DEUX CENT UNIÈME JOURNÉE.
Lundi 12 août 1946.

Audience de l’après-midi.

(Le témoin von Rundstedt est à la barre .)
CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Monsieur le maréchal, vous avez témoigné que vous aviez eu peu ou pas du tout connaissance de projets tels que la réoccupation de la Rhénanie ou le rattachement du territoire des Sudètes, est-ce exact ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

De la réoccupation de la Rhénanie, je n’ai rien su. Quant à l’occupation du pays des Sudètes en 1939, je n’ai également rien su. A cette époque, j’étais en non-activité.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Quel fut le poste le plus élevé que vous ayez occupé dans l’Armée entre 1933 et le déclenchement des hostilités en 1939 ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Comme je l’ai déjà dit, à partir du 1er octobre 1932 jusqu’au 31 octobre 1938, j’ai été Commandant en chef du groupe 1 à Berlin ; à ce moment-là j’ai pris ma retraite.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Par conséquent, durant cette période antérieure au déclenchement des hostilités où vous avez occupé ce poste et n’avez reçu que peu ou pas d’informations sur ce qui se passait, vous n’étiez donc pas membre du groupe accusé tel qu’il est défini dans l’Acte d’accusation ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, je n’appartenais pas à ce groupe.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et durant la période d’invasion de la Norvège, vous étiez alors en activité sur un autre théâtre d’opérations, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

A l’époque où commença l’entreprise de Norvège, j’étais Commandant en chef du groupe d’armées A et j’étais à Coblence, dans l’Ouest.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

En tout cas, l’invasion de la Norvège n’était pas l’affaire de l’OKH mais de l’OKW ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne puis donner de renseignements sur le point de savoir si cela relevait de l’Amirauté ou de l’OKW.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

En général, avant la guerre, on laissait les généraux s’occuper eux-mêmes des exercices d’instruction des unités relativement petites. Est-ce là un résumé exact de votre déclaration devant la commission ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

C’est sans doute un malentendu. Les petits exercices étaient l’affaire des commandants de division et des généraux commandant et ce n’est que le général von Fritsch qui a prié les Commandants en chef de s’occuper aussi des petits détails.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous dites que, en tout cas, durant cette période où les frontières de l’Allemagne s’élargissaient rapidement, le commandement militaire avait surtout à l’esprit le problème de la défense, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je n’ai pas très bien compris. Les frontières de l’Allemagne ne s’étaient pas élargies. Ce n’est qu’en 1938, par l’entreprise des Sudètes, et jusqu’à...

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je veux dire depuis le moment de l’Anschluss jusqu’au déclenchement des hostilités avec la Pologne ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et vous avez dit ce matin que les exercices qui ont eu lieu à ce moment-là étaient des manœuvres défensives, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je n’ai plus fait de manœuvres, après la guerre des Sudètes en 1938 ; j’ai été mis à la retraite. Des exercices ont-ils eu lieu en 1939 et lesquels ? Je ne le sais pas.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous avez parlé ce matin de manœuvres d’avant 1939 et, si j’ai bien compris, vous avez appelé ces manœuvres des exercices défensifs ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, c’étaient les manœuvres de 1936 et 1937. Ces dernières manœuvres ont été dirigées par moi, comme chef d’armée d’un parti, en Poméranie, contre une attaque ennemie sur l’Allemagne.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Appelez-vous aussi mesure défensive les exercices qui eurent lieu avec des Stukas et autres armes à Guernika en Espagne ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne puis donner de renseignements à ce sujet. Le réarmement ayant été décidé en 1935 ou 1936, on a sans doute, je pense, mis des Stukas dans la Luftwaffe. Je ne sais pas, mais j’ai le sentiment qu’à cette époque toutes les armes avaient leur place justifiée dans cette armée en réarmement.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Passons maintenant à un autre point. Vous nous avez déclaré que les officiers allemands étaient tenus strictement à l’écart de la politique ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Est-il exact que cette politique est très étroitement liée au nom du général von Seeckt ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Le général von Seeckt a exigé dans la Reichswehr, avec la dernière rigueur, qu’aucun officier ne s’occupât de politique. Ce qu’il a fait lui-même dans le domaine politique, c’est une autre histoire. Je ne peux pas donner de renseignements à ce sujet.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

N’ai-je pas raison de dire que la raison pour laquelle le général von Seeckt s’est efforcé de tenir l’Armée éloignée de la politique, c’est que précisément au moment de son entrée au service avait eu lieu le putsch de Kapp ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne le crois pas. C’était une très ancienne tradition prussienne selon laquelle l’officier n’a pas à s’occuper de politique, et le général von Seeckt a, de la manière la plus loyale, aussi bien contre la droite, comme lors du putsch de Kapp, que contre la gauche — voir le soulèvement communiste dans la Ruhr — soutenu constitutionnellement le Gouvernement de Weimar. C’était notre façon de voir à tous.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je ne doute nullement que cela soit vrai, mais je suis obligé de vous faire observer que toute cette politique prussienne a été observée et exigée par Seeckt, parce que, d’après l’expérience du putsch de Kapp, il s’est rendu compte combien il était important de garder l’Armée à l’écart des politiciens incompétents.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

C’est aussi tout à fait mon opinion, d’autant plus que le putsch de Hitler, en 1923, avait placé l’Armée dans une situation très difficile, parce que la division bavaroise commença à se déclarer indépendante de Seeckt.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Le putsch de Kapp a échoué, n’est-ce pas ? Il a essayé d’abattre la république, mais sans succès.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, Seeckt n’a jamais essayé d’abattre la république.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

J’ai dit Kapp.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je vous demande pardon, alors j’ai mal compris.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je répète : l’entreprise de Kapp a échoué, n’est-ce pas ? Il a essayé sans succès d’abattre la république ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Kapp a été un échec et ce fut un putsch insensé ; il ne pouvait pas réussir.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Mais après 1933 ou 1934, Hitler n’a pas été un échec, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je dois constater que Hitler, sous le Gouvernement de Hindenburg, fut légalement appelé au Gouvernement par la majorité du peuple allemand comme chef du plus fort parti ; il le fut par la voie tout à fait démocratique et constitutionnelle et non par un putsch.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je ne m’occupe pas pour l’instant des formes de la démocratie ou de choses analogues. Je vous ai simplement demandé si après 1933-1934 il était clair que Hitler n’était pas un échec ? Il avait passablement de succès, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

II avait derrière lui la majorité du peuple.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

C’est une ascension vers le succès que nous voulons seulement effleurer au passage.

Le général Reinhardt a dit qu’il n’y avait pas un seul officier qui n’ait soutenu Hitler dans ses succès extraordinaires. Êtes-vous d’accord avec lui sur ce point ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non,

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Le maréchal von Blomberg a dit que vous et vos collègues de l’Armée n’aviez à ce moment-là aucune raison de vous opposer à Hitler, parce qu’il réalisait ce que vous souhaitiez. Êtes-vous en désaccord sur ce point aussi ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Sous cette manière de voir, ce n’est pas exact. Nous avons fait notre devoir parce que Hitler avait été appelé légalement par Hindenburg et qu’après la mort de celui-ci il est apparu et a été reconnu par tous comme Führer en vertu du testament.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Votre réponse est donc non ? Vous n’êtes pas d’accord avec le maréchal ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, je n’ai jamais été d’accord avec le maréchal von Blomberg.

CAPITAINE DE FREGATE CALVACORESSI

Avez-vous jamais été d’accord avec le général Blaskowitz ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Comment dois-je comprendre votre question ? Il a été mon subordonné, mais je ne puis accepter sous cette forme ce qu’il a déclaré dans les affidavits.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Eh bien, je voudrais seulement vous opposer ce fait : lorsque le pouvoir de Hitler fut assuré et qu’il n’y eut plus de danger d’échec, les adversaires non politiques commencèrent à disparaître ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, nous sommes toujours restés non politiques. Il y eut naturellement des nationaux-socialistes actifs tels que Reichenau et Blomberg, mais la grande masse était complètement indifférente en politique.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Pourtant, c’est un fait notoire qu’après 1933 la politique de Hitler avait beaucoup de points communs avec ce qui faisait l’objet des aspirations communes de vous et vos collègues ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, nous avons accueilli avec satisfaction l’égalité des droits que Hitler voulait obtenir et a finalement obtenue, et ce qui était bon dans le mouvement national-socialiste, et qui, comme je l’ai souligné, était en grande partie de vieilles idées prussiennes, nous l’avons également accueilli avec satisfaction, mais les excès, comme je l’ai déjà mentionné, nous les avons tous désapprouvés, du moins nous, les anciens.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Quand vous dites qu’il y avait du bon dans le national-socialisme et que c’était emprunté à la vieille tradition prussienne, ne voulez-vous pas dire par là que vous étiez contents que Hitler reprît la vieille tradition prussienne d’expansion nationale ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Cela n’avait pas grand-chose à voir avec la politique. C’étaient les principes, prendre soin de l’ouvrier, comme déjà sous Bismarck, assistance sociale ; l’intérêt général passe avant l’intérêt particulier ; des choses de ce genre. Voilà ce que j’ai voulu dire.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous et vos camarades qui étiez à la tête de l’Armée, n’avez-vous, avant la guerre, jamais discuté la question de la neutralité de la Belgique par exemple ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

A ma connaissance, non, nous n’avons jamais songé à la Belgique. Nous avons toujours, comme je l’ai déjà dit précédemment, pensé que la Pologne attaquerait un jour l’Allemagne.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

N’avez-vous pas dit devant la commission que vous aviez eu souvent des entretiens sur la neutralité de la Belgique ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, cela doit être forcément une erreur. A la question de M. le représentant du Ministère Public américain, j’ai simplement répondu à ce moment-là que nous considérions comme possible le passage à travers la Belgique pour entrer dans la Ruhr.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

J’ai ici une copie du procès-verbal de votre déclaration devant la commission.

Je n’ai besoin que de vous en lire une phrase, page 1352 du procès-verbal anglais. D’après le procès-verbal, que j’ai ici, vous avez dit « que les opinions concernant la neutralité de la Belgique et des Pays-Bas étaient très controversées dans les milieux militaires supérieurs ». Tout ce que je voulais vous demander à ce sujet, c’est ceci : la discussion sur cette question n’était-elle pas une discussion politique ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

II me sera permis de rectifier en disant que ces déclarations ont été faites devant la commission pour l’année 1939, alors que nous avions concentré nos troupes dans l’Ouest et que la question se posait : la Belgique et la Hollande resteront-elles neutres ou non ? C’est à ce propos que j’ai fait cette réponse.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Très bien. Vous avez dit aussi que vous vous étiez opposé aux idées totalitaires du nazisme ou vous les aviez combattues ; est-ce exact ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Puis-je vous demander de me répéter encore une fois la question ?

