DEUX CENT CINQUIÈME JOURNÉE.
Vendredi 16 août 1946.

Audience de l’après-midi.

(L’accusé Funk est à la barre des témoins.)
LE PRÉSIDENT

Docteur Sauter, avez-vous des questions à poser ?

Dr SAUTER

Non, Monsieur le Président.

M. FRANCIS BIDDLE (juge américain)

Accusé, la question de votre conversation avec Himmler ne me semble pas suffisamment éclaircie. Était-ce la première fois qu’un dépôt de ce genre avait été fait par les SS ?

TÉMOIN FUNK

Oui.

M. BIDDLE

Vous n’avez jamais auparavant discuté de cette question avec aucune personnalité SS ?

TÉMOIN FUNK

Non, avec personne.

M. BIDDLE

Et, naturellement, ce n’était pas l’affaire de Himmler de voir que de l’or et des billets étaient déposés à la banque, conformément à la loi allemande, n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

Himmler m’a dit que de grandes quantités d’objets de valeur avaient été saisis par les SS et que, parmi ces objets de valeur, il y en avait qui présentaient un certain intérêt pour la Reichsbank : des devises étrangères, de l’or, etc.

M. BIDDLE

Ce n’est pas ce que je vous ai demandé. Pouvez-vous m’écouter maintenant ? Rentrait-il dans les attributions ou les fonctions de Himmler de savoir que des billets de banque ou de l’or entraient à la banque. Ce n’était pas de sa compétence n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

Si, lorsque, par exemple, ces choses avaient été enlevées aux détenus des camps de concentration il devait veiller à ce que...

M. BIDDLE

C’est exactement ce que je voulais dire. Si bien que vous saviez ou vous soupçonniez, étant donné que Himmler traitait l’affaire avec vous, que l’or et les billets de banque venaient des camps de concentration qui étaient de la compétence de Himmler. N’était-ce pas la raison pour laquelle vous supposiez que le matériel venait des camps de concentration ? C’était bien manifeste n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

Non, pas uniquement des camps de concentration car Himmler avait également la charge de la Police des douanes et les SS avaient également un pouvoir de police dans les territoires occupés. Par conséquent, ces objets pouvaient ne pas nécessairement venir exclusivement de camps de concentration, mais...

M. BIDDLE

Mais vous le soupçonniez lorsque Himmler vous a parlé, n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

Oui.

M. BIDDLE

Lui avez-vous demandé d’où tout cela venait ?

TÉMOIN FUNK

Non, je ne le lui ai pas demandé.

M. BIDDLE

II a dit que cet or et ces billets faisaient partie d’autres biens ; il y avait également d’autres biens ?

TÉMOIN FUNK

Non, il m’a dit que c’étaient des objets confisqués. L’entretien a été très court, pour autant que je m’en souvienne. Il a eu lieu au quartier général de campagne de Lammers : ce fut un très bref entretien, et il m’a dit : « Nous avons saisi un grand nombre d’objets de valeur, en particulier dans l’Est, et nous aimerions avoir un coffre à la Reichsbank pour les déposer. »

Puis-je ajouter quelque chose encore ? Lorsque ces choses sont arrivées à la banque, Puhl — et je crois qu’à cette conversation participait également Wilheim — Puhl et Wilheim m’ont dit alors tous les deux que je devais demander à Himmler si ces objets qui étaient déposés par les SS à titre de dépôt privé et auquel nous ne pouvions toucher, si ces objets pouvaient être utilisés par la Reichsbank. Je lui ai alors posé cette question à laquelle il m’a répondu par l’affirmative.

M. BIDDLE

Bien. Maintenant voyons. Par l’« Est » il entendait le Gouvernement Général, n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

A ce moment-là, il y avait déjà de grands territoires occupés à l’Est.

M. BIDDLE

Mais il ne voulait pas dire l’Allemagne, n’est-ce pas ? Il parlait des territoires occupés ?

TÉMOIN FUNK

II parlait de l’« Est », oui je devais le supposer.

M. BIDDLE

Et vous n’aviez pas la moindre idée de ce qu’il voulait dire quand il parlait de l’« Est », n’est-ce pas ?

TÉMOIN FUNK

Non. Je pensais qu’il s’agissait des territoires occupés de l’Est. C’est ce que j’ai compris : les territoires occupés de l’Est.

M. BIDDLE

Ce n’était pas un de vos dépôts ordinaires ? Je pense qu’il serait bon de le dire : ce n’était pas un de vos dépôts ordinaires ? C’était quelque chose d’extraordinaire ?

TÉMOIN FUNK

Certainement.

M. BIDDLE

Et vous ne lui avez pas posé de question à ce sujet ?

TÉMOIN FUNK

Non, je n’en ai pas dit un mot de plus que ce que j’ai rapporté ici. J’ai longuement pensé, la nuit dernière, pour reconstituer tout cela, mais je ne suis vraiment pas arrivé à me souvenir d’autre chose.

M. BIDDLE

Vous n’étiez pas curieux au sujet de ces dépôts, n’est-ce pas ? Cela ne vous intéressait pas ?

TÉMOIN FUNK

Non. Une ou deux fois seulement j’en ai parlé avec Pohl, et une fois, ainsi que je l’ai dit, Wilhelm, y assistait également, j’en ai parlé très brièvement.

M. BIDDLE

Je vous remercie, c’est tout.

LE PRÉSIDENT

L’accusé peut retourner à son banc. (L’accusé se retire.)

Dr STAHMER

Monsieur le Président, vous m’avez demandé ce matin si la question au sujet de laquelle je me propose de citer un témoin, a déjà été traitée. J’ai pu m’assurer qu’au cours de l’audience du 8 mars 1945, le témoin Milch a été interrogé par mes soins au sujet d’une ou deux lettres que l’Obergruppenführer Wolf lui avait adressées ; la réponse est de Milch. La lettre date de mai 1942.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Jackson est revenu sur cette question. Ensuite, le général Rudenko, au cours du contre interrogatoire du même témoin Milch, a présenté une autre lettre de Himmler adressée je crois à Milch et qui est datée du mois de novembre 1942.

Jusqu’à maintenant, je n’ai pu trouver autre chose à ce sujet dans le court espace de temps que j’ai eu à ma disposition. Je ne me souviens pas avoir personnellement interrogé Göring à ce sujet. Je ne pense pas l’avoir fait car il ne s’agit que d’un point de détail. Je pense qu’il en a été traité d’une manière détaillée, par Milch qui, lui, a été interrogé avant Göring. A mon avis, cela a trait à d’autres événements. La question de rendre l’eau de mer potable et celle de la lutte contre le typhus n’ont pas été discutées en fait. Je ne pense pas non plus qu’il ait été question des expériences réfrigération, c’est pourquoi je pense que ce sont là des sujets différents de ceux traités par Milch.

LE PRÉSIDENT

Vous voulez dire que l’accusé Göring n’a pas discuté du sujet des expériences sur les détenus des camps concentration en général ? Vous vous référez à ce qu’a dit le général Milch ?

Dr STAHMER

Oui, dans la mesure où je me souviens encore de cette affaire, je n’ai pas pu vérifier ces choses qui concernent Göring. Autant que je me souvienne, je n’ai interrogé que Milch là-dessus. Au cours de l’interrogatoire de Göring, qui eut lieu après, je ne suis pas revenu là-dessus, puisque j’estimais que la question avait été éclaircie suffisamment par le général Milch. Mais je voudrais examiner le procès-verbal avec soin, je n’ai pas eu assez de temps pour le faire au déjeuner.

A ce propos, Monsieur le Président, je voudrais également attirer votre attention sur un autre point ; j’ai présenté par écrit une requête pour le cas où le témoin, le professeur Schreiber, dont la déclaration a été mentionnée il y a quelques jours par le Ministère Public soviétique, serait amené à témoigner ici. Si ce témoin Schreiber devait être cité, je prierais le Tribunal de me permettre de procéder à l’interrogatoire de Göring, -après l’interrogatoire du témoin Schreiber, pour qu’il ne soit pas nécessaire de le rappeler une troisième fois à la barre des témoins.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal prendra cela également en considération.

Général Rudenko, pouvez-vous dire au Tribunal si le Dr Schreiber sera cité ici et si vous ferez usage de son affidavit ?

GÉNÉRAL R. A. RUDENKO (Procureur Général soviétique)

Monsieur le Président, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour amener le témoin Schreiber à la barre, mais nous ne sommes pas encore informés si le témoin pourra être amené avant que le débat sur l’organisation soit terminé. Il est dans un camp de prisonniers de guerre près de Moscou. Je pense, d’ici demain, avoir toutes informations nécessaires pour pouvoir informer le Tribunal avec plus de précision.

LE PRÉSIDENT

Maintenant, Sir David, avez-vous pu voir si l’accusé Göring a témoigné à ce sujet ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Mon personnel s’en occupe actuellement. Il n’a pas encore vérifié complètement les procès-verbaux mais j’espère pouvoir informer le Tribunal très prochainement.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal va, dès maintenant, traiter la question des documents des organisations. Je crois que c’est le Dr Servatius qui va en parler en premier.

Dr ROBERT SERVATIUS (avocat de l’accusé Sauckel et du Corps des chefs politiques)

Monsieur le Président, je présenterai tout d’abord le contenu des livres de documents ; ensuite je commenterai les déclarations sous la foi du serment. Les documents eux-mêmes, je les ai déjà présentés après les preuves et les numéros de dépôt au dossier ont déjà été donnés en accord avec M. le Secrétaire Général.

