonctionnaire de l’administration, et depuis 1942, diplomate.
Quand et comment êtes-vous venu à la Gestapo ?
Depuis le 1er janvier 1935, j’étais Oberregie-rungsrat et chef de section administrative et juridique à la Gestapo de Berlin. De 1936 à 1940, j’ai été chargé des affaires de la Police de sûreté au ministère de l’Intérieur. De 1940 à 1942, j’ai été délégué du Reich au Danemark.
La Gestapo était-elle un assemblage de personnes ?
Non.
Qu’était la Gestapo ?
C’était un ensemble d’autorités de l’État.
Mais si le Ministère Public présente la Gestapo comme une organisation réunissant des personnes groupées volontairement afin d’atteindre des buts définis, qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
Monsieur le témoin, vous devez toujours faire une pause entre ma question et votre réponse.
Une organisation a des membres. Les fonctionnaires dé la Gestapo étaient des fonctionnaires de l’État qui avaient en Droit public des relations de fonctionnaires de l’État. Une organisation a ses propres buts. Les autorités de la Gestapo avaient leur tâche assignée par l’État, par la direction de l’État.
La Gestapo était-elle intégrée d’une manière quelconque dans la NSDAP ou dans d’autres organisations natio-nales’socialistes ?
Non, les autorités de la Gestapo étaient des autorités purement étatiques.
Monsieur le témoin, je vous prie de parler un peu plus lentement, sans quoi la traduction est impossible.
Oui.
Est-ce qu’en 1933, il y a eu d’une manière uniforme une organisation de police secrète pour l’ensemble des territoires du Reich ?
Non, dans les différents Lànder de l’Allemagne, il y avait des polices politiques qui avaient été créées par les différents gouvernements régionaux.
Est-ce que ces autorités ont été recréées entièrement ?
Non, elles ont été créées par une transformation et une réorganisation des institutions de police déjà existantes.
De quelle manière y procédia-t-on ?
A l’aide de règlements et de décrets pris par les différents gouvernements régionaux.
Pour quelle raison ces organismes nouveaux ont-ils été créés par les gouvernements des Lànder ?
De ma propre expérience, je peux dire qu’en Hesse on a créé un service de la police d’État parce que l’autorité de la Police avait été ébranlée par les événements antérieurs à 1933 et qu’une nouvelle forme de la Police d’État devait être instituée, dont l’autorité devait être renforcée, en particulier vis-à-vis des membres du mouvement national-socialiste. Je suppose que cette raison a joué un rôle dans les autres régions de l’Allemagne.
Est-ce que ces nouvelles autorités furent chargées de tâches nouvelles ?
Non, on leur donna les tâches qui avaient été données dans le passé à la police politique.
De quelles tâches s’agissait-il ?
D’une part, il s’agissait de poursuivre les actes punissables du point de vue politique, tout ce qui concernait les actes politiques ou de caractère politique et, d’autre part, d’assurer des mesures préventives prises par la Police contre ces actes.
Qu’entendez-vous par mesures préventives prises par la Police ?
Par mesures préventives de police, je comprends celles qui ont une influence sur les milieux des coupables ou sur les coupables eux-mêmes, de sorte qu’ils n’entreprennent pas des actes dont ils redoutent les sanctions.
Quand et comment Himmler est-il devenu le chef de la police politique des différents Lander d’Allemagne ?
Entre mars 1933 et mars 1934, Himmler peu à peu a réussi à s’imposer comme chef de la police politique dans les différents Lander d’Allemagne, et à réunir leurs attributions policières sur sa seule personne.
Himmler vient-il de la Police ou a-t-il fait une carrière politique ?
Non, il n’a jamais rien eu à faire avec la Police et il n’a jamais travaillé avec ses conceptions et ses méthodes,
Les fonctionnaires et les services des diverses polices politiques ont-ils participé à la nomination de Himmler ?
Non, cette nomination de Himmler leur a été communiquée comme un fait accompli.
Quand et comment les services de la police politique des différents Lander composant l’Allemagne ont-ils été groupés pour former un organisme unifié de police secrète d’État ?
Après que Himmler eût été nommé chef de la Police du Reich au ministère de l’Intérieur, en 1936, des ordonnances diverses, des décrets du ministère de l’Intérieur, réunirent les différentes polices politiques des différents Lander de l’Allemagne en une police secrète d’État pour le Reich.
Est-ce que la NSDAP a créé une police politique quelque part en Allemagne ?
Non, nulle part.
Est-ce qu’une organisation du Parti a été prise par l’État pour constituer une police politique ?
Non, jamais.
Est-ce que les services de police politique des divers Lander occupaient en 1933 des membres du Parti ?
Non, ils occupaient les fonctionnaires qui existaient déjà dans ces polices. Seuls quelques fonctionnaires nouveaux ont été admis à cette époque.