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous avez dit aussi, je crois, que vous étiez opposé aux idées totalitaires du nazisme ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

De la résistance, non, nous ne pouvions pas en faire ; je repoussais ces idées comme beaucoup de mes camarades.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

N’était-ce pas là une prise de position politique, un point de vue politique ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Un point de vue politique, chacun peut en prendre un pour soi, mais je n’ai pas de droit d’avoir extérieurement une activité politique. Voilà ce que j’entends par point de vue politique.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Donc, d’après votre opinion, un soldat a des opinions politiques, il n’a pas le droit de les manifester. Est-ce exact ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, c’est exact. On pouvait naturellement discuter ou parler de telles questions avec un bon ami, mais jamais convoquer une assemblée ou un groupement pour y discuter des questions politiques.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je voudrais maintenant avancer jusqu’aux approches de 1940. Quand vous dites que tous les généraux — j’ai oublié les mots exacts, mais vous avez au moins dit : la plupart des généraux — conservaient l’ancienne attitude non politique, je voudrais vous montrer un document...

Monsieur le Président, c’est le document PS-4060, qui devient USA-928. C’est le schéma d’un exposé que le général Reinecke avait l’intention de faire en automne 1938 devant quelques militaires en cours d’instruction. Le général Reinecke avait un poste très élevé dans l’Armée allemande, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

En dernier lieu, il était président supérieur de l’école nationale-socialiste de formation des chefs. En 1938, il devait être encore petit officier supérieur et de petit grade.

CAPITAINE DE FRÉGATE CAL VACORESSI

Qu’entendez-vous par : petit officier supérieur ? Vers le milieu de la guerre, il était en tout cas l’un des quelques officiers immédiatement subordonnés à Keitel, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne peux pas vous donner de renseignements à ce sujet. Le général Reinecke...

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

En tout cas, à ce moment-là, il était déjà colonel ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Par conséquent, il était officier de rang très élevé.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, mais tout de même un assez jeune officier. Sur toutes ces choses-là, je ne peux rien dire. Je n’ai jamais eu rien à voir avec ces choses-là. Comme je l’ai indiqué, en novembre 1938, je n’étais plus en activité. Sur ces cours faits par Reinecke, je ne puis donc donner aucune sorte de renseignements.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je veux seulement que vous regardiez dans ce document certains passages que je vous indique et d’où il ressort, à mon avis, que l’attitude absolument non politique des généraux n’a pas été maintenue à ce moment-là.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Cela doit être exact en ceci que Hitler essayait tout pour rendre l’Armée nationale-socialiste...

LE PRÉSIDENT

Monsieur Calvacoressi, le témoin a dit qu’à ce moment-là il était déjà à la retraite et qu’il n’a jamais vu ce document. Vous pouvez le lui présenter, si c’est un nouveau document.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Dois-je le lire maintenant, ou bien vaut-il mieux en donner lecture plus tard, à la fin du contre-interrogatoire ?

LE PRÉSIDENT

Je crois que nous pouvons regarder le document nous-mêmes.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Comme il plaira au Tribunal, Monsieur le Président. J’ai ici encore un autre document sur le même sujet, et je le voudrais également présenter. C’est le document PS-4065, qui devient USA-929.

LE PRÉSIDENT

Quel est le numéro PS ?

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

4065, Monsieur le Président, (Au témoin.) Et bien, Monsieur le maréchal, je voudrais bien vous poser quelques questions sur le réarmement de l’Allemagne. Vous nous avez raconté qu’il était purement défensif. Maintenez-vous cette déclaration ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

J’ai dit précédemment que les mesures contre la Pologne, dont il est fait mention dans l’affidavit Blomberg, étaient purement défensives. Après le réarmement à 36 divisions, l’Armée allemande était à elle seule encore trop faible pour mener une guerre d’agression contre la Pologne, et à plus forte raison contre un voisin de l’Ouest ou de l’Est. Je maintiens donc qu’il s’agissait d’une mesure défensive. Si Hitler avait projeté une guerre d’agression, il lui aurait fallu disposer d’au moins trois ou quatre fois plus de divisions. C’est une chose impossible.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et bien, si vous vous défendez, il faut que ce soit contre quelqu’un, et vous avez dit devant la commission qu’entre autres choses, vous aviez pris des mesures défensives vis-à-vis de la Lituanie.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Demandez-vous au Tribunal de croire que vous étiez préoccupé de la défense de l’Allemagne contre la Lituanie ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

M’est-il permis de répondre ? A ce moment-là, j’ai cité cela comme base des divers exercices d’État-Major. Par la Lituanie était menacée la province isolée de Prusse Orientale parce qu’à ce moment-là nous n’y avions qu’une division, plus tard trois divisions. Les Polonais et les Tchèques ensemble étaient bien capables d’attaquer et d’occuper toute l’Allemagne orientale, sans parler du cas où à l’Ouest les Français auraient traversé le Rhin. Voilà ce que j’exposais et qui formait la base de nos exercices d’état-major ; il s’agissait de savoir comment se défendre contre une telle invasion venant de l’Est et de l’Ouest ou de l’Est seulement ou de l’Ouest seulement.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Oui, nous avons déjà entendu cela. Vous n’avez jamais été d’accord d’aucune manière avec le général von Blomberg, mais je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’en juin 1937 le maréchal von Blomberg, qui du reste était aussi ministre de la Guerre et Commandant en chef à cette époque, a promulgué un arrêté dans lequel il disait que l’Allemagne n’avait à s’attendre à une attaque d’aucun côté. Cet arrêté est versé au dossier. C’est une citation extraite du document C-175 (USA-69).

Or vous avez dit que vous pensiez que l’Allemagne agirait sans faire la guerre. Étiez-vous d’avis que Hitler réarmait trop vite ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, au contraire.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

II ne réarmait pas assez vite ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

II réarmait trop vite, et précisément il reprochait aux généraux von Fritsch et von Blomberg d’avoir freiné ce réarmement trop rapide. Bien des commandants de division étaient du même avis. Nous n’avions pas les réserves instruites et nous ne pouvions pas suivre ce rythme de réarmement.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Donc, on peut sans doute dire que si, en l’occurrence, vous vous opposiez avec Hitler, c’était à cause des méthodes employées par lui ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne comprends pas. Je ne comprends pas ce que vous voulez dire.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Quels buts espériez-vous atteindre par Hitler, vous et vos collègues, dans la question du réarmement, si ce n’est par les méthodes employées par Hitler lui-même ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Le but même qu’il s’agissait d’atteindre par le réarmement, n’était qu’un réarmement afin d’être prêt contre une guerre d’agression, spécialement en provenance de l’Est. C’est ce qui avait déjà été essayé antérieurement par la voie pacifique et en passant par Genève sous le Gouvernement Stresemann. Ce que j’ai dit du rythme du réarmement se rapportait à la question de mon défenseur demandant si Hitler avait jamais critiqué les généraux. Moi-même, je n’ai pas parlé du réarmement avec Hitler en me plaçant à mon point de vue.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous saviez pourtant par les journaux que Hitler faisait une offensive que j’appellerais diplomatique ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne sais pas ce que vous entendez par-là. Il a monté à ce moment-là une offensive diplomatique à Munich et à Godesberg. Si vous permettez cette question, est-ce là ce que vous voulez dire ?

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSi

Je m’exprimerais en des termes quelque peu différents. N’était-il pas clair pour tout citoyen pensant raisonnablement que la machine militaire était un élément essentiel de toute la politique étrangère de Hitler ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

C’était parfaitement clair en ce sens qu’avec la machine de guerre créée par Hitler, l’Allemagne pouvait se sentir plus en sécurité contre une attaque venant du dehors et ce qu’on n’avait pas réussi à obtenir pacifiquement à Genève, Hitler l’a fait d’un trait de plume. C’est le réarmement. Mais je souligne encore une fois que pour une guerre d’agression, même contre la Pologne, ces pauvres 36 divisions étaient beaucoup trop faibles.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Pensez-vous que Schuschnigg aurait cédé à Hitler s’il n’avait pas su que Hitler avait une forte machine militaire ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne le crois pas...

Dr LATERNSER

Je proteste contre cette question. Elle n’est pas admissible, parce que le témoin ne peut pas savoir ce que Schuschnigg a pensé à ce moment-là. Je demande donc que cette question soit rayée.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Monsieur le Président, je pensais que c’était une question de notoriété publique, tout le monde en a discuté à ce moment-là. Je ne demande pas au témoin ce que Schuschnigg a pensé, je demande si à son avis Hitler aurait pu, sans posséder une armée puissante, obtenir ce qu’il a effectivement obtenu. Le témoin peut répondre à cette question.

LE PRÉSIDENT

Sur ce point, le Tribunal pourra peut-être se faire lui-même une opinion.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Comme il vous conviendra, je ne voudrais pas parler de choses qui ont été déjà suffisamment traitées. Mais je voudrais attirer votre attention sur la question qui naturellement n’a pas encore été traitée en relation avec cette partie spéciale du cas dont il s’agit. Monsieur le Président, si le Tribunal veut rafraîchir son souvenir sur ce point, je rappellerai la partie du procès-verbal du Tribunal où l’accusé Ribbentrop a été contre-interrogé sur cette question à l’audience d’après-midi du 1er avril 1946.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je suis volontiers prêt à répondre à la question.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Témoin, je ne crois pas que le Tribunal désire en entendre davantage sur ce point.

Le dernier point que je veux maintenant traiter est la question « de la conduite de la guerre. Vous connaissez naturellement l’ordre des commandos, et il est donc inutile de le relire ici. Vous avez dit aujourd’hui qu’il n’a jamais été exécuté dans votre zone lorsque vous étiez dans l’Ouest.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et vous avez annoncé à l’OKW en 1944 qu’on l’exécutait ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Voulez-vous déclarer nettement laquelle de ces deux déclarations est exacte, car elles ne peuvent être exactes toutes les deux.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Elles ne sont pas contradictoires. J’ai dit au défenseur : « L’ordre sur les commandos n’a pas été exécuté par nous, il a été discrètement rendu inefficace. Mais comme il avait été envoyé par Hitler aux armées, et qu’il était annoncé dans le communiqué de la Wehrmacht, il aurait peut-être fallu dire alors : « Non, je n’exécute pas l’ordre » et on aurait pu se faire renvoyer ou quelque chose comme cela. Eh bien, nous ne l’avons pas exécuté, et quand j’ai demandé que cet ordre fut rapporté, j’ai écrit sous le chiffre n° 1 : « On a agi en conséquence ». C’était, je le dis très franchement, un certain manque de franchise.

