CENT QUATRE-VINGT-DIX-NEUVIÈME JOURNÉE.
Vendredi 9 août 1946.
Audience du matin.
Je crois avoir déjà dit, mais je vais le répéter, que le Tribunal siégera en audience publique demain jusqu’à 1 heure.
Témoin, hier je vous ai fait passer des extraits de votre journal de 1944. En avez-vous un exemplaire entre les mains ?
Je me réfère au document PS-3546, qui sera déposé sous le numéro GB-551.
Je voudrais préciser, Monsieur le Président, que les extraits qui figurent dans ce document PS-3546 ne sont que des extraits fragmentaires du journal et se rapportent aux expériences médicales. Il y a évidemment beaucoup d’autres extraits qui se rapportent à d’autres aspects de l’activité de l’« Ahnenerbe ».
Hier, nous en étions arrivés au 2 février. Voudriez-vous regarder les inscriptions relatives au 22 février ? Vous verrez que vous avez eu un entretien avec le Dr May, et puis il y a une inscription qui se rapporte à la coopération avec le Dr Plötner et le Professeur Schilling.
Quel était à cette époque le travail du Professeur Plötner ?
Je n’entends pas la traduction allemande. (On répète la question au témoin.) Maintenant j’entends.
Avez-vous entendu la question, témoin ?
Oui. Le Dr Plötner travaillait auprès du Professeur Schilling. Ceci se rapporte à la communication de Himmler, datée du 23 janvier, selon laquelle les rapports de Schilling devaient être envoyés au Dr May. Ces rapports n’ont pas été envoyés, car Schilling refusa toute collaboration avec le Dr May.
Bien. Maintenant venons-en à la note du 25 février.
Est-ce un document séparé ou est-il dans ce recueil ?
C’est dans le recueil de documents, Monsieur le Président, c’est à la page 29 du recueil de documents. C’est la pièce PS-3546.
Le 25 février, vous écrivez : « Fait connaître l’ordre du Reichsführer SS au sujet de son travail à Dachau et sa collaboration avec Rascher.
« Le 22 mars, de 18 h. 30 à 21 heures, le SS-Hauptsturmführer Dr Rascher prépara son expérience de congélation pour la saison d’hiver 1944-1945 ».
Vous étiez avec Rascher à Dachau à cette date, n’est-ce pas ?
Il s’agit d’expériences — comme je l’ai déjà dit devant la commission — que Himmler voulait voir exécuter, en raison des cas de gel au front de l’Est.
Ces expériences ne purent être faites à Dachau ; on en rendit compte à Himmler qui exigea qu’elles fussent faites dans le semestre d’hiver suivant. Elles n’ont pu être effectuées puisque Rascher fut mis en prison en avril.
Pour qui exécutiez-vous ces expériences ? Pour le compte de l’Armée ?
Ces expériences devaient être faites en liaison avec le service du médecin du Reich SS Grawitz.
C’était le chirurgien en chef SS, ce Grawitz, n’est-ce pas ?
Oui.
De telle façon que ces expériences étaient faites au profit des Waffen SS, n’est-ce pas ?
Grawitz a refusé d’effectuer lui-même ces expériences, et par suite des négociations qui se sont engagées, elles n’ont pas pu être réalisées, ainsi que Himmler le voulait, avant l’hiver de 1943-1944 ; Grawitz pensait que si on devait faire des recherches de ce genre, Rascher devrait se rendre au front de l’Est et travailler dans les hôpitaux militaires.
Vous savez que vous n’avez pas répondu à ma question, témoin ? J’ai demandé pour qui effectuait-on ces expériences ? Était-ce pour le compte des Waffen SS ?
L’ordre d’exécution n’avait pas été donné ; le travail, la coopération, avait lieu entre le médecin du Reich, SS et la Wehrmacht. Pour les détails, je n’ai pas beaucoup d’informations.
Si vous voulez maintenant regarder la note suivante :
« 14 avril. Station Rascher. État du travail. Travaux envisagés. Instructions pour la continuation provisoire. Instructions au Hauptsturmführer Plötner. Pourtant, c’était à l’époque de l’arrestation de Rascher, n’est-ce pas ?
Oui, Rascher avait été arrêté.
Et le Hauptsturmführer Plötner a succédé à Rascher, n’est-ce pas ?
Oui.
Les expériences se poursuivirent à Dachau et ailleurs. La destitution de Rascher n’apporta aucun changement, n’est-ce pas ?
C’était des travaux tout différents de ceux que Rascher avait faits.
Vous avez assisté à certaines expériences effectuées par Rascher, n’est-ce pas ?
Je suis allé plusieurs fois à Dachau, oui.
Et vous y avez été à plusieurs reprises avec Himmler lorsque Rascher effectuait ses expériences, n’est-ce pas ?
Non, je ne me suis jamais trouvé en même temps que Himmler à Dachau, chez Rascher.
Je voudrais que vous regardiez le document PS-2428 (GB-582). C’est une déclaration sous serment du Dr Pacholegg dont vous avez parlé hier.
Monsieur le Président, vous le trouverez à la page 25 du recueil de documents en anglais, et à la page 32 du texte allemand. (Au témoin.) Vous verrez cette question et la réponse, question posée à Pacholegg après qu’il avait décrit les expériences consistant à jeter les victimes dans l’eau froide, et les expériences faites avec des prostituées pour leur rendre vie par la chaleur humaine.
« Question
Qui assistait d’habitude à ces expériences ?
Réponse
Heinrich Himmler et son État-Major, en général, assistaient à ces expériences importantes ici à Dachau ou à toute nouvelle expérience. Le Standartenführer Sievers était toujours présent avec Himmler. »
Ce n’est pas exact.
Ces expériences étaient hideuses, n’est-ce pas témoin ?
Vous parlez de ces expériences qui ont été faites là-bas, bien que je vienne ’de vous dire que je n’étais pas présent quand Himmler y était ?
Étiez-vous toujours présent quand Himmler n’était pas là ?
J’ai vu deux expériences. Il s’agit, comme je l’ai déjà dit hier, pour l’une d’elle, d’une expérience à laquelle j’ai assisté en partie, lorsque le Professeur Hirt était présent ; l’autre expérience était effectuée dans la chambre de basse pression.
Je voudrais que vous vous reportiez à la page 30 du recueil de documents anglais, page 22 du recueil allemand, afin de rafraîchir votre mémoire en ce qui concerne les souffrances qui étaient infligées à ces victimes lors de ces expériences dans les chambres dites de basse pression. C’est la dernière réponse à la page 30 du recueil de documents anglais, Monsieur le Président.
Pacholegg dit :
« Là, j’ai observé personnellement, à travers la fenêtre d’observation de la chambre, qu’un prisonnier, à l’intérieur, subissait le vide jusqu’à ce que ses poumons éclatent. Certaines expériences ont provoqué chez les hommes une telle pression dans la tête, qu’ils devenaient fous, s’arrachaient les cheveux dans leur effort pour soulager la pression. Ils lacéraient leur tête et leur visage avec leurs ongles, dans un effort pour se mutiler eux-mêmes dans leur démence. Ils frappaient les murs avec leurs mains et leurs têtes et hurlaient afin de soulager la pression sur leurs tympans.
Ces cas de production ’de vide absolu se terminaient généralement par la mort du sujet. Une expérience extrême était tellement sûre de finir par la mort, que dans beaucoup de cas la chambre était ensuite utilisée plutôt comme méthode ordinaire d’exécution que pour des expériences.
J’ai connu des expériences de Rascher qui soumettait le prisonnier à des conditions de vide ou de pression extrême ou à des combinaisons des deux pour une durée allant jusqu’à 30 minutes. Les expériences étaient en général classées en deux groupes : l’un connu sous le nom « d’expériences sur des êtres vivants », et l’autre sous le nom « d’expériences X », qui équivalaient à des expériences d’exécution »
Voilà ce qu’étaient les expériences de Rascher pour le compte de la Luftwaffe, n’est-ce pas témoin ?
Il s’agit des expériences des chambres de basse pression,, et je n’ai entendu dire qu’ici qu’elles étaient été effectuées réellement.
Dans les expériences auxquelles j’ai assisté...
Répondez seulement à ma question : ces expériences de Rascher étaient effectuées pour la Luftwaffe, n’est-ce pas ?
Oui.
Quelle fut la participation de Göring à ces expériences ?
Je n’en sais rien, parce que les expériences en tant que telles ont commencé en 1941, et je n’ai appris quelque chose à leur sujet que lorsqu’elles avaient déjà commencé. La liaison avec la Luftwaffe a été assurée par le Service de santé de la Luftwaffe. Dans quelle mesure Göring en était-il informé, je n’en sais rien.
Par qui était maintenu le contact avec la Marine, en ce qui concerne ces expériences ?
Je n’en sais rien.
Et avec l’Armée ?
Je ne le sais pas non plus.
Et vous, en tant que directeur de cet Institut scientifique da recherche pour des buts de guerre, vous deviez certainement avoir une liaison avec les différentes parties de l’Armée, n’est-ce pas ?
Les liaisons avec la Luftwaffe pour ces questions incombaient à l’Obergruppenführer Wolff et allaient au général Milch.
Le chirurgien de la Luftwaffe travaillant à ces expériences était Weltz, n’est-ce pas ? Est-ce exact ? Weltz, chirurgien en chef de la Luftwaffe.
C’est possible, mais il y a plusieurs noms qui ont été mentionnés et que je ne connais pas. Il y a eu des lettres écrites sur l’ordre de Rascher, des lettres de service adressées à des personnalités. Sans les documents, je ne peux dire exactement qui c’était, et je l’ai déjà déclaré l’année dernière devant la commission.
Est-ce que le nom Dr Holzlöhner vous dit quelque chose ? Il a signé le rapport sur les expériences de Schilling relatives à la congélation. Il était professeur de physiologie à l’école de médecine de l’Université de Kiel, n’est-ce pas ?
Oui, j’ai mentionné à la commission que le professeur Holzlöhner a collaboré aux expériences de Rascher à Dachau.
Est-ce que c’est lui qui représentait la Marine au cours de ces expériences ?
Non, il était médecin de la Luftwaffe.
Vous souvenez-vous des expériences qui furent effectuées pour rendre potable l’eau de mer ?
Oui, j’ai entendu parler de cela.
Elles ont eu lieu... Elles commencèrent en mai 1944, est-ce exact ?
Oui, c’est bien possible, en mai.
Et vous vous souvenez que vous avez assisté à une conférence le 20 mai 1944, au ministère de l’Air, à laquelle des membres de la Marine et de la Luftwaffe avaient été invités ? Vous vous souvenez de cette conférence, n’est-ce pas ?
Je ne me souviens pas d’une conférence au ministère de l’Air.
Vous souvenez-vous d’une conférence sur ces expériences tendant à rendre potable l’eau de mer qui aurait eu lieu ailleurs ?
Oui, il s’agit d’une conversation avec le Dr Grawitz, médecin du Reich SS. Il faut que j’explique, à ce propos, qu’après l’emprisonnement de Rascher, son successeur, le Dr Plötner a refusé d’effectuer des expériences sur des êtres vivants. C’est seulement l’arrestation de Rascher qui a révélé la manière cruelle, et allant très au delà de la mission qui lui avait été donnée, dont Rascher avait opéré. Et Himmler déclarait...
