DEUX CENT SIXIÈME JOURNÉE.
Lundi 19 août 1946.

Audience du matin.

M. DODD

Monsieur le Président, j’aimerais m’expliquer très brièvement ce matin au sujet de la requête du Dr Stahmer tendant à ce que l’accusé Göring revienne à la barre des témoins. Je n’ai pas fait d’objection vendredi, mais je crois que je dois en faire une pour justifier notre attitude à ce sujet devant le Tribunal.

Je ne voudrais pas qu’on suppose que je suis en désaccord avec mon distingué collègue, Sir David Maxwell-Fyfe, mais j’ai quelques remarques à faire au nom du Ministère Public américain.

J’aimerais faire remarquer au Tribunal que les raisons données au Tribunal par le Dr Stahmer, telles que nous les comprenons, résident dans le témoignage ou la déposition du témoin Sievers et dans le document qui a été soumis pendant sa déposition et qui comportait certaines indications selon lesquelles l’accusé Göring aurait ordonné ou autorisé le Dr Haagen à organiser ces expériences médicales.

Il me semble que les raisons que j’ai soumises à l’attention du Tribunal au moment de la déposition de Funk sont valables ici. Naturellement, j’accepte de bonne grâce la décision du Tribunal en ce qui concerne la requête de Funk. Je ne voudrais pas paraître soulever à nouveau des objections sur une affaire qui a été réglée.

LE PRÉSIDENT

De quelle demande parlez-vous ?

M. DODD

De la requête Funk. Il me semble qu’il y a une similitude dans ces demandes ; et l’expérience que nous avons faite à propos de Funk pourrait avoir de l’importance pour Göring. Il me semble que Funk n’a rien ajouté aux preuves sur son cas en venant à nouveau à la barre. Il a tout juste réussi à gaspiller un peu le temps du Tribunal.

J’ai expliqué, à l’époque de la demande de Funk, qu’il avait déjà nié l’esprit et la lettre de tout l’affidavit de Pohl et qu’il ne pouvait faire rien de plus que d’en donner une nouvelle assurance à la barre des témoins. C’est exactement ce qui s’est produit. Je pense que la même chose sera vraie en ce qui concerne Göring, et je voudrais attirer l’attention du Tribunal sur ce point : longtemps avant que Göring ne vienne à la barre des témoins, le Ministère Public avait donné toutes les preuves relatives à ces expériences médicales de la Luftwaffe, de sorte qu’il était au courant. Son avocat le savait également et s’il avait voulu interroger son client sur ce point il eût-pu le faire au cours de la déposition de celui-ci. Mais il ne l’a pas fait. Il a négligé ces questions. Il les a abandonnées et a préféré, ce qui constituait vraisemblablement son bon droit, les laisser à Milch, témoin de Göring. Nous avons sur ce point soumis le témoin Milch à un contre-interrogatoire mené par notre Procureur Général, M. Justice Jackson.

Si Göring souhaite réellement nier qu’il ait connu ou participé à ces expériences médicales de la Luftwaffe, il y a un moyen très simple et il y a au moins un précédent avec l’affidavit de Frank. Je suggère qu’il puisse rédiger un court affidavit qui ne comprendra que quelques courtes phrases pour dire qu’il n’a pas eu connaissance ou qu’il n’a pas participé à ces expériences. Le Tribunal a permis à Frank de le faire. Il a même été plus loin, si je puis le dire, son affidavit ayant pris vingt minutes ; je ne pense certainement pas qu’il faille aussi longtemps à Göring. Une autre solution eût consisté — et je n’ai pas encore eu l’occasion d’en parler avec mes collègues français et russes, mais comme Sir David Maxwell-Fyfe est de mon avis, je pense qu’ils seront d’accord — à faire ressortir du procès-verbal, avec notre consentement, que Göring nie avoir connu ces expériences ou y avoir pris part. Nous nous en contenterions. En tout cas, nous aimerions éviter que les accusés ne reviennent à la barre des témoins. Nous les avons suffisamment entendus. Le Tribunal a montré trop d’indulgence et ce serait une prétention abusive de leur part de revenir à cette barre, alors qu’un moyen plus simple permet d’atteindre le même résultat. Je dois dire au Tribunal que je doute fort que Göring ne vienne à la barre que dans ce simple but. Je suppose qu’il veut simplement faire traîner les débats en longueur.

Je n’aurais pas accompli mon devoir ce matin, si je n’avais mis le Tribunal en garde sur ce point. C’est pourquoi nous nous permettons d’élever une objection ferme et prions le Tribunal de faire valoir l’argument de Göring sous la forme d’un affidavit ou d’accepter le commencement de preuve que nous avons proposé. En tout cas, nous vous demandons de rejeter toute requête émanant, à ce stade des débats, de ces accusés ou des autres accusés, aux fins d’une nouvelle audition à la barre, ou susceptible de gaspiller le temps du Tribunal avec des détails qui n’ont rien à voir avec l’exposé des preuves. Je serais bien le dernier à vouloir écarter quelque chose d’important de cet important Procès. Je ne voudrais pas laisser planer la moindre ombre ou le moindre soupçon d’injustice sur la conduite admirable des débats que le Tribunal a réservés aux accusés.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal va prendre en considération ce point de vue. Êtes-vous prêt, Docteur Servatius, à vous occuper avec beaucoup de talent, comme je l’ai dit vendredi, de ces différents affidavits ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Tous ces affidavits n’ont-ils pas été résumés au cours des dépositions devant la commission ? Nous avons par conséquent sous les yeux, au cours de l’exposé des preuves fait devant les commissions, un résumé ou une référence à chacun de ces affidavits ?

Dr SERVATIUS

Ce n’est que partiellement vrai. Personnellement, je n’ai pas pu assister à toutes les séances de la commission ; par conséquent je ne peux pas avoir une image complète de ce qui s’est passé. Je caractériserai très brièvement ces affidavits que je souhaite vous soumettre, pour passer ensuite aux affidavits collectifs qui n’ont pas fait l’objet d’étude devant la commission. Il en reste très peu.

LE PRÉSIDENT

Jusqu’à maintenant, je ne vous parle que du passé. Vous avez attiré jusqu’à maintenant notre attention sur un grand nombre d’affidavits et je trouve, dans les procès-verbaux de la commission, que presque tous ces affidavits ont été littéralement et expressément résumés par l’avocat du Corps des chefs politiques. Le Ministère Public a indiqué son opinion sur ces affidavits.

Dr SERVATIUS

Nous avons fait un résumé très bref que nous avons déposé au début de l’exposé des preuves. Je voudrais très brièvement prendre position sur les derniers affidavits présentés par la commission pour passer ensuite aux affidavits collectifs.

LE PRÉSIDENT

J’espère que dans ce cas vous serez très bref et que vous ne parlerez que des affidavits non résumés devant la commission.

Dr SERVATIUS

Je me réfère donc aux affidavits n° 47 et n° 48 qui traitent de la politique communale ; c’est un service moins important ; par conséquent, je ne me réfère qu’au contenu. Il y a aussi l’affidavit d’un conseiller économique de Gau. Le point essentiel est que pendant toute son activité pendant deux années, il a eu l’occasion de ne parler qu’une fois au Gauleiter.

L’affidavit n° 50 du délégué à la politique raciale semble être d’une signification particulière. Il établit d’abord qu’il n’avait rien à faire avec la question raciale du moment, comme nous avons été amenés à la connaître au cours de ce Procès.

Puis nous en arrivons au NSV avec l’affidavit d’un Gauamtsleiter qui fait ressortir la séparation spécifique des différents services.

Le dernier est un affidavit d’un chef de service de Gau pour les victimes de la guerre et qui précise la position de ces services.

J’en ai maintenant terminé avec ces affidavits individuels ; je voudrais maintenant déposer quelques autres affidavits.

LE PRÉSIDENT

Vous voulez dire que vous en êtes déjà au 64 ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Très bien.

Dr SERVATIUS

Non, Monsieur le’ Président, c’est une erreur : 52 inclus. Avec le numéro 53 commencent les affidavits collectifs. Avant de passer à ces affidavits, je voudrais encore verser quatre affidavits individuels qui ont trait au sujet mentionné il y a un moment par le Ministère Public. Le premier est un affidavit du Gauleiter Hoffmann qui traite du problème de l’euthanasie et dit ce que son Gau a su à ce sujet ; c’est le document 65 que je verse au dossier.

LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, est-ce un affidavit qui n’a pas été présenté devant la commission ?

Dr SERVATIUS

II n’a pas été présenté parce que la commission avait déjà terminé ses travaux.

LE PRÉSIDENT

Vous ne pouvez pas présenter un nouvel affidavit. C’est la décision du Tribunal.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, ils n’ont pas été traités devant la commission et, en aucune autre façon, ils n’ont fait l’objet de la procédure, mais ils constituent des réponses à d’autres points soulevés par le Ministère Public. Je dois certainement avoir l’occasion d’en traiter. De nouveaux documents ont été déposés au cours de l’interrogatoire des témoins et j’ai été autorisé à en parler. Je demande qu’il me soit permis de présenter ces quatre affidavits très brefs.

LE PRÉSIDENT

Je crois que c’est exact, si vous faites état de nouveaux documents. Il ne s’agit que de quatre affidavits, n’est-ce pas ?

Dr SERVATIUS

Oui, Monsieur le Président, quatre seulement. Le premier a trait au document EC-265, un télégramme de l’ambassadeur Abetz traitant de l’expatriation des Juifs allemands en France. Il donne une explication et prend position à ce sujet. Je verse l’affidavit au dossier.

L’affidavit 67 qui suit prend position à propos du document URSS-143 qui a été présenté sur le Heimatbund de Styrie et indique que celui-ci ne faisait pas partie d’une organisation du Parti et n’était qu’une organisation locale. Le dernier affidavit a trait au document EC-68. C’est aussi l’affidavit n°  68 qui traite de la lettre confidentielle de la Landesbauernschaft du Bade et prend position par le détail sur des choses bien connues du Tribunal qui touchent au traitement des ouvriers polonais.

Avec l’affidavit suivant, je passe aux affidavits collectifs, qui sont 38.000. J’avais indiqué, avant, un chiffre plus élevé, mais je crois que j’avais été la victime des explications qui m’avaient été données par le rapport du colonel Neave qui parlait de 155.000 affidavits. On a commenté certains extraits de ces 38.000 affidavits portant sur la question des Églises et des Juifs ; ces déclarations ont été résumées.

LE PRÉSIDENT

Vous vous occupez du n° 53 ? A la page 3777 du procès-verbal de la commission, cet affidavit est entièrement exposé, je veux dire entièrement résumé.

Dr SERVATIUS

Je voulais simplement donner une explication et montrer comment on a procédé avec ce résumé. Si le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire que je donne cette explication..

LE PRÉSIDENT

Docteur Servatius, nous avons une énorme quantité de documents sur ce cas et il est inutile, à cette étape de la procédure, de revenir deux fois sur les mêmes choses. Est-ce que vous avez devant vous la page 3777 ?

Dr SERVATIUS

Non, je ne l’ai pas.

LE PRÉSIDENT

Si j’ai bien compris, le 53 est un sommaire collectif qui résume des affidavits qui suivent, n’est-ce pas ?

Dr SERVATIUS

Oui.

LE PRÉSIDENT

Bien, dans le procès-verbal de la déposition devant la commission, il est dit que l’ensemble consiste en un groupe de rapports de Karl Hederich et de déclarations individuelles suivantes : persécution des Juifs (n° 54), traitement des travailleurs civils et prisonniers de guerre étrangers (n° 55), dissolution des syndicats (n° 56) ; camps de concentration par Richard Millier (n° 57), État-Major d’opération de Rosenberg par Richard Muller (n°  58) et ainsi de suite...

Dr SERVATIUS

Oui, cela a été lu. Toutefois, je n’ai certainement pas reçu ce rapport. Si c’est mentionné ici, je n’ai pas besoin de le faire.

LE PRÉSIDENT

II a déjà été déposé devant la commission et figure au procès-verbal.

Dr SERVATIUS

II y a quelque temps il a été question de traduire certains de ces affidavits principaux et dé les verser au dossier. C’est ce que je voulais faire maintenant ; je voulais, à chaque fois, donner une indication très brève sur le contenu de ces affidavits et sur les diverses questions qu’ils traitent. Le numéro 53 dit simplement comment tout cela a été fait. C’est le point de départ de cette enquête, si l’on veut. Puis l’affidavit suivant traite de la question juive. C’est l’affidavit 54.

LE PRÉSIDENT

Je vous fais remarquer que ce que vous dites figure textuellement dans les procès-verbaux. Pourquoi le répéter ?

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, je ne sais jusqu’où va ce rapport.

LE PRESIDENT

II expose le contenu des affidavits 53, 54, 55, 56 et Müller, 57.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, vous serait-il possible de me faire tenir une copie de ce rapport pour que je puisse faire des remarques s’il y a lieu.

LE PRÉSIDENT

On me dit que vous avez le texte allemand. C’est un procès-verbal de ce qui s’est passé devant le commissaire, et votre représentant, le Dr Link, l’a fait lui-même.

Dr SERVATIUS

Monsieur le Président, cela m’a échappé étant donné le volume total des documents que nous avons traités. Je me réfère donc à ce document sans entrer dans le détail de ces affidavits.

J’aimerais simplement attirer votre attention sur un point qui concerne la question de l’Église. Il s’agit de deux théologiens qui ont pris position d’une manière très détaillée sur toutes les circonstances locales, ce qui, à mon avis, est d’une très grande importance.

Monsieur le Président, j’en ai terminé avec la présentation de mes documents.

En ce qui concerne les déclarations de la dernière audience sur le nombre des membres actifs, j’ai fait préparer un rapport statistique que je voudrais me permettre de présenter au Tribunal — non comme une preuve — de sorte que, sur la base du livre des statistiques du Parti qui se trouve dans la bibliothèque du Ministère Public, on puisse se faire une idée de ce qu’englobe l’Accusation. J’aimerais le remettre au Tribunal, non pas à titre de preuve, mais simplement comme document auxiliaire. Je ne le possède qu’en allemand jusqu’à présent.

LE PRÉSIDENT

Est-ce que le Ministère Public a des objections à faire contre la présentation de ce document ?

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Monsieur le Président, nous n’avons pour le moment aucune idée de ce que contient le document. Mais je ne pense pas que nous fassions des objections.

LE PRÉSIDENT

Peut-être pourriez-vous l’examiner pour qu’il nous soit remis plus tard.

SIR DAVID MAXWELL-FYFE

Si j’ai bien compris ce qu’a dit le Dr Servatius, il s’agit du nombre de personnes qui ont été comprises dans les organisations. Le colonel Griffith-Jones a préparé une statistique exacte de ceux que le Ministère Public demande d’englober, et le nombre qu’il se proposait de donner au Tribunal après la plaidoirie du Dr Servatius pourra lever certaines des difficultés auxquelles songe le Dr Servatius. Mais je ne vois pas d’objection à ce que le document soit versé, pour aider le Tribunal.

LE PRESIDENT

Très bien.

Dr SERVATIUS

Je n’ai pas très bien compris quand ces chiffres me seront communiqués ; après ma plaidoirie ou avant ? Il serait important, me semble-t-il, que j’en aie connaissance avant.

LE PRÉSIDENT

Je crois que vous allez recevoir les documents auxquels Sir David Maxwell-Fyfe fait allusion avant votre plaidoirie parce que les autres représentants des autres organisations auront à s’occuper de leurs documents et de leurs affidavits. Nous pourrons les avoir d’ici là.

Dr SERVATIUS

Puis-je donc vous remettre ce travail ?

LE PRÉSIDENT

Oui.

Dr SERVATIUS

J’en ai terminé avec mon exposé.

LE PRÉSIDENT

Quelle est l’organisation qui vient maintenant ?

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Je ne sais s’il conviendra au Tribunal que je donne quelques détails sur les chiffres dont nous parlions il y a quelques jours.

