CENT QUATRE-VINGT-SEIZIÈME JOURNÉE.
Mardi 6 août 1946.

Audience du matin.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal siégera à huis clos jeudi après-midi. Il n’y aura donc pas d’audience publique jeudi après 13 heures. Samedi matin jusqu’à 13 heures il y aura une audience publique.

M. PELCKMANN

Témoin, est-ce que les Waffen SS étaient une unité spéciale particulièrement affectée à la lutte contre les partisans ? Est-ce que cette lutte contre les partisans était considérée comme une guerre d’extermination ?

TÉMOIN HAUSER

La lutte contre les partisans est une mission générale militaire, politique et policière qui peut être assignée à toutes les unités de troupes. Les troupes combattantes de l’Armée, aussi bien que celles des Waffen SS, n’étaient employées à cette mission qu’exceptionnellement, par exemple lorsqu’elle portait sur une région située dans les zones de l’arrière.

En général, dans la zone des opérations, il n’y avait pas de combats contre les partisans, il y en avait plutôt dans les arrières du front. C’était en premier lieu les divisions de sécurité et les bataillons de protection du territoire qui étaient chargés de cette lutte. En outre, des troupes de la Police s’en occupaient également. Les unités ’des Waffen SS que l’on envoyait au front n’avaient pas reçu une instruction spéciale dans ce but et elles n’étaient pas davantage utilisées pour cette lutte que les divisions blindées de l’Armée par exemple. Dans l’Est, jamais les unités de ma division n’ont été utilisées pour la lutte contre les partisans. Ce n’était par conséquent pas une mission particulière aux Waffen SS ; ils n’étaient pas non plus intruits ou formés dans ce but.

M. PELCKMANN

Quels étaient les rapports entre les Waffen SS d’une part, et la Police de sécurité, la Police de maintien de l’ordre, les groupes dits de sécurité et les commandos d’intervention de l’autre ?

TÉMOIN HAUSER

Ces parties différentes des organisations de Heinrich Himmler, malheureusement, portaient le même uniforme, bien qu’avec des insignes distinctifs différents. Elles n’avaient de commun que la direction qui était assurée par Heinrich Himmler. En temps de paix, déjà, ces formations étaient entièrement distinctes les unes des autres et au cours de la guerre cette séparation devint de plus en plus complète. Les formations de Waffen SS se trouvaient sous les ordres du commandement militaire. Les autres groupements, le Service de sécurité, la Police, etc., se trouvaient sous les ordres de Himmler.

M. PELCKMANN

Avez-vous entendu parler des groupes d’intervention du Service de sécurité ?

TÉMOIN HAUSER

-Au début de la campagne de 1941, j’ai entendu dire à peu près la même chose que ce que les commandants en chef, eux aussi.

M. PELCKMANN

Continuez, je vous prie, témoin.

TÉMOIN HAUSER

Au sujet des groupes d’intervention du Service de sécurité, j’ai entendu dire ce que savaient sans doute également les commandants en chef des groupes d’armées : à savoir que ces groupes étaient utilisés dans les zones de l’arrière de l’Armée, concurremment avec la Police militaire secrète en campagne et que leur mission consistait à assurer la surveillance de la population et à veiller à la sécurité du matériel dans les administrations centrales ennemies. Je n’ai jamais eu personnellement de rapport avec aucune de leurs formations quelle qu’elle soit. C’est pourquoi il m’est impossible de vous donner d’autres indications sur leur activité.

M. PECLKMANN

Est-il donc exact que c’est seulement au cours de la captivité que vous avez entendu parler de la participation de petites unités des Waffen SS, c’est-à-dire quatre compagnies qui auraient aidé la Police et la Gendarmerie ?

TÉMOIN HAUSER

Ce n’est qu’en captivité que j’en ai entendu parler.

M. PELCKMANN

Est-ce que le chef de la Police et des SS faisait partie du corps des officiers des Waffen SS ?

TÉMOIN HAUSER

Les chefs supérieurs de la Police et des SS ne faisaient pas partie des Waffen SS. Ils n’avaient pas autorité sur nous et n’avaient rien à faire avec nous.

M. PELCKMANN

Est-ce que les Waffen SS fournissaient les unités de surveillance et le personnel des Kommandanturen pour les camps de concentration ?

TÉMOIN HAUSER

Les unités de surveillance des camps de concentration et le personnel des Kommandanturen ne faisaient pas partie des Waffen SS. Ce n’est qu’au cours de la guerre que, pour légitimer leur dispense du service militaire en vue de leur mission de Police, ces unités furent désignées comme étant des Waffen SS.

Les membres des Waffen SS considéraient cette mesure dont ils n’ont entendu parler qu’après la guerre, comme une mesure voulue de tromperie de la part de Heinrich Himmler. Nous n’avions rien à faire avec le personnel des camps de concentration m avec leur personnel de garde.

M. PELCKMANN

Je pense qu’il n’a pas été encore suffisamment expliqué ce que vous voulez dire en disant « les libérer du service militaire ». Voulez-vous donner quelques détails ?

TÉMOIN HAUSER

Toutes les personnalités qui avaient des services à effectuer à l’intérieur du territoire et dans la Police devaient être libérées par leurs chefs de régions militaires afin de pouvoir remplir leurs missions de Police. Cette mesure n’intervint plus lorsque les unités constituées des troupes de garde tout entières furent désignées comme étant des Waffen SS puisque celles-ci étaient une partie de la Wehrmacht.

Dans les bureaux centraux à Berlin, ces unités, pour les distinguer, étaient appelées « Waffen SS nominales », mais tout cela, je ne l’ai appris qu’ici et beaucoup plus tard.

M. PELCKMANN

Le Ministère Public assure que les Waffen SS n’auraient été qu’une partie de l’organisation d’ensemble des SS et en cette qualité elles auraient été nécessaires pour l’exécution de la conspiration criminelle. Exprimez-vous là-dessus.

TÉMOIN HAUSER

Je crois que de toutes les déclarations que j’ai faites, il résulte que les Waffen SS étaient une formation entièrement indépendante et qu’elles n’étaient liées aux autres organisations que par la personne de Heinrich Himmler. Cette séparation des différentes branches n’a fait, sans aucun doute, que se renforcer durant la guerre. Nous ne saurions donc être considérés comme ayant tramé des plans criminels avec les autres, ni comme les ayant exécutés avec eux.

M. PELCKMANN

Vous aviez pourtant l’impression que vous faisiez partie de l’Armée ?

TÉMOIN HAUSER

Nous étions complètement incorporés dans la Wehrmacht ; le terme « quatrième partie de la Wehrmacht », n’est pas, il est vrai, officiel, mais en principe il est exact.

M. PELCKMANN

Indépendamment des reproches au sujet des camps de concentration, le Ministère Public prétend, en outre, que les Waffen SS, en raison de leur éducation, auraient été une formation militaire particulièrement cruelle ; c’est ce que prouverait par exemple la participation de troupes des Waffen SS au nettoyage du ghetto de Varsovie ; c’est ce que prouveraient également d’après les dires du Ministère Public les violations du Droit international, par exemple l’exécution de prisonniers de guerre ; est-ce exact ?

TÉMOIN HAUSER

Déjà hier je vous ai dit que notre formation n’était pas effectuée dans ce sens là. Nos méthodes de combat étaient contrôlées et ordonnées par l’Armée, et nous n’avons en aucune façon acquis notre réputation par des méthodes de combat cruelles. Les commandants qui avaient l’ambition de mener une troupe particulièrement propre à l’ennemi, y prenaient bien garde d’eux-mêmes.

Quant à la participation de petites unités des Waffen SS au nettoyage du ghetto de Varsovie ou à des exécutions, en Bohême et en Moravie, je ne l’ai apprise qu’ici. Il ne peut s’agir que de petites fractions d’unités de remplacement qui, provisoirement, auraient été mises à la disposition de la Police pour faire ce travail. Malheureusement, pendant ma captivité, j’ai entendu parler de deux procès contre des membres des Waffen SS. L’un de ces procès n’est pas encore terminé, c’est pourquoi il m’est impossible en mon for intérieur de prendre position à ce sujet.

M. PELCKMANN

Vous parlez là des exécutions des prisonniers de guerre ?

TÉMOIN HAUSER

Oui. Mais ces événements ne sont pas une conséquence d’une instruction particulière. Ce sont des défaillances individuelles, peut-être aussi une défaillance nerveuse de gens se trouvant dans une situation difficile, très enfoncés en pays ennemi ; elles ne doivent en aucun cas constituer un reproche général. Même s’il n’y avait pas eu seulement deux cas, s’il y en avait eu dix, la proportion, par rapport à l’effectif total des Waffen SS qui était d’environ 1.000.000 d’hommes voudrait dire qu’il y a un cas par 100.000 hommes. Des événements de ce genre sont la conséquence de l’aggravation des méthodes de guerre sur terre et dans les airs, telles qu’elles se produisent et se produiront toujours au cours d’une longue guerre. On ne saurait en rendre responsable l’ensemble des Waffen SS.

M. PELCKMANN

Quelle était l’influence qu’avait effectivement Heinrich Himmler sur l’attitude intérieure des membres des Waffen SS ?

TÉMOIN HAUSER

Heinrich Himmler a certainement essayé pendant le temps de paix d’exercer une influence sur les troupes spéciales peu nombreuses ; mais au cours de la guerre, cela était peu ou pas possible. Les formations des Waffen SS ne le voyaient pas, il ne leur parlait pas. Quelquefois seulement Himmler a réuni les commandants et les officiers de certaines divisions en campagne et leur a adressé des allocutions. Or, on savait que Heinrich Himmler n’avait été soldat qu’une année et ne comprenait rien aux questions militaires. Qu’il sous-estimait la tâche des militaires et leur travail. Il aimait à jouer à l’homme à poigne, en employant des superlatifs et des exagérations. Le combattant du front n’aime nulle part que l’on vienne lui faire de grands discours. C’est pourquoi l’influence de Heinrich Himmler au cours de la guerre fut extrêmement réduite. Nous portions l’uniforme de ses troupes, mais la physionomie des Waffen SS, ce sont leurs commandants qui la leur ont donnée par leur exemple et par leur action quotidienne.

M. PELCKMANN

L’influence de Himmler sur les chefs était-elle plus forte que sur la masse des soldats ?

TÉMOIN HAUSER

Bien au contraire. Les commandants étaient bien tenus, à son égard, à l’obéissance militaire. Mais ils le critiquèrent dès le début, en raison de leur propre expérience de la vie et du monde, et ils étaient opposés surtout à ses idées exagérées et romantiques. Ils avaient suffisamment d’expérience de la vie pour traduire ses déclarations dans la langue et dans la mentalité du soldat. Au cours de la guerre, l’attitude critique à l’égard de Heinrich Himmler devint de plus en plus accentuée. La plupart du temps il estimait qu’il pouvait se passer des conseils de vieux soldats. Il écartait souvent les objections par ces mots : « C’est un point de vue typique de général », et il le combattait.