Un moment, je vais vous interroger là-dessus dans un instant. Pour le moment, essayez de vous concentrer sur l’expérience tendant à rendre potable l’eau de mer.
Vous vous souvenez qu’il y a eu une conférence au cours de laquelle les représentants de l’armée de l’Air et de la Marine étaient présents ? C’est tout ce que je veux savoir pour l’instant. Vous donnerez vos explications ensuite.
Oui, j’ai dit que je me souviens que cette conversation a eu lieu chez Grawitz, et plus tard qu’une autre a eu lieu à Dachau avec des officiers de la Luftwaffe. Je ne me souviens plus s’il y avait des gens de la Marine.
Je voudrais que vous essayiez de vous en souvenir, parce que c’est très important. Il s’agissait d’expériences avec de l’eau de mer. Il est bien permis de supposer que la Marine s’y intéressait. En fait, elle s’y est intéressée et elle a envoyé un représentant. Est-ce qu’il n’en était pas ainsi ?
Je ne crois pas qu’il y ait eu un représentant de la Marine dans cette assemblée.
Connaissez-vous le Dr Laurenz, qui s’occupait des sous-marins à Kiel ?
Non, je ne le connais pas.
Fut-il décidé, à propos de ces expériences sur l’eau de mer, que l’on utiliserait des bohémiens pour ces expériences ?
Je suis obligé ’de continuer l’explication que j’avais entamée tout à l’heure à ce propos, car cela est très important. Le Dr Plötner a refusé de poursuivre des expériences sur des êtres humains. Himmler ne l’exigea pas de lui, et par conséquent Grawitz reçut mission de se charger de ces questions. Il apparaît donc que le consentement du médecin était la condition nécessaire pour qu’une expérience sur des êtres humains ; fût effectuée. Grawitz fit savoir que la Luftwaffe, en l’espèce un professeur de Vienne, avait demandé que des détenus... de mettre à sa disposition, dis-je, des détenus — à ce propos, il se peut que l’on ait parlé de bohémiens — pour les expériences sur la tolérance à l’absorption d’eau de mer. Je ne sais rien sur les détails de la mise en œuvre. Il avait seulement été prescrit à cette époque que les expériences chimiques et physiologiques devaient être effectuées et il a fallu mettre à la disposition de ces médecins de la Luftwaffe, pour une durée de trois semaines, ’d’eux pièces de l’institut du Dr May à l’institut d’entomologie où ils ont travaillé. En ce qui concerne ces expériences...
Vous aviez du personnel travaillant à Dachau à ces expériences, constitué par : un médecin directeur, trois chimistes médicaux, une assistante et trois sous-officiers, n’est-ce pas, au moment de ces expériences de Grawitz sur l’eau de mer ?
Oui, c’est possible, puisque ces expériences étaient sous la surveillance de Grawitz, et faites selon ses directives, mais je n’ai jamais rien su au sujet de leur exécution. On nous réquisitionnait simplement les salles, tout le reste était fait par Grawitz ; je ne sais pas qui y a travaillé, ou s’il y eut du personnel SS qui collabora avec les gens de la Luftwaffe de Vienne.
Pourquoi ce personnel travaillait-il à Dachau ? N’est-ce pas parce que ce lieu avait été choisi pour la poursuite d’expériences scientifiques destinées à rendre potable l’eau de mer ? C’était uniquement parce que vous y aviez des cobayes humains, n’est-ce pas ?
J’ai dit que la Luftwaffe avait demandé à Himmler des détenus à cet effet, et c’est pourquoi ces travaux ont été exécutés par l’intermédaire de Grawitz à Dachau.
Je voudrais que vous vous reportiez maintenant à votre journal ; à la page 30 du recueil des documents britanniques, Monsieur le Président.
Vous voyez les notes du 14 avril, « Section politique, au sujet de l’évasion de Pacholegg ». Donc, ce Pacholegg s’est évadé n’est-ce pas ?
Oui, en tout cas, il avait disparu.
Pourquoi vous êtes-vous rendu à la section politique à ce sujet ?
Parce que, en dernier lieu, vers la fin de la guerre, j’étais allé avec Rascher et Pacholegg, dans le Vorarlberg, et que j’avais été accusé d’avoir favorisé l’évasion de ce dernier. Il s’agissait d’une affaire générale d’emprisonnement. La bombe Rascher explosa à ce moment-la.
Vous semblez avoir été extrêmement inquiet au moment de l’évasion de Pacholegg. Il savait beaucoup de choses sur votre activité, et vous sembliez extrêmement désireux de le faire reprendre, n’est-ce pas ?
J’avais surtout des soucis personnels car il n’est pas difficile de comprendre ce... ce qui me serait arrivé alors — car Pacholegg savait beaucoup de choses... — si l’on avait pu prouver, comme on l’a prétendu alors, que j’avais favorisé l’évasion.
Si vous regardez les notes du 23 mai, vous verrez que vous avez eu une entrevue’ avec les médecins du Reich, Grawitz, Poppendiek et Plötner.
Ensuite il y a : « Délimitation du champ de travail de Schilling ». L’après-midi, vous avez eu une conférence de deux heures avec Plötner ; était-ce au sujet de ces expériences pour rendre l’eau de mer potable ?
Non, il s’agissait de séparer complètement Plötner die Schilling. Plötner se plaignait de la façon dont travaillait Schilling, et il déclarait qu’il ne pouvait plus continuer à travailler dans ces conditions. Il était détaché auprès de lui comme médecin appartenant aux Waffen SS.
Vous-même devez avoir éprouvé des scrupules à ce moment-là, à propos de l’usage qu’on faisait des détenus ? Votre situation militaire devenait assez délicate, n’est-ce pas ?
Ces scrupules de conscience, je ne les ai pas éprouvés seulement à ce moment-là, mais beaucoup plus tôt, et c’est pourquoi, en raison des documents qui ont été présentés ici et des reproches, qui me sont faits, je suis obligé die, faire un aveu personnel, et je prie le Tribunal de l’entendre.
Le Tribunal pense que vous pouvez dire tout ce que vous voulez à ce sujet.
Je voudrais vous dire, Monsieur le Président, que j’ai encore d’autres questions à soumettre au témoin.
Vous pouvez le faire d’abord.
S’il veut attendre la fin de l’interrogatoire pour faire sa déclaration, il peut le faire ; toutefois il siérait utile pour moi que le témoin fasse sa déclaration dès maintenant. Mais je me range naturellement à l’avis du Tribunal.
Alors qu’il la fasse maintenant.
Si vous le désirez, Monsieur le Président.
Témoin, voulez-vous faire votre aveu au Tribunal.
Dans la séance de la commission du 27 juin, j’ai eu à parier de faits concrets en réponse aux questions qui m’étaient posées sur cette affaire. A ce moment, j’ai été constamment invité à être bref, et j’ai dû me limiter aux faits et laisser de côté tout ce qui concernait ma personne et mon opinion personnelle sur ces questions. Cette attitude a eu pour conséquence, je le vois, d’une part de faire douter de ma crédibilité et de faire supposer que j’avais collaboré personnellement aux expériences incriminées et que je ne voulais pas dire la vérité. Maintenant, la question a été éclaircie, il faut que je me Justine personnellement.
J’ai été membre dirigeant d’une organisation secrète de résistance et c’est en cette qualité que j’ai été chargé par elle d’entrer tant dans le Parti que dans les SS. La position à l’« Ahnenerbe » nous offrait tout spécialement des possibilités d’une action illégale contre le régime nazi...
Témoin, quand vous dites « mouvement de résistance », je n’ai pas très bien compris quel était ce mouvement de résistance à la tête duquel vous vous trouviez ?
Dans l’organisation secrète dirigée par le Dr Hilscher, qui, en relation avec les événements ’du 20 juillet, avait été arrêté et mis dans les prisons de la Gestapo. C’est pourquoi j’ai protesté également à plusieurs reprises contre les expériences, ce qui eut pour conséquence que Himmler — comme cela ressort du document — donna les instructions qui sont connues et d’après lesquelles la résistance à ces expériences était considérée comme trahison et était passible de la peine de mort. Entre autres choses, il me dit que personne ne me demandait d’effectuer personnellement ces expériences dont il prenait seul la responsabilité. Du reste, des expériences analogues ont été faites, ainsi que je l’ai lu moi-même dans des revues médicales, et il n’était pas possible non plus de les éviter. C’est ce que montrent les expériences de Dieth sur des êtres humains en 1900 et plus tard, celles de Goldberger, en Amérique. Néanmoins cela...
Je ne sais pas si le Tribunal ’désire en entendre davantage. Il me semble qu’il s’agit moins d’une confession que ’d’une diversion. J’ai encore une quantité de questions, à poser au témoin.
Commandant Elwyn Jones ; le Tribunal pense que vous devriez continuer votre interrogatoire contradictoire. Si le témoin désire ajouter quelque chose à la fin, il le pourra.
Bien, Monsieur le Président. Reportez-vous maintenant à votre journal.
Le 27 juin vous avez eu une conférence avec le chef d’État-Major SS Dr Brandt et le SS-Hauptsturmführer Dr Berg sur « l’institution ’de recherches scientifiques dans un camp’ de concentration. Rapport au sujet de la conférence du 15 octobre 1944 avec le SS-Obergruppenführer Pohl ». C’était le 27 juin 1944, vous le savez. Le 25 juillet, vous avez eu une « conférence avec le chef d’État-Major SS Maurer d’Oranienbourg au sujet de l’emploi des détenus dans des buts scientifiques ».
C’était à l’époque où vous étiez comme dirigeant dans la résistance !
Le 26 juillet, « le SS-Hauptsturmführer Dr Fisther a donné ordre, conformément à la conférence avec le SS chef d’État-Major Maurer en date du 25 juillet 1944, de visiter le plus rapidement possible tous les camps de concentration afin d’établir définitivement la liste des personnes à choisir ».
Le 21 octobre, vous avez noté une autre conférence : « Continuer les recherches du SS-Sturmbannführer Professeur Hirt ». Rendre de nouveau disponible le médecin major Dr Wimmer, et mettre à la disposition le SS-Obersturmführer Dr Martinek ».
Le 23 octobre, vous marquiez dans votre journal : « Prise en charge des recherches biologiques par le Dr Plötner SS-Hauptsturmführer à Dachau ».
Témoin, vous souvenez-vous des expériences relatives à la coagulation du sang ?
Non.
Avez-vous participé à des expériences de ce genre ?
Je n’ai jamais participé à des expériences de ce genre, parce que je ne suis pas un savant, mais je me souviens très bien de ces travaux. Le Dr Plötner a refusé, comme je l’ai expliqué, de se livrer à des expériences sur des êtres humains. Cette expérience sur la coagulation du sang...
Je regrette de vous interrompre, mais j’aimerais que vous disiez ce que vous savez personnellement de ces expériences ; quelle était, par exemple, la forme de ces expériences ?
Ces expériences avaient lieu dans les cliniques de l’université- d’Innsbruck, sous la direction du Dr Breitner, puis à la clinique de l’université de Vienne, sous la direction du Professeur Denk.
Ce qui se passait, c’est qu’alors on tirait des balles sur les détenus des camps de concentration. C’était bien là la forme des expériences, n’est-ce pas ?
C’est Rascher qui a fait ces expériences et non pas Plötner. On s’en est aperçu seulement lorsque Rascher a été mis en prison.
