CENT QUATRE-VINGT-SEIZIÈME JOURNÉE.
Mardi 6 août 1946.
Audience de l’après-midi.
Témoin, saviez-vous que la division « Prince Eugène » était responsable des massacres de Lidice, au mois de juin 1942 ?
Je n’ai pas compris le nom de l’endroit.
C’est un endroit bien connu : Lidice, L-i-d-i-c-e.
Non, j’ai quitté dès 1941, et en conséquence, je n’avais plus aucun contact avec ma division. Je n’en ai rien entendu dire.
Entendez-vous ce nom prononcé pour la première fois aujourd’hui ?
Je pourrais presque l’affirmer.
Le monde entier connaît le massacre de Lidice. Voulez-vous prétendre sérieusement que vous n’avez jamais entendu prononcer ce nom auparavant ? Vous avez admis que la division « Prince Eugène » était une division SS, n’est-ce pas ?
Oui.
Je voudrais que vous regardiez le document D-944, qui sera déposé sous le numéro GB-566, car vous avez déclaré que les unités de Waffen SS n’incendiaient pas de villages et ne commettaient pas d’atrocités contre les civils. C’est une déclaration de la Commission yougoslave des crimes de guerre, faite par un membre des SS, Holtzer Leander ; il déclare :
« Au mois d’août 1943, la 23e compagnie a incendié un village sur la ligne de chemin de fer Jablanica-Prozor par ordre du chef de bataillon, Obersturmbannführer Wagner, sous le commandement du commandant de compagnie, Untersturmbannführer Schuh. Les habitants du village ont été fusillés, dans le même temps.
« Au mois d’août 1943, sous les ordres du même personnage, la 23e compagnie a incendié un village sur la ligne allant de Niksic à Avtovac, et les habitants du village furent fusillés. L’ordre de les fusiller provenait de Jablanica, et le village avait déjà été incendié le matin. Les fusillades de Pancevo ont été exécutées par l’agent de police Gross, ancien teinturier, et par Brunn, de la division SS « Prince Eugène » de Paneevo, un ancien meunier. Il reçut une récompense de 20.000 dinars pour les pendaisons qui eurent lieu dans le cimetière ».
Saviez-vous que des membres des Waffen SS étaient employés de temps en temps pour pendre des prisonniers ?
J’ai remarqué qu’une compagnie était désignée comme la 23e ; nous n’avons jamais eu ce genre de numérotation. Je ne peux pas vous en dire davantage, étant donné que cette division n’a jamais été placée sous mes ordres. Dans la division du « Prince Eugène », il y avait beaucoup d’hommes de race allemande des Balkans. D’ailleurs, le Commandant en chef Fritsch était lui-même un Allemand de race. Je crois qu’à cet endroit-là surtout, la guerre avait un aspect dans les deux camps, comme que nulle part ailleurs.
Je veux finalement m’occuper de l’unité d’organisation des SS. J’affirme que les Waffen SS, les Allgemeine SS, le SD et les détachements de la, police des SS, formaient une grande unité dans l’État nazi. Êtes-vous d’accord avec moi à ce sujet ?
Non, je vous ai déjà expliqué que cette unité apparente n’existait pas en réalité, de sorte que nous n’avions pas de rapports avec les SS, pas plus qu’avec le SD. Nous étions absolument indépendants et placés sous les ordres du Commandant en chef de l’Armée. Il n’y a eu qu’un très petit nombre de chefs de la police SS qui ont été détachés temporairement pour des missions à l’arrière. Je suppose donc qu’il en fut ainsi à Varsovie dont vous avez parlé déjà, où les troupes d’étape d’une brigade de cavalerie...
Pour les questions de discipline et de promotion, les Waffen SS n’étaient-elles pas sous l’autorité de Himmler ?
Seulement pour les affaires judiciaires. Tout d’abord, c’étaient les commandants de divisions qui étaient compétents pour les jugements, mais au-dessus de certaines peines, ils devaient demander que leurs jugements soient confirmés par Himmler.
Écoutez ce que le chef des SS, Himmler, a dit à propos de l’unité de son organisation, de ces SS armés, lorsqu’il s’adressait aux officiers de la SS-Leibstandarte « Adolf Hitler » :
« Ces Waffen SS ne vivront que si tout le système SS reste vivant, si le corps entier est réellement une congrégation qui vit suivant ces lois et comprend clairement qu’une partie ne doit pas pouvoir exister sans l’autre. On ne peut vous concevoir sans les Allgemeine SS ; ces dernières ne peuvent exister sans vous. La Police ne peut exister sans les SS, et les SS ne peuvent exister sans ce service exécutif de l’État qui est entre nos mains ». C’est un extrait du document PS-1918.
Il a encore dit en 1943 :
« II faut qu’il en soit ainsi, et il en sera ainsi ; sous le dixième Reichsführer SS, cette congrégation SS, avec tous ses services, les Allgemeine SS qui sont la base générale de tous ces services, les Waffen SS, la Police en uniforme, la Sipo (Police de sûreté’) avec toute l’administration économique, l’instruction, l’entraînement idéologique, toute la question raciale, tout cela ne forme qu’un seul bloc, qu’un seul corps, qu’une seule congrégation. N’est-ce pas là une image fidèle des SS ? » C’est extrait du document PS-1919.
Il ne dit pas qu’il en est ainsi, il dit que cela doit être ainsi, parce qu’il remarquait qu’il n’existait pas d’unité.
Et enfin, je voudrais vous montrer l’idée de Hitler concernant les Waffen SS, document D-665 (GB-280), dont j’ai parlé ce matin.
Vous n’avez pas donné le numéro de ce document où il était question de 1943 ?
Excusez-moi, c’est le fameux document PS-1919 (US-170). (Au témoin.) Voici les idées de Hitler sur les Waffen SS. Il dit que « le Grand Reich allemand, dans sa forme finale, ne comprendra pas exclusivement dans ses frontières des populations qui, depuis le début, sont bien disposées vis-à-vis du Reich. Il est donc nécessaire de maintenir en dehors du Reich une Police militaire d’État capable de représenter et d’imposer l’autorité du Reich dans tout le pays, en toutes circonstances ». Et il continue en disant : « Étant retournées dans l’Armée, après avoir prouvé en campagne ce qu’elles valent, les unités des Waffen SS auront l’autorité d’exécuter leurs missions en tant que Police d’État ». Ceci montre encore l’unité des SS ; ce sont les paroles du chef de l’État nazi. Voulez-vous dire qu’il se trompe et que vous avez raison sur ce point ?
Non, mais c’étaient là ses pensées pour l’avenir. Ceci n’était pas encore réalisé et il voulait le réaliser après la guerre.
Je n’ai plus de questions à poser, Monsieur le Président.
Monsieur le Président, je voudrais poser quelques questions au témoin ; pour compléter l’interrogatoire détaillé de mon très honoré collègue britannique, permettez-moi de le faire.
Je dépose, sous le numéro URSS-520 le rapport...
Monsieur Smirnov, avez-vous de nouvelles questions à discuter, ou de nouveaux documents à déposer ?
J’ai quelques nouveaux documents que je voudrais présenter, et à ce sujet je n’aurai que quelques questions à poser, en fait trois ou quatre seulement.
Je présente au Tribunal, sous le numéro URSS-520, le rapport final de la commission d’État yougoslave qui se rapporte spécialement à la division de montagne des SS « Prince Eugène ». M. Elwyn Jones a déjà cité plusieurs documents se rapportant à cette division. Ceci est un document détaillé.
Je demande au témoin de regarder à la page 3, puis 4 et 5 de ce document. C’est la liste des personnes qui ont été tuées par cette division au cours d’une seule action. En fait, ce ne sont pas les noms de personnes isolées, mais seulement les noms des chefs des familles qui ont été mises à mort par cette division. Je prie le témoin de suivre, pendant que je vais lire deux paragraphes de ce long rapport. Je cite, page 5 du texte russe :
« Après la tuerie, les groupes SS sont partis dans la direction des villages de Srij âne, Bisko, Gornji-Dolec et Putisic, afin de continuer leurs meurtres et leurs incendies... »
Voulez-vous nous dire à quelle page cela se trouve dans le document en anglais ?
Mais oui, certainement, Monsieur le Président, c’est à la page 6, le quatrième paragraphe à partir de la fin du document. Permettez-moi de continuer, Monsieur le Président, Je cite :
« Après les tueries, ces troupes de SS sont parties dans la direction des villages de Srijane, Bisko, Gornji-Dolec et Putisic, afin de continuer leurs meurtres et leurs incendies. Elles ont emmené avec elles tout le bétail trouvé dans les villages incendiés.
« Les atrocités commises à cet endroit, en mars 1944, dans le district de Split, sont remarquables par un fait particulier : à savoir un cynisme terrible, sans précédent dans les annales criminelles. Ils ont enfermé des femmes et des enfants dans des granges pleines de foin et de paille, leur ont tenu des discours et les ont ensuite brûlés vifs. »
Je vous demande, témoin, n’est-ce pas en contradiction absolue avec ce que vous avez dit au sujet de l’activité des SS, cette description des crimes les plus horribles contre l’Humanité ?
D’après ces deux paragraphes, je ne peux vous répondre qu’une chose, c’est que Split est dans les Balkans. Je ne sais rien d’autre. J’ignore de quelle formation l’on parle, il m’est donc impossible de prendre position.
Je demande la permission de vous présenter un autre document, qui est une déposition d’une personne que vous connaissez très bien. Vous vous souvenez du nom, de August Schmidthuber ? Vous souvenez-vous de ce général ?
Oui, je connais ce nom.
Vous vous souviendrez peut-être qu’il commandait un bataillon dans la division « Das Reich » à la même époque où vous étiez un commandant de cette division ?
Il était à la division avant que je ne la commande ; c’est pourquoi je le connais ; mais ensuite, il a été longtemps en service dans les Balkans.
De cette déposition du général de brigade des Waffen SS, je voudrais citer seulement une phrase. Je vais soumettre l’original au Tribunal. Je vous prie d’écouter cet alinéa, page 3 du texte russe :
« Le commentateur militaire m’a fait savoir qu’à Krivaja Reka, le commandant de mon premier bataillon, Kaaserer, a enfermé dans une église — je souligne dans une église — un grand nombre de curés, et ensuite a fait sauter cette église. Je ne sais pas combien de personnes ont péri alors. »
Témoin, est-ce que vous considérez une telle action comme un crime très grave contre l’Humanité, ou non ?
Je pense qu’il n’y a pas eu de témoins directs, ce sont des rapports qui sont parvenus par la voie de différentes personnes.