M. PELCKMANN

Est-il exact que Heinrich Himmler dans ses discours ait fait des sorties violentes contre les Juifs et les Slaves ?

TÉMOIN HAUSER

Je connais uniquement son discours de 1943 à Kharkov dans lequel trois points différents suscitèrent notre critique et notre opposition. Un point traitait de la terreur qui devait nous précéder. Je me suis déjà exprimé là-dtessus. Ces déclarations tout à fait déplacées contre les Juifs ne s’appliquaient qu’à l’Allemagne et ne nous permettaient pas de conclure qu’il envisageait leur anéantissement.

Ses déclarations sur la supériorité numérique de nos adversaires à l’Est, le soldat ne pouvait les comprendre que de cette façon qu’il fallait compenser cette supériorité par celle dans le combat.

M. PELCKMANN

Sur quel point surtout se portait la critique du corps des officiers contre Heinrich Himmler ?

TÉMOIN HAUSER

Il pensait certainement qu’après la guerre, toutes les organisations qui avaient été sous ses ordres, SS et sans doute aussi Police, il pourrait les fusionner dans une seule formation, c’est-à-dire faire exactement le contraire de ce qui s’était passé au cours de la guerre. Nos intentions étaient tout à fait contraires à cela.

M. PELCKMANN

Dans quelle mesure les crimes commis dans les camps de concentration, l’extermination des Juifs, étaient-ils connus parmi les Waffen SS ? Je vous prie de vous rappeler qu’ici vous ne parlez pas seulement en votre propre nom et en votre qualité de général en chef, mais que vous représentez aussi le simple soldat SS, naturellement d’après ce que vous en savez.

TÉMOIN HAUSER

Cela peut paraître invraisemblable et l’étranger ne veut pas nous croire, mais les membres des Waffen SS, pas plus que moi-même, ne savaient rien des crimes dont nous avons entendu parler ici. Comme explication, on peut dire qu’à l’intérieur du territoire aussi, seuls les gens qui avaient parmi les leurs des victimes dans les camps de concentration en savaient quelque chose ; seule l’opposition clandestine, qui a toujours existé, chuchotait des histoires et des rumeurs. On taisait tout cela aux hommes des SS. Lorsque par hasard ils apprenaient quelque chose, ils croyaient pouvoir l’attribuer à la propagande ennemie. Ils ne connaissaient pas la radio ni les journaux de l’étranger ; même en Allemagne il n’était pas possible de les connaître. La masse des Waffen SS étaient au front, devant l’ennemi. Les tâches de cette guerre augmentaient d’année en année, les soucis, les fatigues croissaient. Ils n’avaient ni le temps, ni la possibilité de vérifier les bruits qui couraient, et ils ont été, comme moi, stupéfaits et indignés de la façon dont a agi Heinritoh Himmler, contrairement à tout ce qu’il avait prêché en temps de paix.

M. PELCKMANN

Connaissez-vous le discours de Posen de Himmler dans lequel il dit que des milliers et des milliers de Juifs ont été mis à mort ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’étais pas présent à ce discours de Posen, et c’est seulement ici, en captivité, que j’en ai entendu parler pour la première fois. Autant que je sache, ce discours était adressé aux dirigeants en Allemagne et dans les régions occupées. Il n’y avait aucun membre des Waffen SS présent, ou très peu.

M. PELCKMANN

Les unités de surveillances des camps de concentration étaient désignées aussi comme Waffen SS et l’on attribuait des grades de Waffen SS à des personnes relevant du service des camps de concentration.

Pendant la guerre, avez-vous eu connaissance de ces faits ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai déjà dit que la désignation des hommes chargés de la surveillance des camps de concentration comme Waffen SS ne m’a été connue qu’après la guerre. Il me faut ajouter encore que Heinrich Himmler a effacé volontairement en public les limites définies entre ses différentes organisations. Et la désignation comme Waffen SS d’unités de surveillance dtes camps de concentration, ainsi que l’attribution de grades des Waffen SS à des personnalités qui, ainsi, n’avaient rien à voir avec les troupes combattantes, sont précisément des exemples de cette confusion.

M. PELCKMANN

Est-ce que vous considérez que dans son ensemble les Waffen SS ont pris part aux crimes qui ont indubitablement été exécutés ?

TÉMOIN HAUSER

Non. Le Ministère Public lie les Waffen SS au sort de Heinrich Himmler et d’un petit nombre de criminels de son entourage. Les Waffen SS ressentent cette attitude avec une amertume particulière, car elle croit que, dans son ensemble, elle a combattu d’une façon convenable et loyale. Elle se désolidarise entièrement de ces crimes et de celui qui les a provoqués. Je prie le Tribunal d’entendre les déclarations et les jugements des combattants de chez vous. Lorsque des événements particuliers se sont produits, ils ont été exceptionnels. Les Waffen SS ressentent comme une injustice d’être traitées autrement que l’ensemble de la Wehrmacht. Elles n’ont pas mérité d’être jugées comme une organisation criminelle.

M. PELCKMANN

Je n’ai plus d’autres questions à poser. Je vous remercie.

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, vous avez entendu le discours de Himmler de Kharkov en avril 1943, adressé aux commandants des trois divisions de SS dans l’Est. Vous avez entendu ce discours, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Je l’ai entendu.

COMMANDANT ELWYN JONES

Est-ce que vous vous souvenez qu’il a terminé ce discours en disant : « Jamais nous ne laisserons affaiblir cette excellente arme, la réputation d’effroi et de terreur qui nous a précédés dans la bataille de Kharkov ; au contraire, nous l’augmenterons sans cesse ». Vous vous souvenez qu’il a dit cela ?

TÉMOIN HAUSER

Oui.

COMMANDANT ELWYN JONES

Et vos unités de Waffen SS ont constamment donné une force nouvelle à cette réputation de terreur, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Non, j’ai dit le contraire, hier et aujourd’hui ; je considère comme une insulte que nos succès dépendent du terrorisme. Au contraire, j’ai dit que nos succès n’ont été obtenus que par la bravoure de nos chefs et de nos troupes.

COMMANDANT ELWYN JONES

Hier, vous avez dit au Tribunal que les relations entre les Waffen SS et la population locale étaient bonnes et que vos troupes Waffen SS n’ont pas pris d’otages et n’ont pas détruit de villages par représailles ni commis de crimes de guerre ; c’est bien ce que vous avez dit ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai dit que les rapports étaient parfaitement bons. J’ai dit que nous n’avions jamais déporté des parties de la population pour effectuer des travaux en Allemagne.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je voudrais que vous écoutiez la lecture de quelques documents que j’ai fait déposer, concernant les SS en général et les WafEen SS en particulier.

Le premier, Monsieur le Président, est un document D-419 ; il sera déposé sous le numéro GB-552.

Je ne propose pas d’interroger contradictoirement le témoin concernant ces nombreux documents, Monsieur le Président, car je pense que le désir du Tribunal est qu’ils soient déposés le plus rapidement possible.

LE PRÉSIDENT

Si ce sont de nouveaux documents, vous pouvez procéder à un interrogatoire contradictoire à leur sujet.

COMMANDANT ELWYN JONES

Bien. (Se tournant vers le témoin) Le premier document D419 est un rapport du général d’artillerie Petzel, en date du 23 novembre 1939, concernant la situation à l’intérieur dans le Warthegau (Pologne de l’Ouest), territoires qui, comme il est dit dans le document, étaient incorporés dans le Reich. Je ne veux pas relire la première page du document, le rapport du 2 décembre et la lettre du 30 novembre, mais si vous lisez la lettre du général Petzel datée du 23 novembre, vous verrez au second paragraphe :

« Les grands travaux de construction dans toutes les sphères ne sont pas effectués par l’intervention des formations SS qui ont des missions spéciales au point de vue racial et politique et ne sont pas subordonnées, à cet égard, au Gouverneur du Reich. La tendance ici se fait sentir de dépasser le cadre die ces missions et d’intervenir dans toutes les affaires administratives, en formant un État dans un État. La répercussion de ce phénomène se fait sentir sur la troupe qui est indignée de la façon dont les tâches sont accomplies et, de ce fait, arrive généralement à se mettre en opposition avec l’administration et le Parti. J’exclurai le danger de discussions sérieuses par des ordres stricts. Le fait que c’est beaucoup dtemander à la discipline des troupes ne peut être négligé. »

Et puis le paragraphe suivant :

« Dans presque toutes les localités importantes, il a été procédé à des exécutions publiques par les organisations mentionnées ci-dessus. A cet égard, la désignation des personnes à exécuter a été très diverse et souvent incompiréhensible. La mise en œuvre a souvent manqué de dignité.

« Dans un certain nombre de cercles, tous les propriétaires de domaines polonais ont été arrêtés et internés avec leurs familles. Les arrestations ont presque toujours été accompagnées de pillage.

Dans les villes, on a procédé à des évacuations dans lesquelles des blocs d’immeubles étaient évacués au hasard, et les habitants chargés de nuit sur des camions et conduits dans des camps de concentration. Là encore, les pillages ont toujours été des phénomènes concomitants. Dans les camps, les conditions de logement et la nourriture étaient telles que le médecin du corps d’armée redouitait des épidémies, et par suite, un danger pour les troupes.

Dans plusieurs villes, il a été effectué des actions contre les Juifs qui ont dégénéré en excès graves. A Turck, le 30 octobre 1939, trois camions de SS, sous la conduite d’un officier supérieur des SS, ont passé par les rues et les gens ont été frappés au hasard sur la tête à coups de nerfs de bœuf et de longues cravaches. Il y a eu également parmi les victimes des personnes de race allemande. Finalement, un certain nombre de Juifs ont été menés à la synagogue. Là, ils ont dû se cacher entre les bancs pendant qu’ils chantaient et pendant ce temps ils étaient constamment fouettés par les SS. Ensuite, on les a forcés à se déculotter afin de les frapper sur les fesses mises à nu. Un Juif qui, à cause de la peur, avait souillé son pantalon, fut obligé de frotter le visage des autres Juifs avec le fond de son pantalon.

« A Lodz on a su, confidentiellement, que l’Oberführer des SS Mehihorn avait donné les ordres suivants :

1. A partir du 9 novembre, aucune indemnité de chômage ne sera payée aux Juifs ; seul le travail obligatoire sera rémunéré. Cette mesure a déjà été confirmée ;

2. A partir du 9 novembre, les Juifs et les Polonais seront exclus des distributions de rations alimentaires et de charbon ;

3. Des incidents et des désordres doivent être créés par pro vocation afin die faciliter la poursuite du travail politique racial ».

Le reste, je ne veux pas vous le lire.

Cette partie permet de se rendre compte de l’activité des SS en Pologne au mois de novembre 1939.

