CENT QUATRE-VINGT-QUINZIÈME JOURNÉE.
Lundi 5 août 1946.

Audience de l’après-midi.

(Le témoin Brill est à la barre.)
M. PELCKMANN

Témoin, vous aviez dit en dernier lieu qu’au début de 1940 les Waffen SS comptaient 100.000 hommes dont 64.000 volontaires et 36.000 appelés. Voulez-vous poursuivre ce développement ?

TÉMOIN BRILL

Cette même année 1940, nous avons encore incorporé 50.000 hommes dans les Waffen SS : 2.000 à 3.000 étaient appelés et les autres étaient volontaires.

Au cours de l’année 1941, nous avons reçu 70.000 hommes, à savoir 3.000 appelés, le reste volontaires.

En 1942, 30.000 hommes ont été incorporés.

LE PRÉSIDENT

Ne serait-il pas plus rapide et plus juste de prendre tous ces chiffres tels qu’ils ont été donnés devant la commission ? Vraisemblablement, ils sont consignés par écrit dans les témoignages faits devant la commission. Il n’est pas nécessaire de répéter devant nous une série de chiffres comme ceux-ci. Vous pourriez passer à un sujet qui comporterait moins de statistiques.

M. PELCKMANN

Très bien. (Se tournant vers le témoin.) D’après les chiffres comparés des volontaires et des appelés, on pourrait déduire, sur la base de votre déposition, qu’environ 40 % à 50 % des hommes incorporés dans les Waffen SS étaient enrôlés de force. Selon votre opinion, ce pourcentage était-il le même à la fin de la guerre ?

TÉMOIN BRILL

Non, en aucun cas. A la fin de la guerre, nous avions 550.000 hommes dans les Waffen SS. Jusqu’en octobre 1944, nous avons eu connaissance d’une perte de 320.000 hommes, comprenant les morts, les disparus et les blessés graves. Considérant que nos volontaires étaient en majorité parmi les morts, — je sais cela d’après des rapports sur les pertes établis avec soin — il en résulte qu’à la fin de la guerre il y avait davantage d’appelés que de volontaires dans les Waffen SS.

M. PELCKMANN

Le Tribunal aimerait savoir, témoin, où vous avez eu des renseignements aussi précis.

TÉMOIN BRILL

J’ai, pendant quatre ans, travaillé dans cette branche. J’ai établi des statistiques et fait des comptes rendus, de sorte que j’ai gardé un souvenir précis de ces chiffres. Dans mon service à Berlin, il y avait également un fichier qui existait encore lorsqu’on janvier 1945 je quittai cette place.

M. PELCKMANN

Vous avez en particulier exposé pour les années 1943 et 1944 combien d’hommes avaient été incorporés dans les Waffen SS. Les statistiques pour les années 1940, 1941, 1942 n’ont pas été établies par la commission. Vous pourriez peut-être nous donner des exemples montrant comment, déjà à cette époque, des non-volontaires ont été incorporés dans les Waffen SS.

TÉMOIN BRILL

Oui, j’ai déjà mentionné que 36.000 hommes avaient été incorporés à la suite de décrets dictés par les nécessités. Au cours de l’année 1940, en outre, nous avons pris des hommes dans la Police pour former notre Feidgendarmerie. Nous avons pris des hommes dans les postes pour assurer la Police militaire. Nous avons retiré les employés civils des SS-Verfügungstruppe.

Au cours de l’année 1941, nous avons prélevé dans l’Armée du personnel au profit de nos unités de cavalerie. Je me souviens également qu’environ 800 hommes appartenant à l’Armée ont été versés dans les Waffen SS au cours de l’été 1941. Des médecins et des techniciens ont également été incorporés au cours des années 1940 et 1941 ; en outre, des annexés devenaient astreints au service militaire. Même pour nos commandos annexés, nous avons incorporé des hommes qui ne s’étaient pas volontairement ralliés à nous.

Au cours de l’année 1942, nous nous sommes très largement écartés du principe du volontariat. Environ 15.000 hommes de race allemande ont été versés dans notre division « Prince Eugène » ; environ 10.000 hommes ont été versés de la Police et de l’Armée dans notre division de Police ; 2.000 hommes environ venaient des services des P.T.T., qui étaient ce que nous appelions les « auxiliaires du front », dans l’Armée et que nous avons également versés dans les Waffen SS. Ces hommes étaient dans l’Armée à titre d’employés civils des postes.

M. PELCKMANN

Pouvez-vous vous souvenir du transfert sur l’ordre de Hitler de l’ensemble des formations de la Luftwaffe ?

TÉMOIN BRILL

Oui, c’était surtout en 1944. En 1943 également nous avons pris des unités de la Luftwaffe. Je me souviens par exemple d’un accord entre le maréchal Gôring et notre commandant Sepp Dietrich, en mars 1943, en vertu duquel 3.000 hommes de la Luftwaffe ont été transférés dans nos unités.

En 1944, surtout, beaucoup de personnes ont été transférées de l’Armée.

M. PELCKMANN

Et maintenant, revenons encore à la question des volontaires. Pouvez-vous nous dire quelque chose quant aux raisons du volontariat ?

TÉMOIN BRILL

Oui, dans mon service j’ai lu des milliers et des milliers de demandes. Je puis dire que jusqu’en 1939 l’enthousiasme pour les SS, surtout pour leur tenue convenable et propre, fut le motif principal du volontariat. Il y avait aussi beaucoup de volontaires pour raison professionnelle.

M. PELCKMANN

Après le début de la guerre, en était-il autrement ?

TÉMOIN BRILL

Après le début de la guerre, le motif principal du volontariat était que les hommes voulaient faire leur service dans une formation d’élite moderne et propre. Il y avait aussi des motifs professionnels qui jouaient certainement un rôle dans ce volontariat. Après le début de la guerre, très peu d’hommes sont venus aux Waffen SS pour des motifs politiques. Je sais également qu’une partie des volontaires étaient recrutés par les enrôlés fanatiques des Jeunesses hitlériennes ou des services de travail du Reich ; ils étaient formellement volontaires pour venir à nous, mais leur enrôlement se faisait sous une certaine pression morale.

Je sais cela d’après les lettres de plaintes qui parvenaient au « Ergänzungsamt ».

M. PELCKMANN

Lettres de qui ?

TÉMOIN BRILL

Lettres de réclamations des parents de ces jeunes hommes.

M. PELCKMANN

Quel était donc l’âge de ces jeunes gens ?

TÉMOIN BRILL

Ces jeunes gens avaient, dans l’ensemble, 17 ans. Ils s’étaient présentés comme volontaires et les parents ne le voulaient pas, ou bien ils s’étaient trouvés entraînés par les paroles d’un recruteur de la Jeunesse hitlérienne et les parents n’avaient pas donné leur accord.

M. PELCKMANN

Est-ce qu’un volontaire aurait pu résilier son engagement ? Aurait-il pu sortir des Waffen SS ? Par exemple, je suppose, parce qu’il aurait eu connaissance de crimes tels que ceux que reproche le Ministère Public ?

TÉMOIN BRILL

Non, la chose n’aurait pas été possible. Si le jeune homme avait signé un engagement volontaire, il n’y avait plus de retrait possible, étant donné que cet homme était l’objet d’un ordre d’incorporation de la Wehrmacht et qu’à ce point de vue il était passible des poursuites habituelles. Une fois qu’il était incorporé, il se trouvait assujetti aux lois militaires et il ne pouvait plus sortir des Waffen SS.

M. PELCKMANN

Est-ce que vous reçûtes des plaintes dans ce sens ? Y eut-il des plaintes selon lesquelles des volontaires auraient été employés à différents crimes ?

TÉMOIN BRILL

Oui, nous reçûmes des plaintes, mais c’étaient surtout des plaintes d’incorporés qui pensaient que les Waffen SS étaient particulièrement durement traités et que chez nous il y avait beaucoup de pertes en hommes. C’est pour cette raison qu’ils désiraient sortir de notre formation. Il se produisait également que les parents qui craignaient pour leurs jeunes gens nous adressaient des lettres se plaignant que ces enfants avaient été enrôlés à 17 ans en vertu d’un ordre du Führer sans leur consentement et demandaient qu’ils leurs soient rendus. Mais nous n’avons pas tenu compte de ces plaintes.

M. PELCKMANN

En votre qualité de membre de l’Ergân-zungsamt, vous pouvez certainement nous dire quelque chose quant à la pratique de la soi-disant sélection pour les Waffen SS, par exemple s’il y avait là des motifs politiques qui jouaient pour l’acceptation d’un volontaire ou d’un appelé.