Non, c’est une déclaration d’un commandant de division au sujet d’une information officielle d’un commentateur militaire. C’est le rapport d’un général des Waffen SS, c’est donc un témoignage original et non un simple ouï-dire.
Oui, mais ce rapport, il semble l’avoir reçu du chef de bataillon, il m’est donc impossible de prendre position sur la matérialité des faits. Je n’étais pas présent là-bas, la division n’a jamais été sous mes ordres.
Alors, vous direz peut-être quelque chose au sujet du document suivant, le document URSS-513. Est-ce que je vous ai bien compris hier, témoin, quand vous disiez que les SS n’exécutaient pas les otages ?
J’ai même dit qu’à ma connaissance, les divisions qui étaient sous mes ordres n’ont jamais fait d’otages.
Je vais lire trois phrases d’une déclaration du SS-Sturmbannführer Breimaier, commandant un bataillon de la division « Prince Eugène » ; suivez-moi, s’il vous plaît :
« Le 3 novembre 1943, vers vingt heures, a été tué dans une embuscade un soldat allemand dans la rue de Velike, à Sinj. Comme malgré tous les efforts on n’a pas pu trouver le coupable et que la population n’a pas voulu nous aider à le faire, 24 civils seront fusillés, un sera pendu. Ce jugement sera exécuté le 5 novembre 1943, à 5 heures 30. Signé : Breimaier, SS-Sturmbannführer et commandant de bataillon ». Je passe la suite qui est peu importante.
N’est-ce pas un exemple typique des exécutions d’otages perpétrées par les SS ?
J’entends le nom de Breimaier pour la première fois. Je ne sais pas s’il a auparavant établi une cour martiale ou non ; si les choses se sont passées comme ci-dessus décrites, il en avait le droit.
Peut-être pourrais-je vous persuader par d’autres exemples et preuves oculaires. Je demande qu’on vous montre ces deux photographies.
Plaise au Tribunal. Je lirai un court extrait d’un rapport de la commission d’État yougoslave. L’original de ce rapport a été remis par nous au Tribunal. Écoutez donc dans quelles circonstances ces personnes furent décapitées.
« Le 9 juin 1944 et les jours qui ont suivi, les troupes SS de Trieste ont commis sur les habitants Slovènes de la région côtière des violences et des crimes semblables à ceux constatés plus haut. »
Je passe les deux phrases suivantes qui ont une valeur cumulative :
« Ces jours-là, les criminels hitlériens ont fai prisonniers deux soldats yougoslaves de l’armée de libération yougoslave, et des unités de partisans Slovènes. Ils les amenèrent à Razorie, leur mutilèrent la face à coups de baïonnettes, leur crevèrent les yeux et leur demandèrent s’ils pouvaient encore voir Tito. Puis ils amenèrent des paysans devant lesquels ils décapitèrent les deux victimes, ceci devant la maison de Sedej, puis placèrent les têtes sur une table.
« On a trouvé, dans la suite, sur un de ces Allemands tués dans un combat, des photographies représentant justement les événements qu’on vient de décrire, et l’on peut y voir qu’elles reproduisent les faits mentionnés ci-dessus, c’est-à-dire les crimes des bourreaux sanguinaires allemands à Razorie.
Ne considérez-vous pas cela comme un exemple typique de crime contre l’Humanité ?
S’il s’agissait des Waffen SS, ce seraient des crimes, mais cela n’a été prouvé nulle part. Ce ne serait d’ailleurs qu’une des 35 divisions des Balkans, et on généralise pour l’étendre à tout le corps des Waffen SS.
Alors, je me permettrai de vous présenter encore un document original allemand URSS-133. C’est un texte à caractère d’information, provenant du commandement allemand et adressé au commandement italien. J’en lirai seulement deux phrases. Vous avez déclaré hier que les Waffen SS n’ont jamais tué de prisonniers de guerre ? Vous ai-je bien compris ?
Oui.
Je vous demanderai alors d’écouter deux phrases de ce document original allemand. Voici la première phrase au commencement du texte :
« Le groupe Ouest de la division SS se trouve près de Ripac en face des barrages que l’on est en train de supprimer. » Je saute les phrases suivantes et continue : « En résultat d’un combat décisif, nous avons eu 23 tués et 34 blessés, mais il y a plus de 100 cadavres ennemis dénombrés. Ont été fusillés : 47 prisonniers... » Remarquez les mots suivants : « Ont été fusillés : 47 prisonniers et puis 363 personnes qui avaient été arrêtées préventivement ». Ne trouvez-vous pas que, lorsque, dans un rapport échangé par deux commandements, il est officiellement mentionné que des prisonniers ont été tués, cette mesure, passée tout à fait dans l’usage chez ces Waffen SS est très cruelle ?
Ici un lieutenant fait un rapport sur des crimes qui auraient été commis par une formation des Waffen SS, sans qu’il donne les moindres informations sur la formation à laquelle cette unité appartient. Il m’est donc impossible de prendre position.
Il me semble que le chiffre de 47 prisonniers de guerre tués est une donnée tout à fait concrète et précise ? Ne le croyez-vous pas ?
Je n’ai pas de preuve qu’il s’agissait là d’hommes des Waffen SS.
Dans ce cas, je vous demanderai de répondre encore à quelques questions.
Saviez-vous où agissait le 3e corps blindé de Waffen SS, sur le territoire de l’URSS ?
Le troisième ? Est-ce un corps d’armée ou un Corps blindé ? Je pense que c’était dans le secteur sud.
Non, il était engagé en Estonie. Connaissez-vous le général Steiner ?
En effet, le général commandant s’appelait Steiner.
Saviez-vous où agissait la division « Tête-de-Mort » ?
Oui, nous en avons déjà parlé aujourd’hui.
Elle agissait dans les districts de Demjansk, Pavlovsk et dans les autres districts de la région de Novgorod, n’est-ce pas ?
Vous parlez de Demjansk, est-ce que j’ai bien entendu ?
Oui.
En effet, la division était là-bas.
Cette division était commandée par le général Eicke, n’est-ce pas ?
Eicke ? Eicke, oui, c’est cela.
Savez-vous où agissait la division « Adolf Hitler » ?
Au même moment où la division « Tête-de-Mort » était à Demjansk ? Je crois que c’était également dans le secteur sud de Demjansk qu’agissait l’autre division. Je crois que c’était en 1940, ou peut-être en 1941.
C’est exact. Cette division était commandée par le général Simon, n’est-ce pas ?
Oui, Simon fut le successeur de Eicke.
En effet, c’est juste. Alors, dites-moi, quand l’Obergruppenfûhrer Dietrich commanda-t-il cette division Adolf Hitler ? Était-ce après ?
Non, il l’a commandée jusqu’en été 1943.
Saviez-vous où agissait la 134e division SS ?
Nous n’avons jamais eu de numéro aussi élevé.
Et la 97s division, le « Lys d’Or » ?
Cela n’existe pas. Nous avions au plus 35 à 40 divisions.
Mais le « Lys d’Or » était bien une division SS, n’est-ce pas ?
J’entends ce nom ici pour la première fois. Comment dites-vous ?...
Lys d’Or.
Non, cela m’est entièrement inconnu.
Et la brigade d’assaut « Langemark », ce nom est-il aussi nouveau peur vous, ou bien avez-vous déjà entendu ce nom ?
« Langemark » ? Oui, il doit aussi avoir fait partie du 3e corps de blindés allemands.
Connaissez-vous le Sturmbannführer Sehling ?
Je n’ai pas compris le nom.
Sehling.
Non, je ne le connais pas.
Connaissez-vous le Generalleutnant Lüneberg ?
Lingeberg, oui.
Non. Lüneberg.
Lùneberg était le commandant de la division de Police SS.
Oui, en effet, de la SS-Polizei division (de la division de Police SS) ; le général Lùneberg la dirigeait.
Monsieur le Président, je présente au Tribunal un rapport de la Commission extraordinaire d’État sur les parties des Waffen SS qui agissaient sur le territoire soviétique occupé par les Allemands et sur le traitement qu’ils ont fait subir à la population civile et aux prisonniers. Ce rapport a été rédigé d’après les documents de la Commission extraordinaire soviétique, et a été signé par le secrétaire responsable de cette commission Bogo-jawlensky. Ce document a été pourvu d’un cachet et va peut-être faciliter le travail du Tribunal quant à l’examen des documents provenant de la Commission extraordinaire d’État qui ont déjà été présentés au Tribunal auparavant.
Monsieur Smirnov, avez-vous, l’original de ce document ?
Oui, Monsieur le Président.
Je voudrais le voir.
Très bien.
Monsieur Smirnov, avez-vous déjà déposé le rapport de la Commission extraordinaire ?
Oui, Monsieur le Président. Toute une série de documents de la Commission extraordinaire a été présentée : rapports sur le SSR estonien, sur Kiev, Kharkov, etc. ; ceci est simplement une récapitulation des documents qui ont déjà été présentés auparavant.
Monsieur Smirnov, est-il constitué d’extraits de comptes rendus de cette Commission extraordinaire ?
Non, Monsieur le Président, c’est une simple énumération exacte des différentes unités militaires qui agissaient sur tel et tel territoire. Ce ne sont pas des extraits du rapport de la Commission extraordinaire, mais simplement une énumération des unités et subdivisions d’unités des Waffen SS qui agissaient sur tel et tel territoire. Dans la plus grande partie des cas, les faits qui ont servi de base d’appréciation au sujet de ces unités peuvent être trouvés dans les rapports de la Commission extraordinaire déjà présentés au Tribunal antérieurement.
Je crois, Monsieur Smimov, que le Tribunal apprécie la peine que vous avez prise en faisant préparer ce document pour faciliter la tâche du Tribunal, mais il considère qu’il est préférable de s’en tenir au rapport de la Commission extraordinaire, qui est déjà déposé.
Bien, Monsieur le Président. Je n’ai pas d’autre question à poser au témoin.
Témoin, quelle unité commandiez-vous au moment de la déclaration de la guerre contre la Russie ?
Au début de la guerre contre la Russie, j’étais chef de la division « Das Reich ».
Et où cette division était-elle stationnée au début de la guerre ?
Elle était dans le secteur du centre du front oriental.
Secteur centre du front oriental ? Et fut-elle engagée lors des premières attaques contre l’Union Soviétique ?
L’attaque a eu lieu à l’ouest de la Bérésina et au sud de Brest-Litovsk. Mais la division n’était pas encore déployée là, elle n’arriva que plus tard.