Peu m’importe qui les avait exécutées. Vous savez la forme qu’elles revêtaient, et que cette forme consistait à tirer sur les prisonniers des camps de concentration et ensuite à faire des expériences pour arrêter l’hémorragie. C’est bien ainsi que se sont déroulées ces expériences, n’est-ce pas ?
Mais il faut dire que ceci n’a été révélé que lorsque Rascher a été mis en prison. Il avait prétendu auparavant que ces expériences avaient été faites notamment à l’hôpital de Schwabing.
Reportez-vous au document N0-065 ; c’est à la page 8 du recueil de documents anglais, Monsieur le Président, document qui sera déposé sous le numéro GB-583. C’est une déclaration sous serment. Je voudrais que vous regardiez le paragraphe 4 de cette déclaration d’Oswald Pohl du Service central économique et administratif, page II du recueil de documents allemands. Il donne un témoignage à votre sujet. Je voudrais simplement lire un extrait de ce paragraphe 4 : « Sievers (de l’Ahnenerbe). J’ai entendu parler pour la première fois de cette affaire lors d’une visite que Sievers me fit à Berlin, lorsque les expériences semblaient déjà terminées, car il venait me trouver afin de savoir les possibilités de fabrication de médicaments (installations pour la fabrication.). Je mentionnai la Deutsche Heilmittel à Prague, qui appartenait aux usines allemandes dirigées par Oberführer Baier de mon État-Major. Je recommandai à Sievers d’aller le voir. Le médicament a été fabriqué plus tard à Schlachters (Forêt Noire). Sievers m’a dit ce qui suit : L’Ahnenerbe — dont le secrétaire général était Sievers avait mis au point à Dachau, à la demande de Himmler, un médicament qui amenait rapidement la coagulation du sang. Il était extrêmement important pour notre Armée parce qu’il empêchait une hémorragie persistante. C’était le résultat d’expériences effectuées à Dachau au cours desquelles on avait tiré sur un prisonnier. Un prisonnier de Dachau, un spécialiste en la matière, avait pris une part importante dans la découverte de ce médicament ».
Ces faits sont exacts, n’est-ce pas ?
Oui, mais le rapport est seulement tout à fait incomplet. Lorsque cette conversation eut lieu, Rascher était depuis longtemps en prison, et on savait qu’il avait fait lui-même ces expériences. J’ai raconté cela en détail à Pohl parce qu’il s’agissait de la production des médicaments mis au point seulement par le Dr Plötner, et j’ai parlé également des expériences faites par les professeurs Breitner et Denk de Vienne, en commentant le mémoire rédigé par eux. Ce qui est écrit ici donne une image tout à fait fausse.
Témoin, Rascher est mort ; il est commode de rejeter toute la faute sur lui, n’est-ce pas ?
Il s’agit ici d’éclaircir les faits, et je ne peux dire que ce qui est exact et ce que je sais.
Aviez-vous quelque chose à faire avec les expériences relatives aux causes de la jaunisse infectieuse ?
Non, elles ne me sont pas, connues.
Je voudrais que vous regardiez le document N0-010, page 4 du recueil de documents britanniques, Monsieur le Président, document GB-584. Comme vous le voyez, c’est une lettre de Grawitz à Himmler. Elle est datée du 1er juin 1943. Elle est marquée : « Absolument secret. Objet : Enquête sur les causes de la jaunisse infectieuse. Reichsführer ».
Quelle est la signature ?
C’est la signature de Grawitz, n’est-ce pas, le médecin des SS et de la Police pour le Reich ?
Oui.
« Le Commissaire général du Führer SS Professeur Brandi... ». Arrêtons-nous ici une minute.
Il était le Commissaire du Reich pour la santé et l’hygiène, n’est-ce pas ?
Oui.
« ...Le Commissaire général du Führer est venu me voir en me demandant de l’aider en mettant des prisonniers à sa disposition, pour un travail de recherche portant sur les causes de la jaunisse infectieuse, travail qui était déjà très avancé. Jusque-là, les recherches avaient été menées par un médecin militaire, le Dr Dohmen, dans le cadre des recherches de l’Inspection médicale de t’Armée, avec la participation de l’Institut Robert Koch. Jusqu’à maintenant, elles ont abouti à ce résultat conforme aux résultats d’autres chercheurs allemands, que la jaunisse infectieuse n’était pas transmise par une bactérie mais par un virus. Afin d’augmenter nos connaissances qui se basent jusqu’à maintenant uniquement sur les essais d’inoculation de virus humain à des animaux, il est nécessaire de procéder de la façon inverse, c’est-à-dire d’inoculer le virus cultivé à des hommes. Il faut compter évidemment avec des cas de mort. La thérapeutique, et avant tout les résultats prophylactiques, dépendant évidemment, dans une très grande mesure, de ces dernières expériences. Huit prisonniers condamnés à mort seraient nécessaires, si possible assez jeunes, à l’hôpital des prisonniers du camp de concentration de Sachsenhausen.
Je demande au Reichsführer de décider :
« 1° Si je peux commencer les expériences dans les formes décrites ;
2° Si les expériences peuvent être effectuées par M. le médecin militaire Dr Dohmen lui-même à l’hôpital des détenus du camp de concentration de Sachsenhausen ».
Bien que M. Dohmen n’appartienne pas aux SS. (c’est un chef SA et un membre du Parti), je recommanderais cette solution exceptionnellement dans l’intérêt de la continuité de la série d’expériences, et par suite de la précision des résultats.
L’importance pratique de la question pour nos troupes, particulièrement en Russie méridionale, apparaît par le fait que cette maladie a été très répandue au cours des dernières années, aussi bien chez nous, parmi les Waffen SS et la Police que dans l’Armée, à tel point que des compagnies ont été réduites de 60% en six semaines . Ensuite viennent d’autres commentaires sur la maladie, et c’est signé par Grawitz, n’est-ce pas ?
Grawitz était le vice-président de la Croix-Rouge allemande, n’est-ce pas ?
Oui.
Je voudrais que vous vous reportiez ’maintenant au document N0-011, page 5 du recueil de documents britanniques, document GB-585. C’est la réponse de Himmler à la lettre de Grawitz, datée du 16 juin 1943.
« Objet : recherches sur les causes de la jaunisse infectieuse ». Et Himmler dit :
« 1° Je donne la permission que huit criminels condamnés à mort à Auschwitz, huit condamnés appartenant au mouvement de résistance polonais soient utilisés pour ces expériences.
2° Je consens à ce que le Dr Dohmen effectue ses expériences à Sachsenhausen. 3° Comme vous, j’estime qu’une véritable lutte contre la jaunisse infectieuse serait d’une extrême valeur ». Et c’est signé par Himmler.
Ensuite il y a une note : « L’Obergruppenführer SS Pohl à Berlin. Transmis avec prière de prendre connaissance ».
Ces expériences sur les causes de la jaunisse infectieuse étaient effectuées pour les Waffen SS et pour l’Armée, n’est-ce pas ?
Je l’apprends aujourd’hui pour la première fois. Je ne sais rien. Je ne vois pas du tout ce que je peux avoir affaire avec cela.
Bien. J’aimerais ensuite, si vous voulez bien, que vous vous occupiez des expériences sur la vaccination contre le typhus. Espérons que vous êtes un peu plus familiarisé avec la nature de ces expériences. Est-ce que vous avez connaissance de ces expériences ? Le Professeur Haagen pourrait vous donner des explications à ce sujet.
Oui. Le Professeur Haagen a fait à Natzweiler des vaccinations préventives contre le typhus, sur la demande du camp, parce que le typhus y régnait.
Qui avait chargé Haagen de ce travail ?
Haagen n’a pas été détaché. Haagen était professeur d’hygiène à l’université de Strasbourg.
Je vous ai demandé qui l’avait chargé de ce travail et non pas quelles étaient ses qualifications.
Pour autant que je m’en souvienne, ces travaux ont été exécutés par Haagen sur l’ordre de l’Inspection sanitaire de la Wehrmacht et de la Luftwaffe.
Il était délégué par Göring, n’est-ce pas ?
Qui lui a donné l’ordre de la part de la Luftwaffa ? Je n’en sais rien.
Très bien. Regardez votre propre lettre à cet égard N0-008, le premier document du recueil de documents britanniques n° GB-586.
Elle porte comme en-tête : « Institut pour la recherche scientifique pratique dans des buts militaires », datée du 19 mai 1944. C’était après la destitution de Rascher. Elle est adressée au SS-Obergruppenführer général des Waffen SS Pohl, chef du Service central économique et administratif à Berlin, au sujet de la production d’un nouveau sérum contre le typhus.
« Cher Obergruppenführer. A la suite de notre proposition du 30 septembre 1943, vous avez donné le 25 octobre 1943 votre autorisation pour l’exécution d’expériences destinées à produire un nouveau sérum contre le typhus, et ordonné le transfert de 100 prisonniers à Natzweiler dans ce but. Il a été possible d’effectuer ces expériences de façon très satisfaisante jusqu’à maintenant, avec l’aide du SS-Standartenführer Bolling, chef de la section D-III, délégué par vous ».
Suivent un certain nombre de phrases qui s’occupent de l’aspect médical de la question, et quelques lignes plus bas :
« Je vous demande, en conséquence, d’envoyer encore une fois des sujets à Natzweiler, afin de les inoculer. Pour obtenir des résultats qui soient aussi précis que possible et qui puissent être utilisés dans des buts de statistique, il faudrait cette fois que 200 personnes soient mises à notre disposition pour être inoculées. Il est également nécessaire, d’autre part, qu’elles soient — dans la mesure du possible — dans le même état physique que celui de nos troupes des, Forces armées.
Si des raisons impérieuses empêchent que 200 personnes soient transférées à Natzweiler pour ces expériences, celles-ci pourraient être effectuées dans un autre camp de concentration, mais cela entraînerait de grandes difficultés.
Il faudrait que les savants employés prennent leur parti de ces difficultés, bien qu’ils soient en ce moment très occupés à l’université de Strasbourg en raison des conférences qu’ils y donnent, mais les, résultats que l’on obtiendra sûrement sont de la plus grande importance pour le maintien de la santé de nos soldats.
Comme je vous en ai informé, la direction de, ces expériences est entre les mains du directeur de l’Institut d’hygiène de l’université de Strasbourg, le Professeur Haagen, médecin-major et hygiéniste consultant dans un régiment de l’Air. Il a été chargé de cette mission par le Reichsmarschall, président du Conseil de recherches du Reich.
Conformément à ces instructions, le Dr Haagen devra faire rapport de ces travaux au chef du service de santé de la Luftwaffe.
Ce faisant, il devra indiquer avec l’aide de qui le travail a été effectué, c’est-à-dire en premier lieu le Conseil de recherches du Reich, et en second lieu les SS ». Je demande votre décision pour savoir si les services suivants des SS pourront être mentionnés comme appuyant ces expériences :
« a) Le Reichstführer SS ; b) Le Service central économique et administratif ; c) L’Institut de recherches scientifiques pratiques, dans un but militaire, des Waffen SS »
Est-ce que vous dites toujours que Göring n’avait pas délégué Haagen ?