TÉMOIN BRILL

J’ai participé à des conseils de révision du « Leibstandarte » et, par la suite, je les ai dirigés moi-même. Je puis dire ici ouvertement que seuls nous intéressaient les jeunes hommes bien portants. Que son père ou lui-même soit communiste, que ses parents soient pratiquants, nous n’avons pas même demandé cela au conseil de révision. Il nous intéressait seulement de savoir que ce jeune homme était sensé, énergique. Nous aurions pris dans les Waffen SS un jeune homme des SA ou des SS de préférence à un vieux membre du Parti souffrant de quelque incapacité physique. Bien entendu, plus tard, pour ceux qui ont été incorporés ou changés de formation, nous n’avons pas pu continuer à être aussi exigeants.

M. PELCKMANN

Aviez-vous, lors de ces conseils de révision, des instructions secrètes ayant trait à la sélection ?

TÉMOIN BRILL

Non, nos conseils de révision avaient lieu ouvertement dans des salles publiques. Je me souviens même qu’avant la guerre, à Dantzig, qui était encore polonais à l’époque, il y eut des conseils de révision officiels pour les Waffen SS. La façon dont nous faisions tout cela n’était pas non plus secrète. Tout le monde pouvait le voir sur nos notices de recrutement qui étaient imprimées par millions.

M. PELCKMANN

Est-ce qu’à part les Allemands il y avait des ressortissants étrangers dans les Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Oui, il y avait en particulier nos braves Allemands des pays étrangers qui formaient la majorité des soldats étrangers. Le Reich avait conclu des accords et signé des traités avec les Gouvernements des autres pays, en vertu de quoi ces gens devaient faire leur service dans les Waffen SS. Dans les pays germaniques, nous n’avons presque pris que des volontaires dans notre division « Viking » et d’autres unités germaniques. En 1943 et plus encore en 1944, nous avons incorporé des étrangers. La majeure partie étaient des volontaires, mais un certain nombre ont été incorporés conformément aux lois en vigueur dans leur propre pays. Avec ces hommes vinrent, en dehors de ceux de race allemande, des hommes complètement différents sur le plan social, religieux et psychologique dans les rangs des Waffen SS, à tel point qu’on avait laissé à ces unités étrangères leur caractère ethnique.

M. PELCKMANN

Donnez-nous, s’il vous plaît, brièvement des chiffres quant aux étrangers que vous incorporiez ; c’est très important pour l’Accusation, car, selon elle, vous aviez cherché à créer une formation purement idéologique.

TÉMOIN BRILL

Je peux vous donner les chiffres de fin 1933 à fin 1934.

M. PELCKMANN

Ne voulez-vous pas dire 1944 ?

TÉMOIN BRILL

Certainement, 1944. Je vous demande pardon.

Jusqu’à la fin de 1944, nous avons enrôlé environ 400.000 Allemands du Reich ; 300.000 Allemands de race ; 150.000 étrangers et environ 50.000 soldats germaniques.

M. PELCKMANN

Je fais un rapprochement avec une question que M. le Président a posée au témoin précédent, von Eber-stein. Vous savez certainement exactement dans quelle situation se trouvaient placées les Allgemeine SS vis-à-vis des Waffen SS : est-ce que, par exemple, un chef des Allgemeine SS pouvait être muté avec son grade dans les Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

On ne saurait parler ici d’une mutation au point de vue militaire. Les Allgemeine SS étaient une organisation de volontaires, tandis que les Waffen SS étaient un corps militaire. Il est certain que jusqu’en 1942 un membre des Allgemeine SS qui se sentait attiré vers les Waffen SS devait avant tout se présenter comme volontaire. Ce n’est qu’après 1942 que nous avons pu prendre cet homme sans qu’il soit volontaire. Ce sont les difficultés de remplacement qui nous y ont contraints. Je tiens à spécifier qu’il est tout à fait possible qu’un homme des Allgemeine SS, jusqu’en 1942, s’étant présenté à nous, ait été refusé peur incapacité physique.

Après 1942, nous n’avons naturellement pu refuser aucun membre des Allgemeine SS, mais il était également possible qu’un membre des Allgemeine SS fasse son service militaire dans une autre formation de l’Armée et je pense qu’au début de la guerre les Allgemeine SS ont été, pour la plupart, incorporés dans la Wehrmacht.

Un chef des Allgemeine SS, s’il n’avait pas déjà un grade militaire dans une autre formation de l’Armée, était pris dans les Waffen SS comme homme de troupe. Par contre, les officiers de la Wehrmacht étaient mutés dans les Waffen SS avec leur grade.

M. PELCKMANN

Témoin, voudriez-vous conclure par là que l’activité dans les Allgemeine SS, en aucun cas, ne devait être considérée comme celle d’une formation pré-militaire, car un membre des Allgemeine SS, aussi bien qu’un individu qui n’était pas membre des Allgemeine SS, devait faire son service depuis le début dans les Waffen SS ou dans la Wehrmacht ?

TÉMOIN BRILL

Oui, c’est certain. Il en était ainsi du reste.

M. PELCKMANN

On considérait en Allemagne les Waffen SS comme un quatrième corps de la Wehrmacht, et non pas comme le Ministère Public le prétend, comme un noyau nazi de troupes ; est-ce exact ?

TÉMOIN BRILL

Je crois pouvoir l’affirmer tout ou moins dans mon rayon d’action. Les choses se passaient ainsi : seules les enquêtes, les sélections se faisaient sur les directives des SS, alors que l’acceptation dans les Waffen SS dépendait de la décision du Wehrbezirkskommando et l’incorporation dans les Waflen SS se faisait sur un ordre d’incorporation émanant de la Wehrmacht. Le contingent de volontaires des Waffen SS nous était prescrit par le Commandement en chef de la Wehrmacht. Quant à l’incorporation des appelés, elle avait lieu d’après des dispositions prises par le Commandement en chef de la Wehrmacht. On peut dire également que nous n’avions aucune liaison avec le Parti car le Parti ne nous donnait aucun ordre. Les quelques membres du Parti qui étaient dans les Waffen SS ne payaient pas, pendant qu’ils étaient dans nos rangs, leurs cotisations au Parti. Ils ne recevaient aucune aide du Parti. Les remplacements et le contrôle des Waffen SS se faisaient sur les instructions du Commandement suprême de l’Armée, dans le cadre de l’instruction générale de l’Armée 8115. Étant donné que le service dans les Waffen SS et dans l’Armée était pratiquement le même, nous avons, en automne 1944, procédé à la fusion des services de recrutement de l’Armée et des formations des SS, ce que l’on désirait depuis longtemps.

M. PELCKMANN

En me référant à une question de M. le Président au témoin précédent, von Eberstein, puis-je vous demander quelque chose quant à la composition des unités de surveillance dans les camps de concentration ? Est-il exact, ainsi que le dit le Ministère Public, que les Allgemeine SS, au cours de la guerre, assurèrent la garde des camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

On ne peut dire cela en aucun cas. Les 8.000 hommes qui faisaient partie de la formation « Tête-de-Mort », dont je vous ai déjà parlé précédemment, au début de la guerre n’étaient qu’en partie membres des Allgemeine SS. En octobre 1939, lors de la création des SS « Tête-de-Mort », ils ont été versés dans cette unité du front. Ces gens furent remplacés par des appelés, mobilisés pour la circonstance, parmi lesquels peut-être 3.000 hommes faisaient partie des Allgemeine SS. Ces hommes ont été retirés des Allgemeine SS en vertu d’une ordonnance spéciale de mobilisation. On aurait aussi bien pu retirer d’autres personnes d’autres formations, ce qui fut le cas par exemple des hommes du Reichs-kriegerbund et du Kyffhàuserbund. Durant toute la guerre, les Allgemeine SS n’ont jamais fourni ou complété le personnel de surveillance des camps de concentration. Il est possible cependant que quelques hommes des SS non soumis aux ordres de mobilisation y aient été mutés.

M. PELCKMANN

Dites-nous, s’il vous plaît, très brièvement, ce qu’il faut entendre par « ordonnance de mobilisation » et à qui elle s’appliquait.

TÉMOIN BRILL

L’ordonnance de mobilisation était, autant que je sache, une disposition du Reich d’après laquelle, en un cas particulier de nécessité, chaque ressortissant du Reich allemand pouvait être incorporé dans une certaine formation. J’ai déjà mentionné ce matin que 36.000 hommes des Allgemeine SS, au moyen de cette ordonnance, ont été incorporés par le ministère de l’Intérieur. Le ministère de l’Intérieur, par ce moyen, a incorporé environ 1.000.000 d’hommes pour les forces et les réserves de la Police, parmi lesquels se trouvaient ces 36.000.