Je vous ai dit pourquoi j’ai dit cela et je ne puis dire autre chose à ce sujet. En tout cas, je vous prie de me croire, cet ordre n’a pas été exécuté.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Qu’il ait été exécuté ou non, il n’y a pas de doute que cet ordre a été donné par les voies régulières dans l’Armée et quel que soit le nombre exact des gens qui ont péri en vertu de cet ordre contraire au Droit, il est clair, n’est-ce pas, que le simple fait que cet ordre ait été donné par les voies régulières de l’Armée fournit la preuve qu’il y avait dans le commandement militaire de l’Allemagne quelque chose qui n’était pas normal, quelque chose de pourri ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Dans l’Ouest, pas une personne n’a péri en vertu de l’ordre sur les commandos.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Le soldat allemand est bien connu pour sa discipline, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et vous ne voulez sans doute pas prétendre, je suppose, qu’il soit plus enclin qu’aucun autre soldat à commettre des excès ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Cela ne s’est pas produit du tout dans ce cas. Je dis encore une fois que dans l’Ouest personne n’a été tué en vertu de l’ordre sur les commandos.

CAPITAINE DE FREGATE CAL VACORESSI

Bien, j’abandonne maintenant l’ordre sur les commandos. En général, je dirais que le soldat allemand est normalement un soldat bien discipliné et qui se comporte d’une manière convenable. Mais quand il agit avec brutalité inutile, ne chercheriez-vous pas une raison extérieure exceptionnelle ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Dans le ressort de mon commandement, il n’y a pas eu de brutalités.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Si donc il s’est produit quelque chose de ce genre, il vous faudrait donc chercher à cela une raison, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Si l’ordre sur les commandos a été exécuté ailleurs sur un autre théâtre d’opérations, le commandant en question ou la troupe en question a agi en exécution des ordres de Hitler et devait admettre que ces ordres étaient justifiés en Droit international.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

J’ai déjà dit que nous ne parlons plus maintenant de l’ordre sur les commandos. Je veux vous faire observer que si le soldat allemand s’est mal conduit en territoire occupé, une raison logique serait qu’il savait que ses chefs montraient pour les souffrances de la population une indifférence et un mépris absolu.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal trouve que la question posée est trop hypothétique.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Bien, Monsieur le Président. Vous avez commandé le groupe d’Armées Sud en Russie, en automne 1941, n’est-ce pas ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Le groupe d’armées du Sud.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et l’un des généraux sous vos ordres était le maréchal von Reichenau, n’est-ce pas.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Sans aucun doute vous avez entendu souvent parler de l’ordre donné par le maréchal von Reichenau à la 6e armée sur la façon de se conduire en Russie ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je n’en ai jamais parlé avec lui, et je ne me souviens pas non plus avoir connu cet ordre avant d’être en Angleterre où mon chef d’État-Major en a parlé. Reichenau a donné beaucoup d’ordres que le groupe d’armée n’a jamais reçus et qui, du reste, ne le concernaient pas du tout.

Je ne me souviens pas d’avoir vu ce prétendu ordre de brutalité ; je ne conteste pas qu’il ait pu venir dans mon bureau au groupe d’armées. En tout cas, celui qui était alors mon premier officier d’État-Major, et qui est ici à Nuremberg, ne se souvient pas que nous ayons eu connaissance de cet ordre. Il est naturel qu’on n’approuve pas cet ordre, notamment parce qu’il était en contradiction avec l’ordre clair...

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Un instant, je vous prie ; je vous demandais seulement si vous avez su qu’il a donné un tel ordre, et de ce que vous avez dit, je déduis que vous le savez maintenant. Prétendez-vous que Reichenau était à cet égard une exception ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui. Je le suppose, étant donné toute l’attitude de Reichenau, sa mentalité et son caractère. Le général von Manstein, le général von Kleist, le général von Schobert, le général von Stülpnagel n’auraient jamais lancé un tel ordre de leur propre autorité, d’autant moins — puis-je ajouter — que le général von Brauchitsch avait strictement ordonné que la conduite de la guerre à l’Est devait se faire sur une base absolument chevaleresque et réglementaire.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Vous voyez, hier nous avons présenté un ordre du général von Manstein qui ressemblait étonnamment à cet ordre « Rundstedt » ?

LE PRÉSIDENT

Vous disiez l’ordre « Rundstedt ».

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Je m’excuse, Monsieur le Président. Eh bien, vous commandiez trois ou quatre armées dans le groupe d’armées Sud ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

J’avais quatre armées sous mes ordres, et en outre les Roumains.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Et sur ces quatre armées qui combattaient si loin il y a tant d’années, nous avons retrouvé des ordres semblables, venant de deux d’entre elles. Je vous fais observer que tout soldat de la 6e ou de la 11e qui recevait cet ordre pouvait admettre avec raison que son Commandant en chef favorisait des excès, ou du moins les tolérait.

Et seulement pour vous montrer que cela ne se limitait pas à un groupe d’armées ni même à un front, je voudrais vous montrer le document PS-4067. Ce devient la pièce USA-930. Monsieur le Président, j’estime qu’il convient de présenter ici ce document. Je ne prétends pas que le témoin ait rien à voir avec ceci.

C’est un message radio adressé à l’Armée blindée d’Afrique en juin 1942. Comme il est très court, je voudrais en donner lecture intégralement.

« L’Armée blindée d’Afrique par entremise général allemand auprès Commandement suprême des Forces armées italiennes, Rome.

« OKH. Generalquartiermeister pour information. OKW/WR pour information. Général auprès OKH pour information. Commandement aviation. Très secret. Affaire importante à transmettre seulement par officier.

« Selon informations parvenues, de nombreux réfugiés politiques allemands doivent se trouver parmi les unités libres françaises en Afrique. Le Führer a ordonné qu’ils soient traités avec une extrême rigueur. Par conséquent, il faut les abattre sans merci. Là où cela n’a pas été fait, ils doivent, sur l’ordre de l’officier allemand le plus proche, être immédiatement et sommairement fusillés, à moins qu’ils ne doivent être momentanément gardés pour obtenir des informations. Il est interdit de transmettre cet ordre par écrit. Les commandants doivent en être informés verbalement. »

Ce n’est pas signé.

Vous voyez donc que qui que ce soit qui ait donné cet ordre, il a eu conscience que c’était un crime.

Cela apparaît clairement dans les deux dernières phrases :

« Le Führer a ordonné qu’ils soient traités avec une extrême rigueur ». L’ordre transmis par l’Armée dit de tuer. Vous rappelez-vous la mort du maréchal Rommel ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

On a généralement supposé à ce moment-là que Rommel était mort dans des circonstances suspectes ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, je n’ai pas entendu ces rumeurs, autrement j’aurais refusé de représenter le Führer aux obsèques nationales de Rommel ; c’eût été une infamie de première classe.

Je n’ai eu connaissance de ces rumeurs par les journaux américains qu’après avoir été fait prisonnier. Selon ces journaux, « le jeune fils de Rommel a déclaré que son père avait pris du poison afin de ne pas être pendu ».

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Pendant tous ces mois qui ont suivi la mort de Rommel, jusqu’à la fin de la guerre, vous n’aviez jamais appris que l’on disait généralement que Rommel avait été « exécuté » ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, on disait seulement qu’il avait été soupçonné.

CAPITAINE DE FRÉGATE CALVACORESSI

Monsieur le Président, je n’ai plus de questions à poser.

LE PRÉSIDENT

Quelqu’un désire-t-il encore contre-interroger ?

Docteur Laternser, je vous en prie !

Dr LATERNSER

Monsieur le maréchal, vous avez été interrogé au sujet de l’affidavit n° 4, établi par le maréchal Brauchitsch, USA-535. Le Ministère Public a attaché de l’importance à ce fait que, comme il est indiqué dans l’affidavit, par cette voie — c’est-à-dire par des visites personnelles du Commandant en chef — le Commandant en chef était en mesure de prendre conseil des commandants en chef placés sous ses ordres. Quelle était la nature de ce conseil, dans quel domaine pouvait-il être donné, et de quelle manière ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

La chose était très simple. Supposons que je commande un régiment et que je dise à un chef de bataillon : « Vous attaquerez avec votre bataillon tel village ». Ensuite je vais le trouver et je lui demande : « Comment allez-vous faire cela » ? Là-dessus il me raconte : « J’ai telle et telle intention, et s’il m’était permis de proposer quelque chose à mon colonel, je préférerais aller un peu plus à gauche, où le terrain est meilleur ou bien un peu plus à droite ». Transposons en grand : le Commandant en chef de l’Armée vient me trouver comme Commandant en chef de groupe d’armées et me dit : « M. von Rundstedt, comment allez-vous remplir la tâche dont vous êtes chargé ». Alors je dis : « De telle et telle façon, mon général, et si je puis me permettre une proposition, donnez-moi peut-être une division de plus ». C’est la seule chose que l’on puisse faire, c’est une sorte d’explication amicale. Moi, en tant que Commandant en chef, je ne dirai jamais au Commandant en chef de l’Armée : « Mon général, ce que vous faites est mauvais, faites tout autrement. »

Me suis-je expliqué de manière intelligible ?

Dr LATERNSER

Je crois que oui. Il s’agit donc d’une conversation sur l’exécution de la tâche partielle dont l’intéressé est militairement chargé ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

II ne s’agit donc pas de discuter avec le Commandant en chef « si » on doit le faire, mais dans un domaine limité, « comment » on doit le faire et comment on peut le faire de la meilleure façon. En effet, souvent le subordonné a une idée très intelligente que le supérieur accueille avec gratitude. Il est vrai qu’avec Hitler, c’était sans espoir.

Dr LATERNSER

Et d’ailleurs il y aura dans toute armée des délibérations ou entretiens sur l’exécution d’une mission ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, je l’imagine.

Dr LATERNSER

En outre, on s’est référé à l’affidavit n° 5 du général Blaskowitz, et le Ministère Public a souligné que les commandants de groupe d’armées et d’armée étaient reliés par téléphone, télégraphe ou radio et ont été ainsi à même de se procurer des comptes rendus de la situation. Ne s’agit-il pas là des habituels rapports de situation que chaque commandant de troupes doit faire à ses supérieurs afin de rendre possible le commandement militaire ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Absolument. Les rapports de situation se faisaient le matin pour les événements de la nuit, et le soir pour les événements de la journée. S’il y avait une action de combat réclamant spécialement mon attention comme commandant à l’échelon supérieur, je faisais demander non pas une, mais peut-être trois fois par jour, par téléphone ou télégraphe : « Où en est la situation chez vous ? Est-ce que vous avancez ou reculez ? Cela va-t-il mal, ou bien ? » Voilà ce que cela veut dire.