Vous voulez dire qu’elle n’avait pas été engagée dès le premier jour en combat ?
Non, elle suivait comme échelon de réserve.
Combien de temps après le début des hostilités ?
Oui, mais il y avait aux points de rupture plusieurs divisions les unes derrière les autres, parce que les divisions motorisées ne pouvaient progresser que sur de bonnes routes.
Je vous ai demandé combien de temps après le début des hostilités votre division a été engagée.
Deux à trois jours seulement après la déclaration des hostilités.
Et vous voulez dire au Tribunal qu’à ce moment ou à peu près à cette époque vous n’aviez jamais entendu parler de l’ordre donné de tuer les commissaires ?
J’ai déjà expliqué que cet ordre concernant les commissaires ne m’était pas parvenu, et qu’en conséquence la division n’a pas pu agir selon ces directives. Je sais seulement que ce n’est que plus tard que nous avons reçu un ordre de « séparer » les commissaires. Mais j’ai déjà dit que les troupes n’avaient pas grand-chose à faire avec cela, parce que les commissaires des troupes n’étaient pas reconnus.
Vous dites que vous n’avez pas reçu cet ordre ; mais moi, je vous ai demandé si vous aviez entendu parler de cet ordre ?
Quand vint le deuxième ordre au sujet de la « séparation », il me semble à ce moment-là avoir entendu dire qu’il y avait eu un premier ordre, mais qu’il n’avait pas été transmis par le Commandement en chef à beaucoup de services.
L’ordre précédent de tuer les commissaires ?
Nous n’avons pas reçu cet ordre, et c’est de ce premier ordre que je voulais parler.
Vous avez dit que vous avez entendu parler du premier ordre, lorsque vous avez reçu le second. Je voudrais savoir si l’autre ordre était celui de tuer les commissaires.
Je n’ai pas très bien compris la question.
Vous avez dit que vous aviez reçu un deuxième ordre de « séparer » les commissaires et qu’à ce moment-là vous avez entendu parler du premier ordre ; quel était ce premier ordre ?
Je crois avoir entendu parler du premier ordre, de l’ordre de tuer les commissaires ; mais seulement plus tard, quand l’ordre fut venu de séparer nettement les commissaires.
Le témoin peut se retirer.
Puis-je encore ajouter un mot, Monsieur le Président ?
Oui, certainement ; je croyais que vous aviez déjà terminé.
Au cours de l’interrogatoire contradictoire de ce témoin par les Ministères Publics russe et britannique, ceux-ci ont apporté 20 à 30 documents complètement nouveaux, pour autant que j’aie pu m’en rendre compte. Tous ces documents ne concernent pas l’interrogatoire du témoin.
Monsieur Pelckmann, le but du deuxième interrogatoire est de poser des questions et non de discuter.
Oui, je le ferai. Je ne poserai pas de questions concernant les documents dont je parlerai encore, car le Ministère Public, lui non plus, n’a pas posé de questions. Je voulais simplement dire qu’ils ne pouvaient pas être pris en considération. Un de ces documents est en langue polonaise et, malheureusement, je n’ai pas pu le lire et ne peux pour cette raison pas poser de question à ce sujet.
Témoin, de l’un des documents rédigés en anglais, qui comprend 184 pages et intitulé : « Crimes allemands en Pologne », je veux simplement vous citer un passage comme exemple, une affiche. Lisez, s’il vous plaît, cette affiche et dites-moi si cela a affaire avec les Waffen SS et dites au Tribunal, si vous le pouvez, à quelle page se trouve cette affiche.
Cette affiche se trouve après la page 184. Elle renferme un avis du chef des SS et de la Police ; c’est en somme un organe du chef supérieur des SS et de la Police, qui n’a rien à faire avec les Waffen SS, ainsi que je l’ai déjà dit plusieurs fois.
Je vous présente en outre un document, n° PS-4039, sur lequel le Ministère Public ne vous a pas interrogé. Voulez-vous nous dire en quoi ce document concerne les Waffen SS ?
Le chef du district de Varsovie, c’est-à-dire un fonctionnaire sous les ordres du Gouverneur Général, a publié là un avis qui n’avait rien à faire avec les Waffen SS.
Est-ce qu’il ne dit pas quelque chose des Waffen SS ?
Il dit simplement que l’Armée allemande...
Exprimez-vous clairement ; y a-t-il quelque chose là-dedans au sujet des Waffen SS ?
Je regrette de devoir vous répondre que non. Il n’y a rien de semblable dans ce document.
Je vous présente maintenant le document PS-4038. Ce document ne vous a pas été présenté non plus par le Ministère Public. Lisez, je vous prie, ce document tranquillement, et dites-moi quel rapport cela a avec les Waffen SS ?
Quel est le numéro du document ?
PS-4038, Monsieur le Président.
C’est également un document publié par le chef du district de Varsovie, soumis au Gouverneur Général ; il n’a rien à faire avec les Waffen SS.
Je vous transmets en outre un document, D-954, autant que je peux voir ; c’est peut-être 57, je n’en suis pas sûr. Toutefois, c’est une déposition de témoin, du 27 mai 1946, du...
Je crois que tous ces documents sont suffisamment éloquents et que s’ils ne parlent pas des Waffen SS, le Tribunal prendra ce fait en considération.
Oui, Monsieur le Président. Je me demande alors pourquoi on les a présentés ; je me permets de signaler qu’ils n’ont aucun rapport. Je ne verse plus le second document puisque M. le Président vient de me faire cette réflexion. (Au témoin.) Et pouvez-vous nous dire, témoin, dans ce livre D-956 que vous avez vu, s’il y a quoi que ce soit sur les Waffen SS ?
Étant donné que je l’ai vu brièvement, il m’a été impossible de m’en rendre compte.
Je vous remercie. Il vous a été parlé, témoin, du discours de Himmler à Kharkov ; vous avez dit que ce point de vue de Himmler était faux, à savoir que la terreur avait été utile aux troupes. Avez-vous exprimé cette idée à Himmler et sous quelle forme ?
Le jour même, j’ai exprimé mon avis à Himmler, et, comme c’est l’usage pour les subordonnés, seul à seul.
On a parlé ici de la division « Prince Eugène ». Combien y avait-il de divisions dans les Waffen SS ?
Autant que je sache, il y en avait environ 35, peut-être même davantage, mais elles n’ont pas toutes existé au même moment. Une de ces divisions portait le nom de « Prince Eugène », et j’ai déjà dit qu’elle comprenait beaucoup d’Allemands originaires de pays étrangers.
Est-il exact aussi que dans ces divisions il y avait des Serbes et des Croates’ ?
Je ne peux vous donner de détails là-dessus. Il y avait plusieurs divisions dans les Balkans qui comprenaient également des Croates, des Monténégrins et des Musulmans.
Savez-vous que la lutte dans les Balkans, des deux côtés, a été menée de façon très dure, et vous a-t-on signalé aussi, des atrocités de l’autre côté. Je ne vous demande pas cela pour constater qu’il y a eu des atrocités de l’autre côté, mais je pose cette question pour pouvoir constater qu’on ne peut pas conclure d’actes isolés d’atrocités à un système de l’adversaire.
Je n’ai pu me rendre compte personnellement des conditions de combat des Balkans, mais je sais par l’Histoire que, déjà au cours de la première guerre, il y a eu des excès de ce genre dans les Balkans.
Vous connaissiez le front de l’Est, d’après les rapports que vous avez reçus. Je vous fais la même réflexion quant à l’intention contenue dans ma question.
Monsieur Peickmann, le témoin a déjà dit qu’il ne connaissait pas de détails à propos de la guerre des Balkans, donc les questions que vous lui posez à ce sujet n’auront aucun sens.
Oui. Monsieur le Président, sans doute m’avez-vous mal compris. Je ne parle pas uniquement des Balkans, mais du front de l’Est et des expériences qu’il y a faites.
Témoin, vous m’avez sans doute mal compris, j’étends ma question au front de l’Est.
Oui. De tels événements ont évidemment eu lieu. On les a tous centralisés et on les a tous produits par les soins du Chef suprême de l’Armée et je crois aussi par la Croix-Rouge de Genève. Je ne connais pas les détails et ne puis vous les donner.
Savez-vous que l’on a réuni tous ces faits ?
Oui.
Concluriez-vous donc de ces faits que l’Armée rouge agissait systématiquement de cette façon ?
Là-dessus, vous ne pouvez tout de même pas me demander d’expliquer si cette méthode était systématique ou non.
Monsieur le Président, je voudrais faire la déclaration suivante : la Défense a souvent essayé, au cours de ce Procès, avec l’appui de faits imaginaires publiés dans le Livre Blanc fasciste, de prouver qu’il y a eu aussi des atrocités de la partie adverse. Ces tentatives ont toujours été rejetées par le Tribunal, et je trouve que pour la question que vient de poser le défenseur, il devrait en être de même.
Monsieur Peickmann, le Tribunal considère que vous n’avez pas le droit de demander à ce témoin son opinion à ce sujet. Vous devez vous borner à lui poser des questions sur des faits, sur ce qu’il sait à propos de ces faits, et vous pouvez ensuite plaider au sujet de ces faits, lorsque le moment de le faire sera venu.
Témoin, pour bien éclaircir le sens de la question que j’ai posée, je vous prie de répondre à ce qui suit : lorsque maintenant vous voyez les faits que Ion attribue aux SS d’après ces documents, et dont les documents constituent tout d’abord une preuve, malgré cela diriez-vous encore que ce n’était pas un système, mais des cas isolés, comme il pouvait s’en produire partout, par suite de l’âpreté des combats, et qui étaient en partie la conséquence d’un manque de discipline de certains éléments étrangers ?
Ne croyez-vous pas que vous êtes encore en train de lui demander son opinion ? Il a déjà dit, au cours de l’interrogatoire contradictoire, ce qu’il avait à dire à propos de ces incidents auxquels ont participé les Waffen SS. Il a dit qu’il s’agissait d’incidents isolés. Il a déjà dit tout cela.
Vous avez vu un document qui concernait des exécutions d’otages, disant qu’on avait pendu un sujet yougoslave. Si vous aviez entendu parler d’un pareil cas parmi vos hommes, seriez-vous intervenu ?
En première ligne, c’est le chef de la justice militaire, c’est-à-dire le commandant de la division qui était compétent. Si moi, général en chef, j’avais appris une pareille nouvelle, je serais intervenu et j’aurais ordonné d’ouvrir une procès-dure judiciaire, et cela s’est produit plusieurs fois.