M. PELCKMANN

Cela ressort clairement du document SS-26. Pouvez-vous nous dire, pendant la guerre, qui, en général, a assuré la surveillance des camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

En grande partie, pendant la guerre, ce furent des ressortissants allemands et des membres de la Wehr-macht qui assurèrent la surveillance des camps de concentration. Vous me permettrez peut-être de m’expliquer brièvement ?

En 1940 et en 1941, le personnel de surveillance des camps de concentration n’a été remplacé que dans une très faible proportion. En général, c’étaient des membres du Kyffhauserbund et du Reichskriegerbund qui furent partiellement appelés par un ordre de mobilisation.

En 1942, en général, les individus de race allemande et les volontaires du Reich — qui étaient volontaires non pas pour les camps de concentration mais pour les Waffen SS — mais étaient reconnus inaptes pour les Waffen SS, ont été affectés à la garde des camps de concentration.

En 1943, le recrutement fut identique. Au cours de cette année-là également un contingent de vétérans a été incorporé.

En 1944, les derniers jeunes gens qui gardaient les camps de concentration ont été envoyés au front et, au cours de cette année-là, la majeure partie du personnel de surveillance des camps de concentration faisait partie de la Wehrmacht. Je sais que le Commandement en chef de l’Armée a conclu un accord avec l’inspection des camps de concentration suivant lequel la surveillance serait assurée par l’Armée. Moi-même, j’ai vu ces dispositions. Il s’agissait de 10.000 hommes.

M. PELCKMANN

Pouvez-vous donner des chiffres à propos de la garde des camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

Oui, parce que les services centraux SS assuraient la supervision (Wehrüberwachung) des gardes des camps de concentration.

M. PELCKMANN

Que signifie « Wehrüberwachung » ?

TÉMOIN BRILL

Cela veut dire que chaque homme figurait dans un fichier de telle sorte que, en cas de réclamation de la part de son employeur, on pouvait savoir où se trouvait cet homme et quand il serait rendu disponible.

Ainsi que je vous l’ai dit, le contrôle de ces hommes était fait par les services centraux SS. Je sais aussi que 7.000 environ de ces hommes étaient des individus de race allemande, que 7.000 environ venaient de l’Armée et quelques-uns de la Luftwaffe, et que 10.000 environ s’étaient engagés volontairement à la Waffen SS, mais qu’étant donné leur inaptitude au service du front on les avait affectés à la surveillance dans les camps de concentration.

Parmi eux, ainsi que je vous l’ai déjà dit, il y avait des membres du Kyffhäuser ainsi que des membres des SA et des sans parti, etc.

Il devait y avoir environ 6.000 hommes à la fin de l’année 1944 comprenant des appelés (Notdienstverordneten), des vieux des organisations de vétérans et quelques mutilés des Waffen SS.

M. PELCKMANN

Que voulez-vous dire par « mutilés » ?

TÉMOIN BRILL

Je veux dire que ce sont des gens qui avaient été blessés sur le front et qui, en raison de leur blessure, n’étaient plus aptes au service du front. Mais ils étaient capables d’assurer le service de surveillance des camps de concentration.

M. PELCKMANN

Maintenant, pouvez-vous nous dire en général si la plupart de ces hommes, sans tenir compte d’où ils venaient, étaient volontaires ou bien si on les avait incorporés là ?

TÉMOIN BRILL

En ce qui concerne les postes de surveillance des camps de concentration, personne ne voulait être volontaire, aussi bien les individus de race allemande que les Allemands du Reich qui étaient affectés à la surveillance des camps de concentration y avaient été affectés d’office. De même les membres de la Wehrmacht ne sont jamais — autant que je sache — venus volontairement, mais ont été affectés à la suite d’un ordre.

M. PELCKMANN

Témoin, que savez-vous quant à l’administration des camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

L’autorité chef de l’administration des camps de concentration était l’inspection KL. Cette inspection générale avait, en 1939 ou au début de 1940, été placée sous les ordres de l’inspecteur général des unités « Tête-de-Mort ». En 1942, l’inspection KL a été rattachée, sous le nom de Amtsgruppe D, au Service central de l’administration et de l’économie.

Pour ce qui est de savoir ce qui se passait à l’intérieur de ces groupes, je n’ai jamais pu obtenir le droit de le savoir, comme je le pouvais en raison de mon service pour un bon nombre d’organismes.

D’abord cette Amtsgruppe D — c’est-à-dire l’inspection KL — n’était pas dans le même bâtiment que nous à Berlin, et en dehors de cela, à l’exception de quelques conversations avec quelques personnes, la plupart du temps par téléphone, nous n’avions aucun contact personnel avec cette formation.

M. PELCKMANN

Pouvez-vous, étant donné le temps pendant lequel vous avez servi dans les Waffen SS et la position que vous occupiez, nous dire si les membres des Waffen SS auraient eu, en général, la possibilité d’apprendre quelque chose au sujet des crimes que l’on reproche maintenant à la généralité des SS, ou si vous avez pu, vous-même, en apprendre quelque chose ?

TÉMOIN BRILL

Nous avons eu des centaines de mille d’hommes, pour la plupart des jeunes gens, incorporés dans les Waffen SS. Ces hommes, au début de la guerre, avaient 13 ou 14 ans, peut-être 16 ans, et quand ils étaient incorporés dans les Waffen SS, ils étaient toujours au front. S’ils venaient en permission quelques jours, à la maison, ils ne se préoccupaient pas de politique ni de propagande ennemie, ils se vouaient à leur famille.

Nos dizaines de milliers de blessés dans les hôpitaux militaires n’avaient qu’un désir : guérir. Ils n’écoutaient pas la radio étrangère, de sorte qu’ils ne pouvaient rien apprendre. J’ai parlé avec beaucoup de ces hommes, et je sais que pour ces gens seul leur service les intéressait.

Dans les bureaux et services des Waffen SS, il n’y en avait que tout au plus 1 -/’o qui faisaient partie des Waffen SS, et très peu se trouvaient dans des formations où ils auraient pu éventuellement apprendre quelque chose. Ces hommes ne nous auraient d’ailleurs rien rapporté à ce sujet car dans chaque bureau des Waffen SS et des SS en général il y avait une consigne affichée sur l’ordre du Fuhrer qui disait :

« Tu ne dois savoir que ce qui a trait à ton service ; quant, à ce que tu apprends, tu dois le garder pour toi. »

M. PELCKMANN

Les motifs de cet ordre du Fuhrer étaient-ils purement militaires ?

TÉMOIN BRILL

Je crois que cet ordre du Führer était valable pour l’ensemble du Reich. On le trouvait aussi bien dans les troupes que dans les différents services.

M. PELCKMANN

Par troupes, vous voulez dire la Wehr-macht ?

TÉMOIN BRILL

Oui.

M. PELCKMANN

Peut-être savez-vous quelque chose sur un autre point de l’accusation ?

Quand vous étiez encore à l’État-Major du Leibstandarte, avez-vous, par exemple, appris quelque chose sur l’agression projetée contre l’Autriche ?

TÉMOIN BRILL

Il en est toujours ainsi dans les troupes : les soldats ne savent rien. Chez nous, nous ne faisions pas exception. Je me souviens parfaitement comment cela s’est passé au moment de l’annexion de l’Autriche. Bien que nous soyons une des premières formations, je crois, qui soient entrées en Autriche, nous n’avons jamais rien préparé pour cette marche. Je sais avec précision, car j’étais alors secrétaire à l’État-Major, que pas plus l’adjudant que le Hauptsturmführer de l’État-Major ne savait, une demi-heure avant que l’ordre de marche ne fut donné, où nous devions nous rendre ; et quand le Leibstandarte se trouva en Autriche, il y eut un tel enthousiasme que l’idée n’est venue à aucun de nous que c’était un crime. Du reste, le fait que nous entrions en Autriche en tant que Leibstandarte nous semblait tout à fait naturel puisque le Fiihrer y était ; nous savions que nous, qui étions sa garde du corps, nous devions également nous rendre en Autriche.

M. PELCKMANN

Témoin, voulez-vous donc nier, malgré les preuves apportées, qu’il y ait eu des millions de gens massacrés, meurtres qui sont reprochés aux SS ?

