DEUX CENT SEPTIÈME JOURNÉE.
Mardi 20 août 1946.
Audience de l’après-midi.
Je réponds tout d’abord à la dernière question de Monsieur le Président ; je pense pouvoir aider le Tribunal en indiquant rapidement la nature de mes preuves et ce que j’entends prouver à l’aide de ces documents.
Le Ministère Public a maintenant admis que la Gestapo, la Police de sécurité et le SD étaient des organisations indépendantes. La Gestapo est accusée individuellement ; la Kripo (Police criminelle) ne l’est pas ; le SD l’est, comme faisant partie des SS. Au-dessus de tout, se trouve le chef de la Police de sécurité et du SD, dont la situation peut être comparée, en moins important, à celle de l’accusé Göring, Chef suprême de la Luftwaffe, président du Conseil des ministres prussien et Grand Maître des chasses du Reich.
Pour cette raison, on ne peut affirmer la responsabilité d’un Amt dans une affaire sans posséder toutes les références, sans savoir quelles personnes y ont pris part. C’est ce que j’entends prouver à l’aide de mes documents.
J’en arrive maintenant au document SD-20 qui concerne le travail des prisonniers de guerre soviétiques. Le premier paragraphe concerne précisément la question que Monsieur le Président m’a posée à propos du document précédent. Je lis ce paragraphe :
« Afin d’éviter tout retard dans le transport des nouveaux prisonniers de guerre qui doivent être répartis à l’intérieur du Reich, le choix des commissaires et des « Politruks » par les Einsatzkommandos de la Police de sécurité sera fait seulement dans le Gouvernement Général.
« Dans le Gouvernement Général, le choix continuera d’être assuré par la Police de sécurité. »
Je prouve ainsi qu’il s’agit d’une mesure de la Police de sécurité et non du SD. Je continue :
« Pour assurer la rapide exécution de ces mesures, la Police de sécurité devra renforcer ses Einsatzkommandos dans le Gouvernement Général ».
Je continue et arrive au document SD-21 ; je me permets d’attirer l’attention particulière du Tribunal sur ce document :
« II doit être obéi à toute demande des Kommandanturen de faire contrôler les Kommandos de travail par la Police de sécurité. »
Je vous prie aussi de me permettre de faire remarquer au Tribunal la référence IV. L’Amt IV désigne la Gestapo. S’il s’était agi du SD, nous aurions les références III ou VI. Je continue...
Le document dont vous venez de parler porte la référence 2-A III-E, et plus bas le numéro III-B.
Monsieur le Président, le chiffre du haut est la référence générale ; j’ai en main plusieurs volumes que j’ai pris à la bibliothèque et toute la collection porte la référence « 2-A III-E ». Le chiffre qui se rapporte à l’Amt IV est manifestement « IV-A 1-C 2468 B/42 G ».
La référence III-B est placée exactement à côté de la date 12 avril 1942. Que signifie la référence OKW 2-F 2468, Organisation des prisonniers de guerre III-B ?
Je ne vois pas cela, Monsieur le Président. Je ne sais pas de quoi il s’agit...
Immédiatement au-dessous des mots « détachements de travail pour des travaux agricoles ».
Puis je vous poser une question, Monsieur le Président ? Il s’agit bien du document SD-21 ? C’est là une référence militaire. OKW veut dire Oberkommando de la Wehrmacht, référence de la Wehrmacht, chef de l’Organisation des prisonniers de guerre III-B ; ce « III-B » n’a rien à voir avec l’Amt III.
Bien, continuez.
J’en arrive au document SD-22. Il s’agit d’un extrait des directives pour les commandos du chef de la Police de sécurité et du SD à affecter aux Stalags. Le document est daté du 17 juillet 1941. Je vous prie de me permettre d’attirer votre attention sur le fait que les chefs des Einsatzkommandos ont ordre de rester en liaison avec le service de la Gestapo le plus proche et en particulier avec le commandant de la Police de sécurité et du SD.
