DEUX CENT DEUXIÈME JOURNÉE.
Mardi 13 août 1946.
Audience de l’après-midi.
(Le témoin SCHÄFER est à la barre .)Le témoin peut se retirer. Je vous en prie Docteur Böhm.
Je voudrais maintenant interroger le témoin Gruss. C’est le témoin qui peut donner des renseignements sur l’ensemble de la question des personnes venues du Stahlhelm (Casques d’acier) adhérer aux SA. (Le témoin Gruss se présente à la barre.)
Donnez-nous votre nom en entier, je vous prie ?
Theodor Gruss.
Répétez ce serment après moi : « Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la pure vérité et que je ne cèlerai ni ajouterai rien ». (Le témoin répète le serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Témoin, quel est votre âge ?
64 ans.
Étiez-vous membre du Parti ?
Non.
Ou d’une de ses organisations ?
Non.
Avez-vous été soldat ?
Oui, lors de la première guerre.
Quel était votre grade ?
J’étais Gefreiter (soldat de 1" classe).
Quel était votre grade dans les « Casques d’acier » ?
J’étais Gefreiter.
De quelle date avez-vous été dans le « Stahlhelm » ?
De 1919 jusqu’à la dissolution, en 1935.
Quelle était votre tâche, après la dissolution du Stahlhelm, en novembre 1935 ?
Je devais procéder à la liquidation du « Stahlhelm ».
Et pendant combien de temps avez-vous été liquidateur ?
Jusqu’en 1939.
Comment se faisait le transfert du Stahlhelm dans le SA ?
Fin avril 1933, le premier Bundesführer, le ministre du Reich Franz Seldte, a démis de ses fonctions le second Bundesführer Suendefeldt, en violation du statut du Bund et assumé un commandement dictatorial du Stahlhelm. Le lendemain, dans un discours radiodiffusé, il a expliqué son adhésion au Parti et soumis aux ordres de Hitler le Stahlhelm. En juin 1933, Hitler, en accord avec Seldte, a promulgué une ordonnance d’après laquelle : 1° La jeunesse du Stahlhelm appelée « Scharnhorst-Bund » devait être intégrée dans la Jeunesse hitlérienne ; 2° Les jeunes du Stahlhelm et les unités sportives étaient soumis à la Direction supérieure des SA ; 3° Le reste du Stahlhelm restait sous la direction de Seldte.
Quelques semaines plus tard, en juillet 1933, un nouvel ordre de Hitler survint. Il ordonna que, maintenant, le Stahlhelm tout entier soit placé sous les ordres de la Direction supérieure des SA et que les jeunes du Stahlhelm et les unités sportives soient réorganisés en vue de leur incorporation dans les SA.
Mi-juillet 1933, la direction du Stahlhelm entreprit la réorganisation du Bund et constitua :
1° Le Wehrstahlhelm, qui se composait des jeunes du Stahlhelm, jusqu’à l’âge de 35 ans ;
2° Le Kernstahlhelm (le noyau du Stahlhelm), qui se composait de tous les membres, à partir de la 36e année. Par la suite, le Wehrstahlhelm fut incorporé dans les SA, dans des formations distinctes, avec ses propres chefs, avec l’uniforme feldgrau et avec les drapeaux du Stahlhelm. Cette incorporation fut terminée vers la fin octobre 1933.
Au début de novembre, un nouvel ordre de Hitler survint à la suite duquel les réserves SA n° 1 et 2 devaient être organisées. Les réserves SA n° 1 devaient être formées par les unités du Stahlhelm par les hommes de 36 à 45 ans. Les réserves SA n0 2 devaient être formées par les classes plus anciennes, c’est-à-dire au-delà de 46 ans. Mais elles n’ont jamais eu un rôle effectif et ce n’est que sur le papier qu’elles existaient. Par contre, furent constituées les unités du Stahlhelm qui formèrent les réserves SA n° 1 qui furent transférées aux SA à nouveau, avec leurs propres chefs et en unités distinctes, ainsi qu’avec leurs uniformes de Stahlhelm. Cette opération était terminée environ fin janvier 1934. Je crois que ce fut le 24 janvier, lorsque le chef d’État-Major Röhm annonça à Hitler que l’ensemble du Stahlhelm avait été incorporé dans les SA. De même qu’auparavant, le WehrStahlhelm fut placé sous les ordres des groupes de SA ; la réserve SA n° 1 fut alors sous les ordres des groupes SA, ce qui signifiait dans les deux cas...
Docteur Böhm, est-ce que tout ceci n’a pas été établi en détails dans les témoignages qui ont été faits devant la commission ?
Non, Monsieur le Président, l’interrogatoire de ce témoin devant la commission n’a pas été mené de la même façon que les autres interrogatoires. Le témoin n’a été entendu devant la commission que très brièvement à cette époque, parce que son état de santé était très mauvais, et il ne reste que la ressource d’examiner le témoin plus en détail devant le Tribunal.
Mais le seul sujet qu’il traite est l’incorporation du Stahlhelm dans les SA en 1933. N’est-ce pas, c’est le seul témoignage qu’il donne, et je suis sur que ceci a été traité en détail devant la commission.
Oui, Monsieur le Président.
Y a-t-il d’autres choses que vous voulez tirer de lui ?
Oui.
Et bien, qu’est-ce que c’est ? Car en ce moment vous ne semblez pas vous préoccuper de cette question. Vous parlez de la façon dont s’est faite la fusion avec les SA.
Monsieur le Président, les hommes du Stahlhelm attachent une grosse importance à ce que l’on explique au Tribunal comment ils ont été transférés dans les SA et comment cela s’est fait par ordre, et, comme ils l’affirment, comment ils ne sont en aucune façon allés volontairement dans les SA, que...
Je comprends cela, mais vous ne me dites pas que ceci n’a pas été déclaré devant la commission, qu’ils ont été englobés par contrainte par les SA.
Oui, mais je désirerais que les détails exacts soient exposés ici au Tribunal.
Nous avons un résumé de ces preuves devant nous, et il semble que le témoignage qu’il fait actuellement est le même que celui qu’il a déjà fait.
En grande partie, c’était la même chose Monsieur le Président, mais avec cette dernière phrase il en avait terminé de sa déclaration à ce sujet et j’aurais de toute façon abordé la question suivante. (Au témoin.) Est-ce que les unités de la réserve SA n° 1 ont continué d’exister jusqu’à l’écrasement de 1945 ?
Non, pas toutes. Une grande partie de ces unités, au cours des années, notamment au début de la guerre, fut transférée dans les SA actives. Là, ou bien elles furent incorporées dans les unités du front des SA, ou bien elles furent adjointes aux SA du front, comme groupes de réserve. Les autres unités de réserve SA n° 1 continuèrent d’exister comme avant.
Pourquoi cette fusion de réserve SA eut-elle lieu avec les SA à proprement parler ?
Notamment lors de la déclaration de la guerre, il y avait des vides dans les SA qui furent comblés par l’incorporation des réserves SA n° 1. Toutefois, on désirait avant tout par ce transfert, placer sous la surveillance sévère des SA le Stahlhelm qui était toujours considéré comme faisant partie de l’opposition.
Pourquoi n’avez-vous pas été incorporé vous-même, dans les SA ?
A cette époque j’étais déjà trop vieux, et, en outre, j’étais haut dignitaire franc-maçon.
En dehors des ordres donnés et au-delà de ces ordres, a-t-on exercé une pression en vue de l’incorporation du Stahlhelm dans les SA ?
Oui, sur une large échelle. D’abord il n’y eut pas de transfert volontaire.
Ce transfert se fit sur ordre. Exemple : dans le cas du WehrStahlhelm — et c’est ainsi qu’on procéda dans la plupart des cas — les membres du WehrStahlhelm furent rassemblés pour l’appel : on leur communiqua qu’ils étaient transférés et, alors, un chef SA présent prit le WehrStahlhelm sous ses ordres. On ne demanda à personne s’il acceptait ce transfert. Immédiatement après cette intégration, il devint évident que la majorité des membres du Stahlhelm répugnaient et résistaient à cette intégration. Les hommes du Stahlhelm qui ne désiraient pas rejoindre les SA furent, dans de nombreux cas, menacés d’être arrêtés. Dans certains cas, des détentions de dix jours et plus furent prononcées pour cette raison. Plus tard, on a dit aux hommes du Stahlhelm que, s’ils ne rejoignaient pas des SA, ils étaient considérés comme n’ayant pas obéi à un ordre de Hitler, et que cela équivalait à se ranger parmi les ennemis de l’État, ce qui avait toujours de graves conséquences. Celui qui était accusé d’être un ennemi de l’État était signalé à la Police comme politiquement peu sur et surveillé spécialement par la Police. Il pouvait lui arriver que, à n’importe quelle occasion, sans aucune raison, il fut arrêté et mis en prison ou en camp de concentration. Le fait d’être considéré comme « ennemi de l’État » avait également les graves conséquences que les moyens d’existence étaient soit gravement compromis, soit enlevés. Les fonctionnaires de l’État qui, en tant que membres du Stahlhelm, ne désiraient pas être membres des SA, étaient proclamés ennemis de l’État et démis de leurs fonctions, souvent même avec la perte de leur pension. Il en était sensiblement de même pour les employés de l’industrie et du commerce privés. Ils perdaient toujours leur place parce que les chefs d’une entreprise ne voulaient pas employer des hommes qui étaient ennemis de l’État. Nous, à la direction du Bund, dans des centaines de cas, nous avons essayé d’aider ces hommes du Stahlhelm qui nous demandaient aide, en portant ces cas devant les tribunaux du travail. Mais, dans la plupart des cas, nous ne pouvions réussir à ce que ces hommes réintègrent leur emploi. Dans la plupart des cas, les tribunaux leur accordaient une compensation. Les brimades qu’un homme du Stahlhelm devait endurer s’il ne désirait pas appartenir aux SA ont été, dans quelques cas, telles, que je me souviens avec certitude de quelques suicides d’hommes du Stahlhelm qui ne pouvaient les supporter.