TÉMOIN BRILL

Quant à ce point et à cette question, j’ai parlé avec beaucoup de gens qui faisaient partie des différents camps d’internement, et je ne puis que vous répéter ce que chacun de nous a déjà dit. Les Alliés, en découvrant tous ces crimes, nous ont vas — nous, des Waffen SS — devant un problème terrible, et qui est pour nous une énigme ; nous avions été éduqués à servir dans l’honneur, la discipline et la correction, et pendant cinq ans nous avons lutté en remplissant notre devoir pour notre patrie. Aujourd’hui, nous sommes derrière les barbelés, et on nous dit partout que nous sommes des criminels et des assassins. Je ne puis vous dire qu’une chose, je le répète aussi pour les camarades avec qui j’ai parlé : « Nous n’avons pas tué ». Nous n’avions rien à faire avec cela et nous n’avons rien su des actes épouvantables que des hommes de Himmler ont commis, car il nous a lui-même trahis et trompés, puisqu’il a préféré la mort à ses responsabilités. Par son suicide, il est sorti du rang des anciens SS et ce petit nombre d’hommes qui, peut-être, avec une compréhension erronée de l’obéissance, ont été ses auxiliaires ; ceux-là ont su se taire, car, jusqu’à ce jour, nous n’avons rien su.

M. PELCKMANN

Je vous remercie, je n’ai plus d’autre question à poser.

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, vous avez dit que les SS, et les Waffen SS en particulier, avaient toujours été éduqués dans l’honneur et la correction. Himmler a rendu visite à votre division et prononcé des discours ; le saviez-vous ?

TÉMOIN BRILL

Je n’ai assisté à aucun discours où Himmler aurait parlé au Leibstandarte.

COMMANDANT ELWYN JONES

Avez-vous su qu’il avait parlé à des officiers du Leibstandarte ?

TÉMOIN BRILL

Oui, autant que je me souvienne, c’était un discours qui a eu lieu à Metz, alors que j’étais encore à l’Ergàn-zungsamt ; mes camarades m’en ont parlé.

COMMANDANT ELWYN JONES

Savez-vous ce que Himmler a dit ?

TÉMOIN BRILL

Non.

COMMANDANT ELWYN JONES

N’avez-vous pas pensé à le leur demander ?

TÉMOIN BRILL

Bien entendu, je leur ai toujours demande ce qui se passait, car en qualité d’ancien membre du Leibstandarte, cela m’intéressait toujours ; mais je ne me suis jamais entretenu sur certains détails particuliers comme par exemple ce discours qu’aurait tenu Himmler devant la garde.

COMMANDANT ELWYN JONES

Parce que, saviez-vous, il enseignait à votre division quelque chose qui était tout à fait différent de l’honneur et de la décence. Avez-vous eu connaissance, par exemple, du meurtre en masse des chefs de la nation polonaise par les SS ?

TÉMOIN BRILL

Cela ne peut pas être possible. J’ai beaucoup lu les documents destinés à l’instruction des Waffen SS, mais je n’ai jamais lu qu’on leur ait demandé un tel meurtre en masse.

COMMANDANT ELWYN JONES

Laissez-moi vous lire deux ou trois phrases d’un discours de Himmler adressé aux officiers de votre régiment. Je parle du document PS-1918 déposé sous le numéro US-304.

« Très souvent, les membres des Waffen SS parlent des déportations de ce peuple ; je pense à cela aujourd’hui en constatant le travail difficile qui est accompli là-bas par la Police de sécurité soutenue par vos hommes qui les aident dans une grande mesure. La même chose exactement est arrivée en Pologne par des températures de 40° en dessous de zéro où nous avons dû déporter des milliers, des dizaines de milliers, des centaines de milliers de personnes. Il fallait être dur pour résister. (Vous devez savoir ceci et l’oublier immédiatement.) Il a fallu fusiller des milliers de chefs polonais qui, sans cela, auraient pu se venger de nous plus tard. »

Voulez-vous dire que vous ignoriez que Himmler avait dit cela à votre régiment ?

TÉMOIN BRILL

Oui, d’abord, je n’en savais rien, et ensuite, d’après ce que je viens d’entendre dire, ce ne sont pas les Waffen SS qui ont fait cela. Mais Himmler a dit « nous » ; je ne sais pas ce qu’il veut dire par « nous ». Si j’ai bien entendu, ceci n’est pas précisé dans le discours.

COMMANDANT ELWYN JONES

Himmler s’adressait à ce moment-là aux officiers de votre régiment, la garde du corps SS d’Adolf Hitler, et leur disait que ces meurtres devaient être l’oeuvre de la Police de sécurité, c’est-à-dire vos hommes, les hommes de votre régiment. C’est clair et net, n’est-ce pas ?

TÉMOIN BRILL

Non, cela n’est pas clair, cela n’existe pas.

COMMANDANT ELWYN JONES

Laissez-moi vous lire encore un exemple de l’honneur et de la décence qu’on vous apprenait.

A la page 10 du texte allemand du discours de Himmler (page 3 du texte anglais) vous verrez comment Himmler vous n’avez pas besoin de lire pour l’instant — vous verrez comment Himmler disait à votre régiment de SS que du travail d’esclave des victimes de son organisation, il devait revenir de l’argent au bénéfice des SS. Je vais vous lire ce qu’il disait.

LE PRÉSIDENT

Ce document a déjà été lu, je crois.

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, Monsieur le Président. Je voudrais simplement en citer deux phrases.

LE PRÉSIDENT

Le témoin dit qu’il n’y était pas.

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, mais ce que je suggère c’est qu’il s’agissait d’un cours adressé aux officiers de son régiment, régiment qu’il a rejoint un mois après.

Quand avez-vous rejoint le Leibstandarte, témoin ? En 1941 ?

TÉMOIN BRILL

C’est en 1933 que je suis entré au Leibstandarte.

COMMANDANT ELWYN JONES

N’avez-vous pas rejoint ce régiment à nouveau en 1941 ?

TÉMOIN BRILL

En 1941, de juin à août, j’étais dans une formation du front, en Russie, avec mon régiment.

COMMANDANT ELWYN JONES

Ainsi, vous avez rejoint ce régiment quelques semaines après le discours de Himmler aux officiers du régiment ?

TÉMOIN BRILL

Je ne sais pas quand, exactement, Himnûer a fait ce discours à Metz.

COMMANDANT ELWYN JONES

Si on ne désire pas que je présente le document au témoin, je n’agirai certes pas contre le vœu du Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal préférerait que vous ne lisiez pas ce document.

COMMANDANT ELWYN JONES

Pouvez-vous expliquer pourquoi le personnel des Waffen SS était employé dans la lutte contre les partisans ?

TÉMOIN BRILL

Non, je ne pense pas que les Waffen SS aient été placés particulièrement pour combattre les partisans ; mais je sais, de par mon service, que les Waffen SS étaient sur les arrières pour maintenir éventuellement des formations de l’Armée et ainsi peut-être, dans des cas exceptionnels, il est possible qu’ils aient pris part à la lutte contre les partisans. Dans l’ensemble, cependant, les Waffen SS et leurs divisions étaient au front.

Je ne sais rien des formations spéciales des Waffen SS contre les partisans.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je pense que pour des tâches militaires ou autres qui exigeaient de la barbarie ou du fanatisme politique on avait recours aux Waffen SS, n’est-ce pas ?

TÉMOIN BRILL

Je ne puis pas savoir, je n’en sais rien. Je vous prie de me citer un exemple pour me permettre de m’expliquer à ce sujet.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je vais vous dire ce que le Feldmarschall Gôring a dit à ce sujet au Duce, au Palazzo Venezia, le 23 octobre 1942. Je me rapporte au document D-729 (GB-281).

Il décrivait les méthodes allemandes de combat contre lea partisans. Il décrivait la saisie des stocks de vivres et d’autres détails de la technique qui était employée, et Göring disait :

« L’Allemagne a fait l’expérience de ce que, généralement, les soldats n’étaient d’aucune utilité pour mener à bien de telles mesures ; les membres du Parti exécutaient ces tâches mieux et plus durement ».

Si vous voulez être assez aimable pour m’écouter, témoin, vous l’entendrez dans vos écouteurs. « Les membres du Parti exécutaient ces tâches mieux et plus durement. Pour la même raison, les armées qui étaient soutenues par une croyance politique, telles que les armées allemandes (ou russes), combattaient plus rudement que les autres. Les SS, la Garde des vieux combattants du Parti, qui ont des liens personnels avec le Führer et qui constituent une élite, confirment ce principe ». C’est juste, n’est-ce pas, témoin ?