Dr LATERNSER

Le Ministère Public se réfère encore à l’affidavit n° 5 du général Blaskowitz que j’ai invité à rédiger une explication de cet affidavit, à cause de l’interprétation inexacte qui en est donnée par le Ministère Public. Je vais maintenant vous en lire une partie et vous demander, à ce propos, si cela est exact, tel que le général Blaskowitz l’a indiqué. Je cite : « La présente explication a pour but d’éclaircir la restriction « dans leur ressort », mentionnée par moi dans la déclaration du 10 novembre 1945. Cette restriction était destinée à exprimer ce qu’expose ma déclaration complémentaire d’aujourd’hui. On ne peut pas parler d’une délibération des commandants du front formant un « groupe » ou un « cercle consultatif ». Ces deux termes pourraient être mal interprétés et étaient tout simplement destinés à indiquer le cercle des conseillers qui pouvaient être entendus par leurs supérieurs, dans le ressort de leur propre commandement ». Cette déclaration accompagnée de cette remarque complémentaire correspond-elle à ce qu’un chef pouvait faire effectivement ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Cette déclaration est ainsi correcte, il écarte ce malentendu que je n’ai jamais supposé, en ce sens, de la part du général Blaskowitz.

Dr LATERNSER

Ensuite, on vous a demandé de parler d’un malentendu ayant existé entre vous et le maréchal von Bock avant le début de la campagne de Russie ; il s’agissait d’un secteur dégarni à cause d’un grand terrain marécageux.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

C’est une erreur. Ce n’était pas un malentendu entre moi et Bock. Ce plan était établi par le Haut Commandement de l’Armée. Comme chef du groupe d’armées Sud, je n’aimais pas beaucoup cette lagune. C’est pour cela que je fus devant Hitler et lui dis : « Mon groupe d’armées a telle et telle mission et fait ceci et cela ». Et j’ai ajouté : « II serait bon qu’on mît des troupes à travers ce trou. Ce n’était pas une divergence avec Bock, mais une proposition que je faisais pour améliorer la situation de ce secteur dégarni.

Dr LATERNSER

Avez-vous, à cette époque, vous et le maréchal von Bock, fait ensemble un rapport à Hitler sur la façon dont vous pensiez exécuter les ordres militaires reçus par vous ? Ou bien avez-vous fait rapport l’un après l’autre ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Ils ont eu lieu l’un après l’autre. D’abord, ce fut le tour de Bock, avec ses commandants d’armée ; puis vint le mien, avec mes commandants d’armée. Je rappelle toujours l’ordre du Führer selon lequel aucun officier ne doit savoir plus que ce qui le concerne. Je n’avais pas du tout le droit de savoir comment Bock opérait avec son groupe d’armées. D’après l’ordre du Führer, cela ne me regardait pas, j’avais seulement le droit de savoir où se trouvait l’extrémité de son aile droite.

Dr LATERNSER

Et cela allait même si loin que vous faisiez un rapport séparément ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Oui, séparément, cela en soi n’est pas étonnant, car plus il y a de personnes présentes à un tel rapport, plus c’est incommode.

Dr LATERNSER

On vous a présenté un ordre PS-4067 selon lequel des ressortissants allemands, s’ils étaient trouvés avec les unités de la France libre, en Afrique, devaient être fusillés sur l’ordre d’un officier allemand. Avez-vous jamais entendu dire...

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non.

Dr LATERNSER

... que cet ordre ait été pratiquement exécuté ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Non, je n’ai rien su au sujet de cet ordre.

Dr LATERNSER

Vous avez dit que vous n’aviez jamais été d’accord avec les vues du maréchal Blomberg. Dans cet affidavit que le Ministère Public fait intervenir constamment, le maréchal Blomberg indique les opinions du « groupe d’officiers supérieurs ». Le maréchal von Blomberg a-t-il eu des relations étroites avec les généraux placés sous ses ordres ?

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Blomberg a toujours été un peu étranger pour nous. Il planait dans d’autres sphères. Il était de l’école de Steiner, un peu théosophe, etc., et à vrai dire personne ne l’aimait beaucoup. A un moment donné, il fut mon subordonné avant de devenir ministre de la Guerre. Il avait donc une position à part.

Dr LATERNSER

Monsieur le maréchal, vous n’avez pas répondu entièrement à ma question qui tendait à savoir si Blomberg avait avec les généraux sous ses ordres des relations si étroites qu’il puisse indiquer leurs opinions avec autant de précision qu’il l’a fait dans l’affidavit.

TÉMOIN VON RUNDSTEDT

Je ne puis m’imaginer cela.

Dr LATERNSER

Je n’ai plus d’autres questions à poser.

LE PRÉSIDENT

Le témoin peut se retirer.

(Le témoin quitte la barre.)
Dr LATERNSER

Monsieur le Président, pour le cas où le témoin Professeur Dr Schreiber serait amené au Tribunal par le Ministère Public soviétique, je voudrais — mais seulement pour ce cas-là — demander que soit entendu un autre témoin qui pourrait donner dans ce domaine des renseignements très précis.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous nous dire de quel point il s’agit ?

Dr LATERNSER

Le Ministère Public russe a aujourd’hui, au cours du contre-interrogatoire du témoin von Manstein, produit une déclaration écrite sur une façon spéciale de conduire la guerre, émanant du Professeur Dr Schreiber.

LE PRÉSIDENT

Je sais, mais cette déclaration, traite trois ou quatre points. Duquel parlez-vous ? Il n’y a pas qu’un seul point dans cette déclaration, il y en a un certain nombre.

Dr LATERNSER

Oui, je vous prierais seulement, Monsieur le Président, si ce témoin venait, de me donner l’occasion de produire également un témoin sur ce point. C’est tout ; ce n’est qu’une demande éventuelle.

LE PRÉSIDENT

II faut que vous fassiez la demande dès maintenant. Quelle est cette requête, et qui est le témoin ?

Dr LATERNSER

Pour le cas où le Professeur Dr Schreiber paraîtrait comme témoin, je demande à interroger sur la même question le médecin-général Dr Handloser, comme témoin de la Défense.

LE PRÉSIDENT

Le témoin se trouve-t-il à Nuremberg ?

Dr LATERNSER

Je ne puis vous indiquer son lieu de résidence, mais je m’efforcerai entre temps de le trouver.

LE PRÉSIDENT

Docteur Laternser, le Tribunal est d’avis qu’il vous faut faire cette demande par écrit, en donnant exactement les raisons pour lesquelles vous pensez que ce médecin est au courant de la guerre bactériologique, et où vous pouvez le trouver.

Vous en avez ainsi terminé avec vos témoins ?

Dr LATERNSER

Oui.

LE PRÉSIDENT

Alors le Tribunal n’a plus qu’à examiner le cas des SA.

Voulez-vous appeler vos témoins pour les SA ?

M. GEORG BÖHM (avocat des SA)

Je demande à interroger comme premier témoin le témoin Bock.

(Le témoin avance à la barre.)
LE PRÉSIDENT

Témoin, indiquez, je vous prie, votre nom en entier.

TÉMOIN FRANZ BOCK

Franz Bock.

LE PRÉSIDENT

Voulez-vous répéter après moi cette formule de serment : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ».

(Le témoin répète le serment.)
LE PRÉSIDENT

Vous pouvez Vous asseoir.

M. BÖHM

Témoin, quand êtes-vous venu dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

Je suis entré dans les SA en 1922.

M. BÖHM

Et quelle était votre profession à ce moment-là ?

TÉMOIN BOCK

Employé de commerce.

M. BÛHM

Quelles étaient vos tâches dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

De 1922 à 1929, j’étais homme de troupe. De 1929 à 1932, j’ai eu les grades suivants : Truppführer jusque vers 1930, Sturmführer jusqu’à 1931 et Sturmbannführer jusqu’en 1932. Quand à ce moment-là je devins chômeur, je rejoignis les SA comme adjudant de métier à l’État-Major du groupe Ouest. En 1933, je fus transféré comme Stabsführer au groupe SA « Bayerische Ost-mark » en Bavière. En 1934, je fus envoyé comme Standartenführer à Traustein. De 1935 à 1937, je fus Brigadeführer. En 1937, je devins chef de section, et plus tard chef de service à l’État-Major de la Direction suprême des SA. En 1940 je fis mon service militaire et, à la fin de l’année 1942, je fus envoyé comme chef du groupe Niederrhein à Düsseldorf, où je suis resté jusqu’à l’effondrement en 1945.

M. BÖHM

Vous êtes donc l’un des plus vieux chefs SA et vous pouvez nous dire pourquoi les SA furent créées et comment elles étaient organisées.

TÉMOIN BOCK

Les SA furent créées primitivement en 1920 comme groupe de gymnastique et de sport et, peu de temps après, ce devint un groupe pour le maintien de l’ordre, une organisation pour l’ordre dans les salles et la protection des réunions. Les SA se composaient alors de jeunes idéalistes et des soldats du front de la première guerre mondiale ; jusqu’en 1923, les SA ne furent pas particulièrement organisées. Les SA se créaient selon les nécessités locales et d’après les besoins du Parti.

M. BÛHM

Vous venez de parler d’organisation d’auto-protection pour les réunions. Quel but voulait-on atteindre ainsi ?

TÉMOIN BOCK

La diffusion des idées nationales-socialistes rencontrait alors partout une dure résistance chez les adversaires politiques. On voulait combattre le jeune Parti par tous les moyens, même ceux de la terreur. C’est ainsi que fut créée cette organisation d’autoprotection, ou de ce qu’on appelait protection des salles.

M. BOHM

Pourquoi les SA, répandaient-elles cette idée que leur principale tâche était la lutte contre tout ce qui s’opposait à leur mouvement et aux grands buts de leur mouvement ?

TÉMOIN BOCK

Tout instinct de conservation exige la lutte. La réalisation de l’idée nationale-socialiste avec, comme but, l’arrivée un jour au pouvoir dans l’État, exigeait dans la mêlée politique la lutte et le combat. Mais les moyens de notre combat étaient les armes intellectuelles, la propagande orale, la parole, les manifestations.

M. BÖHM

Quel fut le développement des SA, de 1925 jusqu’à leur organisation rigide survenue en 1931 ?

TÉMOIN BOCK

En général, à partir de 1925, les SA se développèrent d’une façon organique, avec le développement général du Parti. Les SA étaient intimement liées au Parti, n’avaient qu’une structure rudimentaire et étaient essentiellement unies au Parti. Mais le Parti lui-même — et par conséquent aussi les SA — étaient alors reconnus et agréés par les détenteurs du pouvoir de l’État exactement comme les autres partis politiques, par exemple le Reichsbanner ou le Rotfrontkämpferbund, les Sturmscharen, qui étaient parmi les organisations politiques et les partis de cette époque-là.

M. BOHM

Quelles raisons existaient, à votre avis, pour une réorganisation en 1931 ?

TÉMOIN BOCK

Le développement du Parti et l’extension des SA sur tout le territoire du Reich exigeaient précisément à cette époque, à mon avis et pour autant qu’il m’en souvienne encore une concentration, une direction et une organisation hiérarchisée des SA. En outre, précisément à cause des congrès du Parti qui avaient lieu ces années-là et presque chaque année, et où les SA constituaient le principal élément organisateur du déploiement, il était urgent et nécessaire que pour atteindre ces buts de propagande les SA fussent elles-mêmes bien organisées et homogènes.