Vous avez entendu parler du cas d’Oradour, en France. Savez-vous si certaines de vos unités, lorsqu’elles étaient sous vos ordres, ont pris part à ce crime ?,
C’est par l’Acte d’accusation que j’ai entendu parler de cet événement. Je n’ai rien entendu dire d’autre. Il s’agit sans doute d’une aberration individuelle d’un chef de compagnie. C’était à une date précédant mon commandement, mais si cela était venu à mes oreilles, j’aurais donné au chef de division, s’il avait été sous mes ordres, l’ordre d’ouvrir une procédure et de faire une enquête régulière.
Votre unité était en Normandie ? Est-ce exact ?
Oui, mais Oradour n’est pas en Normandie.
Oradour est au sud de la France. Est-ce que votre unité a été responsable de ces faits au moment où vous avez commandé ?
Non. Ni mon unité ni moi nous n’en sommes responsables.
Le Ministère Public vous a montré un document, USA-170. Je serais très heureux si on pouvait remettre ce document à ma disposition pour me permettre de le présenter au témoin, car sans voir le document, le témoin ne saurait, je crois, répondre d’une façon complète. (Un document est remis à M. Pelckmann.) Il s’agit d’un ordre de Himmler ou de Hitler sur les tâches futures des SS. Je ne peux pas le mettre à votre disposition étant donné qu’il est en anglais, mais je vais vous en lire quelques extraits. Je cite : « Le Grand Reich allemand, dans sa forme définitive, ne comprendra pas uniquement dans ses frontières des éléments de race allemande, qui seront a priori bien disposés à l’égard du Reich... Dans notre Reich futur, il y aura aussi des troupes de Police et qui n’auront l’autorité nécessaire que si... »
S’il vous plaît, décrivez-nous ce que vous connaissiez de ce décret ? A quelle période furent faites ces déclarations, et à quoi se rapportaient-elles ?
Je ne connais cet ordre que sous forme orale. Il était passé aux formations de l’Armée, et vraisemblablement destiné à apaiser leurs inquiétudes au sujet de l’accroissement des Waffen SS. Il ne se rapporte qu’à l’avenir et parle du Grand Reich allemand et tant que Reich de l’avenir. Je ne sais naturellement pas ce que Hitler a eu au juste dans la tête à ce moment-là.
D’après ce décret, on pourrait penser que les Waffen SS auraient des tâches de Police dans l’avenir. Etait-ce là le principe des Waffen SS pendant la guerre ?
Non. Il me faut vous répondre par la négative. Peut-être Hitler pensait-il créer là une organisation comme celle de la frontière militaire qui avait existé en Autriche avant la guerre, où les hommes travaillaient et en cas de nécessité étaient employés à la défense des frontières.
Dans l’interrogatoire qu’a fait M. le représentant du Ministère Public russe, il a lu une liste de certains crimes commis par les unités de Waffen SS et il a cité une unité, et a demandé au témoin s’il en connaissait le chef, c’est à dire le général Steiner. Vous avez répondu oui, témoin.
Oui.
Je lis une déclaration, c’est une déclaration de témoin que je déposerai. C’est le numéro 1. Il fait ressortir combien précisément ce général Steiner était sévère et exigeant pour la discipline de ses troupes.
Je cite (du milieu de cet affidavit) : « On avait attiré notre attention sur un certain espion, dit l’auteur de l’affidavit Walter Kalweit. Nous tentâmes d’ouvrir les portes de la maison voisine, ce que nous n’arrivâmes pas à faire. En conséquence, nous brisâmes une fenêtre, sautâmes à l’intérieur de la maison, et nous recherchâmes partout sans pouvoir trouver un espion soviétique. Il nous a bien fallu reconnaître que nous nous étions trompés, et nous sommes ressortis par le même chemin que nous avions pris pour entrer. Nous regrettions d’avoir cassé la vitre.
« Deux heures plus tard, deux Oberscharführer de la Feld-gendarmerie de l’État-Major de la division « Wiking. » vinrent nous arrêter. En nous rendant au Tribunal de la division, nous leur avons demandé les raisons de cette arrestation. Ils nous dirent que la propriétaire de la maison, qui était Ukrainienne, était venue se plaindre au chef de division que nous avions brisé sa fenêtre et que le commandant de la division, le général Steiner, leur avait ordonné de faire une enquête sévère sur cette affaire. Devant le Tribunal de la division, Emst Gugi et moi fûmes interrogés par un juge qui avait le grade de Hauptsturmfûhrei. Le juge me déclara qu’à la suite d’un ordre du jour du général Steiner de la division SS « Wiking », nous devions avoir une attitude propre et convenable vis-à-vis de la population ukrainniene. Moi et mon camarade Gugi, nous aurions violé ces prescriptions étant donné que, sans ordre et sans autorisation, nous aurions pénétré en brisant une fenêtre dans une maison ukrainienne. »
Je saute quelques phrases... « Après que l’affaire eût ainsi été expliquée, le juge rédigea un procès-verbal d’interrogatoire et m’ordonna de le porter à l’officier d’ordonnance du général Steiner, le Hauptsturmfiïhrer von Schalburg. Là-dessus, cet officier me dit textuellement : & Heureusement que votre façon d’agir a été propre, sans quoi vous auriez été puni extrêmement sévèrement. Le général Steiner m’a chargé de faire un compte rendu spécial sur le résultat de cette enquête. Je suis heureux de n’avoir rien de mauvais à lui rapporter au sujet de ses Wikings. Du reste, dites à tous vos camarades que la division « Wiking » se conduit toujours proprement et d’une manière chevaleresque. »
Après avoir entendu cet exemple, témoin, pouvez-vous confirmer, que tout d’abord c’était bien là l’attitude du général Steiner et de ses troupes, et que, deuxièmement, l’attitude des Waffen SS au front était bien telle qu’il est dit ici, de même que celle des Waffen SS qui étaient aux arrières du front ?
Steiner était un des premiers commandants en chef qui a créé sous mes ordres les troupes spéciales. Je connais son point de vue sévère sur la discipline ; il l’exigeait également des autres. Je doute un peu qu’une enquête judiciaire soit nécessaire pour une simple fenêtre brisée, mais je sais que ce point de vue était conforme à celui des vieux chefs des Waffen SS dès le début et qu’il a toujours été appliqué par eux.
Je vous demande pardon, Monsieur le Président, il y a tant de documents, je cherche un document que je veux vous présenter en conclusion.
Parmi les nombreuses déclarations sous la foi du serment que le Ministère Public britannique a présentées, il y en a une du Dr Stanislas Piotrowski, déposée le 29 juillet 1946 à Nuremberg. Je vous prie de vouloir bien ordonner que ce témoin soit entendu en interrogatoire contradictoire devant le Tribunal puisque, manifestement, il était présent et qu’il semble insuffisant de se contenter de l’affidavit.
Quel est le numéro du document ?
C’est le document D-939, Monsieur le Président.
Monsieur Peickmann, ne feriez-vous pas mieux de terminer avec le témoin d’abord, et ensuite faire les propositions que vous avez à faire ?
Je n’ai pas d’autre question à poser au témoin, Monsieur le Président.
Le témoin peut se retirer.
Je vous demande pardon, Monsieur le Président, j’ai dit Piotrowski, et c’était Israël Eisenberg le nom du témoin.
D-939 avez-vous dit ?
Oui.
Monsieur le Président, puis-je demander une précision, s’il vous plaît ?
Il n’est vraiment pas pratique de le faire aussi tard. N’auriez-vous pu le faire auparavant ?
Ce n’est pas très important, Monsieur le Président, je retire ma question.
Très bien. L’audience est suspendue pour 10 minutes.
Monsieur Elwyn Jones, le Tribunal croit comprendre que le témoin...
Israël Eisenberg ?
Oui. Est-il à Nuremberg ?
Il est pour le moment à Stuttgart, Monsieur le Président. Si le Tribunal le juge nécessaire, il peut être convoqué.
Le Tribunal estime que, s’il n’y a pas d’objection particulière résultant du caractère de cette déposition, ce témoin devrait être entendu contradictoirement.
Non, Monsieur le Président, il n’y a aucune objection à ce que l’on nous donne le temps de convoquer ce témoin.
Pourriez-vous le faire amener aussitôt que possible ?
Oui, Monsieur le Président.
Monsieur Peickmann, votre témoin suivant.
J’appelle le témoin Reineeke. (Le témoin gagne la barre.)
Voulez-vous donner votre nom, s’il vous plaît ?
Günther Reineeke.
Voulez-vous répéter ce serment après moi :
« Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, quelles fonctions occupiez-vous dans les SS ?
J’était Oberführer SS, chef de service de l’administration du tribunal SS et juge en chef au tribunal suprême des SS et de la Police.
Aviez-vous reçu une formation juridique ?
J’ai reçu une formation juridique aux universités de Munich et d’Innsbruck. En 1931, j’ai passé mon premier examen d’État. En 1934, j’ai passé l’examen d’assesseur qui me donnait la capacité d’être juge. En 1933, j’ai été reçu docteur en Droit à Munich.
Avez-vous reçu, vous et les autres juges SS, une formation spéciale dans des écoles appropriées ?
Ni moi ni les autres juges n’avons reçu une formation spéciale dans des écoles appropriées. Les juges SS étaient pris dans les cadres généraux de la Justice ; c’étaient, avant la guerre, de hautes personnalités judiciaires, des avocats généraux, des avocats, et ils sont passés pendant la guerre de la justice de la Wehrmacht à la justice des Waffen SS.
Étant donné votre activité, aviez-vous un aperçu de l’organisation et du travail des groupes dont Himmler était le chef, et que l’on appelle du nom. général « SS » ?
Oui. J’ai été pendant près de dix ans en activité dans les tribunaux SS. Dans ce secteur, j’ai dû m’occuper longuement du développement, de l’organisation et de l’activité de tous les SS dont Himmler était le chef. C’est ainsi que j’ai pu en avoir un aperçu approfondi de ces questions sur lequel je vais me baser pour faire ma déposition.
D’après l’Accusation, les SS se sont infiltrées dans tout l’appareil de l’État. A ce propos, on indique les charges diverses et nombreuses qu’a obtenues le Reichsführer SS Himmler. Est-il vrai que partout où le Reichsführer SS agit, ce sent les SS en général qui agissent ?
Non, Himmler reunissant dans sa seule personne plusieurs fonctions dans le Parti et dans l’État, et enfin dans l’Armée. Il était Reichsführer SS et chef de la Police allemande. Il était ministre de l’Intérieur du Reich...