TÉMOIN BRILL

Je ne sais pas si le Reichsmarschall a donné un ordre quelconque aux Waffen SS pour la guerre contre les partisans. Ce que M. le Procureur vient de me lire, c’est un échange de points de vue avec un autre homme d’État. Je ne vois en cela aucun ordre pour les Waffen SS ; et je maintiens ma déposition que les Waffen SS, en tant qu’unités, n’ont pas été utilisées pour la guerre contre les partisans.

COMMANDANT ELWYN JONES

Plaise au Tribunal. Afin de mettre en évidence devant le Tribunal l’emploi des Waffen SS et le moyen de les rétribuer, je ne veux pas procéder à un contre-examen de ce qu’il ressort de l’ensemble de ce témoignage. Le Tribunal a fait connaître qu’il ne désirait pas que je produise des documents qui puissent constituer un contre-examen de l’instruction ; je n’ai plus d’autre question à poser, mais je déposerai à l’instruction mon contre-examen pour les besoins du Tribunal.

COLONEL SMIRNOV

Avec votre permission, Monsieur le Président, je vais poser quelques questions.

Si je vous ai bien compris, témoin, vous avez été très étonné lorsque vous avez appris les meurtres qui avaient lieu dans les camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

Oui.

COLONEL SMIRNOV

Et vous affirmez que les Waffen SS ne commettaient pas de meurtres dans les camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

J’ai affirmé, quant à moi, avec beaucoup de camarades de la Waffen SS, que nous n’en avons rien su. C’est l’avocat qui a dit que des meurtres avaient été commis. Je n’ai jamais affirmé le contraire.

COLONEL SMIRNOV

Vous auriez peut-être la bonté de me dire qui était chargé du commandement dans les camps. N’étaient-ce pas les Waffen S S ?

TÉMOIN BRILL

Non, non ce n’étaient pas des kommandan-turen des Waffen SS. Il y avait peut-être des membres de la Waffen SS qui faisaient partie des kommandanturen. Mais il existait une ordonnance claire du Chef suprême de l’Armée que j’ai déjà citée. Elle figure dans la circulaire de l’Armée, de décembre 1940, et dit que les membres de la division « Tête-de-Mort » n’avaient pas de service militaire à effectuer dans le sens des Waffen SS. Les membres des unités « Tête-de-Mort ».

COLONEL SMIRNOV

Je vous demanderais, témoin, d’être plus bref. Vous affirmez donc que les kommandanturen des camps de concentration n’étaient pas des kommandanturen de Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Les kommandanturen n’étaient pas sous les ordres du Commandant en chef des Waffen SS ; mais je spécifie qu’il y avait des membres des Waffen SS dans les kommandanturen. Il y a là une certaine différence.

COLONEL SMIRNOV

Donc les kommandanturen des camps n’étaient pas des kommandanturen de Waffen SS.

TÉMOIN BRILL

Non, ce n’était pas des kommandanturen de Waffen SS.

colonel SMIRNOV

Encore une question. Je voudrais préalablement rafraîchir votre mémoire à ce sujet. N’est-ce pas le Haut commandement des Waffen SS qui est responsable des crimes les plus graves commis dans les camps de concentration ?

TÉMOIN BRILL

L’inspection des camps de concentration était la plus haute autorité pour le personnel de surveillance ; les kommandanturen des camps de concentration et cette inspection étaient responsables, autant que je sachet, pour l’ensemble des camps de concentration.

COLONEL SMIRNOV

Quel était le titre militaire de Glücks ? Connaissez-vous ce nom ?

TÉMOIN BRILL

Glùcks était le chef du commandement de l’Inspection des camps de concentration.

COLONEL SMIRNOV

Je vous demande quel était son titre militaire. Était-il général des Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Je crois qu’il était lieutenant-général des Waffen SS.

COLONEL SMIRNOV

Je vous demande, Monsieur le Président, la permission, afin de réfuter la déclaration du témoin, de présenter un document qui, bien qu’il ne soit qu’un document particulier, a une évidente valeur exceptionnelle et sans lequel le dossier de l’affaire serait incomplet. Je veux parler d’une circulaire du lieutenant-général des Waffen SS Glùcks consacrée à l’utilisation de cheveux humains dans les camps de concentration. S’il plaît au Tribunal de se souvenir que quand les documents ont été présentés au sujet du camp d’Auschwitz, nous avons dit que 7 tonnes de cheveux coupés sur la tête de 140.000 femmes y avaient été trouvés. Nous ne savions pas alors à quoi ils étaient utilisés. Or, nous avons maintenant un document original, que je présente au Tribunal. Ce document a été trouvé dans les archives.

Si vous le permettez, je vais lire entièrement le texte de ce document (URSS-511). Je lis :« Secret. Administration centrale économique et administration des SS. Amtsgruppe D. Camp de concentration d’Oranienburg, 6 août 1942. 13e copie. Objet : utilisation des cheveux coupés. Au commandant du camp de concentration de (ici 13 camps de concentration sont mentionnés ; je les passe). Je cite :

« Le chef de la division économique et administrative des SS, SS-Obergruppenführer Pohl, sur la base d’un rapport qui lui a été présenté, a ordonné que tous les cheveux humains coupés dans les camps de concentration soient utilisés d’une façon adéquate. Les cheveux humains sont utilisés dans les industries du feutre et les filatures. Avec les cheveux peignés et coupés des femmes, on fabrique des chaussons pour les équipages de sous-marins et des semelles de feutre pour les employés des chemins de fer du Reich. C’est pourquoi j’ordonne que les cheveux des femmes des camps de concentration, après désinfection, soient gardés. Les cheveux des hommes ne peuvent être utilisés qu’à partir de 20 mm. de longueur. Le SS-Obergruppenführer Pohi est d’accord pour que, à titre d’essai, les cheveux des hommes ne soient coupés que lorsqu’ils auront une longueur de 20 mm.

« Afin d’éviter que l’accroissement de la longueur des cheveux ne facilite les évasions, dans tous les cas où le commandant jugera nécessaire de marquer les prisonniers, une bande de cheveux pourra être tondue, par exemple un étroit coup de tondeuse juste au milieu de la tête.

« Les cheveux collectés pourront être utilisés en créant un service spécial de production dans l’un des camps de concentration. Des instructions plus détaillées pour la livraison des cheveux collectés seront données ultérieurement.

« Des rapports sur la quantité des cheveux collectés, séparément pour les cheveux d’hommes et ceux de femmes, seront établis pour le 5 de chaque mois, à compter du 5 septembre 1942.

« Signé : Glücks, chef de brigade SS et lieutenant général des Waffen SS. »

Maintenant, témoin, j’aimerais que vous regardiez le cachet ; voyez-vous ce cachet ? Il y est dit : « Kommandantur Waffen SS, KL Sachsenhausen ». Affirmez-vous encore que les kommandanturen des camps de concentration n’étaient pas composées de Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Oui, je vais vous expliquer cela également : les kommandanturen des camps de concentration, pour ce qui a trait aux questions budgétaires, figuraient sur le budget des Waffen SS ; il était indispensable qu’au point de vue économique...

COLONEL SMIRNOV

Ainsi, ils faisaient donc partie du budget des Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

J’ai dit sur le budget des Waffen SS, car il était indispensable que, pour des motifs économiques, vis-à-vis du Reich, il existe une organisation qui soit nommée par les komman-danturen et qui ait la possibilité d’agir en liaison avec les fonds du Reich et les autorités du Reich.

COLONEL SMIRNOV

Monsieur le Président, afin d’éclaircir cette question, j’attire votre attention sur le cachet où il est dit « Kommandantur, KL Sachsenhausen, Waffen SS ».Ceci prouve bien que les Waffen SS étaient chargés du commandement.

Je n’ai plus d’autre question à poser.

LE PRESIDENT

Voulez-vous procéder au second interrogatoire ?

M. PELCKMANN

Je vais poser également au prochain témoin la question que je vous pose pour conclure. Avez-vous déjà entendu l’expression « Nominelle Waffen SS » ?

TÉMOIN BRILLA

Oui, l’expression « Nominelle Waffen SS » était appliquée aux personnels de garde et de commandement des Waffen SS. Pour autant que ces kommandanturen faisaient partie des Waffen SS, c’est-à-dire dans les « Nominelle Waffen SS ». A l’intérieur des Waffen SS, comme je l’ai déjà expliqué en parlant des régularisations et des remplacements, nous avions les Waffen SS à proprement parler, c’est-à-dire les troupes, et nous avions également sur le budget économique des Waffen SS différentes formations — d’après les ordres de Himmler — qui pouvaient ainsi profiter des avantages qu’avaient les Waffen SS, au point de vue économique, etc., vis-à-vis des autorités.