Oui, je le dis encore. Il y a « Le président du Comité de recherches », cela ne veut pas du tout dire que Göring connaissait chacune de ces missions particulièrement. Il y en avait des dizaines de milliers rédigées en son nom et sur son papier à lettres. C’étaient les chargés de mission pour les différentes questions techniques qui étaient compétents ici, et cela résulte d’ailleurs de ce document : « Le chef du service de santé de la Luftwaffe ».
Le Tribunal a le document sous les yeux. Je ne veux pas discuter avec vous.
Qui a signé la lettre, c’est vous, n’est-ce pas ?
Oui.
Et vous mentionnez expressément le nom. de Göring et pas seulement le Conseil de recherches du Reich. Maintenant regardez le document N0-009 qui vient après cette lettre, cote, d’audience GB-587, page 3 du recueil de documents britanniques. Il s’agit de savoir à qui reviendra l’honneur d’avoir dirigé ces expériences. Elle provient du « Reichsführer SS, section du personnel ». Qui est le signataire de cette lettre ?
C’est le rapporteur personnel du Reichsführer, Dr Brandi,
Voulez-vous regarder ce document : il est daté du 6 juin 1944. « Objet : Introduction d’un nouveau sérum : contre le typhus ». Elle est adressée au SS-Standartenführer Sievers. « Cher camarade Sievers. Je vous remercie beaucoup d’avoir envoyé une copie de votre lettre du 19 mai 1944 au SS-Obergruppenführer Pohl. J’ai informé le Reichsführer, car cette affaire semblait suffisamment importante. En réponse à la question de savoir qui doit être désigné comme autorité des SS qui a patronné les expériences, le Reichsführer a dit que le Service central économique et administratif et l’Institut de recherches scientifiques de l’Armée devaient être mentionnés. De plus, il n’y a pas d’objection à dire franchement que le Reichsführer a également patronné personnellement les expériences ».
Et maintenant quels étaient vos rapports avec les expériences de stérilisation ? Je voudrais simplement vous rappeler, témoin, qu’elles étaient de trois sortes :
1° Les expériences avec les extraits de la plante Caladium Seguinum ; 2° Les expériences de stérilisation par rayons X ; 3° Les expériences de stérilisation de Klauberg, sans opération. Je suis sûr que vous vous en souvenez.
Non, je ne m’en souviens pas, je ne le sais pas.
Est-ce que vous savez qui les a effectuées ?
Non, je ne le sais pas.
Regardez le document N0-035, qui deviendra GB-588. Monsieur le Président, vous le trouverez à la page 7 du recueil de documents, page 8 du recueil allemand. C’est une lettre adressée « au Fondé de Pouvoir du Reich, pour l’affermissement de la race allemande, SS Himmler, chef de la Police, à Berlin ». C’est une autre partie des SS qui était intéressée à ces expériences médicales, n’est-ce pas ? Avez-vous entendu ma question ?
Oui. L’adresse est complètement fausse. Elle devrait dire : « Au Commissaire du Reich pour l’affermissement de la race allemande ».
Je vous ai demandé si c’était une autre branche des SS qui s’intéressait à ces expériences médicales.
Non, elle n’avait rien à voir avec elles.
Dans ce cas, je me borne à lire la lettre. Elle porte en haut les initiales de Himmler, n’est-ce pas ? H.H. Elles vous sont familières, n’est-ce pas ?
Oui.
Le texte de la lettre est le suivant : « Je vous prie de donner votre attention aux déclarations qui suivent : j’ai demandé au Professeur Höhn de vous remettre cette lettre et j’ai ainsi choisi la voie directe afin d’éviter la voie hiérarchique plus lente, et d’éliminer la possibilité d’une indiscrétion, en raison de l’immense importance, à certains égards, des idées soumises. Animé par la pensée que l’ennemi doit non seulement être vaincu, mais exterminé, je me sens obligé de vous soumettre ce qui suit en tant que fondé de pouvoir du Reich pour l’affermissement de la race allemande. Le Dr Madaus est en train de publier le résultat de ses recherches de stérilisation, par des médicaments. Je joins les deux ouvrages. En lisant cet article, j’ai été frappé de l’énorme importance de ces médicaments dans la lutte actuelle de notre peuple. S’il était possible de produire le plus rapidement possible, à la suite die ces recherches, un médicament qui, après une période relativement courte, amènerait une stérilisation des individus, nous aurions à notre disposition une arme nouvelle et très efficace. La seule pensée que 3.000.000 de Bolcheviques se trouvant actuellement en captivité en Allemagne pourraient être stérilisés tout en restant disponibles pour le travail, mais que leur propagation serait arrêtée, ouvre les plus vastes perspectives. Madaus a découvert que le suc de la plante Caladium Seguinum, pris par la voie buccale ou injecté, produit après un certain temps, en particulier chez les animaux mâles, mais également chez les femelles, une stérilité durable. Les illustrations qui accompagnent l’ouvrage scientifique sont convaincantes. A condition que l’idée que j’exprime trouve votre approbation, on pourrait suivre la méthode suivante ;
1° Que le Dr Madaus ne publie plus d’ouvrages de ce genre (l’ennemi est aussi à l’écoute) ; 2° Propagation de la plante facilement cultivable en serre ; 3° Expériences effectuées immédiatement sur des êtres humains (criminels !) afin d’établir la dose et la durée du traitement ; 4° Découvrir le plus rapidement possible la formule de composition des éléments chimiques dans ce médicament afin de 5° Produire ces mêmes éléments synthétiquement si possible. Moi-même, en tant que docteur allemand et ancien médecin-lieutenant de réserve de l’Armée allemande, je m’engage à garder le silence complet quant à l’usage proposé par moi dans cette lettre. Signé Dr Ad. Pokorny, spécialiste des maladies vénériennes et de la peau à Komotau. »
Est-ce que vous savez qu’à la suite de cette proposition on a bâti des serres et cultivé ces plantes ?
Non. Je ne le sais pas ; A ce propos, je me rappelle seulement ceci : on a demandé au Dr Madaus après la publication de ses ouvrages, de prendre position à ce sujet, sans mentionner l’étrange proposition du Dr Pokorny. On a également demandé son avis au Dr von Wünzelburg, spécialiste des plantes tropicales ; il a déclaré qu’une telle plante ne pouvait être cultivée dans ces conditions et qu’on ne l’avait pas à sa disposition.
Oui. Je comprends qu’il était difficile de cultiver des plantes tropicales de ce genre en Allemagne, mais on a cependant fait un essai pour les cultiver, n’est-ce pas ?
Je ne sais pas si on a essayé.
Grawitz, le chirurgien SS du Reich était à la tête de ces expériences de stérilisation, n’est-ce pas ?
Je ne sais rien non plus. C’est possible.
En dehors de ces expériences de meurtre scientifique, l’Ahnenerbe était également utilisé à des fins politiques, n’est-ce pas ?
Des fins politiques, que voulez-vous dire par là ?
Par exemple la pénétration dans la pensée scientifique des autres pays comme moyen d’influence politique ?
Non.
Reportez-vous au document PS-1698, voulez-vous ? Il est inséré avant la page 20 du recueil de documents anglais. Il n’y en a que juste une page. Ce. sera le document GB-589. C’est un rapport annuel daté du 17 novembre 1944 :
« Ahnenerbe. Mission scientifique allemande. Avant-poste Flandres. SS-Untersturmführer (F) Dr Augustin. Rapport annuel. Le travail vise à une action en profondeur et en largeur, particulièrement dans les milieux intellectuels de Flandre et de Wallonie. En suivant la ligne allemande que les S.S sont seules à représenter : 1° Il faut envahir le front d’éducation de tendance libérale et humaniste, en gagnant les titulaires, des positions-clés intellectuelles ; 2° Combattre le mythe de la Grande Allemagne par l’idée de la communauté du Grand Reich allemand ; 3° Favoriser la renaissance de la conscience de la culture et de la vie populaire allemandes, par l’instrument de la propagande politique et de la science, extrêmement efficace à cause de leur camouflage neutre, en tenant compte des arrogantes prétentions de culture de la France et du complexe d’infériorité flamand. Il est possible ainsi de prendre en mains des couches intellectuelles qui n’étaient pas ouvertes à la propagande officielle de la presse et de l’enseignement. Ceci s’applique à la politique des universités, des grandes écoles et des institutions scientifiques, à l’encouragement donné aux étudiants, à la distribution de bourses d’études, c’est-à-dire la sélection pour l’enseignement universitaire et l’encouragement des éléments doués où notre travail devra venir s’insérer. Saisir, influencer et diriger les titulaires des positions-clés intellectuelles (entre autres, les professeurs d’université, les associations d’avocats, les éducateurs, les étudiants, les artistes etc.), c’est une tâche ».
Commandant Elwyn Jones, vous affirmez que c’est un crime ?
Oui, Monsieur le Président, je dis que c’est une partie essentielle de leur machine. Il y a d’abord une perversion de la science et ensuite l’utilisation de cette perversion pour la pénétration dans d’autres pays. Mais si vous le désirez, je n’insisterai pas sur cette matière.
L’Ahnenerbe était une partie composante des SS, n’est-ce pas ?
A ce sujet, j’ai déjà fait des déclarations devant la commission. Pour expliquer cela, il faut dire que la mission scientifique germanique était sous l’autorité du Service central SS et que le Dr Augustin avait été détaché pour ce travail en qualité d’homme de science. C’était une continuation du travail qui... pendant des dizaines d’années... Je ne peux pas voir là dedans une’ activité de la Cinquième colonne ou un abus de la science.
Je vous ai demandé d’une façon générale si l’Ahnenerbe était une section du SS, Regardez le document PS-488, à la page 19-a du recueil .de documents britanniques. C’est un ordre de Himmler concernant l’Ahnenerbe. Je voudrais, simplement attirer votre attention sur le premier paragraphe. Ce sera le document GB-590 : « Je soussigné Heinrich Himmler, Reichsführer des SS, certifie que :
1° La Société de recherches et d’enseignement « Das Ahnenerbe » (Héritage des Ancêtres) à Berlin-Dahlem, Pücklerstrasse 16, et
2° La Fondation « Ahnenerbe » à Berlin, SW 68, Wilhelmstrasse 28, font partie de mon État-Major particulier et sont par conséquent des subdivisions des SS ». Les fonds de l’Institut de recherches scientifiques venaient des Waffen SS, n’est-ce pas ?
J’ai déjà répondu à cette question lors des séances de la commission.
1° L’Ahnenerbe a été en 1942 versé à l’État-Major personnel du Reichsführer SS, et j’ai déclaré que sa structure en tant que société déclarée est restée sans modification, et que les moyens financiers de l’Ahnenerbe provenaient de la fondation Ahnenerbe, de différentes subventions des associations scientifiques, des cotisations de membres, de subventions du Reich et de dons d’industriels. L’argent donné par les Waffen SS et la Wehrmacht, ainsi que je l’ai déclaré auparavant, était uniquement destiné aux expériences scientifiques, pour l’Armée.
Les. membres de l’Ahnenerbe qui effectuaient ces expériences’ étaient tous des hommes des SS, n’est-ce pas ?
Je voudrais que vous regardiez la liste nominative de l’Ahnenerbe, le document D962 ; c’est le dernier document que je vais soumettre. Ce sera le GB-591. Vous voyez le nom du Professeur Walter Wust, le nom du SS-0berführer Dr Hans Brandt ? Et en suivant la liste, vous voyez qu’à une exception, près, ils sont tous officiers SS, n’est-ce pas ?
