DEUX CENT CINQUIÈME JOURNÉE.
Vendredi 16 août 1946.
Audience du matin.
(Le témoin Jüttner est à la barre.)Docteur Böhm ?
Monsieur le Président, hier à la question que vous m’avez posée de savoir pendant combien de temps je procéderai à ce nouvel interrogatoire, j’ai indiqué un temps trop long. Après avoir étudié le dossier, je crois pouvoir conclure qu’un grand nombre de choses n’ont rien à voir avec les SA et par conséquent je pourrai considérablement abréger ce nouvel interrogatoire.
A propos du document PS-4011, Monsieur le témoin, j’aimerais vous interroger une fois encore sur l’information selon laquelle vingt et un groupes se sont chargés du transport des prisonniers. Quand cette façon de procéder est-elle entrée en vigueur et en quelle circonstance ces gens ont-ils transporté des prisonniers de guerre, c’est-à-dire, est-ce que ces hommes étaient chargés par les SA du transport des prisonniers de guerre ou bien est-ce que cette tâche fut remplie dans le cadre des attributions militaires de ces gens ?
Ce rapport a été fait d’après les rapports d’activité que faisaient les groupes chaque mois et, plus tard, tous les trimestres. Ces hommes dépendaient du service de garde des prisonniers, de la Wehrmacht ; c’est la Wehrmacht qui les mobilisait et les affectait.
Connaissez-vous le nombre des membres des SA qui travaillaient là en qualité de membres de la Wehrmacht pour le transport des prisonniers ?
Je n’en connais pas le nombre, mais il s’agit de détachements très peu importants.
Le représentant du Ministère Public a prétendu hier que la préparation militaire avait été la même avant qu’après le début de la deuxième guerre mondiale. Je voudrais vous demander si, avant le 1er septembre 1939, il y a eu des exercices de tir en vue de combats ou s’il s’agissait uniquement de tirs avec armes de petit calibre ?
II s’agissait seulement de tirs avec armes de petit calibre, comme nous y procédions autrefois aussi.
Mais j’ai insisté hier sur le fait qu’après le début de la guerre nous avons attaché plus d’importance aux exercices sportifs défensifs alors que les exercices physiques passèrent au second plan.
Etes-vous d’accord sur le contenu d’un grand nombre d’affidavits qui déclarent à ce propos qu’il était interdit dans les SA de donner aux manœuvres sur le terrain un caractère d’exercices militaires ?
Cela était interdit, et d’ailleurs nous n’étions pas en mesure de le faire parce que les chefs des SA, pour une très grande part, n’avaient pas une formation militaire suffisante pour pouvoir faire procéder à des exercices d’un caractère militaire.
Je vous pose maintenant une question de caractère historique qui est en rapport également avec l’exposé du Ministère Public à la page 14 du document PS-4011. Savez-vous quand Memel a été rattachée au IIIe Reich ? Savez-vous, peut-être, que cela se passait en mars 1939 ?
Je ne peux pas le dire exactement, mais ce doit être juste.
Est-ce que le territoire de Memel faisait partie de la Lettonie, de l’Estonie et de la Lituanie ou bien faisait-il partie de la province de Prusse Orientale ? Je crois pouvoir constater que le Ministère Public confond ici le groupe SA Ostland avec ce que l’on a appelé le Commissariat du Reich.
Je voudrais dire à ce propos que nous avons eu, organisé et dirigé des troupes SA, en Prusse Orientale, c’est-à-dire, le groupe SA Ostland. Dans le reste de l’Ostland, Lituanie, Lettonie, etc., il n’y a jamais eu d’organisation allemande de SA qui fut créée ou dirigée par nous.
Cette question est très vraisemblablement en rapport avec les documents dont l’Accusation a lu hier des extraits.
Je pourrais peut-être expliquer au Tribunal que, depuis le début du contre-interrogatoire, je suis maintenu en cellule et que je n’ai aucun contact avec la Défense des SA. C’est pourquoi, je crois, qu’à propos des documents présentés hier, qui contiennent des accusations monstrueuses et fausses contre les chefs et l’organisation des SA, je dois dire les trois phrases très brèves suivantes :
1. En ce qui concerne des documents si graves, on ne peut prendre position d’une manière précise que si l’on a eu la possibilité de les examiner en détail et les vérifier. Cela ne m’a pas été possible.
2. En ce qui concerne de nombreux extraits de documents, on n’a posé aucune question, par exemple en ce qui concerne la lettre de Blomberg.
3. En ce qui concerne les documents que l’on m’a présentés séparément, on m’a posé des questions qui n’avaient que peu de rapport avec les faits dont il était question. Ainsi, par exemple, en ce qui concerne le rapport de la brigade n° 50 au sujet de la destruction des synagogues.
Aujourd’hui encore je considère cette information comme inexacte, parce que ce qu’elle contient est impossible, ensuite parce que ce qui a été fait selon ce rapport n’était pratiquement pas réalisable en si peu de temps. Je crois toutefois que, par ses questions, la Défense pourra lever tous les doutes.
L’Accusation tire cette conclusion du document PS-4011 que la Direction des SA se serait occupée de peuples étrangers. J’aimerais, à ce propos, vous demander ce qui suit : avez-vous fait cela et cela aurait-il jamais été votre intention ?
Nous ne nous sommes pas occupés de peuples étrangers dans les SA, et cela n’a jamais été notre intention non plus.
Monsieur le témoin, vous connaissez très certainement l’ordonnance du Gouvernement du Reich selon laquelle, dans le Commissariat du Reich Ostland, la constitution d’organisations du Parti était interdite ? Par conséquent, en Estonie, en Lituanie ou en Lettonie, pouvait-il y avoir un groupe SA ou une brigade SA appelée Vilna ?
Non, il ne pouvait pas y en avoir. Nous n’en avons pas organisé ni installé. Les hommes des SA qui exerçaient une activité là-bas ne dépendaient pas de la Direction des SA. Par exemple, les chefs SA nommés hier, Kuntze et Kramer étaient des chefs « z. V. », c’est-à-dire à disposition pour des tâche spéciales. Ces hommes, d’ailleurs, portaient un autre uniforme que celui des SA. C’est cela peut-être qui explique la confusion.
Auriez-vous contrevenu à une telle ordonnance du Gouvernement du Reich ?
En aucun cas.
Aurait-il été possible que les SA fussent chargés de l’administration du ghetto de Vilna ?
Les SA n’ont ni créé ni administré de ghettos. Les SA, en tant qu’organisation, ou la Direction des SA n’ont, à aucun moment, été chargés de telles tâches.
Docteur Böhm, lorsque vous parlez d’un ordre du Gouvernement du Reich, est-ce que vous vous référez un document ?
Non, mais à un ordre du Gouvernement du Reich qui est généralement connu. (Au témoin.) On a présenté hier affidavit d’un certain M. Szloma Gold. Je voudrais vous demander à ce propos ce qui suit : est-ce que vous avez jamais eu sous vos ordres le commissaire de la ville de Vilna et avez-vous eu des pouvoirs quelconques sur lui et a-t-il exercé une activité quelconque sous vos ordres ?
Aucun commissaire dans l’Ostland ne dépendait de la Direction des SA ; aucun n’a reçu d’ordres de la Direction des SA. On a fait également allusion hier, si je me souviens bien, à des membres féminins des SA. Il n’y en a jamais eu.
Est-ce que le Commissaire régional de Vilna a jamais été sous vos ordres ?
J’ai dit déjà que les commissaires ne dépendaient pas de la Direction des SA ?
Cet affidavit ne précise pas s’il s’agit bien d’un commissaire. Il dit simplement que la personne spécialement chargée des questions juives était un certain chef SA, Murer. Est-ce qu’il dépendait de vous dans cette activité à Vilna ?
Le personnel qui travaillait auprès des commissaires, pas plus que cet homme, ne dépendaient de la Direction des SA. S’il a été employé là-bas, il était libéré des SA pendant toute la durée de sa mission, et il exerçait son activité et remplissait sa tâche là-bas, sans que la Direction des SA pût exercer une influence quelconque sur lui.
A propos de l’Accusation contre une autre organisation, le Ministère Public a présenté un document qui porte le numéro USA-276. Je me permettrai de citer à la page 2 de ce document le dernier paragraphe : « De même, dès les premières heures après l’invasion, en dépit de difficultés considérables, des forces antisémites indigènes furent excitées à entreprendre des pogroms contre les Juifs. D’après les ordres donnés, la Police de sécurité était décidée à résoudre le problème juif par tous les moyens ».
Dans l’Accusation menée contre le SD, le Ministère Public prétend que c’était la Police de sécurité qui organisait les pogroms à Vilna, à Schaulen et à Kovno. Dans l’accusation contre les SA, d’autre part, le Ministère Public prétend que c’était les SA. En tant que défenseur, j’aimerais savoir quelle organisation porte effectivement la responsabilité de ces pogroms de Juifs dans ces villes et je vous demande si la Direction suprême des SA, par des ordres ou par des instructions, a participé à des excès quelconques ou à des assassinats de Juifs dans cette région ?
A aucun moment, dans aucune circonstance.
Et maintenant, on a présenté hier un affidavit d’un certain M. Chaim Kagan. Le témoin prétend avoir vu des jeunes filles en uniforme. SA. Y a-t-il jamais eu des membres féminins des SA ?
J’ai déjà répondu en disant que nous n’avons jamais eu de membres féminins des SA.
Et maintenant, n’est-ce pas une absurdité cette accusation de cet affidavit qui prétend que ces hommes étaient ou devaient être des membres des SA parce qu’ils portaient un uniforme de couleur brune ? Cette affirmation est répétée à plusieurs reprises dans cet affidavit.
Lors de mes dépositions d’hier et d’avant-hier, à plusieurs reprises, j’ai déjà attiré l’attention sur le fait qu’au cours des années et que, par conséquent, là-bas aussi toujours, tous ceux qui portaient une chemise brune étaient pris pour des SA et cela se retrouve encore là, bien que ces gens-là n’eussent rien à faire avec les SA.
II en est de même en ce qui concerne l’affidavit de M. Leib Kibart qui désigne également les gens dont il parle comme étant des membres des SA et qu’il identifie avec des membres des SA parce qu’ils portent un uniforme brun et ce brassard à croix gammée. Est-ce que cet uniforme brun et ce brassard n’étaient pas portés par tous les autres et, en premier lieu, par ceux qui, dans le cadre du ministère de l’Est et de tout ce qui s’y rattachait, étaient occupés dans cette région ? Il y a eu un uniforme de l’Est. Est-ce que cet uniforme était porté par les SA et est-ce que l’on pouvait confondre cet uniforme avec celui des SA ?
L’uniforme de l’Est était porté par ceux qui étaient en fonction dans ce cadre et non en fonction dans les SA mais dans l’administration de l’Est. Cet uniforme était de couleur brune et, à ma connaissance, comportait également le brassard à croix gammée et, indubitablement, comme tout autre uniforme de couleur brune, pouvait être confondu avec l’uniforme de service des SA.