Est-ce que vos observations s’étendent à toute l’Allemagne ?
Oui.
Est-il exact que, lors de l’incorporation, on eut recours à des manœuvres de tromperie ?
A mon avis, ces manœuvres eurent lieu. Par exemple, j’ai déjà dit tout à l’heure que le WehrStahlhelm aussi bien que les SA réserve n° 1 avaient reçu l’autorisation d’être incorporés comme unités distinctes avec leurs propres chefs et l’uniforme feldgrau. Peu de temps après, toutefois, ces promesses n’étaient plus tenues et aussi bien le WehrStahlhelm que les SA réserve n° 1 devaient porter l’uniforme brun des SA. Ils n’étaient donc plus reconnaissables comme anciens hommes du Stahlhelm ; dans les SA, il y eut un détail qui causa un certain mécontentement. On avait promis aux hommes du Stahlhelm qu’après leur transfert ils pouvaient rester membres du Stahlhelm, c’est-à-dire être membres de deux organisations. Ils étaient autorisés à participer aux activités diverses du Stahlhelm si leur service dans les SA n’en souffrait pas. Mais cette promesse fut bientôt retirée et ceci causa de grandes difficultés aux hommes du Stahlhelm qui désiraient rester fidèles à leur Bund et fut la cause de maintes arrestations et punitions de toutes sortes.
Au moment où Seldte remit le Stahlhelm à Hitler, représentait-il la volonté du Bund du Stahlhelm ?
Non. La forte majorité des membres du Stahlhelm n’était pas d’accord sur les mesures de Seldte. Il y eut au sein du Stahlhelm de vives querelles à ce sujet, et, si le Stahlhelm ne s’est pas dissous à cette époque, c’est uniquement parce que les hommes du Stahlhelm se disaient : « Nous n’avons pas prêté serment à la personne de Seldte ; nous avons juré fidélité au Stahlhelm et aux soldats du front ».
Quels furent les grades que les hommes du Stahlhelm eurent dans les SA ? Quelle était leur signification ?
Là encore, on pourrait parler d’une manœuvre de déception, car on avait expressément promis aux chefs du Stahlhelm qu’ils serviraient dans les SA avec le même grade. Mais cette promesse ne fut pas tenue non plus. Les chefs du Stahlhelm perdirent un ou deux grades. Peu de temps après, ils perdirent même leur commandement et furent mis en disponibilité. Très peu d’entre eux restèrent à des postes de commandement ; la plupart n’avaient réellement plus rien à faire dans les SA, mais ne pouvaient pas non plus quitter les SA.
D’après mes observations, les chefs du Stahlhelm n’ont pas dépassé le grade de Standartenführer, à quelques rares exceptions près d’hommes qui, par leur activité nationale-socialiste, se firent remarquer. En ce qui est des grades, le corps national-socialiste Reiter, qui comprenait un certain nombre de membres du Stahlhelm, jouissait d’une situation spéciale. Mais en ce qui concerne les chefs, ce corps fut plus ou moins laissé seul. Dans ce corps, les hommes du Stahlhelm ont pu garder leur commandement jusqu’au grade de Standartenführer inclus, quoiqu’il y eut parmi eux beaucoup d’hommes appartenant à l’opposition.
Est-ce que l’attitude des hommes du Stahlhelm incorporés dans les SA différait de celle des vrais SA ?
Oui. Par sa nature même, le Stahlhelm était une chose toute différente des SA. Si quelqu’un devenait membre du Stahlhelm, il le faisait volontairement et par sa décision personnelle ; on ne prenait pas tout le monde, dans le Stahlhelm. Chaque admission ne se faisait qu’après enquête sérieuse. Le Stahlhelm avait alors une constitution du Bund qui donnait à ses membres le droit d’élire sur des bases rigoureusement démocratiques les chefs qu’ils désiraient, ou de destituer ceux qu’ils ne désiraient plus.
Les deux chefs du Stahlhelm également devaient affronter la réunion des membres qui décidaient de leur réélection. Mais le but principal du Stahlhelm était le maintien de la tradition de camaraderie du front née sur les champs de bataille, cette camaraderie qui exige, en face du besoin et de la mort : « Je dois mettre à la disposition de mon camarade tout ce qui est mien et l’aider toujours ». C’était, comme nous l’appelions, le socialisme du front. On ne faisait aucune distinction entre pauvres et riches, entre rang et classe. Nous, hommes du Stahlhelm, nous étions tous égaux. J’y ajoute encore que les hommes qui venaient dans le Stahlhelm provenaient généralement des classes moyennes modérées ou, pourrais-je dire, des classes conservatrices de la population. Ces gens n’étaient pas pour les extrêmes et le radicalisme ; ils étaient partisans d’un développement paisible, modéré et tranquille et, l’un dans l’autre, on pouvait dire que le Stahlhelm était sensiblement constitué d’une classe spéciale d’où devaient en résulter des frictions avec les SA.
Est-ce que les hommes du Stahlhelm ont amené dans les SA ides idées militaires ?
Oui, mais uniquement dans la mesure où, dans le Stahlhelm, on parlait de la première guerre mondiale à laquelle nous avions presque tous participé. Mais nous n’étions pas une organisation militaire, comme on l’a souvent dit en parlant du Stahlhelm, parce qu’il avait un commandement militaire, mais il était complètement impossible de diriger d’une façon ordonnée 1.500.000 membres sans de tels commandements qui étaient devenus, pour les vieux soldats qu’étaient les hommes du Stahlhelm, une véritable habitude. Mais, à part cela, nous n’avions jamais escompté qu’il y ait une nouvelle guerre. Nous en avions assez de la première guerre mondiale, et nous croyions de notre devoir de propager parmi la population l’idée que l’on pourrait résoudre les problèmes les plus difficiles sans avoir recours à la guerre et aux effusions de sang. Mais ce n’est pas seulement en Allemagne que nous avons représenté cette opinion ; nous avons également établi des contacts avec les organisations étrangères d’anciens combattants, car nous croyions que ces vétérans nous comprendraient mieux lorsque nous disions qu’il ne devait plus jamais y avoir d’autre guerre.
Est-ce que l’idée de camaraderie militaire servit à la préparation d’une guerre d’agression ?
Non. Le Stahlhelm, et cela découle de ce que je viens déjà de dire, n’a pas songé à une guerre d’agression et l’idée de camaraderie militaire n’avait que le but de répandre les vertus de la camaraderie militaire nées sur les champs de bataille dans de vastes milieux, de manière qu’elles puissent pacifiquement aboutir à une meilleure compréhension entre nations.
Quelles étaient les opinions dans le Stahlhelm à l’égard des partis politiques en Allemagne ?
Le Stahlhelm était contre toutes les tendances politiques radicales. Il n’admettait pas le principe d’extermination et de destruction. Il a toujours et toujours essayé d’unir ces tendances extrêmes avec une tendance plus modérée en se basant sur les éclaircissements, la persuasion et la propagande. Une preuve que les adversaires politiques du Stahlhelm ont finalement compris, est qu’au printemps 1933 les membres persécutés du SPD (parti socialiste allemand) et du KPD (parti communiste allemand) cherchèrent protection et aide dans le Stahlhelm. Nous les accueillîmes et le Stahlhelm rencontra les pires difficultés avec le Parti. Le Parti ne pouvait admettre que les hommes qu’il persécutait soient protégés par le Stahlhelm. On peut en voir un fait typique dans les événements du printemps 1933, à Brunswick, où un Ortsgruppe (groupe local) du Stahlhelm tint une réunion. Les SA ont cerné le lieu de la réunion et arrêté tous les membres ; à la suite de l’enquête, il fut établi que sur 1.500 participants, plus de 1.000 étaient d’anciens membres du SPD ou du KPD. Nous les avions recueillis lorsqu’ils nous avaient prouvé qu’ils étaient des hommes intègres et que la majorité d’entre eux avaient été au front avec nous.
Est-ce que les hommes du Stahlhelm étaient ennemis des syndicats ?
Non. Les hommes du Stahlhelm n’étaient, là encore, que contre les excès ; le Stahlhelm lui-même avait un syndicat, « l’aide mutuelle du Stahlhelm », dans lequel se trouvaient la plupart des ouvriers membres du Stahlhelm. Je dois faire remarquer que 25 à 30 % des membres du Stahlhelm étaient des ouvriers ; ce syndicat fut dissous en été 1933.
Est-ce que les hommes du Stahlhelm firent une propagande antisémite ?