M. BOHM

Pourquoi les SA portaient-ils l’uniforme ? Cet uniforme était-il adapté à des fonctions militaires ?

TÉMOIN BOCK

A mon avis, les SA n’avaient pas d’uniforme au sens littéral du mot, mais ils n’ont eu d’abord qu’une veste d’intempéries ; plus tard vint la chemise dite de service, la chemise brune. Il fallait que cet uniforme fut porté alors par les SA afin de se distinguer des autres organisations politiques que j’ai déjà énumérées, comme le Reichsbanner, mais il me paraît erroné d’en déduire que les SA aient eu un caractère militaire. Nous n’avons jamais pensé que cet uniforme pût ou dût avoir un caractère militaire.

M. BÖHM

Les membres d’autres organisations politiques portaient-ils à cette époque des signes distinctifs extérieurs quelconques permettant de conclure qu’ils étaient groupés ?

TÉMOIN BOCK

Naturellement, le Reichsbanner, par exemple, avait beaucoup d’uniformes semblables aux nôtres dans la période ancienne, veste grise et casquette spéciale. Le Rotfrontkämpferbund, autant qu’il m’en souvienne, portait aussi un uniforme du genre chemise, une chemise brun-vert, etc. Ainsi, presque toutes les organisations de l’époque ont fait leur apparition dans leurs propres uniformes.

M. BÖHM

Les SA avaient-elles des armes, et qui pouvait en porter ?

TÉMOIN BOCK

Les SA n’étaient pas autorisées à porter des armes. L’ordre était formel. Après 1933, vers le nouvel an 1934, les SA avaient reçu ce qu’on appelait le poignard d’honneur. Plus tard, après la prise du pouvoir, seul le chef SA possédant un permis spécial de Police ou une carte spéciale SA avait le droit de porter un pistolet.

Le port des armes, surtout à l’époque des luttes, était très rigoureusement surveillé par les services compétents de la Police et de l’exécutif, et je puis me souvenir que du temps où je dirigeais des unités, nous étions presque toujours fouillés par la Police, avant chaque réunion, dans les réunions, et même lors de tous les grands rassemblements. C’est pour cela que nous donnions à nos hommes comme instruction rigoureuse de ne pas emporter d’armes, même au risque d’être attaqués.

LE PRÉSIDENT

L’audience est suspendue.

(L’audience est suspendue.)
M. BÖHM

Témoin, vous savez que des membres des SA faisaient du service pour l’État et pour la Police et qu’en pareil cas ils étaient armés ? Par qui étaient-ils armés ?

TÉMOIN BOCK

Autant que je puis savoir quand elles étaient employées exceptionnellement pour le service d’État ou faisaient du service auxiliaire de la Police ou servaient comme Police auxiliaire, les unités des SA étaient années par le service compétent et conduites principalement par les chefs militaires ou les autorités de Police dont elles relevaient en chaque cas.

M. BÖHM

Vous savez que des unités spéciales de SA avaient été constituées. Voulez-vous me dire quelles étaient leurs tâches ?

TÉMOIN BOCK

Elles ont été créées dans les SA, d’une part pour répondre aux caractéristiques particulières du pays, par exemple des gens vivant au bord de la mer, et d’autre part pour donner un champ d’activité aux hommes vivant dans les montagnes et aux aptitudes techniques des SA. Dans ces formations, l’instruction était, en général, la même que dans les autres unités des SA, seulement dans la mesure où ces troupes d’assaut avaient à leur disposition du matériel répondant à leur tâche ou pouvaient se le procurer, elles s’exerçaient dans ces domaines spéciaux. En outre, nous avions besoin, précisément à l’époque précédente, de ces unités spéciales, appelées aussi unités techniques, pour nos grands rassemblements pour les manifestations, etc, parce que nous pouvions ainsi nous rendre complètement autonomes. Par exemple, lors d’un grand congrès du Parti à Nuremberg, il était absolument nécessaire, pour pouvoir commander, diriger des centaines de milliers d’hommes et les maintenir au camp, de posséder des moyens de transmission et du matériel de génie afin de pouvoir établir nous-mêmes les installations pour le congrès du Parti. Il en était exactement de même dans les différentes légions où les unités de transmission étaient également mises en action pour de tels buts. Plus tard, ces unités de transmission ou ces unités spéciales nous ont été nécessaires pour le service de secours en cas de catastrophe ou le service de protection contre les catastrophes ; à ces services les SA ont spécialement participé.

M. BÖHM

A quelles fins les SA entretenaient-elles des sections de musique ?

TÉMOIN BOCK

Ces unités allaient avec les unités de marche quand celles-ci voulaient se montrer pour la propagande et le recrutement. De plus, nous avions besoin de ces actions de musique pour les grandes manifestations du Parti.

M. BÖHM

D’après quels points de vue était organisé le service dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

L’organisation du service, dans les SA, a toujours été, et à vrai dire partout, très différente. Elle se faisait, d’une part, d’après le point de vue du Parti ; je veux dire, comme je l’ai déjà indiqué pour les unités spéciales, cette organisation avait en vue les congrès du Parti, les rassemblements, etc., pour les réunions, les distributions de tracts, etc. De plus, le service des SA était fait pour bien former les nouvelles colonnes qui devaient figurer dans les défilés, afin qu’elles puissent s’y présenter dans les manifestations comme un bon élément de propagande. C’est donc un travail de formation intérieure et extérieure de nos unités qui fut accompli dans le cadre d’un programme d’instruction émanant de la Direction centrale des SA. Enfin, encore comme dernier exemple, le service des SA dans le cadre de la protection contre les catastrophes : il fallait effectuer les exercices préparatoires et des exercices d’entraînement afin de pouvoir servir efficacement.

M. BÖHM

Ces membres des SA ont-ils rempli leurs obligations de service ?

TÉMOIN BOCK

Autant que j’ai pu voir dans mes unités, les membres des SA ont rempli volontiers leurs obligations de service, seulement nous avons eu partout à lutter avec les grandes difficultés de lieu et les difficultés de temps, imposées aux hommes par leur activité professionnelle.

Je prends par exemple le cas du travailleur d’équipe de la Ruhr, qui naturellement n’était pas toujours disponible pour faire tout son service SA. C’est pourquoi, comme je l’ai souligné au début, le service était partout et toujours fort différent, et souvent, principalement durant les mois d’été, il était très réduit dans les contrées rurales. Il se limitait essentiellement aux quelques mois d’automne et d’hiver où l’on pouvait faire de l’instruction intérieure.

M. BÖHM

Ce service était-il effectué par les hommes des SA d’après le serment prêté par eux, ou en obéissance aveugle ?

TÉMOIN BOCK

L’homme des SA faisait son service volontairement ; il obéissait, d’après un serment, aux ordres donnés. Le serment dit que l’homme des SA est astreint à l’obéissance absolue envers ses supérieurs tant que ceux-ci n’exigent de lui rien d’illégal.

Telle est à peu près la formule dont je me souviens.

M. BÖHM

Vous avez déclaré que le service SA était volontaire. Ne connaissez-vous pas de cas où ce principe du volontariat n’a pas été respecté ?

TÉMOIN BOCK

Oui, c’est possible en ce sens que nous avions des unités, ou que paraissaient dans le cadre des SA des unités qui n’avaient pas été constituées directement sur la base du volontariat. Je pense par exemple aux écoles des Finances du Reich ou bien aux sections qui se recrutaient essentiellement parmi les étudiants, à une époque ultérieure, ou bien peut-être encore aux formations — si on veut les rattacher ici — qui ont été versées dans les SA et provenaient d’associations nationalistes quelconques.

M. BÖHM

Y avait-il des punitions dans les SA ? Y avait-il un règlement pénal, et pourquoi a-t-il été nécessaire ?

TÉMOIN BOCK

II y avait dans les SA un règlement pénal et des peines d’arrêts. Ce règlement et les punitions étaient nécessaires pour les SA afin de maintenir l’ordre et la discipline dans leurs rangs. Il faut toujours tenir compte du fait que, dans les SA, nous avions des hommes issus de toutes les couches de la population et que nous, précisément après la prise du pouvoir, nous avons reçu dans nos rangs un nombre énorme d’hommes que nous ne pouvions pas tous connaître d’emblée à fond. Il fallait donc instituer un règlement disciplinaire et pénal afin de garantir l’ordre et la discipline. Il n’y avait pas de punitions de prison dans les SA. Il était bien prévu ce qu’on appelait des punitions d’arrêts, mais c’était essentiellement pour les écoles. Mais pendant tout mon temps de service, je ne les ai jamais appliqués directement.

M. BÖHM

Du fait qu’il existait un règlement pénal, ne peut-on pas conclure à un caractère militaire des SA ?

TÉMOIN BOCK

A mon avis, non, car dans toute organisation, il faut qu’il y ait des punitions et un règlement disciplinaire.

M. BOHM

Qu’y avait-il encore comme prescriptions de service dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

Dans les SA, il y avait un règlement général de service ; en particulier il y avait le règlement pour le salut, le règlement sanitaire et le règlement d’exercice.

M. BOHM

Pourquoi ces règlements d’exercice étaient-ils nécessaires ? Ne peut-on ou ne faut-il pas en conclure que les SA avaient un caractère militaire ?

TÉMOIN BOCK

Le règlement d’exercice — quel qu’en fut le nom — n’avait été créé dans les SA que pour donner aux unités qui devaient défiler l’aspect extérieur qui convenait à des exercices d’ordre ; il comprenait essentiellement l’attitude extérieure de l’homme et devait avoir effet principalement sur la discipline de marche. Une comparaison avec le règlement de l’Armée n’est pas possible, car, pour autant que je connaisse le règlement de l’Armée, il comprend essentiellement un règlement d’exercice avec armes et dans les formes du combat, tandis que chez nous, il s’agissait seulement d’un règlement pour réaliser la discipline de marche.

M. BÖHM

N’y avait-il pas un insigne des SA pour les sports et l’entraînement militaire, correspondant à un entraînement spécial ?

TÉMOIN BOCK

II y avait un insigne SA pour le sport qui, après 1939, après le décret du 19 janvier, fut appelé « Insigne de la défense » (SA-Wehrabzeichen). C’était simplement un insigne de performance semblable à l’insigne allemand pour le sport et la gymnastique. Il comprenait : le groupe 1, exercices physiques pour les performances de caractère physique ; le groupe 2, exercices sportifs de défense et exercices d’entraînement de la volonté ; le groupe 3, service professionnel, exercices dans l’eau, services spéciaux, exercices de l’intelligence. C’est ainsi que ces exercices étaient enseignés et pratiqués. Cet insigne « Wehrabzeichen » avait pour but de former le moral des hommes des SA.

M. BÖHM

Qu’entendez-vous par ce mot ?