A la page 1, se trouve le document n° 10 (Ce document, ainsi que les suivants mentionnés par le Dr Servatius sont des documents « Politische Leiter. ») . Il a trait à la statistique du Parti. C’est un extrait d’un numéro de la revue Der Hoheits-träger. Ce document montre combien de personnes sont touchées par la présente procédure. On voit qu’en 1935 les personnalités officielles des Block, Zelle, Ortsgruppe et Gaue formaient un total d’environ 600.000. Si vous voulez bien regarder à la page 2, dans la seconde partie — le bas de la page 2 — il faut ajouter la direction des organisations pour l’année 1935. Afin de citer quelques chiffres à titre d’introduction, dans l’organisation des femmes (Frauenschaft et Frauenwerk), environ 50.000 ; à l’association des Étudiants, 1.600 ; au Front du Travail (DAF) et autres organisations 800.000. Dans le service du Bien-Être nazi (NSV), 300.000. — Je donne des chiffres ronds — dans le « Reichsnährstand » (service du ravitaillement du Reich), environ 100.000 ; au service des victimes de guerre, environ 80.000. Ces services spéciaux donnent un total d’environ 1.475.000 membres. Si l’on y ajoute les 600.000 fonctionnaires que j’ai cités tout à l’heure, on arrive à plus de 2.000.000.

LE PRÉSIDENT

Est-ce que ces chiffres représentent le nombre des personnes qui tombent sous la définition des chefs politiques ?

Dr SERVATIUS

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Bien, ou des Gauleiter ou des Kreisleiter.

Dr SERVATIUS

Puis-je expliquer cela brièvement ? Il faut faire une distinction de base entre les dirigeants politiques eux-mêmes, ceux qui ont dirigé l’appareil politique depuis le Gauleiter jusqu’au Blockleiter et, à côté de cela, le grand nombre de personnes qui faisaient partie du Front du Travail, NSV, et autres organisations de ce genre, et qu’on appelait également « dirigeants politiques ».

Cela a été clairement démontré lors de l’interrogatoire du témoin Hupfauer qui a déclaré que, dans son organisation qui groupait 20.000.000 de membres, la direction était également assurée par les dirigeants politiques. Je crois qu’au cours de ma plaidoirie, j’expliquerai exactement ce que cela signifie. Mais, pour le moment, ils sont tous inclus dans le terme de « dirigeants politiques ». Il est bien évident que cette accusation vise réellement ceux uniquement qui dirigeaient alors les services politiques depuis le Gau jusqu’au Block ; mais le terme les englobe tous. C’est pour montrer justement de quoi il s’agit que j’ai donné ces chiffres importants pour éclairer la situation.

LE PRÉSIDENT

Mais nous n’avons rien à voir avec ces gens à part les Gauleiter et Kreisleiter ; les autres restent dans l’ombre tant que le Tribunal n’en est pas saisi.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, à première vue, ces gens-là sont inclus dans le terme « corps des dirigeants politiques » que l’Accusation ne limite pas ; cela doit être fait maintenant. Cela s’explique ainsi parce que ces organisations...

LE PRÉSIDENT

Vous voulez dire que l’Acte d’accusation ne spécifie pas « depuis les Gauleiter jusqu’aux Blockleiter » et dit simplement « le corps des chefs politiques » ?

Dr SERVATIUS

Cela est défini plus tard, mais à l’origine, dans l’introduction, il est fait mention de l’ensemble, « le corps des dirigeants politiques ». Si le Ministère Public éclaircissait ce point, le nombre de personnes serait considérablement réduit. Je voulais simplement attirer votre attention sur les statistiques établies à ce sujet.

LE PRÉSIDENT

Où est-il précisé que l’Acte d’accusation se limitait aux Blockleiter et Gauleiter ?

Dr SERVATIUS

Dans l’exposé des charges. Les services sont mentionnés en détail, mais on ne dit pas que les autres sont exclus.

LE PRÉSIDENT

Si je comprends bien ce que vous dites, l’Acte d’accusation vise les dirigeants politiques, « le corps des chefs politiques » ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Dans ce corps, il y a des gens qui étaient des chefs politiques qui ne sont pas compris dans l’expression « depuis les Gauleiter jusqu’au Blockleiter » ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Mais, à un stade plus récent et dans l’exposé des charges, le Ministère Public a limité ou projeté de limiter son accusation du « Gauleiter jusqu’aux Blockleiter » dans son cadre général.

Dr SERVATIUS

C’est ainsi que je l’avais compris. On excluait simplement les états-majors de l’Ortsgruppenleiter et les adjoints des Block et Zelle : alors il restait encore la masse des autres, de sorte que le problème tourne dans un cercle vicieux.

LE PRÉSIDENT

Vous dites que les Blockleiter et Zellenleiter n’ont pas été omis ?

Dr SERVATIUS

Non, pas eux-mêmes, mais seulement les adjoints des Blockleiter et Zellenleiter, ceux qu’on appelait leur « État-Major », de même que les états-majors des Ortsgruppenleiter, et je crois que...

LE PRÉSIDENT

C’est ce que j’ai dit, l’Acte d’accusation comprend tout « le corps des chefs politiques », mais il a été limité depuis du « Gauleiter aux Blockleiter ».

Dr SERVATIUS

Je crois que certaines parties ont été enlevées mais on n’a pas dit qui restait visé par l’accusation. Ce peut être un malentendu. Peut-être le Ministère Public peut-il faire la lumière à ce sujet ?

LE PRÉSIDENT

Colonel Griffith-Jones, voulez-vous nous le dire ?

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Je puis peut-être vous aider. L’Acte d’accusation comprenait tous les chefs politiques. Lorsque l’affaire a été évoquée, le Ministère Public a exclu de ce nombre les membres des états-majors des Ortsgruppenleiter. Monsieur le Président se souviendra que le corps des chefs politiques comprenait ses Hoheitsträger, les hommes qui représentaient la souveraineté : les Gauleiter, Kreisleiter, Ortsgruppenleiter, Zellenleiter et Blockleiter. Les Gauleiter, Gruppenleiter et Ortsgruppenleiter avaient leur état-major, des gens qui travaillaient dans leurs bureaux et qui sont aussi des chefs politiques, mais n’étaient pas détenteurs de souveraineté. Le Ministère Public a exclu les membres des états-majors et les états-majors des Ortsgruppen. Il reste donc tous les détenteurs de souveraineté du Gauleiter au Blockleiter, et les chefs politiques des états-majors ou les membres des états-majors du Gau. C’est là, je crois, que nous en sommes actuellement.

LE PRÉSIDENT

Alors, vous êtes d’accord sur ce point, Docteur Servatius ?

Dr SERVATIUS

Oui, mais dans ce cas il faut qu’il y ait uns déclaration formelle du Ministère Public. Il a accusé l’ensemble du « corps des dirigeants politiques ». S’il s’est réservé le droit d’exclure certains groupes et souhaite maintenant exclure de l’Acte d’accusation les chefs politiques des organisations que je viens de citer, la NSV et le Front du Travail, et les organisations des femmes, il faut que le Ministère Public le déclare formellement.

LE PRÉSIDENT

Colonel Griffith-Jones, le Dr Servatius estime que vous devriez faire une déclaration formelle au nom du Ministère Public pour préciser qu’il en est ainsi.

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Monsieur le Président, si je comprends bien la situation, tous les chefs dont parle Dr Servatius (associations féminines, etc.) appartiennent tous à l’état-major. Ils travaillent pour les chefs politiques dans l’état major des divers détenteurs de souveraineté. Le Front du Travail (DAF) constitue peut-être une exception. Des témoins de la Défense ont laissé entendre qu’il y avait d’autres chefs politiques dans DAF en dehors des états-majors de l’un des Hoheitsträger ; s’il en est ainsi, naturellement, ils sont visés par l’Acte d’accusation.

LE PRÉSIDENT

II ne semble pas démontré dans ce document si ce sont des membres de l’état-major ou non ; il donne simplement des chiffres.

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Non, Monsieur le Président. Mais il est un fait que c’est là ce qui constituait les états-majors des Hoheitsträger. Les représentants de ces diverses autres organisations, l’état-major de chaque Hoheitsträger, Gauleiter, Kreisleiter ou Ortsgruppenleiter sont à peu près identiques avec les officiers d’état-major, les officiers d’entraînement, etc., et aussi les représentants de ces autres organisations, comme le Front du Travail allemand, le Bien-Être, les associations féminines, les associations d’étudiants, de professeurs, etc. Ce sont ces officiers d’état-major qui constituaient l’ensemble de l’état-major. Peut-être pourrais-je ajouter aussi que ce chiffre de 2.000.000 comprend naturellement tous les officiers d’état-major et les états-majors des Ortsgruppen qui ont été exclus par le Ministère Public. Ce sont eux qui constituent la majorité de ce total.

Je puis donner au Tribunal les chiffres exacts ou, du moins, aussi justes que nous avons pu les évaluer. Je ne les ai pas ici, mais le Tribunal verra alors qu’il y avait je pense environ 600 (C’est le chiffre qui fut prononcé ; toutefois, 11 est à présumer que c’est 0.000 qu’il faudrait lire) Ortsgruppen et que chacun comprenait environ 15 officiers d’état-major, de sorte que le total est considérable.

LE PRÉSIDENT

Ces chiffres devraient être déduits de ceux qui sont ici ?

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Oui, Monsieur le Président. Le Ministère Public n’a pas mentionné le total que le Dr Servatius vient de donner maintenant. On peut en déduire l’état-major complet de tous les Ortsgruppen, ce qui constitue la majeure partie du chiffre donné ici. Parlant de mémoire, je dirai que le total en faisant cette déduction était d’environ 600.000.

LE PRÉSIDENT

Peut-être pourriez-vous nous donner ces chiffres par écrit. Peut-être pourriez-vous nous renseigner maintenant car s’il y en a deux millions combien y a-t-il d’officiers d’état-major des Ortsgruppenleiter d’après vous ?