Le document allemand suivant est le document D-578. On vient d’attirer mon attention sur une autre phrase du document D419. Je voudrais attirer encore sur elle l’attention du Tribunal. C’est l’avant-demier paragraphe.

« Comme le commandant militaire de Posen en a déjà rendu compte au Commandant en chef de l’Armée, les hommes sont très mécontents de la différence qui existe entre leur solde et la solde journalière bien supérieure d’autres formations. »

Le document D-578 est un rapport d’un commandant de brigade allemande, 1ère brigade de montagne, le colonel Pericic, en date du 26 septembre 1943. Ce document sera déposé sous le numéro GB-553. C’est un rapport des activités des unités SS dans la zone de Popovaca en Bosnie. Je voudrais seulement vous lire les deux premiers paragraphes :

« Le 16 décembre 1943, une unité de SS composée de 80 hommes marchait de Popovaca à Osokovo pour un achat obligatoire de bétail. Personne ne m’a notifié l’arrivée de cette unité dans la zone d’opérations tactique de la 1ère brigade de montagne, et je n’ai été informé en aucune façon de l’activité de cette unité dans la zone dont je suis seul responsable.

« Peu de temps après son arrivée à Osokovo, cette unité a été attaquée par les partisans. Sous la pression des partisans en nombre supérieur, cette unité a dû se replier dans la direction de la gare de chemin de fer et elle y a réussi. Mais elle a eu quatre hommes sérieusement blessés et plusieurs légèrement, dont le chef de l’unité ; elle a également perdu un disparu et une voiture blindée. Le chef de l’unité a ensuite rendu compte à Popovaca par téléphone. Il a dit que lorsqu’il s’était replié, il avait tué toutes les personnes qu’il avait trouvées en terrain découvert, car il n’avait aucun moyen de faire de ’distinction entre la population loyale et les partisans. Il dit que lui-même a tué environ cent personnes au cours de cet incident. »

Je voudrais maintenant déposer quelques documents qui parlent des victimes de ces atrocités. D’abord le document de la Délégation yougoslave, D-945.

Témoin, savez-vous que la division « Prince Eugène » était une division des Waffen SS ? (Le témoin ne répond pas).

LE PRÉSIDENT

Témoin, avez-vous entendu cette question ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, je vous ai demandé.

TÉMOIN HAUSER

Oui. La division faisait partie des Waffen SS.

COMMANDANT ELWYN JONES

Le document D-945 sera déposé sous le numéro GB-554. C’est un extrait du rapport à la Commission d’État yougoslave pour les crimes des occupants et de leurs complices. Je voudrais lire les deuxième et troisième paragraphes :

« Suivant les ordres du chef de la 118e division allemande, un bataillon SS de la division « Prince Eugène » et du bataillon de la « Teufels Division » (division du Diable), sous le commandement du lieutenant-colonel allemand Dietsche, ont poursuivi le 27 mars 1944 et le jour suivant une action de nettoyage de Sinj en direction des villages qui figurent sur le compte rendu. Le 28 mars, ce bataillon SS a attaqué par surprise, successivement les villages de Otok, Cornji, Ruda et Dolac Doinji et s’est livré à d’effrayants massacres en incendiant et pillant. Ces brutes ont tué en un seul jour dans les trois villages d’e Dalmatie, mentionnés ci-dessus, 834 personnes dont beaucoup de femmes et d’enfants, sans compter les hommes adultes. Ils ont incendié 500 maisons et ont pillé tout ce qui pouvait être pris. Ils ont pris les bagues, les montres et tous les objets de valeur sur les cadavres. Le massacre s’est poursuivi .dans tous les villages de la même façon effroyable. Les soldats allemands ont rassemblé les femmes, les enfants et les hommes sur une place, et ensuite ils ont ouvert le feu sur la foule avec des mitrailleuses. Ils ont jeté des grenades sur la foule, l’ont dévalisée et ont brûlé les cadavres. Dans une autre maison de Milanovic-Trapo, 45 cadavres calcinés ont été trouvés ; dans d’autres maisons du même village de Otok, 22 cadavres non calcinés ont été retrouvés entassés. Dans le village de Ruda, ils ont rassemblé les habitants et les ont tous massacrés. Ceux qui avaient pu s’échapper ont été tués lorsqu’on les a retrouvés. Ils n’ont même pas épargné les nouveaux-nés dans les bras de leurs mères. Dans un certain nombre de villages, les cadavres ont été arrosés de pétrole et brûlés. Ils ont également tué ceux qui, par crainte, leur offraient l’hospitalité ainsi que ceux qu’ils forçaient à porter pour eux des munitions et autres choses. D’après les déclarations de témoins dignes de foi, ces massacres étaient préparés d’avance, et c’est d’autant plus grave, que les villages qui viennent d’être nommés à propos de ces actions dites de « nettoyage » n’avaient donné aucun prétexte à des représailles quelconques.

Ce rapport est un rapport du président de la Commission d’État, Dr Dusan Nedeljkovic, professeur à l’Université.

Le document D-940, qui sera déposé sous le numéro GB-555, est un autre extrait du rapport de la Commission d’État Yougoslave signé par le même président de la Commission d’État, le Dr Dusan Nedeljkovie, professeur de l’Université, sur les crimes de la 7e Division SS « Prince Eugène » dans Crna Gora (Monténégro). Il dit :

« Les différentes divisions allemandes opérant dans les zones de Yougoslavie occupée ont laissé leurs traces par des dévastations et par l’extermination de la population pacifique, qui pourra témoigner pendant des années encore du caractère criminel de la conduite de la guerre allemande. Les opérations des divisions allemandes étaient en réalité des expéditions de représailles. Elles ont détruit et incendié, sans aucune nécessité militaire, des villages entiers, et exterminé la population civile d’une façon barbare. La 7e division SS « Prince Eugène » est renommée pour sa cruauté. »

Je passe au paragraphe suivant :

« Partout où elle passe, en Serbie, en Bosnie, en Herzégovine, à Lika et Banija, à travers la Dalmatie, partout elle a laissé des traces d’incendie et de dévastations et des cadavres d’hommes, de femmes et d’enfants innocents qui avaient été brûlés dans leurs maisons.

A la fin de mai 1943, la division « Prince Eugène » est arrivée au Monténégro dans la zone de Niksic afin de prendre part aux combats de la 5e division ennemie en même temps que les troupes italiennes. Cette offensive était désignée par les troupes allemandes d’occupation sous le nom d’offensive « noire ». Partant de l’Herzégovine, des éléments de la division sont arrivés dans les villages pacifiques du canton de Niksic. Aussitôt après son invasion, cette formation a ouvert le feu avec toutes ses armes, commençant à commettre des crimes inouïs dans les villages pacifiques, sans aucune provocation. Elle a incendié tout ce qui s’y trouvait. On a assassiné et pillé ; les officiers et les hommes de la division SS « Prince Eugène » ont commis en cette circonstance des crimes d’une cruauté inouïe ; les victimes étaient fusillées, abattues, torturées ou brûlées dans leurs maisons. Quand une victime était rencontrée, non pas dans sa maison mais dehors, sur la route ou dans les champs à quelque distance, elle était tuée et brûlée sur place. Les enfants avec leurs mères, les femmes enceintes, les vieillards débiles ont été également assassinés. Bref, tous les civils sur le passage de ces troupes dans ces villages ont été abattus. Dans beaucoup de cas, des familles entières qui, ne s’attendant pas à ce traitement et n’avaient pas eu le temps de fuir, étaient restées tranquillement dans leurs maisons, ont été exterminées et assassinées sur place. Souvent des familles entières ont été jetées dans des maisons incendiées et ont été brûlées. D’après les enquêtes qui ont été instituées, il a été établi qu’en cette circonstance, 121 personnes, pour la plupart des femmes, dont 30 personnes âgées entre 60 et 92 ans, et 29 enfants de 6 mois à 14 ans, ont été exécutées.

« Les villages suit l’énumération des villages — ont été incendiés et rasés. »

Ensuite on parle du pillage des meubles.

« Les soldats allemands ont, en outre, saisi tout le bétail dans les villages et avant de les incendier ils ont pillé tous les bijoux et l’argent. Les responsables de tous ces crimes de guerre très graves sont, d’abord leurs auteurs immédiats, les militaires faisant partie de la division SS « Prince Eugène », et en outre tous les commandants en chef ou subalternes, ceux qui ont donné et transmis les ordres de meurtre et de dévastation. Sont connus notamment les criminels de guerre suivants :

« Le SS-Gruppenführer ; le général des Waffen SS Phleps, commandant de la division ; le général des Waffen SS von Oberkamp, commandant le 13e régiment, et dans la suite commandant de division ; le général Schmidthuber, commandant le 14e régiment, plus tard, général de division ; le SS-Standartenführer Bachmann ; le SS-Sturmführer Dietsche ; le commandant du 16e régiment italien. »

Puis suivent les noms d’une dizaine d’officiers supérieurs commandant les régiments et d’autres commandants.

LE PRÉSIDENT

Ne pouvez-vous pas lui demander si c’étaient des militaires appartenant aux Waffen SS ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, ces hommes appartenaient aux Waffen SS, n’est-ce pas ? Regardtez leurs noms.

TÉMOIN HAUSER

Je connais une partie de ces noms. Ils avaient un commandement dans les Waffen SS.

COMMANDANT ELWYN JONES

Prenons leurs noms un par un. Phleps, commandant de la division ?

TÉMOIN HAUSER

Oui.

COMMANDANT ELWYN JONES

Il était général comme vous-même ; c’était un de vos collègues dans les Waffen SS, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Oui.

COMMANDANT ELWYN JONES

Général des Waffen SS Karl Ritter von Oberkamp... Il était dans les Waffen SS, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Je connais les noms suivants : Oberkamp, Schmidthuber et Die’tsche. Les autres noms ;, je ne les connais pas.

COMMANDANT ELWYN JONES

Vous ne niez pas que c’étaient des officiers, d’après leur description ; des officiers des Waffen SS ?

TÉMOIN HAUSER

Je le suppose, bien que je ne sache pas l’origine de ce rapport. Ce ne sont sans doute que des nouvelles qui sont parvenues simplement par voie orale et qu’on a rédigées sous forme de rapport.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je n’insiste pas Sur la valeur documentaire de ces rapports. Il appartient au Tribunal d’en décider.

Maintenant, je voudrais que vous écoutiez des documents que je dépose au nom de la Délégation polonaise. Ils concernent encore les SS. La première série de documents parle de fusilla’dies d’otages, sur l’ordre de fonctionnaires SS, par des hommes des SS. Le premier document, PS-4041, qui sera déposé sous le numéro GB-556, consiste en 31 affiches, couvre les années 1943 et 1944 ; il est signé par des fonctionnaires supérieurs SS, chefs de la Police à Varsovie et, dans certains cas, par le chef de la Police de sûreté et du SD de Varsovie.