M. PELCKMANN

De sorte que c’était une expression technique qui était partout, connue : « Nominelle Waffen SS » ?

TEMOIN BRILL

Oui, les Waffen SS à proprement parler, c’est-à-dire les troupes, dépendaient d’un commandement des Waffen SS, tant qu’elles n’étaient pas au front et, par conséquent, soumises à l’Armée. Mais cette inspection des camps de concentration n’était pas sous les ordres du commandement des Waffen SS. Elle n’en recevait aucun ordre. L’inspection des camps de concentration avait, à l’intérieur des services, son propre canal de commandement ; autant que je sache, elle avait sa poste propre et ainsi de suite. Elle n’était pas en contact étroit avec les Wafften SS ; elle n’était pas même en rapport avec le service économique central, étant elle-même un groupe autonome de ce service.

M. PELCKMANN

Je vous remercie.

M. BIDDLE

Témoin, vous avez dit que les kommandanturen figuiaient sur le budget des Waffen SS. Entendez-vous par là le budget des Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Autant que je le sache, sur le budget des Waffen SS.

LE PRÉSIDENT

L’inspection des camps de concentration figurait-elle aussi sur le budget des Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Je ne puis vous le dire avec certitude.

LE PRÉSIDENT

Comment les Waffen SS étaient-ils payés ? L’étaient-ils de la même façon que la Wehrmacht ?

TÉMOIN BRILL

Oui.

LE PRÉSIDENT

Percevaient-ils les mêmes sommes ?

TÉMOIN BRILL

Oui.

LE PRÉSIDENT

Et leur budget figurait-il au budget de la Wehrmacht, ou était-ce un budget séparé ?

TÉMOIN BRILL

Oui.

LE PRÉSIDENT

Que voulez-vous dire par « oui ». Leur budget figurait-il au budget de la Wehrmacht ou était-il un budget séparé ?

TÉMOIN BRILL

Nous étions payés d’après les services de paiement militaires, division de l’Armée, c’est-à-dire sur le budget de la Wehrmacht.

LE PRÉSIDENT

Donc, vous faisiez partie de l’armée régulière, n’est-ce pas, en ce qui concerne les paiements ?

TÉMOIN BRILL

Oui, c’est exact.

LE PRÉSIDENT

Pourquoi donc aviez-vous cette désignation séparée de « Waffen SS » si vous faisiez partie de la Wehrmacht ?

TÉMOIN BRILL

Je suppose que Himmler, et tout particulièrement Hitler, le voulaient ainsi. Ils voulaient avoir une Waffen SS, une troupe spéciale.

le PRÉSIDENT

Vous aviez des uniformes, des uniformes différents de ceux de la Wehrmacht, n’est-ce pas ?

TÉMOIN BRILL

Nous avions les mêmes uniformes, simplement d’autres insignes. Nous avions les mêmes épaulettes, mais, en plus, nous avions des étoiles et des raies. La Wehrmacht ne les avait pas.

LE PRÉSIDENT

Jusqu’à quel point, après avoir fait partie de l’Armée, étiez-vous assujettis au commandement de Himmler ?

TÉMOIN BRILL

J’étais nous étions dans l’ensemble sous les ordres de Himmler. Jusqu’en 1939, nous étions, en qualité de SS-Verfùgungstruppe, sous les ordres de Hitler. Ainsi, les Waffen SS étaient sous les ordres de Hitler, en sa qualité de Commandant suprême de la Wehrmacht.

LE PRÉSIDENT

Himmler n’avait-il rien à voir avec les Waffen SS ?

TÉMOIN BRILL

Si, Himmler, par exemple, avait un droit d’inspection ; il avait le droit de faire des promotions ; et, en ce qui concerne l’administration et l’entretien des troupes, autant que je sache, aussi bien dans les questions juridiques, il avait pour toutes ces questions une influence, c’est-à-dire ses services centraux.

LE PRÉSIDENT

Le témoin peut se retirer.

M. PELCKMANN

Votre Honneur, pour bien expliquer la question que le Tribunal vient de poser, je pense qu’il est nécessaire d’entendre le chef du service économique et d’administration Amtsgruppe D, le témoin Pohl, et de l’entendre comme tel. Il n’est pas tout à fait certain.

LE PRÉSIDENT

Estr-ce l’un de témoins que l’on vous a accordés ?

M. PELCKMANN

Ce n’est pas un de ces témoins ; je voudrais simplement préparer verbalement la demande écrite que je déposerai.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal croit que vous feriez mieux de faire venir votre prochain témoin, Docteur Peickmann.

M. PELCKMANN

Le témoin suivant parlera précisément des questions qui ont été posées au dernier témoin et il pourra donner tous les renseignements nécessaires. Je me permettrai donc de demander par écrit un contre-interrogatoire au témoin Pohi.

J’appelle le témoin Hauser. (Le témoin Hauser se présente à la barre.)

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous dire vos noms, s’il vous ; plaît,

TÉMOIN PAUL HAUSER

Paul Hauser.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter ce serment après moi :

« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)

LE PRÉSIDENT

Vous pouvez vous asseoir.

M. PELCKMANN

Témoin, quand êtes-vous né ?

TÉMOIN HAUSER

Je suis né le 7 octobre 1880.

M. PELCKMANN

Vous étiez militaire de carrière ?

TÉMOIN HAUSER

Oui.

M. PELCKMANN

Quand avez-vous quitté la Wehrmacht ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai quitté la Reichswehr le 1er février 1932, en qualité de lieutenant-général.

M. PELCKMANN

Comment êtes-vous entré dans les SS ?

TÉMOIN HAUSER

C’est au cours de l’année 1933, alors que je n’étais pas membre du Parti, que je suis entré dans les « Casques d’Acier », et avec cette organisation, en 1934, je fus transféré dans la réserve des SA. Après les événements de l’été 1934, Heinrich Himmler me demanda si j’étais prêt à m’occuper de l’organisation de la direction d’une école d’officiers. J’ai accepté cette proposition et, en novembre 1934, j’ai rejoint les Verfügungstruppe.

M. PELCKMANN

A quelle époque et dans quelle situation avez-vous acquis les connaissances qui vous font comparaître ici en qualité de témoin des SS ?

TÉMOIN HAUSER

De Pâques 1935 jusqu’à l’été 1936, j’ai dirigé l’école. J’ai été alors inspecteur des Verfùgungstruppe de 1936 à 1939 ; j’ai dirigé pendant deux ans, pendant la guerre, une division de SS et un corps blindé de SS et ensuite je suis revenu dans les cadres de l’Armée en qualité de Commandant en chef d’un groupe d’armées.

Je suis en mesure de vous donner des renseignements sur les Verfùgungstruppe en temps de paix et sur les Waffen SS en temps de guerre, dans la mesure où je suis documenté personnellement sur ces unités tant qu’elles se sont trouvées sous mes ordres. Je ne connais pas bien les SS. Je n’ai été utilisé dans aucune de leurs formations au cours de la guerre.

M. PELCKMANN

Quel était votre dernier grade dans les Waffen SS ?

TÉMOIN HAUSER

J’étais Generaloberst des Waffen SS.

M. PELCKMANN

Quel était donc votre dernier emploi ?

TÉMOIN HAUSER

En dernier lieu, au début de l’année 1945, j’étais Commandant en chef du groupe d’armées sur l’aile Sud du front de l’Ouest.

M. PELCKMANN

Combien de divisions étaient alors sous vos ordres ?

TÉMOIN HAUSER

Ce groupe d’armées comprenait de 20 à 30 divisions selon les circonstances, dont deux seulement aux Waffen SS.

M. PELCKMANN

Comment, en votre qualité de général des Waffen SS, avez-vous eu un poste prépondérant dans l’Armée ?

TÉMOIN HAUSER

C’était consécutivement à la collaboration étroite de l’Armée avec les Waffen SS. Ce n’est que sur les recommandations de mes chefs que j’ai pu être désigné pour occuper ce poste.

M. PELCKMANN

Revenons au fait.

Quand les Verfugungstruppe furent-elles créées ? Quelle était leur force et qu’est devenue cette force ?

TÉMOIN HAUSER

Le début des Verfügungstruppe remonte à l’année 1933. Au cours de cette année-là, on créa la Leibstandarte, sorte de garde personnelle pour Adolf Hitler. A la suite de cela, des bataillons individuels furent formés pour des missions particulières. Ce n’est que tout au début, de 1933 à 1934, que l’on a utilisé des hommes des SS. Par la suite ont été recrutés les tout jeunes éléments des hommes astreints au service militaire.