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Monsieur le Président je pourrai le dire au Tribunal dans un quart d’heure environ si je puis envoyer chercher les chiffres. Je vais les faire rechercher et vous les ferai connaître.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, puis-je prendre position au sujet de cette question ? Il est exact que les états-majors des Ortsgruppenleiter étaient exclus : d’après mes calculs, cela correspond à environ un million, mais le chiffre s’augmente d’une fois à une fois et demie en raison des mutations au cours des années, de sorte que le chiffre primitif doit être augmenté de la moitié, ce qui fait que l’on arrive de nouveau au million. De plus, Ortsgruppenleiter et services ne figurent pas dans le total des personnes mais uniquement dans les services, de sorte que les adjoints et remplaçants ne sont pas décomptés. Je crois que cette question ne peut être traitée en détail que par un statisticien. Je ne pense pas qu’il serait nécessaire de la faire dans le détail, mais d’avoir simplement la notion générale qu’il s’agit de millions.

Je passe alors à la page 4 : il y a là également un extrait de la revue Der Hoheitsträger. Malheureusement, on ne peut pas voir sur le document qu’il s’agit d’un autre numéro de ce journal, qui date de l’année 1937 (2e édition). On peut y voir les pourcentages des Blockleiter, Reichsleiter et Gauleiter. La majorité — plus de 50 % — sont des Blockleiter et Zellenleiter. Ils ne sont pas exclus de l’Acte d’accusation ; ne sont exclus que leurs adjoints. Le noyau véritable des chefs politiques est formé par les Kreisleiter et Gauleiter, soit 1,3 %.

Les chiffres mentionnés sous les numéros 5 et 6 sont significatifs. Les services de spécialistes se montent à 27,8 % et les services intérieurs du Parti, de l’administration, à 16 %. Ces services de spécialistes sont importants parce qu’ils comprennent les chefs politiques des organisations, des unions professionnelles, la DAF et la NSV.

Mais en aucune façon les dirigeants politiques de ces organisations n’étaient tous en même temps dans les états-majors des Gau, Kreis et Ortsgruppe. Seulement un très petit nombre se trouvait dans chaque Gau, peut-être un ou deux, quelques-uns dans les Kreis et peut-être quelques-uns dans les Ortsgruppe, de sorte qu’ils ne forment qu’un tout petit nombre ? La majeure partie de ces spécialistes étaient naturellement dans leur formation.

Maintenant, je passe à la page 5, document n° 12 : il est significatif quant au terme « corps des dirigeants politiques ». Il est difficile de savoir si un tel corps existe ou s’il peut être constitué maintenant. Ici, il est précisé que toute organisation politique est interdite de même que ce terme d’organisation politique. Une instruction de Hess, en 1935, avait établi sur une raison légale, qu’il ne pouvait y avoir une telle organisation spéciale.

Je passe ensuite au document n° 13 qui est important pour la raison suivante : On ne devient pas dirigeant politique du fait qu’on est nommé à un service, mais sur nomination spéciale. Il est précisé ici que la nomination au grade de Hoheitsträger doit être faite par acte spécial de souveraineté ; quiconque n’est pas nommé ne devient pas Hoheitsträger et n’appartient pas au corps des dirigeants politiques. Il s’est avéré qu’un grand nombre de gens n’ont pas été nommés, en particulier tous ceux qui, pendant la guerre, ont occupé des fonctions subalternes, souvent à titre honorifique.

Le document n° 14 traite de la même question. Le document n° 15 indique d’une façon analogue qu’il s’agit d’une nomination à un service public et qu’il ne s’agit par conséquent pas d’une nomination privée à un poste.

Dans le document n° 16 à la page 9, on trouve l’ordonnance précisant que les dirigeants de la DAF (Front du Travail) sont également des dirigeants politiques du Parti ; donc d’après la définition donnée par l’acte d’accusation, ils feraient partie du « corps des dirigeants politiques » si on ne les en exclut pas.

Le document suivant, n° 17, définit le corps des dirigeants supérieurs, des Hoheitsträger jusqu’aux Kreisleiter et montre que les Ortsgruppenleiter et leurs inférieurs sont traités d’une manière différente en ce qui concerne leur nomination. Hitler nomme personnellement les Gauleiter et leurs adjoints, les Gauamtsleiter et les Kreisleiter. Ce sera important pour le jugement de ces personnes.

Le document suivant, n°  18, à la page 11 montre l’exagération de ce terme de « Hoheitsträger » opposé à celui de « dirigeants politiques ». Il mentionne l’attribution de ce titre aux chauffeurs d’automobiles, téléphonistes, concierges, ordonnances, etc.

On doit en faire des dirigeants politiques dans des organisations et non pas dans les services politiques entre les Gau et Ortsgruppenleiter.

Selon le document n° 19, à la page 12, les nominations au titre de « dirigeant politique » doivent être suspendues jusqu’à nouvel ordre. Il date de l’année 1944. Par conséquent, ceux qui furent investis d’une fonction après août 1944 ne devenaient en aucun cas des « dirigeants politiques ». En principe, il en était ainsi déjà avant.

Le mot « Hoheitsträger » (détenteurs de souveraineté) est d’une grande importance. Le Ministère Public lui a donné une grande importance. Les Blockleiter et Zellenleiter n’ont pas été exclus de procédure parce qu’ils étaient Hoheitsträger. Dans le document n° 20, à la page 13, Hess décrète le 14 avril 34 que les Hoheitsträger comprendront seulement les Gauleiter, Kreisleiter et Ortsgruppenleiter. Ce n’est pas expressément stipulé mais ressort du texte.

Le document suivant ; n° 22, page 14 est important parce que lui aussi, restreint le cercle des Hoheitsträger aux Ortsgruppenleiter, excluant par conséquent ceux qui sont au-dessous. Il en est même en ce qui concerne le document n° 21 à la page 15 qui limite également cette définition aux Gauleiter, Kreisleiter et Ortsgruppenleiter.

Dans le document n° 21, page 16, le mot « Hoheitsgebiete » (domaines de souveraineté) est clairement défini. II s’agit d’un livre intitulé L’Administration du Parti National-Socialiste des Travailleurs allemands de 1940, publié par un certain Dr Lingg. Il dit :

« Pour l’exécution de sa tâche, le Parti est divisé en quatre zones de souveraineté : 1. Reich ; 2. Gau ; 3. Kreis, et 4. Ortsgruppe. A la tête de chacune de ces zones de souveraineté se trouve un « détenteur de souveraineté » : 1. Le Führer ; 2. Le Gauleiter ; 3. Le Kreisleiter et 4. L’Ortsgruppenleiter. »

Le document 22, page 77, datant de 1940 est une ordonnance officielle ayant le même effet et qui donne la définition du terme de « Hoheitsträger ».

Le document 4, page 18, est dans le même sens.

C’est un ordre de Hitler sur le cercle de personnes autorisées à déterminer l’étendue des dégâts à la suite des bombardement aériens : « Les Hoheitsträger compétents, c’est-à-dire les Gauleiter Kreisleiter et Ortsgruppenleiter sont autorisés à pénétrer sur le lieu du sinistre. »

En d’autres termes, quand quelque chose arrivait dans la zone d’un Blockleiter ou d’un Zellenleiter, il n’y était pas admis parce qu’il n’était pas Hoheitsträger.

Je me réfère maintenant au document 32, page 19, qui s’exprime dans le même sens.

Le document 24, page 20, confirme à nouveau mon explication.

Le document 25, à la page 21, est un extrait de Der Hoheitsträger ; il traite de renseignements confidentiels et de la question de savoir dans quelle mesure ces renseignements peuvent être transmis. Ces renseignements s’arrêtent aux Ortsgruppenleiter. Les Blockleiter et Zellenleiter sont exclus.

Suit alors le document n° 9 à la page 23. Là il s’agit d’un décret du ministre des Finances du Reich traitant de l’octroi de prêts mariage et autres subsides. Ce document est important parce qu’il détermine quels postulants doivent fournir les preuves de leur bonne foi politique avant de pouvoir prétendre à un prêt. Il montre que Blockleiter et Zellenleiter doivent prouver leur bonne foi politique et ne peuvent donc pas être Hoheitsträger dans le vrai du mot.

J’en reviens maintenant à un autre ensemble de questions. Il s’agit du document 26 à la page 26. La question est de savoir quelle mesure les SA et les SS sont subordonnées aux dirigeants politiques. Il est dit ici que cette subordination n’existe pas pour les SA, les SS, la Jeunesse hitlérienne et le NSKK.

Le document n° 27 s’exprime en des termes analogues. Il firme que les chefs de groupes ou des brigades SA, ne sont pas les ordres des Gauleiter.

Le document n°  28 traite des groupes de recrutement et de la question de propagande ; aide doit être donnée par la parole et les actes et par-dessus tout il faut gagner et convaincre les gens. Il traite également du mouchardage.

Le document n° 29 traite des rapports entre Parti et État, et de l’immixtion du Parti dans les droits de l’État. Une instruction dit :

« Ne vous mêlez pas de prendre des mesures pour renforcer ce qui est de la responsabilité de l’État. Lorsqu’on fait appel à des organismes de l’État il faut d’abord voir si une telle immixtion est justifiée ».

Le document n° 30 est à la page 31. C’est une ordonnance de Hess sur l’attitude d’un national-socialiste qui doit s’efforcer d’obtenir la confiance et la bonne volonté en vue d’une collaboration.

Le document suivant n° 31 est dirigé également contre les tentatives d’abus des services officiels du Parti en intervenant auprès d’autres services pour des fins personnelles.

Le document n° 32 traite des poursuites pénales et indique que le Parti n’a rien à voir avec cela et ce qu’il y a à espérer d’une telle procédure ; il dit : « La décision à prendre pour qu’un acte répréhensible fasse l’objet d’une poursuite appartient uniquement au Ministère Public et au Ministre de la Justice du Reich.