Ces affiches font connaître l’exécution d’otages. Le Tribunal verra que dans ces cruels récits de mort figurent plusieurs chiffres de victimes de l’occupation nazie. Par exemple, sur l’affiche n° 25, à la page 16, il y a une liste de 270 otages fusillés. Sur l’affiche n° 29, à la page 20, il est indiqué que 200 otages ont été fusillés. L’affiche 31, à la page 26, en indique 100. Ces fusillades SS n’étaient certainement pas inventées par les SS. Je dépose les deux documents PS-4038 et PS-4039 qui...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Elwyn Jones, je crois que vous devriez demander au témoin s’il y a un rapport quelconque entre les Waffen SS et ces documents ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Si vous le désirez, Monsieur le Président.

TÉMOIN HAUSER

J’ai malheureusement un exemplaire anglais entre les mains, et je ne connais pas suffisamment cette langue pour suivre la question ; j’ai compris que tout cela, ce sont des mesures qui ont été prises à Varsovie. Les Waffen SS n’ont rien à voir avec Varsovie, pas plus que dans le cas du premier document présenté, qui traite du Warthegau.

LE PRÉSIDENT

Attendez de recevoir l’exemplaire qu’il vous faut.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je ne suggère naturellement pas, Monsieur le Président, que tous les documents que je dépose se rapportent seulement aux Waffen SS de l’organisation SS. Toute l’accusation est basée sur l’hypothèse qu’il y avait unité entre les différents services des SS.

LE PRÉSIDENT

Oui, mais vous devriez donner au témoin l’occasion d’expliquer son opinion.

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, Monsieur le Président. (Se tournant vers le témoin.) Témoin, avez-vous eu l’occasion de voir ces affiches ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai vu que les signatures étaient uniquement celles de SS et de chefs de la Police, ce qui n’a absolument rien à faire avec les Waffen SS, ainsi que cela a déjà été expliqué aujourd’hui.

On peut en dire autant des événements dans le Warthegau, en novembre 1939, où il n’y a pas eu d’unités des Waffen SS. Parmi les documents, les seuls qui se rapportent aux Waffen SS sont les documents 3 et 4 où il est parlé de la division SS « Prince Eugène ». Je ne puis contrôler les preuves données, je n’ai jamais été dans les Balkans.

LE PRÉSIDENT

La « division du Diable » était-elle aussi une division des Waffen SS ? Était-ce une division de Keitel ?

TÉMOIN HAUSER

Non, il n’y a jamais eu de division « Teufel » (division du Diable) parmi les Waffen SS.

COMMANDANT ELWYN JONES

Vous dites’ que cette « division du Diable » n’a pas existé et n’était pas en Yougoslavie ?

TÉMOIN HAUSER

Non, pas dans les Waffen SS.

COMMANDANT ELWYN JONES

J’apporterai encore par la suite d’autres preuves à ce sujet, Monsieur le Président. Si le Tribunal me permet plus tard de procéder à un interrogatoire contradictoire, au sujet de l’unité des SS. Cela obligerait à présenter d’anciens documents et je crois comprendre que le Tribunal montre une certaine hésitation à m’autoriser à faire cela maintenant. Je serais très heureux d’attirer l’attention du Tribunal...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Elwyn Jones, ce n’est pas que le Tribunal ne désire pas que vous procédiez à un interrogatoire contradictoire, mais il ne désire pas que vous lisiez au témoin des documents déjà déposés, mais vous pouvez utiliser les faits contenus dans ces documents, pour interroger contradictoirement le témoin.

COMMANDANT ELWYN JONES

Plus tard, au cours de mon contre-interrogatoire, je reviendrai sur ce sujet, si vous m’y autorisez. J’aimerais déposer d’abord ces documents, si je le puis.

LE PRÉSIDENT

Monsieur Elwyn Jones, je crois que le Tribunal voulait dire qu’il ne désirait pas que vous soumettiez des extraits longs ou courts de ce document, que le témoin n’a jamais vu, mais qui a déjà été déposé au Tribunal ; mais vous pouvez interroger contradictoirement le témoin au sujet de n’importe quel document, à part celui-là.

COMMANDANT ELWYN JONES

Si vous le désirez, Monsieur le Président, je reviendrai à un contre-interrogatoire sur ces questions générales, une fois que j’aurai déposé ces documents.

Je dépose maintenant les documents PS-4038 et 4039. Je les dépose sous les numéros GB-557 et GB-558. Ce sont des documents qui démontrent que les fusillades à Varsovie n’étaient que la continuation des pratiques du pouvoir civil du Gouvernement Général, de l’époque du mois de mars 1941. Je n’ai pas besoin de le demander au témoin.

Ensuite, le document D-956 sera déposé sous le numéro GB-559. C’est un rapport officiel polonais à propos des atrocités allemandes en Pologne. Je désire seulement attirer l’attention du Tribunal sur un passage, à la page 184 de ce rapport parlant de l’exécution d’otages et donnant le nombre approximatif de Polonais à Varsovie, tués depuis le début des exécutions publiques jusqu’à la révolte, par conséquent, du 5 octobre 1943 jusqu’au 1er août 1944 ; ce nombre était d’environ 8.000 personnes, pour la plupart arrêtées au cours de rafles dans les rues de Varsovie.

M. PELCKMANN

Monsieur le Président, puis-je me permettre de vous faire une remarque concernant la procédure ? M. Jones dit que ces documents qu’il présente maintenant au Tribunal ne doivent pas être montrés au témoin. J’estime que la possibilité de présenter les documents, dans le stade actuel de la procédure, ne peut exister qu’au moment d’un interrogatoire contradictoire, c’est-à-dire pour contrôler si le témoin est digne de foi ou non. Sinon, le Ministère Public pourrait ajouter des charges nouvelles sans limitation.

Je vous prierai, autrement, de vouloir bien permettre au témoin de prendre position à ce sujet.

COMMANDANT ELWYN JONES

Monsieur le Président, je ne vois aucune objection à ce que le témoin voie tous les documents ; c’est pour économiser du temps que j’avais fait allusion à une phrase de ce document, que le témoin a entendue dans la traduction. Je croyais que cela suffisait, mais je laisserai voir volontiers au témoin tous les documents.

LE PRESIDENT

Le Tribunal, Monsieur Peickmann, a déjà décidé que les documents peuvent être déposés ’die cette façon, et M. El-wyn Jones a fait allusion à certains passages de ce document. Au cours de votre second interrogatoire, vous aurez l’occasion d’utiliser ces documents dont vous avez copie. Vous pouvez donc poser n’importe quelle question que vous désirez à propos de ces documents, au cours de votre second interrogatoire.

COMMANDANT ELWYN JONES

Ensuite, je déposerai les documents parlant des atrocités commises par les SS au moment de la destruction de Varsovie. D’abord le document PS-4042 qui sera déposé sous le numéro GB-560. Ce document consiste en trois dépositions sous serment provenant d’un autre rapport officiel polonais intitulé « Crimes allemands à Varsovie en 1944 ».

La première déposition sous serment est celle du témoin Alexandra Kreczkiewicz qui déclare ce qui suit :

« Le 2 août 1944, j’habitais rue Gorczewska, 45, dans le quartier de Wola, les membres des SS nous avaient donné l’ordre de nous transporter dans la maison d’en face ; notre maison, ainsi que la maison voisine, furent incendiées ; le 3 août, on nous informa que les choses allaient mal et que nous serions fusillés ; quelques centaines de personnes étaient rassemblées dans notre maison ; le 4 août à 11 heures, les allemands cernèrent la maison et nous donnèrent l’ordre d’abandonner les logements ; on entendit des coups de fusil à l’entrée, des cris terribles des femmes et des enfants s’élevèrent, quelques personnes furent tuées, d’autres blessées. On nous chassa dans les champs de pommes de terre et on nous ordonna de nous coucher dans les sillons, nous étions entourés de gardes, il était impossible de se sauver ; quelques minutes après, on nous ordonna de nous lever et on nous conduisit sous un pont situé à proximité. A la question d’une femme : « Où nous conduit-on ? », on nous répondît : « Des femmes et des enfants allemands périssent par votre faute, c’est pourquoi vous aussi, vous allez tous périr ». On nous mit en rangs. Un groupe de 70 personnes fut séparé de nous, et on leur ordonna d’avancer derrière le pont sur une colline ; le restant (et j’étais parmi eux) fut rassemblé près d’un mur entouré de fils barbelés ; de différents points et de tout près, on entendait des rafales de coups de fusil ; les victimes des bourreaux allemands périssaient ; nous étions serrés les uns contre les autres en une petite troupe. A une distance de cinq mètres de nous, un des bourreaux, le plus tranquillement du monde, chargea sa mitrailleuse ; un autre prépara son appareil photographique pour photographier l’exécution. Quelques allemands nous gardaient ; on entendit des salves de coups de fusil, des cris, des gémissements ; je tombai blessée et je perdis connaissance ; après quelque temps, j’ai repris mes sens, j’entendais achever les blessés. Je ne bougeais pas et je faisais semblant d’être morte ; ils laissèrent un des Allemands en sentinelle et le reste s’en alla. Les bourreaux incendièrent les maisons dans le voisinage. La chaleur du feu me brûlait, j’étais asphyxiée par la fumée et ma robe commençait à prendre feu. L’Allemand était toujours en sentinelle ; je m’efforçais d’éteindre le feu sur moi. »

Puis elle indique comment elle s’est rendue dans une cave et dit...

LE PRÉSIDENT

C’est une femme, n’est-ce pas ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, c’est une femme. A la fin, elle dit : « Le groupe exécuté en ma présence devait compter 500 personnes environ dont trois ou quatre seulement réussirent à se sauver. Les bourreaux appartenaient tous aux SS ».

Le procès-verbal suivant est une déclaration sous serment du témoin. Bronislav Dylak qui décrit les atrocités commises par les SS dans un hôpital à Varsovie :

« Très grièvement blessé au ventre, j’étais en traitement à l’hôpital de campagne sis rue Dluga, n° 7.

« Le 7 septembre 1944, les Allemands avaient ordonné aux infirmières et aux malades qui pouvaient se déplacer de quitter l’hôpital, mais d’y laisser tous les blessés gravesi. Parmi ces derniers, je suis resté dans la salle, qui se trouvait au sous-sol. Dans cet hôpital restaient encore quelques centaines de blessés graves et des malades qui ne pouvaient pas se déplacer.

Peu de temps après le départ des infirmières (dans la soirée), les Allemands SS se présentèrent à l’hôpital et la fusillade commença. Tout d’abord furent tués immédiatement tous les blessés et les malades qui, par un effort surhumain, se levaient des lits et cherchaient à s’approcher des escaliers et des portes, en espérant se sauver.