Dans le Stahlhelm, il y avait beaucoup d’opinions ; chacun pouvait penser ce qu’il voulait, mais je n’ai jamais entendu parler d’ordres donnés par les chefs du Bund contre les Juifs et aucun ordre de cette nature n’a été donné. De plus, c’était complètement impossible, car par exemple le second chef du Bund, Düsterberg, qui était le plus populaire et le plus aimé des chefs, nous savions tous qu’il était d’origine juive. Dans le service central du Bund à Berlin, il y avait parmi mes collaborateurs les plus proches un homme du Stahlhelm qui était marié à une juive. Nous ne nous sommes nullement occupés de cela. Dans le Stahlhelm, nous avions un certain nombre de Juifs, parce que nous n’avions pas adopté la théorie national-socialiste du Parti et y étions opposés. En plus de Düsterberg, nous avions d’autres chefs du Stahlhelm qui étaient Juifs. Dans le Stahlhelm, nous avions beaucoup de Juifs, de demi-Juifs et de francs-maçons, de sorte qu’il ne pouvait y avoir de tendance antisémite dans le Stahlhelm, à l’exception de quelques milieux qui n’étaient pas les plus importants.
Quels furent les effets de cette éducation du Stahlhelm, lors de son transfert dans les SA ?
Sans aucun doute, c’est cette éducation du Stahlhelm, de la majorité de ses membres, qui a suscité la résistance à l’incorporation.
Il y avait notamment trois points que le membre du Stahlhelm ne pouvait jamais comprendre et qui le séparèrent toujours des SA, c’était d’abord le principe autocrate du Führer ; dans le Stahlhelm, il n’y avait que des chefs élus, ce qui n’existait pas dans les SA. Ensuite, le radicalisme, qu’observaient souvent les SA, ne pouvait trouver notre accord, et, finalement, on ne pouvait être d’accord avec l’idée totalitaire.
Et bien, je voudrais vous demander maintenant pourquoi les hommes du Stahlhelm n’ont pas quitté les SA.
Si seulement cela avait été possible, vous pouvez me croire, ils les auraient quittées en masse, les SA, mais la démission des SA était presque impossible. Dans les SA il n’y avait que deux possibilités pour se libérer : la première était la démission honorable et l’autre était l’exclusion. La démission honorable était accordée lorsqu’on prouvait, sans aucun doute, par exemple qu’on était très gravement malade. Cette possibilité de quitter les SA ne pouvait profiter qu’à un tout petit nombre des anciens membres du Stahlhelm ; il n’y avait pour beaucoup d’entre eux que l’exclusion de possible et cela pour la raison suivante que les SA avaient reconnu de par l’opposition des Stahlhelm qu’il s’agissait là d’éléments ennemis. C’est pour cela que, souvent, l’exclusion fut prononcée lorsqu’on désirait faire grand tort à un homme appartenant anciennement au Stahlhelm. A l’exemple cité tout à l’heure des « ennemis de l’État », je voudrais ajouter que l’exclusion des SA figurait sur les papiers du membre du Stahlhelm, lorsqu’il désirait avoir une nouvelle situation ; on voyait immédiatement qu’il était exclu des SA et c’était un crime si grave que personne ne voulait de lui.
D’anciens hommes du Stahlhelm voulant entrer dans la Reichswehr n’y étaient pas acceptés, s’ils étaient exclus des SA. Si vous tenez compte de ce que j’ai dit auparavant, il y eut donc un nombre si important de difficultés que bien des hommes du Stahlhelm qui étaient courageux et braves hésitaient à quitter les SA, car ils ne pouvaient pas prendre la responsabilité de mettre en danger l’existence de leur famille.
Et à quelle époque se rapportent vos observations ?
Jusqu’au moment de la guerre.
Par qui avez-vous eu connaissance de tout ce que vous venez de rapporter ici ?
Dans ma situation de Bundeskämmerer (trésorier du Bund), j’ai souvent parlé de toutes ces choses avec beaucoup de membres du Stahlhelm ; j’ai pu lire en outre de nombreux rapports.
En tant que liquidateur du Stahlhelm, avez-vous maintenu un certain contact avec les anciens membres du Stahlhelm en dehors de votre liquidation ?
Oui, je l’ai fait.
Y étiez-vous autorisé ?
Non ; je devais liquider le Stahlhelm du point de vue commercial, mais toute tentative de reconstituer ou de continuer la direction du Stahlhelm de façon camouflée m’était interdite par la Gestapo et c’est pour cela qu’à différentes reprises j’ai eu des difficultés avec la Gestapo. Mais toujours j’ai essayé de récidiver car nombre de mes anciens camarades me dirent à de multiples reprises que je devais le faire étant donné que personne ne l’aurait plus fait.
En quoi consistait votre activité afin de maintenir ce lien ?
De nombreux membres du Stahlhelm m’ont parlé ; ils venaient de toutes les parties de l’Allemagne pour me voir à Berlin. Avec beaucoup d’entre eux, je suis resté en liaison par écrit. J’ai, en outre, sous un camouflage commercial, fait circuler des lettres dont les vieux membres du Parti pouvaient prendre connaissance, que…
Mais, en quoi cela peut-il nous intéresser Docteur BÖHM ?
II s’agit, Monsieur le Président, de montrer principalement au Tribunal quelles étaient les orientations d’idées et idéologies des hommes venus du Stahlhelm.
Vous défendez les SA contre l’accusation d’être une organisation criminelle, et maintenant vous cherchez nous montrer l’idéologie du Stahlhelm. Vous avez passé déjà près d’une heure à interroger ce témoin. Pratiquement, tout ce qu’il dit est consigné dans le résumé de sa déposition, résumé que nous avons ici devant nous.
Mais oui, Monsieur le Président, mais il faut bien que je présente quelque chose au Tribunal, au sujet du témoin et de ces 1.500.000 hommes qui sont venus du Stahlhelm dans les SA. J’essayerai de me limiter dans les quelques rares questions (quatre ou cinq), qui me restent encore à poser. (Au témoin.) Témoin, vous voulez donc dire que la continuation de ce Stahlhelm, après 1934, était illégale ?
Oui, car elle n’était pas autorisée.
Et quelle était l’importance du milieu des personnes avec lesquelles vous avez été en relations ?
Je n’étais moi-même en relations qu’avec quelques centaines d’anciens membres du Stahlhelm. Mais ceux-là n’étaient que des agents de liaison derrière lesquels se trouvaient des milliers d’autres membres dans les différentes villes.
Y avait-il d’autres liens parmi les anciens du Stahlhelm ?
Oui, en dehors du lien avec moi-même, partout, en Allemagne, dans les différentes villes, il y eut des groupes indépendants d’anciens du Stahlhelm qui atteignirent quelquefois un chiffre très important. Par exemple, j’ai souvent assisté à Berlin à des réunions ou plus de 150 à 200 hommes du Stahlhelm étaient réunis. De sorte que la Gestapo…
Docteur BÖHM, si vous avez l’intention de montrer que ce témoin connaissait l’organisation du Stahlhelm, vous pouvez réserver cela pour le contre-interrogatoire s’il y a lieu. Pourquoi anticipez-vous sur le fait que nous allions dire à ce témoin qu’il ne sait rien sur le Stahlhelm ? Il est à présumer qu’il le sait. Tant que cela n’est pas mis en doute, vous pouvez laisser ce soin au contre-interrogatoire.
Ce sera alors ma dernière ou avant-dernière question, Monsieur le Président. (Au témoin.) Avez-vous eu connaissance, témoin, que des anciens Stahlhelm aient participé aux crimes qu’on reproche aux SA, par exemple la persécution des Juifs.
Non, je n’en savais rien, mais j’aurais dû l’apprendre si cela avait été vrai, car c’eût été un fait particulièrement remarquable s’il avait été établi que les hommes du Stahlhelm avaient participé à la persécution des Juifs. Je me réfère aux déclarations que j’ai faites sur la non-existence d’une tendance antisémite dans le Stahlhelm
Avez-vous observé si l’attitude hostile des hommes du Stahlhelm dans les SA était généralisée, ou bien y avait-il des signes montrant qu’un nombre considérable des membres du Stahlhelm avaient graduellement changé d’opinion ?
Cette attitude négative des hommes du Stahlhelm, dans la grande majorité, n’a pas changé jusqu’à la fin.
Je voudrais même dire que cette opposition fut de plus en plus importante pendant toute la durée du IIIe Reich. Je ne crois pas qu’il y ait eu beaucoup d’hommes du Stahlhelm qui, au cours des années, aient cessé leur opposition. Naturellement, vu le grand nombre, il y a toujours en pareil cas quelques exceptions.
Monsieur le Président, je n’ai, pour l’instant plus d’autres questions à poser au témoin.
Témoin, savez-vous si les Stahlhelm qui étaient dans l’opposition ont été surveillés par le SD ?
Je n’ai pas connaissance d’une surveillance par le SD. J’ai toujours entendu dire que seules la Gestapo et la Police locale surveillaient les hommes du Stahlhelm.
Le fils de Düsterberg a fait une déclaration sous serment (n° 4 Stahlhelm) selon laquelle les hommes du Stahlhelm dans l’opposition étaient surveillés par les SA. Ces indications sont-elles fausses ?
Je suis d’avis que le fils de Düsterberg s’est trompé. Moi-même, je n’ai jamais entendu parler d’une obligation pour le SD de surveiller ou de persécuter les hommes du Stahlhelm.