Je vous en prie, parlez lentement ; ce sont des expressions difficiles à écrire.
... Commissaire du Reich pour l’affermissement de la race allemande, chef de l’administration des réserves de la Wehrmacht, chef de l’administration des prisonniers de guerre, et enfin, il était Commandant en chef de deux groupes de la Wehrmacht. Toutes ces charges n’avaient rien à voir avec sa position de Reichsführer SS. Sa nomination à ces postes était faite en haut lieu, pour des raisons inhérentes à sa personne, mais nullement parce qu’il était Reichsführer SS. Il n’y avait aucun rapport entre les SS et les postes occupés par Himmler. En particulier, l’Accusation a mentionné quatre de ces postes en prétendant qu’il s’agissait là des SS ; il s’agissait de son titre de Reichsführer SS, de celui de chef de la Police allemande, de celui de Commissaire à l’affermissement de la race et de celui de chef de l’administration des prisonniers de guerre.
Dans ces quatre groupes d’activité, s’agissait-il d’activité de l’organisation des SS ?
Non. Il s’agissait seulement de l’organisation des SS lorsque Himmler, en sa qualité de Reichsführer SS, devait agir en liaison avec les SS. En sa qualité de chef de la Police allemande, il avait reçu une mission de caractère purement politique. Ses fonctions de Commissaire pour l’affermissement de la race allemande étaient également une mission relevant du Reich.
Sa position de chef de l’administration des prisonniers de guerre était purement militaire.
D’après les textes des anciennes ordonnances allemandes, on peut constater qu’en confiant à Himmler toutes ses charges, on l’a toujours qualifié de « Reichsführer SS ». Comment cela se fait-il ?
Ceci est exact. Le premier poste de Himmler au début de sa carrière a été celui de « Reichsführer SS » ; c’est un usage typique de la langue nationale-socialiste de nommer les personnes non par leur nom, mais par leur titre. Cet usage linguistique se retrouve dans beaucoup de textes de lois. Mais on entend par là la personne, et non l’organisation. Dans le texte de nombreuses lois d’ordre économique — pour citer un exemple — quand Hermann Göring était désigné par le titre de Reichs-marschall, ce qui s’est produit souvent, on ne voulait pas entendre par là que l’activité antérieure de la Luftwaffe était une activité économique.
Vous venez de parler d’organisations — au pluriel — SS. Ainsi que vous le savez, le Tribunal a entre les mains votre déclaration où vous avez dit qu’il faut distinguer cinq domaines indépendants d’activité que l’Accusation a faussement attribuées aux SS. Il y avait les Allgemeine SS, les Waffen SS, le SD, la Police et l’organisation des camps de concentration. Voulez-vous nous dire s’il s’agissait là d’organisations indépendantes ? Pouvez-vous le dire à propos des Allgemeine SS ?
Les Allgemeine SS étaient une formation d’un parti politique et rien d’autre’. Elles le sont restées jusqu’en 1939, au début de la guerre, date à laquelle elle ’disparurent. A cette époque, 70% des membres des Allgemeine SS ont été mobilisés, surtout dans la Wehrmacht et, pour une moindre partie, dans les Waffen, SS. Les 30% restant ont été également mobilisés au cours des années suivantes presque tous dans la Wehrrmcht, de sorte que les Allgemeine SS ont pratiquement presque disparu pendant la guerre. A aucun moment elle n’ont reçu des fonctions politiques ou ne se sont occupées activement de fonctions politiques. Leurs membres étaient et sont restés des civils, qui se mettaient en uniforme unique^ ment lorsqu’ils étaient en service. C’est-à-dire deux fois par semaine, le dimanche pour le service d’ordre, lors de manifestations ’du Parti, ou au cours d’exercices et de manifestations sportives.
Mais l’Accusation prétend que les Allgemeine SS ont été l’armature de l’organisation des SS, qui était composée des Allgemeine SS, des Waffen SS, de la Police et de l’organisation des camps de concentration. Est-ce exact ?
Non. C’est inexact et ne correspond pas du tout au développement historique des Allgemeine SS. Celles-ci n’ont pas été le réservoir où les autres organisations recrutaient leurs effectifs. Les Allgemeine SS ont eu tantôt des relations lâches, tantôt aucune relation avec les autres organisations.
L’Accusation prétend en outre que les Allgemeine SS n’ont pas eu seulement des relations avec d’autres organisations politiques, mais se sont infiltrées dans tout l’appareil de l’État en général. Est-ce exact ?
Non. C’est également inexact. Il est vrai que des personnalités marquantes des Allgemeine SS ont occupé des fonctions d’État importantes, par exemple celles de préfets de Police ; il est également exact que ces personnalités ont occupé des positions économiques, par exemple dans l’industrie, et sont devenus directeurs d’entreprises industrielles, etc. Mais toutes ces nominations n’avaient d’influence que sur les personnalités en question et non pas sur l’organisation. Je me rappelle à ce propos que les charges de préfet de Police, dans les premières années qui ont suivi 1933, n’ont pas été occupées par des membres de SS, mais bien par des membres des SA. Au cours de l’évolution, on peut constater un développement contraire. C’est dans les Allgemeine SS que se sont infiltrés des personnages et des organisations complètement étrangers à son essence. Himmler a conféré à des personnes occupant un poste dans l’Économie de l’État le titre de membre honoraire des SS, alors que ces personnes n’avaient rien à voir en tant que telles avec les SS proprement dits. En 1936, Himmler introduisit dans les SS le « Kyffhäuserbund », union de soldats qui n’avait jamais rien eu à faire avec les SS et qui ne fusionna pas avec les Allgemeine SS. La même chose se produisit en 1938 en ce qui concerne la Police d’ordre et la Police de sûreté. Himmler leur donna l’uniforme et les grades des Allgemeine SS, bien que les deux organisations fussent complètement différentes et que leurs tâches ne fussent en rien comparables à celles des SS.
Les personnes auxquelles Himmler conférait de tels grades des Allgemeine SS étaient-elles nommées aussi chefs honoraires SS ?
C’étaient les chefs honoraires des SS dont je viens de parler.
Est-il typique que ces chefs honoraires n’aient jamais fait de service militaire ?
Oui, ces chefs honoraires recevaient des grades parce qu’ils occupaient une position importante ; ils recevaient en même temps le droit de porter l’uniforme, mais eux-mêmes n’avaient jamais fait un seul jour de service dans les Allgemeine SS. Plus tard, même dans la période qui a suivi leur nomination, ils n’ont eu aucun contact avec les membres des SS proprement dites. C’est ce qu’on entend en général par les « membres honoraires » des SS.
Peut-on compter comme membres honoraires qui, au point de vue service, n’avaient rien à voir avec les Allgemeine SS, les accusés Hess, Neurath, Ribbentrop, Sauckel ? Je ne cite que quelques noms au hasard.
En ce qui concerne ces personnalités nommées, il s’agit justement de chefs honoraires typiques des SS dont j’ai parlé.
Est-ce qu’ils avaient des pouvoirs de commandement ?
Par la nomination comme chefs honoraires, ils avaient uniquement, comme je l’ai déjà dit, le droit de porter l’uniforme, mais ils n’avaient aucun pouvoir de commandement de ce fait.
Une autre question que je voudrais examiner est la question des Waffen SS.
Les Waffen SS, dès le début, ont été une organisation autonome qui est demeurée ainsi jusqu’à la fin de la guerre. Elle a eu ses débuts dans ce que l’on a appelé la troupe en mission spéciale. Ici, il y a encore un rapport lâche avec les Allgemeine SS ; les Allgemeine SS ont fourni des recrues pour les troupes en mission spéciale, lorsqu’il s’agissait de volontaires. En même temps que ces recrues, il y a eu aussi des citoyens allemands qui ont été engagés dans la troupe en mission spéciale, ainsi que certaines personnes provenant d’autres formations du Parti, et enfin des personnes qui n’avaient rien à voir avec le Parti. Dans la suite, ces liaisons qui, à l’origine, étaient très lâches, se sont perdues de plus en plus.
L’organisation des Waffen SS est indépendante, ce qui s’exprime par le fait que, par exemple, des membres des Allgemeine SS et du Parti, qui effectuaient du service dans les Waffen SS ont cessé d’être membres du Parti ou des Allgemeine SS pendant la période où ils faisaient leur service. Il est typique que même le chef suprême des Allgemeine SS ne passait pas dans les Waffen SS avec son grade, mais était traité dans les Waffen SS comme tout autre citoyen ; il débutait comme simple soldat.
Pour appuyer ce que ys prétends, la différence apparaît dans les procès civils contre les Allgemeine SS ; dans les procès contre les Allgemeine SS c’était le Parti qui accusait tandis que dans les Waffen SS c’était le Reich.
Est-ce que, entre les Waffen SS et les All-gemeine SS d’une part, et le Service de sécurité, d’autre part, il y avait une liaison ?
Il n’y a aucune relation entre ces deux groupes. Le SD s’est développé comme une organisation de renseignements indépendante et, au plus tard en 1934, est devenu une organisation indépendante qui n’avait absolument rien à voir avec les Allgemeine SS et les Waffen SS, mais n’avait de commun que le chef, c’est-à-dire Himmler.
Quelle était la relation entre les Waffen SS et les Allgemeine SS et la Police ?
Je crois que de cette question il faut exclure ipso facto les Waffen SS, car les Waffen SS avaient un caractère purement militaire et leur activité était également militaire, c’est-à-dire qu’elles ont été pendant toute la guerre au front. Il n’était donc pas possible d’établir des liaisons quelconques avec la Police, mais les Allgemeine SS non plus n’avaient aucune liaison au point de vue organisation avec la Police. La Police était un organe de l’État avec un pouvoir exécutif d’État. La nomination des chefs supérieurs des Allgemeine SS, des chefs supérieurs des SS et de la Police, par exemple, n’indique pas du tout non plus une liaison au point de vue organisation de ces deux groupements. Le chef supérieur des SS et de la Police n’avait dans cette charge aucun pouvoir de commandement à l’égard des Allgemeine SS quand il n’était pas en même temps un chef d’un territoire de région des Allgemeine SS ; mais, d’autre part, il n’avait pas de véritables pouvoirs de commandement vis-à-vis de la Police. Les membres de la Police, pour montrer une différence extérieure à ce point de vue, n’ont jamais porté l’uniforme des SS, et il en est de même pour les Waffen SS et les Allgemeine SS d’une part, et, d’autre part, la Police de sûreté.