Dans notre salle sont entrés deux des assassins ; l’un d’eux éclairait la salle avec une bougie, l’autre en criant « bandits, bandits », abattait à bout portant avec son revolver, les malades couchés dans leurs lits. J’ai échappé comme par miracle à ce massacre, avec quelques-uns de mes camarades, grâce au fait que le passage vers nos lits était obstrué par d’autres lits. La salle se composait de deux parties. J’étais couché dans la deuxième, la plus petite, dont l’entrée’ était barrée. Dans la première partie de la salle, on avait tué tous ceux qui s’y trouvaient. La deuxième partie fut épargnée par miracle (peut-être parce qu’on pouvait entendre déjà les voix rappelant les assassins). Des autres salles, on entendit encore plusieurs coups de feu. L’exécution a eu lieu dans tout l’hôpital. Plus tard, plusieurs contrôles furent effectués pour vérifier si tous étaient bien achevés. Mon camarade qui était couché à côté de moi se fit lui-même des taches sanglantes sur la poitrine et à la tempe et fit semblant d’être mort. L’un des Allemands, qui parlait l’Ukrainien, passait entre les tués et les frappait avec son fusil dans la figure. Ce fut une nuit épouvantable. A un moment donné, on avait lancé par la fenêtre dans notre salle une grenade ; mon camarade eut le ventre déchiré. Finalement, on mit le feu au bâtiment. L’incendie se propagea avec rapidité ; tous ceux qui essayaient de se traîner jusqu’à la sortie étaient abattus. Dans notre salle se trouvait une femme qui repoussa les matériaux inflammables de l’entrée de la salle et préserva ainsi notre salle de l’incendie. D’autres salles et la cage de l’escalier étaient en feu. La fumée, l’odeur des cadavres brûlés, remplissaient le bâtiment. » Et la dernière phrase : « C’est ainsi que des quelques centaines de blessés qui avaient été tués à l’hôpital de la rue Dluga, n° 7, moins de 20 demeurèrent en vie. »

La troisième déclaration sous serment est celle de Maria Bukowska :

« Le 7 août 1944, sur l’ordre des SS, les habitants du quartier entier furent obligés d’abandonner leurs maisons, qui furent immédiatement incendiées. Nous étions quelques milliers à être bousculés par les SS. Tous ceux qui tombaient étaient frappés à coups de crosse ; tous ceux qui essayaient de les aider étaient également abattus. »

Et plus loin : « On nous fait avancer à nouveau. On entend tirer tout autour de nous. Une auto des SS s’approche, les officiers en descendent, ils inspectent notre colonne et font sortir trois jolies jeunes filles de nos rangs, deux sœurs N. et une autre jeune fille que je ne connais pas. L’auto repart ; les jeunes filles crient en essayant de se défendre contre les privautés des SS. Une femme âgée tombe, elle ne peut plus continuer. Un officier SS lui tire dians la nuque. »

A la fin, il est dit : « Dans l’église de Wola, ce qui reste de nos objets personnels nous est pris. Toutes les jeunes filles, quelques-unes de 12 à 14 ans seulement, sont laissées, tandis que nous, plus âgées, avec les enfants, nous sommes menées à la gare de l’Ouest, et puis par chemin de fer à Pruszkow... »

Tout cela, ce sont des crimes commis par des SS, n’est-ce pas, témoin ?

TÉMOIN HAUSER

Non, ce n’était pas là des Waffen SS. C’étaient seulement quelques hommes qui appartenaient à Himmler et qui n’avaient rien à faire avec les troupes combattantes. Nous n’avons jamais combattu à Varsovie.

COMMANDANT ELWYN JONES

Niez-vous que les Waffen SS aient pris part à la destruction de Varsovie ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’étais pas présent, je ne peux pas prendre position à cet égard, mais autant que je sache, nous n’avons pas combattu là-bas. Il y a eu là-bas une résistance qui a été abattue ainsi que plusieurs témoins vous l’ont dit déjà.

COMMANDANT ELWYN JONES

Une révolte, puis une extermination en masse par les troupes SS, c’est cela qui est arrivé à Varsovie, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Les Waffen SS n’y ont pris part que pour une très petite partie, car les Waften SS étaient face à l’ennemi.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je dépose ensuite le document D-954 qui sera déposé sous le numéro GB-561. C’est une déposition du Professeur Wladislaw Tomkiewicz de l’université de Varsovie, et du Dr Stanislas Lorentz, directeur du Musée national de Varsovie, à propos du pillage et des destructions délibérées de Varsovie par les formations allemandes, y compris les troupes de SS. Je vais résumer ces documents.

Le document suivant est le 2233-PS. C’est un autre extrait du journal de l’accusé Frank montrant la coopération des SS et des autorités civiles pendant les fusillades.

LE PRÉSIDENT

Quelle est la référence ?

COMMANDANT ELWYN JONES

PS-2233, Monsieur le Président ; il sera déposé sous le numéro GB-562 ; c’est un extrait du journal de Frank du 16 octobre 1944.

Il dit : « Le Gouverneur Général a reçu le SS-Oberführer Dierle-wanger et le SS-Untersturmführer Ammann en présence du SS-Sturmbannführer Pfaffenroth ».

Le SS-Oberführer Dierlewanger rend compte au Gouverneur Général de l’activité de son groupe de combat à Varsovie.

Le Gouverneur Général Frank exprime à l’Oberführer Dierlewanger ses remerciements et ses éloges sur la façon dont il a employé son groupe de combat d’ans les combats de Varsovie.

Plus tard, déjeuner à l’occasion de la présence du SS-Oberführer Dierlewanger.

LE PRÉSIDENT

Pouvez-vous dire quelles unités ces officiers commandaient ?

COMMANDANT ELWYN JONES

J’allais poser cette question au témoin, Monsieur le Président.

COMMANDANT ELWYN JONES

Dierlewanger était le chef des unités opérant à Varsovie, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Dierlewanger ? Il était le commandant d’une troupe « de rachat » d’hommes qui venaient de camps de concentration. Il n’avait rien à faire avec les Waffen SS. Je ne l’ai jamais connu personnellement, non plus que sa troupe. C’est pourquoi je ne peux pas vous dire autre chose.

COMMANDANT ELWYN JONES

Les officiers de son unité étaient-ils des officiers de SS ?

TÉMOIN HAUSER

Je ne peux pas vous le dire, étant donné que je ne connais pas cette formation.

COMMANDANT ELWYN JONES

J’aurais d’autres documents à ce sujet à présenter plus tard, Monsieur le Président.

Je voudrais maintenant déposer un document démontrant la participation des SS à l’extermination des Juifs. Ce document démontrera suffisamment la participation des Waffen SS. C’est le document D-939, qui sera déposé sous le numéro GB-563. C’est une déclaration sous serment d’Israël Eisenberg. Il déclare :

« J’habitais Lublin, et de là je fus envoyé à Maidanek, au commencement de 1942. Néanmoins, comme prisonnier, j’ai continué à travailler pour les Allemands qui m’ont employé comme expert pour des travaux de mécanique électrique, dans différentes maisons et bureaux de SS. A Lublin, j’ai travaillé également comme mécanicien-électricien dans les bâtiments du palais du SS et chef de la Police Globocznik, et dans ceux de l’Êtat-Major des SS à Lublin, Warschauer Strasse 21. Les Waffen SS étaient aussi là. De l’extérieur, la pancarte « SS Waffen » pouvait être vue et sur le laissez-passer que j’ai reçu pour entrer, les mots « SS Waffen » étaient aussi marqués.

« Je connaissais tous les officiers, par exemple, le Oberscharführer Riedel, le Rottenführer Mohrwinkel, le Unterscharführer Schramm, etc. Je sais que les chefs des Waffen SS, aussi bien que les régiments de Waffen SS, qui étaient logés dans le bâtiment même où je travaillais, ont participé directement à toutes les expulsions des Juifs de la région de Lublin. Au cours de ces expulsions, des milliers de personnes furent tuées sur place, et ceux qui restaient envoyées pour extermination. Moi-même, j’ai vu, au cours de l’hiver 1941, les « Waffen SS » du 21 Warschauer Strasse participer à la déportation de quelques centaines de Juifs qui ont été envoyés à Maidanek ; à cette occasion plusieurs personnes furent tuées sur place. A ce moment-là, mon père fut aussi déporté à cause de s’a barbe. Cette action concernait surtout les Juifs barbus. Je sais que le Rottenführer Mohrwinkel dirigeait cette action et qu’il fut promu au rang de Untersturmführer pour cela. J’ai travaillé pour la Waffen SS jusqu’en novembre 1942, c’est-à-dire jusqu’au moment où j’ai été transféré à Radom. Les mêmes personnes ont participé pendant toute cette période à tous les crimes des SS à Lublin et dans le district de Lublin, et je désire faire remarquer que ces SS gardaient leurs chevaux dans les écuries de l’aérodrome et qu’il y avait une pancarte disant : « Régiment monté des Waffen SS ».

Ensuite, le document D-953 qui sera déposé sous le numéro GB-564.

LE PRÉSIDENT

Je crois que vous devriez donner au témoin l’occasion de s’expliquer au sujet de ce document, s’il le désire.

COMMANDANT ELWYN JONES

Si vous le désirez, Monsieur le Président.

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, vous m’avez entendu lire ce dernier document d’Israël Eïseniberg. Vous voyez que ce témoin ’dit que les Waffen SS ont participé directement aux rafles des Juifs en vue de leur extermination. Il parle du régiment « Waffen SS monté » qui était engagé dans le district de Lublin. Ces cavaliers étaient bien des hommes provenant des Waffen SS, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Les noms dont on a parlé n’étaient pas des noms d’officiers. Ce ne sont que des ; noms de Rottenführer et de Scharfùnrer (chefs de section et de peloton). Naturelement, je ne connais pas les noms de chaque homme d’une formation. Je n’ai pas de preuve que ce soient là des membres des Waffen SS, étant donné qu’en 1942 le front n’était pas précisément à Lublin, mais beaucoup plus à l’Est. Ce sont peut-être des « formations d’Ersatz ». On a parlé d’« unité montée », c’était l’unité de remonte de la brigade de cavalerie. Je ne peux pas vous dire quoi que ce soit de plus à ce sujet.

COMMANDANT ELWYN JONES

Essayez-vous seulement de distinguer entre les unités de Waffen SS engagées en ligne et celles affectées à d’autres missions à l’arrière. C’est là où vous voulez en venir ?

TÉMOIN HAUSER

Pour les missions à l’arrière du front, il ne peut être utilisé normalement que des troupes d’unités d’Ersatz, car les autres formations étaient toujours en ligne.

COMMANDANT ELWYN JONES

Cette déposition sousi serment montre tout à fait clairement que ces troupes étaient SS. Que pouvaient-elles être d’autre ?

TÉMOIN HAUSER

Ils auraient pu être des unités de l’Em-satz Gruppe (groupe spécial) qui travaillait derrière les lignes.

COMMANDANT ELWYN JONES

Vous voulez dire qu’ils empruntaient le nom des Waffen SS pour se camoufler ?