LE PRÉSIDENT

Ne pourriez-vous déposer ou remettre au Dr Servatius ce résumé statistique et vous occuper ensuite des autres questions dont on discute ? Si j’ai bien compris Sir David, vous aviez un document statistique qui fait ressortir le nombre des chefs politique qui sont impliqués, d’après ce qu’affirme le Ministère Public. Le Dr Servatius désire le voir. Si vous voulez bien le donner au Dr Servatius, cela conviendra parfaitement, n’est-ce pas ?

LIEUTENANT-COLONEL GRJFFITH-JONES

Je voudrais simplement expliquer ce que représente ce document. Cela ne nous prendra que deux minutes. Je pense que cela rendra service au Tribunal.

LE PRÉSIDENT

Si cela ne doit nous prendre que deux minutes.

LIEUTENANT-COLONEL GRIFFITH-JONES

Ce sont des chiffres extraits du livre d’organisation. A la page 1, le Tribunal verra les totaux de tous les chefs politiques, que le Ministère Public fait figurer dans les organisations : les Hoheitsträger, les états-majors des Reichsleiter, des Gauleiter, des Kreisleiter. Pour l’information du Tribunal, j’ai également inclus les Etats-majors des Ortsgruppenleiter, au nombre de 340.000, ce qui donne en tout 940.000. En déduisant de nouveau les états-majors des Ortsgruppen que j’ai ajoutés, vous avez le chiffre de 600.000.

Dans les pages suivantes, on trouvera des détails relatifs aux chargés de fonctions auprès des Kreisleiter, Reichsleiter et Gauleiter. Les Reichsleiter, je crois, parlent d’eux-mêmes. Le Tribunal verra exposés les chiffres relatifs aux services des états-majors des Gauleiter dans l’annexe « C ».

Monsieur le Président, tous ces chiffres sont extraits du livre d’organisation et je voudrais simplement dire qu’ils montrent que le maximum des états-majors des Gaue et des Kreise était loin d’atteindre dans tous les cas l’effectif maximum, si bien que le chiffre de 600.000 est un maximum.

LE PRÉSIDENT

Nous, allons maintenant nous occuper de la Gestapo.

Dr RUDOLF MERKEL (avocat de la Gestapo)

Monsieur le Président, je vous prie de me permettre tout d’abord de discuter de mon livre de documents. J’ai déjà versé les documents, à l’exception du numéro Gestapo-31, que je verse maintenant. Les numéros Gestapo-1 et 2 traitent de la notion et du but de la Police politique en général. Je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte de ces deux documents. Il en est de même pour les numéros Gestapo 3 à 8 inclus. Ces documents contiennent les lois organiques et des ordonnances fondamentales qui sont la base de la fondation, de la structure et des buts de la Gestapo, tout d’abord pour la Prusse, et ensuite pour l’ensemble du territoire du Reich.

Le document Gestapo-9 est une copie d’extraits de la loi relative aux membres allemands de la Police, du 24 juin 1937. J’en lirai le paragraphe 1, qui se trouve à la page 28 du livre de documents n° 1 :

« Cette loi s’applique aux agents d’exécution de la Police civile et de la Police criminelle du Reich et des communes, de la Gendarmerie et de la Police secrète d’État, ainsi qu’aux autres agents d’exécution de la Police de sûreté. »

On peut voir par-là que ces agents d’exécution étaient dans une situation toute particulière, ne serait-ce que du fait qu’ils dépendaient seuls de cette loi à rencontre des autres fonctionnaires de la Police, par exemple les agents administratifs.

Le document Gestapo-10 contient des directives d’exécution qui se rapportent à la loi précitée. Ce document donne une définition de ce que sont les agents d’exécution de la Police. J’en cite l’alinéa 1, se rapportant au paragraphe 1 de la loi qu’on peut trouver à la page 33 du document. « Les agents d’exécution de la Police sont, dans la Police criminelle du Reich, la Police secrète d’État et également d’autres branches de la Police de sûreté, les assistants criminels et assistants criminels principaux, les secrétaires criminels, etc. »

Par la loi du 19 mars 1937, les agents de la Gestapo devinrent directement des agents du Reich. Je cite ici un passage du document Gestapo-11, extrait de la page 36 du livre de documents, paragraphe 1 :

« Deviennent agents directs du Reich : les agents de la Police de sûreté (Police secrète d’État et Police criminelle) à l’exception toutefois des agents administratifs de Police servant dans la Police criminelle, dans les administrations de Police d’État. »

Je prie le Tribunal, de prendre acte du document Gestapo-12. C’est une copie de la loi du 17 juin 1936 sur la nomination du chef de la Police allemande au ministère de l’Intérieur du Reich. Je demande également de prendre acte du document Gestapo-13 qui concerne l’emploi des inspecteurs de la Police de sûreté.

Le numéro Gestapo-14 a déjà été déposé sous le numéro USA-266 comme preuve qu’il était interdit au Parti de s’occuper d’affaires qui étaient du ressort de la Gestapo. Je cite le chapitre 1, paragraphe 2, à la page 42 du premier livre de documents :

« Je défends à tous les services du Parti, à ses branches et associations affiliées, d’entreprendre des enquêtes, des interrogatoires sur des affaires qui sont du ressort de la Gestapo. Tous les incidents d’un caractère de Police politique, sans préjudice d’un rapport fait par les voies du Parti, doivent être portées immédiatement à la connaissance des services compétents de la Gestapo, maintenant comme précédemment. »

A la page 2 du même document, page 43 du livre de documents, je citerai le troisième alinéa :

« J’insiste tout particulièrement sur le fait que toutes les menées de complot et haute trahison contre l’État qui pourraient venir à la connaissance de la Police secrète d’État. Il n’est nullement du ressort du Parti d’entreprendre de sa propre initiative des recherches et des enquêtes dans ces matières, de quelque nature qu’elles soient. »

LE PRÉSIDENT

Quel est le numéro de la page que vous venez de lire ?

Dr MERKEL

Monsieur le Président, c’était la page 43 du livre de documents allemands.

LE PRÉSIDENT

Quel est le titre ?

Dr MERKEL

Le titre est le suivant : « Communication des menées de trahison à la Police secrète d’État ».

LE PRÉSIDENT

Oui, je vois.

Dr MERKEL

Le fait que des fonctions politiques ne devaient pas être confiées à des agents de la Gestapo ressort de la troisième page de ce document, dernier alinéa :

« Étant donné qu’elle — c’est-à-dire la Police secrète d’État — se trouve encore au stade d’organisation et que les fonctionnaires et employés sont de ce fait particulièrement pris par leur service, on ne doit avoir recours à eux pour leur confier des fonctions dans le Parti que dans la mesure où la chose est compatible avec leur devoir officiel dans la Police secrète d’État ».

Le document Gestapo n° 15 est un extrait du journal administratif du Reich de 1935 ; je le cite pour prouver qu’on pouvait élever des protestations contre des mesures prises par la Gestapo, et cela par voie d’enquête. C’est dans le premier alinéa de la page 46 du livre de documents. Je cite :

« Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 novembre 1933 sur la Gestapo, les dispositions de la Police secrète d’État ne peuvent plus être attaquées conformément aux prescriptions de la loi sur l’administration de la Police. On ne peut le faire que par un recours par voie d’enquête. »

De plus, pour montrer exactement le statut juridique de la Gestapo et des services de la Gestapo, je cite à la page 3 de ce document qui est la page 48 du livre de documents, le second alinéa :

« En concordance avec tout cela, le statut légal du service de la Gestapo, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 30 novembre 1933, est le suivant : le service dépend d’une organisation spéciale du Gouvernement, la « Police secrète d’État », qui forme une branche indépendante de l’administration de l’État prussien. Il a, comme la Police secrète d’État, dans son ensemble, un champ spécial d’activités : le règlement des affaires relevant de la Police politique. »

Je demande de prendre acte des numéros Gestapo-16 et 17. Ils traitent de l’application de la loi établissant la Gestapo dans des territoires non allemands. Le numéro Gestapo-18 traite de la Police frontalière, comme partie de la Gestapo. C’est une copie de la circulaire des ministres de l’Intérieur prussien et du Reich datée du 8 mai 1937. Je citerai le chiffre III à la page 53 du livre de documents :

« L’exécution des tâches policières à la frontière du Reich est assurée par les services de Police frontalière. » Je passe la phrase suivante et je cite : « Les commissariats de Police frontalière comprenant les postes de Police frontalière installés par eux sont, comme jusqu’à présent, les services frontaliers en Prusse et Bade, des services extérieurs de la Police d’État compétents dans leur secteur. »

Le document Gestapo-19 est la copie d’une circulaire du chef de la Police de sûreté et du SD du 30 juin 1944, qui annonce la fusion des organismes de contre-espionnage militaire et politico-policier dans l’industrie et l’économie. La responsabilité du contre-espionnage dans les industries d’armement, ainsi que dans toutes les entreprises travaillant pour la guerre, ou d’intérêt vital, incombe dorénavant au chef de la Police de Sûreté et du SD aux services de la Gestapo qui lui sont subordonnés.