Oui, à cela près qu’il n’apparaît pas pourquoi ils ont été inscrits ici. La liste en effet comporte uniquement les chefs SS dans l’Ahnenerbe, et leur situation d’état civil, mariés et nombre d’enfants. J’ai déclaré qu’environ la moitié des collaborateurs de l’Ahnenerbe appartenaient aux SS, et non tous.
Il y a plus de 100 noms sur cette liste de professeurs et de docteurs allemands liés à votre travail. A une exception près, tous faisaient partie des SS.
Il n’y a pas que des savants ; il y a sur cette liste tout le personnel, jusqu’aux chauffeurs. Je prendrai position... Je prendrai position à ce sujet quand j’aurais vu la liste.
Je ne tiens pas à ce que vous parcouriez toute la liste. Ce sont tous des SS, n’est-ce pas ? Et tous employés à l’Ahnenerbe ?
Non. Il y a aussi des membres honoraires, qui n’avaient qu’une mission de recherche scientifique.
Je n’ai plus de question à poser au témoin.
Je voudrais prier le Tribunal de me permettre de terminer mon explication...
Il serait peut-être préférable que nous voyions d’abord le deuxième interrogatoire.
Témoin, quel était le but de l’Institut Ahnenerbe ? Répondez brièvement, je vous prie. Ce but était-il de faire des recherches médicales ou d’autres recherches ?
Le but était uniquement la recherche scientifique, comme l’indique le statut de la Société Ahnenerbe.
Est-il exact que l’Annenerbe avait environ 50 missions de recherches ?
L’Ahnenerbe avait 50 différentes sections scientifiques. C’étaient des instituts. En outre, il exécutait ou faisait exécuter plus de cent missions de recherches de grande étendue.
Parmi les différentes missions de recherches que vous venez de mentionner, y avait-il un institut de recherches scientifiques pour l’Armée ?
C’était une section spéciale de l’Ahnenerbe. Cela ressort du fait que ses moyens financiers...
Voulez-vous ne pas répondre maintenant. Je vous demande seulement ai cet institut de recherches scientifiques pour l’Armée était une partie des instituts que je viens de nommer... Je vous poserai d’autres questions, vous aurez l’occasion de parler.
Ce n’était pas une partie des instituts qui viennent d’être nommés.
Bien. Vous avez appris que cet institut de recherches scientifiques pour l’Armée faisait des expériences, n’est-ce pas ?
Qui.
Et de quelle façon étaient financées les missions de recherches et l’institut « Ahnenerbe » ?
Les ressources financières, c’était la fondation de l’Ahnenerbe qui recevait toutes les subventions et les reversait ensuite à l’Ahnenerbe.
D’où provenaient-elles ?
De subventions de la Société de recherches allemande, de cotisations des membres, de subventions du Reich.
Que signifie : « Cotisations de membres » ? Des cotisations de quels membres ?
Des membres sociétaires. Tout allemand pouvait devenir membre, membre de l’Association de l’Ahnenerbe.
Étaient-ce des membres des SS ?
Non, chacun pouvait devenir membre. Le fait d’être membre du Parti ou des SS n’était pas une condition.
Donc, il y avait les cotisations des membres. Quelles étaient les autres ressources ?
Des subventions de l’Économie.
Et de quoi se composaient les ressources financières de l’Institut de recherches scientifiques pour l’Armée ?
L’argent venait exclusivement de la Wehrmacht. Cela devait être porté sur une comptabilité spéciale d’après les règlements de...
Monsieur Pelckmann j’ai sous les yeux la déposition faite à ce sujet devant la commission. Tout cela a déjà été indiqué. Je l’ai sous les yeux.
C’est exact, Monsieur le Président, mais le Ministère Public en a parlé également ici, et le témoin n’a pas pu épuiser la question.
Il n’est pas nécessaire de discuter ce point. Ne pensez-vous pas que vous pourriez abréger votre deuxième interrogatoire ? Tous les faits mentionnés devant la commission sont sous les yeux du Tribunal.
Les membres ou plutôt les collaborateurs et ceux qui avaient des missions de recherches dans l’Ahnenerbe dans quelle mesure, quel pourcentage étaient-ils membres SS ?
Environ la moitié.
Les autres étaient-ils membres du Parti ?
Non, ce n’était pas indispensable.
D’autre part, y avait-il des collaborateurs qui ne faisaient pas de politique ?
Il y en avait même qui, pour des raisons politiques, avaient été refusés par l’État et par le Parti.
Le Professeur Seibt, un Norvégien, a-t-il travaillé à l’Ahnenerbe ?
Oui, le Professeur Seibt a été chargé d’une mission de recherches à l’Université, et j’ai appris qu’il était sorti d’un camp de concentration.
J’ai ici l’original de votre journal qui vous a été présenté en extraits. Il contient 330 pages pour la période dont les extraits vous ont été présentés, mais les extraits sont seulement de trois pages. En vous basant sur ce document, pouvez-vous dire si les choses qui ont été discutées ici ne constituent qu’une fraction infime du travail de l’Ahnenerbe ?
Oui. Je peux confirmer cela, et c’est pourquoi j’attendais de pouvoir faire ma déclaration. Je n’ai pas suspendu mes déclarations pour dissimuler des faits qu’il est d’un intérêt général d’expliquer conformément à la vérité.
Témoin, êtes-vous en mesure de donner des explications conformes à la vérité au sujet des fragments de votre journal qui vous ont été présentés, sans donner des explications détaillées sur ce journal ?
Cela m’est impossible parce que c’est seulement par tout l’ensemble de mon journal qu’il vous est possible de constater l’étendue qu’avaient l’ensemble de mes travaux, et combien les questions discutées ici étaient en marge de ceux-ci. Et en outre, étant donné la longueur de la période sur laquelle ils s’étendent, il m’est absolument impossible de les reconstituer sans documents et ’dé faire des déclarations véridiques et complètes. Je n’ai cessé, dans mes interrogatoires antérieurs, de le, signaler, de réclamer mes notes secrètes et mes documents pour faire des déclarations détaillées, car, en raison de mes opinions politiques, je tenais à aider à signaler les injustices et à châtier des forfaits. Mes demandes ont toujours été vaines, ma requête écrite du 20 décembre est restée sans réponse. On a ainsi renoncé à des documents constituant des preuves importantes.
Cela suffit, témoin.
Je ne veux donner qu’un exemple des... de l’image tout à fait fausse qui peut résulter du fait que le témoin est réduit à des fragments de son journal. Je lui fais passer le journal, page 103, note du vendredi 14 avril, 13 heures. « Titre : Station Rascher. État des travaux ultérieurs. Instructions données au Dr Plötner pour la continuation provisoire des expériences ». Ce qui vient ensuite manque dans l’extrait et je prie le témoin de le lire et de donner ensuite son explication. Témoin, lisez ceci, je vous prie, et dites s’il résulte de cette annotation du journal que le Dr Plötner a continué les expériences de Rascher, ainsi que l’affirme le Ministère Public.
Il apparaît nettement ici que le Dr Plötner n’a pas continué les travaux de Rascher sur les êtres humains. Sur cette remarque, j’aurais pu donner une explication approfondie, mais je n’en aurais pas le temps.
Faites-le, je vous prie.
Le Dr Plötner a décrit d’une façon dramatique...
Nous voulons l’annotation, nous ne voulons pas de drame.
Je ne lis pas à même de la donner. Je n’ai qu’un exemplaire...
Le témoin a le recueil de documents devant lui. Ne peut-il lire ?
Je lis :
« Mise au courant du Hauptscharführer Dr Plötner. Mission très urgente : expérience sur le Polygal. » C’était le produit coagulant.
Vous commenterez plus tard.
« Indications pour la continuation des travaux Putzengruber. P. Rottw. Neff rend compte que la fabrication du Polygal à Schlachters est assurée pour trois mois. Feix rend compte des expériences au cours de la fabrication et présente les premiers résultats de Schlachters. La comptabilité de l’entreprise doit avoir son siège à Schlachters, par ordre du conseiller économique de la région (Gau). Achat de machines ».
Voilà donc ce que signifie « Instructions au Dr Plötner » ?
Mise au courant de toutes les questions administratives et commerciales de la fabrication du Polygal.
Vous vouliez dire comment cela s’était passé à cette époque ?
Oui. Le Dr Rascher avait commencé à s’occuper de l’évolution du Polygal. Le médicament ne correspondait pas cependant aux exigences qui avaient été prescrites.
Monsieur Pelckmann, la question que vous avez posée au témoin était : Est-ce que ces notes ne montrent pas que le Dr Plötner n’a pas poursuivi les travaux de Rascher ? Comment cette note le montre-t-elle ? On. ne nous a pas dit comment ces notes le font ressortir.
Monsieur le Président, la question n’a pas été posée ainsi, si je me souviens bien. Je voulais savoir tout autre chose du témoin. Puis-je le préciser maintenant que le témoin a lu ces notes et que ses souvenirs sont plus frais ?
Monsieur Pelckmann, si je me souviens bien, et les autres membres du Tribunal s’en souviennent aussi, la question était : « Ces notes de votre journal ne prouvent-elles pas que le Dr Plötner n’a pas poursuivi les travaux de Rascher ? » C’est la question que vous avez posée, et c’est la réponse à cette question que nous voulons.
C’est donc que je ne me suis pas exprimé correctement, Monsieur le Président. Je voulais simplement savoir si la mémoire du témoin avait été rafraîchie par cette lecture.
Oui.
Voulez-vous nous donner des détails ?
L’activité de la section...
Attendez un instant, Monsieur Pelckmann. En premier lieu, vous devriez vous rendre compte que le but de ce second interrogatoire est d’établir clairement ou de contredire les choses qui ont pu être dites au cours de l’interrogatoire contradictoire. C’est là le seul but du second interrogatoire. En second lieu, le Tribunal ne suppose pas que le fait que le témoin a été interrogé contradictoirement afin de prouver que certaines expériences brutales et illégales ont été effectuées par cette institution, l’oblige à déduire que l’institution en question n’a rien fait d’autre. Nous n’avons pas l’intention de siéger pour un temps assez prolongé pour entendre les autres choses qu’à pu faire cette institution, et le but de votre second interrogatoire devait être de contredire le fait que des expériences illégales ont été effectuées, ou d’éclaircir les doutes qui peuvent avoir été élevés au sujet de ces expériences illégales, mais non pas de nous montrer que l’on a aussi fait d’autres choses.
Témoin, après que Rascher eût été mis en prison, a-t-on continué à faire des expériences inhumaines ?
Non.
Non ?
Non. Le Dr Plötner, comme je l’ai indiqué ici, a refusé formellement.
Après cette époque, avez-vous entendu parler, ou saviez-vous quelque chose au sujet d’autres expériences inhumaines ?
En ce qui concerne l’Institut de recherches scientifiques pour l’Armée, c’est-à-dire dans un service ou j’avais accès, non.
Vous avez dit que vous aviez accès à l’Institut de recherches scientifiques pour l’Armée. Quelles personnalités SS pouvaient avoir un aperçu de ces expériences ?
Seulement les personnes spécialement désignées par Himmler dans ce but, et par conséquent très peu.
Voulez-vous en donner à peu près le nombre, à 5 ou 10 près.
Je veux faire bonne mesure, ce devait être 10 ou 20.