On a présenté hier un document, R-135. Il s’agit d’une lettre du Commissaire du Reich pour l’Ostland, datée du 18 juin 1943. Voici ce que je voulais vous demander : est-ce que le Commissaire du Reich pour l’Ostland a jamais dépendu de vous, d’une manière ou d’une autre ?
II n’y a jamais eu de commissaire du Reich de l’Est qui ait dépendu de la Direction des SA. Ils dépendaient de l’administration de l’Est et la Direction des SA n’avait aucun influence sur cette dernière. Ce n’était d’ailleurs pas sa tâche.
Je voudrais maintenant vous présenter le paragraphe qui a été hier l’objet de l’exposé du représentant du Ministère Public, mais qui, à mon avis, ne correspondait pas au contexte. Voici le texte : « Sur ordre du chef de la lutte contre les bandes de partisans... ».
Quelle est la référence de ce document ?
II s’agit du numéro R-135, Monsieur le Président. C’est l’avant-dernier alinéa de ce document.
« Sur ordre du chef de la lutte contre les partisans, le SS-ObergruppenfÜhrer von dem Bach, des unités des Wehrmannschaften ont également participé à l’entreprise. Le SA-Standartenführer Kunze a commandé les Wehrmannschaften dont faisaient partie également quatre-vingt-dix personnes de mon unité et du district du commissariat de Minsk-Vilna. Nos hommes sont rentrés hier de cette entreprise sans pertes. Je refuse d’assigner de telles missions à des fonctionnaires et employés dépendant du Commissariat Général. Les hommes que j’emploie n’ont pas reçu d’ordres pour combattre les partisans à la place de la Wehrmacht et de la Police. Un employé de la voie, appartenant à la Wehrmacht, a été blessé (balle au poumon). »
Est-ce que cela ne montre pas clairement qu’il s’agissait là d’employés de la voie et de fonctionnaires avec lesquels on avait formé un commando de combat pour lutter contre les partisans, organisés à la suite d’un ordre de la Russie soviétique ? Est-ce que cela pouvait être un commando de SA ?
Non, aucunement. On les a appelés hommes de la Wehrmacht sous les ordres d’un chef SA nommé Kunze, qui se trouvait pour un certain temps en dehors du corps de commandement des SA. Il était chef pour une mission spéciale. Il était dans l’Est. Je l’ai connu, mais ce n’est que maintenant que j’apprends qu’il a été dans l’Est. Il a été employé dans le cadre de l’administration de l’Est, mais non en qualité de chef SA. S’il a formé des Wehrmannschaften, il ne s’agissait pas là de Wehrmannschaften des SA. Il n’y en avait pas là-bas. Ces groupements n’étaient ni organisés ni créés, et ils n’étaient pas non plus influencés d’une manière quelconque par nous.
II est donc probablement exact que Kunze était un fonctionnaire du Commissariat du district de Minsk et qu’il n’avait absolument rien à faire avec la Direction suprême des SA ?
C’est juste.
Docteur Böhm, voulez-vous demander au témoin ce que signifie littéralement le terme de « Wehrmannchaften » ?
Le témoin a déjà pris position à ce sujet hier en distinguant d’une manière très nette entre les Wehrmannschaften SA et les Wehrmannschaften tels qu’ils sont indiqués ici.
Je vous ai demandé ce que signifiait littéralement ce mot.
Monsieur le témoin, j’aimerais vous prier d’expliquer à Monsieur le Président ce que vous entendez par le terme « "Wehrmannschaften » ?
Votre Honneur, je me permettrai de faire une distinction entre les Wehrmannschaften des SA et les Wehrmannschaften tels qu’ils sont mentionnés ici. Les Wehrmannschaften des SA devaient, d’après le décret d’Adolf Hitler daté de janvier 1939, être formés en partant d’éléments des SA du Reich qui avaient été libérés en tant que soldats, de sorte qu’ils pouvaient être spirituellement et physiquement préparés pour la défense.
Par contre, ces « Wehrmannschaften » qui sont cités dans ce document ont reçu cette désignation sans que nous n’y puissions rien et je suppose que ces Wehrmannschaften étaient des hommes qui s’étaient constitués eux-mêmes en groupes pour la lutte contre les partisans dans les territoires occupés.
Monsieur le Président...
Le témoin ne m’a toujours pas dit ce qui signifie ce mot. C’est un mot allemand. Ce que nous voulons, c’est une traduction, s’il est possible de traduire ce mot ?
Puis-je me permettre de l’expliquer. Je voudrai simplement dire que c’est un groupe de personnes désireuses, de leur propre initiative, de lutter contre une attaque venant de n’importe quel côté.
Êtes-vous d’accord sur ce que votre avocat ou l’avocat de l’organisation a dit en ce qui concerne la signification de ce terme ?
Je peux le définir autrement : un détachement groupé sous les ordres d’un chef pour être utilisé dans la lutte contre des actions ennemies dans les territoires occupés c’est-à-dire à l’arrière du front ; une organisation de défense.
Je crois qu’il est nécessaire, Monsieur le Président que je vous montre et que je vous démontre, sur la base du document PS-4011, la différence existant entre les Wehrmannschaften tout court et les Wehrmannschaften SA. Dans le document PS-40 page 10, le chef adjoint du commando général 4 A. K. a dit dans troisième alinéa, à l’avant-dernière ligne...
Vous avez dit « page 10 », mais vous n’avez pas dit de quel document il s’agit ?
Je crois l’avoir déjà dit, Monsieur le Président. C’est le numéro PS-4011. C’est le troisième alinéa : « Le commando général 4 A. K. parle de SA-Wehrmannschaften et le même terme revient à la même page du même document dans l’alinéa 5. C’est une prise de position de l’adjoint du Général Kommando IV A. K. d’armée. Il y est également dit : « Alors que j’appartenais au SA-Wehrmannschaften, le 2 juin 1940... » Étant donné qu’il fait allusion aux Wehrmannschaften des SA, c’est que ce sont des Wehrmannschaften SA, et elles sont à désigner de toute façon sous le terme de Wehrmannschaften, et pour...
Docteur Böhm, la traduction que nous avons dit : « A l’occasion de ma présence à l’entraînement des SA-Wehrmannschaften, le 2 juin 1940, j’ai constaté que l’entraînement préliminaire, physique, militaire, des SA-Wehrmannschaften, spécialement dans les conditions difficiles des temps actuels, s’était pratiqué par tous avec le plus grand zèle ». Et l’on utilise ce mot ici en ce qui concerne les SA.
Oui, certes, Monsieur le Président. Mais je voudrais opposer la désignation « SA-Wehrmannschaften » pour le cas où il ne se serait pas agi d’organisations des SA.
Docteur Böhm, je ne crois pas qu’il vaille la peine de discuter. Ce que je vous demandais simplement, c’était la signification du mot, et le témoin me l’a maintenant expliqué. Selon le décret de Hitler de janvier 1939, certains hommes appelés Wehrmannschaften devaient être appelés dans le Reich à se tenir prêts pour la défense. Il serait peut-être utile que nous nous référions à ce décret, si possible ?
Si cette définition du terme suffit, Monsieur le Président, je puis poursuivre.
Oui, certainement.
D’une déclaration sous la foi du serment d’un certain Rudolf Schönberger, il ressortirait que la Direction suprême des SA avait, par ordre, la tâche de surveiller les camps de travailleurs forcés. C’est la première déclaration faite à ce sujet. J’aimerais vous demander de qui dépendaient les camps de travailleurs forcés. Pouvez-vous éclaircir ce point, Monsieur Jüttner ? Avez-vous jamais détaché des hommes, comme les SA-Wehrmannschaften ou comme des unités de SA auprès de la Police auxiliaire ou de tout autre autorité pour être employés ou utilisés dans ces camps de travail ?
A ce sujet, j’ai à dire que les tâches de la Police n’ont à aucun moment fait partie des tâches des SA.
La surveillance des camps de travailleurs forcés est également une tâche policière. Si l’on a fait appel à des hommes des SA pour une telle tâche, ils ont été mobilisés à cet effet et, de ce fait, ils n’étaient plus sous l’autorité des SA. Dans ce travail, ils s’acquittaient de leur tâche de police tout comme tout autre employé dans un autre emploi remplissait ses fonctions là-bas. Mais l’homme des SA, pendant toute la durée de sa tâche de Police, restait un SA mais était en congé des SA et ne dépendait plus de l’influence de la Direction des SA.
Même pas en ce qui concerne les ordres ?
Non plus en ce qui concerne les ordres.
II y a encore un autre document que j’aimerais vous présenter. C’est le document PS-3661. De ce document qui porte la signature d’un certain Gewecke, l’Accusation veut essayer de démontrer la participation de la Direction suprême des SA ou de l’organisation à des excès commis contre les Juifs de l’Ostland. C’est pourquoi j’aimerais vous demander si l’en-tête du commissaire de district de Schaulen ne montre pas qu’il s’agissait bien là d’une affaire qui dépendait du Commissariat du Reich de l’Ostland ? Cette lettre a été écrite le 8 septembre 1941 et l’en-tête est la suivante « Le commissaire de district de Schaulen ». Je vous demande si le commissaire de district de Schaulen a jamais dépendu de vous d’une manière quelconque ?
J’ai insisté à plusieurs reprises sur le fait que les commissaires dans les territoires occupés de l’Est et en général les forces envoyées et employées dans les territoires occupés n’ont dépendu en aucune manière de la Direction des SA et que par conséquent, ils ne recevaient et ne pouvaient recevoir aucun instruction de la Direction des SA. Ce commissaire de district, lui non plus, n’était pas sous l’influence des SA.
Par conséquent, cette situation est très claire Cette lettre est signée Gewecke. Ce dernier, en effet, était SA, mais il est intéressant de montrer à ce propos que, du document, il ressort que ce Gewecke se plaint d’excès commis contre les Juifs et ce, par le Commandement des SS.
Le document suivant a été présenté sous le numéro D-970 et a trait au chef de la Police de sécurité et du SD dans le Gouvernement Général. En ce qui concerne ce document du Ministère Public, je me permettrai de préciser que Katowice et le poste extérieur d’Ilkenau ne se trouvent pas dans le Gouvernement Général mais en Haute-Silésie et j’aimerais vous demander maintenant de considérer la phrase suivante que je vais citer :
« C’est pourquoi l’État-Major de construction de Katowice (Baustab) a formé un commando spécial comprenant douze hommes des SA, chargés de recruter par la force de la main-d’œuvre dans les villages ».
Ne ressort-il pas de cette phrase que le service donnant l’ordre n’était pas un service des SA mais un service officiel, à savoir le Baustab de Katowice qui a, par hasard, choisi des gens qui, entre autres, étaient membres des SA ?