TÉMOIN HAUSER

C’est improbable.

COMMANDANT ELWYN JONES

Maintenant, je voudrais attirer votre attention sur un autre document qui pourrait vous aider sur ce point. C’est le document D-953 qui sera déposé sous le numéro GB-566. Le dernier est GB-565. Je vous demande pardon, Monsieur le Président, mais celui-ci sera GB-564. C’est une déclaration sous serment de David Wajnapel.

« Quelques semaines après l’arrivée des troupes allemandes à Radom, la Police et les autorités SS sont arrivées. Les conditions sont devenues alors beaucoup plus mauvaises. La maison de la Zeromskist où ils avaient leur État-Major était devenue une menace pour la population entière. Les gens qui marchaient dans cette rue, on les poussait de force dans la maison, ils étaient battus cruellement et on les torturait sadiquement. Tous les officiers des SS, ainsi que des hommes, participaient à ces scènes. Étant docteur, j’ai souvent eu l’occasion de donner des secours médicaux à des gens qui avaient été blessés sérieusement par les SS.

En peu de temps, l’uniforme SS est devenu une menace pour la population. Moi-même, j’ai été battu jusqu’au sang par quatre hommes des SS, dans la rue, malgré mon brassard à croix rouge. Plus tard, deux ghettos furent établis à Radom. Au mois d’août 1942, ce que l’on appelait la déportation a commencé. Les ghettos furent cernés par de nombreuses unités SS qui occupaient toutes les sorties. On faisait sortir les gens ’dans la rue et on tirait sur ceux qui se sauvaient. Les malades, chez eux, et les personnes dans les hôpitaux, étaient tués sur place ; parmi eux, les malades qui se trouvaient dans l’hôpital où je travaillais en tant que docteur. Le nombre total des personnes tuées était d’environ 4.000. Environ 3.000 furent épargnées, et le reste, environ 20.000, déportées à Treblinka.

Toute l’action était dirigée et exécutée par les SS. Moi-même, j’ai vu que le commandement SS était sur place, formant des groupes et donnant les ordres. Dans les rues et dans les maisons, les SS ont maltraité et tué des personnes sans attendre les ordres. Après la déportation, les groupes de personnes qui restaient furent entassées dans quelques ruelles étroites. Nous passâmes exclusivement sous les ordres des SS ; nous devînmes leur propriété privée et ils nous louaient moyennant finances à différentes maisons pour travailler. Je sais que c’est la banque de Radom Emisyjny qui faisait ces paiements, sur un compte spécial. Nous n’étions en contact qu’avec les SS. Les exécutions opérées par les SS dans le ghetto lui-même étaient fréquentes. Le 14 janvier 1943, une autre « déportation » à Treblinka eut lieu. Le 21 mars 1943, dans tout le district, il y a eu ce qu’on a appelé une action contre les intellectuels ; autant que je sache, ceci a été décidé après une réunion de chefs SS de la Police à Radom. A Radom seulement, environ 200 personnes ont été tuées à ce moment. Entre autres, mes parents, mon frère et son bébé de 9 mois. Le 9 novembre de la même année, tous les enfants juifs jusqu’à 12 ans, ainsi que les vieillards et tous les malades de Radom, furent rassemblés au camp situé dans les environs de Radom et ils ont été fusillés à Radom dans la rue Biala. Des officiers SS ainsi que des hommes de troupe SS ont participé à ces exécutions.

« A partir de mars 1943, je suis resté dix-huit mois dans le camp de Blizyn. Ce camp était entièrement sous le contrôle des SS et du chef de la Police de Radom. Son commandant était l’Untersturm-führer Paul Nell. Les gardes étaient composés de simples SS et de sous-officiers SS. Les surveillants étaient des hommes SS qui avaient été blessés au front. Tous se sont conduits de façon inhumaine en nous battant et en nous infligeant de mauvais traitements. Les exécutions étaient fréquentes. Au début, les jugements étaient prononcés par le chef des SS et de la Police. Ensuite, ils le furent par le commandant du camp. Les hommes de troupe des SS connaissaient très bien les atrocités commises en Pologne ; ils m’ont parlé notamment des massacres de Juifs à Maidanek, en novembre 1943. Le fait était un secret de polichinelle. Il était connu die toute la population civile ainsi que des simples soldats des SS.

« Quand le camp fut pris en main par le camp de concentration de Maidanek, de nouveaux gardes nous turent envoyés ; mais il n’y avait aucune différence entre ceux-ci et ceux que nous avions auparavant ; en juillet 1944, le camp entier, y compris moi-même, fut transféré à Auschwitz où seuls les SS avaient accès. Les conditions de ce camp sont bien connues. Je pus me sauver au cours de l’évacuation de ce camp en Allemagne. Le long de la route, les hommes d’escorte SS ont tué à coups de mitraillettes les internés qui étaient trop faibles pour avancer, et ensuite le reste ’de la colonne, dans ; les environs de Rybnik. Plusieurs centaines de personnes furent tuées à ce moment. »

Vous voyez, témoin, dans tout ce document, la participation des troupes SS à ces abominations est soulignée. Niez-vous la participation S S aux assassinats de Juifs devant des attestations sous serment comme celles-ci ?

TÉMOIN HAUSER

On a expressément dit dans ce document au sujet de la Police et des SS, que partout où la Police travaillait avec le SD, les Waffen SS ne s’y trouvaient pas. De tous les camps qui ont été nommés, j’ai dit à plusieurs reprises qu’ils n’avaient rien de commun avec les Waffen SS, si ce n’est, malheureusement, le nom. De tous les exemples ici donnés par Monsieur le Procureur Général, je dois dire que seule la déclaration sur la division « Prince Eugène » et aussi cette formation montée près de Varsovie, ont trait aux Waffen SS. Je ne peux pas vous en dire davantage, d’après ce que je connais personnellement.

LE PRÉSIDENT

Je crois que vous devriez lire le dernier paragraphe.

COMMANDANT ELWYN JONES (Au témoin)

Cela pourrait vous aider.

« Je souligne que pendant les quelques années de guerre, étant Juif et médecin, j’ai rencontré un grand nombre de SS des Waffen SS aussi bien que d’autres formations et de différents grades. Je dois déclarer que je n’ai remarqué aucune différence entre eux, en ce qui concerne leur attitude inhumaine envers la population civile. »

Les Waffen SS ont toujours été à l’origine de toutes les actions dirigées contre les populations locales, n’est-ce pas ? C’étaient leurs fonctions, dans l’ensemble, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Ce n’était pas leurs fonctions. Les Waffen SS étaient incorporées dans l’Armée.

COMMANDANT ELWYN JONES

Avez-vous, sur ce point particulier, vu les directives de Hitler à propos de l’avenir des SS ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’ai pas compris la question.

COMMANDANT ELWYN JONES

Avez-vous vu la directive de Hitler ?

TÉMOIN HAUSER

Un arrêté de Hitler concernant les SS ? Je ne connais pas cela.

COMMANDANT ELWYN JONES

Dans cette directive qui est connue, je crois, du Tribunal — je crois que c’est le document D^65 (GB-280) — Hitler fait remarquer que les fonctions ! des Waffen SS, leur objet, c’est d’être l’avant-garde du nazisme et d’être l’instrument pour les actions énergiques aussi bien contre la résistance à l’intérieur, que contre l’opposition à l’étranger.

N’avez-vous pas vu des instructioins de Hitler sur le rôle des Waffen SS ?

TÉMOIN HAUSER

C’est sans doute une instruction envoyée par Hitler aux bureaux militaires qui traitait de l’avenir des Waffen SS, après la guerre.

COMMANDANT ELWYN JONES

C’était une directive de 1941 qui fut distribuée aux unités jusqu’aux régiments ; et qui était envoyée aux Waffen SS. Je n’ai pas le document ici avec moi, pour l’instant, mais voulez-vous dire que vous n’avez pas entendu parler de cette directive ?

TÉMOIN HAUSER

Non, je ne connais pas de tels ordres. Je n’ai connaissance que d’un ordre verbal relatif aux mesures ou aux intentions concernant notre organisation après la guerre et qui n’a été envoyé qu’à l’échelon Armée.

LE PRESIDENT

Peut-être serait-ce le moment indiqué pour suspendre l’audience ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, Monsieur le Président.

(L’audience est suspendue.)
COMMANDANT ELWYN JONES

Plaise à Monsieur le Président, je voudrais faire une petite correction aux numéros de cote d’audience des documents. Le numéro D-953 a été donné deux fois comme GB-564 et comme GB-565. D-953 sera GB-564 et le document suivant, D-955, sera le GB-565.

LE PRESIDENT

Que sera le dernier document que vous avez mentionné, 564 ou 565. Vous avez encore mentionné un document après celui-là ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Le dernier document, D^955, que viens de présenter, sera le GB-565. C’est une déposition finale sous serment d’un commerçant juif, Mojzesz Goldberg.

Il dit : « Le 23 juin 1941, je fus appelé à l’Année soviétique à Lemberg. Au milieu de juillet, je fus fait prisonnier par les Allemands. Dans une localité à 5 kilomètres de Podwoloczysk, les compagnies SS firent sortir les Juifs de la masse des prisonniers et les fusillèrent immédiatement. Je restai vivant, étant donné qu’ils ne reconnurent pas que j’étais Juif. J’insiste sur le fait que ce sont les Waffen SS qui ont fait cela.

Après la fin de ma captivité, je vécus à Radom et je travaillai de juin 1942 à juillet 1944 pour les Waffen SS dans trois endroits différents, le détachement de dépôt SS vétérinaire, Koseinskistrasse, l’administration des Waffen SS, de la place Planty II, et à la direction des bâtiments des Waffen SS, Slowacki Strasse, 27. Comme j’ai travaillé longtemps pour les SS, je connaissais les noms et les visages de tous les officiers et sous-o’fficiers des détachements ici nommés. A la tête du détachement de renfort SS vétérinaire était le Sturmbannfuhrer Dr Held et le Hauptsturmführer Schreiner. A la tête de l’adiministration de la garnison, l’Obea’sturmführer Gra’bau (actuellement au camp de Dachau) et à la tête de la direction des bâtiments l’Oberscharführer Seiler. Toutes les personnes mentionnées prirent une part directe, ainsi que leurs compagnies, à l’exécution des expulsions à Radom les 5, 16 et 17 août 1942, au cours desquelles quelques milliers de personnes furent fusillées sur-le-champ. Je ’sais que les compagnies de renfort de SS vétérinaires quittèrent la ville pour exécuter en province des « expulsions » de Juifs. J’ai entendu des soldats se vanter du nombre de Juifs qu’ils avaient tués. Je connais d’après leurs propres récits que ces mêmes compagnies participèrent aux actions contre les partisans polonais et aussi qu’ils incendièrent des villages environnants. »

Dites-vous toujours que les Waffen SS n’ont pas pris part aux atrocités commises en Pologne ?