Le fonctionnement du contre-espionnage aussi bien que la direction et l’emploi des organes de contre-espionnage dans les usines dépendent maintenant uniquement des services de la Police secrète d’État, conformément aux directives données par l’Office central de la sécurité du Reich (RSHA).

Je prie le Tribunal de prendre acte du document Gestapo-20, qui contient une ordonnance de Himmler du 25 octobre 1938 sur la création d’un bureau central d’instruction pour le service de la Police. Par la création de ce Service, il a été possible d’affecter certains candidats en service commandé à la Gestapo, même contre leur volonté.

Je prie le Tribunal de prendre acte du document Gestapo-22 qui est un décret du 14 décembre 1936, selon lequel les candidats aux services de Police criminelle devront remplir les mêmes conditions que les candidats de la Police criminelle générale.

De plus, je prie le Tribunal de bien vouloir prendre acte du document Gestapo-23, qui est un décret du 2 juin 1937, montrant que des agents de la Police civile et des gendarmes ont été détachés à la Gestapo et que, par conséquent, ils n’y sont pas venus volontairement.

LE PRÉSIDENT

Ce que vous faites actuellement n’aide en rien le Tribunal en réalité. Ne serait-il pas préférable de soumettre tous ces documents, c’est-à-dire de les déposer et de nous demander d’en prendre acte, ce que nous ferons puisque ce sont des décrets, et de vous référer ensuite à l’un quelconque des paragraphes lorsque vous ferez votre plaidoirie. Je vous le dis car cela n’a pas de sens pour nous et il peut prêter à confusion que vous lisiez un certain nombre de ces documents sans en discuter. Lorsque vous en viendrez à votre argumentation, vous pourrez attirer notre attention sur tous les passages particuliers que vous désirez afin d’éclaircir cette argumentation. Mais, en ce moment, cela ne sert à rien.

Dr MERKEL

Oui, Monsieur le Président. J’ai d’ailleurs déjà prévu cela dans ma plaidoirie. Seulement, dans cette plaidoirie, je me suis efforcé d’être très bref et je ne me suis référé à ces documents qu’en présupposant que je pourrais maintenant, au cours de l’exposé de ces preuves ; les porter à la connaissance du Tribunal ; mais si le Tribunal veut bien en prendre acte sans que je lise les passages, cela me suffit évidemment.

LE PRÉSIDENT

Ce serait bien préférable à notre avis que de faire une séparation entre la lecture de ces documents et votre plaidoirie. S’il faut encore que nous entendions le même genre de choses pour les autres organisations, il n’est humainement pas possible de retenir tous ces détails. Docteur Merkel, s’il y a certains passages spéciaux de ces décrets ou de ces documents sur lesquels vous désirez attirer notre attention maintenant afin que nous les lisions avec un soin particulier avant que vous ne fassiez votre plaidoirie, faites-le, mais il ne sert à rien de les lire ainsi l’un après l’autre.

Dr MERKEL

C’est la raison pour laquelle j’ai lu simplement les phrases que j’ai extraites des documents les plus importants. Pour tout le reste, je prie seulement le Tribunal d’en prendre acte.

LE PRÉSIDENT

Je ne sais pas ce que vous appelez quelques documents très brefs. Il y en a déjà eu quinze ou vingt. Il ne me semble pas que ce soient là quelques rares documents.

Dr MERKEL

II faut naturellement tenir compte aussi du fait que nous n’avons que trois heures pour notre plaidoirie et c’est la raison pour laquelle il m’apparaissait opportun de présenter tout d’abord un bref exposé des documents de sorte qu’ils puissent, autant que possible, être lus au Tribunal et qu’il n’y ait plus qu’à s’y référer en résumé dans la plaidoirie, car ce matériel documentaire doit être présenté sous une forme ou sous une autre au Tribunal et il nous a paru opportun de faire cette séparation, de présenter maintenant ces preuves documentaires et ensuite, dans la plaidoirie, de se limiter à des références aux preuves présentées.

Au reste, j’en ai presque fini avec la présentation de ces documents. Dans le deuxième volume de la présentation des documents, il y a quelques documents seulement dont je me propose de lire quelques brefs passages.

LE PRÉSIDENT

Continuez alors.

Dr MERKEL

Le document Gestapo-32, qui est le premier du second livre de documents, montre que la direction de la lutte contre les partisans n’était pas l’affaire du Parti ou de Himmler, mais de l’Armée. Je me réfère ici aux déclarations sous la foi du serment d’un certain Rode, qui ont déjà été versées au dossier sous le numéro USA-562.

Le document Gestapo-33 prouve que les ordres relatifs à l’exécution de prisonniers de guerre russes dans les camps de concentration émanaient de l’inspecteur ides camps de concentration et non pas de l’Amt IV du RSHA.

En ce qui concerne la question de la détention de protection, elle est traitée dans les documents Gestapo-35, 36 et 37. Je prie le Tribunal d’en prendre acte. Le document Gestapo-38 est une copie d’une lettre de l’inspecteur des camps de concentration, datée du 15 octobre 1936. Je cite sous le chiffre 2, à la page 101 du livre de documents n° II :

« En dehors du chef de la Police allemande, sont autorisés à pénétrer dans les camps de concentration : a) Les chefs des trois services principaux des SS ; b) Le chef de l’administration des SS ; c) Le chef du personnel du Reichsführer SS ; d) Les Gruppenführer SS. »

Puis, sous le chiffre 4 : « Tous les autres membres des SS, représentant des services et civils, qui désirent visiter les locaux où sont logés ou bien où travaillent des prisonniers, doivent être munis à cet effet de mon autorisation expresse et écrite ».

Le document Gestapo-39 traite du même problème. Les documents Gestapo-40, 41, 42, 43, 44 et 45 sont présentés par moi pour prouver que les camps de concentration ne dépendaient pas de la Gestapo mais du Service central économique et administratif des SS.

Les documents Gestapo-46 et 47 abondent dans le même sens. Le document 46 est un questionnaire adressé à August Eigruber, daté du 26 mars 1946. Le numéro 47 est un questionnaire adressé à Friedrich Karl von Eberstein, du 26 mars 1946. Ces deux documents ont déjà été présentés par l’avocat de l’accusé Kaltenbrunner.

Les documents Gestapo-48 à 52 se rapportent à la question du recrutement de la main-d’œuvre étrangère pour le territoire du Reich et démontrent qu’elle a été de la compétence exclusive du Délégué à la main-d’œuvre. La question relative à l’institution de camps de travail et d’éducation est traitée dans les documents Gestapo-54 à 57 inclus.

La saisie et la mise en sécurité de biens culturels dans les territoires occupés de l’Est sont traitées par les documents Gestapo-58 et 59. Le document Gestapo-60 est le décret bien connu sur les interrogatoires au troisième degré. Le document Gestapo-61 est une copie partielle d’une lettre adressée par Heydrich à Göring le 11 novembre 1938. Il montre que la Gestapo était apposée aux excès de la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et qu’elle est intervenue.

Le document Gestapo-62 est un extrait d’une déclaration du Dr Mildner, du 22 juin 1943, traitant de la déportation des Juifs et de la subordination des camps de concentration au Service central administratif et économique des SS.

Voilà qui termine l’exposé de mes documents que je me proposais de déposer comme preuves.

En ce qui concerne les déclarations sous la foi du serment, je dépose tout d’abord les copies allemandes des procès-verbaux de la commission que je n’ai pas eus jusqu’ici. Ce sont les copies des procès-verbaux des 9, 19, 27 juillet et du 3 août, qui sont contenus sous forme de résumés dans les affidavits de la Gestapo-1 à 91 inclus.