Le commandant peut être comparé, en petit, au chef de la Police de sécurité et du SD. Il avait plusieurs sections sous ses ordres : ABI-III désigne la SD ; ABT-IV la Police d’État ; ABTV, la Police criminelle. Le titre « Kommandeur » n’est jamais mentionné, mais seulement la section qui a travaillé. Je me permets d’attirer l’attention du Tribunal sur ce qui suit :
« Ces communications doivent, en principe, être données pour information à l’Office central de la sécurité du Reich, IV-A 1 ».
Cela montre que ces mesures étaient prises par l’Amt IV de la Gestapo et que l’Amt III n’avait rien à y voir.
Les documents suivants, de SD-23 jusqu’à SD-26, se rapportent à l’accusation du Ministère Public selon laquelle le décret « Kugel » aurait été œuvres du SD (exposé des charges contre la Gestapo et le SD, Statement of évidence n° VI-C ).
Je passe ensuite au document SD-23. Ce document a déjà été transmis par le Ministère Public sous le numéro PS-1650. Il s’agit d’une dépêche de la Gestapo, Service extérieur d’Aix-la-Chapelle, adressée à tous les services de la Gestapo. Je cite, pour prouver que là aussi il s’agit uniquement de mesures prises par la Gestapo :
« Par les présentes, j’ordonne ce qui suit :
1° Les services de Police d’État reçoivent des commandants des Stalags les officiers prisonniers de guerre repris après évasion et les transfèrent à Mauthausen, à condition que cela ne nécessite pas un transport spécial.
« 2° Le Commandement suprême de la Wehrmacht a été prié d’aviser les camps de prisonniers de guerre qu’en vue du camouflage des prisonniers repris après évasion, ils aient à remettre ces derniers non pas directement au camp de Mauthausen, mais aux services compétents de la Police d’État locale. »
Je passe au document 24...
Pourquoi omettez-vous de dire que ces documents sont adressés à l’inspecteur de la Police de sécurité et du SD ?
Pour ce qui est des inspecteurs, Monsieur le Président, il en est de même que pour le chef de la Police de sécurité et du SD et pour les Kommandeurs. L’inspecteur était placé au-dessus de la Police criminelle, de la Gestapo et du SD, de sorte qu’il avait trois activités.
Mais, il était inspecteur du SD ?
II était inspecteur du SD. Mais, du fait qu’il était en même temps inspecteur de la Sipo, il devait, dans cette circonstance, agir en tant qu’inspecteur de la Sipo. Nous sommes en présence de deux charges réunies en une seule personne. Mais le document précise que seule la Police d’État a qualité pour s’occuper des prisonniers de guerre et que les services du SD ne devaient en aucun cas s’en charger. Il est dit expressément au paragraphe 1 : « Les services de la Gestapo s’occuperont... »
Au-dessus de ces services policiers se trouvait aussi l’inspecteur de la Police de sécurité et du SD. Il a contrôlé ces mesures prises par la Gestapo en sa qualité d’inspecteur de la Sipo. Qu’il fût en même temps inspecteur du SD, cela ne veut pas dire qu’il n’ait contrôlé que les services du SD.
C’est bien. Continuez, je vous prie, docteur Gawlik.
J’arrive au document 24 ; il s’agit ici du document qui a déjà été présenté sous le numéro PS-1165. Je me permets d’attirer l’attention du Tribunal sur le fait qu’il est signé par Müller qui, le Tribunal ne l’ignore pas, était le chef de l’Amt IV. Cela fait ressortir une fois de plus que, seule, la Gestapo était compétente.
Le numéro 25 est une circulaire du chef de la Police de sécurité et du SD, datée du 20 octobre 1942, sur le traitement des prisonniers soviétiques évadés. J’attire aussi l’attention du Tribunal sur la présence du chiffre IV. Je cite :
« Je prie la Police d’État, même si cela a déjà été fait, de donner à tous les services de Police de la région des instructions conformes à l’article 3 du décret du Haut Commandement de la Wehrmacht du 5 mai 1942 ». Je pourrais vous dire, Monsieur le Président, que si cela avait fait partie des attributions du SD, les services du SD auraient aussi reçu des instructions.