Le document suivant n° 33 est une autre ordonnance de Hess de l’année 1935 qui se rapporte à l’appréciation politique faite dans certains rapports et dit qu’elle n’appartient qu’aux Kreisleiter et à ceux qui sont au-dessus. Je voudrais attirer tout particulièrement l’attention là-dessus parce que je considère que c’est là une indication essentielle sur les hauts dirigeants du Parti et un point saillant de nature à permettre une appréciation judicieuse.

Le document n° 34 traite de la question des renseignements connus sous le nom de « mouchardage ». Il a été émis par Hess en octobre 1936 ; je cite : « Jamais, même quand ils ont affaire avec les citoyens allemands les plus modestes et leur famille, les Zellenleiter et Blockleiter, ne doivent se montrer importuns, et ils ne doivent jamais se livrer à la délation et au « mouchardage » à leur égard, car cela n’amènerait pas la confiance, mais bien la défiance. »

Le document n° 35 est une ordonnance de 1937 qui déclare que les recherches, les enquêtes, ne sont en aucune façon du ressort du Parti. Il fait partie des tâches des services de l’État de découvrir et d’écarter de tels dangers.

Le document n° 36, page 37, le souligne encore. C’est un document qui traite de la collaboration des services du Parti et de la Gestapo. Voici ce qui y est dit : « J’interdis à tous les services du Parti d’entreprendre des enquêtes et des interrogatoires dans les affaires qui font l’objet d’enquêtes de la part de la Gestapo.

Le document suivant, n° 37, montre que les devoirs des dirigeants politiques, visant à signaler tous les incidents, n’étaient rien de plus que ceux de tout fonctionnaire. Il cite la loi sur les fonctionnaires allemands dont l’article 3 spécifie : « Toutes circonstances susceptibles de mettre en danger les intérêts du Reich ou de la NSDAP même si elles sont découvertes en dehors de son service, doivent être portées par lui à l’attention de son supérieur hiérarchique. »

Le document n° 38, à la page 39, concerne les services techniques des états-majors politiques. C’est une circulaire extraite de la publication officielle intitulée Dispositions, ordonnances et avis (volume 1). Il est question des rapports d’activité qui doivent être présentés. Le rapport sur la situation politique ne sera présenté que par les Hoheitsträger. Une différence est faite entre les deux catégories. Je la propose pour la défense des spécialistes des états-majors politiques.

Les documents suivants traitent de la conspiration contre la paix. Il y a tout d’abord le document n° 39 à la page 41 qui est un extrait du commentaire du programme du Parti de Gottfried Feder. C’est un commentaire quasi officiel qui date de l’année 1934. Il dit : « Nous déclarons toutefois que nous ne pensons pas contraindre, par la violence, au rattachement des Allemands qui vivent en dehors de l’Allemagne sous la souveraineté danoise, polonaise, tchèque, italienne ou française. »

Je saute une phrase :« Ainsi cette exigence est dénuée de toute tendance impérialiste. »

Le document n° 40 est à la page 42. C’est un extrait du Bulletin des Instructions de la Direction du Reich. C’est une déclaration faite en 1933 par Hess : « Dans certains pays étrangers, la propagande contre l’Allemagne fait usage de l’assertion fausse que la NSDAP viserait à l’annexion de certaines parties de la Suisse, de la Hollande, de la Belgique, du Danemark, etc. Si insensée qu’elle soit, cette hypothèse n’en a pas moins trouvé crédit dans certains milieux. C’est pourquoi la direction du Reich tient à affirmer que pas un seul homme sérieux en Allemagne ne pense attenter à l’indépendance d’autres états. »

Le document n° 41 à la page 43, est encore une ordonnance de Hess rédigée un an plus tard, en octobre 1934. Selon cette ordonnance, les Allemands et leur Führer désirent vivre ensemble et en paix et dans un respect mutuel des autres peuples et nations. Ils ne désirent aucun conflit avec personne.

En août 1935, un an plus tard, Hess a publié un autre ordre destiné au Parti, et qui constitue le document n° 42. Il se réfère aux principaux discours dans lesquels Hitler répète continuellement qu’il désire vivre en paix et dans un respect mutuel avec les autres pays et nations, et veut un règlement pacifique de toutes les questions en suspens. Les déclarations faites à l’étranger sont qualifiées d’inventions malveillantes.

Le document suivant n° 43 est un document rédigé encore par Hess : il date du mois de janvier 1937. Ce document traite du réarmement et dit que le but de ce dernier est de protéger l’Allemagne contre toute action arbitraire venant de l’étranger.

J’en viens maintenant à une autre série de questions. Il s’agit de la question des ordres secrets, du secret gardé qui apporte un démenti à la notion de complot. Tout d’abord c’est l’ordre bien connu de garder le secret, adressé à la Wehrmacht, puis au Parti, selon lequel personne, aucune unité, aucun officier, ne doivent savoir plus qu’il n’est nécessaire.

Dans le document n° 45 cet ordre est étendu à tous services à tout fonctionnaire, à toute entreprise et à tout ouvrier.

Le document n° 46 traite d’une question de la presse qui touche également la question du secret : les articles traitant des questions fondamentales devraient d’abord être discutés par le service de presse du Reich.

Le document n° 47, à la page 49, est la reproduction d’une ordonnance selon laquelle les discussions sur la situation militaire sont interdites : on cite le cas d’un Blockleiter qui avait diffusé des informations de la plus haute importance.

Le document n° 48, à la page 50, traite de la loi sur l’interrogatoire des membres de la NSDAP et de ses organisations affiliées. Le secret, là aussi, est assuré par les ordres secrets officiels : les interrogatoires ne devant être pratiqués que sur ordre spécial par les Unterführer du Parti.

Le document n° 48, à la page 51, est une circulaire d’application de cette loi qui détermine ce qu’il faut entendre par Unterführer, selon le Parti. Là je dois faire remarquer à nouveau que le dernier maillon dans la chaîne du commandement est l’Ortsgruppenleiter. On élimine encore là, même pour le titre d’Unterführer, les Blockleiter et Zellenleiter.

Le document n° 49, à la page 53, reproduit les informations confidentielles du Parti du 9 octobre 1942 : « Mesures préparant la solution finale de la question juive en Europe, rumeurs concernant la situation des Juifs dans l’Est ». On y trouve : « Afin de pouvoir répondre au bruit qui court à ce sujet et auquel on a donné intentionnellement un caractère tendancieux, les explications suivantes sont reproduites en vue de faire comprendre l’état des choses actuel... »

Et, à la page suivante, on déclare ce qu’on a l’intention de faire : d’une part, éloignement des Juifs des divers secteurs de la vie du peuple allemand, ensuite refoulement de l’ennemi en dehors du territoire du Reich.

Le document suivant n° 50 traite de l’idée d’une conspiration. On montre ici que le principe bien connu du chef...

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Je m’excuse d’interrompre le Dr Servatius avant qu’il n’abandonne ce document n° 49, page 51, mais c’est un document auquel le Ministère Public attache une grande importance et qu’il vient de découvrir dans le livre de la Défense.

A la page 54, on voit au milieu du paragraphe 2 que l’élimination des Juifs n’est plus possible par l’émigration. J’attire particulièrement l’attention du Tribunal sur la dernière phrase de la page suivante : « La nature de la cause veut que ces problèmes très délicats ne soient résolus dans l’intérêt de la sécurité définitive de notre peuple qu’avec la plus grande sévérité. »

A la première page de ce document on verra dans une colonne :

« Observations » à n’ouvrir que par les « G »et« K ». Le Dr Servatius voudra bien rectifier si je présume qu’il s’agit de Gau et Kreis.

Dr SERVATIUS

Je suppose que cette note « A n’ouvrir que par les G. et K. » signifie ce que vient de dire M. le Représentant du Ministère Public « les Gaue et les Kreise ». Mais il nous faut lire tout le document et c’est alors seulement qu’on en comprend le sens véritable et complet. L’auteur a évidemment l’intention de camoufler la situation véritable et s’il dit qu’il n’y a plus de possibilité d’émigration, il ressort de cette lettre qu’on est en train de créer un domaine de colonisation à l’Est et non pas un plan d’extermination. Et lorsqu’il dit que l’on procédera avec la plus sévère rudesse, c’est la formule habituelle employée dans le vocabulaire du Parti qui signifie que ces mesures de transports seront prises avec la plus extrême sévérité. Je crois que le fait de transporter ces gens, constitue déjà une véritable mesure impitoyable sans même savoir, comme maintenant, qu’ils seront exterminés. Je crois que je puis me dispenser de lire le tout. Mais je crois en avoir fidèlement donné une idée.

Le document n° 50 à la page 56 montre que la politique étrangère était entièrement entre les mains du Führer et que les mesures qui même semblaient bizarres à tout Allemand par exemple le renoncement au Tyrol du Sud, ne supportaient plus de discussion.

Le document suivant n° 51, à la page 57, s’exprime dans le même sens. C’est une circulaire publiée par la Chancellerie du Parti et adressée au Parti, datée du mois de novembre 1942 et selon laquelle il ne peut y avoir qu’une seule opinion pour le Parti. Elle se réfère à un décret antérieur.

C’est de la même manière qu’il faut comprendre le document n° 52 à la page 58. Il est dit ici que le Hoheitsträger aura à agir seul, selon les directives qui lui seront données par le Führer.

Le document n° 53 à la page 60, traite de la situation de Bormann. Elle est précisée ainsi :

« Le Führer a l’habitude depuis des années de charger le Reichsleiter Martin Bormann de missions spéciales les plus diverses qui ne relèvent pas de ses fonctions de Reichsleiter en sa qualité de chef de la Chancellerie du Parti, mais ont trait plutôt à des questions dans lesquelles les directives et les opinions du Führer doivent être transmises en son nom à de hautes personnalités de l’État ou à des services, en dehors du Parti. »

Ce fait est important parce que Bormann a décidé quantité de choses très importantes en sa qualité de secrétaire du Führer comme par exemple la question de l’euthanasie.