LE PRÉSIDENT

Il n’est pas nécessaire de soumettre les copies des procès-verbaux des dépositions faites devant les commissions. Les commissions nous les acheminent directement, vous n’avez pas à vous inquiéter de cela.

Dr MERKEL

Très bien, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

On me suggère qu’il serait peut-être préférable que vous les déposiez comme preuve et que vous leur donniez ensuite un numéro.

Dr MERKEL

Dans ce cas, je donne au procès-verbal du 9 juillet le numéro Gestapo-63. A celui du 19 juillet, le numéro Gestapo-64. Pour le 27 juillet, le numéro Gestapo-65 et pour le 3 août, le numéro Gestapo-66.

J’aimerais proposer, pour gagner du temps, de procéder de la manière suivante à la présentation de ces affidavits. Sur les 91 déclarations, on en a traduit vingt-deux. Je résume les déclarations les plus importantes de ces 91 d’après les problèmes traités et, d’autre part, je lirai quelques passages très brefs des affidavits traduits, passages qui me paraissent particulièrement importants et que je voudrais voir figurer au procès-verbal. En ce qui concerne les autres déclarations, je prie le Tribunal d’en prendre acte ; j’indiquerai les numéros au Tribunal.

A côté de ces 91 déclarations individuelles, il y a encore une déclaration collective résumant un total de 1.265 déclarations individuelles. Ce résumé a été établi conformément à la décision du Tribunal du 5 juillet 1946 par les anciens membres de la Gestapo qui sont internés. L’exactitude de ce résumé a été confirmée par mes soins.

Je prie également le Tribunal de me permettre de lire ce bref résumé.

J’en viens maintenant au premier groupe et vais résumer les déclarations sous la foi du serment n° 1, 2, 3, 4, 9, 13, 71 et 90. Ces documents traitent des territoires occupés. Les affaires juives étaient traitées dans ces régions par un Sonderkommando (détachement spécial) sous la direction de Dannecker. Entre 1940 et 1942, le Gouvernement français, en accord avec les autorités militaires et l’ambassade allemande, s’en est occupé. Les camps de détention en France étaient sous le contrôle du commandant militaire.

Le recrutement de la main-d’œuvre française pour les territoires du Reich fut effectué par l’intermédiaire des Feldkommandanturen. En mai 1942, la Police secrète de campagne fut intégrée d’office dans la Police de sécurité. Les pouvoirs exécutifs de la Police étaient, jusqu’en avril 1942, entre les mains de la Police française et des unités de la Police militaire allemande.

De l’affidavit n° 2 qui a été traduit, je me permettrai de lire ce qui suit, à la page 1, deuxième alinéa :

« D’octobre 1940 à octobre 1941, j’étais chef du service extérieur de la Police de sûreté et du SD à Dijon, et de décembre 1943 jusqu’à la retraite de France, j’étais commandant de la Sipo et du SD à Dijon. Composition du commandement de la Sipo de Dijon : il y avait environ dix membres de la Gestapo, treize membres, de la Kripo (Police criminelle) et soixante-neuf affectés spéciaux.

« Comme il ressort de cette liste, sur les 92 membres masculins de mon commando à cette époque, dix seulement appartenaient à la Gestapo. A ce propos, il convient de noter que, sur ces dix membres de la Gestapo, la plus grande partie n’étaient pas volontaires pour la Gestapo mais avaient été mutés ou détachés sur ordre ou y étaient venus pour quelque autre raison, sans que les personnes touchées eussent eu la possibilité d’avoir une influence quelconque sur la décision ou d’y résister. »

Je passe à la phrase suivante : « Le commando de la Sipo de Dijon, tant en ce qui concerne ses effectifs que sa composition, peut et doit être considéré comme un commando-type en France. »

A la page 3 de cette déclaration sous la foi du serment, après le titre « Questions juives », je lirai la phrase suivante qui est très brève : « Les prisonniers de guerre repris n’ont jamais été amenés par les services de la Police de Dijon dans des camps de concentration ou fusillés, mais ont été remis immédiatement au service de la Wehrmacht le plus proche ».

LE PRÉSIDENT

Où se trouve ce passage que vous venez de lire ?

Dr MERKEL

Monsieur le Président, c’est dans l’affidavit n° 2, à la page 3 de l’original allemand et cela vient immédiatement après le titre très bref « Questions juives ». C’est l’alinéa suivant.

Je passe sur les quatre alinéas suivants et je continue à lire : « Il n’y avait pas de prison spéciale de la Sipo et du SD à Dijon. De plus il n’y a pas eu d’arrestations exécutées sur l’ordre de la Police de sécurité ou du SD visant à empêcher que les intéressés soient libérés par les troupes alliées. »

Je prie le Tribunal de me permettre de lire les passages suivants de l’affidavit n° 3, le début du second alinéa : « En septembre 1941, j’ai été muté de l’infanterie dans la Geheime Feldpolizei (Police secrète de campagne) et sans que j’aie rien fait dans ce sens, on m’a ordonné en juin 1942 de rejoindre les services de la Sipo et du SD à Poitiers ».

L’alinéa suivant : « La Sipo à Poitiers était composée d’environ cinq fonctionnaires de la Gestapo et d’environ cinq fonctionnaires de la Kripo et de quelques quatre-vingts anciens membres de la Police secrète de campagne qui, tout comme moi, ont été en 1942 renvoyés de la Wehrmacht et mutés comme affectés spéciaux dans la Police de sûreté. »

A la page 2 de la déclaration sous la foi du serment, sous le titre « Ordre des commandos », je voudrais lire ce qui suit : « Je ne connais cet ordre que dans ses idées générales, par les communiqués de la Wehrmacht, la presse, etc. » Je passe sur la phrase suivante :

« Cet ordre n’a pas été exécuté dans le secteur de Poitiers. Je peux citer deux exemples : en juin 1942, dans une action commune de la Sipo et de la Wehrmacht, on a fait une incursion dans un camp contenant quarante parachutistes anglais, au cours de laquelle seuls trois Anglais furent tués et les autres faits prisonniers et pris en charge par la Wehrmacht, bien qu’il fût établi que ce groupe avait commis des actes de sabotage contre une ligne de chemin de fer à trois kilomètres de Poitiers, plus de deux cents kilomètres derrière la ligne d’invasion, et fourni des armes à des partisans français qu’ils avaient organisés ».

Je lirai encore l’alinéa suivant : « De même en mars 1944... »

LE PRÉSIDENT

Que veut dire deux cents kilomètres derrière la ligne d’invasion en parlant de juin 1942 ?

Dr MERKEL

La localité de Poitiers se trouve à environ deux cents kilomètres derrière la ligne d’invasion.

LE PRÉSIDENT

Il n’y avait pas de ligne d’invasion en juin 1942 ?

Dr MERKEL

Je vous prie de m’excuser, Monsieur le Président. Il s’agit ’de juin 1944 ; c’est une erreur typographique.

LE PRÉSIDENT

Poursuivez.

Dr MERKEL

« D’une manière analogue, en mars 1944, dans la même région, cinq aviateurs américains qui étaient en civil et qui furent trouvés en compagnie de quarante partisans armés furent faits prisonniers et furent remis à la Luftwaffe. »

Ensuite, je résume les déclarations sous la foi du serment n° 5, 6, 7, 8 et 14.

Monsieur le Président, je vous prie, à ce propos, de bien vouloir m’excuser si les chiffres ne sont pas dans l’ordre numérique. Mais cela s’explique par le fait que ces déclarations sous la foi du serment, dans la mesure où elles proviennent de camps, nous sont arrivées à de très longs intervalles et que même les affidavits qui proviennent de personnes qui sont en prison ici ne nous sont arrivés que successivement, ce qui ne nous a pas permis d’éviter que ces affidavits ne soient présentés dans une suite logique.

Les documents suivants 5, 6, 7, 8 et 14 montrent que la Gestapo non seulement n’a pas participé aux excès des 9 et 10 novembre 1938, mais qu’au contraire elle est intervenue et a procédé dans de nombreux cas à des arrestations de membres des SA, du Parti et du SD. Les 20.000 Juifs arrêtés furent remis en liberté en grande partie après qu’ils se fussent procurés les papiers nécessaires à leur émigration.