Docteur Gawlik, je crois qu’il n’est pas utile de discuter de chacun de ces documents. Vous ferez, en son temps, votre plaidoirie finale. Si ce sur quoi vous désirez attirer l’attention du Tribunal n’est pas quelque chose de véritablement essentiel, vous en parlerez dans votre plaidoirie. Il est inutile d’y insister. Cela nous fait perdre trop de temps pour n’aboutir à rien.
Monsieur le Président, je ne l’ai fait que...
Jusqu’à maintenant, vous avez parlé de chacun des documents SD-22, SD-23, SD-24, SD-25. De cette manière, vous parlerez du livre tout entier. Pourquoi ne pas exposer en bloc toutes vos preuves ? Ensuite, si vous aviez besoin d’attirer l’attention du Tribunal sur un point que vous jugeriez particulièrement important et que nous pourrions examiner avant votre plaidoirie finale, rien ne vous empêcherait de le faire, mais ne perdez donc pas tout ce temps à expliquer ce qu’est chaque document en particulier. Avant la plaidoirie finale, nous avons encore plusieurs organisations à entendre.
Je l’ai fait parce que j’ai cru comprendre qu’il y avait confusion dans l’esprit du Tribunal, d’une part entre les chefs de la Police de sécurité et du SD, d’autre part entre les Kommandeurs et inspecteurs.
Docteur Gawlik, je vous ai simplement demandé pourquoi vous parcouriez chaque document de la série, sans que j’arrive à comprendre ce que contiennent les documents.
Les documents 27 et 28 concernent aussi la déclaration du Ministère Public au sujet du décret « Kugel ». Je puis peut-être citer cet extrait du document SD-28 :
« En vertu de ce décret, les prisonniers de guerre soviétiques évadés seront, dès qu’ils auront réintégré leurs camps, et dans tous les cas, déférés au service le plus proche de la Gestapo. »
Les documents suivants, de SD-29 à SD-42, se rapportent à l’accusation du Ministère Public attribuant au SD la responsabilité de l’installation et de l’organisation des camps de concentration et de l’emprisonnement dans des camps de concentration et d’extermination, d’indésirables politiques ou raciaux, aux fins de travail forcé et de destruction en masse (page 43 de l’édition anglaise de l’exposé des charges). Ce document prouve de façon certaine que le SD n’a en aucune façon pris part à ces mesures, et je citerai encore une phrase du document SD-29 :
« A l’avenir, les mesures de limitation de la liberté personnelle » — je passe la suite — « seront décidées uniquement par la Gestapo et devront être appliquées dans toute l’étendue du territoire par les Oberregierungspresidenten, le chef de la Police à Berlin, les agents de la Gestapo, chacun dans leur juridiction respective. »
Voici ce que dit le document SD-31 :
« La Gestapo peut, à titre préventif, prendre des mesures coercitives contre des personnes dont l’activité est hostile au peuple ou à l’État. La Gestapo est seule habilitée à prendre ces mesures ».
Le document SD-37 se rapporte à l’accusation du Ministère Public selon laquelle le SD aurait été chargé d’administrer les camps de concentration ; je cite une phrase de ce texte :
« L’administration d’un camp de concentration et de toutes les entreprises économiques des SS qui sont dans le domaine de mon organisation, est à la charge du commandant de camp. »
L’administration des camps de concentration fait également l’objet du document SD-38.
Je ne vois pas quel intérêt il peut y avoir à attirer maintenant notre attention là-dessus.
Parce que l’exposé des charges accuse le SD de s’être aussi occupé de l’administration des camps de concentration.
Ce document ne dit pas qu’il ne l’ait pas fait.
Le document 37 est un décret du chef du Service central de l’administration économique SS. C’était un service tout à fait différent qui n’avait rien à voir avec le RSHA.
La question qui nous occupe actuellement est celle des camps de concentration ; je ne vois pas l’utilité de nous présenter maintenant ce document qui me semble ne rien avoir à faire avec la question.