Ces instructions étaient-elles « secrètes » ou « très secrètes », ou bien étaient-elles envoyées comme « affaire secrète, pour le commandement seulement », ou comme « affaire secrète du Reich » ?
Elles étaient soumises aux deux degrés supérieurs du secret.
Toutefois, d’après ce que vous savez vous-même, considérez-vous comme possible que la masse des membres des SS ait connu quelque chose de ces faits ?
Il est absolument impossible qu’ils aient appris quoi que ce soit de tout cela.
Pouvez-vous vous souvenir que le baron von Eberstein, lorsqu’il fut mis au courant de ces expériences, fut tout à fait révolté que de tels faits pussent se produire. En avez-vous souvenir ?
Oui, car j’avais dû aller le voir personnellement au sujet de cette affaire. Il était extraordinairement ému au cours de cet entretien et raconta des faits qu’il avait appris au sujet de l’arrestation de Rascher, qui m’émurent moi-même profondément. Dans son émotion, il commença à me faire des reproches et se montra très surpris d’apprendre que Himmler avait des relations personnelles très intimes avec Rascher, et que toutes les directives étaient venues directement de Himmler.
C’est bien. Je vous remercie.
Maintenant, pouvez-vous terminer en cinq minutes les remarques que vous vouliez faire ?
Je n’ai pas besoin de plus de temps.
Très bien, dans ce cas, poursuivez.
Dans l’interrogatoire contradictoire qui vient d’avoir lieu, on m’a reproché de n’avoir eu personnellement aucun scrupule au sujet des expériences sur des sujets humains, et cela, je dois le contredire, et énergiquement. Mes scrupules de conscience étaient très grands, et je n’étais pas tranquillisé par les assurances de Himmler, dont j’ai parlé au début de ma déclaration. J’avais eu un entretien à ce sujet, avec le chef de notre organisation secrète, dont le résultat fut que continuer à refuser m’aurait premièrement coûté la vie, car il ne restait plus ensuite d’autres recours que la manifestation ouverte et, deuxièmement, que les victimes de ces mesures n’auraient nullement été garanties et qu’on ne pourrait les aider en rien, car les expériences auraient été poursuivies en tout cas, d’une manière ou d’une autre.
Cependant, j’ai fait ce qu’aucun autre n’aurait osé ; j’ai, en secret et partout où cela était possible, empêché par un sabotage tacite ce qu’il était possible d’empêcher. Mes efforts répétés n’ont pas été vains, comme le montrent mes notes secrètes et mes documents, qui comptent plusieurs centaines de pages, ainsi que le Dr Pelckmann l’a démontré. Le peu de temps qui m’est accordé ne me permet pas maintenant non plus de donner des explications complètes de mes actes et de leurs motifs. Personnellement, j’ai réprouvé ces expériences. Je ne les ai pas facilitées. J’ai joué le rôle d’un syndic d’université par exemple qui doit être à la disposition de tous les professeurs et directeurs d’instituts également, dans toutes les, questions économiques, financières et administratives, et je repousse la mise en doute de ma crédibilité et la question de mon attitude personnelle. Les documents présentés prouvent justement que ce que j’ai dit devant les commissions est exact, ainsi que le Dr Pelckmann vient de le démontrer. Si l’on ne peut ajouter foi à mes dires, en ce qui concerne mon activité illégale, on peut interroger le Dr Hilscher, chef de la section secrète, qui est actuellement présent à Nuremberg. C’était le chef de notre organisation secrète. Je vous remercie.
Le Tribunal va suspendre l’audience.
Monsieur le Président, j’ai trois documents brefs à soumettre pour la procédure contre les SS. Le premier est le document PS-4043, que je verse pour la Délégation polonaise et qui sera le document GB-606. Il énumère les noms des 846 prêtres et religieux polonais qui ont été tués au camp de concentration de Dachau.
Est-ce un rapport établi par l’État ?
C’est une déclaration sous serment d’un prêtre polonais à laquelle sont joints les noms des prêtres. Ces noms ont paru dans une publication polonaise.
Je précise que cette déclaration est établie par un prêtre catholique romain, qui fait la déclaration suivante sous serment... Non, je me suis trompé quand j’ai dit que c’était une déclaration sous serment. Mais en tout cas, il y a la liste jointe des prêtres de la section « Presse et culture » publiée dans la revue hebdomadaire catholique Polska Wierma.
Si le Tribunal a des doutes au sujet de ce document, je n’insisterai pas, mais la Délégation polonaise m’a demandé de le fournir.
Le dernier document que je dépose est le document N0-007, qui sera le document GB-592. C’est un ordre de Himmler au chef de la Police et des SS de l’Ukraine, à Kiev. Il est daté du 7 septembre 1943. Il est rédigé comme suit :
« Cher Prützmann. Le général de l’infanterie Stapf a des ordres spéciaux concernant la région du Donetz. Entrez en contact avec lui immédiatement. Je vous ordonne de coopérer autant qu’il est possible. Le but à atteindre est celui-ci : lorsque des régions de l’Ukraine seront évacuées, aucun être humain, pas un seul animal, pas un quintal de blé, par un rail ’de chemin de fer, ne devront demeurer. Aucune maison ne doit rester debout. Aucune mine ne devra subsister qui ne soit détruite pour des années, pas une source qui ne soit empoisonnée. L’ennemi doit vraiment trouver tout détruit et brûlé. Discutez de ces choses avec Stapf immédiatement et faites de votre mieux. Heil Hitler ! A vous. Signé : H. Himmler. »
Il y a encore cette addition : « Copie transmise à l’Obergruppenführer SS Berger, avec prière d’informer le ministre du Reich pour les régions de l’Est ».
Copies transmises avec prière de prendre connaissance :
« 2. Chef de l’Ordnungspolizei ;
3. Chef de la Police de sûreté et du SD ;
4. SS Obergruppenführer Berger ;
5. Chef des unités de combat contre les partisans ». Enfin le document N0-022 se rapporte aux ordres de Himmler.
Qui était le ministre du Reich pour l’Est, à cette époque ?
Autant que je sache, Monsieur le Président, c’était l’accusé Rosenberg. Puis se trouve enfin le document N0-022 qui sera déposé sous le numéro GB-593. C’est une instruction de Himmler datée du 10 juillet 1943 et adressée :
1° Au chef des unités de combat contre les partisans ;
2° Au chef » des SS et de la Police en Ukraine, et,
3° Au chef des SS et de la Polke en Russie, secteur central.
Le premier paragraphe est ainsi conçu :
« 1. Le Führer a décidé que toute la population doit être évacuée des territoires occupés par les partisans de toute l’Ukraine du Nord et le secteur central russe.
2. Toute la population masculine apte au travail sera dirigée vers le Commissaire du Reich pour l’utilisation de la main-d’œuvre, selon des dispositions qui doivent être convenues, mais dans les conditions des prisonniers de guerre.
3. La population féminine sera dirigée vers le Commissaire du Reich pour l’utilisation de la main-d’œuvre afin de travailler dans le Reich.
4. Une partie de la population féminine et tous les enfants qui n’ont pas de parents seront envoyés dans des camps de rassemblement.
5. Les territoires évacués par la population doivent être pris en charge par les chefs supérieurs des SS et de la Police, autant que possible, d’après un arrangement qui doit être conclu avec le ministre du Reich du Ravitaillement et avec le ministre des Territoires occupés de l’Est. Ils doivent être cultivés en partie en Kok-Sagys et autant que possible on doit en faire un usage agricole. Les camps pour les enfants doivent être établis en bordure de ces territoires afin que les enfants puissent être utilisés pour la culture du Kok-Sagys et pour le travail des champs.
« Les propositions définitives devront m’être transmises très prochainement, Signé : H. Himmler ».
Monsieur le Président, puis-je...
Une minute... Oui, Monsieur Pelckmann.
Puis-je me permettre une question de forme ? Je vois que le témoin est encore présent. Ces documents devaient-ils être présentés au témoin ?
Oui, le Tribunal a encore des questions à poser au témoin.
Mais si ces documents ne doivent pas être présentés au témoin, je m’oppose à leur utilisation en me basant sur ce que j’ai déjà dit tout à l’heure, que les preuves présentées par l’Accusation sont terminées.
Le Tribunal a déjà décidé sur le fait que de nouveaux documents peuvent être versés de cette façon.
Monsieur le Président, puis-je me permettre de poser une question au témoin afin d’éclaircir un nom dont il s’est servi ?
Oui.
Témoin, vous avez cité l’Institut de recherches scientifiques pour l’Armée. Est-ce là le nom complet de cet institut ? Donnez le nom complet.
Institut de recherches scientifiques militaires pour les Waffen SS et la Police.
Pouvez-vous répéter votre réponse ?
Institut de recherches scientifiques militaires pour les Waffen SS et la Police.
Merci.
Témoin, vous avez dit que la Luftwaffe était entrée en contact avec Himmler pour obtenir des détenus des camps de concentration. Qui, dans la Luftwaffe, a établi ce contact ?
Je n’ai pas dit que la Luftwaffe avait attaqué des camps de concentration sur ordre de Himmler.
Non, une minute. Témoin, écoutez la question. J’ai dit que vous aviez prétendu que quelqu’un dans la Luftwaffe avait établi un contact avec Himmler pour obtenir des détenus de camps de concentration. Avez-vous dit cela ?
Non, je n’ai pas dit cela non plus. Oui, le Dr Grawitz, le médecin du Reich SS m’a informé que la Luftwaffe — je ne sais pas quel service — avait demandé les expériences sur l’eau de mer et avait demandé, à cet effet, la mise à disposition de détenus.
Vous avez mentionné le nom du général Milch dans votre témoignage. Quels rapports, s’il en eut, le général Milch a-t-il eus avec ces expériences ?
Tout simplement avec les essais de vol à haute altitude et les expériences de refroidissement dont il a été parlé ici, qui commencèrent en 1941 et que des médecins de l’aviation ont effectuées : le Professeur Holzlöhner, le Dr Rascher, médecin-major, le Dr Finke, médecin-major et un autre officier de l’Institut d’essai d’Adlershof dont je ne me rappelle plus le nom.
Et quel rapport le général Milch a-t-il eu avec ces expériences ? En a-t-il fait les préparatifs lui-même ?
Non, les préparatifs scientifiques et techniques étaient, à ma connaissance, entre les mains de l’Inspection des services de santé de la Luftwaffe.
Quel rapport le général Milch avait-il avec cette question ? A-t-il établi le contact avec Himmler ?
Cela ressort de l’échange de lettres entre le général Milch et l’Obergruppenführer Wolff, lettres que l’on m’a déjà présentées ici lors d’interrogatoires antérieurs.
Donc vous n’avez aucune autre connaissance à ce sujet, si ce n’est par la correspondance qui vous a été soumise ?
Non, je ne sais rien d’autre.
Dans combien de camps, en dehors de Dachau, y eut-il des laboratoires d’expériences ou des laboratoires de recherches biologiques ?
Je ne puis le dire parce que je n’ai connaissance que des travaux de Rascher et de Hirth, c’est-à-dire des expériences qui étaient du ressort du médecin SS pour le Reich. Mais on ne pouvait rien savoir parce que ces expériences aussi étaient strictement secrètes.
Bien. Donc vous ne savez rien ?
Non.