Est-ce que les fonctionnaires dirigeants de ces services étaient membres du Parti ?
C’était différent dans les divers Lander. C’était, en partie, des fonctionnaires qui, dans le passé, avaient appartenu à d’autres directions politiques et à d’autres partis.
Pouvez-vous nous citer un exemple ?
Il y a plusieurs exemples connus. Il est connu que le chef de la Police secrète d’État prussienne, M. Diels, avait eu des idées politiques différentes. Les collaborateurs les plus proches de Himmler et de Heydrich à Munich, qui ont plus tard été appelés à Berlin,, comme Mûller par exemple, qui devait devenir le chef de l’Amt IV, Huber, Fresth, Beck, avaient été membres du parti populaire bavarois, et le chef lui-même id’e mon petit service de police de Hesse était un ancien démocrate et un franc-maçon que j’ai, malgré cela, tenu pour capable d’occuper ce poste.
Pourquoi ces fonctionnaires ont-ils continué à assurer leur service de police sous le régime national-socialiste ?
Parce que, pour un fonctionnaire allemand, c’était une chose évidente que de continuer à servir l’État, même si le Gouvernement changeait, tant qu’il était en mesure de servir son pays.
Est-ce que ces fonctionnaires ont été exclus plus tard et remplacés par des nationaux-socialistes ?
Non, ces messieurs, en général, ont même fait une carrière brillante et ont occupé des postes importants.
Comment s’est produite, par la suite, l’organisation, au point de vue du personnel, de la police politique ?
Des fonctionnaires des autorités die Police ont été mutés dans les services de la police politique. Avec le temps, on a engagé de nouveaux aspirants à ces postes et on en a fait des fonctionnaires, conformément aux dispositions en vigueur.
Est-ce que des gens venant du Parti, des SS ou des SA, ont été utilisés ?
Dans de faibles proportions seulement, étant donné que le service, dans ces services de police, n’était pas bien rétribué et n’était pas, par conséquent, très recherché.
Est-ce que les fonctionnaires se sont portés volontaires pour la police politique ?
Les fonctionnaires étaient mutés de service à service.
Est-ce que les fonctionnaires devaient obéir à ces mutations ?
Oui, d’après le Droit administratif en vigueur, ils étaient obligés d’e le faire.
Quelles auraient été les conséquences d’un refus ?
Des mesures disciplinaires comportant le renvoi du service et la perte de certains droits, par exemple la perte du bénéfice de la retraite.
Est-ce que de tels refus vous sont connus ?
Non, je n’ai pas eu connaissance de cas de ce genre.
Est-ce que la police politique était exclue complètement de l’organisation administrative générale de l’État ?
Non, il y avait des engrenages sur tous les plans avec l’administration générale intérieure. C’est ainsi que les chefs de la Police d’État étaient en même temps les conseillers politiques des présidents de gouvernement. Les inspecteurs de la Police de sécurité étaient directement subordonnés aux présidents ou aux ministères des différents Lânder et devaient se soumettre à leurs instructions.
Est-ce qu’en dehors des services de la Gestapo, d’autres services ont exercé l’activité d’une police politique ?
Oui. Les autorités de police du Kreis et des communes ont, elles aussi, exercé une activité policière.
De quelle façon ?
Les autorités de police ’du Kreis et des communes, c’est-à-dire les Landràte, la gendarmerie et les autorités de police communales, agissaient soit sur la base de dénonciations qu’elles recevaient, soit en vertu des ordres des services de police politique compétente, c’est-à-dire de la Police d’État. Et elles exécutaient ces ordres.
Quelle était la part prise par les autorités de police du Kreis et des communes dans les affaires de police politique ?
Quantitativement, ces autorités locales de police avaient à s’occuper de la plus grande partie des cas particuliers qui se présentaient aux services de la Police d’État, étant donné que les services de la Police d’État n’envoyaient leurs agents que pour les affaires très importantes, comme dans les cas de haute trahison ou de complot contre la sûreté de l’État.
Est-ce que les autorités de police du Kreis ou des communes recevaient les ordres généraux de la police politique ?
Oui, ces services recevaient ces ordres, sauf dans les cas où on l’avait expressément exclu par une note précise.
A quel point de vue les autorités de la police politique considéraient-elles les faits commis ?
Exclusivement sur la base des dénonciations faites par des individus ou de celles qui leur étaient transmises par des services autres que la Police.
Quel était de domaine dans lequel c’était le cas ?
Ces dénonciations ont eu lieu dans tous les domaines qui pouvaient intéresser la police politique. C’est la raison pour laquelle cette police n’était pas en mesure de procéd’er elle-même à des enquêtes pour voir si ces dénonciations étaient fondées. On n’a procédé à la mise sur pied d’un propre service de renseignements que dans les cas où l’on supposait l’existence de groupes organisés, comme le parti communiste par exemple ou bien les services de renseignements de l’ennemi qui travaillaient dans un but d’espionnage. C’est dans ces cas qu’on a essayé de démasquer ces activités par des agents ou ides moyens appropriés.