Les numéros 15 à 21 inclus, 29 à 34 inclus, 72, 73, 76, 84 et 85 traitent des questions ; suivantes : les services de la Sipo et du SD dans les territoires occupés ne se composaient pas de volontaires. Les agents administratifs et les agents techniques de la Gestapo n’avaient pas de mission d’exécution. Ne serait-ce qu’en raison des prescriptions très rigoureuses en ce qui concerne le secret à garder, ils ne pouvaient rien savoir de ce qui se passait. Les agents, employés et mobilisés ne peuvent pas être considérés comme complices ou comme au courant de la nature criminelle possible de l’organisation. Les fonctionnaires nommés par la suite ne le furent pas sur la base d’un recrutement volontaire, mais sur la base d’un recrutement forcé. Je lirai dans l’affidavit n° 15 le passage suivant pour le procès-verbal. C’est le deuxième alinéa : « En mai 1919, j’ai été nommé à la préfecture de Police à Munich et affecté au service VI qui venait d’être créé comme service politique ».

LE PRÉSIDENT

Attendez un instant. Lisez-vous l’affidavit 15 à la page 2, au second paragraphe ? Vous avez commencé en disant « mai 1919 ». Je ne vois pas cela.

Dr MERKEL

Non, Monsieur le Président, c’est la première page, deuxième alinéa. Tout au début de cette déclaration sous la foi du serment.

LE PRÉSIDENT

A la première page, cela commence par : « Le 1er janvier 1913 ».

Dr MERKEL

« Le 1er janvier 1913 », oui. J’avais omis cette première phrase. La troisième phrase commence ainsi :

« En 1933, avec presque tous les autres membres de ce service, j’ai été muté à la Police politique de Bavière qui était composée à peu près de la même façon en ce qui concerne le personnel et qui a été à son tour muté à la Police secrète d’État à Munich. Tout le personnel a été soumis à une enquête politique par le SD et, à cette occasion, un grand nombre des fonctionnaires et employés de l’ancien service politique du Quartier Général de la Police furent jugés inaptes ».

Je passe à la page 2 du texte allemand, au chiffre 2 :

« Pendant la durée de mon service entre 1933 et 1939, j’ai toujours attiré l’attention des agents qui étaient sous mes ordres sur le fait qu’il était interdit de maltraiter les prisonniers. Je n’ai rien appris au sujet de violences commises par mes agents sur la personne de prisonniers. »

Je lirai maintenant la dernière phrase de l’alinéa 4 : « J’ai appris que très souvent des personnes se faisaient passer pour des agents de la Gestapo et commettaient des actes délictueux. Étant donné la multiplication de ce genre d’incidents, Himmler a publié un décret selon lequel toutes les personnes qui se feraient passer pour agents de la Gestapo devaient être internées dans des camps de concentration ».

Dans l’affidavit n° 16, je désirerais lire le passage suivant, à la page 1, paragraphe 4 : « En raison de mon activité au service de la Gestapo à Berlin, je puis confirmer le fait que le service de la Gestapo était constitué presque exclusivement d’agents de l’ancienne Police criminelle générale, aussi bien que de l’administration de la Police de Berlin, qui furent mutés dans la Police d’État.

LE PRÉSIDENT

Vous lisez le document n° 16 ? A quelle page ?

Dr MERKEL

A la première page, Monsieur le Président. L’alinéa commence ainsi : « En 1935... » La quatrième phrase : « En raison de mon activité... »

LE PRÉSIDENT

« En 1935 on m’a détaché malgré moi... »

Dr MERKEL

Oui. Et dans cet alinéa je lis la quatrième phrase :

« En raison de mon activité au service de la Gestapo à Berlin... » Je lis encore l’alinéa suivant :

« Tout comme pour la Police secrète d’État à Berlin, il en a été de même pour la grande majorité des forces de la Police secrète d’État dans le Reich qui était composée d’anciens agents de la Police, qui avaient été mutés de l’ancienne section A 1 de la Police criminelle et des branches de la Police qui restaient à la police d’État, sur ordre et sans qu’on prît leurs désirs en considération. »

Puis le deuxième alinéa, plus loin :

« Les retours aux postes antérieurs étaient impossibles parce qu’il y avait un ordre les interdisant expressément. Si malgré cela on présentait des demandes pour être muté ou renvoyé de la Gestapo à une autre branche de la Police, de telles demandes en général faisaient, en réponse, l’objet d’une mutation par mesure disciplinaire. De telles demandes n’étaient pas faites parce que la Gestapo était considérée comme une organisation criminelle, mais le plus souvent pour des raisons purement personnelles. »

Dans l’affidavit n° 18, j’aimerais lire ce qui se trouve à la page 3 de l’original allemand :

« 1. Officiers : il y avait environ cinquante à soixante postes d’officiers dans l’ensemble de la Sipo.

2. Agents administratifs : les agents d’administration étaient engagés exclusivement pour des travaux de bureau pour l’ensemble de l’administration de la Police. Ils étaient strictement distincts des agents exécutifs du fait de différents règlements touchant à leur carrière, et de différents ordres qu’ils recevaient. En particulier, ils n’avaient pas de rôle d’exécution. Il n’y a jamais eu de changement dans leur position et dans leur activité.

3. Agents d’exécution : ils exécutaient les tâches effectives de la Gestapo qui étaient fixées par la loi. Il convient de remarquer toutefois qu’un certain nombre de ces agents étaient également employés à des travaux purement administratifs et de bureau, comme dans tous les services.

4. Employés civils : les civils étaient surtout des dactylographes, employés de bureaux et autres employés subalternes.

5. Affectés spéciaux (je lirai seulement à la fin du paragraphe) : « Si un tel mobilisé était muté à la Gestapo et non pas à un autre service de l’État ou à une autre entreprise de caractère privé, il n’avait aucun droit de se plaindre. »

Je passerai encore deux paragraphes et lirai le troisième qui suit :

« J’estime qu’il y avait environ 10.000 affectés spéciaux à la Gestapo, à la fin de 1944. 6. Hommes mutés des Waffen SS : pour satisfaire aux demandes de personnel de la Gestapo, les membres des Waffen SS qui ne pouvaient pas être utilisés au front en raison de blessures ou de tout autre incapacité physique, furent envoyés dans la Gestapo en nombre croissant, pendant la guerre. »

LE PRÉSIDENT

Nous allons maintenant suspendre.

(L’audience est suspendue.)
Dr MERKEL

De l’affidavit n° 18, je vous prierai également de me permettre de lire le chiffre 7 :

« Membres de l’ancienne Police secrète de campagne.

Avec le transfert des tâches de la Police secrète de campagne à la Police de sûreté, d’abord dans les territoires occupés de l’Ouest, les membres de la Police secrète de campagne furent également mutés à la Sipo ou à la Gestapo. Ce transfert a eu lieu sur ordre, de sorte qu’aucun de ceux qui ont été mutés n’aurait pu élever d’objection quelconque. »

Ensuite, la phrase finale : « Environ 5.500 hommes en tout furent mutés ».

Je passe à la première phrase du paragraphe suivant : « La Gestapo attachait une grande importance au secret ».

Je laisse une phrase et continue : « Tout particulièrement après un décret du Führer de 1940 qui fut tout de suite étendu par le Reichsführer SS à la Sipo, la question du secret fut considérée comme le devoir principal de tous les membres de la Police de sécurité et de la Gestapo. Tous les membres des services isolés étaient alors et à partir de ce moment liés par l’engagement de garder le secret qu’ils avaient signé. En outre, il fut répété sans cesse que toute violation du secret entraînerait les peines les plus sévères, même la peine de mort dans les cas graves. »

Quant à l’affidavit n° 20, je vous prie de m’autoriser à lire à la page 1, le deuxième paragraphe :

« Les membres du service de l’administration de grades subalternes, ordinaires et supérieurs furent, sur la demande de la Police de sécurité, à partir de 1937, recrutés dans l’État-Major de service civil et autres bureaux, spécialement l’administration de la Police, et mutés à la Sipo ou à la Gestapo. »

Du numéro 30, je lis les phrases suivantes, à la première page, sous le titre « Organisation de la Gestapo à Bielefeld », la deuxième phrase : Lors de la création du service de la Police d’État en 1934, huit agents environ et deux agents d’administration, ainsi que cinq employés des services extérieurs de la Kripo furent mutés à la Police d’État de Bielefeld. La mutation fut prononcée sans que les intéressés eussent été invités à faire connaître s’ils y consentaient. »

Ensuite je passe à la page 3 de la même déclaration sous la foi du serment. Je vous prie de me permettre de vous donner un exemple de la constitution d’un grand service de la Gestapo :

« Établissement et composition de la Gestapo à Brno ».