Une dernière question. Vous avez dit qu’après l’arrestation de Rascher il n’y avait plus eu d’expériences illégales en connection avec l’institut. Avez-vous eu connaissance d’autres expériences qui n’étaient pas en relation avec l’institut ?
Cela se rapporte à la dernière question. On entendait parler par exemple des travaux du Professeur Schilling, mais je n’en ai jamais connu les détails.
C’est tout.
Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)
Plaise au Tribunal. Pendant l’interrogatoire...
Vous ne voulez pas que je garde ce témoin ?
Non. Pendant l’interrogatoire du témoin Best, le Tribunal a autorisé le Ministère Public à introduire un autre document qui, à ce moment-là, n’était pas disponible et, avec l’autorisation du Tribunal, je voudrais maintenant le fournir. C’est le document PS-4051, qui deviendra USA-924. Ce document a été présenté au témoin Best en présence de l’avocat de la Gestapo, M. Merkel, et le témoin l’a identifié. Le document prouve non seulement que le témoin Best connaissait le programme contre le terrorisme qui avait été exécuté au Danemark, mais encore qu’il avait signé lui-même des décrets contre le terrorisme et qu’à un moment il ordonna l’exécution d’un étudiant.
Durant l’interrogatoire de Best, le Tribunal se souviendra qu’une série de documents (cotes d’audience USA-911 à USA-915) ont été fournis pour montrer que la Gestapo a assassiné un général français. A cette époque, nous n’avions que les photocopies de ces documents et j’avais dit au Tribunal que nous essayerions d’obtenir l’original. Nous avons maintenant les originaux en notre possession et nous les substituerons aux photocopies.
J’ai aussi demandé au témoin Best, à cette époque, s’il savait qu’au moment où ce meurtre a eu lieu, un général français, le général Mesny, a été tué, et il a dit qu’il ne le savait pas.
Le Ministère Public français nous a donné la preuve documentaire que le général Mesny a été tué à cette époque dans des circonstances qui prouvent d’une façon définitive que ce meurtre a été exécuté en conformité avec les plans qui ont été dévoilés ici. Dans ce but, je fournis maintenant le document PS-4069 qui devient USA-925. Ce document est certifié par la délégation du ministère de la Justice français. Je demanderai au Tribunal de passer à la page 2 qui est une lettre du Comité de la Croix-Rouge internationale de Genève datée du 5 avril 1945 et adressée à Madame Mesny. Je voudrais insister sur le fait que ce document est daté longtemps avant le moment présent et a été écrit à un moment où les autres documents que le Tribunal a à sa disposition étaient naturellement inconnus. Cette lettre établit que M. Denzier, attaché à la légation suisse à Berlin, avait envoyé certaines informations concernant le général Mesny, et je voudrais attirer votre attention sur le second paragraphe de ce rapport où il déclare que les généraux Flavigny, de Boisse et Buisson ont été transférés de l’Oflag IV-B à Königstein à l’Oflag IV-C à Colditz.
« Le général Mesny et le général Vauthier ont aussi quitté Königstein dans une voiture particulière pour Colditz. Selon une communication du commandant Prawill, le général Mesny a été tué d’un coup de feu près de Dresde alors qu’il essayait de s’évader. »
Tel a été le rapport que la Croix-Rouge internationale envoya à Mme Mesny. Mais je désire particulièrement attirer l’attention du Tribunal sur le deuxième document qui est daté du 29 avril 1945 et qui a été envoyé par le général Buisson au ministère de la Guerre, concernant le cas du général Mesny. Le général Buisson déclare dans sa lettre ce qui suit :
« Le 18 janvier 1945... (et, entre parenthèses, le rafraîchirai la mémoire du Tribunal : le dernier document que nous avons fourni était daté du 12 janvier 1945 montrant qu’à ce moment-là tous les préparatifs pour le meurtre avaient été terminés) ». Je continue :
« ...les six officiers suivants, tous généraux, du camp de Königstein, Oflag IV-B, ont reçu l’ordre de quitter le camp le 19 janvier au matin pour une destination inconnue.
Première voiture (départ à 6 heures) : les généraux Daine et de Boisse. »
Encore une parenthèse : le Tribunal se souvient, le général de Boisse était le général que l’on désirait d’abord assassiner, ainsi qu’il ressort de ce document, et si vous vous souvenez, on avait décidé que le général de Boisse ne serait pas tué parce que l’on avait déjà trop discuté à son sujet au téléphone et que, pour cette raison, on lui substituerait le général Mesny.
Nous voyons ainsi que dans la première voiture se trouvait le général de Boisse.
« Dans la seconde voiture (départ à 6 h. 15) : les généraux Flavigny et Buisson. Troisième voiture (départ à 6 h. 30) : les généraux Mesny et Vauthier. »
« Le 19 janvier, si la première voiture partit à l’heure fixée, les deux autres ne partirent pas à l’heure désignée, étant donné que leurs heures de départ furent changées. Dans la ’deuxième voiture, à 7 heures, le général Mesny était seul. Selon l’information donnée au général Buisson par l’interprète allemand Rosenberg, un ordre était arrivé du Haut Commandement allemand durant la nuit annulant le départ du général Vauthier. Il y avait un officier allemand dans chaque voiture avec un pistolet automatique sur ses genoux et le doigt sur la gâchette.
A notre arrivée à Colditz, le camp de représailles (Oflag IV-C), vers midi, le 19 janvier, nous remarquâmes l’absence du général Mesny qui n’était pas arrivé. Nous pensâmes qu’il avait été envoyé dans un autre camp, quoique ses bagages fussent dans le camion avec ceux des quatre autres généraux. Le 20 janvier au matin, le commandant Prawill, chef de l’Oflag IV-C, entra dans les chambres des généraux français et fit la déclaration suivante ». Je cite :
« Je vous informe officiellement que le général Mesny a été « tué hier à Dresde en essayant de s’échapper. Il a été enterré à Dresde avec les honneurs militaires par un détachement de la « Wehrmacht. »
Puis, s’il plaît au Tribunal, le général Buisson poursuit son récit et l’on devrait se souvenir que, lorsqu’il a écrit cette lettre, il ne connaissait pas les préparatifs du complot comme nous les connaissons aujourd’hui.
Il a écrit : « Deux faits restent inquiétants dans cette sombre tragédie :
1. Le transport du général Mesny seul (deuxième voiture). Le choix du général Vauthier, puis l’annulation de l’ordre nous semblèrent très sujet à caution, étant donné l’attitude du général qui était un volontaire pour le travail en Allemagne et dont le transfert dans un camp de représailles semblait inexplicable ;
2. Le général Mesny, dont le fils. aîné était dans un camp pour déportés politiques en Allemagne, m’a dit plusieurs fois au cours de nos conversations : « Si, jusqu’en 1944 j’ai toujours essayé de préparer « ma fuite, j’y ai renoncé après, même si j’avais des chances de « réussir. D’abord la fin de la guerre n’est qu’une question de « semaines, et d’autre part et particulièrement, j’aurais beaucoup « trop peur que ma fuite ne coûte la vie à mon fils aîné ». Une heure avant son départ de Königstein, le 19 janvier, le général Mesny me répéta à nouveau ces paroles. »
Docteur Laternser...
Monsieur le Président, puis-je me permettre de mentionner ce point avant que le Dr Laternser ne commence. A la suite des preuves générales données devant les commissions et ’de la déclaration qu’un certain nombre d’affidavits résumés seraient présentés par certaines organisations, les Ministères Publics ont obtenu onze affidavits d’un caractère général faits par des ministres d’État, des fonctionnaires locaux et des journalistes, traitant des mêmes questions que les affidavits résumés et que la Défense soumettra. Naturellement, ils pourraient être soumis au cours des interrogatoires contradictoires au témoin pour les SA qui seront appelés, mais je suggère à la considération du Tribunal qu’étant donné la phase du Procès il serait peut-être plus commode s’ils étaient simplement fournis après que l’avocat de l’organisation aura fourni ses documents. S’il plaît au Tribunal, je donnerai des traductions allemandes à la Défense immédiatement afin qu’elle ait l’occasion de les examiner. Sinon, naturellement, je les réserverai pour les fournir au moment du contre-interrogatoire et je garderai ainsi l’effet de surprise. Monsieur le Président, j’ai pensé que c’était une procédure plus commode que de consacrer encore plus de temps à l’interrogatoire contradictoire, puisque tant de faits sont déjà connus.
Monsieur le Président, je n’ai pas compris à la traduction cette proposition de M. David Maxwell-Fyfe. Voudriez-vous le faire répéter pour que la Défense puisse prendre position éventuellement ?
Pourriez-vous repéter ?
Monsieur le Président, j’ai onze affidavits qui ont été faits par divers allemands, y compris des anciens ministres d’État du parti social-démocrate et ’d’autres partis non nazis, des fonctionnaires locaux et un propriétaire de journal. Ils traitent d’une façon générale les questions qui ont été traitées devant la commission et qui seront traitées, si je le comprends bien, dans les affidavits résumant la grande quantité d’affidavits. Je suggérais à la considération du Tribunal qu’au lieu de prendre du temps à fournir le contenu de ces affidavits au témoin des SA, Jüttner et autres, qui probablement traiteront la plupart de ces points, .je les fournirai après que la Défense aura fourni ses documents. Afin que ce ne soit, en aucune façon, au préjudice de la Défense, j’ai proposé de leur donner des copies de ces affidavits en allemand immédiatement, si bien qu’ils auraient ainsi une occasion de se familiariser avec leur contenu. Le but est de garder ces documents réunis et aussi d’économiser du temps au cours de l’interrogatoire contradictoire. J’espère, Monsieur le Président, que maintenant ceci est clair.
Cela semble au Tribunal très commode et donnera à la Défense plus de temps pour considérer ces affidavits.
Merci, Monsieur le Président.
Docteur Laterner...
Avec la permission du Tribunal, j’appelle comme premier témoin le Feldmarschall von Brauchitsich.
Monsieur le Président, puis-je faire une observation avant que le témoin ne vienne ?
Ne faites pas entrer le témoin pour le moment.
Je voulais faire une très brève observation concernant le témoignage du témoin von Brauchitsch. Les deux autres témoins que le Dr Laternser cite, le maréchal von Manstein et le maréchal von Rundstedt, ont témoigné déjà devant les commissions sur presque toutes les questions concernant l’État-Major et le Haut Commandement. Cela ressort du résumé de leur témoignage que le Tribunal a, je crois, à sa disposition. Le cas du témoin von Brauchitsch est un peu différent. Ce témoin a signé deux affidavits que le Ministère Public a proposés au Tribunal et qui se trouvent dans le dossier devant le Tribunal sous les numéros USA-532 et 535. Ces affidavits se rapportent exclusivement à la question de la composition et de l’organisation de l’État-Major général et du Haut Commandement. Devant la commission, le témoin von Brauchitsch n’a été contre-interrogé par le Dr Laternser que sur ces affidavits. Aucune autre question n’a été effleurée devant la commission. Je comprends maintenant que le Dr Laternser a l’intention d’interroger le témoin devant le Tribunal sur une grande variété ou du moins sur plusieurs questions autres que celles couvertes par ces affidavits. Le Ministère Public voudrait simplement signaler que si le témoin von Brauchitsch parle d’autres questions que celles couvertes par l’affidavit, il devient un témoin de la Défense. Le Ministère Public pourra mais ne sera pas obligé de l’interroger contradictoirement sur ces questions ; nous proposons que si le témoin parle d’autres questions que celles qui ont été traitées amplement par Manstein et Rundstedt, il serait tout à fait correct et plus rapide de restreindre simplement von Brauchitsch aux questions des affidavits, à moins qu’on ait l’intention, comme je l’ai dit, qu’il ne discute de questions qui ne seront pas couvertes par Manstein et Rundstedt.