Je vous remercie.
Témoin, vous avez parlé de tendances radicales et extrémistes des SA.
Oui.
Vous voulez dire, n’est-ce pas, qu’ils étaient des terroristes et des gangsters ?
Je puis dire à ce sujet que, si j’ai parlé d’éléments radicaux ou extrémistes, je voulais parler de ces groupes d’individus des SA qui, à cette époque déjà, nuisaient considérablement à la réputation des SA dans la population ; mais il ne s’agissait là que de groupes, je veux dire par là qu’il n’en était pas ainsi de tous les SA, mais seulement une partie d’entre eux.
Y avait-il des groupes dans chaque ville allemande ?
Je ne puis pas savoir s’il y en avait dans toutes les villes de l’Allemagne, mais il n’y a aucun doute qu’il en existait dans plusieurs villes.
Vous nous avez dit que le Stahlhelm avait été forcé de fusionner avec les SA dans toute l’Allemagne.
Oui.
Est-ce que ceci fut fait sous la menace des chefs locaux des SA ? N’est-ce pas ce que vous disiez ?
Oui.
Est-ce qu’on peut douter que ces menaces et ces arrestations dont vous nous avez parlé aient été ordonnées par le commandement SA ?
A mon avis, ces arrestations et ces menaces, et tout ce qui y a trait, venaient de la direction des SA, mais vu le grand nombre des intéressés, il a pu arriver que le Parti également ou d’autres organisations du IIIe Reich s’en soient mêlés. En général, ces pressions furent exercées par les SA eux-mêmes.
Vous avez parlé du boycottage d’un homme qui aurait été renvoyé des SA ; pouvez-vous dire que ce cas s’est présenté dans toute l’Allemagne, et que lorsqu’un homme était congédié on le boycottait ?
De toute façon, dans les cas que j’ai connus et qui furent nombreux, il y eut de tels boycottages. Je connais un exemple d’un tel boycottage. Là, les conditions...
Je ne veux pas d’exemples. Vous dites qu’un homme n’aurait pas pu entrer dans l’Armée ? Ceci n’aurait pu se produire que si le commandement des SA avait communiqué son nom à l’Armée en indiquant qu’il avait été congédié.
Il est possible que les SA remettaient ces noms à la Wehrmacht, mais je ne puis l’assurer. Je ne sais qu’une seule chose, c’est que les anciens membres du Stahlhelm qui désiraient rentrer dans la Wehrmacht, d’anciens officiers par exemple, ne furent pas acceptés si, à la production de leurs papiers, il ressortait qu’ils avaient été exclus des SA.
Je voudrais maintenant vous poser une ou deux questions sur les SA. Connaissez-vous le ministre Severing ?
Le ministre Severing m’est connu comme à tout allemand, en qualité de ministre, mais je ne le connais pas personnellement.
Pensez-vous que ce fut un homme intègre ?
Personnellement, je crois qu’il fut un homme intègre.
Voulez-vous écouter sa description des SA dans les premières années avant la prise du pouvoir.
Je ne connais pas cette description.
« Partout où les SA pouvaient exercer leur terreur, ils le faisaient ouvertement de la façon suivante : ils luttaient contre les gens qui ne partageaient pas leurs opinions, ils menaient des luttes intestines contre ceux qui pensaient différemment. Ce n’étaient pas les habituelles petites disputes des adversaires politiques au cours des élections, c’était la terreur organisée ». Est-ce que cette description des SA durant les années avant la prise de pouvoir est exacte ?
Je crois que Severing, dans les grandes lignes, fait une description exacte.
Connaissez-vous le témoin Gisevius ?
Non, je ne le connais pas.
Écoutez ces paroles : « Durant la première partie de la lutte pour le pouvoir, les SA constituèrent une armée privée exécutant les ordres du parti nazi. Quiconque n’était pas entièrement décidé, les SA se chargeaient de le convaincre. Leur méthode était primitive mais effective. On apprenait le nouveau salut hitlérien très vite, lorsque le long de chaque colonne de SA qui déniait, les serre-files qui allaient le long des rangs des piétons frappaient sur la tête de ceux qui ne faisaient pas correctement le geste, au moins trois pas avant le drapeau SA. Ces hommes agissaient partout de la même manière ». Je vous demande à nouveau : Est-ce une description exacte de la politique des SA, tels que vous les avez connus ?
Je dois dire à ce sujet que je ne suis pas bien compétent pour porter un jugement sur les débuts des SA. Mes observations, je n’ai pu les faire qu’à partir de 1933 où j’ai dû les faire officiellement car j’étais le Bundeskämmerer (trésorier) du Stahlhelm. Avant, j’étais directeur de banque et je n’étais pas très intéressé par les SA. Mais j’admettrai que...
Je vais vous poser une autre question qui sera la dernière.
Est-ce que ces déclarations ont été versées au dossier ?
Je vais vous donner une référence. La première déclaration est du ministre Severing (audience du 21 mai 1946 ) ; la deuxième déclaration est de Gisevius (audience du 26 avril 1946 ).
D’après la nature de la déposition du témoin, nous avons vu que les Stahlhelm avaient été incorporés aux SA de force. Il n’a pas dit si les SA était une organisation créée d’elle-même ou sur ordre.
Monsieur le Président, il a parlé de tendance extrémiste et radicale et l’on peut en déduire qu’il parlait des SA.
Vous voulez dire qu’il en a parlé au sujet des SA ?
Oui, on n’y peut donner d’autre signification.
S’il a dit cela au sujet des SA, il ne l’a pas dit des SA en tant qu’organisation, et il n’est pas de votre droit de le questionner à ce sujet. S’il avait dit que les SA était une organisation régulière, vous auriez le droit d’agir ainsi, mais comme il ne l’a pas dit, je ne crois pas que votre contre-interrogatoire soit pertinent.
Monsieur le Président, témoins après témoins ont comparu déjà pour les SA devant la commission.
Oui, mais pas ce témoin sur cet aspect de la question. Occupons-nous de ce témoin. Il ne nous a rien dit qui prouve que les SA étaient une organisation disciplinée et dont la conduite était bonne.
Mais, Monsieur le Président, il a dit qu’elle était une organisation sans ordre. Il est de mon rôle de le soumettre au contre-interrogatoire qu’il ne saurait être question de m’empêcher de poursuivre, à moins que vous ne jugiez que c’est là une perte de temps pour le Tribunal. A mon avis, cela a une grosse importance si vous avez à juger les déclarations des nombreux témoins des SA qui ont comparu devant la commission. Je serai bref, Monsieur le Président. Je voudrais signaler une autre déclaration quant à la période postérieure à 1933. Elle est du témoin Gisevius (audience du 26 avril 1946) : « Les SA organisaient d’immenses razzias. Les SA fouillaient les maisons, confisquaient les propriétés, interrogeaient les gens, les mettaient en prison. En bref, ils s’érigèrent en Police auxiliaire. Malheur à quiconque tombait entre leurs griffes. De ce moment datent les « Bunker », ces terribles prisons privées, chaque unité des SA devant avoir la sienne. Le vol était devenu un droit inaliénable des SA. La valeur d’un Standartenführer était appréciée d’après le nombre des arrestations qu’il avait faites et la bonne réputation d’un homme des SA était basée sur l’efficacité avec laquelle il avait « dressé » ses prisonniers ».
Est-ce une description exacte du SA durant les mois qui suivirent immédiatement la prise du pouvoir ?
Je dois dire que la plus grande partie de ce que l’auteur dit venait journellement à mes oreilles à l’époque, à Berlin. Mais on doit tenir compte de ce qu’il s’agit des SA sous les ordres du chef d’État-Major Röhm, et que par la suite, les SA ont été nettoyées et épurées. Je crois que les SA, plus tard…
J’y arriverai dans une minute, mais c’est une description assez juste de ce qui se passa à Berlin dans les premiers mois de 1933, et si vous deviez faire un rapport à ce sujet, diriez-vous que c’est là une description exacte de ce qui s’est passé dans toutes les villes d’Allemagne ?
Je voudrais dire que, d’après mes souvenirs, le Dr Gisevius n’a pas exagéré. Il en a été souvent ainsi, tel qu’il l’a décrit.
Je voudrais maintenant vous poser une question sur les Juifs. Vous avez dit que les membres du Stahlhelm n’étaient pas antisémites. Était-ce parce que les SA étaient antisémites en apparence, était-ce une des raisons pour lesquelles vous avez dit que les membres du Stahlhelm n’ont pas voulu y adhérer ?
Non, c’est plutôt ainsi : l’éducation du Stahlhelm, cette idée modérée démocratique du Stahlhelm, excluait toute propagande antisémite, car cette propagande antisémite aurait été radicale, et ce radicalisme n’existait pas dans la grande majorité des hommes du Stahlhelm.
Connaissez-vous le témoin Haufer ? Il a déposé devant la commission.
Oui, je le connais. Il était auparavant à Dresde.
II a dit ceci dans son témoignage :
« Nous désapprouvions absolument la politique du Parti contre les Juifs ». Est-ce exact ?
Oui.
Et la politique du Parti était la politique des SA et du commandement des SA, n’est-ce pas ?
Oui, c’est exact.