« Le personnel comprenait au printemps 1944 environ huit cents personnes qui se répartissaient à peu près comme suit : « Agents d’administration, environ 35 ; personnel d’exécution, environ 280 ; employés et chauffeurs, 110 ; agents de la Police des frontières, environ 65 ; employés à la Police criminelle (par exemple : interprètes), environ 90 ; personnel de surveillance des prisons, 80 ; personnel féminin de bureau, 90 ; autres fonctionnaires, 50. »

Ensuite, je passe au second paragraphe : « Lors de l’installation de la Police de la Gestapo à Brno, environ quatre cents agents furent mutés d’office des services du Reich proprement dit à Brno ou à d’autres services qui dépendaient de Brno. Plus de la moitié du personnel auxiliaire se composait d’affectés spéciaux ».

Je passe au numéro 31 et je voudrais lire à la seconde page, au début :

« A la fin de 1944 la Gestapo se composait approximativement ainsi : 1. Agents d’administration, 3.000 ; agents d’exécution, 15.500 ; employés et salariés (dont 9.000 affectés spéciaux), 13.500 ; soit au total 32.000 personnes. Ces membres de la Gestapo peuvent être considérés comme personnel permanent, étant donné qu’ils constituaient l’état-major normal. En plus de ces personnes, il y avait les groupes suivants : détachés des Waffen SS, 3.500 ; mutés de la Police secrète de campagne, 5.500 ; service de contre-espionnage militaire de l’OKW, 5.000 ; personnel de l’ancienne censure postale militaire, 7.500 ; membres de la garde de protection douanière, 45.000. »

En outre, l’affidavit 34, à la première page sous le titre « Carrière professionnelle » : « 1er avril 1933, transfert, c’est-à-dire affectation à la division de la Gestapo de Berlin. J’ai reçu à ce moment une lettre conçue comme suit : En raison « de l’autorité qui m’a été donnée par le ministre de l’Intérieur, vous êtes muté avec effet du... au service de la Gestapo ». Je n’ai rien pu dire sur ce transfert. Les efforts de mon supérieur à la préfecture de Police pour l’éviter ont échoué. »

Ensuite, je vous prie de considérer les rapports de la Gestapo avec la Police des frontières dans l’affidavit n° 22, à la page 2 de l’original allemand :

« Les membres de la Police des frontières ont été mutés de la Police des frontières qui existait déjà en Bavière depuis 1933 à la Police des frontières de la Gestapo. Plus tard, après l’annexion de l’Autriche, il en a été de même de la Police des frontières autrichienne. L’incorporation des agents de la Police des frontières dans la Gestapo n’était volontaire ni en Bavière ni en Autriche. Bien au contraire, les agents ont été mutés en bloc quand le contrôle de la Gestapo a été transféré au Reich ou quand l’annexion de l’Autriche a eu lieu. »

Je saute la phrase suivante :

« Contre les transferts à la Gestapo, les agents ne pouvaient faire aucune objection en raison des instructions légales sur les fonctionnaires. Ils devaient obéir aux ordres de mutation. »

Puis le second paragraphe après celui-ci : « Les tâches de la Police des frontières consistaient surtout à surveiller le passage de la frontière par les individus, à exécuter les instructions de police concernant les passeports et à surveiller le trafic des marchandises en accord avec les autorités locales de la douane. Les tâches politiques, telles que celles de la Gestapo au sens propre, ne faisaient pas partie du travail de la Police des frontières. »

Je saute le paragraphe suivant.

« Je sais de par ma propre expérience que les devoirs de la Police des frontières et aussi son activité n’ont pas changé après 1933. »

Enfin, le dernier paragraphe :

« II me faut encore faire remarquer que le même travail qu’a fait la Police des frontières était aussi exécuté dans de nombreux petits postes de passage de la frontière par les membres de l’administration des Finances du Reich et de l’administration des Douanes. Les employés des Douanes étaient astreints aux mêmes tâches que les membres de la Police des frontières. »

Les numéros 23, 24, 35 et 39 concernent la question du secret. « Aucune division à l’intérieur de la Gestapo ne savait quoi que ce soit des ordres d’une autre division. Il était même interdit d’en parler. Afin que ce secret soit strictement gardé, seulement quelques personnes du service central de la sécurité du Reich que cela concernait directement avaient connaissance des mesures individuelles prises ».

Du numéro 35, je lis ce qui suit à la page 8 de l’original, deuxième paragraphe :

« La discussion de tels sujets se faisait sous la forme de conférences personnelles entre le chef de division et le chef de groupe, entre le chef de division et les chefs de service de sa division, d’autre part. »

Au début du paragraphe suivant :

« Avec cette façon personnelle de collaborer, il s’ensuit que seules les personnes prenant part au moment et directement à une affaire, en étaient informées, de sorte qu’en raison des directives qui avaient été données, les principes du secret étaient strictement observés à l’Amt IV. »

Ensuite le début du paragraphe suivant : « Il est un autre fait décisif dont il faut tenir compte à ce sujet : au cours de la guerre, jusqu’en septembre 1944, particulièrement au cours de la guerre aérienne, l’Amt IV à Berlin a été de plus en plus décentralisé dans les différents quartiers de Berlin ».

Je passe à la page 12 de cet affidavit. C’est dans le texte allemand, le second paragraphe :

« En raison de cette consigne du secret et de l’isolement des informations importantes dans tous les domaines, il apparaît clairement qu’un problème qui avait peu de rapports avec les tâches et activités générales, comme l’extermination médicale des Juifs, eût encore été plus strictement gardé secret. Tous plans et mesures ont pu, par nécessité, être discutés dans le cercle le plus fermé des personnes directement intéressées, car tous les membres de l’Amt IV n’en ont jamais eu la moindre connaissance. »

« La même chose peut être vraie pour ce qui est de la connaissance des rapports concernant les exécutions en masse dans l’Est, dont a parlé le Ministère Public. On ne sait pas en détail qui a pu avoir connaissance de tels rapports en dehors du Reichsführer SS et quelques chefs de divisions. Si la connaissance de tels rapports a été étendue même jusqu’aux chefs de groupes compétents et aux spécialistes, nous sommes loin de prétendre, comme l’a affirmé le Ministère Public, que l’ensemble du personnel de l’Amt IV, ou encore du Service central de la sécurité du Reich ou d’autres services dans le Reich en ont été informés.

Dans l’affidavit n° 39, je vous demande de me permettre de lire à la page 3 de l’original :

« Lors de mon entrée en fonctions dans le Service central de sécurité du Reich, en août 1941, Müller me déclara que dans sa sphère d’activité il attachait une grande importance aux ordres sur le secret et qu’il agirait sans clémence et prendrait les mesures les plus sévères contre toute violation du secret. »

Ensuite, la dernière phrase du même paragraphe.

LE PRÉSIDENT

Nous avons déjà entendu plusieurs fois parler de ce sujet du secret, non seulement dans vos affidavits mais tout au long du Procès. Il n’est certainement pas nécessaire de lire les paragraphes de ces affidavits sur le secret. Nous comprenons bien que chacun en fasse état.