M’avez-vous compris, Monsieur le témoin ?
Oui, et quelle est la question à laquelle je dois d’abord répondre ?
Un Baustab de Katowice a-t-il jamais été sous vos ordres ?
Non. Aucun Baustab ; il s’agit très probablement de Baustab de l’organisation Todt, n’a jamais été subordonné au commandement SA. Si un Baustab employait des hommes des SA pour de telles missions, il prenait — sans aucun doute — des hommes parmi son personnel qui étaient également membres des SA. C’était alors en dehors des compétences de la Direction des SA. Si de tels hommes se sont rendus coupables d’actes illégaux, de ce fait, ils méritent une juste punition. En tous cas, la Direction SA, comme le montre d’ailleurs le document, n’a eu aucune influence sur de tels recrutements. Ils étaient employés par le Baustab qui ne dépendait pas du commandement SA.
Aurait-il pu vous échapper qu’il y ait eu des Einsatzkommandos SA à Katowice dont vous n’auriez pas eu connaissance ? Est-ce que cela aurait été possible ?
J’ai déjà insisté hier et je répète aujourd’hui que le terme « Einsatzkommando » était absolument étranger aux SA et que nous n’avons jamais formé d’Einsatzkommandos pour de tels buts. Si des Einsatzkommandos ont existé et si des membres des SA se trouvaient dans les rangs de ces Einsatzkommandos, cela n’est pas en raison d’une instruction des SA et cela ne signifie pas non plus l’assentiment des SA.
Le Ministère Public a présenté hier une lettre du Reichsführer SS inspecteur des camps de concentration au Reichsführer SS et chef de la Police allemande, du 21 février 1940. Malheureusement, je ne me souviens pas du numéro d’ordre qui a été donné hier lorsqu’on a présenté le document, mais en tout cas j’ai ici une photocopie du document et il ne peut y avoir de doute à m sujet.
J’aimerais vous demander maintenant si les SA avaient sous leurs ordres un camp de travail pour ivrognes et réfractaires au travail, comme cela a été affirmé hier par le Ministère Public et comme pourrait le montrer l’interprétation de ce texte. Au sujet du camp de Frauenberg près d’Admont, il dit : « La surveillance est effectuée par les SA, environ vingt hommes ».
Que pouvez-vous dire au sujet du document présenté par le Ministère Public au sujet du camp de travail de Frauenberg en Styrie ? Au sujet du camp de travail dans lequel on aurait employé vingt hommes des SA pour la surveillance ? Voudriez-vous voir le document ? L’avez-vous déjà vu ?
Non. (On remet le document au témoin.)
Vous trouverez cette constatation à la seconde page de ce document, dans le dernier tiers.
Je puis dire à ce sujet qu’après la prise en charge des camps de concentration par le Reichsführer SS, à ma connaissance, à la fin de l’année 1933, les SA, en tant qu’organisation, n’avaient rien à faire avec les camps de concentration et leur surveillance. Si, en fait, on a fait appel à des membres des SA pour la surveillance, les autorités les ont mobilisés en tant que Police auxiliaire ou quelque chose de similaire pour exécuter cette tâche. Mais en ce cas, ils étaient complètement retirés de la responsabilité et de la compétence des SA.
Un autre document qui a été présenté sous le numéro PS-4013 dit :
« Ce matin, il m’a été demandé par des milieux britanniques dignes de foi s’il était possible que des Autrichiens d’Allemagne puissent envahir l’Autriche derrière le dos de Hitler et Habicht. Mon informateur a ajouté que, jusqu’à présent, on a ignoré de telles attaques de la part des Autrichiens, mais que l’information lui venait d’une source tellement digne de foi qu’il n’avait eu d’autre ressource que de venir prendre contact avec nous. J’ai peur d’une provocation possible par des éléments payés, qui, si elle était annoncée juste en ce moment, pourrait amener des conflits ».
Je voudrais simplement vous demander à ce sujet s’il s’agit là de ces bobards habituels qui étaient autrefois fréquents ? Connaissez-vous ce document ?
Non, je ne le connais pas. (Le document est remis au témoin.) Je puis dire à ce sujet que. jusqu’à hier, je n’ai rien su de cette affaire. J’aurais certainement dû en avoir connaissance. Les réfugiés ou émigrés autrichiens ont formé ce que l’on a appelé la Légion autrichienne qui est devenue plus tard camp auxiliaire nord-ouest et a été placé intentionnellement plusieurs centaines de kilomètres de la frontière autrichienne c’est-à-dire sur le Rhin, et cela même doit faire comprendre que l’inventeur de cette supposition qui parle de l’incident de frontière que l’on redoutait, parle de choses qui ne pouvaient même pas être envisagées. En tous cas, je n’ai pas entendu parler de cette affaire.
Le Ministère Public a présenté hier un autre document qui est le numéro D-951. Il est dit sur la deuxième page de ce document :
« D’après le rapport des quartiers généraux du district militaire IV, les SA-Brigadeführer sont également avisés d’avoir à envisager la formation d’une garde d’état-major de ce genre et d’engager à cet effet des membres des SA pour un an ou un an et demi. Du point de vue numérique, il s’agirait de 6.000 à 8.000 hommes des SA armés en permanence de fusils et de mitrailleuses dans la zone du district militaire IV. » La lettre est datée du 6 mars 1934 ou du 2 mars 1934.
Dans la deuxième lettre il est dit : « L’instruction sera faite avec le fusil modèle 98 ». Avez-vous vu ce document ?
Non, mais j’en ai entendu parler hier. (Le document est remis au témoin.)
Ces documents ne se rapportent-ils pas à la milice populaire à laquelle songeait Röhm et qui a échoué ? Je vais vous prier de décrire quels étaient les plans des milices populaires de Röhm en ce qui concerne leur aspect politique, mais je vous prie d’être bref.
Tout d’abord, en ce qui concerne la question des gardes d’état-major, il y a eu des gardes d’état-major qui étaient en partie armées pour protéger les services et également pour des gardes d’honneur et pour d’autres services de garde. Que 6.000 hommes aient formé la garde d’état-major de Höchst sur le Main, cela est certainement hors de question. M. von Blomberg se trompait constamment et, apparemment, il s’est trompé ici encore. Ses erreurs ressortent tout particulièrement d’une correspondance échangée après la mort de Röhm où, au sujet d’un ordre du 8 mai 1934, il m’a attaqué personnellement et a décrit d’une manière absolument fausse ce qui s’était passé. A la suite de représentations de ma part, il s’est excusé auprès du chef d’État-Major Lutze en donnant l’explication suivante qu’en des temps aussi troublés de telles erreurs pouvaient être commises. Si Votre Honneur le désire, je peux donner des détails à ce sujet.
Par ailleurs, le chef d’État-Major Röhm, comme il l’a indiqué à plusieurs reprises lors de conférences chez le Führer, voulait créer à côté de la Reichswehr une milice prélevée dans les rangs des SA qui devait comporter 300.000 hommes. Lorsqu’il en parlait, il insistait toujours sur le fait que le chef d’État-Major devait garder sa parole qu’il avait donnée au vieux monsieur (il s’agissait de von Hindenburg) qu’il ne devait pas toucher à la Reichswehr. En ce qui concerne ces plans de milice, il en a parlé presque ouvertement avec les attachés militaires des puissances occidentales. Moi-même j’en ai été témoin, à deux reprises, et j’ai eu l’impression très nette que l’attaché militaire de Franco, en particulier, n’avait aucune objection à faire contre ce plan.
Docteur Böhm, nous n’avons pas besoin de toute cette discussion. Le témoin dit, si je comprends bien, que ce documents se réfère à une milice que Röhm voulait instituer. Est-ce cela ?
Oui, c’était le plan de Röhm.
Bien, c’est tout ce dont nous avons besoin.
Est-ce que ces plans n’ont pas été classés définitivement ? Ne sont-ils pas tombés à l’eau à la mort de Röhm ?
A ma connaissance, ils n’ont été poursuivis en aucune manière. Au contraire, les armes relativement peu nombreuses que possédaient les gardes d’état-major furent ramassées après le 30 juin et remises.
Je passe ensuite au document suivant, PS-3050, première page A. Ce document a été présenté hier au cours de l’interrogatoire contradictoire et il contient un recueil d’articles du journal Der SA Mann au sujet duquel, d’ailleurs, on a pris position d’une manière tout à fait détaillée devant la commission et on a montré quelle était l’influence que pouvait avoir ce journal sur les hommes des SA et quelle était l’influence du Commandement suprême SA sur ce journal. Mais comme ces journaux ont été présentés une nouvelle fois, il nous faut donc prendre position de nouveau, aussi brièvement que possible. D’autre part, il est faux, lorsqu’on cite des articles, de n’en donner que des extraits.
Docteur Böhm, vous semblez n’avoir pas compris que vous n’êtes pas ici pour faire des commentaires. Vous êtes ici pour poser des questions au témoin. Si vous désirez poser des questions au témoin, posez-les.
Monsieur le Président, j’aimerais citer un article qui n’a pas encore été lu : document A-3050. Cet article doit être cité par moi, Monsieur le Président, parce que je voudrais poser une question à son sujet. Ce document — je vous prie de bien vouloir en prendre acte — a été présenté par le Ministère Public mais pas sous la forme où il est donné ici. Il est extrait de Der SA Mann.
L’article dit : « Étant donné que la marche est également un exercice sportif, les mêmes principes lui sont applicables qu’aux autres sports. Santé et robustesse du corps sont des conditions nécessaires à l’entraînement à la marche. Pour ceci, les soins à donner aux pieds sont particulièrement importants ». Suivent les conseils pour les soins des pieds dont je ne veux pas vous entretenir, Messieurs les juges.
Plus loin, il précise que la marche n’est pas seulement importante pour le soldat de la Wehrmacht, mais aussi pour le soldat politique, l’homme des SA. Par conséquent, à mon avis, il s’agit là d’une question qui n’a absolument rien de militaire.
Dans le document C-3050, il y a aussi un article, du SA Mann, du 24 mars 1934, intitulé : « Nous allons sur les terrains ». C’est le troisième article soumis au Tribunal dans le document PS-3050 et qui est supposé prouver que l’attitude des SA était militaire. C’est pourquoi l’article devait être mentionné.
Docteur Böhm, je vous ai déjà dit que vous présentez une argumentation sur le document PS-3050 alors que vous êtes là pour poser des questions au témoin au sujet de ce document.
Le document que j’ai lu, Monsieur Jüttner, et dont j’ai fait une rectification, devait montrer d’après le Ministère Public le caractère militaire des SA parce qu’il parle des soins à donner aux pieds et parce qu’il a été publié dans le journal Der SA Mann. Est-ce que cet article a été publié sur votre ordre ?