En ce qui concerne la fusion, l’incorporation du Stahlhelm en 1933, n’est-il pas exact de dire que tous les membres du Stahlhelm ont été forcés d’adhérer aux SA, n’est-ce pas ?
J’ai déjà exposé tout à l’heure que certaines classes du Stahlhelm devaient être incorporées, et ces classes furent transférées d’un seul bloc et sans exception.
Certainement quelqu’un de plus de 35 ans aurait pu en sortir, n’est-ce pas ?
Oui, si on leur avait demandé auparavant ; mais malheureusement, on ne leur a pas demandé. Ils reçurent l’ordre et ils durent l’exécuter.
Vous connaissez le témoin Weldenfels qui a comparu devant la commission ? Le connaissez-vous, un ancien fonctionnaire ?
Oui.
II a refusé d’adhérer et il garda son poste jusqu’à la guerre, n’est-ce pas ?
C’est exact, mais c’est un cas analogue au mien : Weldenfels avait dépassé l’âge de ceux qui devaient être incorporés dans les SA.
II avait moins de 45 ans à cette époque, n’est-ce pas ?
J’ignore s’il avait moins de 45 ans à ce moment-là, mais c’était un homme d’un certain âge tout de même et c’est pour cela qu’il ne fut pas obligé d’être incorporé.
C’est un homme âgé maintenant, il est né le 10 août 1889, d’après son témoignage. Le témoin Jüttner a dit, vous le savez, que si on faisait pression sur un homme pour qu’il adhère, on ne pouvait pas l’empêcher de s’y refuser. Je sais que vous direz qu’il aurait été boycotté, mais en fait, le nombre des SA est tombé de 4.500.000 à 1.500.000, n’est-ce pas, entre 1934 et 1939.
J’en ai entendu parler.
N’était-ce pas parce que les gens donnaient leur démission ?
Non, mais pour autant que je puisse juger de cette affaire, après le 30 juin 1934, tous ceux qui suivirent le chef d’État-Major Röhm furent retirés des SA et il y en eut beaucoup. Ensuite, des centaines de milliers d’hommes des SA furent libérés des SA, non pas pour se retirer dans la vie privée, mais pour autant que je me souvienne, ils furent transférés dans d’autres organisations du Parti. Très peu d’hommes du Stahlhelm furent touchés par cette démission. Je le sais parfaitement parce que des hommes du Stahlhelm vinrent souvent me trouver en me disant que finalement ils espéraient pouvoir quitter les SA, et peu de temps après revenaient me dire que cela n’était pas possible : le Stahlhelm devait rester dans les SA parce qu’ainsi on pouvait mieux le contrôler.
Une fois qu’ils se trouvaient dans les SA, est-ce que les membres du Stahlhelm obéissaient aux ordres et faisaient les mêmes actions que n’importe quel autre membre des SA ?
Ils n’avaient pas que cela à faire s’ils ne voulaient pas s’exposer aux difficultés que j’ai racontées ici. Mais il est un fait établi que c’était souvent des hommes du Stahlhelm qui ne voulaient pas exécuter des ordres dont ils ne pouvaient pas prendre la responsabilité.
Je n’ai plus d’autre question à poser.
Docteur BÖHM, voulez-vous interroger à nouveau ce témoin ?
Non.
Témoin, pouvez-vous me donner les chiffres approximatifs des Stahlhelm et des SA, en 1933, lorsque le Stahlhelm fut incorporé aux SA ?
Je ne puis citer que le chiffre approximatif des Stahlhelm et je peux l’évaluer à environ 1.000.000 (représentant le nombre d’hommes en provenance du Stahlhelm qui furent incorporés aux SA). Quant à l’incorporation des SA, je l’ignore,
Savez-vous approximativement combien d’hommes du Stahlhelm se trouvaient dans les SA aux environs du 1er septembre 1939 ?
Je ne puis le dire.
Et combien de membres du Stahlhelm y avait-il à la fin de la guerre environ ?
Si vous me demandez combien d’hommes du Stahlhelm étaient encore aux SA pendant la guerre, je ne puis pas non plus vous répondre, mais il pouvait y avoir à la fin de la guerre 500.000 à 600.000 hommes du Stahlhelm. Mais comme en Allemagne, à cette époque, il y avait beaucoup de confusion, on peut difficilement évaluer un nombre exact.
Donc vous ne pouvez pas donner de chiffres approximatifs après 1934, pour le Stahlhelm.
Voulez-vous parler du Stahlhelm qui continuait à exister après 1934 ou du Stahlhelm qui était incorporé aux SA ?
Je voulais dire ceux qui ont été mutés dans les SA.
Oui, et bien, ceux-là devaient être environ 1.000.000.
Le témoin peut se retirer et le Tribunal va suspendre l’audience.
Monsieur le Président, je voudrais mentionner encore un point : alors qu’on étudiait le cas des SS, j’ai présenté le document PS-4043 qui est une déclaration d’un prêtre polonais relative au meurtre de 846 prêtres et pasteurs polonais à Dachau. Le Tribunal n’avait pas accepté, à ce moment, le document parce qu’il ne lui semblait pas établi dans une forme satisfaisante. Maintenant, la Délégation polonaise désire me soumettre un nouveau certificat d’un Dr Pietrowski, selon lequel la déclaration avait été faite à lui-même, en sa présence et en conformité avec les lois polonaises constituant ainsi ce qu’on appelle, devant la loi anglaise, une déclaration solennelle. J’ai discuté de cette affaire avec le Dr Pelckmann, et il ne voit pas d’objection à ce que le document soit présenté dans sa forme actuelle.
Le Tribunal va examiner la question. Vous pouvez déposer ce document.
Merci ; il y a des copies russes, françaises et allemandes.
Docteur BÖHM, avez-vous un autre témoin ?
Je vous prie, Monsieur le Président, de m’autoriser à appeler le témoin Jüttner. (Le témoin Jüttner est introduit.)
Voulez-vous me donner votre nom, je vous prie.
Max Jüttner.
Voulez-vous répéter ce serment après moi : Je jure devant Dieu tout puissant et omniscient que je dirai la ure vérité et que je ne cèlerai ni n’ajouterai rien ». (Le témoin répète la formule du serment.)
Vous pouvez vous asseoir.
Monsieur Jüttner, de 1934 à 1945 vous avez été chef de la Direction des SA, et au début de 1939, en même temps, vous avez été chef adjoint d’État-Major SA. Êtes-vous au courant de toutes les questions qui concernent les SA même avant 1933 ?
Ce n’est que le 1er novembre 1933 que j’ai travaillé comme responsable à la Direction principale des SA. D’après les dossiers et les conversations avec le chef d’État-Major Röhm, aussi bien qu’avec mes camarades, je suis au courant de toutes les questions des SA, même avant cette époque, et c’est pourquoi je puis répondre par oui à votre question.
Que faisiez-vous avant de diriger les SA, au point de vue professionnel et politique ?
J’ai été officier de carrière de 1906 à 1920. Après avoir quitté définitivement l’Armée, j’entrai à la Compagnie centrale des mines de charbon en Allemagne ; j’ai commencé là comme simple ouvrier et, au cours des années qui suivirent, je suis arrivé à être fondé de pouvoir d’une grosse entreprise. Au point de vue politique, après 1920, j’ai fait partie du parti national populaire allemand ; puis j’ai été sans parti. Depuis 1920, à côté de ma profession, j’ai toujours fait partie d’un poste de commande des « Casques d’acier », en Allemagne centrale.
Quels ont été les motifs de votre nomination à la Direction des SA ?
C’est en relation avec l’incorporation des « Casques d’acier » dans les SA. Les « Casques d’acier » d’Allemagne centrale jouissaient d’une bonne réputation, même auprès de leurs adversaires politiques. Mes relations avec les mineurs et aussi avec les syndicats étaient bien connues de Röhm. Les « Casques d’acier » d’Allemagne centrale avaient du succès, spécialement dans le domaine social, et c’est sans doute cela qui a joué dans le fait que j’ai été nommé à la Direction des SA. Je quittais volontairement mon travail dans les mines et devins le chef des SA. C’est au cours de 1934 que je fus admis dans le Parti.
De sorte que vous êtes passé des « Casques d’acier » dans les SA ?
Oui.
Y a-t-il eu d’autres chefs des « Casques d’acier » qui aient occupé des postes dans les SA, en dehors de vous ?
Je ne peux pas vous donner de chiffre sans avoir de statistiques entre les mains, mais je me rappelle qu’environ 60 chefs SA, dont je connais les noms, faisaient partie précédemment des « Casques d’acier », de sorte que beaucoup d’anciens « Casques d’acier » ont occupé des postes importants dans les SA La Direction principale...
Parlez-vous des « Casques d’acier » ou des SA ?
Toutes les positions clés dans les SA étaient, au fur et à mesure, occupées par d’anciens « Casques d’acier » ; service du personnel, chef de service adjoint ou chef d’état-major, service de formation, etc., de même que dans les état-majors de groupes, et comme chefs d’unités.
Peut-on dire que les positions occupées par les anciens « Casques d’acier » dans les SA étaient telles qu’ils n’avaient pas une grand influence sur la grande masse des SA ?
On ne peut pas dire cela. Ces chefs SA qui provenaient des « Casques d’acier » et occupaient ces positions avaient une influence considérable sur l’éducation, l’entraînement et l’activité des SA.