Si aucun service de renseignement n’existait dans la Gestapo, comment se fait-il qu’on prenait des mesures contre des personnes pour des propos politiques ou autres ?
Cela ne se passait pas, comme on l’a représenté très souvent, et comme on le dit encore, comme si la Gestapo avait entretenu tout un réseau d’agents et de mouchards pour surveiller tout le peuple. C’eût été impossible, avec les effectifs peu nombreux de la Gestapo qui étaient employés constamment par les affaires courantes. Les dénonciations qui touchaient à certaines déclarations sur le plan politique parvenaient toujours à la police politique de l’extérieur. On ne les recherchait pas, car dans 90% des cas, on ne pouvait rien entreprendre avec elles.
S’il vous plaît, parlez plus lentement, témoin. Est-ce qu’il y avait une classe spéciale de fonctionnaires de la Gestapo qui se distinguait des autres fonctionnaires ?
Non. Les fonctionnaires de la Gestapo appartenaient aux mêmes catégories que les fonctionnaires correspondants des autres services de police.
Quelles étaient les catégories de fonctionnaires de la Gestapo ?
Il y a lieu tout d’abord de faire une distinction importante entre les fonctionnaires d’administration et les fonctionnaires d’exécution.
Comment distinguez-vous ces deux catégories ?
Ces deux catégories se distinguent par les tâches qui leur étaient imparties, par leur statut juridique et par leur formation.
Dans quelle mesure leur statut juridique était-il différent ?
Les fonctionnaires d’administration étaient soumis au droit administratif du Reich et au droit général réglementant le statut des fonctionnaires, tandis que les fonctionnaires d’exécution étaient soumis à un droit spécial qui avait été élaboré pour les fonctionnaires de la Police.
Dans quelle mesure leur formation était-elle différente ?
Les fonctionnaires d’administration, selon leur carrière, selon, qu’ils étaient fonctionnaires subalternes, moyens ou supérieurs, étaient formés conformément aux directives en vigueur dans les différents-services dans lesquels ils travaillaient : administration générale et intérieure, services administratifs de police, préfectures de .police, directions et autres.
Quant aux fonctionnaires d’exécution, ils étaient envoyés dans ce que l’on appelait les écoles de chefs de la Police ’de sûreté et dans les services de la Gestapo et de la police criminelle où l’on procédait à leur formation.
Quelles étaient les tâches que les fonctionnaires d’administration avaient dans la Gestapo ?
Ces tâches étaient les mêmes que dans toutes les autres aidtministrations et, en particulier, dans les administrations de police, c’est-à-dire les questions de personnel, d’économie intérieure, de budget, de crédits, etc., de même que d’autre part l’examen d’un certain nombre de questions juridiques. C’est ainsi, par exemple, que j’étais compétent pour faire étudier la question des passeports ou la question du droit de la police des étrangers.
Est-ce que les fonctionnaires d’administration ont pu contrôler et surveiller l’activité des fonctionnaires d’exécution ?
Non, sauf s’ils étaient chargés de surveiller un fichier d’un service d’exécution auquel ils étaient affectés. Par ailleurs, ils n’avaient rien à faire avec l’examen des dossiers, ni avec les mesures d’exécution.
Est-ce qu’ils pouvaient d’une autre manière avoir connaissance de l’activité des fonctionnaires d’exécution ?
Non, c’était à peu près impossible, car tout fonctionnaire avait l’obligation de garder le secret sur tout ce qu’il faisait, ce qui correspondait d’ailleurs à une habitude ancienne de la Police selon laquelle on ne disait rien du travail que l’on faisait.
Est-ce que les fonctionnaires d’administration venaient volontairement à la Gestapo ?
Non, les fonctionnaires d’administration étaient envoyés par d’autres servicesi administratifs : ceux de la Police ou de l’administration générale intérieure. Ils étaient mutés à la Gestapo.
Est-ce que tous les fonctionnaires d’exécution de la Gestapo ont exercé la même activité ?
Non. Chacun exerçait l’activité correspondant au service auquel il avait été affecté.
Quels étaient les services de la Gestapo ?
En dehors de la police politique au sens étroit, il y avait la police du contre-espionnage, la police des frontières. Plus tard, la partie défensive du contre-espionnage militaire et également le contrôle douanier des frontières ont été rattachés à la Gestapo, de sorte qu’ils sont devenus des services techniques de la Gestapo.
Est-ce que les tâches spéciales de ces services sont rentrées après 1933 dans le cadre de la Gestapo ?
Non, dès avant 1933, on avait déjà ces distinctions, et d’ailleurs c’étaient déjà les’ mêmes fonctionnaires qui, plus tard, sont entrés dans la Gestapo, qui avaient travaillé auparavant dans ce qu’on appelait les services centraux de la Police et dans les services de la police des frontières.