Le Commandement suprême SA ne donnait pas d’ordres pour les articles du SA Mann. Les éditeurs en étaient responsables. Les SA n’ont jamais eu un caractère militaire et n’ont jamais cherché à en avoir. Si, comme on a dit hier, le journal Der SA Mann était utilisé comme auxiliaire dans l’éducation et l’entraînement des SA, c’était parce que...
Nous ne voulons pas entendre cet argument encore une fois, Docteur Böhm. Nous savons parfaitement bien que vous dites que ces documents sur l’entraînement ne visaient simplement que les sports. Le témoin l’a déjà dit vingt fois au cours de l’interrogatoire.
Oui, Monsieur le Président. Il faut que, d’une façon quelconque, le témoin puisse prendre position au sujet de ces documents puisqu’ils ont été présentés hier ; il faut que je lui pose des questions, mais il faut que je porte ces documents à sa connaissance s’il doit pouvoir prendre position à leur sujet en déposant. Il n’y a pas d’autre occasion.
II a largement l’occasion de se familiariser avec eux. Ces documents lui ont été remis hier.
Ils ne lui ont pas été présentés et aucune question ne lui a été posée.
II a déclaré hier que c’était une conférence de Lutze.
Non, pas ce document, Monsieur le Président, toute la série de documents.
Docteur Böhm, si vous posiez des questions au lieu de discuter, on pourrait aller plus vite, et si vous ne désirez pas poser de questions, vous n’avez qu’à cesser votre interrogatoire.
Bien, Monsieur le Président. (Au témoin.) Dans un autre article, faisant également partie du document 3050, daté du 24 mars 1934, intitulé : « Nous allons sur le terrain », il est dit :
« Le moyen le plus efficace entre les mains d’un chef de la jeunesse est d’implanter dans le cœur des jeunes l’amour de la nature et de les endurcir physiquement et moralement ».
Est-ce que vous concluez de cet article, qui n’a pas été écrit par vous ou sur vos instructions, pas plus que les autres, qu’il dénote une attitude militaire ou un entraînement militaire ?
Non.
Dans le document E-3050, il est dit, à la troisième ligne : « Pour le SA, il n’y a pas d’oisiveté, il n’y a pas non plus de fatigue, que ce soit dans son activité politique ou dans son travail ou pour sauver les biens précieux de l’économie allemande. Le SA est toujours prêt à l’action ». Pouvez-vous en conclure une attitude militariste ? Je ne sais pas qui a écrit cet article, il ne l’a pas été sous vos ordres en tout cas ; mais peut-on prendre la position exprimée ici qu’il vise un entraînement militaire ou une attitude militariste ?
Personne ne peut penser qu’on peut en déduire une telle attitude.
Le document F-3050 est désigné comme étant militariste car il contient un plan de service qui prévoit : six heures d’exercice, trois heures de tir et trois heures d’exercices sur le terrain par mois pour les membres des SA. Je voudrais vous demander ce qu’on entend par exercice.
L’exercice d’ordre, comme son nom l’indique, comprenait des exercices d’ordre en vue de manifestations publiques, parades, etc. Il est évident que c’était une nécessité. Lorsque, par exemple, comme j’avais à le faire, il fallait, à l’occasion d’un congrès du Parti, faire déplacer jusqu’à 120.000 personnes, il fallait que le service d’ordre fût préparé par des exercices si l’on voulait que le spectacle fût quelque peu présentable. C’est la raison pour laquelle on procédait, à des exercices d’ordre comme on en fait également dans d’autres pays.
Sur quoi portaient les exercices de tir ?
Nous n’avions que des fusils à petit calibre d’un modèle de sport et il s’agissait d’exercices sportifs.
Et en quoi consistaient les exercices sur le terrain ?
Un essai a été tenté pour entraîner les hommes moralement et éveiller chez eux l’amour de la nature. Ils devaient, dans les exercices les plus variés, être forcés de réfléchir, d’exercer leur courage et faire preuve d’esprit d’initiative. Il en était de même des exercices motorisés du NSKK où les motocyclistes étaient entraînés au cross-country et devaient vaincre les obstacles du terrain.
Dans un autre article du même document, il est dit que « La différence entre tir et vue reflète la différence entre l’entraînement des SA et celui des soldats, c’est-à-dire de la Wehrmacht. » Et plus loin : « ... l’observation militaire de campagne n’est qu’une partie de ce qu’on entend par observation de campagne des SA ». Je voudrais vous demander dans quelle mesure les exercices observation de campagne des SA ont un rapport avec les exercices militaires d’observation de campagne et, en particulier, s’il est exact que ces exercices d’observation de campagne des SA n’allaient pas beaucoup plus loin que le caractère militaire ? Est-il exact que les SA ne considéraient pas les observations en campagne particulièrement du point de vue du tir dans le sens technique du mot ? Est-il exact que, par l’observation en campagne, ils devaient avant tout apprendre à connaître leur pays et que c’est dans ce dessein qu’on les entraînait à la marche et à l’observation en campagne.
Toutes ces questions ne sont pas, en fait, des questions insidieuses. Il est suffisamment clair que tout membre de SA ne voyait aucun rapport entre les exercices militaires d’observation et ces exercices d’observation de SA. Dans les SA, nous combinions les observations en campagne et les exercices en campagne avec un entraînement idéologique de l’homme, c’est-à-dire que nous voulions éveiller et approfondir en lui l’amour de son pays. Par-dessus tout, le service en campagne avait pour rôle de lui enseigner les beautés naturelles de son pays, la signification historique des lieux où l’on procédait à ces exercices.
Je crains que vous ne compreniez pas ce que je dis. Je pensais vous avoir dit que nous avions compris votre argument que l’entraînement qui était donné aux SA n’avait pas de but militaire mais était donné dans un but pacifique. Votre argument ne se trouve pas prouvé par la répétition et le Tribunal ne désire pas en entendre plus long là-dessus.
Certes, Monsieur le Président, je puis laisser de côté les articles suivants qui portent tous plus ou moins sur le même sujet et je ne poserai pas d’autres questions sur ce point.
On a présenté d’autre part, hier, le document 4009 qui devait démontrer que l’article contenu dans le journal Der SA Mann provenait semi-officiellement de la direction suprême SA. C’est un sujet qui a également été discuté plusieurs fois, mais si ces faits sont présentés dix fois, je vous prie, Monsieur le Président, de me laisser prendre position dix fois. Ces questions ont été traitées dans leurs moindres détails devant la commission qui en a éclairci chaque point, même le plus petit. Hier, ce document a été présenté à nouveau et c’est pourquoi à nouveau je suis obligé de prendre position à ce sujet, bien que je le fasse à contre-cœur.
Vous pouvez poser des questions au témoin sur le document. Je suppose qu’il y a dans votre langue une différence entre « faire des commentaires » et « poser des questions ». Voulez-vous poser une question au témoin ?
Oui, Monsieur le Président. Témoin, on a présenté hier un document de l’attaché de presse du Der SA Mann. Il s’agit d’une lettre adressée à M. Körbel, qui était à ce moment-là Reichsleiter. On l’incitait à écrire un article. Est-ce que cela avait un rapport quelconque avec la Direction suprême des SA ?
Je n’ai pas très bien compris. Körbel n’était pas Reichsleiter. A qui était adressée la lettre ?
La lettre était adressée à Rosenberg.
II s’agit donc d’une lettre de Körbel à Rosenberg ?
Oui.
C’est en sa qualité d’éditeur du SA Mann qu’il a écrit cette lettre. S’il voulait avoir un article pour le journal, c’était uniquement son affaire. Si par la même occasion il se décerne le titre d’attaché de presse du Commandement suprême SA, tout ce qu’il avait à faire en cette qualité était de faire parvenir au reste de la presse allemande les informations que nous voulions publier et de veiller à cette publication.
Dans cette lettre, il est question de 750.000 abonnés. On pourrait supposer, bien que ce ne soit pas exprimé ici, que ces 750.000 abonnés étaient des membres des SA. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Je ne sais pas comment étaient répartis ces 750.000 abonnés. Je sais seulement que ce journal sur lequel nous avions des opinions partagées ne trouvait pas un accueil excellent, et par conséquent, comparativement parlant, était assez peu lu dans les milieux SA.
Savez-vous que ce journal a été interdit ?
II fut interdit en 1939.
II a été présenté hier un autre document, 1-366. Il s’agit d’un rapport de M. Koechling, chargé de mission de l’OKW auprès du chef de la Jeunesse du Reich : il concerne le corps franc allemand sudète. Je vous prie de montrer le rapport qu’il y a eu entre les SA et le corps franc allemand des Sudètes.
Votre Honneur, autant que je me souvienne, j’en ai déjà parlé devant la commission. Personnellement, j’étais chargé par les SA des fonctions de chef de liaison avec Konrad Henlein.
Monsieur Jüttner, je pourrais peut-être abréger en demandant : est-il exact qu’il y ait eu une association ou une coopération des SA avec ce corps franc allemand des Sudètes uniquement dans le domaine suivant : à l’époque où ils étaient réfugiés en Allemagne et où ils n’étaient pas encore organisés en corps franc, ces gens étaient soutenus financièrement et économiquement par les SA : couvertures, nourriture, par exemple, de sorte qu’ils avaient le nécessaire pour vivre.
Dans certains secteurs isolés, des hommes des SA, sans qu’ils aient reçu des ordres pour le faire mais simplement des conseils, ont porté secours à des unités isolées de ce corps franc. D’une part, ils ont aidé à l’établissement des réfugiés et fourni aux membres du corps franc des choses nécessaires : couvertures, ustensiles de cuisine, etc. Puis les hommes des SA ont aidé les hommes du corps franc à constituer leurs unités. Ce dernier n’avait pas de valeur militaire par lui-même. Si je puis m’exprimer d’une manière un peu crue, c’était « une bande désordonnée, un groupe d’hommes qui s’étaient assigné le but de recevoir les réfugiés qui affluaient, certains dans une grande misère, de les diriger sur des camps de réfugiés et d’éviter les incidents frontaliers, comme des attaques par exemple qui se produisaient alors. En un mot, ils se chargeaient de la protection de leurs compatriotes. Ce corps franc n’avait donc aucune valeur militaire.
On a présenté hier également le document PS-3993 qui est une lettre de Lutze adressée au Reichsleiter Alfred Rosenberg dans laquelle il le remercie pour les félicitations qu’il venait de recevoir lorsqu’il avait été chargé de l’entraînement prémilitaire et post-militaire des SA. On y a répondu à maintes reprises. Est-il exact que cet entraînement prémilitaire et post militaire ait atteint le stade prévu ?
J’ai dit hier qu’à la suite d’un décret de Hitler de janvier 1939...
Puis-je vous demander d’être très bref ?
Cette tâche avait été donnée aux SA, mais pratiquement elle n’a pas été exécutée.