II y a environ une demi-heure, on a entendu ici un témoin nommé Gruss qui n’avait jamais été dans les SA, qui ne connaissait pas les conditions des SA par expérience personnelle, mais qui a répondu à une série de questions auxquelles, à mon avis, seul un ancien SA aurait pu répondre. Pendant que vous faisiez partie des SA, depuis l’année 1934 jusqu’à la dissolution de cette organisation, avez-vous jamais constaté qu’il y aurait eu une certaine opposition dans les SA de la part des membres qui venaient des « Casques d’acier » ?
A cette question, il m’est facile de vous répondre par un non catégorique. Dans les premiers temps, de nombreux membres des SA sont venus me trouver, qui avaient autrefois fait partie des « Casques d’acier ». Ainsi que moi-même, ils regrettaient que notre belle et vieille organisation ait cessé d’exister. Mais ils m’ont exprimé leur satisfaction, que je partageais, qu’il leur soit permis de participer à cette grande communauté que représentaient les SA.
Avez-vous jamais entendu dire d’un côté quelconque qu’il y aurait eu une opposition de la part des membres qui venaient des « Casques d’acier » ? Est-ce que d’autres membres SA en ont parlé ?
Si j’ai bien compris, vous voulez parler de membres qui étaient déjà précédemment dans les SA ?
Exactement. Des gens qui s’étaient trouvés dans les « Casques d’acier » en 1933 et 1934 et auraient été incorporés dans les SA ou qui y seraient entrés.
Ces hommes, autant que je sache, n’ont jamais été en opposition avec les SA. Cela n’a jamais été porté à ma connaissance.
Quelle était la force des SA en 1933 ?
Les SA comprenaient, en 1933, 300.000 hommes.
Et combien de membres des SA « Casques d’acier » sont entrés dans les SA au cours de 1933 et 1934 ?
Lors de l’incorporation des « Casques d’acier » dans les SA, les « Casques d’acier » comptaient environ 1.000.000 de membres, peut-être un peu plus. Plus de la moitié fut versée dans les SA, environ 550.000 hommes. Ce chiffre correspond au chiffre que l’ancien Bundesführer Seldte a donné.
Faites-vous une différence entre le Kernstahlhelm et une autre formation du Stahlhelm ? Voudriez-vous dire que le total des hommes qui venaient des « Casques d’acier » incorporés dans les SA, était approximativement de 1.000.000 ?
Après la dissolution des « Casques d’acier » — je crois que c’était en 1933 — il est certainement possible qu’au total il y ait eu 1.000.000 d’hommes en provenance des « Casques d’acier ».
De sorte que les choses étaient telles en 1933-1934, que les SA se composaient pour deux tiers d’anciens « Casques d’acier » et pour un tiers de SA ?
En 1933 et 1934, il y eut aussi à ajouter aux SA la réserve n° 2 des SA. C’était le Kyffhäuserbund. De sorte qu’on ne peut pas considérer cette proportion de deux tiers à un tiers comme exacte. Mais si l’on considère le chiffre initial de l’effectif SA en janvier 1933, cela concorde avec ce que vous venez de dire.
Ainsi, peu après 1933, les SA ont suivi une courbe ascendante considérable. De 300.000 hommes, ils sont passés à 4.500.000 en 1935 environ. Est-ce exact ?
Jusqu’en 1934, oui, c’est exact.
Alors le Commandement suprême SA a essayé de réduire les SA parce que beaucoup de gens étaient venus dans les SA qui n’avaient rien à y faire, et en 1939 les SA furent diminuées de 3.000.000 d’hommes, de sorte qu’en 1939, elles ne comptaient plus qu’environ 1.500.000 personnes ; est-ce exact ?
Oui, c’est exact. Le chiffre de 1.500.000 avait déjà été atteint au cours des années précédentes. Cette diminution des SA fut sensiblement réalisée en éliminant :
1° La réserve des SA n° 2, le Kyffhäuserbund, c’est-à-dire environ 1.500.000 membres ;
2° Après la mort de Röhm, le NSKK ;
3° Beaucoup de SA qui avaient une part active dans la direction du parti, tels que Blockleiter ou Zellenleiter, etc.
4° Le chef d’État-Major Lutze a exclu tous ceux qui, pour des motifs professionnels ou autres, ne pouvaient ou ne voulaient pas servir.
Au cours de la diminution de ce chiffre de 4.500.000 au chiffre de 1.500.000, avez-vous remarqué que beaucoup de membres ou anciens membres des « Casques d’acier » avaient été exclus des SA ?
Peut-être à ce sujet puis-je me reporter à la formation de « Casques d’acier » de l’Allemagne centrale que je dirigeais. Là-bas, dans la grande région industrielle, autour de Halle, ma vieille organisation des « Casques d’acier » était, après 1935, le noyau des SA, ce qui montre que, de sorte, de nombreux « Casques d’acier » étaient restés dans les SA.
Et ce sont les « Casques d’acier » qui sont restés dans les SA jusqu’à la fin, jusqu’à ce que les SA soient dispersées ?
Oui, et ce n’était pas les plus mauvais éléments.
Si, en 1935 et plus tard, le SA qui venait des « Casques d’acier » avait senti le besoin de se retirer des SA, aurait-il pu le faire ?
II l’aurait pu, sans difficulté.
Aurait-il eu des difficultés pour le faire ?
De la part des SA ? Nullement.
Le témoin Gruss a dit précédemment qu’il lui aurait été impossible pour sa part de se retirer ; par exemple de rentrer dans l’Armée comme officier, parce que, dans ce cas, sur ses papiers, il aurait été mentionné qu’il avait démissionné des SA. Est-ce exact ?
Le témoin Gruss paraît avoir fait là une confusion. Celui qui était exclu des SA par mesure de punition parce qu’il avait fait quelque chose de mal, oui, celui-ci avait la mention « exclu des SA » portée sur ses papiers, et c’était en somme comme une punition dans la vie courante.
De sorte que vous pouvez dire, pour résumer, que la plus grande partie des membres des « Casques d’acier » qui, au cours de l’année 1933, et au plus tard 1934, ont été incorporés dans les SA ont toujours été des camarades fidèles des SA et le sont restés. Est-ce exact ?
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13 août 46
C’était mes meilleurs camarades, et ils le sont restés.
Quelle était l’attitude du chef d’État-Major envers la Direction du Parti ? Envers la Direction de l’État ?
Le chef d’État-Major Röhm était une forte personnalité. Sa voix avait beaucoup d’influence à la direction du Parti. En qualité de ministre du Reich...
Docteur BÖHM, le Tribunal aimerait savoir si vous voulez établir que les SA étaient une organisation volontaire ou non, en ce qui concerne les « Casques d’acier » ?
Si j’ai bien compris la question, Monsieur le Président, je peux répondre que les « Casques d’acier » étaient une organisation volontaire, et que c’est sur ordre qu’ils ont été incorporés dans les SA.
II semble y avoir une divergence de vue entre les deux témoins que vous avez convoqués. Le Tribunal aimerait savoir quelle est votre position à vous, si vous estimez que les SA, après l’incorporation des « Casques d’acier », était une organisation volontaire ?
Après que les « Casques d’acier » eurent été incorporés dans les SA, ils n’avaient plus naturellement ce caractère de volontariat, et l’organisation, c’est-à-dire chaque ancien membre des « Casques d’acier » devint membre des SA.
Volontairement, dites-vous, ou par force ?
Les « Casques d’acier » ont été incorporés dans les SA sur ordre. Alors, après cette incorporation, ils ont perdu leur qualité d’organisation indépendante. Ils sont devenus SA et tout ancien membre des « Casques d’acier » est devenu membre des SA.
Oui, je comprends parfaitement, mais ce que je voulais savoir, c’est si vous soutenez qu’étant devenu membre des SA, il était volontaire, ou non-volontaire ?
A mon avis, c’est, en concordance avec le paragraphe 6 de la résolution du 13 mars 1939, une question de Droit. Je prétends que c’est d’après un ordre que le « Casque d’acier » a été versé dans les SA. Par conséquent, pas volontairement, mais sur ordre.
Vous dites donc qu’ils étaient involontairement incorporés dans les SA ? Involontairement membres des SA ?
Ce n’est pas tout à fait cela, Monsieur le Président ; j’ai dit que c’était à la suite d’un ordre que certainement la plus grande partie des « Casques d’acier » avait été incorporée dans les SA, involontairement.
Docteur BÖHM, je ne mets pas en doute ce qu’a dit le témoin. J’ai entendu ce qu’a dit le témoin et j’ai entendu ce qu’a dit l’autre témoin. M. Biddle veut savoir quelle est votre opinion. Dites-vous que les membres des « Casques d’acier », après leur incorporation dans les SA, étaient involontairement membres ou étaient-ils des membres volontaires ? C’est à vous de dire quelle position vous prenez sur ce point. Peut-être ma question vous paraîtra-t-elle plus claire si je vous demande : Est-ce que vous soutenez qu’ils pouvaient démissionner des SA ou qu’ils ne le pouvaient pas ?
Ce n’était pas le sens de mon opinion. Je veux d’abord prouver que les « Casques d’acier », à la suite d’un ordre, c’est-à-dire sans être volontaires, ont été incorporés dans les SA. Je pense que c’est là le point de vue de la plus grande partie des « Casques d’acier » entrés dans les SA. Si et jusqu’à quel point ils pouvaient ou ne pouvaient pas démissionner ensuite, c’est le point que je désire éclaircir avec ce témoin.