TÉMOIN HAUSER

J’ai l’impression que ce document n’est pas digne de foi. Comment des unités de compagnies vétérinaires pouvaient-elles participer à de telles mesures ? Je ne peux pas en dire davantage, car je ne connais pas les unités.

COMMANDANT ELWYN JONES

C’est un document d’un homme qui a travaillé deux ans pour les Waffen, SS, qui les connaissait personnellement, qui leur parlait. C’est un homme de 36 ans qui a souffert par eux, et il a également mentionné en détails les compagnies de Waffen SS qui ont participé à ces actions.

Est-ce que vous affirmez encore que les Waffen SS n’ont pas pris part à ces actions ?

TÉMOIN HAUSER

Ce sont des unités de l’arrière que parais^ sent avoir appartenu aux Waffen SS. Je ne puis dire plus que cela.

LE PRÉSIDENT

Connaissez-vous le nom de certains des officiers mentionnés dans ce document ?

TÉMOIN HAUSER

Non.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous jamais été à Radom ?

TÉMOIN HAUSER

Non.

LE PRÉSIDENT

Savez-vous qu’il y avait des Waffen SS dans ces localités mentionnées dans cette déclaration ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’ai pas compris ce qu’a dit Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Saviez-vous qu’il y avait des quartiers généraux ou des unités de Waffen SS dans quelques-unes des localités nommées dans cet affidavit ?

TÉMOIN HAUSER

Des unités des divisions mentionnées ? Non, elles ne peuvent pas avoir séjourné dans ces régions, autant que je sache, et aucun quartier général non plus.

LE PRÉSIDENT

Eh bien, la personne qui a fait cet affidavit mentionne les unités qui étaient cantonnées dans différents endroits à Radom. Ce que je vous demande, c’est si vous saviez qu’il y avait des Waffen SS dans ces localités ?

TÉMOIN HAUSER

Non, je ne peux pas le dire.

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, vous avez dat que les unités de Waffen SS ont respecté les lois internationales et n’ont pas commis d’atrocités.

Avec votre autorisation, Monsieur le Président, j’ai l’intention maintenant de verser un résumé des accusations soumises à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies par les commissions nationales des divers pays qui ont souffert par les Waffen SS. Outre ces résumés, je puis verser des copies certifiées conformes des accusations elles-mêmes qui établissent les détails des incidents dont on se plaint et j’estime que ces accusations et ces résumés ont une valeur probatoire. Il et vrai que ces accusations n’ont pas donné lieu jusqu’ici à des actions judiciaires et que les coupables dont les noms ont été prononcés n’ont pas encore été jugés, mais j’estime néanmoins que ces résumés ont une valeur probatoire et je demanderai au Tribunal d’en prendre acte.

LE PRÉSIDENT

Peut-être pourriez-vous nous en dire davantage sur la nature des documents que vous versez ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Les documents que je verse mentionnent les noms des différentes divisions de Waffen SS, les unités qui ont pris part aux actions, la date à laquelle a été commis le crime, la nature et le lieu de l’incident lui-même et la source ’de l’information. Ils proviennent des archives de la Commission des criminels de guerre des Nations Unies ou de la Commission d’instruction du SHAEF (GQG allié) qui a soumis l’affaire à la Commission des criminels de guerre des Nations Unies.

LE PRÉSIDENT

Ce ne sont pas des preuves, ce ne sont que des références. Ils ne contiennent pas de preuves ou de résumé des preuves, n’est-ce pas ?

COMMANDANT ELWYN JONES

Mais ils contiennent un résumé des preuves ; et les accusations certifiées que je fournis au Tribunal contiennent bien plus de détails que le résumé lui-même que j’ai l’intention d’utiliser à l’égard du témoin. Peut-être n’y aurait-il pas d’objections à ce que vous puissiez, Monsieur le Président, y jeter un coup d’œil...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Elwyn Jones, estimez-vous que ces rapports tombent sous l’article 21.

COMMANDANT ELWYN JONES

Oui, Monsieur le Président,

Ce sont des rapports officiels qui ont été soumis par les autorités des Nations à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies ; ils constituent des témoignages et ils ont été abrégés sous la forme de résumé de chefs d’accusation.

Monsieur le Président, si vous vouliez regarder une de ces feuilles, sans obligation de l’admettre ou non, cela pourrait peut-être être utile.

Si vous y consentez Monsieur le Président, Sir David Maxwell-Fyfe pourra déclarer quelles ont été les méthodes qui ont présidé à l’adoption de ces charges, et il serait peut-être utile que Sir David expose cette méthode au Tribunal.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, on doit commencer par l’article 21 qui dit que le Tribunal prendra aussi acte des documents officiels des Gouvernements, de rapports des Nations Unies, y compris les actes et les documents établis dans les diverses nations pour la recherche des crimes de guerre.

Monsieur le Président, la procédure qui a été établie a été que la Commission des crimes de guerre des Nations : Unies sous la présidence de Lord Findlay, puis de Lord Wright, a rassemblé les documents, les a contrôlés et les a ensuite renvoyés aux différentes nations plaignantes. Le Bureau national envoyait un rapport à la Commission des criminels de guerre des Nations Unies, qui le contrôlait et le renvoyait ensuite à l’administration des différents pays chargée de la répression des crimes.

Ce qui est présenté ici, c’est un résumé des rapports envoyés par les divers pays à la Commission des crimes die guerre des Nations Unies, sous la forme de projets d’accusation, avec un résumé joint des preuves à l’appui. Elles sont disponibles et elles sont authentiques. Le document que nous désirerions utiliser pour la commodité du Tribunal est un tableau des charges montrant l’unité, la date, l’endroit, l’incident et la source, y compris les documents cités par la Commission des crimes de guerre des Nations Unies.

LE PRÉSIDENT

Si je comprends bien ce que vous avez dit, c’est que ces documents, dont ceci est un résumé, ont été envoyés à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies pour une approbation quelconque ; après quoi, elle les a renvoyés aux nations en question ; ensuite, ils ont été remis à des tribunaux pour juger ces gens, dont la Commission des crimes de guerre a approuvé le jugement.

C’est exact ?

Donc, les résumés présents seraient un résumé de charges qui n’ont pas été encore approuvées par la Commission des criminels de guerre des Nations Unies.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président peut-être que oui, peut-être que non.

C’est un rapport antérieur de la Commission des criminels de guerre des Nations Unies ; chaque Nation Unie avait son office national pour les enquêtes et les rapports sur les crimes de guerre et c’est une mesure essentielle que l’Office national devait d’abord rassembler les preuves, établir les charges et fournir ce rapport à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies. Puis ce rapport revenait, avec une approbation ou un commentaire de la Commission des crimes de guerre des Nations Unies, aux autorités juridiques des divers pays.

Pour la clarté, je cite mon propre exemple. Lorsque j’étais chargé de ce travail, l’Office national britannique était à la charge du conseiller juridique du Trésor, Thomas Barnes ; c’est lui qui a rassemblé les document des différents comités d’enquêtes, qui les a envoyés à la Commission des crimes de guerre des Nations Unies ; celle-ci a fait ses commentaires, puis ces documents sont revenus à moi et j’ai alors décidé s’il y aurait ou non des poursuites. Mais, Monsieur le Président, je fournis ici un rapport authentifié des Nations Unies. Il s’agit du comité que chaque nation a établi pour recueillir des preuves et pour les transmettre à qui de droit. Nous estimons que le fait que chacune des Nations Unies, par un comité autorisé, a rassemblé les preuves, les a résumées et déposées, leur donne, ipso facto, une valeur probante.

LE PRÉSIDENT

Vous dites, n’est-ce pas, que cela est absolument en accord avec les termes de l’article 21, troisième ligne avant la (in où il est dit : « Les document provenant des différentes commissions instituées dans les différentes nations alliées po’ur l’instruction des crimes de guerre... »

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

C’est exact.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal voudrait examiner un de ces documents pour voir exactement quelle en est la nature. Avez-vous un document original ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, voici un document qui est certifié par le colonel Lenmgbam, Secrétaire général de la Commission des crimes de guerre des Nations Unies. En voici un qui a été accepté par la Commission des crimes de guerre des Nations Unies, de même que beaucoup d’autres.

LE PRÉSIDENT

Nous avons regardé ce document ; maintenant, avant de suspendre pour considérer la question, le Tribunal voudrait savoir si vous avez encore autre chose .à dire, Sir David.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, j’ai attiré l’attention sur le fait qu’un certain nombre ont déjà été acceptés- par la Commission des Nations Unies. Cela serait encore nécessaire pour mon argumentation.

LE PRÉSIDENT

En somme, vous désirez faire usage du résumé que vous avez là ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Oui.

LE PRÉSIDENT

C’est donc aux autorités nationales de décider.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Quand j’étais Attorney Général, c’était à moi de décider. Autant que je sache, la même procédure est appliquée dans d’autres pays où c’est à l’autorité nationale de décider. (M. Pelckmann s’approche.)

LE PRÉSIDENT

Oui, Monsieur Pelckmann.

M. PELCKMANN

Je ne puis juger par moi-même si les preuves que l’Accusation présente ici sont présentées sous la forme voulue et si elles doivent être considérées comme rapports des Gouvernements alliés ou bien de la Commission d’enquête sur les crimes de guerre, conformément à l’article 21. Je laisse avec confiance cette décision au Tribunal.

Mais une autre question me semble importante. D’après l’article 21, le Tribunal peut prendre acte de ces documents. Mais j’estime qu’il ne peut le faire que tant que l’Accusation expose ses preuves. Or, nous en sommes actuellement à l’exposé des preuves de la Défense. Si l’Accusation procède à un interrogatoire contradictoire au sujet de ces rapports, il n’y a rien à dire à cela non plus, je crois, au point de vue ’de la procédure. Seulement, si le Tribunal prend acte de ces rapports sans en avoir fait l’objet d’un interrogatoire contradictoire, je crois que cela ne peut être admis, c’est-à-dire, seulement si les témoins des SS qui sont appelés maintenant prennent position au sujet de ces documents.

LE PRÉSIDENT

Est-ce là vraiment une question que le Tribunal doit décider ? Il s’agit de savoir si les documents doivent être présentés maintenant, lorsque le témoin peut faire ses déclarations à ce sujet. Que l’article 21 soit applicable ou non, c’est une question qui ’devra encore être décidée, c’est une question de Droit. Il appartient entièrement au Tribunal de décider si les documents doivent être présentés maintenant ou plus tard.

M. PELCKMANN

Je croyais qu’il était important de dire que si le Tribunal adopte ces rapports comme des preuves, selon l’article 21, il ne peut, selon ma conviction, les admettre que pour les présenter au témoin, puisque l’exposé des preuves de l’Accusation est terminée.