Le Tribunal a déjà demandé cela au cours du contre-interrogatoire. A quoi cela sert-il de lui reposer cette question ? Il a déjà donné cette réponse au cours du contre-interrogatoire.
Monsieur le Président, je lui ai demandé d’être bref, je ne l’ai fait que pour être complet.
Mais quelle est l’utilité de le faire s’il a déjà répondu ? Que ce soit bref ou non, il va répéter la même chose.
Depuis, on a présenté le document 923.
Le Tribunal voudrait que vous compreniez que le rôle de cet interrogatoire complémentaire n’est pas de répéter ce qui a été dit au cours du contre-interrogatoire,, mais simplement d’expliquer et réfuter ou expliquer et éclaircir, comme vous voudrez, ce qui a été dit au cours de l’interrogatoire contradictoire.
Certes, Monsieur le Président. Témoin, on vous a présenté hier le document 923 qui traite des cas Pflaumer et Schlögel ; avez-vous participé d’une manière quelconque aux mesures prises à la suite de cette affaire ? Avez-vous exercé une influence quelconque sur les juges qui ont statué ou avez-vous défendu le point de vue que l’amnistie ou le décret d’État était fondamentalement une affaire de l’État et que, naturellement, vous vouliez appliquer aux membres du SA, si c’était possible ?
Comme je l’ai dit hier, je n’ai pas participé à ces deux affaires. Je n’en ai pas eu connaissance. En principe, la Direction des SA poursuivait et punissait les malfaiteurs ; c’était son principe et elle agissait suivant ce principe. Dans les cas d’amnistie, elle s’appliquait aussi bien aux SA.
Mais peut-être serait-il important de citer ici une chose : à savoir que la punition infligée aux gardes du camp de concentration de Hohnstein, c’est-à-dire la sanction prise par le Tribunal, a été décidée non sur l’initiative du Reichsstatthalter Mutschmann, mais à la suggestion du SA-Obergruppenführer von Killinger. La Direction des SA a demandé la condamnation des hommes de Hohnstein et demandé à la Cour d’y pourvoir.
On a présenté hier, d’autre part, le document PS-784 qui a été dit être un cas typique de suppression d’adversaires politiques ; en étudiant mes dossiers, j’ai remarqué en particulier que certains anciens combattants de la NSDAP furent maltraités. Par exemple un certain Stahl, qui avait adhéré aux SS en 1933, puis un certain Seifert, ancien combattant depuis le 24, puis le cas du Kreisobmann Kruger du Front du Travail et d’un membre de la NSDAP depuis 1931, du nom de Ginsk.
A ce propos, Monsieur le Président, j’aimerais demander au Ministère Public de bien vouloir me faire remettre les lettres de Lutze et de Hess qui ont été demandées hier par mes confrères.
Monsieur le Président, j’ai fait des recherches ; nous n’avons pas les réponses de l’accusé Hess et du chef d’État-Major Lutze.
Ce document, Monsieur le Président, aurait été nécessaire pour montrer l’attitude du chef d’État-Major Lutze.
Il faut encore que je revienne au document PS-1721, Monsieur le Président. Il s’agit du rapport au groupe Kurplatz Mannheim sur l’œuvre de la brigade 50, au sujet de l’ordre de la Direction générale SA à propos des objets qui auraient été volés ou qui ont disparu d’une autre manière dans l’année 1938. (Au témoin.) Témoin, la question a été traitée hier au cours du contre-interrogatoire : un certain nombre d’indices établiraient l’exactitude du compte rendu de la brigade 50. Je vous prie de prendre connaissance de ce rapport concernant l’exécution ; regardez en haut et à droite les trois lettres contenues dans ce document « z. d. A. ». Les mêmes lettres apparaissent dans votre ordre signé « Jüttner », en bas et à gauche, a côté du cachet d’arrivée S’il est vrai que vous n’êtes pas expert en écritures, peut-être pourrez-vous constater tout de même si ces lettres ont été écrites de la même main ; voulez-vous répondre à ce sujet ?
Si mes souvenirs sont exacts, on m’a demandé hier si j’avais vu ces signes ; j’ai répondu par l’affirmative. En les comparant, je dois dire que sur un des documents l’écriture est différente de l’autre ; cela ressort particulièrement de la lettre « A » ; la lettre « d » aussi est remarquable ainsi que le « z » qui est différent de l’autre document.
II est très facile, même pour un profane, de le constater ; mais regardez également le cachet apposé à l’arrivée du document. Ce cachet se trouve à gauche et en bas sur votre ordre.
Je vois.
II y a deux lettres ; il est probable que ces deux lettres qui signifient la même chose ont été écrites par la même main.
En regardant de plus près ce cachet et l’inscription manuscrite, on doit arriver à la conclusion que sur le rapport envoyé par la brigade 50, le cachet est falsifié. Les différences sont très apparentes. Le F, le G qui est de travers et le H, montrent que le cachet est contrefait.
Avez-vous constaté autre chose sur ce document ?
L’audience est suspendue.
Monsieur le Président, encore quatre questions au sujet de l’affidavit qui a été présenté hier, déposé par le Dr Högner, et ce seront les dernières questions.
Témoin, dans la déclaration sous la foi du serment du Dr Högner qui a été lue hier, il est dit que « dès l’année 1922 », — je crois que c’est ce qu’on a appelé « La journée allemande » à Cobourg — « les SA dominaient les rues avec leurs bandes armées, attaquant la population pacifique, en particulier des individus ayant d’autres opinions politiques et s’en allaient sur des voitures pour assister aux démonstrations du mouvement national-socialiste ». Je vous demande, témoin, quelle était la situation politique à Cobourg, et qui commettait des actions, contre qui ? Voulez-vous vous exprimer brièvement ?
Je n’ai pas participé à la première manifestation des SA en dehors de Munich, à Cobourg, mais j’en ai été exactement informé par un certain nombre de collègues qui y ont participé ; longtemps auparavant déjà, la presse adverse a essayé d’empêcher cette marche des SA et a excité les gens contre elles. Dès le départ des transports de Munich, il y eut des rencontres et la Police fouilla les SA qui partaient, pour trouver des armes. La même chose se passa lorsque le convoi arriva à Cobourg. A Cobourg, il y avait une majorité d’adversaires politiques sociaux-démocrates (SPD) et organisations similaires. Les SA étaient en minorité. Le fait qu’il n’y eut pas de rencontres importantes, il faut l’attribuer à la discipline des SA et pour cela Cobourg est un exemple classique. Les attaques n’ont pas été seulement commises par les adversaires politiques de Cobourg, mais par des gens qui venaient de l’extérieur et qui étaient en nombre bien supérieur aux SA.
Le Dr Högner dit dans ses déclarations que l’apparition des SA était d’autant plus dangereuse qu’elle avait été entraînée par la Reichswehr comme une sorte d’unité, auxiliaire et que certaines disposaient de dépôts d’armes, alors que d’autres avaient accès aux dépôts secrets d’armes de la Reichswehr. Est-ce que c’est exact ?
Cette affirmation me paraît incompréhensible. La Reichswehr, avec l’autorisation du Gouvernement, poursuivait un plan d’entraînement en vue de la protection de la frontière, spécialement après les incidents de la frontière polonaise, qui rendaient nécessaire la protection de notre frontière. Les hommes qui ont été amenés pour cet entraînement ont été pris dans des unités comme les « Casques d’acier » ou le Reichsbanner, ou le « Jung Deutscher Orden ». Seule une organisation n’a pas été autorisée à participer à cette éducation. C’était celle des SA. Ce fut surtout sous l’instigation des autorités civiles, qui, si je me souviens bien, tenaient d’assez près au parti du Dr Högner à ce moment. Deuxièmement, pour la protection de la frontière, la Reichswehr avait des dépôts d’armes, et ces dépôts d’armes, elle les a tenus très secrets, et ceci à bon droit, car en Allemagne il y avait partout des révoltes et des émeutes, à Brunswick, Hambourg, etc. Il était important que ces armes ne tombent pas entre les mains de gens qui n’avaient pas à s’en servir. Dans le cas des émeutes de Polonais, auxquelles j’ai moi-même participé dans un corps franc, on a utilisé un tel dépôt d’armes avec l’autorisation de la commission militaire interalliée. Un officier anglais qui appartenait à la commission et que je connaissais très bien depuis la guerre nous a soutenus de la façon la plus chevaleresque. Il est curieux que le Dr Högner essaie d’attribuer ces dépôts d’armes aux SA, car il devait savoir que le ministre Nocke, qui était très ami avec lui, avait donné l’autorisation à la Reichswehr d’utiliser ces dépôts d’armes. Troisièmement, je voudrais pouvoir dire que, entre les SA et la Reichswehr, il y avait une tension extraordinaire. Je sais cela du Generaloberst Heye, qui a été le successeur du Generaloberst von Seeckt et que je connaissais bien depuis la première guerre mondiale. Il me dit également que le général von Lossow, en novembre 1923, était responsable de l’échec de l’action de Munich à laquelle participaient également les SA. Il ressort aussi que le général von Seeckt avait une opinion formellement hostile à la NSDAP et le Dr Högner doit avoir su cela également, car, au sujet de cette question...
C’est une discussion.
Ma question était uniquement à l’origine, de savoir si vous aviez accès à ces dépôts d’armes. S’ils existaient réellement comme dépôts d’armes de la Reichswehr ?
Non. C’est hors de question. Puis-je continuer ?
Cela suffit ; le Dr Högner a dit dans son affidavit ensuite que le 9 novembre 1923, Ludendorff avait été choisi pour développer la guerre civile. Que savez-vous là-dessus ?
Je vous prie de m’excuser, mais je considère que seul un simple d’esprit peut faire semblable affirmation. Le général Ludendorff, après la première guerre mondiale, s’est prononcé pour une solution pacifique...
Docteur Böhm, il suffit tout à fait que le témoin dise non à cette question.
Oui, Monsieur le Président. (Au témoin.) Vous rappelez-vous que l’on a trouvé en 1933 des armes dans la Gewerkschafthaus (la maison des syndicats) à Munich ?
Oui.
Et maintenant, une dernière question : quels étaient les rapports des SA avec Himmler ?
Les rapports du chef d’État-Major Lutze avec Himmler étaient on ne peut plus mauvais, et les rapports des SA avec la personne de l’ancien Reichsführer SS étaient, on peut le dire, mauvais. En conclusion, puis-je donner une très courte explication aux questions qui ont été posées, Votre Honneur ?
A propos de quelle question voulez-vous vous expliquer ?
Docteur Böhm, bien entendu, dans votre plaidoirie, vous pouvez soulever les arguments que vous voulez. Mais, à moins que ce soit une réponse à une de vos questions, je ne crois pas que le témoin puisse prendre sur lui de telles déclarations, à moins que ce ne soient des choses qui devaient être éclaircies dans son témoignage.
Si j’ai bien compris, je crois que le témoin voulait donner des explications à propos de questions que j’avais posées, Votre Honneur.