C’est très bien, poursuivez, Docteur BÖHM. A un moment quelconque, il n’y a aucun doute que vous puissiez nous dire quelle est la déclaration de témoin que vous faites vôtre.
Témoin, je voudrais vous prier de continuer et je vous demande quelle était l’attitude du chef d’État-major vis-à-vis de la Direction du Parti et de celle de l’État ? Vous avez dit que le chef d’État-Major Röhm était une forte personnalité et que, par conséquent, ses paroles avaient une grande valeur dans la Direction du Parti. Je vous prie de continuer.
Röhm était le ministre du Reich, et en cette qualité il avait la possibilité d’user de son influence sur le Gouvernement et cela pour arriver à ses fins.
Le chef d’État-major Lutze n’était que Reichsleiter dans le Parti ; malgré cela, il n’avait aucune influence sur la Direction du Parti. Au cours des dernières années, avant la guerre, il s’occupait des réunions des Gauleiter et de Reichsleiter. Lutze n’a jamais été ministre du Reich et, de ce fait, il n’avait aucune influence sur la Direction de l’État.
Le chef d’État-major Scheppmann n’était ni Reichsleiter ni ministre du Reich ; lorsque après le 30 juin 1934 les SA devinrent absolument insignifiantes, il est évident que l’influence des chefs d’État-major est devenue nulle sur le Parti et sur la Direction de ’État.
Et quels étaient les rapports entre les chefs d’État-major et les Corps de direction des SA ? Ces derniers étaient-ils mis au courant de ce qu’on avait l’intention de faire ?
Aux réunions des chefs et dans les cours d’entraînement dans les écoles de SA, les chefs d’État-Major tenaient leurs Corps de direction informés de leurs vues et de leurs tâches, spécialement quant aux tâches relatives à l’éducation des SA. Aux réunions des chefs, il y avait toujours une discussion générale libre.
Que pensez-vous du Corps de direction avant et après la mort de Röhm ?
Je connais la Direction des SA, ses buts, et particulièrement les chefs des SA, surtout les principaux. Je les connais très bien ; je ne songe pas du tout à embellir les choses. Certains d’entre eux durent être éliminés pour s’être conduits comme de simples troupiers. Les chefs des SA, lors de l’ancienne guerre mondiale, qui s’étaient conduits comme des combattants pleins de bravoure, et plus tard, comme membres des corps francs sous la direction de Ebert et de Noske, avaient bien mérité du pays. Leur attitude et leur façon de vivre, cependant, étaient absolument contraires aux principes des SA. C’est pourquoi il leur fallut quitter les SA. Cependant, le reste, c’est-à-dire la majorité du Führerkorps, était composée de gens convenables et propres, et absolument hors de toute critique dans leur conception de la justice et du devoir.
Pariez-vous du Führerkorps principal ?
Au point de vue des chefs actifs, les Obergruppenführer et Gruppenführer, je connais leur histoire, leur genre de vie et leur attitude politique et ethnique. A l’exclusion de quelques-uns qui durent partir, ces chefs des SA étaient irréprochables. Pas un d’eux n’a fait l’objet d’un rapport de police. Aucun d’eux n’avait une existence irrégulière ; tous avaient une profession civile avant d’être pris dans le Corps de direction des SA. Leur vie était simple et modeste. Ils étaient, en comparaison avec des fonctionnaires de situation correspondante ou des hommes d’affaires, particulièrement mal payés. On leur comptait toutes leurs ressources extérieures, il n’y en avait pas un qui fut autorisé à recevoir plus d’une seule source de revenus, pas un d’entre eux ne pouvait s’enrichir avec le salaire qu’il touchait, et ils ne pouvaient dépenser dans leur activité sociale que ce qui correspondait à leurs ressources. Et parmi les Obergruppenführer et Gruppenführer qui étaient en fonction en 1939 ou à la Direction des SA ou parmi nos groupes, la moitié sont tombés à la guerre. Ils donnèrent leur vie avec la conviction qu’ils combattaient pour une cause juste. Ils étaient patriotes. Ils n’ont jamais commis de mauvaises actions ou de fautes. Et même aujourd’hui, je suis fier d’avoir fait partie d’un corps aussi honorable.
Est-ce que ces chefs étaient payés ?
Jusqu’en 1933, il n’y a pas eu de chefs SA appointés. Seuls les chefs des Untergruppen — il y en avait un par Gau — recevaient une rémunération de 300 Mark par mois environ. Après 1933, il y eut un arrêté qui établit les soldes. En 1940, il y eut une légère amélioration. Le salaire maximum de base pour un Obergruppenführer était de 1.200 Mark par mois. Du Scharführer au Obersturmbannführer inclusivement, tous des chefs SA, et à l’exception du personnel auxiliaire, étaient d’anciens ouvriers et dans l’ensemble du Führerkorps, y compris ceux qui avaient le titre de chefs, deux pour cent seulement touchaient une solde.
Comment le Corps de direction des SA était-il organisé ?
Parmi les SA nous avons eu : les SA-Führer, les chefs administratifs SA, les médecins chefs SA. Les SA-Führer formaient un état-major de direction et dirigeaient les formations. Les Führer d’administration SA s’occupaient du budget, des questions financières et de la comptabilité. Ils formaient, avec les Führer d’administration des autres formations et du Parti un corps particulier de direction, et ils devaient suivre les directives du trésorier du Reich. Les Führer sanitaires étaient des médecins et des pharmaciens. Ils s’occupaient de l’état sanitaire ides SA. Les Führer sanitaires et les Führer d’administration n’avaient pas la moindre influence sur la direction des SA et n’avaient pas le droit d’en avoir. En outre, les SA avaient des chefs pour des questions particulières, ceux qu’on appelait les « z. V. » et les chefs à titre honorifique dont quelques-uns sont ici parmi les principaux accusés.
Est-ce que l’un des principaux accusés n’a pas été Führer honoris causa ?
Oui, je crois, plusieurs même étaient Herrenführer : MM. Göring, Frank, Sauckel, von Schirach, Streicher et, autant que je sache, peut-être aussi Hess et Bormann. Je tiens à dire que les Führer d’honneur n’étaient absolument pas au courant des affaires des SA. Ils n’avaient ni l’occasion ni l’autorité nécessaire pour exercer une influence quelconque sur la direction et la formation ou l’utilisation des SA. Ils avaient uniquement le droit de porter l’uniforme des SA et, lors des manifestations, de prendre place dans les rangs du Führerkorps des SA. Hermann Göring aussi qui, au cours de l’année 1923, a dirigé provisoirement les SA, alors qu’ils ne comprenaient que quelques milliers d’hommes, n’exerçait plus aucune influence sur les SA après cette époque. Il n’en avait pas le temps, du reste. Sa nomination comme chef de la « Standarte Feldherrnhalle » était une distinction tout à fait honorifique comme celles qui avaient existé du temps de l’Empereur, titre de chef d’armée attribué par exemple à des membres, et même des femmes, des familles royales.
M. Frank fut nommé par le chef d’État-major Lutze Führer des SA de l’ancien Gouvernement Général. C’était et ce demeura uniquement une distinction honorifique, car la Direction proprement dite dépendait d’un État-Major spécial sous les ordres du Brigade-Führer Peltz, et plus tard Kühnemund. Il n’a jamais reçu d’ordre quelconque du chef d’État-Major au sujet de l’administration des SA de cette région. De tels ordres passaient uniquement par le chef de la Direction, et le premier chef de la Direction des SA en était responsable.
Les chefs « z.V. » dont j’ai parlé pouvaient, provisoirement, pour des raisons spéciales, être appelés à remplir certaines tâches s’ils y étaient disposés. C’était là des rôles de conseillers, par exemple pour les questions juridiques et sociales.
De quelles sortes de gens se composaient en principe les SA ?
Dès le début, les SA étaient formées d’anciens soldats de la première guerre mondiale et de jeunes idéalistes qui aimaient leur patrie par-dessus tout. Les SA n’étaient pas, comme l’a prétendu le témoin Gisevius, une bande de gangsters ou de criminels. Ils étaient beaucoup plus, ce que Sinclair Lewis a écrit un jour : « De purs idéalistes ». De nombreux ecclésiastiques, des étudiants en théologie, faisaient partie des SA, en qualité de membres actifs, certains jusqu’à la fin. Et chaque membre des SA individuellement pourra confirmer que jamais, à aucun moment, on ne lui a demandé de commettre d’acte criminel et que la Direction des SA n’a jamais eu de but criminel.
Pouvez-vous nous donner des chiffres sur les membres des SA qui se sont par exemple trouvés en contradiction avec les lois alors existantes ?
Dans les camps d’internement où il y avait des milliers d’anciens membres des SA de toutes les parties du Reich, on a procédé à des enquêtes dont le résultat permit très bien de se faire un jugement sur l’ensemble des SA. On a pu constater que parmi les SA internés, pas même un pour cent, mais 0,65 pour cent, étaient punis comme criminels. Par contre le Bureau des statistiques du Reich fait ressortir que 1,67 pour cent de l’ancienne population du Reich avaient été punis comme criminels.