Je continue donc et en arrive au document SD-39. Il dit :
« Le transfert de l’inspection des camps de concentration au Service central de l’administration économique SS s’est fait en parfait accord avec tous les principaux services intéressés. Cela fait ressortir clairement qu’un camp de concentration était placé sous l’autorité de l’inspection des camps de concentration, laquelle avait été transférée au Service économique et administratif des SS. Le SD, lui, appartenait au RSHA. Les camps de concentration étaient sous les ordres des inspecteurs des camps de concentration ; cela ressort du document SD-38. Maintenant, je vous prie de vous référer au document SD-40, dans lequel il est dit expressément...
Vous ne faites pas du tout attention à ce que je vous ai dit ; vous continuez de parcourir presque tous les documents en particulier. Vous avez dit déjà que le SD-29 traitait des camps de concentration ; ensuite, vous vous êtes occupé des documents SD-37, SD-38, SD-40. Cela n’aide le Tribunal d’aucune manière. Vous avez déclaré que les documents n° 29 à 42 traitaient des camps de concentration. Cela suffit. Si vous n’avez pas là un document vraiment important et que nous devions lire avant votre plaidoirie finale, il nous suffit d’avoir l’assurance que les documents SD-29 à SD-42 traitent de la question des camps de concentration.
Je croyais aider le Tribunal en lui faisant remarquer que les camps de concentration étaient sous les ordres du Service central de l’administration et de l’économie des SS et non sans les ordres du RSHA. C’est pour cette raison que je continuais à discuter de ces documents.
Les documents SD-43 à SD-49 se rapportent à l’accusation selon laquelle le SD aurait pris part à la déportation de citoyens des territoires occupés en vue du travail forcé et aurait eu à surveiller le travail forcé.
Le document SD-43 fixe les limites de la compétence de la Police d’État. Je cite seulement ce qui suit (paragraphe 2) :
« Les travaux visant à l’utilisation des prisonniers soviétiques seront groupés dans une section rattachée aux services de la Police d’État. Cette section sera sous les ordres d’un fonctionnaire de la Police criminelle agissant sous le contrôle personnel du chef de la Police d’État ».
Je cite une phrase de l’annexe au document 43 :
« Le recrutement de la main-d’œuvre sur le territoire de l’ancienne Russie soviétique est réglementé par la commission de recrutement du ministère du Travail du Reich. »
Et : « La commission de recrutement du ministère du Travail s’occupe des camps de prisonniers. »
Le document SD-50 concerne l’ordre des commandos. Je vous prie de me permettre d’attirer l’attention du Tribunal sur les mots « seront contrôlés par la Police de sécurité ».
Les documents SD-51 à SD-53 se réfèrent à l’accusation du Ministère Public selon laquelle le SD aurait eu pour tâche de protéger les civils qui auraient lynché des aviateurs appartenant aux nations alliées.
Le document 54 a déjà été présenté sous les numéros US-504 et PS-668 ; il concerne l’exécution du décret « Nacht und Nebel » (Nuit et brouillard).
Les documents SD-55 à SD-57 concernent l’accusation du Ministère Public selon laquelle le SD aurait procédé à des arrestations et exécutions, après jugement sommaire, de ressortissants des pays occupés.
Je vous prie de m’autoriser à attirer l’attention du Tribunal sur le document SD-55 (qui porte aussi le numéro L-316). J’en citerai une phrase :
« Les ressortissants des pays ennemis seront désormais remis à la Police. »
Je cite une précision contenue dans le SD-56 :
« Les actes punissables commis par les Juifs seront punis par la Police. »
Les documents SD-58, 58-a, 58-b, 58-c, concernent l’accusation selon laquelle le SD aurait participé à la réquisition et au partage de biens publics ou privés dans les territoires occupés. Je cite une phrase :
« L’expropriation sera faite par la Police d’État au profit du Grand Reich allemand. »
Le document SD-59 et le document SD-60 concernent les interrogatoires « du troisième degré » : je vous prie de me permettre d’attirer l’attention du Tribunal sur le chiffre IV qui prouve qu’il s’agit de la Gestapo.