Dr MERKEL

L’affidavit de la Gestapo n° 25 contient une prise de position sur le document USA-219. Il s’agit du transfert de 35.000 prisonniers aptes au travail dans les usines d’armement dépendant des camps de concentration : l’affidavit est d’un chef local du service de la Gestapo. Je cite le troisième paragraphe, troisième phrase :

« Dans un autre cas, le décret du chef de la Sipo et du SD du 17 décembre 1942, d’après lequel au moins 35.000 personnes aptes au travail devaient être transférées dans des camps de concentration pour y travailler dans des usines d’armement, n’a pas été exécuté par maints bureaux de la Gestapo. Ce fait contrevenait à la pratique appliquée jusque là et fut par maints chefs de service connus de moi, interprété comme une mesure arbitraire. Lors de conférences du RSHA, j’appris qu’il n’avait pas été possible au service de satisfaire à la demande du Reichsführer SS de fournir des détenus étant donné que les chefs de la Gestapo avaient refusé de fournir des détenus de leurs camps disciplinaires de travail en se retranchant derrière divers prétextes. »

Le sommaire de l’affidavit n° 36 déclare qu’au printemps 1944, l’ensemble des membres de l’Amt espionnage étranger (Amt Ausland Abwehr) de l’OKW a été muté d’office à la Police de sûreté.

L’affidavit n° 40 déclare que l’ordre d’évacuation des Juifs de la région de la Hesse en 1942 est venu directement du chef de la Police de sûreté et non pas de l’Amt IV du RSHA. Le prétexte à l’évacuation était le travail dans les territoires de l’Est.

Le numéro 42, et partiellement le numéro 91, concernent le décret ordonnant de retirer les crucifix des écoles. Je lis l’affidavit 42 à la première page, seconde phrase :

« Aux environs de 1942, le Gauleiter Adolf Wagner a, en qualité de ministre des Cultes de Bavière, ordonné que soient retirés tous les crucifix dans les écoles publiques de Bavière. »

Je saute la phrase suivante :

« Elle rencontra (cette mesure) les plus grandes difficultés en raison de l’attitude de la population, de sorte que les formations du Parti qui avaient à exécuter cet ordre furent obligés de demander aide aux Landräte et à la Police locale. Étant donné que l’affaire avait un caractère politique, les conseillers généraux s’adressèrent à la division de la Police d’État à Nuremberg, la priant de donner avis et directives. En raison de ma compétence dans les questions de l’Église, je déclarai au premier Landrat qui vint me consulter que la Gestapo de Nuremberg ne donnerait pas son aide pour l’application de ce décret tant qu’elle ne serait pas directement obligée de le faire, et qu’il (le Landrat) ne recevrait aucune aide de la Police d’État pour l’exécution de cet ordre. Même dans le cas de complications imprévues pour les chefs politiques, la Police d’État ne prendrait de son côté aucune mesure. »

Je laisse la phrase suivante.

« J’en rendis compte au préfet de Police qui partagea mon opinion sans réserve. En accord avec lui, j’informai les autres Landräte par téléphone qu’ils devraient agir de même dans cette affaire. »

L’affidavit 43 relate que sur les objections élevées par le commandant de la Sipo, le Landrat échoua dans son projet de transformer en cinéma le temple protestant de Welun.

LE PRÉSIDENT

Docteur Merkel, vous avez entendu ce que j’ai dit au Dr Servatius, n’est-ce pas ?

Dr MERKEL

Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT

Votre cas n’est-il pas tout à fait le même que le sien ? Tous ces affidavits ont été résumés dans le procès-verbal de la commission, procès-verbal que nous avons, par écrit, devant nous ; donc, tout ce que vous dites maintenant fait double emploi.

Dr MERKEL

Je pensais seulement que pour appuyer ces points de vue dans le procès-verbal il me fallait citer de courts extraits de ces traductions...

LE PRÉSIDENT

Ce n’est pas la peine de me dire ce que vous pensiez. Vous avez entendu ce que j’ai dit au Dr Servatius ? Le Tribunal ne désire pas entendre et réentendre toujours le même sujet qui est exposé dans le procès-verbal. Ce point a été exposé clairement avec le Dr Servatius, et cela vous a été expliqué quand nous vous avons dit que nous ne pouvions retenir de mémoire tous ces détails et qu’il n’était pas nécessaire de revenir deux fois là-dessus, à moins qu’il y ait quelque chose de très important sur quoi vous voudriez attirer notre attention avant votre plaidoirie.

Dr MERKEL

Alors, je me réfère au sommaire du procès-verbal de la commission portant le n°  91 et je suppose que le tribunal voudra bien prendre acte du contenu de ce sommaire.

Je n’ai donc plus qu’une déclaration collective sous la foi du serment à présenter et, si le Tribunal le désire, je puis lire le sommaire de cette déclaration sous la foi du serment qui, autant que je le sache, n’a pas été traduite. Il y a six pages de sommaire de 1.276 affidavits individuels qui ne figurent pas dans le procès-verbal de la commission.

LE PRÉSIDENT

Oui. Continuez.

Dr MERKEL

Sur la question de l’appartenance obligatoire, 665 affidavits tendent à la démontrer. Ils établissent que quand la Gestapo a été créée, le recrutement du personnel se fit pour la majeure partie avec le personnel provenant de la Police politique qui existait précédemment.

127 affidavits démontrent que des affectés spéciaux ont été affectés d’office.

785 affidavits démontrent qu’ils n’avaient pas connaissance des crimes qu’on reproche à la Gestapo.

39 affidavits traitent de la différence qui existait entre la Gestapo à l’intérieur du Reich et la Police de sûreté des territoires occupés.

195 affidavits démontrent que les signataires n’avaient pas connaissance des traitements inhumains et des atrocités commis dans les camps de concentration. Quelques agents qui avaient pénétré dans des camps de concentration, au cours de visites avec guides, n’avaient rien remarqué d’irrégulier ni entendu des détenus parler des irrégularités commises dans les camps de concentration.

133 affidavits établissent qu’il n’a pas été pris part aux excès des 9 et 10 novembre 1938.

67 affidavits prouvent que le pillage de la propriété privée ou de l’État était expressément interdit aux membres de la Gestapo.

135 affidavits déclarent qu’un grand nombre de membres de la Gestapo ne savaient rien de l’existence des Einsatzgruppen ou des atrocités qu’ils ont commises.

218 affidavits déclarent que le « Kugelerlass » (décret-balle) était inconnu de la majorité des agents de la Gestapo et que les prisonniers de guerre repris étaient remis aux services de la Wehrmacht.

168 affidavits déclarent que les parachutistes ennemis étaient remis à la Luftwaffe, par la Gestapo, et 23 déclarent que le Service central de la sécurité du Reich était responsable de l’exécution des détentions de protection.

181 affidavits parlent des sanctions infligées aux membres de la Gestapo par les SS et les tribunaux pour mauvaise conduite à l’occasion ou dans l’exécution du service.

J’en ai ainsi terminé, Monsieur le Président, avec la présentation de mes documents et affidavits.

LIEUTENANT-COMMANDER WHITNEY R. HARRIS (substitut du Procureur Général américain)

Plaise au Tribunal. J’ai deux courts commentaires à faire à propos des documents présentés ici. Je crois qu’il y a eu une erreur et je demanderai au Tribunal de regarder le document Gestapo-33.

LE PRÉSIDENT

Oui.

LIEUTENANT-COMMANDER HARRIS

Le Dr Merkel a cité ce document comme preuve que les exécutions dans les camps de concentration étaient ordonnées par le WVHA, mais j’attire l’attention du Tribunal sur la phrase au milieu de la première page qui dit : « Pour cette mesure, il faut obtenir au préalable l’accord du chef de la Police de sûreté ».

LE PRÉSIDENT

Commandant Harris, le Tribunal estime que ce détail pourra être discuté au cours de la plaidoirie et non en ce moment.

LIEUTENANT-COMMANDER HARRIS

Très bien.

LE PRÉSIDENT

Le Tribunal va entendre maintenant le cas du SD. L’avocat du SD n’est pas là ?

Dr STAHMER

On l’appelle, il va arriver à l’instant.

LE PRÉSIDENT

Avez-vous cherché à joindre cet avocat ?

L’HUISSIER AUDIENCIER (lieutenant-colonel James R. Gifford)

Nous avons pris contact avec son cabinet et nous l’envoyons chercher sur-le-champ.

LE PRÉSIDENT

L’audience est levée et sera reprise demain matin.

(L’audience sera reprise le 20 août 1946 à 10 heures. )