Vous avez parlé tout à l’heure de la police du contre-espionnage. Quelle était la tâche de la police du contre-espionnage ?
Les enquêtes sur les cas de haute trahison qui, après examen, étaient dévolus sans exception aux tribunaux.
Une autre partie de la Gestapo était la police des frontières. Quelle était sa tâche ?
Cette police frontalière exerçait le contrôle des passeports à la frontière, contrôlait aussi ce que l’on appelait la petite circulation le long de la frontière. Elle prêtait assistance à la police étrangère en recevant les personnes refoulées, etc. Cette police a également contribué à la lutte internationale contre les stupéfiants et procédé également à des enquêtes criminelles le long de la frontière, qui concernaient des personnes et également certains domaines.
Quelles étaient les tâches de ce que l’on appelait le contre-espionnage militaire, qui faisait également partie de la Gestapo ?
Comme je l’ai dit, c’est la partie défensive du contre-espionnage militaire qui a été annexée à la Gestapo pendant la guerre. Ce service avait pour tâche de se renseigner sur les services ennemis qui travaillaient contre l’Armée allemande et de les mettre hors d’état de nuire.
Une autre partie de la Gestapo était formée de ce qu’on appelait la protection des frontières douanières. Quelles étaient ses tâches ?
Les tâches de ce service de protection douanier, avant et après son affiliation à la Gestapo, étaient de surveiller ce que l’on appelait la « frontière verte », c’est-à-dire la frontière en dehors des passages, et les passages où il n’y avait pas de police frontalière.
Est-ce qu’il y avait, en dehors des fonctionnaires d’administration ou d’exécution, d’autres fonctionnaires appartenant à la Gestapo ?
Oui, il y avait des agents techniques et, en plus de cela, il y avait un grand nombre d’employés et de salariés pour les services techniques et les travaux de bureau.
Quel est le pourcentage de tout le personnel que représentaient ces salariés ?
Il variait suivant les années entre 35% et 45%.
Est-ce que les employés et salariés savaient les tâches qu’avaient à accomplir les fonctionnaires d’exécution ?
Dans la mesure où ces employés et salariés étaient employés comme chauffeurs ou sténo-dactylos, dans la mesure où ils ont participé à ces actions des services d’exécution, ils ont pu avoir connaissance de certains détails, mais non de l’ensemble de leurs activités.
Est-ce que la Gestapo versait à ses fonctionnaires des traitements particulièrement élevés ?
Non, en général les traitements correspondaient à des tarifs et à des règlements établis, et ces traitements étaient si bas qu’il y avait même des difficultés pour trouver des personnes capables de remplacer les fonctionnaires et agents qui quittaient le service.
D’où venaient les cadres destinés à la. Gestapo ?
D’après la loi du Reich sur les fonctionnaires de police, 90 % des aspirants fonctionnaires du service d’exécution et de l’administration du service moyen et du service ordinaire devaient provenir de cadres de la police ordinaire qui voulaient servir dans la Police et en faire leur carrière. Seuls, 10 % de ceux qui étaient engagés l’étaient comme la loi le stipulait parce qu’ils n’avaient aucune profession.
Est-ce que les candidats de la Schutzpolizei ou police ordinaire choisissaient volontairement de travailler pour la Gestapo ou non ?
Les fonctionnaires de la police ordinaire se faisaient porter sur une liste, dans les services ;dte recrutement de la police à Potsdam, et ensuite, sans qu’ils eussent été consultés, étaient affectés soit à une autorité de la Gestapo, soit à une autorité de la police criminelle.
Comment les fonctionnaires candidats étaient-ils formés pour leur tâche d’exécution ?
Ces candidats étaient envoyés dans ce que l’on appelait les écoles de chefs ou les écoles techniques de la Police de sécurité, et ils suivaient des cours qui étaient les mêmes pour la Police de sécurité et pour la police criminelle. Leur formation était préparée également par des travaux pratiques, au sein même des services dont ils faisaient partie.
Est-ce que les fonctionnaires en service étaient éduqués du point de vue politique et subissaient une influence ?
Non. Un plan de Himmler prévoyait, aux environs de 1939, que le service principal des races et de la colonisation des SS devait procéder à une formation idéologique de tous les services qui dépendaient de Himmler ; mais tant que j’ai été dans ce service, c’est-à-dire jusqu’en 1940, cela n’a pas été réalisé.
Est-ce que les fonctionnaires de la Gestapo ne devaient pas exécuter leurs mesures policières d’après des points de vue politiques ?
Non, il n’eût pas été souhaitable qu’un petit agent d’exécution, par exemple un assistant de police criminelle, eût dans son activité pris les décisions sur le plan politique ou eût des décisions d’ordre politique. L’agent d’exécution devait simplement agir d’après les instructions de service qu’il avait reçues ou d’après les ordres de ses supérieurs, sans se mêler à la politique.