TÉMOIN BOCK

J’entends par — c’est ainsi qu’on nous l’enseignait dans nos écoles — d’abord une attitude spirituelle de défense dans le sens d’un patriotisme convaincu, l’éducation de l’homme dans le sens d’une volonté de défense et de la conscience de soi-même ; et enfin la conservation de la vigueur défensive, de la force physique par l’entraînement physique et sportif approprié.

M, BÖHM

L’accomplissement de cette tâche, qui s’attachait à l’insigne sportif des SA, était-il immédiatement possible sur une grande échelle, ou bien y fallait-il une préparation spéciale ?

TÉMOIN BOCK

L’exécution de ces exercices physiques pour l’obtention de cet insigne exigeait une longue période de préparation ; il est clair que les exercices pour l’obtention de cet insigne ne pouvaient être enseignés que par des hommes et des chefs qualifiés et qu’il fallait d’abord former des examinateurs avant de pouvoir réaliser sur une grande échelle les exercices à exécuter pour obtenir l’insigne. En outre, dans l’exécution des exercices en vue de cet insigne de performance, les principaux moyens matériels nous faisaient défaut, notamment à la campagne. Ainsi il est advenu qu’après qu’en 1935 on eut recréé cet insigne de sport, il ne put que lentement, année par année, être introduit dans la masse des hommes SA. En outre, le travail pour cet insigne de sport n’était pas la tâche principale que nous avions dans les SA ; l’exécution de ces performances avait été plus ou moins conçue et aussi réalisée comme une chose volontaire et supplémentaire.

M. BÖHM

L’éducation, la discipline de ce sport de défense doit-elle être jugée du point de vue militaire ?

TÉMOIN BOCK

Cet insigne, à mon avis, ne doit pas être jugé du point de vue militaire. Comme je l’ai dit, il doit être considéré exactement comme « l’insigne sportif du Reich », c’est-à-dire un insigne de performance. Car dans ses disciplines il comporte essentiellement aussi celles qui sont à la base des insignes sportifs allemands ou de n’importe quelles autres disciplines sportives des jeux olympiques : pentathlon moderne, course d’obstacles, lancer du marteau, lancement du javelot, équitation, natation etc.

M. BÖHM

L’Accusation prétend que de telles activités et de tels jeux jouent un grand rôle dans la défense du pays. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

TÉMOIN BOCK

C’est possible ; mais seulement dans la mesure même où toutes les fonctions de la vie civile jouent un rôle dans le cadre de la défense du pays.

M. BOHM

La fréquentation des écoles SA donnait-elle une qualification militaire, et quelles écoles y a-t-il eu dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

II y avait dans les SA quatre possibilités d’instruction : d’abord ce qu’on appelait l’instruction de week-end, qui s’étendait aux samedis libres et aux dimanches ; dans ce cours de fin de semaine, on formait principalement les grades inférieurs, Scharführer et Truppführer. Il s’agissait là de la formation et de l’instruction élémentaire pour les unités inférieures. Elle était de courte durée et pouvait même être momentanée, selon les nécessités. Ensuite, il y avait ce qu’on appelait « l’école de groupe SA » qui correspondait territorialement au ressort d’un groupe. Elle comprenait les Sturmführer et avait une durée d’environ 15 jours. Le but de ce cours était d’établir des liens de camaraderie entre les chefs de compagnie d’assaut, de les intégrer avec leurs unités dans le service général des SA, de leur donner une rapide formation dans le domaine de l’activité sportive et en même temps de les initier largement aux disciplines de l’insigne sportif ou de l’insigne de défense. De plus, on discutait de questions d’actualité ; il y avait une rapide formation générale de l’esprit et, enfin, on examinait leurs possibilités de rendement et leurs aptitudes, ainsi que la valeur de leur caractère. Ensuite venaient les « écoles du Reich ». Ces écoles étaient essentiellement destinées aux chefs de grade moyen, c’est-à-dire aux Sturmbannführer et Standartenführer (chefs de bataillon et de régiment). Le service était analogue à celui des « écoles de groupe », mais vu d’un échelon plus haut. Il y avait également un examen général sur les capacités et le rendement de chacun et sur son caractère. On y ajoutait l’introduction au service SA au rang qu’il représentait. Pour le reste, ces écoles étaient faites pour que...

LE PRÉSIDENT

Docteur Böhm, ne pourriez-vous pas condenser cela un peu ? Nous connaissons tout cela. J’ai l’impression que vous refaites un interrogatoire et vous savez pourtant que nous ne le souhaitons pas.

M. BÖHM

Oui, Monsieur le Président, je vais essayer d’écourter cela un peu. (Au témoin.)

L’Accusation prétend que dans ces écoles 25.000 officiers ont été formés, des officiers pour la Wehrmacht naturellement. Qu’en pensez-vous ?

TÉMOIN BOCK

Ces écoles n’ont jamais formé d’officiers pour la Wehrmacht. Dans ces écoles, on donnait la formation pour devenir chef dans les SA, et rien d’autre.

M. BÖHM

Faisait-on des exercices d’armes dans ces écoles ?

TÉMOIN BOCK

II n’y avait aucun exercice d’armes dans ces écoles.

M. BÖHM

L’Accusation prétend en outre que 70 % des hommes militairement formés par les SA ont été envoyés dans la Wehrmacht. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

TÉMOIN BOCK

D’après la loi militaire allemande, tout allemand devait remplir ses obligations militaires, à quelque organisation qu’il appartînt. Les SA n’ont pas instruit de soldats. Moi-même, en 1940, j’ai commencé dans la Wehrmacht comme simple soldat et suis devenu officier en sortant du rang, bien que je fusse inspecteur dans les écoles de groupe des SA.

M. BÖHM

La Wehrmacht avait-elle la possibilité d’avoir une influence sur ces écoles de groupe ?

TÉMOIN BOCK

Non, la Wehrmacht n’avait aucune possibilité d’exercer aucune influence sur ces écoles et n’avait pas le droit de les inspecter.

M. BÖHM

Dites-moi, témoin, qu’entendez-vous par « Politisches Soldatentum » et « Wehrgeistige Erziehung » dans les SA ?

TÉMOIN BOCK

Par « Politisches Soldatentum » il faut entendre simplement l’attitude intérieure et extérieure de l’homme, unie à une conception politique très claire. Par « Wehrgeistige Erziehung », nous entendions une éducation en vue d’une attitude physique spirituelle et morale fondamentale, et rien d’autre.

M. BÖHM

Vous connaissez le décret du Führer en 1939 au sujet de l’éducation prémilitaire et post-militaire des SA. Cet ordre a-t-il été exécuté ou non ?

TÉMOIN BOCK

Cet ordre du 19 janvier n’est pas arrivé à exécution. Tous les préparatifs qu’il comprenait étaient loin d’être terminés lorsque, immédiatement après le début de la guerre, il fut — pour autant que je sache — suspendu par le Commandant en chef de l’Armée et ajourné jusqu’à la fin de la guerre. Le chef d’État-Major Lutze avait l’intention, lorsque le décret eut paru le 19 janvier, de commencer à titre d’essai à faire de l’instruction post-militaire à partir du 1er octobre, c’est-à-dire au moment du changement de groupe, mais il n’a pas pu y parvenir. Quand la guerre commença, on en resta aux essais et aux préparatifs.

M. BÖHM

Peut-on dire que le décret du Führer en date du 19 janvier 1939 puisse être interprété comme étant le développement logique du travail des SA avant 1939 ?

TÉMOIN BOCK

D’après ce que j’ai pu discerner, non. L’état de la formation des SA au moment du décret n’était pas tel que l’on pût parler d’une continuation analogue, car toute notre formation de 1934 à 1939 n’était qu’une éducation sportive générale de défense. Autrement, à mon avis, il n’y aurait pas été besoin de dispositions d’exécution à établir par accord entre les SA et les commandants en chef des trois armes de la Wehrmacht, en deuxième lieu, nous aurions pu commencer aussitôt après le 19 janvier, et troisièmement, la formation des chefs SA — pour autant que je sache — n’était, dans la proportion de 80%, pas assez avancée militairement pour pouvoir satisfaire aux exigences militaires, même les moindres. Et il aurait sans aucun doute fallu que ces chefs apprissent d’abord auprès de la troupe ce qu’on devait faire pour cette instruction ou cette instruction post-militaire.

M. BÖHM

Peut-on dire, dans le domaine de l’éducation prémilitaire ou post-militaire telle qu’elle était primitivement ordonnée, qu’il y ait jamais eu mise à exécution pratique ?

TÉMOIN BOCK

A mon avis, non. D’une part, cet ordre n’a jamais été donné auparavant, mais seulement le 19 janvier et, pratiquement, il n’a jamais été exécuté. En second lieu, il ne pouvait plus l’être puisque l’exécution devait partir du 1er octobre et qu’aucun homme ne pouvait plus revenir, puisque la guerre avait commencé pratiquement le 1er septembre. Tout ce qu’on a fait, ce furent les préparatifs techniques, financiers — les détails ne me sont pas connus — et peut-être des réflexions générales sur la manière dont cette mission pourrait s’exécuter.

M. BÖHM

Et l’ordre fut donné de suspendre cette activité concernant la préparation prémilitaire et post-militaire des membres des SA ?

TÉMOIN BOCK

Autant que je sache, cet ordre a été donné de la même manière par le Commandant en chef de l’Armée, et par la chancellerie du Parti, en disant d’ajourner ces mesures ; de plus, autant que je me souvienne, cette lettre de la chancellerie du Parti contenait encore ceci qu’étant donné les difficultés qui s’étaient produites d’une part avec les organisations de jeunesse, et d’autre part avec les formations du Parti, au sujet de l’exécution par les seules SA, tout le décret du 19 janvier devait être révisé, éventuellement même entièrement rapporté.

M. BÖHM

Les SA avaient-elles des possibilités financières pour se procurer des moyens d’instruction, en particulier dans les unités spéciales ?

TÉMOIN BOCK

Les SA avaient des ressources budgétaires très limitées. Par exemple, une compagnie touchait de 80 à 120 Mark ; un régiment de 800 à 1200 Mark environ ; un groupe SA, de 2500 à 3500 Mark environ. Je ne peux pas le dire exactement. Ces ressources étaient juste suffisantes pour couvrir les frais généraux et les frais des services administratifs. Nous avions à peine les ressources nécessaires pour des achats d’une certaine importance ou pour des dépôts de nos unités spéciales. Lorsque nous recevions de temps en temps quelques fonds, c’étaient des allocations modestes, parcimonieusement distribués par la Direction suprême des SA ; mais pour l’essentiel — je crois que je l’ai déjà mentionné — nos SA, en particulier dans les unités spéciales, faisaient eux-mêmes leur matériel dans la proportion de 90%, soit en bricolant soit avec ce qu’ils obtenaient d’amis, de gens de connaissance, ou encore des endroits où ils travaillaient professionnellement.

M. BÖHM

Témoin, on faisait aussi du tir dans les SA ? Voulez-vous dire avec quelles armes on tirait, combien d’armes de ce genre étaient à la disposition des compagnies ?