Comme je l’ai déjà dit, en 1938 la Police de sûreté reçut soudain le droit de porter l’uniforme SS et elle reçut des grades assimilés à ceux des SS, mais il n’en résulta aucune liaison avec les Allgemeine SS en ce qui concerne l’organisation. La Police de sûreté resta un pouvoir exécutif de l’État, mais le chef des Allgemeine SS n’a jamais eu ce pouvoir exécutif. Il ne pouvait procéder ni à des arrestations ni à des réquisitions, ni exercer aucun autre pouvoir exécutif. Il était remarquable que, justement au début de la guerre, la Police de sécurité par son aspect extérieur apparaît de plus en plus au premier plan et porte l’uniforme des SS. C’est l’époque où...
Monsieur Peickmann, est-il possible que cette déposition, qui a déjà été faite devant les commissions... ? Avez-vous entendu ce que j’ai dit ?
Oui, Monsieur le Président.
Ne croyez-vous pas qu’on pourrait abréger un peu ?
Oui, Monsieur le Président. Le témoin en est arrivé à la fin de son exposé.
On vous a demandé à différentes reprises d’abréger cet interrogatoire. Il ne semble pas, jusqu’ici, que vous le fassiez.
Je pensais qu’il était nécessaire d’éclaircir particulièrement la question des chefs supérieurs de la Police et des SS parce que c’est également une notion difficile, même pour nous Allemands. Le chef supérieur des SS et de la Police, qu’a-t-il eu affaire dans les territoires occupés avec les Allgemeine SS ?
Rien du tout, car dans les territoires occupés il n’y avait pas d’Allgemeine SS. Les Allgemeine SS étaient une institution pour les citoyens allemands. Elle n’existait pas dans les territoires occupés. Le chef supérieur des SS et de la Police dans les territoires occupés avait une fonction purement policière, sans avoir une relation ou un lien quelconque avec les Allgemeine SS, car ceux-ci, pour des raisons déjà dites, ne pouvaient exister.
Pourquoi n’y avait il pas d’Allgemeine SS dans les territoires occupés ?
Comme je l’ai dit, les Allgemeine SS étaient une organisation d’un parti politique et on n’y admettait que des Allemands citoyens du Reich, et c’est pourquoi, dans les territoires occupés, il ne pouvait pas y avoir des Allgemeine SS.
Peut-on dire par conséquent que des actes commis ou des crimes commis par un chef supérieur des SS et de la Police dans les territoires occupés ne mettent pas en cause les Allgemeine SS ?
Oui, c’est entièrement exact.
Je voudrais lier votre déclaration à un document. Pendant la suspension, témoin, je vous ai remis un document. Si vous voulez donner au Tribunal le numéro du document ? C’est le document qui a été présenté au témoin von Eber-stein hier.
Il s’agit du document PS-4024. L’objet est un échange de lettres entre Globocznik, chef supérieur de la Police et des SS dans la zone d’opérations de l’Adriatique d’une part, et Himmler et Oswald Pohi de l’autre.
A partir de ce document, avez-vous pu constater en quelle qualité le rédacteur de cette lettre, Globocznik, est entré en fonction ? Est-ce en tant que chef supérieur des SS et de la Police à Trieste, ou bien est-ce en tant que chef supérieur des SS et de la Police à Lublin, autant que je sache ?
Il ressort clairement du document que Globocznik est entré en fonction ici, en tant que chef de la Police et des SS à Lublin, et non pas en qualité de chef de la Police et des SS sur la côte adriatique. C’est dans le document lui-même. Moi-même je sais par mes fonctions que Globocznik a été remplacé à Lublin à la fin de 1933 ou au début de 1934, en tant que chef des SS et de la Police, et a pris les mêmes fonctions de chef supérieur des SS et de la Police sur la côte adriatique.
Le document est daté du 5 janvier 1943. Cette date doit être inexacte. Il doit s’agir de 1944, comme il ressort de l’en-tête de la lettre elle-même.
Est-ce que l’activité décrite dans ce document par Globocznik constitue une charge pour les Allgemeine SS ? Est-ce que Globocznik a exercé les fonctions qu’il a décrites en qualité de chef des Allgemeine SS ?
Il est évident par cette lettre que Globocznik a exercé son activité en tant que chef des SS et de la Police, et qu’une mission secrète que l’on a appelée « l’action Rein-hardt » lui a été confiée. Il agit ici sur un domaine de pouvoir exécutif purement policier, mais cette activité n’a aucune liaison avec l’organisation des Allgemeine SS, ni même avec certains de ses membres, individuellement.
Prétendez-vous donc qu’il s’agit ici d’une mission spéciale directement donnée par Himmler et que cela apparaît du fait que cette lettre fut adressée directement à Himmler et non pas, comme il aurait été nécessaire, par l’intermédiaire du chef supérieur de la Police et des SS de Cracovie, Krüger ?
Oui, c’est exact, mais cela résulte encore d’autres passages de cette correspondance. On parle clairement dans ces lettres de « mission spéciale ». Il était indiqué dans le document qu’il n’existait que quatre exemplaires et qu’on n’a fait que quatre copies de cette « affaire secrète du Reich », et l’expédition que Globocznik a envoyée à Himmler est la première.
Témoin, vous lisez toujours le document PS-4024. Voulez-vous regarder à la page 3, en haut ? Il me semble qu’il en ressort très clairement qui s’occupait de ces affaires et quelle était la compétence de Globocznik.
Il apparaît à la page 3 de ce document que l’action Reinhardt portait sur quatre ordres de choses : A. Les expulsions elles-mêmes ; B. L’utilisation de la main-d’œuvre ; C. L’exploitation des objets matériels ; D. La collecte de valeurs dissimulées et la saisie d’immeubles.
Il apparaît également que Globocznik, en dehors de Himmler, était en relations personnellement avec Oswald Pohi, en tant que celui-ci était chef du service économique et administratif central des SS. Il était personnellement.....
Un instant. A quoi sert tout ce témoignage puisque nous avons les documents ?
Ce document a été présenté hier au chef supérieur des SS et de la Police à l’intérieur, von Eberstein, pour prouver que par l’action « Globocznik » — qui portait également sur son en-tête le titre de « chef supérieur des SS et de la Police » mais à l’étranger — pour prouver, dis-je, que les chefs supérieurs des SS et de la Police ont commis des crimes et que les Allgemeine SS sont aussi accusées de ces crimes. C’est justement cette affirmation de l’Accusation que je m’efforce de rejeter, à savoir qu’il s’agit, avec les chefs supérieurs des SS et de la Police, des Allgemeine SS. Le témoin Reinecke, qui est ici, était juge des SS et il avait un aperçu général de l’organisation des SS. Il est en mesure d’indiquer si cette affirmation de l’Accusation.
Il peut certainement le dire sans s’accrocher constamment à ce document. S’il veut dire que Globocznik a agi ou n’a pas agi sur l’ordre des SS, pourquoi ne le dit-il pas et n’en finit-il pas avec ce sujet ?
Est-ce que Globocznik, maintenant que vous avez lu le document et que, par suite de votre expérience au sujet de l’organisation des SS, vous pouvez en juger, agissait en mission et sur l’ordre des SS ou des Allgemeine SS ?
Il apparaît clairement par le contenu du document que Globocznik n’agissait ni pour les Allgemeine SS ni pour les Waffen SS. Il ressort tout aussi clairement qu’il s’agit d’une mission spéciale et personnelle confiée par Himmler à Globocznik, qui n’a rien à voir avec les deux formations nommées.
Parmi les différents groupes que vous avez nommés auparavant et qui sont considérés par l’Accusation comme un tout, nous n’avons pas encore parlé de l’administration des camps de concentration. Quelle était la structure de l’administration des camps de concentration à l’intérieur des SS et existait-il une liaison organique entre l’administration des camps de concentration et lesSS ?
Il n’y avait pas de relation organique entre les deux. L’administration des camps de concentration avait, conformément à son but spécial, un caractère policier. L’exécution des tâches administratives des camps de concentration était donc une affaire du Reich. Pour exécuter cette affaire du Reich, en 1933 ou 1934, c’est Himmler qui en fut chargé. A cette époque, pour la surveillance de ces camps de concentration, il a créé une organisation spéciale. Cette organisation prit le titre, à cette époque, d’« unités de la Tête-de-Mort ».
Cette organisation n’est pas sortie, elle non plus, des Allgemeine SS, et plus tard elle n’eut pas non plus de relations au point de vue administratif avec les Allgemeine SS. Les premières équipes de surveillance des camps de concentration n’étaient que pour une faible part d’anciens membres des Allgemeine SS. Il y avait aussi bien des membres des SA ou d’autres formations du Parti, des membres du Parti, ainsi que des gens qui n’étaient pas du Parti et qui, comme cela correspondait à la situation de l’époque, étaient en chômage et cherchaient à avoir du travail et du pain ou une carrière nouvelle grâce à cette situation. C’est ainsi que se sont développées d’une façon indépendante, « les unités à la Tête-de-Mort ». Ces gens ont reçu une formation policière. En 1939, ils sont entrés dans les Waffen SS qui étaient en formation à cette époque. La tâche de surveillance des camps de concentration est alors confiée à des hommes qui ne peuvent être utilisés au front. Ce sont donc des gens qui ne peuvent être utilisés au front, soit membres des Allgemeine SS, soit, pour une faible part, des SA, ainsi que des membres du Kyffhäuserbund, et enfin des milliers de soldats de la Wehrmacht qui seront utilisés pour les équipes de surveillance des camps de concentration.
Vous venez de dire qu’en 1939 les « unités de la Tête-de-Mort » sont passées dans les Waffen SS. Il faut que je vous questionne ici encore, en particulier parce que dans les questions adressées par l’Accusation au témoin précédent on a confondu visiblement les « unités à la Tête-de-Mort » et les divisions « Tête-de-Mort ». Voulez-vous indiquer la désignation exacte de ces deux unités et dire ce qu’il faut entendre par là ?
Les « unités à la Tête-de-Mort » sont les équipes de surveillance des camps de concentration jusqu’au début de la guerre. A cette époque, on les fait rentrer dans les parties les plus diverses des Waffen SS. La division « Tête-de-Mort » n’a absolument rien à voir avec ces « unités à la Tête-de-Mort ». La division « Tête-de-Mort » est une division des Waffen SS qui a été formée dans les premières armées de la guerre et est partie au front comme unité constituée.
Vous venez de dire que les « unités à la Tête-de-Mort » ont été versées en 1939 dans les Waffen SS. Est-ce que, après avoir été versées dans les Waffen SS, elles avaient en quoi que ce soit affaire avec la surveillance des camps de concentration ?