Monsieur le Président...
Docteur Laternser, le Tribunal voudrait que vous continuiez et que vous interrogiez le témoin von Brauchitsch, et nous espérons que si son témoignage couvre le même sujet que les deux autres témoins, ce sera aussi bref que possible.
J’appelle donc comme premier témoin le Feldmarschall von Brauchitsch. (Le témoin gagne la barre.)
Voulez-vous nous donner votre nom en entier, je vous prie ?... Est-ce que vous m’entendez maintenant ?
Oui, j’entends maintenant. Je m’appelle Walter von Brauchitsch.
Répétez ce serment après moi : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient, que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Monsieur le Feldmarschall, quelles fonctions occupiez-vous en dernier lieu ?
Commandant en chef de l’Armée.
Pendant quelle période avez-vous été Commandant en chef de l’Armée ?
De 1938 à 1941.
Le 4 février 1938, vous êtes devenu le successeur du général von Fritsch comme Commandant en chef de l’Armée. Est-ce que Fritsch, lors de votre prise de fonctions, vous a informé des intentions exprimées par Hitler à la conférence du 5 novembre 1947 ?
Non.
Hitler vous a-t-il informé personnellement de ses intentions ?
Non.
Ou bien est-ce que le général Beck, l’ancien chef de l’État-Major général de l’Armée, vous aurait donné des informations à ce sujet ?
Non plus.
Si de tels plans existaient, lors ’de votre entrée en fonctions comme Commandant en chef de l’Armée, vous auriez dû être informé, n’est-ce pas ?
A mon avis, certainement.
Quand avez-vous eu connaissance de la conférence du 5 novembre 1937 ?
Seulement ici à Nuremberg.
Vous, en tant que Commandant en chef de l’Armée, avez-vous été entendu par Hitler avant l’occupation de l’Autriche ?
Non.
Y avait-il un plan pour une intervention militaire contre l’Autriche ?
Non. Tout au moins je n’en sais rien.
Est-ce que cette attaque a été une surprise pour vous ?
Ce fut absolument surprenant pour moi. Je n’ai pas été, comme l’indique le témoin Gisevius, rappelé d’une réunion à laquelle j’assistais. Je n’étais même pas à Berlin, mais je me trouvais en voyage de service. Ce n’est qu’après mon retour que j’ai eu connaissance des ordonnances et des ordres donnés.
N’aviez-vous pas de soupçons à ce moment ?
Je craignais la lutte fratricide et je craignais l’extension du conflit à la suite de cette intervention.
Est-ce que Papen, à la Chancellerie du Reich, dans la journée du 11 mars 1938, ne vous a pas rencontré et félicité après que l’ordre d’invasion eut été retiré ?
L’annulation de cet ordre me paraissait très favorable. Je me trouvais à la Chancellerie du Reich et il est parfaitement possible que Papen m’ait félicité à cette occasion.
Est-ce qu’avant l’occupation du pays des Sudètes, on vous a entendu au sujet des questions politiques ?
Non, jamais.
Est-ce que, dans ce cas, il y avait un projet pour une intervention militaire ?
Pour l’Autriche ?
Non, avant l’occupation de la région des Sudètes.
Non, pas non plus.
N’avez-vous pas, avant la fin de l’occupation du pays des Sudètes, prié le Feldmarschall Keitel de faire valoir toute son influence pour que les lignes de démarcation prévues ne soient en aucune façon dépassées ?
Cela est exact.
Le témoin Gisevius a déclaré ici que le général Beck, depuis mai 1936, n’aurait plus dirigé les services du chef de l’État-Major général. Est-ce exact ?
C’est une erreur. Le général Beck, jusqu’au 1er septembre 1938, a rempli complètement les fonctions de chef de l’État-Major général.
Le général Beck a fait un mémorandum qui a déjà été discuté ici et, pour cette raison, je ne voudrais pas entrer dans les détails. Dans ce mémorandum, il s’exprime contre l’occupation des Sudètes et a attiré l’attention sur le danger d’une guerre sur deux fronts. Qu’avez-vous fait de ce mémorandum ?
J’avais des doutes très sérieux en ce qui concernait une politique appuyée par des mesures militaires. Le général Beck avait établi un mémorandum où brièvement, il arrivait du point de vue militaire au résultat suivant qu’une guerre au cœur même de l’Europe amènerait un conflit mondial. Comme j’estimais ses idées d’une importance tout à fait fondamentale, je saisis l’occasion afin de les exposer aux généraux commandants en chef ? Je les avais convoqués à Berlin pour une autre raison — il s’agissait d’une conférence sur des questions intérieures de l’Armée — . A la suite de cette conférence, je leur ai demandé individuellement leur opinion et nous avons été unanimes pour approuver ces idées. Ce mémorandum, fut, après cela, remis à Hitler. Il y eut une discussion très vive où il me dit en substance, entre autres choses, qu’il savait très bien lui-même ce qu’il aurait à faire.
Quand était-ce à peu près ?
C’était fin juillet, dans la deuxième moitié de juillet 1938.
A quel propos le colonel général Adam a-t-il dû démissionner ?
En août, il y avait eu une conférence chez le Führer avec des officiers d’État-Major qu’il avait convoqués. A cette occasion, le chef d’État-Major du général Adam qui, à cette époque, était commandant de groupe de Wiesbaden, avait exprimé des idées similaires à celles du mémorandum. Il s’était référé à son Commandant en chef. C’était la première occasion pour son limogeage, mais ce n’est qu’en octobre 1938 que cette démission eut lieu, après une conférence du général Adam. Il s’agissait d’une visite des fortifications de l’Ouest au cours de laquelle le général Adam avait donné son opinion personnelle.
Quels préparatifs militaires avez-vous ordonnés avant l’occupation de la Tchécoslovaquie ?
De ma part, il n’y eut aucun ordre qui fût promulgué. Hitler avait ordonné que les troupes des régions militaires environnantes fussent mises en alerte renforcée.
Y avait-il un plan militaire pour l’occupation de la Tchécoslovaquie ?
Il n’a jamais existé de plan. On a seulement exécuté les ordres que Hitler a donnés plus tard.
La situation devenait peu à peu plus critique. Est-ce qu’au cours de l’année 1939, vous avez attiré l’attention de Hitler sur les dangers d’une guerre ?
C’est en raison des instructions données dans la question polonaise. J’avais des inquiétudes très graves que, contre la volonté de Hitler et du peuple allemand, nous puissions être entraînés dans une guerre. Pour cette raison, en juillet 1939, lors d’un rapport à Hitler, seul, j’ai à nouveau attiré l’attention sur le mémorandum. J’ai en outre exprimé que Hitler mettait en danger toutes les conquêtes qu’il avait obtenues pacifiquement. Hitler n’admit aucune discussion, comme d’habitude, mais il me répondit tout simplement : « C’est là une affaire de la direction politique qui ne vous regarde pas ».
Est-ce qu’à cette époque vous n’aviez pas eu également une conversation avec le chef d’État-Major des SA d’alors, Lutze ?
Je me suis entretenu avec le chef d’État-Major des SA et, lors de cette conversation, j’ai exprimé les mêmes inquiétudes que je viens de dire à l’instant et que je n’ai pas besoin de répéter. Le chef d’État-Major Lutze était de mon avis. Je lui avais parlé dans l’espoir que lui, à l’occasion, exprimerait cette opinion en face du Führer.
Monsieur le Feldmarschall, à cette époque de tension, aviez-vous des contacts avec le ministère des Affaires étrangères ?
Non, car le ministère des Affaires étrangères avait interdit d’informer le Commandement en chef de l’Armée.
Avec d’autres services politiques ?
Non plus.
La conférence du 23 mai 1939 est particulièrement importante. Est-ce qu’à cette époque vous avez eu l’impression que la guerre était une chose résolue ?
Non, il y a eu toute une série de circonstances et de faits qui m’ont donné l’impression qu’il ne s’agissait pas d’une intention belliqueuse. Puis-je souligner que, depuis l’automne 1938, il y avait des pourparlers avec la Pologne afin d’éliminer les questions en suspens ? Hitler, au Reichstag, avait fait un discours à ce sujet. Il avait exprimé à cette occasion que c’était la seule question qui restait à éclaircir. Il avait exprimé auparavant que le développement de la Wehrmacht ne servait qu’à la défense du pays.
Fin décembre 1938 ou dans les premiers jours de janvier 1939, le Commandement en chef de l’Armée de terre avait reçu l’ordre suivant du Commandant en chef de la Wehrmacht : « Jusqu’en 1945, l’Armée devait exécuter le plan de développement tel que prévu. Tout préparatif d’invasion quelconque ou d’opération belliqueuse était interdit. Lors de la conférence du 23 mai 1939, Hitler disait textuellement : « Il faudrait bien que je sois idiot si, à cause de la Pologne, je me laissais entraîner dans une guerre comme les incapables de 1914 ». Il ordonnait en outre que le réarmement devait se faire dans les limites du temps prévu, c’est-à-dire jusqu’en 1942 ou 1943. Cela faisait suite à l’ordre que j’avais reçu au début de l’année. Finalement, il ordonna que des commissions devaient examiner les autres problèmes en cours. Tous ces faits étalent pour moi la preuve précise que, dans le cas de la Pologne, il ne s’agissait que d’une politique soutenue par des mesures militaires.
Est-ce que, lors de cette conférence du 23 mai dont vous venez de parler à l’instant, vous avez exposé des objections quelconques ?
Ce n’était pas une conférence, c’était une harangue du Führer adressée à ses subordonnés convoqués. Il n’y a pas eu de discussion.
Monsieur le Feldmarschall, je crois que vous m’avez mal compris.
Non, je ne vous ai pas mal compris.
Je vous demande maintenant si, à la conférence du 23 mai, vous avez exprimé des objections quelconques ?
Ce que je vous ai dit est exact.
Est-ce que, jusqu’à ce moment — mai 1939 — on avait élaboré un projet d’attaque contre la Pologne ?
Non, jamais.
Est-ce que le 22 août 1939 vous aviez encore l’espoir qu’il n’y aurait pas de guerre ?
Les raisons que je viens de citer restèrent inchangées. Il s’y ajoutait que le traité commercial avec l’Union Soviétique, à mon avis, inciterait la Pologne à recourir à. des pourparlers. En outre, l’isolement dont Hitler avait parlé amènerait également, comme je le croyais, la Pologne à traiter. Mais ce qui était décisif, c’est que Hitler avait expressément dit que les pourparlers avec la Pologne continuaient.
Mais quel était le but de cette harangue du 22 août, tel que vous l’avez vu ?
A mon avis, cette conférence était d’abord une suite des représentations que j’avais faites devant Hitler. En second lieu, toujours à mon avis, l’intention de Hitler était d’obtenir et de renforcer chez les chefs convoqués la confiance dans sa politique et de les convaincre de la justesse de ses intentions.
L’audience est levée.