Comment pouvez-vous expliquer alors que pendant les années 1933, 1934, il y ait eu des excès et des abus commis par les SA, comme le prétend le Ministère Public dans son Acte d’accusation ?
On ne peut pas, ni ne doit porter accusation pour ces excès. Ce furent des excès comme il s’en produit dans tout mouvement révolutionnaire, par exemple la révolution en Allemagne en 1918, et il s’est vu des choses semblables dans le passé dans d’autres pays. Ces excès, ce sont des actes révolutionnaires commis par des combattants politiques mécontents.
N’y a-t-il pas d’autres explications à donner à ce sujet ?
On peut encore présenter là toute une série de circonstances qui sont la cause de ces excès, qui ne les excusent certes pas, mais qui peuvent les expliquer. Par exemple, d’abord avant 1933, tout particulièrement sous le Gouvernement de Schleicher, la Police prenait des mesures particulièrement sévères et unilatérales contre les SA. En conséquence, il y eut une certaine méfiance envers la Police. Il arriva en outre qu’en 1933, à l’intérieur du pays, la guerre civile et des émeutes menaçaient. Il est donc compréhensible, même si ce n’est pas une excuse, que plus d’un homme se soit considéré comme responsable de la protection du nouvel État, plus que la Police en laquelle certains membres n’avaient plus confiance, et qu’ainsi certains aient pu être entraînés à commettre divers excès. Deuxièmement, avant 1933, on avait mené une campagne de haine sauvage contre les SA. Presque tous les autres partis politiques participaient à cette campagne de haine. Il y avait des invitations à commettre des violences, des affiches portant les slogans : « Frappez les fascistes partout où vous les rencontrerez ». Des groupes étaient organisés qui criaient en chœur :
« A bas les SA », des molestations de membres des SA à leur lieu de travail, de mauvais traitements d’enfants de membres SA à l’école, le boycottage des entreprises appartenant à des membres SA, des attaques sur des individus SA et également du Stahlhelm, comme par exemple dans la région de Halle où je me trouvais alors, où il y a eu 43 morts parmi les membres ides « Casques d’acier » et des SA.
Toutes ces circonstances accumulaient une certaine colère et de l’indignation, ce qui était compréhensible, et beaucoup ont pensé après 1944 pouvoir régler de vieilles dettes qu’ils avaient avec d’anciens adversaires politiques.
Le troisième motif qui amena ces excès, c’est qu’après 1933, il me faut le dire, il y eut une ruée pour entrer dans les SA. L’honorabilité de ces personnes, naturellement, ne pouvait être démontrée, comme il l’a été prouvé, et des éléments provocateurs et obscurs se sont glissés avec l’intention de nuire à la réputation des SA. De sorte que les excès n’étaient pas seulement un écho du conflit politique d’avant 1933, mais pour une grande part, ils étaient perpétrés par de tels provocateurs. L’organisation, en tant qu’organisation, n’est pas coupable en la circonstance. Elle a désapprouvé ces malfaiteurs, et quand de telles choses lui étaient rapportées, le commandement les sanctionnait sévèrement.
Maintenant dites-nous ce qu’à fait la Direction des SA pour éviter de tels excès, des excès comme ceux qui s’étaient produits en 1933 ?
La Direction des SA de Prusse a travaillé en collaboration avec le ministre de l’Intérieur de Prusse et ses collaborateurs, afin d’éviter de pareils excès. Le chef d’État-Major Röhm a mis des hommes à la disposition de la Police auxiliaire et a choisi parmi les SA pour former le Feldjäger-Korps, qui s’est révélé particulièrement utile. Deuxièmement, la Direction des SA - pour gagner la confiance et pour la justifier, a travaillé continuellement à l’épuration des provocateurs dans ses rangs. Ceux qui étaient révoqués de la Police et de la Police auxiliaire étaient également chassés des SA. Les SA avaient un service de patrouilles pour s’assurer de la conduite de leurs hommes dans les rues et dans la vie publique. La plus grande préoccupation de la Direction des SA était que de nombreux chômeurs trouvent du travail, de les retirer des rues et de leur procurer une situation convenable. Il y avait aussi des mesures sociales qui furent prises par la Direction des SA, comme par exemple les camps de formation professionnelle ; les émigrations, la mise en culture des terrains et friches et différentes autres choses visant aux même fins.
Est-ce que le nombre des excès, des mauvaises actions commis par les membres SA, était grand ?
En comparaison avec la force que constituait les SA, les mauvaises actions commises étaient extrêmement rares. En outre, il ne faut pas oublier de tenir compte du facteur suivant : lors de ces excès, c’était toujours les SA qu’on accusait, parce qu’alors tout homme qui portait une chemise brune était considéré comme un SA ; on ne s’occupait pas s’il était SA ou non. Il fallait forcément donner à l’opinion mondiale une fausse image des SA. Cela destiné à causer un préjudice aux SA et on leur reprochait beaucoup de méfaits auxquels ils n’avaient pas pris part.
Savez-vous si l’on a fait des démarches pour éviter que des SA soient jugés devant des tribunaux civils pour de tels faits ?
Autant que je sache, de telles démarches pour tenter d’éviter la procédure légale de tribunaux civils n’ont jamais été faites par la Direction des SA. Dans les périodes d’amnistie générale, la Direction des SA a naturellement demandé la grâce de ses membres également.
Après la campagne contre les Juifs, en novembre 1938, le tribunal suprême du Parti a pourtant mis opposition à la poursuite des membres des SA qui avaient pris part à l’exécution de Juifs. Êtes-vous au courant de ces faits ?
Je ne sais pas cela, j’en ai entendu parler ici au cours de ma captivité.
Et quelle position prenez-vous vis-à-vis de cette accusation ?
Si je me souviens bien, le Haut tribunal du Parti a demandé qu’en premier lieu l’homme responsable de ces faits soit jugé.
Pensez-vous que cette attitude du Haut tribunal du Parti soit exacte ?
Je viens de l’exprimer en toute conscience. Il est seulement à regretter que la Haute cour du Parti n’ait pas prévalu. Mais la demande que des hommes qui en avaient tué d’autres soient libérés, c’est-à-dire qu’ils échappent à la condamnation de tribunaux réguliers, ne peut se justifier en aucune circonstance.
Une telle demande a-t-elle jamais été faite par la Direction des SA, ou par les membres des SA ?
Le principe essentiel de la Direction des SA était, particulièrement lors de cette campagne de novembre 1938, que les coupables dont la faute était prouvée devaient être punis, et cela non seulement par les SA, mais aussi par les tribunaux réguliers. Toutes les fois que le chef d’État-Major Lutze a été mis au courant de ces faits, il est, autant que je sache, toujours intervenu dans ce sens et a fait les démarches nécessaires. Nous avions, dans les SA, décidé avec les autorités de la Justice que si jamais un de nos hommes SA s’était rendu coupable d’un méfait répréhensible, il devait être traduit devant un tribunal et la Direction des SA en serait informée de façon à pouvoir d’abord suspendre immédiatement cet homme de ses fonctions et, si cela était nécessaire, lui interdire de continuer à porter l’uniforme des SA et, éventuellement, le punir de sa propre initiative. Ce principe, lors de la campagne de 1938, fut encouragé et appliqué par le chef d’État-Major Lutze.
Quels étaient le point de vue et l’attitude des SA dans la question juive ?
Les SA demandaient que l’influence des Juifs dans les affaires nationales, dans l’économie et la vie culturelle, soit réduite en accord avec leur situation comme une minorité en Allemagne. Ils invoquaient le numerus clausus.
Et quels étaient les motifs de ce désir ou de cette attitude ?
Ce désir, qui n’était pas particulier aux SA, était devenu général en Allemagne du fait qu’après la guerre, en 1918 et 1919, un grand nombre de Juifs vinrent des régions polonaises vers l’Allemagne pour s’imposer dans la vie économique et dans d’autres domaines de la vie du Reich ; ils prirent une influence considérable d’une façon indésirable. Toutes leurs exactions ainsi que leur influence dissolvante étaient connue à la suite de certains procès retentissants qui prévinrent contre eux l’opinion publique et aboutirent à un mouvement d’opposition. Même les Juifs qui étaient en Allemagne depuis longtemps et les sociétés de citoyens allemands de tendance juive prirent nettement position contre ces influences. Ainsi peut-on voir aisément que le désir des SA était bien fondé.
Les SA ont-ils excité les gens à la violence contre les Juifs ?
Nullement. Les chefs d’État-Major Röhm, Lutze et Scheppmann n’ont jamais parlé de la question juive dans leurs discours, ni donné de directives dans ce sens ; à plus forte raison n’ont-ils jamais cherché à exciter quiconque contre les Juifs. Le point de vue de la « race des seigneurs » n’était pas en vigueur dans les SA. Cela, du reste, eût été un non-sens, car les SA recrutaient toutes les couches de la population. L’anéantissement d’un peuple ou d’une race n’a jamais été envisagé par les SA, non plus que des actes de violence contre les Juifs. Ils n’ont pas propagé cette idée ; bien au contraire, la Direction a toujours pris position contre ces actions.
Peut-être pourrions-nous suspendre. Combien de temps pensez-vous encore interroger le témoin, Docteur BÖHM ?
Je crois que j’en ai encore pour une heure à interroger le témoin, peut-être une heure et demie.
Nous allons lever l’audience.