Que signifie « l’équivalence des fonctions de la Gestapo et des SS » ?
Cela signifiait . ..
Docteur Merkel, est-ce que vous résumez les témoignages qui ont été idonnés devant les commissions ? Nous ne tenons pas à ce que l’on revienne sur tous les détails, nous avons déjà un résumé écrit et toutes les déclarations de témoins qui ont été faites devant la commission. Tout ce que nous voulons vous voir faire, c’est faire ressortir les points vraiment importants et interroger les témoins afin que nous puissions apprécier le crédit à accorder à leurs déclarations et les soumettre, le cas échéant, à un contre-interrogatoire. Nous ne tenons pas à passer en revue tous les témoignages qui ont déjà été donnés devant la commission.
Certainement, Monsieur le Président. C’est pour cette raison que dès le début je n’ai demandé que deux témoins et j’ai conçu leur audition de telle sorte qu’en particulier pour les questions qui vont venir, on puisse donner un résumé de ce qui a déjà été dit.
Monsieur le Président, je crois que nous avons examiné la chose avec beaucoup plus de détails que nous ne l’avons fait devant la commission et que nous abordons des questions nouvelles devant le Tribunal. Je crois qu’il peut y avoir un certain malentendu de la part de la Défense. Avant qu’il procède à son interrogatoire, j’ai demandé au défenseur le temps qui lui serait nécessaire. Je pensais qu’il plaisantait lorsqu’il m’a répondu qu’il pensait prendre quatre à cinq heures, alors qu’il n’a pris que deux heures devant la commission. J’ai tout lieu de craindre, s’il en a vraiment pour quatre heures et demie à cinq heures, après avoir eu deux heures et demie devant la commission, qu’il n’ait pas compris les intentions, du Tribunal.
Docteur Merkel, j’espère vous avoir fait nettement comprendre ce que nous désirions. Vous, n’avez que deux témoins et nous pouvons, bien entendu, lire leurs témoignages devant la commission. Mais nous voulons les voir pour savoir quelle foi on peut accorder à leurs déclarations. Nous voulons vous donner la possibilité de mettre en lumière les points’ particulièrement importants, mais nous ne tenons pas à revoir toute l’affaire.
Oui, Monsieur le Président. Que signifie l’assimilation de la Gestapo aux SS ?
Cela signifiait que le fonctionnaire, du fait qu’il était fonctionnaire de la Gestapo, passait aux SS et recevait un grade SS qui correspondait au rang qu’il avait en tant que fonctionnaire.
Est-ce que la Gestapo était seule assimilée ?
Non, il y avait aussi les fonctionnaires de la police criminelle qui devaient être assimilés.
Comment et quand a été créé le Service principal de la sécurité du Reich ou RSHA ?
Le RSHA n’a été créé qu’en 1939. Heydrich, qui était à ce moment-là chef de la Police de sécurité, profita de la situation créée par la guerre pour grouper les différents services qu’il dirigeait. Il y avait eu autrefois une certaine résistance à cette entreprise ; elle provenait, d’une part, du ministère de l’Intérieur et d’autre part des services principaux des SS.
Est-ce que les camps de concentration étaient sous l’autorité de la Gestapo ?
Non.
Est-ce qu’il n’y avait pas des prescriptions légales à ce sujet ?
Dans une ordonnance prussienne, à savoir l’ordonnance d’exécution de la loi sur la police secrète ’d’État de Prusse, de 1936, on pouvait lire la phrase selon laquelle la Police d’État administrait les camps de concentration. C’était là le but que poursuivait Heydrich, qui dirigeait alors la Police d’État ; mais Himmler n’a jamais exécuté cette ’disposition,, car il voulait que la situation restât inchangée et que l’inspecteur des camps de concentration continuât, lui aussi, à lui être directement subordonné.
Est-ce que les fonctionnaires de la Gestapo devaient aldmettre que, dans les camps de concentration, la vie et la santé des internés soient mises en danger ?
Je ne puis parler que de la période qui va jusqu’à la guerre, et je me souviens qu’à cette époque les fonctionnaire de la Police secrète d’État n’estimaient pasi que la vie et la santé des détenus des camps de concentration fussent en danger. La Police avaient des rapports avec les détenus qui étaient libérés,, pour lesquels on cherchait du travail, et aussi avec les familles des détenus, ce qui permettait d’avoir des vues assez précises sur les conditions de vie, des détenus dans les camps, de concentration.
Est-ce que les fonctionnaires de la Gestapo’ pouvaient supposer qu’elle poursuivait un but criminel ?
Non, étant donné que la Gestapo n’avait aucun but à atteindre et que sa tâche consistait simplement à exécuter d’une manière suivie les missions qui lui étaient imposées par les lois, règlements et instructions de service.