Quelle est la question que vous voulez éclaircir, témoin ?
La question de savoir si les SA on’ commis des crimes contre l’Humanité tout simplement.
Je vous demanderai, Monsieur le Président, d’autoriser cette déclaration, si c’est possible.
Soit, mais qu’il soit bref.
Je serai très bref, Monsieur le Président. Je voudrais, pour conclure les questions qui m’ont été posées sous la foi du serment, assurer encore une fois que nous n’avons rien fait de mal dans les SA. Nous ne voulions pas de guerre et nous n’avons préparé aucune guerre. Nous, les SA, la Direction et l’organisation, nous n’avons fait que ce qui, dans d’autres pays, est considéré comme un devoir moral pour tous les hommes et ce que le président Truman, ou le maréchal Staline ou les hommes d’État d’Angleterre et de France, ont attendu de leurs hommes, c’est-à-dire tout faire pour défendre la patrie et pour maintenir la paix. Nous n’avons, dans les SA, commis aucun crime contre l’Humanité. La Direction n’a pas ordonné de tels crimes, ne les a pas tolérés, n’a pas non plus autorisé l’organisation à se rendre coupable d’aucun d’eux. Là où des isolés ont commis des actes criminels, ils ont été punis ou devaient l’être et c’est notre volonté aussi qu’il leur soit infligé un juste châtiment. C’est pourquoi nous ne demandons ni grâce ni pitié en décrivant notre détresse, mais nous demandons simplement que justice soit faite et pas autre chose. Parce que notre conscience est pure. Nous avons agi en patriotes ; si des patriotes doivent être considérés comme des criminels, alors nous sommes des criminels.
Je n’ai pas d’autre question à poser, Monsieur le Président.
Le témoin peut se retirer. (Le témoin quitte la barre.)
Monsieur le Président, il y a encore un document pour Frick qui m’a été autorisé avant l’audition des témoins et qui n’a pas encore été présenté. Je vous prie de me permettre de le présenter maintenant. C’est la réponse à un questionnaire du Dr Konrad à Berlin au sujet de la position du ministre de l’Intérieur à propos de la question des Églises. Ce document porte le numéro Frick-15. Je crois que je peux me reporter à ce document sans le lire en détail.
Oui. Mais l’avocat de l’accusé Funk voulait rappeler l’accusé, n’est-ce pas ? Voulez-vous le faire maintenant ?
Monsieur le Président, le 14 août, j’ai fait une demande écrite pour une preuve, à laquelle on n’a pas encore donné de réponse, ou pas pu donner encore de réponse. Je ne peux pas savoir si cette demande sera prise en considération au stade actuel des débats. Elle a trait aux incidents dont il a été discuté au cours de l’audience du 9 août au sujet de l’interrogatoire contradictoire du témoin Sievers par le Ministère Public anglais. A cette occasion, l’accusé Göring a été mis en cause au sujet des recherches et des expériences médicales et scientifiques qui ont été faites sur des détenus des camps de concentration : il s’agissait d’expériences en vue de rendre l’eau de mer potable, en vue de traitements contre le typhus, et enfin d’expériences à basse température. Ces expériences auraient été faites sur des détenus des camps de concentration et on a prétendu qu’elles auraient été faites sur l’ordre ou bien avec l’autorisation de Göring. Je voudrais maintenant apporter la preuve que Göring n’a pas ordonné de telles expériences, qu’elles n’ont donc pas été faites sur son ordre et qu’il n’a même pas eu connaissance de ces faits.
Pour cela j’ai désigné, en tant que témoin, le Dr Schröder, médecin général de la Luftwaffe, qui doit se trouver entre les mains des Américains ou des Anglais comme prisonnier de guerre et, de plus, j’ai cité l’accusé Göring lui-même, qui doit être entendu comme témoin, car il n’est pas certain qu’il soit possible d’amener le témoin Schröder à temps. C’est pourquoi je vous demanderai la permission d’appeler encore une fois Göring à la barre des témoins afin que je puisse l’interroger au sujet de ces questions que je viens de mentionner ou de souligner.
Voulez-vous donner au Tribunal la référence du document dans lequel l’accusé Göring a déposé au sujet des expériences ?
Monsieur le Président, j’ai essayé, je vais encore regarder, mais je n’ai pas encore reçu le procès-verbal. Ce sont les documents qui ont été déposés au cours de l’audience de l’après-midi du 9 août. Je n’ai pas encore pu avoir le procès-verbal, mais j’essaierai aujourd’hui encore.
Vous ne comprenez pas, je vous ai demandé la référence du document établissant que l’accusé Göring lui-même a été interrogé au sujet des expériences en général.
Oui, Monsieur le Président, il a été entendu à ce sujet en général et le témoin Milch également a fait des déclarations générales. Je puis dire au Tribunal que je trouverai ce passage. Le général Milch a été entendu à ce sujet le 8 mars 1946. Je dois attirer l’attention du Tribunal sur le fait que Milch a répondu à une partie de ces questions seulement, et s’est exprimé d’une façon très générale. Mais ici, on a fait des accusations toutes spéciales qui ne m’étaient pas connues à ce moment-là et c’est pour cette raison que je n’ai entendu ni l’accusé Göring ni le témoin Milch.
Oui, mais je voulais savoir, sans parler du général Milch, la page du procès-verbal dans lequel l’accusé Göring a lui-même parlé de ces questions, soit au cours de l’interrogatoire, du contre-interrogatoire ou de l’interrogatoire complémentaire.
Je ne puis vous le dire pour le moment, Monsieur le Président, mais je vous le ferai parvenir immédiatement.
Le Tribunal prendra alors l’affaire en considération.
Le Ministère Public a-t-il des remarques à présenter au sujet de la requête au nom de l’accusé Göring ?
Monsieur le Président, c’est la première fois que j’entends parler de cette demande ; je parle de mémoire. Si je me souviens bien, le Ministère Public a eu une correspondance au sujet des expériences. Lors du contre-interrogatoire du maréchal Milch, M. Justice Jackson s’est occupé de ces questions et lorsque l’accusé Göring a paru à la barre des témoins, c’était une affaire qui était connue et dont il pouvait s’occuper. Je voudrais, comme je crois comprendre que le Tribunal le désire, vérifier jusqu’à quel point il y a corrélation avec ces faits et si quelque autre point est soulevé à cette occasion, peut-être plus tard, pourrai-je en faire part au Tribunal ?
Est-ce que vous pourriez le faire avant que nous nous séparions aujourd’hui ?
Oui, certainement, je le ferai immédiatement.
Peut-être le Dr Stahmer pourrait-il nous donner la référence de son document à une heure ou peut-être même à deux heures. A une heure ce serait préférable.
Cela nous aiderait beaucoup.
Avec l’autorisation du Tribunal, j’appellerai l’accusé Funk comme témoin. (L’accusé Funk gagne la barre.)
Accusé, vous comprenez que vous parlez toujours sous la foi du serment ?
Oui.
Vous pouvez vous asseoir.
Docteur Funk, est-ce que vous me comprenez ainsi ?
Oui.
II faut que je vous interroge aujourd’hui sur cet affidavit que l’Accusation, la semaine dernière, a présenté, la déclaration de l’Obergruppenführer SS Pohl sur les camps de concentration. Vous-même, au sujet de cet ensemble de questions, vous avez déjà été interrogé ici, le 7 mai. Dans cet interrogatoire du 7 mai, vous avez répondu à une question en expliquant qu’à cette époque l’Obergruppenführer SS Pohl, vous l’aviez vu une fois, et ceci je le cite du procès-verbal du 7 mai : « Je l’ai vu une fois à la banque, lorsqu’il était avec Pohl, vice-président de la banque, et d’autres messieurs de la direction, en train de déjeuner. J’ai traversé la salle à manger, et je l’ai vu assis, mais personnellement je n’ai jamais parlé de ces choses avec Pohl et c’est quelque chose de tout à fait nouveau pour moi que de savoir que de tels faits ont été commis ».
C’est la citation textuelle de votre déclaration du 7 mai. Maintenant, Docteur Funk, l’Obergruppenführer Pohl, dans son affidavit PS-4045 qui a été déposé le 5 mai, devant le Tribunal, a prétendu qu’il aurait parlé avec vous deux fois. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de l’autre conversation que vous n’avez pas mentionnée à ce moment-là ? Est-ce que vous pouvez vous en souvenir ? Oui ou non ?
Non.
A propos de cette autre conversation, est-ce que vous pouvez faire des déclarations à propos de ce qu’a prétendu l’Obergruppenführer Pohl ? Je veux parler ici, témoin, de la conversation au cours de laquelle Pohl aurait déclaré vous avoir parlé de l’ordre de Himmler, prévoyant qu’en tant que chef de l’Économie du Reich, dans la répartition des textiles pour les SA, vous pourriez accorder un traitement préférentiel aux SS probablement pour leurs uniformes. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
Selon ma conviction, cette conversation n’a pas eu lieu. En tout cas, malgré toute ma bonne volonté, je ne peux pas me souvenir d’une telle conversation avec Pohl. Beaucoup de choses parlent contre cela. Tout d’abord, je ne me suis jamais occupé de questions spéciales de ce genre, comme la répartition de contingents de textile à une partie de l’Armée ; je n’ai jamais eu coutume de m’en occuper.
Deuxièmement, j’avais coutume d’avoir de telles conversation en présence de mon secrétaire général ou du chef de section compètent, ou du rapporteur spécial, en particulier s’il s’était agi d’une conversation avec un homme que je ne connaissais pas.
Je ne me suis jamais occupé de la livraison des vieux textile des camps de concentration. Ces questions ont été traitées dans le services du Commissaire du Reich pour la mise en valeur du vieux matériel. C’était un service en dehors du ministère. Ce service travaillait d’une façon normale avec les experts qui s’occupaient des textiles au ministère. Selon ma conviction, les choses se sont passées de la façon suivante : le matériel qui se trouvait dans ces camps de rassemblement, c’est-à-dire des vieux textiles, a été directement envoyé dans les usines qui devaient travailler avec du matériel de ce genre. Ma conviction, c’est donc qu’également les fonctionnaires du ministère de l’Économie n’ont rien su de telles livraisons des camps de concentration, car ces matériaux auparavant ont été fournis par la section économique des SS qui les a rassemblés, et qui était dirigée par Pohl. Avant ce Procès, je n’ai jamais su que Pohl avait sous son autorité les camps de concentration ; je ne connaissais pas les rapports entre la section économique des SS et les camps de concentration. Ces livraisons de vieux matériel jouèrent alors, en rapport avec toute la production, un rôle si minime qu’on ne m’en a même pas tenu au courant. Mais je prétends que M. Pohl a été une fois chez moi. Ma mémoire n’est aussi bonne, en particulier depuis les années de maladie que j’ai passées, de telle sorte qu’une telle visite qui, selon Pohl, aurait duré quelques minutes seulement, peut m’avoir échappé ; Mais si Pohl m’avait exprimé un tel désir de Himmler, j’aurais certainement transmis cette affaire à mon secrétaire général pour qu’il s’en occupe. Mais l’affirmation de Pohl, à savoir qu’à ce propos il m’aurait dit quelque chose au sujet de Juifs morts et de livraisons de textile, comme vieux matériel aux SS en 1941, et peut-être aussi en 1942, est mensongère. Le fait que Pohl m’eût livré, à moi qu’il voyait pour la première fois, un secret qui devait être jalousement gardé jusqu’à la fin, est déjà incroyable. Mais il n’avait aucun motif pour me parler de ces Juifs morts, car s’il m’avait dit que des livraisons importantes aux SS devaient être faites, c’était là quelque chose de tout à fait plausible, car des milliers et des milliers de gens devaient être et ont été habillés par l’État, de sorte que du vieux matériel en textile, couvertures, uniformes, linge de corps, etc...