Le document n° 54 à la page 62, donne à nouveau une vue générale sur la direction du Parti, en particulier le moyen d’éviter les différences d’opinion entre les membres dirigeants du Parti. La formation de clans devenait pratiquement impossible.

Le document suivant n° 55, à la page 64, traite de l’organisation à l’étranger et permet de comprendre le document suivant, n° 56 où sont désignés les Hoheitsträger d’une manière un peu différente. Étant donné qu’ils n’ont pas de circonscription propre, ils prendront le rang de Gauleiter ou Gauleiter adjoints. Il en est de même pour les Kreisleiter, les Ortsgruppenleiter et les Stützpunktleiter.

Le document n° 57, à la page 68, fait ressortir à ce propos le principe selon lequel « le national-socialisme n’est pas une marchandise destinée à l’exportation » et indique qu’il n’y a pas lieu de gagner d’autres places au national-socialisme à l’étranger.

Le document n° 58, à la page 69, est une circulaire sur les rapports avec les groupes politiques étrangers. Il date de l’année 1942. Il s’exprime ainsi :

« Tout rapport des membres des services du Parti à l’intérieur et à l’étranger avec des groupements politiques ou non politiques d’autres États doivent être en fonction exclusive des conditions dans lesquelles ces groupes se trouvent par rapport à leur gouvernement officiel avec lequel le Reich allemand entretient des relations diplomatiques. Les rapports avec de tels groupes doivent, sans aucune exception, ne pas être maintenus s’ils ne soutiennent pas leur propre gouvernement ou s’ils lui causent des difficultés. Cela vaut également pour le cas où ces groupes se qualifient de nationaux-socialistes ou de fascistes. »

Le document n° 59, page 70, est extrait du Reichsverfügungsbiatt du 4 novembre 1942 de Hitler. Il stipule :

« La vie commune des peuples exige une étude faite de part et d’autre et avec tact de leurs caractères naturels. La NSDAP et ses organisations, toutefois, n’ont aucune mission européenne ou mondiale à remplir. »

Voilà qui termine le livre de documents n° 1.

LE PRÉSIDENT

Peut-être pourrions-nous suspendre ?

(L’audience est suspendue.)
LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, le Tribunal apprécie la façon dont vous traitez ces documents, mais en même temps est-ce que vous ne vous occupez pas de questions qu’il faudra que vous traitiez dans votre plaidoirie ?

Dr SERVATIUS

Dans ma plaidoirie, je n’effleurerai que brièvement ces questions. Il faut avant tout les présenter, ce qui s’est révélé très utile...

LE PRÉSIDENT

Dans la mesure où il s’agit du dépôt matériel des preuves, vous pouvez le faire plus brièvement. Si vous avez l’intention de traiter dans votre plaidoirie de la substance même de ces documents, il n’est pas utile de nous en exposer le contenu en les déposant ici.

Dr SERVATIUS

Oui, les mêmes questions vont apparaître à nouveau dans les affidavits que je vais présenter. Je ne sais pas si l’on peut éviter d’en parler devant le Tribunal car dans ma plaidoirie je ne parlerai qu’en quelques mots de ces questions.

LE PRÉSIDENT

Je pense qu’il serait préférable de déposer les documents maintenant sans nous en donner la substance, et de vous en occuper seulement dans votre plaidoirie.

Dr SERVATIUS

Dans la plaidoirie que je viens de terminer je me suis exprimé brièvement sur ces questions parce que je croyais pouvoir en exposer le contenu ici. Au début, je m’étais représenté autrement les choses ; comme on l’a dit, on devait présenter les documents, les commenter et on devait pouvoir s’y référer au cours de la plaidoirie. J’aurais alors construit ma plaidoirie d’une façon différente.

LE PRÉSIDENT

Je suis sûr que vous vous efforcerez d’aider le Tribunal en étant aussi bref que possible.

Dr SERVATIUS

Certainement. Le livre de document n° 2 commence par le document 60 qui traite, avant tout, de la question de l’obligation d’accepter un poste. Il y a d’abord une directive fondamentale selon laquelle tout membre du Parti est appelé à collaborer et peut être requis pour le faire.

Le document suivant traite du même problème, et le document 62 confirme de nouveau qu’on est obligé de travailler dans le Parti en dehors de sa profession. Il est significatif que les membres du Parti qui, sans raison valable, refusent d’assumer un poste dans le Parti, sont considérés comme agissant à rencontre des intérêts du Parti et sont passibles des tribunaux du Parti.

Le document suivant montre que dans la loi sur l’unité de l’État et du Parti cette infraction est punie par l’État. Au paragraphe 5 il est dit :

« En plus des peines disciplinaires ordinaires, arrestation et détention peuvent être ordonnées. »

C’est important, car la contrainte physique se manifeste par l’arrestation.

Le document suivant fait des statuts du Parti des règles de Droit public. C’est le document 63. A la page 77 on en tire la conclusion que quiconque agit contrairement aux tendances du Parti peut être exclu du Parti comme nuisant à ses intérêts.

Le document suivant, n° 8 à la page 78, relate un jugement dans lequel il est procédé de la sorte à l’égard de quelqu’un qui ne veut pas accepter un poste.

A la page 82, l’exclusion est confirmée. Il y a eu appel et la peine a été réduite de l’expulsion à la démission.

Le document n° 64 contient une décision du Tribunal suprême du Parti où un individu est expulsé du Parti pour avoir délibérément négligé ses obligations afin d’être exclu, ou démis de ses fonctions. Le document n° 65 est d’une importance particulière :

« L’exclusion du Parti est la plus grave sanction. Le Reichsleiter Buch a répété maintes fois que dans certaines circonstances elle équivaut à la perte de tout moyen d’existence et de toute considération personnelle. »

Chacun sait qu’une punition sévère, tôt ou tard, a une fin. Mais la perte de tout moyen d’existence signifie ici que la personne épuisée et sa famille ne pourra plus jamais obtenir de travail les moyens de vivre.

Dans le document n° 66 on tire des conclusions sur le cas de fonctionnaires expulsés. Leur nomination peut être rapportée. Puis il a plusieurs documents relatifs à la contrainte exercée sur des personnes officielles et des employés par divers services du Gouvernement.

II y a le document n° 67 qui émane du Gouvernement Bavarois montre, en dehors du Parti, ce qu’il arrive à une personne qui refuse un poste.

Le document suivant, n° 68, est une copie d’un décret du ministère de l’Intérieur, également dans ce sens. Le membre officiel doit prouver où il travaille et ce qu’il fait pour le Parti ; sinon un compte rendu doit être fait.

Le document n° 69 s’occupe du personnel de l’enseignement. C’est une déclaration du ministère d’État pour l’enseignement et la culture de haute et moyenne Franconie. On doit désigner nommément le personnel enseignant qui, pour une raison ou une autre, déplaît.

Dans le document n° 70, le ministre des Finances du Reich fait des promotions en raison de la collaboration dans le Parti.

Le document n° 71, parle de l’exclusion et de la démission des fonctionnaires et stipule qu’ils ne peuvent rester fonctionnaires après avoir quitté le Parti ; le moins qu’un fonctionnaire puisse espérer c’est l’arrêt de son avancement. Bormann demande qu’on lui indique en même temps la décision prise d’exclure l’intéressé du Parti.

Ensuite, vient le document n° 72 qui concerne les services spéciaux : Ici, on indique que les services spéciaux des états-majors des Hoheitsträger doivent fonctionner en dehors de toute considération politique.

Le document n° 73 définit la situation spéciale des membres officiels de l’État-Major de la trésorerie du Reich du Parti qui est chargé de la comptabilité et du contrôle financier.

Le document n° 74 montre à nouveau la séparation de l’administration financière, du système politique ordinaire.

Le document n° 75 ordonne la séparation entre l’administration financière et politique du Parti et rend les experts financiers indépendants de l’État-Major du commandement du Gau.

Le document n° 75 fixe également la règle suivante que les trésoriers sont sous la seule responsabilité du trésorier du Gau doivent suivre ses instructions.

Le document n° 76 traite de la procédure que le département finances peut suivre à l’égard des membres des états-majors politiques.

Le document n° 77 montre l’organisation des différents services de l’Etat-major. La distinction est faite entre la direction politique, l’administration et les tribunaux du Parti.

Le document n° 78 traite à nouveau de là séparation des trésoriers du Gau et des caissiers.

Le document n° 79 traite du sujet de l’organisation à l’Intérieur de l’Etat-major dans les différentes sphères de responsabilité.

Le document n° 80 interdit l’ingérence des services du Parti dans la procédure du Tribunal du Parti.

Le document n° 81 a son importance car il montre que les tribunaux du Parti sont placés en dehors de l’organisation du Parti et sont rendus indépendants. Il en résulte que les juges ne sont pas des chefs politiques.

Le document n° 82 définit la position du juge du Parti. Il dit :

«  II n’est subordonné qu’au Führer et, par conséquent, il n’est pas un chef politique. »

Les quelques documents suivants traitent de la question de l’Église. Avant tout, nous trouvons le commentaire fait par Feder du programme du Parti. Autant qu’il s’agit de politique culturelle, il déclare que les attaques contre le christianisme doivent être évitées, car elles sont grossières et manquent de tact ; et il ajoute :

« Le Parti est basé sur le christianisme. »

Le document n° 84 est d’une importance significative, car il définit, en détail, comme un commentaire du Parti, quelle attitude pratique doit être observée à l’égard des questions de l’Église.