Est-ce que la Gestapo a exécuté des tâches qui n’étaient pas exigées par les prescriptions générales de police ?
Dans la mesure où la Gestapo était obligée d’exécuter des actions qui n’étaient pas prévues’ dans ces instructions, elle est devenue un instrument (d’exécution pour des buts étrangers à la Police et on peut même dire qu’on en a abusé dans ce sens. Je me souviens du premier cas de ce genre qui est l’arrestation d’environ 20.000 Juifs en novembre 1938. C’était une mesure qui n’était pas nécessaire sur le plan policier, et jamais la Gestapo n’aurait procédé à ces arrestations de son propre chef si l’ordre ne lui en avait pas été donné pour des raisons, politiques par la direction de l’État.
Est-ce que la direction de la Gestapo a participé à la décision d’arrêter ces 20.000 Juifs ?
Non. Je sais, par ma propre expérience, que Hey’drich qui était à ce moment-là chef de la Police de sûreté, a été surpris par les événements, car j’étais en sa compagnie lorsqu’à quelques mètres de l’hôtel où nous nous trouvions nous avons vu une synagogue qui était en flammes. Nous n’en avions rien su. Heydrich s’est alors rendu chez Himmler qui l’a informé, et il a alors reçu des ordres qu’il a transmis aux services de la Police d’État.
Comment en est-on arrivé aux interrogatoires que l’on a appelés « aggravés » ?
En ce qui concerne ces interrogatoires, Heydrich a publié un décret en 1937 ; mais ce décret, je ne l’ai vu que lorsqu’il avait déjà été publié. On ne faisait pas appel à moi quand on procédait à la rédaction, de tels décrets,
Quel est le motif qu’a donné Heyidrich pour prendre ce décret ?
Heydrich m’a donné la justification suivante : il m’a dit qu’il avait reçu une autorisation pour cette mesure et que cette mesure était nécessaire pour couper court à certaines actions de conspirateurs et d’ennemis de l’État et pour empêcher les attentats contre l’État. Il ne s’agissait nullement d’obtenir des aveux. Il m’a également fait valoir que la Police, à l’étranger, utilisait des méthodes analogues, et enfin qu’il s’était réservé pour chaque cas individuel la faculté de décider et que, par conséquent, il estimait que les abus étaient impossibles.
Est-ce que, de 1933 à 1939, la Gestapo a participé à un complot en vue de la préparation, ’du déclenchement et de la conduite d’une guerre d’agression ?
Non. Je crois pouvoir le dire car si, en ma qualité de ’chef de service de l’administration centrale, je n’en ai rien su, les petits fonctionnaires pouvaient d’autant moins en être informés.
Est-ce que la Gestapo était prête à la guerre ?
Non. D’un côté, il n’y avait pas d’équipement matériel e’t, en particulier, nous n’avions pas d’armes, de camions, de matériel de transmission pour les territoires occupés. D’autre part, nous manquions de personnel et n’avions pas la possibilité de mobiliser des réservistes comme la police ordinaire. Tout le système était en cours d’édification : les directives s’élaboraient, les bâtiments de service s’élevaient, si bien qu’on ne peut pas dire que la Police secrète d’État ou que la Police de sûreté eût été en mesure de supporter une telle épreuve.
Dans quel but a-t-on établi les « Einsatzkommandos » ?
Les Einsatzkommandos ont été créés à la suite d’une entente avec l’OKW pour couvrir les arrières des troupes combattantes et pour, dans les territoires occupés, pouvoir prendre les mesures de sécurité les plus urgentes.
A l’autorité de qui étaient-ils soumis ?
Pendant les opérations militaires, les Einsatzkommandos étaient sous les ordres de différents chefs militaires avec les unités desquels ils opéraient. A la fin des opérations, leur dépendance prenait une forme administrative dans les territoires intéressés, c’est-à-dire que s’il y avait un commandant militaire ou un Commissaire du Reich, le chef supérieur des SS et de la Police dépendait de cette autorité supérieure de l’administration, et les Einsatzkommandos de la Police de sûreté dépendaient à nouveau du Chef suprême des SS et de la Police.
Comment étaient composés les Einsatzkommandos ?
Les Einsatzkommandos, au ’début, se recrutaient parmi les membres de la Police secrète d’État, de la police criminelle et du service de sécurité ou SD. Au cours de la guerre, le personnel a dû être complété par des membres de la police ordinaire, par des gens astreints à ce service par nécessité, par des membres des Waffen SS, par des fonctionnaires provenant des territoires intéressés eux-mêmes, de telle sorte que, finalement, les membres de la Police secrète d’État ne constituaient qu’au maximum 10% de l’ensemble du personnel.
Est-ce que les Einsatzkommandos faisaient partie de la Gestapo ?