Cela devient plutôt une argumentation qu’une déposition.
En tout cas, je conteste fermement que Pohl m’ait fait une telle déclaration. Je déclare que c’est un mensonge, une calomnie, car jusqu’à ce Procès, je ne savais absolument rien. Aucune personne ne m’a dit que dans les camps de concentration les Juifs ont été tués.
Témoin, c’est un point sur lequel je voulais vous interroger.
Je n’aurais pas permis qu’un tel rapport soit oublié. J’en aurais immédiatement référé à mon supérieur, le délégué au Plan de quatre ans, et en aurais parlé avec lui.
C’est l’un des points. Je crois qu’il est éclairci suffisamment maintenant, je vais passer au second point. Je vous prie de vous exprimer brièvement afin qu’autant que possible nous ayons terminé à l’heure.
Témoin, déjà en mai au cours de votre interrogatoire, je crois que c’était le 6 mai, vous avez expliqué que vous aviez rencontré le SS-Gruppenführer Pohl, au cours d’un banquet à la Reichsbank, au foyer de la Reichsbank. Le témoin Pohl, dans son affidavit PS-4045, se réfère à cette conversation et dit — je saute tout le reste — qu’il aurait parlé avec Pohl, avec votre vice-président de la banque. Ainsi vous n’en auriez rien su. Ce serait une perte de temps de vous interroger là-dessus, mais je vais vous présenter seulement ce qui a été dit à votre sujet. Il dit dans le procès-verbal lu 5 août : « Après que nous — c’est-à-dire le Gruppenführer Pohl et le vice-président de la banque Pohl, et quelques autres personnes — eûmes vu dans les caves de la Reichsbank différents dons de valeur, nous sommes remontés dans une salle à manger, à midi, avec le président Funk. C’était prévu après la visite. Il y avait également, en dehors de Funk et Pohl — c’est votre vice-président des gens de mon état-major — l’état-major de Pohl — nous étions environ dix à douze personnes. J’étais assis près de Funk — et je voudrais vous prier, témoin, de faire bien attention ici — « et nous nous sommes entretenus notamment des objets de valeur que j’avais vu dans ses caves » — les caves de la Reichsbank, voulait-il dire.
Docteur Sauter, nous avons tous entendu ce témoignage l’autre jour. Est-ce que vous ne voulez pas lui en soumettre l’essentiel et lui demander si c’est exact ? Vous n’avez pas besoin de le lire en entier.
Monsieur le Président, je lis seulement les deux phrases qui se rapportent à l’accusé. Ce sont seulement deux phrases. Tout le reste, je le laisse de côté, mais il faut que je lui lise cela afin qu’il sache exactement ce que Pohl a dit.
Monsieur le Président, ce que je viens de lire, c’est la première phrase, et ensuite vient une seconde phrase très courte : « A ce propos, il fut défini d’une façon très claire qu’une partie des objets de valeur que nous avions vus venaient de camps de concentration ». C’est la fin de la citation, et ainsi la fin de la seconde phrase.
Témoin, vous avez entendu ce que Pohl, ce Gruppenführer, prétend dans son affidavit. Est-ce que c’est exact, ou bien est-ce que ce n’est pas exact ? Vous pouvez répondre par oui ou par non, et si vous répondez non, vous pouvez alors donner une explication.
Qu’il se soit entretenu avec moi au cours de ce déjeuner, je m’en souviens, mais qu’il m’ait parlé de livraisons par les SS d’objets de valeur, cela je ne m’en souviens pas. Ce que je sais très certainement, c’est que Pohl ne m’a pas parlé d’objets de valeur que je ne connaissais pas moi-même. Il ne m’a pas parlé de la partie des livraisons des SS qui n’ont pas été livrées pour être mises en garde par la Reichsbank, mais pour être remises au ministère des Finances, c’est-à-dire l’or, les bijoux et tout ce qu’il y avait encore. Ces choses-là, je ne les connaissais pas, ces choses-là, je ne les ai jamais vues et Pohl ne s’en est pas entretenu avec moi, car alors j’en aurais eu connaissance. Je me serais renseigné à ce sujet. Et il est complètement impossible que Pohl, en présence de toutes ces personnes — il y avait quatre ou cinq directeurs de le Reichsbank — ait déclaré devant le personnel de service que ces choses venaient des camps de concentration et provenaient de Juifs tués. Qu’il ait été livré de l’or, des billets, des devises et valeurs par les SS et que cela vînt des camps de concentration, je le savais j’en ai parlé à Pohl. Ce fait a été le point de départ de cette terrible affaire où Himmler me demanda que ces choses qui avaient été réquisitionnées fussent mises dans les caves de la Reichsbank. J’ai prié Himmler de préparer cela pour le règlement légal des affaires de la Reichsbank. Mais sur les autres objets, je n’ai rien su, je ne connaissais pas du tout leur nature et la quantité de ce objets, pas plus que leur origine.
Je voudrais, pour terminer, vous poser une dernière question afin que toute l’affaire devienne claire. Quand avez vous appris que, par exemple, ces montures de lunettes ou bien ces dents en or ou autres choses semblables, c’est-à-dire des choses différentes des monnaies d’or, que ces choses affreuses étaient parvenues à votre Reichsbank ? Quand avez-vous appris cela pour la première fois ? Vous parlez sous la foi du serment.
C’est ici, au Procès, que j’ai appris cela.
Pouvez-vous me jurer cela, la conscience pure ?
Oui, je peux le jurer. Il faut que j’ajoute. ..
II a déjà déposé dans ce sens.
C’était encore une question très courte.
Ce qui était dans les dépôts des SS, naturellement, je ne l’ai jamais vu. Je ne savais pas qu’il pouvait y avoir d’autres choses que de l’or ou de l’argent...
Oui, vous l’avez dit déjà. Je vous remercie. Monsieur le Président, je n’ai pas d’autres questions à poser.
Vous nous dites maintenant, témoin, que vous étiez au courant des dépôts d’or et de bijoux provenant des camps de concentration. Est-ce exact ?
Je ne savais rien de cela.
Vous ne saviez rien de cela ? Je dois vous avoir mal compris. J’ai cru comprendre que vous disiez au Tribunal que vous étiez au courant de l’or, des pierres semi-précieuses, des bijoux et autres choses qui vous avaient été remises par Himmler.
Non, je ne savais rien de cela. J’ai seulement parlé de ce qui était contenu dans les dépôts faits par les SS et dit que les SS avaient des dépôts à la Reichsbank ; je le savais, mais ignorais ce que ces dépôts contenaient. Je ne les ai jamais vus, et on ne m’a jamais parlé de la nature, de l’origine et de l’importance de ces objets.
Vous vous souvenez quand vous avez déposé ici, devant le Tribunal, le 7 mai dernier, que je vous ai demandé si vous saviez quelque chose au sujet des dépôts d’or provenant des camps de concentration. Vous aviez répondu à ce moment-là que M. Pohl vous avait dit que les SS avaient fait un dépôt d’or et il me dit également avec une certaine ironie, qu’il serait préférable que nous ne cherchions pas à nous assurer de ce qu’était ce dépôt ». C’est là votre propre déposition, et vous l’avez donnée de ce banc où vous êtes maintenant, dans cette salle, devant ce tribunal. Vous saviez certainement alors qu’il y avait quelque chose de sinistre à propos de ce dépôt, n’est-ce pas, puisque le directeur Pohl vous avait dit qu’il était préférable de ne pas savoir trop de choses sur la nature du dépôt. Que dites-vous ce matin à ce sujet ? Quelle est la vérité des faits ?
Cette déclaration, je l’ai, dans une certaine mesure, rendue plus exacte du fait que j’ai parlé des conversations qui eurent lieu entre Himmler et moi ; Himmler m’a dit que les SS avaient, dans les territoires de l’Est, confisqué des objets de valeur en nombre considérable et que ceux-ci représentaient pour la Reichsbank des valeurs intéressantes comme de l’or, des pièces étrangères, des billets de banque étrangers, des papiers de valeur et autres devises. Je l’ai prié — et j’ai aussi témoigné là-dessus — de donner à quelqu’un la mission de s’entretenir au sujet de ces choses avec le vice-président Pohl. Himmler envoya Pohl à Puhl après que j’eus renseigné Pohl sur ma conversation avec Himmler Quand ces choses arrivèrent, quand les premiers dépôts furent faits et qu’ils furent placés dans les caves, Pohl me dit : « Le livraisons des SS sont maintenant effectuées » et il est possible qu’il ait fait à cette occasion une remarque sarcastique : « Qui sait ce que sont ces livraisons ? » et, c’est ce que j’ai rapporté ici approximativement.
Vous nous avez également dit le même jour, et c’est la réponse à la question qui vient immédiatement après, vous avez fait cette déclaration au Tribunal : « Je suppose personnellement, puisque l’on est toujours sur des dépôts d’or, que cet or consistait en pièces et autres valeurs étrangères et peut-être e petits lingots d’or, ou quelque chose d’analogue, qui avaient été récupérés sur des détenus des camps de concentration ».
Donc, vous saviez quelque chose sur la source de ces dépôts d’or. Vous saviez d’où cela venait, n’est-ce pas, et c’est tout ce que nous nous efforçons d’établir ici ? Vous aviez une idée très exacte de la provenance de ces dépôts ?
Cela ne provenait pas nécessairement des camps de concentration uniquement, mais...
Un moment. Inutile de discuter là-dessus. Tout ce que je veux éclaircir, c’est que vous avez dit vous-même au Tribunal que vous supposiez que cela venait des prisonniers des camps de concentration. C’est là votre propre déposition du 7 mai dernier ?