Lorsque ces documents seront présentés au témoin, je considérerais comme équitable, étant donné la masse énorme de ces documents, qu’il fût donné à la Défense une occasion suffisante de s’organiser pour les examiner. Cela demanderait au moins deux jours. Si le Tribunal faisait usage de ces documents ;, ne fût-ce que pour en prendre acte, sans interroger de témoins, je ne considérerais pas cette procédure comme valable, parce que l’exposé des preuves de l’Accusation est terminé et que cela signifierait, d’une part, une extension non autorisée de la matière du Procès, et, d’autre part, une restriction des droits die’ la Défense.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal prendra en considération ce que vous avez dit et suspend l’audience pour délibérer.

(L’audience est suspendue.)
LE PRÉSIDENT

Le Tribunal n’admet pas l’affirmation de M. Pelckmann, qu’il est peu loyal ou injuste à l’égard die la Défense de présenter en ce moment des documents.

Après examen de toutes les circonstances de la procédure, il considère que, vu l’état actuel du Procès qui touche à sa fin, et vu la nature des documents qui sont versés par l’Accusation, le Tribunal ne doit pas admettre ce document maintenant.

COMMANDANT ELWYN JONES

Témoin, dans quelle division des Waffen SS avez-vous servi pendant la guerre ?

TÉMOIN HAUSER

Pendant deux ans, j’ai commandé la deuxième division SS, et plus tard...

COMMANDANT ELWYN JONES

Attendez, comment s’appelait cette division ? Quel en était le nom ?

TÉMOIN HAUSER

C’était la division qui s’est appelée plus tard « Das Reich » ; auparavant, elle portait le nom de « Division DV ». De 1942 à 1944, elle devint le second corps blindé SS, et, à partir de 1944, j’ai été de nouveau affecté à l’Armée.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je ne veux pas quitter, pour le moment, la division « Das Reich ». A quelle époque avez-vous servi dans cette division ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’ai pas compris exactement.

COMMANDANT ELWYN JONES

Combien de temps avez-vous servi dans la division « Das Reich » ? A partir de quel moment, jusqu’à quel moment ?

TÉMOIN HAUSER

A partir de sa formation en 1939, jusqu’à ma seconde blessure, en octobre 1941.

COMMANDANT ELWYN JONES

Est-ce que vous êtes retourné ’dans cette division plus tard ?

TÉMOIN HAUSER

Plus tard, je ne suis plus retourné dans cette division, j’ai été général Commandant en chef d’une armée.

COMMANDANT ELWYN JONES

Si bien que la division « Das Reich » est la seule où vous ayez servi, en campagne, en tant que commandant de division.

TÉMOIN HAUSER

Non, après moi, d’autres l’ont commandée.

COMMANDANT ELWYN JONES

Mais la division « Das Reich » était bien la seule division que vous ayez commandée personnellement pendant la guerre ?

TÉMOIN HAUSER

A l’époque où j’étais commandant de division, j’étais le seul commandant de cette division.

COMMANDANT ELWYN JONES

Avez-vous commandé d’autres divisions des Waffen SS, à part la division « Das ’Reich » ?

TÉMOIN HAUSER

Mon corps blindé comportait deux et plus tard, trois divisions.

COMMANDANT ELWYN JONES

Quelles étaient ces divisions ?

TÉMOIN HAUSER

La première était la 1° division, la « Leibstandarte » ; la seconde était la division « Das Reich » ; et la troisième, la division « Tête-de-Mort ». Plus tard, en 1944, la 9e et à la 10e division en ont fait partie également.

COMMANDANT ELWYN JONES

Quel était le nom de ces divisions ?

TÉMOIN HAUSER

Les noms étaient « Hohenstaufen » et « Götz von Berlidingen » ; non, excusez-moi, « Frundsberg ».

COMMANDANT ELWYN JONES

Durant quelle période la division « Leibstandarte » se trouva-t-elle sous votre commandement ?

TÉMOIN HAUSER

Depuis le début de 1943 ; depuis la fin du mois de janvier jusqu’au début du mois d’août, la division « Leibstandarte » a été sous mon commandement.

COMMANDANT ELWYN JONES

De janvier à août 1943 ?

TÉMOIN HAUSER

Oui.

COMMANDANT ELWYN JONES

Vous commandiez cette division ou plutôt ce corps d’armée dont faisait partie la division « Leibstandarte » ?

TÉMOIN HAUSER

La division était sous mon commandement aux combats près de Kharkov, oui.

COMMANDANT ELWYN JONES

Savez-vous que la ville de Staroverovka fut incendiée par le 2e régiment de la division « Leibstandarte » ?

TÉMOIN HAUSER

Non, je n’en sais rien.

COMMANDANT ELWYN JONES

Et que ce régiment a aussi incendié Stanitschnoje ?

TÉMOIN HAUSER

Non, je ne le sais pas.

COMMANDANT ELWYN JONES

Et qu’il a incendié Jefremovka près de Kharkov, exterminant la population civile au printemps de 1943 ?

TÉMOIN HAUSER

Je ne sais pas cela et ne puis le croire, car les combats d’alors ne laissaient pas le temps d’accomplir d’autres tâches que les tâches militaires.

COMMANDANT ELWYN JONES

La lutte ne donnait pas le temps à vos troupes d’incendier les villages qu’elles traversaient, dites-vous ? Et pourtant, c’était là un des caractères essentiels de votre guerre à l’Est, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Non, je conteste cela. La notion de « terre brûlée » n’a pas pris naissance chez nous. Lorsqu’il s’est trouvé que les localités étaient incendiées pendant le combat, c’était souvent une chose inévitable, mais je ne crois pas qu’elles l’aient été avec intention ; car l’intérêt des opérations demandait que ces localités fussent reprises.

COMMANDANT ELWYN JONES

C’est en raison d’incidents comme ces incendies que Himmler disait aux officiers de vos trois divisions SS la terrible réputation qu’elles avaient acquise. C’étaient pourtant là des exemples typiques de la façon dont vous faisiez la guerre sur le front oriental, n’est-ce pas ?

TÉMOIN HAUSER

Non, Himmler n’a pas dit de telles choses dans ses discours là-bas. Il a parlé de la terreur que, moi, personnellement, j’ai refusé de pratiquer.

COMMANDANT ELWYN JONES

La division « Das Reich », quand s’est-elle trouvée sous votre commandement ?

TÉMOIN HAUSER

Cette division s’est trouvée à la même époque sous mon commandement, de fin janvier 1943 jusqu’au mois d’août de cette même année.

COMMANDANT ELWYN JONES

L’avez-vous commandée plus tard comme général ou comme commandant d’armée ?

TÉMOIN HAUSER

Je l’ai commandée plus tard ; lorsque je commandais une armée, j’ai eu cette division sous mes ordres, en Normandie.

COMMANDANT ELWYN JONES

Avez-vous reçu des rapports sur les nombreux meurtres et les incendies de villages dont la division « Das Reich » était responsable, en juin 1944 ?

TÉMOIN HAUSER

Je connais par l’Accusation le reproche que, dans le Sud de la France, dans la lutte contre l’armée secrète, elle a combattu et que les localités ont été incendiées. A cette époque, cette division n’était pas encore sous mes ordres, j’étais encore dans l’Est. Je n’ai appris ces événements qu’ici, en captivité.

COMMANDANT ELWYN JONES

Je ne parle pas de villages qui ont été incendiés au cours d’actions militaires mais de villages qui ont été incendiés par suite de mesures punitives prises par votre division de Waffen SS. Avez-vous jamais reçu des comptes rendus traitant de cette question ?

TÉMOIN HAUSER

Je n’ai appris qu’ici, par l’Accusation, un cas unique dans le Sud de la France.

COMMANDANT ELWYN JONES

Par exemple, en juin 1944, le « Panzer Grenadier Régiment 3 » incendia le village de St-Germain-de-Belair. Vous n’en avez rien su ?

TÉMOIN HAUSER

Non, j’ignore le nom de cette localité.

COMMANDANT ELWYN JONES

Et Oradour-sur-Glane, c’est la division « Das Reich » qui a été responsable de cette atrocité, n’est-ce pas, lorsque 793 femmes, hommes et enfants ont été assassinés froidement ? Vous n’avez non plus jamais entendu parler des atrocités d’Oradour-sur-Glane qui ont été commises par la division « Das Reich », qui faisait partie de votre corps d’armée ?

TÉMOIN HAUSER

Cette localité et cette accusation, je les ai ’connues seulement par l’acte d’accusation, en captivité, mais auparavant, je n’ai eu aucune connaissance de ces faits. Il s’agit vraisemblablement d’une compagnie isolée de cette division qui a été mise en ligne par les ordres locaux des Feldkommandanturen.

COMMANDANT ELWYN JONES

Et le régiment des Panzergrenadiere, n’a-t-il pas été sous votre commandement ?

TÉMOIN HAUSER

Non, il n’était pas sous mes ordres alors. Il ne l’a été qu’à la fin de juin, lorsque, venant de l’Est, je suis revenu en France.

COMMANDANT ELWYN JONES

Il était caractéristique, à cette époque, d’employer des unités de Waffen SS dans un but de terreur. C’est le point essentiel pour lequel je vous interroge depuis un moment dans l’interrogatoire contradictoire.

TÉMOIN HAUSER

J’ai plusieurs fois exprimé que ce n’est pas une qualité typique de la division.

COMMANDANT ELWYN JONES

Quand avez-vous commandé la division « Tête-de-Mort » ?

TÉMOIN HAUSER

Cette division était sous mes ordres également à la même époque, de janvier à août 1943.

COMMANDANT ELWYN JONES

Savez-vous que la 7e compagnie de cette division du 1er régiment avait assassiné 40.000 Juifs, hommes, femmes et enfants à Varsovie ? Ne l’avez-vous jamais entendu dire ?

TÉMOIN HAUSER

En quelle année cela se serait-il passé ?

COMMANDANT ELWYN JONES

En 1943, lorsque vous commandiez ce corps dont faisait partie la division « Tête-de-Mort », avec sa grande tradition de meurtres, dans les camps de concentration.

6 août 46

TÉMOIN HAUSER

La division en question était sous mes ordres à Kharkov et non à Varsovie. Il s’agit encore vraisemblablement d’une confusion avec des hommes et des unités qui étaient sous l’autorité des camps de concentration.

COMMANDANT ELWYN JONES

Savez-vous que, par exemple en août 1943, le 1er régiment, la 7e compagnie de la division « Tête- de-Mort » a fusillé 40 prisonniers de guerre soviétiques près de Kharkov ?

TÉMOIN HAUSER

Non ; en outre, la division « Tête-de-Mort » n’était pas à Kharkov, en août, mais plus loin vers le Sud, sur le Mius.

COMMANDANT ELWYN JONES

Serait-ce le moment de suspendre l’audience ? Je n’ai plus que quelques questions à poser au témoin.

(L’audience est suspendue jusqu’à 14 heures.)