Non, ils ne faisaient partie ni des services centraux, ni des services de la Police d’État. C’étaient des unités de police de sécurité particulières.
Est-ce que vous connaissez, par votre propre expérience, l’activité des Einsatzkommandos ?
Oui. C’est en particulier au Danemark que j’ai pu me rendre compte de l’activité de ces Einsatzkommandos, et j’ai été également bien informé de l’activité des Einsatzkommandos en Norvège.
Que savez-vous de l’activité des Einsatzkommandos en Norvège et au Danemark ?
Eh bien, je voudrais insister particulièrement sur le fait que ce sont justement les forces qui y ont été engagées qui, très souvent, se sont élevées contre les instructions qu’elles recevaient des services centraux et qui prescrivaient d’infliger un traitement dur à la population. C’est ainsi, par exemple, que l’Ein-satzkommando du Danemark s’est opposé à l’application du. décret « Nacht und Nebel », du décret dit « Kugel », et également de l’ordre dit des commandos. Il a également lutté contre d’autres mesures. C’est ainsi, par exemple, que la Police de sûreté a lutté avec moi contre la déportation des Juifs danois et qu’en Norvège le chef de la Police de sûreté — comme me l’ont dit d’une façon unanime le Commissaire du Reich Terboven et lui-même — a lutté contre les mesures très sévères ordonnées par Terboven. Il a également lutté contre les mesures données par Berlin, ce qui a amené finalement la rupture complète entre Terboven et le chef de la Police de sûreté.
Est-ce vous, comme on l’a à l’occasion prétendu ici, qui avez proposé la déportation des Juifs du Danemark ?
Non. Dans’ de nombreux rapports, au cours de l’année 1943, je me suis violemment opposé à cette mesure. Mais lorsque, contre ma volonté, le 29 août 1943, on a décrété l’état de siège au Danemark, Hitler lui-même, probablement, ordonna alors la déportation des Juifs. Là encore, je m’y suis opposé une fois de plus, et lorsqu’on m’a confirmé dû ministère des Affaires étrangères que l’ordre avait été définitivement promulgué, j’ai alors demandé que l’état de siège soit maintenu jusqu’à ce que l’action soit terminée, parce que je craignais des troubles. Et cette exigence que j’avais formulée, selon laquelle l’action devait être exécutée pendant que l’état de siège était maintenu, a été interprétée de telle sorte qu’on a dit que c’était moi qui avais exigé cette action. Au contraire, j’ai essayé de saboter cette action en permettant aux Juifs de s’enfuir, en donnant de fausses dates sur les limites de cette action à des hommes politiques danois. La preuve en est que 6.000 Juifs ont pu s’enfuir et que 450 seulement ont été arrêtés ; à ce moment-là, le chef de la Police de sûreté m’a aidé ; il savait ce que. je faisais et, d’ailleurs, il aurait pu me dénoncer. Cela m’aurait coûté la tête.
Est-ce que la Police de sûreté, dans les pays occupés, a eu à collaborer à la déportation des travailleurs en Allemagne ?
Pas un seul ouvrier n’a été déporté du Danemark dans les territoires du Reich. Pour autant que je le sache, la Police de sûreté n’y a pas non plus collaboré dans les autres territoires.
Qui a donné l’ordre des fusillades d’otages en France ? Était-ce la Police ? Ou qui était-ce ?
Je sais par ma propre expérience que les ordres prescrivant des exécutions d’otages en France provenaient régulièrement du Quartier Général du Führer ; le commandant militaire qui, jusqu’en 1942, avait eu à exécuter ces ordres, était lui-même absolument opposé à ces mesures et le général Otto von Stùlpnagel, à la suite d’une discussion qu’il a eue à ce sujet avec la Quartier Général du Führer, a été obligé de quitter le service à la suite d’un choc nerveux. Le nouveau chef des SS et de la Police, Oberg, lorsqu’il est entré en fonctions, m’a assuré lui-même qu’il était également opposé à ces mesures.
Est-ce que, d’après les éléments que vous possédez, vous pouvez dire de qui provenait le traitement sévère infligé aux populations des pays occupés ?
D’après mes expériences, je crois pouvoir dire que c’était Hitler en personne qui donnait ces ondres.
Qu’est-ce qui était caractéristique dans les ordres donnés par Hitler ?
Ce qui me paraissait particulièrement caractéristique dans les ordres du Führer, c’était que ces ordres traitaient de détails extraordinaires qu’en temps normal le Chef suprême d’une armée et le chef d’un État n’eût pu traiter. Dans la mesure où ils concernaient, par exemple, les territoires occupés, ces ordres étaient toujours inspirés par l’intention d’arriver à obtenir quelque chose par l’intimidation et la terreur, sans tenir compte du fait que, de l’autre côté, il y avait un dynamisme qui luttait et qu’on ne pouvait pas aisément intimider ou terroriser.