Non pas seulement l’or, mais le devises, billets et tout ce qui faisait l’objet des transactions légales de la Reichsbank. Mais que cet or vînt des camps de concentration c’était clair pour moi, car les détenus des camps de concentration devaient livrer ces choses comme tout le monde. C’était normal pour moi. Mais c’est sur les autres choses que je n’ai rien su. Ce que je n’ai pas su, ce sont les tractations entre le ministère Finances et les SS.
Voyons si vous le saviez ou non. Vous étiez au Tribunal lorsque M. Elwyn Jones du Ministère Public britannique a donné connaissance du document PS-4042 traitant de l’action « Reinhardt » Vous avez entendu discuter ici de ce document ?
Oui.
Ce document est déposé devant le Tribunal et dans cette action — et nous ne savons pas si c’est tout — des Reichsmark d’une valeur de 100.047.000 ont été déposés soit à la Reichsbank, soit au ministère de l’Économie, pour cette seule action.
Est-ce que vous affirmez maintenant au Tribunal que vous, en tant que directeur de la Reichsbank, ne saviez pas qu’en un an ou en moins d’un an, 100.000.000 de Reichsmark avaient été déposés dans votre banque ou que cette somme avait été portée au crédit de votre banque ? Vous étiez forcé de le savoir, n’est-ce pas ?
S’il vous plaisait de répéter la somme. Il semble qu’elle n’ait pas été traduite correctement.
Point n’est besoin de la donner à un Pfennig près, il s’agit de plus de 100.000.000 de Reichsmark.
1.000.000.
Non, 100.000.000.
100.000.000 de devises étrangères ? C’est absolument impossible. C’est absurde.
Mais le document le montre.
Mais d’où pouvaient venir ces 100.000.000 de devises ? C’est absurde.
Je suis content que cela vous amuse, mais continuons un peu. Ce document des SS indique en outre qu’il y avait également une somme de 500.000 dollars américains. Est-ce que vous n’auriez pas dû savoir que cette somme avait été déposée dans votre banque ou mise à votre disposition ? C’était déjà une grosse somme en dollars pour l’Allemagne en 1943, je pense ?
Certainement, mais je ne me souviens pas qu’on m’ait tenu informé de ces 500.000 dollars. C’est une somme dont on aurait pu discuter avec moi, je l’admets, mais on n’en a pas discuté avec moi.
Le document poursuit et dit qu’il y avait des valeurs en grande quantité, pratiquement de tous les pays du monde, pour une forte somme. Vous le savez, n’est-ce pas ? Vous savez que cet argent a été viré à votre banque en très grosses sommes par les SS, 500.000 dollars américains, des milliers de livres anglaises, des francs, toutes sortes de monnaies. Maintenant, vous avez certainement appris que ces sommes arrivaient à votre banque en 1943, et en quantité telle que vous deviez bien savoir d’où ces sommes provenaient.
Qu’est-ce que vous avez à dire à ce sujet ?
J’étais au courant de l’action des SS dont on a parlé, c’est-à-dire des devises, des monnaies, de l’or, qui ont été livrés à la Reichsbank à propos de cette action, mais la quantité de ces livraisons ne m’a pas été communiquée ; en tout cas, je ne m’en souviens pas. Je ne connais pas la somme totale. Je suis même étonné qu’il y en ait eu tant.
Oui, nous aussi. Ce qui importe, c’est qu’en tant que directeur de cette banque, vous n’êtes pas d’accord pour reconnaître qu’il est impossible que vous n’ayez pas été au courant de ces sommes d’argent. Vous étiez autre chose qu’un simple ornement, sûrement, et c’est une raison pour le Tribunal et pour qui que ce soit de croire que vous étiez au courant de ces dépôts en d’aussi grandes quantités en particulier en argent étranger. Je ne pense pas que vous ayez donné encore un semblant de réponse satisfaisante. Est-ce que vous répondez que vous ne vous-en souvenez pas, ou que vous n’en saviez rien, ou les deux ?
La somme tout d’abord mentionnée, c’est-à-dire 100.000.000 de Reichsmark, je la considère comme absolument absurde. La seconde somme de 500.000 dollars, je la considère comme possible. Il est dans le domaine du possible que de telles sommes, au cours de toute l’action, aient été réunies en provenance des internés des camps de concentration et également...
Je ne vous demande pas s’il était possible qu’on prît cet argent, nous le savons.
Je savais qu’il devait être collecté par les voies normales, mais le montant ne m’a pas été mentionné. Je n’ai pas su le montant. Je n’en ai rien su.
Je ne veux pas continuer à examiner ce document, mais vous avez probablement lu les listes d’articles : des milliers de réveille-matin et de stylos. Vous deviez le savoir, en qualité de ministre de l’Économie, n’est-ce pas ?
Non, je n’ai rien su de cela.
Étiez-vous au courant du million de wagons de textiles qui, d’après ce qu’ont dit ces hommes des SS, étaient expédiés ou entreposés et qui étaient composés des vêtements des Juifs morts ou des autres personnes exterminées, dans les camps de concentration ? N’auriez-vous pas dû en savoir quelque chose en tant que ministre de l’Économie ?
Non, je n’en ai pas su un traître mot. J’en ai eu l’explication ici, car ces objets allaient au commissaire pour la mise en valeur du vieux matériel et étaient acheminés directement des camps de rassemblement sur les usines. Pas un homme ne m’a dit un mot de la réquisition des textiles dans les camps de concentration.
Bien.
A propos de la Reichsbank, puis-je encore dire quelque chose ? Je suis en présence d’une énigme incompréhensible. Que je n’aie pas été entretenu de cette livraison d’objets précieux, de perles, etc., réside vraisemblablement dans le fait que ces choses n’ont pas été livrées pour la Reichsbank, mais que la Reichsbank était simplement un intermédiaire comptable, et c’est la raison pour laquelle on ne m’a jamais parlé de cela. Mais je porte la responsabilité de tout ce qui s’est passé à la Reichsbank, en qualité de président, avec ces messieurs de la direction. Si des fonctionnaires soupçonnaient cependant que de telles choses se passaient et que ces choses avaient une base criminelle, il était alors de leur devoir de me l’exprimer clairement, à plusieurs reprises et non pas une seule fois. Je me souviens d’une conversation, une fois, avec M. Wilheim, à ce sujet : il me dit que ce serait une grosse responsabilité pour les fonctionnaires. Non, il m’a dit que c’était une grosse charge qui pesait sur les fonctionnaires. Comment pouvais-je m’apercevoir alors que je ne savais rien de ces choses, qu’il s’agissait ici d’une charge morale dont je ne connaissais par l’origine ?
Je ne sais pas combien de temps vous allez continuer, mais en ce qui me concerne, j’ai eu tous les renseignements que je voulais, Monsieur le Président ; je ne crois pas que cela aide beaucoup le Tribunal. Ce dernier genre de déclaration ne constitue pas une réponse aux questions que je lui ai posées. Je voudrais simplement poser encore une ou deux questions avant le déjeuner. Est-ce que vous avez eu des difficultés quelconques avec Oswald Pohl, le ministre des Finances, l’homme qui, dites-vous, a discuté cette affaire avec vous, en particulier sur le point déterminant que ces vêtements venaient de Juifs morts ? Ou est-ce que vous avez eu quelques difficultés personnelles avec lui, de votre vie quelque difficulté personnelle ?
Autant que je m’en souvienne, je n’ai parlé qu’une fois avec Pohl, et peut-être m’a-t-il rendu visite deux fois.
La réponse est « non », n’est-ce pas ?
Non.
Vous avez vu naturellement cet affidavit qui donne beaucoup de détails sur le jour où il vous a vu, l’endroit où il vous a vu, le nombre de gens même qui se trouvaient à votre déjeuner dans la salle à manger... Y a-t-il une raison pour laquelle Pohl aurait inventé de telles dépositions contre vous ? Est-ce que cela pourrait aider le Tribunal ou vous aider vous-même ? Pourvoi aurait-il menti de cette façon terrible à votre sujet ? Pouvez-vous donner une suggestion, un motif, une raison ?
A mon avis, c’est un motif purement psychologique, parce qu’on homme qui se trouve dans une situation aussi terrible que Pohl, qui est accusé du meurtre de millions de gens, d’une façon générale a l’habitude de charger d’autres personnes. C’est une habitude que l’on connaît.
Je vous interromps. Vous voulez dire la situation dans laquelle vous vous trouvez vous-même ?
Non, je ne me considère pas comme un meurtrier de millions d’hommes.
Je ne vais pas discuter là-dessus avec vous. Je voulais simplement vous fournir une occasion de donner au Tribunal une raison que vous puissiez faire valoir et je pense qui vous l’avez eue. Et maintenant, autre chose. Je veux vous demander cela et nous n’avons aucun doute. Bien qu’il y ait eu des millions — il doit y en avoir eu des millions — d’objets de valeur pris à ces gens tués dans les camps de concentration et collectés par l’intermédiaire de votre ministère de l’Économie aidé de la Reichsbank, voulez-vous nous faire admettre que vous ne saviez rien de cela ? Pouvez-vous répondre brièvement oui ou non ? Est-c que je m’exprime correctement ? Vous ne saviez rien de cela ?
Je n’ai jamais affirmé que je ne savais rien de cela, mais j’ai toujours dit que je savais que des objets de valeur confisqués avaient été déposés à la Reichsbank par les SS et que des devises étrangères, de l’or, des valeurs étrangères et billets ont été convertis par la Reichsbank. Mais je n’ai rien su...
Attendez un instant, je vous prie. Je ne crois pas que vous ayez mal compris ma question. Je vous demandais uniquement ce qu’il en était des textiles et il me semble que vous avez dit que vous ne saviez rien de ces opérations de textiles. Vous n’avez rien su des transactions au sujet des textiles, n’est-ce pas ?
Non, je ne savais pas que des objets textiles provenant des camps de concentration étaient utilisés en ce domaine...
C’est tout ce que je voulais vous faire dire. C’est votre réponse. Des milliers d’objets personnels, depuis les montres bracelets et les stylos jusqu’aux sacs de femmes, toutes sortes bijoux et de pierres, une énorme partie, selon le témoigne affluaient par l’intermédiaire de votre ministère de l’Économie à votre Reichsbank et vous voulez faire croire au Tribunal que vous ne saviez presque rien de toutes ces transactions ?
Je n’ai rien su de ces choses.
Et les dents en or, les dentiers en or, étaient dans les caves de votre banque, mais vous ne connaissiez rien de cet étrange dépôt, rien non plus à ce sujet ? Si bien que vous ne saviez rien de toutes ces grosses sommes d’argent étranger qui passaient alors par la Reichsbank et y étaient déposées, n’est-ce pas ?
Au sujet des sommes énormes dont on a parlé ici, je ne savais rien, je savais simplement qu’il y avait des devises étrangères qui avaient été déposées.
Est-ce que vous êtes sûr que vous étiez à la Reichsbank à ce moment-là ?
Oui.
Je n’ai plus d’autre question.
Le Tribunal va suspendre l’audience.