TÉMOIN BOCK

Dans les SA, on pratiquait le tir dans des stands de tir, avec des armes de petit calibre et en partie aussi avec des armes à air comprimé. Nous avions aussi, dans certaines assemblées de chefs, de petits exercices de tir au pistolet. C’était de l’entraînement sportif et une distraction entre camarades ; de temps en temps, des hommes et des unités de SA tiraient dans des stands privés appartenant aux sociétés de tir. Le nombre des fusils qu’ils avaient était très faible. Je me souviens...

LE PRÉSIDENT

Nous ne voulons pas entendre de détails sur ces fusils ; vous avez probablement déjà entendu devant la commission les détails sur le calibre des fusils.

M. BOHM

Monsieur le Président, ce témoin n’a été cité que pour deux questions : d’une part, l’instruction militaire des SA et, d’autre part, quelques questions concernant le journal Der SA-Mann. Je pense que je n’ai plus que très peu de questions à poser à ce témoin. (Au témoin.) Vous avez parlé d’écoles, écoles de groupe et autres. Ces écoles ont-elles continué pendant la guerre ?

TÉMOIN BOCK

Peu après, je dirai même aussitôt après le début de la guerre, la grande majorité de nos écoles SA ont disparu. Seules quelques-unes furent maintenues. Cela venait du fait que, au cours du temps, hommes et chefs des SA, en nombre croissant, avaient été mobilisés dans la Wehrmacht et que, d’autre part, les non mobilisés ou ceux qui restaient dans leur pays étaient à tel point pris par leur activité professionnelle qu’ils ne pouvaient plus accomplir complètement leur service, surtout le service dans ces écoles.

M. BÖHM

Je voudrais passer à un autre domaine, le dernier sur lequel je voulais vous interroger. Il s’agit de la publication Der SA-Mann. Peut-on la considérer ou la désigner comme un organe officiel de la Direction suprême des SA ?

TÉMOIN BOCK

Non, je ne l’ai pas considérée comme un organe officiel, car je savais que Der SA-Mann n’était pas publié sous la responsabilité de la Direction suprême des SA. C’était un journal comme tous les autres.

M. BÖHM

Quelle était la position de la direction des SA vis-à-vis de ce journal ?

TÉMOIN BOCK

La Direction supérieure des SA donnait à ce journal des communications officielles, par exemple les promotions ou d’autres informations. Pour le reste, le contenu était comme celui des autres journaux.

M. BÖHM

Avez-vous, comme chef de service à la direction des SA, exercé une influence sur la rédaction du journal ?

TÉMOIN BOCK

Non, je n’ai exercé aucune influence sur ce journal. Je sais simplement que mon supérieur, le chef de service principal, a essayé à diverses reprises d’obtenir dans cette revue une rubrique spéciale pour l’éducation, et qu’il n’a pu y réussir. Je ne sais pas exactement pour quels motifs, mais j’ai toujours supposé que c’était seulement des questions purement matérielles qui s’opposaient à cette réalisation.

M. BÖHM

Le journal Der SA Mann était-il utilisé pour la formation des hommes à l’intérieur des SA ?

TÉMOIN BOCK

Non, je ne l’ai pas vu ni constaté. Sans doute ce journal se trouvait en lecture dans les salles de jeux des écoles, où on le lisait comme les autres journaux, mais à ma connaissance Der SA-Mann n’était pas utilisé pour la formation des hommes.

M. BÖHM

Ce journal a donné des études sur les armements d’autres États, notamment dans une série d’articles ; ne pouvait-on pas supposer que ces articles n’étaient pas publiés seulement pour justifier les armements de l’Allemagne ?

TÉMOIN BOCK

Je ne crois pas que ce journal hebdomadaire fut suffisamment au courant ni assez répandu pour exercer une influence particulière sur les personnalités importantes ou sur une grande masse de gens.

M. BÖHM

Connaissez-vous à l’intérieur des SA une publication qui fût officielle ?

TÉMOIN BOCK

Oui, par exemple le Verordnungsblatt, la feuille officielle des ordonnances de la Direction suprême des SA, ou encore Der SA-Führer, qui était dirigé par une section déterminée de la Direction suprême des SA.

M. BÖHM

Voici une question absolument à part de l’ensemble des précédentes. Pouvez-vous me dire qui a surveillé le camp de concentration de Dachau depuis le début ?

TÉMOIN BOCK

Autant qu’il m’en souvienne, il était gardé par des SS. Moi-même, je n’ai jamais été dans ce camp et je n’en ai appris l’existence que plus tard.

M. BÖHM

Quels effets a eu la prise du pouvoir, le 30 janvier 1933, sur les vieux miliciens SA des temps héroïques, après les graves démêlés politiques qui avaient précédé ?

TÉMOIN BOCK

Au moment de la prise du pouvoir, j’étais officier adjoint dans un état-major de groupe. Et quand j’y repense, j’ai cru à cette époque qu’étant donné les tensions politiques et des démêlés des douze années précédentes il devait se produire à ce moment-là une explosion de fureur violente et de représailles. Mais je veux dire ici qu’ayant vécu moi-même ce moment-là, j’ai pu et dû voir que ce moment de la prise du pouvoir se passa, dans l’ensemble, d’une façon pondérée et dans le calme. Et même l’ancien milicien SA qui se rappelait l’époque de la lutte est resté dans l’ensemble calme et réfléchi.

M. BÖHM

Mais, d’après les déclarations que vous venez de faire, sous quel jour vous sont apparus les divers excès qui se sont produits ultérieurement, de 1933 à 1934 ?

TÉMOIN BOCK

Voici comment je vois et je juge, personnellement, les excès qui se sont produits. Malgré la discipline et l’ordre constamment prescrits, ces excès n’ont pu être commis que par quelques individus ou de petits groupes qui ne comprenaient pas le sens de notre révolution socialiste, non étendue, et ses limites, ou bien qui, ayant été jetés hors de leur voie, ne retrouvaient plus le chemin de l’ordre.

M. BÖHM

Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres questions à poser à ce témoin.

LE PRÉSIDENT

Le Ministère Publie désire-t-il contre-interroger le témoin ?

COMMANDANT J. HARCOURT BARRINGTON (substitut du Procureur Général britannique)

Témoin, vous avez dit au Tribunal que les SA n’avaient été éduqués que dans le « Politisches Soldatentum ». Ce mot ne signifie-t-il pas que le milieu SA avait dans l’État des privilèges spéciaux que n’avait pas le simple citoyen allemand ?

TÉMOIN BOCK

Je ne sais pas quels privilèges les SA sont sensées avoir eus.

COMMANDANT BARRINGTON

L’homme SA ne faisait-il pas partie de l’élite nationale-socialiste ?

TÉMOIN BOCK

II était le soldat politique dans le mouvement national-socialiste, et pas autre chose.

M. BÖHM

Excusez-moi, Monsieur le Président, notre appareil de transmission ne fonctionne pas. Nous ne comprenons aucune des questions. Le témoin ne comprend aucune question, il ne comprend que partiellement parce qu’il sait un peu l’anglais.

COMMANDANT BARRINGTON

Le Dr BÖHM ne pourrait-il pas venir s’asseoir ici ? La transmission allemande paraît ici fonctionner.

LE PRÉSIDENT

Oui, naturellement, si ses écouteurs ne fonctionnent pas bien, il peut bien en prendre d’autres.

COMMANDANT BARRINGTON

Témoin, l’homme SA était-il soumis dans sa conduite extérieure aux mêmes limitations que tout autre citoyen allemand ?

TÉMOIN BOCK

Oui, dans une mesure encore plus grande. Le simple SA faisait son service volontairement. Il était spécialement soumis aux lois pour n’importe quelle infraction. Moi-même, comme chef du service social, je me suis occupé pendant des années de trouver du travail peu à peu pour des milliers de SA, et puis de les aider, et dans une vaste organisation sociale, il m’a fallu, pendant des années, et même jusque dans les derniers temps, m’occuper de beaucoup d’hommes des SA qui étaient pauvres et nécessiteux.

COMMANDANT BARRINGTON

Je vous demande — peut-être la traduction ne vous est-elle pas parvenue exactement — si les SA dans leur conduite étaient soumis aux mêmes limitations que les citoyens allemands ordinaires.

TÉMOIN BOCK

Monsieur le représentant de l’Accusation, je vous prie de me dire de quelles restrictions vous voulez parler. Je ne connais aucune restriction essentielle.

COMMANDANT BARRINGTON

Votre réponse est-elle non ? N’y avait-il pas de restrictions ? Ou bien votre réponse est-elle « oui » ?

TÉMOIN BOCK

J’ai posé une question, Monsieur le représentant de l’Accusation J’ai demandé à quelles restrictions l’homme SA est supposé n’avoir pas été soumis comme les autres ?

COMMANDANT BARRINGTON

L’homme SA était-il aussi libre dans sa conduite, ou était-il plus libre que le citoyen allemand ordinaire ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, regardez un instant le règlement général de service dont vous parliez tout à l’heure. Monsieur le Président, c’est à la page 30-A du livre de documents B ; c’est le document PS-2800 (USA-427). Regardez d’abord l’article premier. Je crois que c’est à la page 9. Avez-vous trouvé ?

TÉMOIN BOCK

Oui.

COMMANDANT BARRINGTON

« L’homme est le soldat politique d’Adolf Hitler », et quelques lignes plus bas : « II jouit par conséquent d’un prestige spécial et il a des droits bien définis dans l’État ». Contestez-vous que ces paroles signifient ce qu’elles disent ? L’homme SA n’était-il pas en situation privilégiée ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Le milieu SA n’avait-il pas une situation privilégiée ?

TÉMOIN BOCK

Je ne puis dire que ceci ; pour autant que j’ai été simple SA et que j’ai connu des hommes SA, le milicien SA n’avait pas une situation privilégiée. Du reste, il s’agit ici du règlement de service SA de 1933 qui, à ma connaissance, a été, pour l’essentiel, mis hors d’application en 1934, et moi personnellement...

COMMANDANT BARRINGTON

II ne m’intéresse pas de savoir quand ce règlement a été abrogé. Il a été publié le 12 décembre 1933, n’est-ce pas, c’est-à-dire après l’arrivée des nazis au pouvoir ?

TÉMOIN BOCK

.....

COMMANDE BARRINGTON

C’est marqué au haut de la page. Dites-moi, quels étaient ces droits bien déterminés dont le milicien SA jouissait en vertu de l’article premier ? De quelles sortes de droits s’agissait-il dans l’État ? Chaque milicien SA a lu ce livre ?

TÉMOIN BOCK

Quand l’homme SA faisait du service d’État ou du service d’urgence de police, il avait naturellement les droits adéquats dans le cadre du service en question.

COMMANDANT BARRINGTON

Je suppose que vous ne pouvez pas me dire quels étaient ces droits déterminés. Regardez l’article 10, page 13. Avez-vous trouvé ?