Dans les paragraphes 27 et 28, il fait mention de la pleine liberté religieuse et de la liberté de conscience, de la protection des différents cultes, de la répression et de l’élimination des dogmes théologiques qui sont contraires au sens allemand de la moralité, etc.

Dans le document n° 85, d’autre part, le Parti se tourne contre le prétendu culte de Wotan et le rejette résolument.

Le document n° 86 interdit les interventions de l’État dans la lutte idéologique contre l’Église ; sont interdites en particulier les interventions de la Police politique telles que mesures de protection, confiscations, etc. C’est un document de l’année 1933.

Le document n° 87 a été rédigé à la suite d’une déclaration de l’évêque du Reich, Müller. C’est une ordonnance de Hess datant de 1933 qui interdit la contrainte de conscience.

En 1935, une ordonnance de Hess interdit également les interventions dans les affaires de l’Église. Cette ordonnance stipule que le Parti doit s’abstenir entièrement d’intervenir dans ces questions et interdit toute action individuelle contre les Églises.

Le document n° 89 est une lettre circulaire prise parmi les ordonnances du Parti de l’année 1937. Elle indique que toutes les confessions devront être traitées de la même façon, et décrète que le Parti restera en dehors de tous les groupements confessionnels. Il répudie certaines croyances connues sous les noms de « Deutsche Glaubensbewegung » et « Deutsche Gotterkenntnis » (de Ludendorff).

Le document n° 90 concerne les fêtes nationales-socialistes ; il est dirigé contre la tendance visant à remplacer les services religieux par certaines fêtes du Parti.

Le document n° 91 traite des conséquences pratiques qui résultent du fait que quand quelqu’un assiste à un office religieux, il ne peut lui en être fait grief et ne doit être puni de ce fait.

Le document n° 92 traite du service du Travail du Reich et déclare que les individualités ne doivent être entravées en aucune façon. Il s’oppose à la formation de groupements confessionnels. Puis nous en venons à la question des étudiants en théologie et l’interdiction de discussions religieuses au Service du Travail.

Le document n° 93 traite du livre Le Mythe. Si on l’examine attentivement, il est évident qu’il ne reçoit pas l’approbation du Parti.

Le document n° 94 traite du lynchage. Il se réfère aux mesures japonaises concernant la peine de mort infligée aux aviateurs participant à des bombardements et capturés. Le document condamne en Allemagne une telle attitude. C’est en 1942.

Le document n° 95 s’occupe du traitement des prisonniers de guerre. Il dit qu’ils doivent recevoir une nourriture suffisante. Le traitement, bien que strict, ne doit pas être brutal, mais juste et correct.

Le document n° 96 traite de l’utilisation des travailleurs des territoires de l’Est. C’est une circulaire de la Direction de la Propagande du Reich dont les chefs politiques devaient avoir connaissance. Elle stipule qu’ils doivent être traités d’une façon raisonnable, nourris d’une façon appropriée et qu’ils ne doivent pas être confondus avec les prisonniers de guerre.

Le document n° 97-concerne les pratiques religieuses des travailleurs de l’Est et demande que l’on mette des prêtres orthodoxes à leur disposition.

Le document n° 98 traite de la question de l’avortement des travailleuses des territoires de l’Est. C’est une information confidentielle de la Chancellerie du Parti, disant qu’avec l’autorisation de l’ouvrière seulement on peut interrompre la grossesse. Ce n’est que sur la demande de la femme enceinte que la grossesse peut être interrompue.

Le document n° 99 s’occupe de la détention de protection. C’est une mesure extrême qui ne doit être appliquée qu’après révélation des faits et de la culpabilité à la suite d’une enquête sérieuse ; elle ne doit intervenir que dans des cas urgents et bien fondés. Cette circulaire est adressée aux Kreisleiter.

Le document n° 100 traite de l’aide apportée aux familles des détenus politiques et aux détenus eux-mêmes après leur mise en liberté. Ce qui est particulièrement à remarquer c’est que les familles des détenus des camps de concentration reçoivent une aide tant économique que politique et qu’après leur mise en liberté, un secours en argent doit être assuré aux détenus.

Le document n° 101 traite de la question juive et repousse les bruits répandus ; il dit qu’on doit éviter toute provocation à des actes de terreur à l’égard des Juifs afin de donner un démenti à la propagande étrangère sur les atrocités et les boycottages et montrer que c’est un mensonge.

Le document suivant est important dans la mesure où l’Accusation s’est occupée des affaires des coopératives de consommation qui ont été envisagées avec les syndicats.

Le livre de documents n° 11 vient donc d’être discuté en détail. Certaines autres déclarations m’ont été autorisées. Le document n° 59 a été admis. Il déclare que Himmler a seulement le grade de Reichsleiter dans le Parti, mais qu’il n’était pas effectivement un Reichsleiter, ce qui doit avoir une signification légale.

Nous avons un autre document qui a été admis : il a été saisi dans un dossier du service de la Gestapo de Düsseldorf et traite des mauvais traitements infligés à des travailleurs étrangers. Dans ce document, il est interdit de frapper, d’emprisonner et de soumettre à des mauvais traitements ; un jugement d’un Tribunal spécial est mentionné, en vertu duquel le personnel de garde d’un camp a été puni de pas moins de quatre mois de prison pour avoir privé des gens de liberté et leur avoir causé de graves blessures.

Ainsi j’ai présenté les documents. J’en viens maintenant aux affidavits qui ont été autorisés.

LE PRÉSIDENT

Allez-vous parler de ces affidavits maintenant ?

Dr SERVATIUS

Oui, Monsieur le Président.

Le Tribunal possède une liste des 64 affidavits qui m’ont été autorisés ; je voudrais me servir de cette liste pour faire mon exposé.

L’affidavit n° 1 a été traduit et je puis le transmettre au Tribunal. Le document n’existait que dans la langue anglaise jusqu’à maintenant. C’est un affidavit d’un Landgerichtsdirektor de Ratisbonne, âgé de 60 ans, qui était Blockleiter. Il montre comment il devait remplir ces fonctions et explique par le détail en quoi consistait son travail. Il donne des renseignements sur la signification du livre d’organisation, ce qui a une importance car dans une certaine mesure il donne des conclusions sur l’importance de l’organisation et l’activité de ses membres. Il y est souvent répété que le livre n’était qu’un projet, et devait constituer une base de travail plutôt qu’une solution officielle du Parti.

Le document n° 2 n’est pas traduit. Il se trouve dans le procès verbal du 16 Juillet 1946 devant la première commission. C’est le témoignage d’un secrétaire de Police criminelle de Munich qui décrit gaiement son admission ; elle fut d’abord refusée comme inconciliable avec son grade de Blockleiter, mais plus tard, il fut néanmoins nommé. Il veut montrer qu’il ne s’agissait pas de services politiques importants comme il pouvait en être confiés à ce qu’on a appelé les Hoheitsträger. Il traite aussi d’autres questions de détail.

L’affidavit n° 3 se trouve au procès-verbal de la même séance de la commission. Il s’agit d’un employé de commerce qui a été Blockleiter pendant 8 ans.

Ensuite vient l’affidavit n° 4, à la même page. C’est un patron laitier qui fut Blockleiter actif pendant 10 ans dans une petite ville et qui fut autrefois membre d’un syndicat. Il parle du mouchardage, du fichier des habitants et des missions dont il fut chargé.

L’affidavit n° 5 est celui d’un serrurier de 72 ans qui fut Blockleiter pendant plusieurs années, puis Zellenleiter. Il parle du mouchardage, dit qu’il était stupide et aurait créé méfiance et mauvaise volonté. Il parle ensuite des motifs de son entrée dans le Parti et décrit quels étaient les gens parmi lesquels on recrutait les Blockleiter et Zellenleiter : hôteliers, tailleurs, serruriers, tapissier et autres.

J’en arrive maintenant à l’affidavit n° 6 qui a été traduit. C’est le témoignage d’un employé d’un service officiel de Stuttgart. Il fournit des indications sur la situation avant la guerre et prend position à propos des différents points importants dans la question des Blockleiter.

L’affidavit n° 7 n’est pas traduit. Le témoin est ingénieur diplômé et Blockleiter. Il définit sa position sur le système du fichier bien connu, et dit ce que le Blockleiter avait à faire dans ce domaine. Il mentionne depuis la collecte des cotisations du Parti jusqu’au balayage de la neige et autres travaux similaires, auxquels il devait veiller dans l’intérêt général.

L’affidavit n° 10 est d’un contremaître maçon qui parle de question des Églises dans le district de Cologne et dit qu’au môme de la fondation de la cellule tous les membres étaient strictement fidèles à l’Église évangélique, que le pasteur était membre du Parti et que dans la région il y avait des théologiens orateurs. Toutefois tout cela changea en 1935 avec les débuts du mouvement chrétien allemand.

Le document n° 11 a été traduit. Il émane d’un Kreisleiter qui exerçait la profession d’employé de bureau du district de Cologne et d’Euskirchen. Il parle également du fichier.

J’ai sauté le document n° 9 qui vient de Brake, dans l’Oldenbourg et traite de questions générales.

Maintenant, j’en arrive à l’affidavit n° 16 et je dois faire rectification. J’ai commis une erreur en indiquant « document » au lieu d’« affidavit », ce qui pourrait provoquer une confusion.

L’affidavit n° 16 vient d’un monteur-mécanicien, qui faisait partie du syndicat des métallurgistes et qui connaît 200 Blockleiter. Il parle surtout de la nomination et de l’installation des chefs politiques et dit qu’elles étaient difficiles à obtenir.

L’affidavit n° 18 vient d’un Zellenleiter de Brème qui était inspecteur principal de l’administration. Il parle de la prise d’un service quelconque sous contrainte. Il dit qu’il a dû remplir des questionnaires qui étaient versés à son dossier personnel.