Le document SD-60 est consacré au règlement portant sur les attributions de la Police de sécurité dans le Gouvernement Général.
Les documents de SD-60 à SD-64 ont trait à l’accusation portée contre le SD de crimes contre l’Humanité. Les documents 60 à 63 se réfèrent plus particulièrement aux crimes contre les Juifs. Quant au document SD-62, je vous prie de me permettre d’attirer l’attention du Tribunal sur le chiffre IV et sur la signature :
« Müller, chef de la Gestapo ».
Le document 64 concerne l’accusation portée contre le SD de persécutions contre l’Église (Statement of évidence VII-B, page 57). Les documents SD-65 à SD-69 donnent les textes de décrets selon Lesquels une grande partie des membres du SD (Amter III et VI), quittèrent ce service avec ou sans raisons de service.
J’attire l’attention du Tribunal sur la phrase suivante contenue dans les documents SD-65 :
« Suivant les besoins » — je passe quelques mots — « les sections du SD peuvent exiger des offices de travail, et en accord avec les principes d’utilisation de la population en temps de guerre, la fourniture de main-d’œuvre de remplacement ou de complément. »
Le document SD-69 traite des peines encourues par ceux qui ne se seraient pas conformés à ce décret.
J’en arrive au document SD-70, au sujet duquel je n’ai pas pu me mettre d’accord avec le Ministère Public. Je prie le Tribunal de bien vouloir décider si je dois ou non présenter ce document.
Je n’ai qu’un recueil de documents qui...
Il se trouve dans le complément, Monsieur le Président. Dois-je vous remettre l’original ?
Oui, s’il vous plaît. Expliquez au Tribunal, je vous prie, de quoi il s’agit dans ce document,
Il prouve d’abord que le SD ne faisait partie ni de la Police ni des SS. Il prouve en outre que le SD à l’intérieur et les organisations de la Police de sécurité du SD hors du Reich, étaient des organisations parfaitement distinctes et il précise les attributions de l’Amt III.
Je vous prie de m’autoriser à attirer l’attention du Tribunal sur le fait que, dans la section IV, le SD est mentionné au-dessous de « Service allemand d’information ».
II s’agit d’un livre édité par le commandement allié, n’est-ce pas ? Par le « Quartier Général des Forces alliées » ? Et vous voulez le présenter ?
Le Secrétaire général m’a...
Une requête en règle a-t-elle été déposée pour ce document ?
Oui, il figure dans l’appendice de mon livre de documents. Mais je n’ai pas pu tomber d’accord sur cet appendice avec le Ministère Public.
Que dit, à ce sujet, le Ministère Public ?
Plaise au Tribunal Nous n’avons pas d’objection à la présentation de ce document. C’est un de ceux au sujet desquels nous n’étions pas d’accord Notre objection s’applique avant tout à sa valeur probatoire. C’est un recueil des services d’information et son contenu ne se rapporte pas à des affaires d’information. Il est daté d’avril 1945. C’est la date de sa publication, et il est tout à fait évident qu’à cette époque les informations n’étaient pas aussi valables que celles qui sont données aujourd’hui devant le Tribunal.
Monsieur le Président...
Le Tribunal acceptera le livre pour ce qu’il vaut.
Je vous prie de me permettre d’attirer l’attention du Tribunal sur le fait que, dans ce livre, les organisations de l’État et du Parti sont divisées en quatre et que le Service d’information porte, à lui seul, le numéro IV. Le numéro 1 est réservé à l’État et au Parti, le numéro II aux organisations paramilitaires, le numéro III à la Police allemande, le numéro IV au Service de renseignements allemand, les organisations des Amter III et IV.
Je me permettrai d’attirer à nouveau l’attention du Tribunal sur ce qui est dit des SS : les SS se composent des Waffen SS, des SS ordinaires et, en troisième lieu, de « SS germaniques ». Le SD n’est pas mentionné. Je vous prie de m’autoriser encore à attirer l’attention du Tribunal sur le fait que le Service d’information (IV) est coordonné avec le Service intérieur SD (III), l’Organisation de la Police de sécurité du Reich, les SD en dehors du Reich, tous trois dans les Amter VI et VII.