Comment réagissait-il aux obj ections de ses subordonnés ?
Le plus souvent par des accès de colère et en se raidissant dans son attitude. Par contre, il maintenait dans leurs fonctions ceux qui l’avaient prié de les en relever.
Est-ce que votre livre La Police allemande a un caratère officiel ?
Non, c’est un travail de caractère privé.
Est-ce que ce livre indique des faits définitifs dans toutes ses parties ?
Non, il montre, en partie, que les tendances qui étaient en faveur dans la Police allemande à l’époque où il a été rédigé étaient déjà atteintes.
Pourquoi l’avez-vous fait ?
En partie parce que le livre était sur le point d’être publié, et d’autre part parce que cela eût certainement créé des difficultés.
Est-ce qu’on peut conclure à un arbitraire policier du fait que le chef de la Police allemande pouvait prendre des mesures en dehors des frontières de son domaine ?
Dans deux instructions sur le rattachement de l’Autriche et des Sudètesi, on l’a mentionné ; mais on voulait dire par là que le chef de la Police allemande avait les pouvoirs qui lui étaient légalement conférés de prendre des dispositions de police sur ces territoires, dispositions qui n’étaient plus en conformité avec le Droit en vigueur dans ces pays jusqu’à ce moment-là. On lui transmettait donc des pouvoirs réguliers, mais cela ne signifiait pas qu’on dût procéder à des actes arbitraires ou illégaux.
Qu’est-ce qui, d’après votre théorie, était le droit valable de la Police ?
En parlant dans mon livre de ce droit de la Police, je partais naturellement de la conception nationale-socialiste de l’État et ide l’évolution d’alors du Droit public en Allemagne. Étant donné, d’une part, qu’en 1933 le pouvoir législatif avait été transmis au Gouvernement du Reich, il s’était peu à peu établi un Droit public coutumier selon lequel la volonté législative du chef de l’État pouvait se réaliser. Cela a été reconnu dans la pratique de l’État, car les règles selon lesquelles une grande puissance vit pendant des années ne peuvent pas être qualifiées autrement que de Droit coutumier. C’est sur cette base qu’a évolué également le droit de police de cet État. Étant donné que les décrets-lois idu Président du Reich du 28 février 1933 avaient supprimé les entraves qui avaient été établies par la Constitution de Weimar, l’appréciation de la Police jouissait, de ce fait, d’une certai-ne liberté. Par la suite, cette liberté d’appréciation de la Police fut réglée par toutes sortes de décrets et d’ordres du Führer, d’ordres de service, etc., qui, étant donné qu’ils émanaient en dernière analyse du Chef de l’État, devenaient le Droit policier valable et devaient être considérés comme tels.
Que pensez-vous de la Gestapo lorsque des déportations ou des exécutions lui ont été ordonnées ou ont été prescrites à ses membres ?
J’ai déjà dit que c’était là des actions qui étaient étrangères à la Police, qui ne provenaient pas de l’activité de la Police elle-même et qui, ’d’ailleurs, du point de vue de la Police, n’étaient pas nécessaires. Mais lorsque la Police recevait de tels ordres du Chef de l’État, au nom du Chef de l’État, alors, d’après la conception en vigueur, tout fonctionnaire devait admettre qu’il était obligé de les exécuter.
Est-ce que vous vouliez défendre cette conception en écrivant votre livre ?
Il est actuellement 5 heures. Pouvez-vous dire au Tribunal combien de temps vous pensez encore interroger ce témoin ?
J’ai encore deux questions. Peut-être me faudra-t-il quelques minutes, Monsieur le Président.
Très bien, continuez.
Est-ce que vous vouliez défendre cette conception lorsque vous avez écrit que ce n’était pas une question de Droit, mais une question de hasard, lorsque l’État établit des principes de Droit ?
Non, dans ce passage de mon livre, j’ai voulu exprimer un avertissement politique à la direction de l’État, et c’est cet avertissement que j’ai donné dans le sens suivant : cet énorme pouvoir de créer le Droit à sa guise devait certainement un jour — on ne pouvait alors prévoir la création d’un Tribunal international — être soumis au jugement du destin et certainement un jour les violations des lois fondamentales ide la vie des hommes et des peuples seraient punies par le destin. Malheureusement, j’ai eu raison dans mon jugement.
Mais si ceux qui appartenaient à la Gestapo avaient reconnu que le caractère de leurs ordres était criminel, comment juger leur comportement ?
Dans ce cas, il faut constater qu’ils ont agi dans des situations exceptionnelles, parce que pendant la guerre toute la Police était soumise au Droit pénal militaire, et tout fonctionnaire qui aurait refusé d’obéir aurait été condamné à mort par un tribunal militaire, du chef de refus d’obéissance.
Je n’ai pas d’autre question à poser.
L’audience es-t levée.