L’affidavit n°  19 vient d’un Block et Zellenleiter de Hambourg et vise à élucider si un fonctionnaire est Hoheitsträger ou non. Il donne à ce sujet des détails qui pourraient permettre de juger de la question.

L’affidavit n° 20 vient de Berlin et montre l’activité dans la capitale, la collecte des contributions pour l’aide d’hiver et autres contributions, distribution de tracts, collectes et autres. Il parle aussi des renseignements sur les individus et de la procédure utilisée. Si un rapport négatif était fait en réponse à une demande venant par les voies officielles, une enquête plus approfondie était faite par de hauts fonctionnaires pour contrôler l’exactitude des accusations.

L’affidavit n° 12 vient de Berlin-Hessenwinkel en zone soviétique. C’est un éditeur qui donne un aperçu clair sur la situation dans cette région.

L’affidavit n° 17 vient de Dresde et énumère les activités du Blockleiter pour des choses très simples et non essentielles. Il compare les membres des états-majors des Ortsgruppen avec les Blockleiter et les Zellenleiter, et constate que les Blockleiter et les Zellenleiter étaient moins influents que les membres des Ortsgruppen.

Enfin il y a l’affidavit n° 21 qui vient d’Eisenach, et traite également de la question des relations avec la population, des questions de confiance à gagner, d’exemple à montrer, de la délation qui est interdite.

L’affidavit n° 13 vient du chef de l’organisation du Gau de Munich, Haute-Bavière, et traite de la valeur indiscutable du livre d’organisation que j’ai déjà mentionné et également de la question des Hoheitsträger et des pouvoirs de ces différents personnages. Il dit que dans un passage du livre on a particulièrement exagéré les buts et les plans des Blockleiter et Zellenleiter qui apparaissent pour des raisons de propagande, comme les gens les plus importants du Parti.

Ensuite viennent trois affidavits relatifs aux Blockleiter et Zellenleiter qui portent le numéro 14. L’un émane d’un juge qui s’occupe de différents problèmes d’autorité ; puis un fermier de Westphalie, qui était devenu bourgmestre, déclare également en ce qui concerne les droits de souveraineté qu’ils n’existaient pas dans le cas des Blockleiter et Zellenleiter et qu’il n’y eut ni mouchardage, ni aucune activité ayant trait à la conspiration.

Le numéro 15 est l’affidavit du Kreisleiter de Nurtingen. Il donne un aperçu sur les Blockleiter et Zellenleiter dans son district, et ce qu’ils étaient. 40 % de travailleurs de l’industrie, 20 % de ruraux, 20 % de fonctionnaires et employés ou autres. Il parle des tâches qui lui incombaient et de la question des cartes d’alimentation qui était la plus importante ; il parle du livre d’organisation comme d’une élucubration autour d’un tapis vert.

L’affidavit n° 24, de Karl Hederich, a été traduit. Il traite du problème du nombre des chefs politiques, problème que nous avons abordé déjà avec d’autres documents. Ce témoin était à la direction du Parti et était vice-président de la commission de censure. Il avait à rassembler des statistiques. Ainsi il se trouve bien informé sur les questions qu’il traite dans son affidavit. Il montre que le nombre des dirigeants politiques n’était pas de 600.000, mais en réalité de 1.500.000. Il précise que ce chiffre est approximatif et qu’il a tenu compte du fait que la même personne occupait souvent plusieurs postes.

L’affidavit n° 25 est un rapport de commission n° 1. Il traite du livre d’organisation et de sa terminologie, ce qui, pour ce Procès, est d’une importance fondamentale. Le témoin s’est entretenu avec l’adjoint de l’auteur du livre. C’est le témoin Mehnert qui a déclaré que le livre ne reflétait pas la situation telle qu’elle était, mais la situation à venir.

Vient ensuite l’affidavit n°  26 de Förtsch. C’est l’ancien Organisationsleiter du Gau de Munich-Bavière. Il dit que ce livre est un ouvrage théorique.

L’affidavit n° 27 est un deuxième affidavit de ce même Hederich, que nous venons de nommer et qui était à la Reichsleitung. La signification de ce livre d’organisation y est exposée en détail sur la base de la connaissance personnelle de l’auteur de l’ouvrage.

L’affidavit n° 28 est un second affidavit de Förtsch, Organisationsleiter de Munich qui prend position sur la question du corps des chefs politiques puis déclare que l’on doit faire une distinction très sévère entre Dienststellung (position officielle) et Dienstrang (rang officiel) et précise qu’une partie seulement de ces gens qui avaient une position dans le Parti étaient également nommés chefs politiques. Il estime, par exemple, que dans le Gau de Munich, Haute-Bavière, environ 20 % des gens qui occupent des services du Parti ont été nommés chefs politiques, et que 80 % ne l’ont jamais été. Il faut donc réduire ces chiffres dans une certaine mesure. Il indique également que l’attribution du titre de « chef politique » et l’installation dans un service étaient faits par différents offices.

L’affidavit n° 29 provient d’un témoin Davidts et confirme que les orateurs du Reich, du Kreis ou du Gau n’avaient pas en cette qualité le grade de « dirigeants politiques ».

Ensuite vient l’affidavit n° 30. C’est une lettre d’Alfons Schaller, Kreisleiter à Cologne. Il traite du fichier bien connu qui était en usage dans le Gau de Cologne, Aix-la-Chapelle, et explique son inexistence par suite des circonstances, c’est-à-dire que la plus grande partie du fichier ayant été détruite à la suite d’un bombardement aérien, les services d’état civil furent chargés de le reconstituer, mais en réalité n’en firent rien.

L’affidavit 31, d’un nommé Richard Schaller, traite de jugements politiques ; il dit surtout que les services au-dessus des Kreisleitungen ne pouvaient prononcer de tels jugements.

Et voici maintenant un document du Gauleiter Sprenger qui a été présenté par le Ministère Public sous le numéro D-728. A ce moment-là j’ai contesté l’authenticité de ce document, et différents témoins se sont exprimés ici à son sujet. Voici un affidavit d’un homme qui était adjoint du Gauleiter et qui a collaboré longtemps avec lui dans l’administration du Gau. Il dit que d’après son expérience personnelle et jugeant par la nature de ces lettres elles ne peuvent pas avoir l’origine qu’on leur attribue et ajoute les déclarations d’autres personnes qui lui ont également parlé dans le même sens.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, je crains que le cas du Ministère Public repose sur des documents qui ne soient pas contrôlés autant qu’il est humainement possible de le faire. Aussi, plutôt que de voir des contestations à propos de ces documents, le Ministère Public ne s’y référera pas.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, si j’ai bien compris, le document D-728 de Sprenger est retiré, n’est-ce pas ?

LE PRÉSIDENT

Oui. Poursuivez.

Dr SERVATIUS

Maintenant, je laisse de côté l’affidavit 33 qui traite également du document Sprenger.

L’affidavit n° 34 vient d’un Oberlandesgerichtsrat qui présidait un tribunal suprême du Parti et donne son avis selon lequel les juges du Parti n’étaient pas des chefs politiques, bien qu’à partir de 1943 une certaine modification eût été apportée par le livre d’organisation, et à la suite de laquelle ils furent plus étroitement liés au Parti.

Monsieur le Président, est-ce que je puis revenir au document D-728 qui vient d’être retiré ? Je voudrais que le passage cité de ce document soit retiré et rayé du procès-verbal.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je ne soulève pas d’objection, Monsieur le Président. Quand j’ai retiré ce document, j’entendais le faire disparaître du procès-verbal.

Dr SERVATIUS

Maintenant j’en arrive aux services spéciaux.

LE PRÉSIDENT

Poursuivez, Docteur Servatius.

Dr SERVATIUS

J’en arrive maintenant aux affidavits qui traitent des nominations de spécialistes dans les états-majors des Hoheitsträger. Dans les états-majors des Hoheitsträger, il y a différents groupes de services, les services de direction politique proprement dits, puis les services d’administration du Parti, ensuite les services professionnels et de spécialistes. Ces services de spécialistes sont, en tant qu’organisme et en matière de discipline, sous l’autorité des Hoheitsträger, mais reçoivent leurs instructions directement du Reichsleiter.

Je commencerai par l’affidavit n° 35 de Schön. C’est un directeur d’école du Parti de Mainfranken. Il traite du programme d’entraînement pour l’école ainsi que du problème des rapports avec l’Église et dit qu’il était interdit de quitter l’Église. Il déclare plus loin qu’il n’a jamais participé à l’élaboration d’aucun crime de guerre ou contre l’Humanité. Il dépose sur l’activité de son service.

L’affidavit n° 36 vient du Dr Schulz, chef supérieur du service de propagande pour l’éducation du Gau, dans le Gau de Basse-Silésie. Il précise en détail le genre d’informations qu’il a reçues au sujet du début de la guerre et dit que les événements se déroulèrent, très rapidement et d’une façon inattendue. Il parle ensuite de l’installation de la DAF (Front du Travail) et de son activité de propagande. Il dit, et cela est essentiel, que 4 % seulement du personnel étaient véritablement payés et que le reste était employé comme fonctionnaires honoraires et, de plus, que 76 % étaient catholiques.

Le groupe suivant concerne l’administration du Parti.

Il y a un affidavit n° 37 du nommé Paul Künzler de l’administration des Finances. Il confirme l’activité exclusive en matière de technique financière et d’administration, et comment le personnel était maintenu en dehors de toutes les tâches politiques.