Après avoir été versées dans les Waffen SS, elles n’avaient absolument plus rien à voir avec la surveillance des camps de concentration, mais elles étaient réparties dans les divisions les plus diverses des Waffen SS.
L’Accusation prétend que l’unité des SS était garantie par un commandement unique. Elle veut dire par là qu’il apparaît d’un tableau remis par l’Accusation, que les services du Reichsfuhrer des SS, chef de la Police, comprenaient douze services centraux. Est-ce que ces douze services centraux étaient des organes de direction des SS ?
Non, ce n’étaient pas des organes de direction des SS.
Afin d’abréger la procédure devant ce Tribunal, je vais vous questionner au sujet des services centraux et de leurs rapports avec les SS. Est-ce que le Service central de la Police d’ordre et celui de la sûreté du Reich étaient des services pouvant donner des ordres aux Allgemeine SS ou aux Waffen SS ?
Non. Le service de la Police d’ordre était à la tête de la Police allemande, celui de la Police de sûreté, à la tête de la Police de sûreté. L’un et l’autre étaient des services de l’administration intérieure et des sections d’organisation du ministère de l’Intérieur. Des pouvoirs de donner des ordres aux Allgemeine SS ou aux Waffen SS n’ont jamais existé.
Est-ce que le service central de l’État du Commissaire du Reich pour l’affermissement de la race allemande et ce qu’on appelle le service intermédiaire pour les Allemands de l’étranger pouvaient donner des ordres au service des Allgemeine SS ou des Waffen SS ?
Non. Les deux services centraux étaient des administrations du Reich qui avaient exclusivement à régler des tâches du Reich. Leurs membres étaient des fonctionnaires et non pas des soldats des Waffen SS ou des fonctionnaires des formations des Allgemeine SS. Les deux services centraux n’ont eu aucun pouvoir de commandement sur les Allgemeine SS ou les Waffen SS.
Afin d’abréger encore, est-ce que les huit autres services centraux étaient des services ayant droit de commandement sur les Allgemeine SS ou les Waffen SS ?
Sur ces huit services centraux, il faut d’abord en éliminer deux : le service « SS-Heissmeier » et le service « État-major particulier ». Le service central Heissmeier n’avait absolument rien à voir avec les SS : c’était un service du Ministère de l’Éducation du Reich, qui avait été confié à Heissmeier. Le service central de l’État-major particulier n’était pas non plus un service de commandement, mais le service des aides de camp de Himmler, ou bien encore la réunion de divers bureaux relevant directement de l’autorité personnelle de Himmler et qui exécutaient les missions personnelles qu’il leur confiait. Ces bureaux n’avaient rien à voir avec les organisations des Allgemeine SS et des Waffen SS.
Parmi ces bureaux, il y avait par exemple l’association « Lebens-born » (Fontaine de Vie), ou bien l’association dite « Ahnenerbe » (Héritage des ancêtres.) Le médecin du Reich Grawitz s’occupait également de ce service, et dans cette position, il effectuait, comme chargé personnellement de mission par Himmler, les expériences biologiques, en collaboration avec les formations.
Il est inutile d’entrer dans les détails. Je voudrais simplement poser une question au sujet de ce groupe complexe d’organisations. Est-ce que les services centraux qui nous restent à voir représentaient un commandement unique des SS ?
Non, ces six autres services centraux ne formaient pas un commandement en chef unique, mais ils étaient isolés et possédaient les mêmes droits, et c’étaient des services spéciaux qui pouvaient donner des ordres dans leur groupe sans pour cela qu’ils soient réunis en une seule personne.
Mais est-ce que Himmler, avec ses collaborateurs immédiats ne constituaient pas un commandement en chef unique, possédant des pouvoirs centralisés et assurant l’unité et une direction centralisée des différentes tâches des services centraux ?
Non, Himmler n’avait pas de collaborateurs de ce genre. Il est intervenu très rarement dans la direction de l’ensemble des SS, mais jamais pour une unité de commandement.
Est-ce que votre exposé ne contredit pas les discours et les écrits de Himmler, par exemple le discours de Posen, dans lequel il souligne toujours l’unité des organisations qui lui sont soumises ?
Ces discours ne constituent pas de contradiction avec ce que je viens de dire. Himmler parle certainement dans ce discours d’une unité, et cette unité était certainement son plan, mais cela ne correspond nullement à la réalité. Les discours de Himmler ne doivent donc être considérés que comme des projets d’avenir. Au lieu que les organisations telles que Himmler voulait les avoir se soient développées les unes vers les autres, elles se sont au contraire développées en se séparant les unes des autres justement à cause de la diversité de leurs tâches. Des discours de Himmler, il apparaît également clairement qu’il remarque cette tendance et qu’à cause de cela, il cherche à donner ses idées sur l’unité, vis-à-vis des chefs supérieurs de son administration. Une unité véritable au point de vue organisation n’a existé à aucun moment.
Est-ce que ce manque d’unité au point de vue organisation n’apparaît pas également dans la juridiction des SS ?
Oui. Ceci s’exprime tout à fait clairement dans le règlement des compétences de la juridiction. Les tribunaux des SS n’étaient pas du tout compétents pour les Allgemeine SS. Ils avaient été créés en premier lieu pour les Waffen SS. Ils étaient, de plus, compétents pour la Police, et ceci parce que Himmler avait déclaré que la Police, pendant toute la durée de la guerre, était considérée comme mobilisée. Au début de la guerre, il n’y avait que quelques unités de Police qui se trouvaient au combat comme unités de troupe, mais vu la durée de la guerre, et surtout de la guerre aérienne, toute la Police allemande fut déclarée dans son ensemble comme se trouvant en affectation spéciale, et par conséquent, elle fut soumise à la juridiction des SS. Ceci est également valable pour la Police de sûreté, et ici également il existe un décret de Himmler de 1940. Il dit que toute la Police de sûreté se trouve en temps de guerre en affectation spéciale. Ainsi elle se trouvait soumise aux tribunaux. Mais que justement le Service central de la sûreté du Reich, avec les services qui lui étaient rattachés, soit resté complètement indépendant au point de vue organisation et n’ait eu aucune relation avec les Allgemeine SS ou les Waffen SS, c’est ce qui ressort également du fait que Himmler en même temps retira aux tribunaux toute la direction des enquêtes dans les affaires judiciaires dans la mesure où elles concernaient le Service central de la sûreté du Reich et les transmit à une organisation de direction des enquêtes propres à ce service avec la conséquence que, certes, des procès pouvaient être intentés contre des membres du Service central de sûreté du Reich et que l’on pouvait également prononcer des verdicts, mais qu’une prise de connaissance des affaires du Service central restait interdite même aux tribunaux et qu’un contrôle était impossible. Les membres des équipes de surveillance des camps de concentration étaient soumis aux tribunaux du fait qu’au début de la guerre ils étaient devenus des membres des Waffen SS à titre nommai, c’est-à-dire que pour des raisons économiques et de prévoyance sociale, et aussi pour des raisons d’unité de la surveillance militaire, ils ont été rattachés nominalement aux Waffen SS.
Vous dites, témoin, que les Allgemeine SS n’étaient pas soumises à la juridiction des SS et de la Police. A qui donc étaient soumis les membres des Allgemeine SS en ce qui concerne la juridiction ?
La juridiction des SS est entrée en vigueur en octobre 1939, à une époque où les Allgemeine SS étaient déjà sur le point de disparaître. A l’époque précédente, les Allgemeine SS étaient soumises aux autorités judiciaires. Les délits commis par des membres des Allgemeine SS étaient soumis à des autorités pénales ordinaires et jugés. Les mêmes conditions subsistèrent pendant la guerre, à l’époque où il y avait déjà une juridiction des SS, dans la mesure où il y avait des membres des Allgemeine SS restés dans le pays.
Pour le dire encore une fois clairement, témoin, les Allgemeine SS étaient soumises en temps de paix et en temps de guerre à la juridiction civile normale. Est-ce exact ?
Oui.
L’accusation prétend que les SS ont été créées dès l’origine pour des buts illégaux et qu’elles se sont occupées dès le début de choses illégales, qu’il n’y a aucune distinction à faire entre les différentes périodes. Est-ce que cette affirmation est confirmée par l’évolution des tribunaux des SS et de quelque manière que ce soit ?
Lorsqu’une organisation a des buts criminels et développe une activité criminelle, il faut logiquement que la juridiction d’une telle organisation permette d’expliquer par sa structure, son contenu et son activité, qu’elle cache un tel but criminel et une telle activité, et c’est exactement le contraire qui est le cas. Dans les SS, depuis leur fondation, le principe qui dominait était celui d’une lutte contre le crime à tout prix et d’une justice tout à fait régulière.
Comment était assurée l’exécution d’une justice régulière dans les Allgemeine SS ?
Par ce que l’on appelait la législation disciplinaire.
Est-ce que je vous comprends bien ? Vous dites que, d’après cela, les membres des Allgemeine SS étaient soumis d’une part à la juridiction ci vile’normale allemande ?
C’est justement ce que je viens de dire.
Il y avait encore en plus un système disciplinaire, donc une espèce de juridiction s’appliquant aux membres des Allgemeine SS ? Est-ce exact ?
C’est ce que je vais justement dire. Ce droit disciplinaire était un droit interne d’exclusion comme toute association civile en possède. Ce droit d’exclusion prévoyait, en partant du principe de la sélection, que des personnes déjà condamnées ne pouvaient pas être admises dans les SS et, dans la mesure où elles tombaient sous la juridiction pénale des SS, elles devaient quitter cette organisation. Ce principe constituait par lui-même la meilleure sélection, car les délits étaient ainsi empêchés automatiquement.
L’éducation juridique dans les limites de ce Droit disciplinaire et l’application du Droit disciplinaire faisait de son côté, et par conséquent en dehors du Droit pénal, que les SS restaient libres d’éléments qui ne fussent pas propres. Un accord a été conclu entre le ministère de la Justice du Reich et la direction des SS du Reich d’après lequel, d’un côté la Justice allemande générale devait communiquer aux SS les délits d’un membre des SS que la Justice générale avait pu découvrir et de l’autre côté, les SS devaient communiquer au ministère de la Justice du Reich les délits d’un membre des SS qu’ils avaient pu découvrir. Cet accord fut observé d’une façon stricte. On avait nommé à cet effet un chef de liaison spécial avec le ministère de la Justice, avec la conséquence qu’effectivement tous les éléments punissables ont été éloignés des SS et, d’autre part, que des actions qui violaient les lois pénales allemandes ont véritablement été jugées par les autorités générales allemandes de justice.