M. PELCKMANN

Quel était l’effectif en 1936 et en 1939 ?

TÉMOIN HAUSER

En 1936, il y avait trois régiments d’infanterie et trois bataillons techniques ; en 1939, il y avait quatre régiments d’infanterie, un régiment d’artillerie et trois bataillons techniques.

LE PRÉSIDENT

Nous allons suspendre l’audience.

(L’audience est suspendue.)
LE PRÉSIDENT

Le Tribunal suspendra l’audience à 16 h. 30 cet après-midi.

M. PELCKMANN

Témoin, quels étaient les buts et les tâchea des soi-disant Verfugungstruppe ? Devaient-elles constituer une nouvelle force armée aux côtés de la Wehrmacht ?

TÉMOIN HAUSER

Toutes leurs tâches et leurs buts ressortaient d’un décret ’di’ Adolf Hitler, au mois d’août 1938. D’après ce décret, les Verfugungstruppe ne devaient appartenir ni à la Wehrmacht ni à la Police. Elles formaient une unité spéciale à la disposition, d’Adolf Hitler. Elles étaient payées sur les fonds de l’État.

L’instruction était contrôlée par le Commandant suprême de l’Armée et les remplacements se faisaient au moyen des volontaires des classes les plus jeunes.

M. PELCKMANN

Ainsi les Verfugungstruppe constituaient-elles un noyau politique ? Le Ministère Public leur reproche d’avoir été un instrument pour supprimer et exclure les adversaires politiques et d’avoir constitué l’arme en vue de la réalisation des idéologies nazies.

TÉMOIN HAUSER

Ce n’est pas exact. Les Verfügungstruppe n’avaient pas de tâche politique ni de tâche policière. Cette troupe se développait peu à peu pour devenir une troupe d’essai qui réunissait les vieilles vertus soldatesques pour les nécessités de notre époque socialiste. Elles se signalaient particulièrement par les relations entre officiers et hommes de troupes ; l’avancement était facilité, sans examen spécial et en faisant abstraction de tout exclusivisme.

M. PELCKMANN

Est-ce que l’on exigeait une obéissance aveugle des membres des Verfùgungstruppe ?

TÉMOIN HAUSER

Non ; nous avions juré fidélité et obéissance à Adolf Hitler et à nos supérieurs ; on n’espérait aucune obéissance inconditionnelle allant jusqu’au crime et on n’en demandait pas le serment.

M. PELCKMANN

Le Ministère Public reproche notamment aux Verfügungstruppe, comme une de ses tâches spéciales, l’incitation à la haine des races et la persécution des Juifs. Est-ce que l’on éduquait les troupes dans ce but ?

TÉMOIN HAUSER

L’éducation ne pouvait être faite que par l’instruction scolaire. Moi-même, aussi bien comme chef des écoles d’aspirants que comme inspecteur, j’ai surveillé cette instruction et cette éducation scolaire, car j’étais moi-même un homme nouveau et je devais m’éduquer moi-même sur ces ordres d’idées. De par mes fréquentes visites, je puis témoigner que la haine des races ou l’extermination du judaïsme ou des peuples de l’Est n’étaient jamais enseignées ni exigées.

M. PELCKMANN

D’après le Ministère Public, ces troupes auraient servi à la préparation d’une guerre d’agression. Enseignait-on la prédominance de l’Allemagne par la terreur et la conquête de l’Europe ?

TÉMOIN HAUSER

Les jeunes troupes avaient besoin de temps et de paix pour l’accomplissement de leur mission. Leurs chefs étaient presque tous des combattants de la première guerre mondiale qui connaissaient la guerre. Ils connaissaient la guerre et quels malheurs elle nous avait amenés.

Toutes les idées de terreur à l’intérieur ou de domination en Europe ne sont jamais venues à l’esprit de cette nouvelle et jeune troupe.

M. PELCKMANN

Peut-on déduire de l’organisation de ces Verfùgungstruppe, même avant le rétablissement de la conscription en 1936, que par leur formation on avait pour intention de violer le Traité de Versailles ?

TÉMOIN HAUSER

Avant le rétablissement de la conscription, cette troupe comprenait tout au plus 4.000 à 5.000 hommes et ne pouvait servir ni pour une guerre d’agression ni pour une guerre d’offensive. Et, plus tard également, il lui manquait toutes bases pour entreprendre une guerre, car elle n’avait ni État-Major divisionnaire, ni État-Major général, ni remplacement en hommes ou en officiers. Elle était loin d’être prête pour une guerre d’agression.

LE PRÉSIDENT

Pourriez-vous parler un peu plus doucement, car le son de votre voix se mélange au son de la voix de l’interprète qui nous parvient.

TÉMOIN HAUSER

Bien.

M. PELCKMANN

Quelles furent vos tâches personnelles en tant qu’inspecteur des Verfugungstruppe ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’avais pas de commandement avec le pouvoir de donner des ordres ; j’étais inspecteur responsable de la formation et de l’instruction de la troupe. En dehors de cela, j’étais l’agent d’exécution des ordres de Himmler pour la question d’organisation.

M. PELCKMANN

Est-ce que le remplacement se faisait au moyen de volontaires et quels motifs les animaient ?

TÉMOIN HAUSER

Jusqu’au déclenchement des hostilités, le remplacement ne se faisait qu’au moyen de volontaires. Dans les premières années, en 1933 et 1934, ils provenaient uniquement des SS.

LE PRÉSIDENT

Témoin, s’il vous plaît, puis-je vous demander encore une fois de parler plus lentement et à moins haute voix, car les voix se mélangent.

TÉMOIN HAUSER

Les volontaires étaient recrutés dans le pays ; les demandes étaient très nombreuses et n’étaient pas guidées par des questions d’idéologie. Mais les hommes étaient désireux de servir autant que possible dans des unités bien connues et motorisées.

LE PRÉSIDENT

Quelles relations existaient entre les Verfügungstruppe et les diverses autres parties de l’organisation dépendant des ordres de Heinrich Himmler ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai déjà mentionné qu’à l’origine il n’y avait que des relations personnelles avec les Oberabschnitte locales des SS. Quand l’inspection fut érigée en service central, les relations diminuèrent et, dès avant la guerre, cessèrent complètement.

En ce qui concerne les unités « Tête-de-Mort » qui avaient pour tâche de surveiller les camps de concentration, donc une tâche beaucoup plus policière, les Verfùgungstruppe n’avaient aucun contact ni de service ni personnel avec ces unités. Même pas dans l’ensemble de la garnison de Dachau. Nous n’avions non plus aucun contact privé ou de service avec le SD. Les missions du SD étaient inconnues. Je dois déclarer qu’en temps de paix j’ai échangé tout au plus une douzaine de mots avec le chef du SD, l’Obergruppenführer Heydrich, dans l’antichambre de Heinrich Himmler.

LE PRÉSIDENT

Que pouvez-vous dire des tâches des unités « Tête-de-Mort » ?

TÉMOIN HAUSER

Les tâches des unités « Tête-de-Mort » se trouvaient fixées par l’ordre fondamental du mois d’août 1938. Vous constaterez que le personnel devait servir à la garde extérieure des camps de concentration ; il n’avait pas le droit de se rendre à l’intérieur de ces camps. Les troupes de remplacement étaient recrutées dans la jeunesse allemande, ou chez les hommes qui avaient déjà accompli leur service militaire. Leur instruction n’était pas contrôlée par l’Armée mais revêtait néanmoins une forme militaire.

M. PELCKMANN

Est-ce que le service dans ces unités « Tête-de-Mort » étaient considéré à l’égal du service dans la Wehrmacht ?

TÉMOIN HAUSER

Non, il n’était pas considéré comme service dans la Wehrmacht.

M. PELCKMANN

Et les jeunes volontaires recrutés savaient-ils qu’ils seraient employés comme surveillants des camps de concentration ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’avais pas droit de regard sur le recrutement dans les unités « Tête-de-Mort », mais je ne pense pas qu’on leur ait dit pourquoi on les recrutait.

M. PELCKMANN

Que savez-vous de la participation des Verfügungstruppe aux événements de juin 1934 et du 9 novembre 1938 ?