Le troisième groupe de services techniques comprend les agents techniques de liaison entre les différentes branches du Parti, les représentants professionnels, les conseillers techniques généraux et leurs services, et finalement le service de bien-être et d’assistant publics. Aux experts de liaison appartenaient la Frauenschaft (Ligue des femmes), la Ligue de l’enseignement et l’Union des étudiants C’étaient des organisations indépendantes qui n’avaient pas de rapport avec les Hoheitsträger par l’intermédiaire d’un service de leur état-major. Les chefs locaux seulement établissaient une liaison avec les Kreisleiter et Gauleiter, à titre consultatif. Ici, devant la commission, on a cité deux témoins femmes pour la Frauenschaft, Westernacher et Paul, et pour la Ligue de l’enseignement le Dr Kutover.

L’affidavit n° 38 est une déclaration d’une femme Künost qui était chef de section dans un service de maternité de Gau à Berlin. Elle dit qu’elle n’avait aucun contact avec le Gauleiter, pas plus que ses collaborateurs, et qu’elle dépendait directement de la direction du Gau de la Ligue des femmes.

Dans l’affidavit n° 39, une femme médecin, le Dr Hildegard Brauns, définit l’activité de la directrice de la Ligue des femmes du Kreis de Wesermünde et la manière dont on faisait les conférences ; Elle signale également que dans les conférences qui ne traitaient pas que de questions féminines, les femmes devaient quitter la salle et qu’elle n’étaient jamais invitées à participer aux travaux politiques.

Le groupe des représentants professionnels comprenait les instituteurs, les fonctionnaires, les techniciens et les juristes, ainsi que les médecins. Je ne puis, pour des raisons techniques, présenter aucun affidavit pour les professeurs et éducateurs.

Au sujet des fonctionnaires, j’ai l’affidavit n° 40 déposé par le Dr Schenk, qui confirme également que ces groupes ne participaient pas aux conversations des Hoheitsträger avec leurs officiers d’état-major ; que depuis 1943 le service des fonctionnaires avait été supprimé parce que leur travail était considéré comme peu important.

Au sujet des services des Gaue et Kreise pour les sciences techniques, j’ai un affidavit du directeur du service technique d’un Kreis de Cologne, Schöneberger, qui définit son activité purement technique qui portait sur l’énergie électrique, les bâtiments, les transports, etc. On n’a fait appel à lui que lorsqu’il s’agissait de tâches spéciales de caractère technique.

L’affidavit 42 émane du chef du service technique de Gau pour la Poméranie, Mackels, qui s’exprime dans le même sens. Comme le témoin précédent, il précise que tout le travail était fait gratuitement et extra-professionnellement.

Ensuite, vient le service de la santé publique, avec l’affidavit n° 43 d’un docteur Alfred Sassé que était chef du service de santé du Gau à Iserlohn. Il dit que les chefs locaux de l’Union des médecins nationaux-socialistes étaient également chefs locaux de leurs services respectifs de Gau de la santé publique. Il dit qu’il a été consulté quand il s’agissait de questions professionnelles, alors que, dans les conférences intérieures de l’État-Major, les médecins n’étaient pas invités, de sorte qu’ils n’avaient aucune information sur l’orientation politique.

Ensuite, viennent les tâches des services juridiques. C’est l’affidavit n° 44 d’un chef de la section juridique de Kreis, le Dr Steinhauser, d’Augsbourg, traitant des tâches de l’Union des juristes et précisant que les services juridiques qui étaient rattachés aux états-majors n’avaient aucune signification politique, puisque depuis 1942 ils avaient été dissous, étant considérés comme inutiles pour l’effort de guerre.

Un autre groupe concerne les services spéciaux et les conseillers généraux, les chefs de la DAF, les représentants de la main-d’œuvre et du commerce, le service de la politique agraire, le service de la politique des communes, les conseillers économiques et les délégués pour les questions raciales.

Je dépose l’affidavit n° 45 d’un chef de Kreis de la DAF nommé Haller, de Neu-Ulm. Il décrit en détail ce que les membres du Front du Travail avaient à faire et quelle était leur position. Il fait ressortir qu’un travail exclusivement social constituait toute l’activité dans cette sphère.

Pour le service des artisans et du commerce, je ne peux pas donner d’affidavit, car je n’ai pas pu avoir de témoin à ma disposition.

Ensuite, vient l’affidavit n° 46 qui provient de l’ex-ministre du Ravitaillement et de l’Agriculture du Reich, le Reichsbauemführer Darré. Il traite en détail de l’organisation du Reich pour la question ravitaillement et précise comment et jusqu’à quel point un Bauernführer pouvait exercer une activité dans le Parti et jusqu’à quel point il pouvait appartenir au Reichsnährstand (Ravitaillement du Reich). Il montre que le Reichsnährstand était totalement indépendant du Parti, était une organisation professionnelle isolée qui, jusqu’en 1942, avait réussi à garder son indépendance à l’égard du Parti. Il exprime son opinion sur diverses questions de détail, particulièrement en ce qui concerne l’attitude envers l’Église de l’organisation des paysans du Reich.

Ensuite, j’en arrive au service de la politique des communes. Ici, j’ai deux affidavits, un émanant du Dr Planck qui était à l’Office de la politique des communes à Nuremberg. Il signale que le Parti s’occupait de ce que l’on appelle la direction des hommes, mais tout ce qui concernait les tâches spéciales de la politique des communes, par exemple les questions juridiques et d’administration...

LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, je ne sais pas si Sir David Maxwell-Fyfe devait faire allusion à ces passages au cours du témoignage de Göring ce soir, mais en tout cas, je crois qu’il vaudrait mieux interrompre l’audience maintenant, parce que nous ne pourrons pas en terminer avec tout ce sommaire des affidavits n’est-ce pas, Sir David ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

J’allais dire au Tribunal que nous n’avons pas été à même de retrouver ces passages dans l’examen de l’accusé Göring. Monsieur le Président, il s’étend sur certains passages. Nous les avons très soigneusement parcourus et nous ne pouvons pas les trouver. De ce fait, la demande du Dr Stahmer reste dans la même situation. Le document auquel on a fait allusion et qui porte le numéro N0-008 (GB-586) est une lettre du témoin Sievers qui contient la phrase suivante :

« Comme je vous en ai informé, l’ordre en vue de procéder à des expériences se trouve entre les mains du directeur de l’Institut d’hygiène de l’université du Reich de Strasbourg, le Professeur Dr Haagen, médecin-colonel et hygiéniste consultant d’une escadre aérienne, qui a été chargé de cette tâche par le Reichsmarschall, président du Conseil de recherches du Reich... »

C’est le point important. La signification est la suivante : lorsque le Feldmarschall Milch déposait, on lui a présenté des lettres constituant le document PS-343, dont la seconde, datée du 31 août, mentionne qu’il a entendu avec un grand intérêt les rapports des Dr Rascher et Romberg.

« Je suis au courant des expériences en cours. Je demanderai à ces deux messieurs de faire très prochainement à mon personnel une conférence combinée avec une séance de projections. »

Monsieur le Président, vous voudrez bien vous rappeler que le Feldmarschall Milch a dit qu’il agissait uniquement comme signataire de sa propre inspection médicale de l’armée de l’Air, lorsqu’il signa ces lettres et qu’il ne pouvait se souvenir de rien à leur sujet. Voilà le résultat des preuves. Parmi les décisions du Tribunal, il y en a deux qui, à mon avis, semblent pouvoir s’appliquer ici. Aux termes de l’une, les déclarations finales des accusés devraient précéder l’exposé des preuves des organisations. Le 31 mai, le Tribunal a décidé que les accusés seraient autorisés à attirer son attention sur tous les faits qui seraient soulevés au cours des dépositions sur les organisations et seraient de nature à faciliter leur défense.

Auparavant, le Tribunal avait formulé une règle générale : certains paragraphes de sa décision du 23 février ne limitent pas le pouvoir du Tribunal de permettre à un accusé d’être rappelé pour être entendu à nouveau dans les circonstances exceptionnelles, si le Tribunal estime que les intérêts de la justice l’exigent.

Monsieur le Président, le Ministère Publie hésite naturellement à suggérer au Tribunal ce qui pourrait constituer un cas exceptionnel, et quels pourraient être les intérêts de la Justice dans ce cas particulier, mais je voudrais indiquer deux points : l’un spécial à cette demande, et l’autre de caractère général.

En ce qui concerne le point propre à cette demande, c’est que l’on savait évidemment, quand l’accusé Göring vint à la barre des témoins, que ces lettres existaient et que son adjoint, le Feldmarschall Milch, avait dit que l’inspection médicale de l’armée de l’Air s’occupait de ces expériences et était en liaison avec les SS.

Monsieur le Président, à notre avis, d’après ce que nous avons pu constater, l’affaire n’a pas été poursuivie. Mais à ce moment-là l’accusé connaissait la situation générale. Je suis d’accord avec le Dr Stahmer, il ne connaissait peut-être pas ces expériences particulières sur le typhus. Le point général que le Ministère Public veut souligner est le suivant : cette procédure devrait être limitée à des cas exceptionnels où les intérêts de la justice l’exigent clairement. Il ne faudrait pas que cette procédure qui permet le rappel des accusés se généralisât ou qu’on y eût recours pour des points sans une importance primordiale. Monsieur le Président se souvient certainement que la règle britannique ne pratique une telle procédure que pour des cas strictement exceptionnels. Et, ainsi que je viens de le dire, le Ministère Public ne peut pas dire que ce point particulier de l’affaire du typhus ne soit pas exceptionnel, mais le problème général des expériences a été soumis à l’attention de l’accusé avant qu’il ne fasse sa déposition, et il ne s’agit pas, de ce fait, d’un point nouveau. Je ne pense pas que le Ministère Public puisse aider le Tribunal à cette occasion.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal va en délibérer. Lundi, le Tribunal siégera jusqu’à 13 heures. Après 13 heures, il siégera en Chambre du Conseil.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Je vous remercie.

(L’audience sera reprise le 19 août 1946 a 10 heures.)