Témoin, voulez-vous, je vous prie, vous exprimer plus brièvement ? Cela facilitera la traduction. Pourquoi avez-vous, au début de la guerre, introduit pour les Waffen SS une juridiction pénale spéciale ? Est-ce que ceci se produit pour. . .
Monsieur Peickmann, il me semble que vous entrez trop dans les détails.
Monsieur le Président, ce sujet n’a pas été traité de cette manière devant la commission et je croyais, d’après les décisions, que je pouvais aborder de nouveaux sujets qui sont importants, mais j’essayerai de m’exprimer plus brièvement. (Au témoin.) Vous avez compris ma dernière question, témoin ?
Oui.
Pourquoi avez-vous créé pour les Waffen SS, au début de la guerre, une juridiction propre ? Est-ce que vous poursuiviez par là le but de cacher des crimes ?
On a créé une juridiction spéciale parce que les unités SS avaient été mises en ligne en tant qu’unités de troupes et pour cette raison il fallait qu’il y ait pour ces unités des tribunaux militaires. L’introduction s’est effectuée par une loi et non pas par une ordonnance quelconque de Himmler. Par cette loi, on a introduit la même législation que celle qui était aussi valable pour la Wehrmacht et l’on a créé par cette loi, pour les SS, la même organisation judiciaire que celle que la Wehrmacht possédait déjà. On ne peut donc dire en aucune manière que l’introduction de cette juridiction a eu lieu pour cacher des actions punissables. C’est exactement le contraire qui est vrai.
L’Accusation prétend cependant justement que les SS ont été éduqués en vue de la terreur, de la cruauté et du crime. Ceci contredit votre affirmation au sujet de la lutte contre les crimes à tout prix. Est-ce que cela ne fait pas cette impression ?
L’éducation dans les SS s’est attachée systématiquement à la décence, à la justice et aux bonnes mœurs. Il y avait également des institutions qui existaient et qui assuraient que cette éducation était poursuivie dans toute son ampleur. On n’a pas seulement enseigné le Droit, y compris les conventions internationales, dans les écoles de jeunes officiers SS, mais on a institué des débats judiciaires devant des hommes de troupe rassemblés.
Le service central judiciaire SS, comme service central de la jurisprudence, veillait par des publications qui lui étaient propres à ce que ces principes de propreté et de justice deviennent le bien commun de tous les membres SS. L’éducation judiciaire dans les SS, telle qu’elle a été pratiquée, représente exactement le contraire de ce que prétend l’Accusation.
L’Accusation pourrait cependant dire peut-être que cette éducation sévère au point de vue du Droit et cette lutte contre les crimes avant et pendant la guerre, démontre justement que celle-ci était nécessaire parce que précisément il n’y avait que des criminels dans les SS. Est-ce qu’elle aurait raison en disant cela ?
Non, elle n’aurait pas raison. Il y avait dans les SS des principes de sélection particuliers. Les SS étaient obligés, par ce que l’on appelait des lois fondamentales, d’observer une attitude particulièrement inorale. Ceux qui violaient le Droit dans les SS commettaient une faute grave par cette action et méritaient par conséquent une punition sévère. C’est pour cette raison que s’expliquent les punitions plus sévères des membres des SS, si on les compare par exemple à celles de la Wehrmacht ou de la juridiction civile allemande.
Himmler était Chef suprême de la Justice (Gerichtsherr). Quelle est la position qu’il a prise ? Pouvait-il, par exemple, donner à un tribunal l’ordre de prononcer un verdict déterminé ?
Non, Himmler ne le pouvait pas. Il s’en est tenu en général aux dispositions légales. Il avait, en tant que Chef suprême de la Justice, le droit qui lui avait été donné par Hitler de suspendre des procès, mais il n’a fait usage de ce droit que dans des cas très rares. Les juges eux-mêmes étaient indépendants et n’étaient soumis qu’à la loi. Leur indépendance était garantie par la loi. Les jugements des tribunaux SS étaient obtenus par vote, dans lequel c’était le principe de la majorité qui était décisif. Une intervention du Chef suprême de la Justice ne pouvait donc avoir lieu à cet égard. Le Chef suprême de la Justice avait cependant le droit de confirmer ou de casser le verdict. Il pouvait donc faire revenir une affaire à plusieurs reprises au cas où il n’était pas d’accord avec le verdict, mais là aussi les tribunaux SS l’ont emporté, selon les lois existantes. On a vu des jugements dans lesquels le Chef suprême de la Justice cessait trois ou quatre fois le jugement parce que la punition lui paraissait trop élevée eu trop basse. Les juges ont prononcé toujours le même verdict lorsqu’il était prescrit par la loi et ils ont eu raison finalement.
Votre exposé au sujet de l’éducation juridique et de l’exécution correcte de la loi contredit cependant l’affirmation de l’Accusation, que les SS étaient prévus pour des tâches dont ni le Parti ni l’État ne voulaient prendre la responsabilité ?
Ce que j’ai dit au sujet de l’éducation des SS au point de vue du Droit correspond à l’évolution historique des SS et aux faits. L’opposition en apparence inconciliable entre l’affirmation de l’Accusation et mon exposé réside en ceci que l’Accusation considère les SS justement comme une unité au point de vue organisation, chose qu’elle n’a jamais été. Partout où Himmler agissait, d’après l’Accusation, ce sont les SS qui ont agi. Partout où le pouvoir exécutif de l’État a agi, d’après l’Accusation, ce sont les SS qui ont agi. Cette liaison au point de vue organisation n’existait pas. C’est pourquoi les affirmations de l’Accusation sont inexactes dans ce sens.
Du fait qu’au témoin précédent on a présenté un grand nombre de documents qui doivent représenter précisément les crimes de membres des Waffen SS, je dois vous demander : est-ce que les Waffen SS, dans les territoires occupés et au front, ont commis des crimes contre la population civile, et ceci d’une manière systématique, en violation des conventions internationales, des lois pénales locales et des principes généraux du Droit pénal de tous les peuples civilisés ?
Non, il n’en est pas question. Il est clair qu’également du côté des Waffen SS, dans des cas isolés, il y a eu des violations du Droit international, exactement comme cela s’est produit du côté opposé. Mais tout cela ce sont des phénomènes isolés et non un système. Tous ces faits isolés ont été combattus de la manière la plus sévère par les tribunaux des SS et de la Police. Au service central SS de la Justice lui-même il y avait une institution qui garantissait la surveillance centrale de tout l’ensemble de la juridiction. De ce point de vue, je peux ici témoigner que, dans de tels cas isolés, les tribunaux sur tous les théâtres de la guerre et pendant toute la période de la guerre ont prononcé des verdicts pour assassinat, pillage, viol, meurtre, mauvais traitements, et également pour meurtres de prisonniers de guerre, et dans ce cas l’appartenance raciale ou nationale des personnes visées n’avait aucune influence. Tout cela constitue des faits isolés et non pas un système. C’est ce que montre également la statistique de la criminalité du service central des SS de la Justice. En exécutant de la manière la plus sévère les principes de justice, la criminalité a oscillé entre 0,8% au début et 3% à la fin de la guerre, et par conséquent est restée au-dessous de la normale.
Par ordre de Hitler du 13 mai 1941 (le document a été présenté ici), il a été exprimé une interdiction de poursuivre ces délits. N’est-ce pas en contradiction avec vos déclarations au sujet des poursuites et des verdicts ?
Non, ce n’est pas une contradiction parce que cet ordre de Hitler, s’il est vrai qu’il supprime l’obligation de poursuivre pénalement, donne au Chef suprême de la Justice la possibilité de décider la poursuite pénale. Dans ma longue pratique, un ordre de Hitler...
Quel est l’ordre de Hitler auquel vous vous rapportez ? Quel est le numéro du document ?
Malheureusement je ne l’ai pas pour l’instant ici et je ne peux pas vous donner le numéro, Monsieur le Président ; mais il s’agit ici de l’ordre qui a été donné avant le début de la campagne de Russie, dans lequel il est dit qu’il faut intervenir seulement pour maintenir la discipline dans les cas où la troupe commettrait des excès.
Demain, si cela m’est permis, je donnerai le numéro. J’ai encore une question et ensuite je pourrai conclure au sujet de cet ensemble de questions.
Monsieur le Président, je crois pouvoir aider le Dr Peickmann à dire de quoi il s’agit. Il s’agit ici d’une ’directive de Keitel (URSS-16), intitulée : « Lutte contre les bandes ».
Vous dites que vous n’avez plus qu’une question à poser, Monsieur Peickmann ?
Je n’ai plus qu’une question et ce chapitre sera clos. Je demande à pouvoir entamer demain matin un nouveau chapitre.
L’Accusation prétend, témoin, que ce que l’on appelle les cours martiales des SS et de la Police auraient tué, sous le couvert de la Justice, la population civile des territoires occupés. Que comprend-on sous la notion de « cours martiales des SS et de la Police » ?
Il n’a jamais existé de telles cours martiales des SS et de la Police. Autant que je sache par mon expérience, il y a eu en Pologne des cours martiales de la Police de sûreté. J’ai appris maintenant qu’il y a eu aussi de telles cours martiales dans d’autres pays occupés. C’étaient des cours martiales de la Police de sûreté, donc une affaire purement poli-cière qui n’avait rien à voir avec les tribunaux des SS et de la Police.
Je vous remercie.
Maintenant, voulez-vous nous dire quels sont les sujets sur lesquels vous allez demain interroger le témoin.
Le système des camps de concentration et la juridiction des SS.
Mais vous avez déjà traité aujourd’hui le système juridique des SS. C’est le sujet que vous venez de terminer. Vous nous avez dit que les juges des SS étaient indépendants. Cela appartient donc au système juridique, n’est-ce pas ?
II s’agit de questions spéciales au sujet de la juridiction dans le système des camps de concentration, Monsieur le Président.
Quelles questions voulez-vous donc poser demain et de quoi voulez-vous vous occuper ?
Je voudrais m’occuper demain du système des camps de concentration et de la juridiction des SS et de la Police et des relations entre eux.
Je viens de noter que vous voulez vous occuper des camps de concentration et du système juridique des camps de concentration. De quoi voulez-vous encore vous occuper ?
De plus rien d’autre, Monsieur le Président.
Je vous remercie. Le Tribunal désire, par mon intermédiaire, vous déclarer que vous avez parlé beaucoup trop longtemps et qu’il espère que vous vous exprimerez plus brièvement demain.