TÉMOIN HAUSER

Je ne puis rien dire au sujet du 30 juin 1934. Je n’appartenais pas encore aux Verfügungstruppe. Mais je sais que les hommes des Verfugungstruppe étaient convaincus que les exécutions qui avaient eu lieu étaient motivées par des actes du pouvoir exécutif de l’État. Quant aux excès du 9 novembre 1938, les Verfugungstruppe n’y furent absolument pour rien. La plus grande partie, tels le Leibstandarte, le régiment de Munich et toutes les recrues, avaient été réunis comme tous les ans à Munich afin de prêter serment.

M. PELCKMANN

Que faut-il entendre par « Waffen SS » ?

TÉMOIN HAUSER

Après le début des hostilités, en automne 1939, les Verfugungstruppe, les unités « Tête-de-Mort » et les hommes ayant reçu une instruction militaire dans la Police, formèrent tout d’abord trois divisions et des unités isolées moins importantes qui furent groupées sous le nom. de Waffen SS. Ces quelques divisions ont fait leurs preuves, et les nécessités toujours croissantes ont amené un accroissement de ces unités au-delà de 35 divisions. Cet accroissement imprévu était également dû au fait que tous les Allemands de souche, du Nord, de l’Est et du Sud-Est de l’Europe, faisaient leur service dans ces Waffen SS. La force totale, avec toutes les pertes, peut être évaluée à 900.000 hommes. La proportion des Allemands du Reich était de l /3 à l /2.

M. PELCKMANN

A la fin de la guerre ?

TÉMOIN HAUSER

Oui, à la fin de la guerre.

M. PELCKMANN

Est-ce que l’affirmation du Ministère Public selon laquelle les Waffen SS auraient participé d’une façon délibérée à une guerre d’agression, est exacte ?

TÉMOIN HAUSER

Les membres des Waffen SS n’avaient pas l’impression d’être utilisés pour une guerre d’agression. Ils ne pouvaient en aucune façon se rendre compte s’il s’agissait d’une guerre d’agression ou d’une guerre défensive. Leur serment les liait à leur tâche. Ils n’avaient pas la possibilité de refuser la participation à une guerre.

M. PELCKMANN

Pendant la guerre, y avait-il un Commandement suprême unique SS ? De qui dépendaient les divisions pendant la guerre ?

TÉMOIN HAUSER

Il n’y a pas eu de Commandement suprême SS pendant la guerre. Le service de l’administration centrale était le service central de Berlin. Toutes les unités des Waffen SS ont été rangées dans l’Armée et combattaient sous les ordres, et finalement sous la responsabilité, de l’Armée.

Personnellement, durant les 5 ans l /2 de la guerre, je n’ai reçu mes ordres que des services de l’Armée.

M. PELCKMANN

Heinrich Himmler avait-il une influence sur les unités de la Waffen SS, et quelle influence ?

TÉMOIN HAUSER

Les unités qui faisaient partie de l’Armée ne dépendaient de Himmler que pour des questions de personnel et de remplacement, pour des questions juridiques et pour des questions fondamentales et de principe de l’organisation.

M. PELCKMANN

Le Ministère Public affirme que les Waffen SS employaient des méthodes spéciales de combat, qu’elles combattaient délibérément avec cruauté, pratiquaient la terreur et les exterminations en masse.

TÉMOIN HAUSER

Je dois nier cela formellement. La troupe était jeune, n’avait pas de tradition, n’avait pas de nom et devait d’abord faire ses preuves. Les chefs n’avaient que la seule ambition de la bonne réputation de cette troupe par des méthodes courageuses et loyales de combat. D’ailleurs, ce n’était pas possible, car ces divisions combattaient mêlées en partie à l’Année ; les généraux de l’Armée n’auraient pas toléré des méthodes déviant du principe régulier de combat. De même qu’ils ont pris leur responsabilité lors des décisions tactiques, leur responsabilité aurait été engagée, si cette accusation de méthode terroriste de combat avait été justifiée. Ils s’en seraient rendu compte tout aussi bien que moi, car les chefs sont toujours en route et se rendent compte du comportement et des méthodes de combat des troupes.

M. PELCKMANN

Est-ce que les officiers et les hommes avaient reçu une instruction relative au Droit international ?

TÉMOIN HAUSER

Déjà, en temps de paix, l’étude de la convention de Genève et l’étude des règlements de La Haye en ce qui concerne la guerre terrestre faisaient partie du programme d’éducation. Ces cours ont naturellement continué d’avoir lieu pendant la guerre également.

M. PELCKMANN

Est-il exact que Himmler aurait dit un jour que les succès des Waffen SS étaient dus à la terreur ?

TÉMOIN HAUSER

Heinrich Himmler s’est servi de cette expression une fois dans un discours. Je lui ai fait remarquer que c’était complètement faux. Ce n’était pas par la terreur que nous avions gagné nos succès, mais par l’emploi hardi des hommes et des officiers s’il le fallait jusqu’au dernier.

M. PELCKMANN

Quels principes étaient appliqués par la troupe pour le traitement des prisonniers de guerre ennemis ?

TÉMOIN HAUSER

Les prisonniers étaient traités selon les règles appliquées dans l’Armée : logement, ravitaillement, service médical, de même que dans l’Armée. Personnellement, je me suis rendu compte, dans certains postes de secours où je me trouvais, qu’ennemis ou amis étaient traités de la même façon. Et la même manière de traitement des prisonniers y était appliquée.

M. PELCKMANN

Y a-t-il eu un changement quelconque à ces principes lorsque Himmler a été nommé Commandant en chef de l’Armée de réserve, et par conséquent, en cette qualité, chef du service des prisonniers de guerre ?

TÉMOIN HAUSER

En ce qui concerne les Waffen SS, non-Mais en tant que Commandant en chef de l’armée de réserve, Heinrich Himmler avait également la charge des prisonniers de guerre. Il ordonna que les hautes personnalités de la Police et des SS à l’intérieur seraient chargées de la supervision et de la sécurité des camps de prisonniers. J’ignore les détails, et je sais simplement qu’à la suite de cela les Chefs suprêmes des SS et de la Police furent nommés généraux des Waffen SS.

M. PELCKMANN

Le Ministère Public affirme que les Waffen SS, vu son désir d’exterminer la population des territoires occupés, aurait commis des crimes contre l’Humanité et contre les lois de la guerre et aurait détruit volontairement des villages et les villes. Est-ce que les Waffen SS participaient à ces actions ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai vu personnellement les troupes dans beaucoup de théâtres d’opérations. J’ai vécu avec la population à l’Est et à l’Ouest. Les rapports étaient toujours bons. Ils étaient fondés sur une aide mutuelle. Là où nous devions prendre des ouvriers parmi la population, par exemple pour la construction des routes, nous leur donnions le ravitaillement. La destruction volontaire des agglomérations n’aurait fait que rendre plus difficile notre propre logement. Je ne me souviens d’aucun cas où des troupes du front de ma division auraient arrêté des otages, ou bien où elles auraient détruit des villages, à titre de représailles.

M. PELCKMANN

Est-ce que vous avez eu connaissance d’un ordre de Hitler, avant la campagne de Russie, qui aurait ordonné que les exactions de la troupe envers la population civile ne devaient pas être sanctionnées ?

TÉMOIN HAUSER

L’ordre donné n’était pas conçu de cette façon. Il laissait aux tribunaux la liberté de poursuivre les excès envers la population civile, alors qu’auparavant ils devaient obligatoirement les poursuivre. Personnellement, j’ai ordonné dans mon unité, afin de maintenir la discipline, que de tels excès soient poursuivis par la loi, et les jugements qui ont tous été communiqués au Reichsführer montraient que ces excès avaient été très sévèrement sanctionnés.

M. PELCKMANN

Connaissez-vous l’ordre des commissaires ?

TÉMOIN HAUSER

L’ordre des commissaires n’était adressé qu’aux corps. En 1941, nous n’avions pas de corps, c’est-à-dire de commandements généraux. J’ai ignoré cet ordre. Donc nous n’avons pu l’appliquer. Je me souviens seulement d’un ordre ultérieur qui ordonnait de mettre les commissaires à part. La troupe n’était pas touchée par cet ordre, car les commissaires n’étaient pas, pour la plupart, reconnus par les troupes combattantes.

M. PELCKMANN

Est-ce que la lutte contre les partisans faisait partie des tâches spéciales des Waffen SS et est-ce que cette lutte était considérée comme une lutte d’extermination ?

TÉMOIN HAUSER

La guerre contre les partisans est un... purement militaire... politique et de police...

(L’audience est interrompue en raison de difficultés techniques dans le système d’interprétation.)
LE PRÉSIDENT

L’audience est levée.

(L’audience sera reprise le 6 août 1946 à 10 heures.)