TÉMOIN BOCK

10 ? Oui.

COMMANDANT BARRINGTON

« La position élevée du SA ne doit pas être dégradée par un traitement blessant, discriminatoire ou injuste ». En quoi le milicien SA était-il plus haut que d’autres citoyens allemands ?

TÉMOIN BOCK

A mon avis, il avait seulement des obligations spéciales.

COMMANDANT BARRINGTON

Alors, que signifie le texte quand il dit « la position élevée », et qu’il ne devait pas être traité d’une manière blessante ? Il pouvait donc traiter de façon blessante d’autres citoyens allemands, n’est-ce pas ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Le milicien SA était-il au-dessus de l’Armée, oui ou non ?

TÉMOIN BOCK

J’ai déjà dit que, de mon expérience personnelle, je n’ai jamais eu ou accordé un droit spécial ; et je ne peux pas imaginer que le milicien SA aurait pu revendiquer pour lui-même un droit spécial.

COMMANDANT BARRINGTON

C’est donc cela votre réponse. Regardez maintenant l’article 18, page 17 : « Le SA peut faire usage d’armes qui lui sont confiées, uniquement pour l’accomplissement de son service ou pour sa défense personnelle légitime ». Je voudrais que vous me disiez quelle sorte de service rendait nécessaire pour le milicien SA l’emploi d’armes, à part sa propre défense ?

TÉMOIN BOCK

J’ai déjà dit que le simple SA pouvait être employé dans un service spécial. Du reste, en ce qui concerne ce règlement de service en général, je voudrais dire que selon une conviction, il a été créé sous Röhm qui, à cette époque...

COMMANDANT BARRINGTON

Je ne veux pas approfondir la question. Röhm. était chef d’État-Major des SA, et ce qu’il ordonnait était sans doute une loi pour les SA. Il déclare que le milicien SA n’était autorisé à se servir de ses armes que pour l’accomplissement de son service ou pour la légitime défense ; je vous demande encore une fois quel était, en dehors de la légitime défense, le cas où le service du milicien SA pouvait rendre nécessaire l’emploi d’armes ? Si vous ne pouvez pas répondre à cette question, dites-le.

TÉMOIN BOCK

Je ne peux dire que ceci, que j’ai répondu aujourd’hui à une question de Monsieur l’avocat, à savoir : que les SA n’étaient armés et mis en action que dans des fonctions d’État.

COMMANDANT BARRINGTON

Cela veut-il dire que le but pour lequel on pouvait faire usage d’une arme pouvait être du domaine militaire ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Cela signifie-t-il qu’ils pouvaient en faire usage à des fins militaires quand ils y étaient invités ?

TÉMOIN BOCK

J’ai dit « dans le service spécial d’État », notamment en service auxiliaire de police ou service de police, quand les SA étaient mis de service ou qu’on les faisait venir.

COMMANDANT BARRINGTON

Vous dites donc que vous ne voulez pas affirmer qu’ils se servaient de leurs armes dans l’Armée, mais vous prétendez qu’ils en faisaient usage en service auxiliaire de police ?

TÉMOIN BOCK

Pour le service auxiliaire ou spécial de la Police.

COMMANDANT BARRINGTON

Cela veut-il dire que cette disposition du règlement général de service pour les SA s’appliquait quand ils faisaient du service auxiliaire de police ? Ou bien appliquait-on en ce cas le règlement de service de la Police ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

De qui les miliciens SA recevaient-ils leurs ordres quand ils faisaient du service auxiliaire de police ? Les recevaient-ils des SA ou de la Police ? Je voudrais savoir cela de vous.

TÉMOIN BOCK

Monsieur le Procureur, j’ai dit seulement ce que j’ai vu moi-même. Je ne sais pas en détail ce qui a été établi d’après les règlements de service. Je n’en ai pas eu connaissance et d’après ce dont j’ai été témoin, le milicien SA recevait ces armes ou on l’armait quand il faisait un service d’État ou de police.

COMMANDANT BARRINGTON

Pouvez-vous me dire si, en dehors du service de police et de la légitime défense, il y avait des cas où il était autorisé à faire usage de ses armes. Un pareil cas existe-t-il ?

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Témoin, je vous faire remarquer que si l’article 18 parle d’emploi des armes, cela veut dire que l’usage d’armes était autorisé pour l’accomplissement des missions des SA. Est-ce exact ?

TÉMOIN BOCK

Je ne peux que souligner encore qu’à mon avis, et comme je l’ai vu...

LE PRÉSIDENT

Témoin, vous pouvez répondre à la question ; c’est exact ou c’est inexact ? Vous devez le savoir, puisque vous avez tout le temps fait partie des SA.

TÉMOIN BOCK

Si un SA portait des armes sans obligation d’un service d’État exceptionnel, faisait quoi que ce fût et se servait de son arme, il était punissable. D’ailleurs, le SA n’était mis en service que pour le service exceptionnel.

COMMANDANT BARRINGTON

Je vous fais remarquer que le milicien SA devenait passible de punition s’il faisait usage de ses armes à une fin que les SA n’approuvaient pas. Mais je prétends maintenant qu’il était incité, qu’il recevait même l’ordre de faire usage de ses armes dans des actions que les SA approuvaient.

TÉMOIN BOCK

...

COMMANDANT BARRINGTON

Si vous ne pouvez pas répondre, je continue. Regardez maintenant autre chose dans ce petit livre, à la page 33, n° 6 du règlement disciplinaire. Avez-vous trouvé la page 33 ?

TÉMOIN BOCK

Oui.

COMMANDANT BARRINGTON

Voyez la dernière phrase du premier paragraphe concernant les punitions : « Le droit est ce qui est utile au mouvement ; et le tort est ce qui lui nuit ». Avez-vous trouvé ?

TÉMOIN BOCK

Non.

COMMANDANT BARRINGTON

« Le droit c’est ce qui est utile au mouvement ; et le tort est ce qui lui nuit. »

TÉMOIN BOCK

Oui, j’ai trouvé.

COMMANDANT BARRINGTON

Or, je prétends, témoin, que ce qui était utile au mouvement, par exemple les opérations exécutées par les SA, c’était précisément là où les SA devaient faire usage des armes. Est-ce exact ou non ? Vous pouvez répondre par oui ou par non.

TÉMOIN BOCK

Les chefs SA étaient en service sous l’autorité de leurs chefs et ils devaient savoir à quelles fins ils étaient autorisés à engager leurs hommes.

COMMANDANT BARRINGTON

Je ne crois pas que cela réponde à ma question. Regardez encore une fois cette phrase :

« Le droit, c’est ce qui est utile au mouvement ; le tort, c’est ce qui lui nuit. » Cela ne montre-t-il pas clairement que le parti nazi considérait les SA comme un groupe privilégié qui avait le droit de commettre des crimes, pourvu qu’ils fussent utiles au mouvement ?

TÉMOIN BOCK

Le milicien SA était commandé, et il ne pouvait pas, puisqu’il avait un règlement de service, agir à sa guise comme individu.

COMMANDANT BARRINGTON

Monsieur le Président, je n’ai plus qu’un document, et je voudrais à ce sujet poser deux ou trois questions.

LE PRÉSIDENT

Bien.

COMMANDANT BARRINGTON

Ce document est le premier du livre C. Il a le n° D-918. Excusez-moi, Monsieur le Président, c’est le livre 16-B. Le document est D-918, qui devient GB-594. Témoin, nous n’allons pas entrer dans le détail de ce document. Vous pouvez voir de quoi il s’agit ici : ce sont les directives pour l’instruction données par Lutze pour 1939. Vous voyez à la page 2 la date où elles furent émises ; c’était le 4 novembre 1938, c’est-à-dire avant l’ordre de Hitler relatif à l’instruction prémilitaire et post-militaire. Je voudrais, à ce sujet, attirer votre attention seulement sur un point. Vous venez d’affirmer que l’instruction des SA servait surtout des buts sportifs. Est-ce exact ?

TÉMOIN BOCK

J’ai dit que l’instruction des SA consistait dans les exercices physiques pour les performances en vue de l’insigne sportif SA, et cela dans le sens d’une éducation de l’esprit, de la volonté et du corps.

COMMANDANT BARRINGTON

Mais n’avez-vous pas dit qu’on mettait l’accent principalement sur le sport et non sur les buts militaires ? Dites si vous ne l’avez pas dit.

TÉMOIN BOCK

Je ne peux plus me rappeler les détails des déclarations que j’ai précédemment faites, mais je peux seulement affirmer une chose : c’est que les SA pratiquaient l’entraînement au sport de défense, dans le sens d’une éducation du corps, de la volonté et de l’esprit, ainsi qu’il est marqué aussi dans ce livre.

COMMANDANT BARRINGTON

Vous ne contestez donc pas que derrière cet entraînement il y avait des intentions militaires ?

TÉMOIN BOCK

Nous n’avions aucune mission d’éducation militaire, qu’elle qu’elle fût, et n’en avons point fait. Il s’agit ici d’une éducation morale, j’y insiste sans cesse, dans le sens de la formation de l’esprit, de la volonté et du corps, et rien d’autre. Je voudrais seulement vous demander de parcourir certains passages.

COMMANDANT BARRINGTON

Regardez à la page 7 de ces mêmes directives de Lutze pour 1939. Vous pouvez voir que la page 7 traite de la première période d’instruction, de novembre 1938 au début de février 1939, et au bas de la page, vous pouvez voir énuméré ce à quoi on attache une particulière importance, l’exercice, le tir, le service sur le terrain, et tout à la fin, le sport. Voyez-vous cela ?

TÉMOIN BOCK

Oui.

COMMANDANT BARRINGTON

Maintenant, ouvrez à la page 9 ; vous y trouvez des directives analogues pour la deuxième période d’instruction allant du début de février 1939 jusqu’à fin avril 1939. A peu près au milieu de la page, vous pouvez trouver souligné : exercice, tir, service sur le terrain, et tout à la fin, sport. Voyez-vous cela ?

TÉMOIN BOCK

Je ne sais pas, Monsieur le Procureur, ce que cela veut dire. J’ai trouvé maintenant.

COMMANDANT BARRINGTON

Ouvrez maintenant à la page 10, ou vous trouverez la même chose pour la troisième et dernière période de l’instruction du début de mai 1939 jusqu’à fin juin 1939. Page 10, vous trouvez la même chose ; exercice, tir, service sur le terrain, et tout à la fin, sport. N’est-il pas parfaitement clair que le sport n’était qu’un prétexte et un simple moyen en vue d’une fin ?

Monsieur le Président, je n’ai pas l’intention de poser d’autres questions à ce témoin, car les questions d’ordre général seront examinées dans le contre-interrogatoire avec le témoin Jüttner.

le PRÉSIDENT

Bien, nous allons suspendre l’audience.

(L’audience sera reprise le 13 août 1946 à 10 heures.)