Je vous prie aussi de me permettre d’attirer l’attention du Tribunal sur les constatations suivantes relatives à l’activité de l’Amt III :
« Les informations livrées par les membres du service d’information devront faire l’objet de rapports. » Et plus loin : « Ces rapports sont extrêmement francs et sincères et donnent une image complète et non déformée de la situation et de l’opinion publique en Allemagne ».
J’en arrive au document final. C’est une lettre du professeur adjoint Wolferts. Je présente cette lettre parce que je viens de la recevoir et ne pouvais plus faire faire un affidavit. Cette lettre concerne le document 142. C’est le document bien connu sur Kochem, où le SD aurait surveillé les élections. Cette lettre parle d’un pasteur protestant, Alferich Wolferts, qui aurait répondu par « non » et le « non » aurait été joint au rapport ; il ressort de la lettre de sa fille qu’il n’a jamais été pris de mesures contre cet homme, ni par la Gestapo ni par le SD.
J’ai terminé. Monsieur le Président ; dois-je encore vous lire un résumé de mes documents ou dois-je préciser par écrit où l’on peut trouver les documents ? La plus grande partie des documents a déjà été transmise.
Je crois que nous avons déjà un index au commencement du livre de documents, n’est-ce pas ?
Oui.
Voulez-vous en faire un document séparé ?
Oui, je n’ai qu’une partie des documents, dont certains sont ceux du Ministère Public.
Si vous pensez que cela peut être utile, remettez votre index au Tribunal sous un numéro spécial.
Très bien.
Docteur Kubuschok, lorsque vous vous êtes occupé des témoins, est-ce que le Cabinet du Reich venait ensuite ? Êtes-vous prêt à présenter vos documents ?
J’ai au total quatre affidavits, qui ont été transmis à la commission. Ils seront traduits, mais les traductions ne sont pas encore terminées. Je vous les transmettrai plus tard, et je me contenterai aujourd’hui de lire les parties principales de ces affidavits.
Le premier affidavit, n° 1, émane du secrétaire d’État, plus tard ministre, Dr Otto Meissner. Je lis les passages suivants ; tout d’abord, Meissner s’occupe des travaux du cabinet, et ceci à la première époque, après la formation du Gouvernement de Hitler. Voici ce qu’il dit :
« Il » — c’est-à-dire le Gouvernement du Reich — « travaillait selon l’usage établi auparavant, c’est-à-dire que les projets de lois étaient soumis à la délibération du cabinet. Hitler avait une autorité prépondérante et incontestée dans ce Gouvernement ; il s’appuyait sur la Constitution du Reich, qui déclarait que les directives de la politique devaient être données par le Chancelier du Reich. Ces directives ne différaient en rien de celles qu’il a toujours exposées dans ses discours officiels de l’époque. »
Plus loin, il est dit :
« Toutes les décisions politiques importantes, comme l’Anschluss de l’Autriche, l’entrée dans le pays des Sudètes, la conclusion d’un accord avec l’Italie, l’entrée en Bohême et Moravie, l’attaque de la Pologne et des pays neutres, avaient lieu sans décision préalable du cabinet, sans même que les membres du Gouvernement du moment eussent été informés. Ceux-ci, quand ils n’étaient pas informés par Hitler, apprenaient ces événements comme n’importe quel sujet allemand, par la radio et la presse. Les membres du Gouvernement du Reich étaient ainsi, contre leur volonté et sans qu’ils y fussent pour rien, absolument exclus de la direction des affaires et enfermés chacun dans leur département ; ils ne connaissaient que ce qui concernait ce département. Les projets de guerre de Hitler ne pouvaient pas être connus de son Gouvernement pas plus que son intention d’user de violence et de violer les principes du Droit international. »
L’affidavit parle ensuite de la loi du 3 juillet, après la fin du putsch de Röhm. En conclusion, l’affidavit dit ce qui suit :
« Les membres du Gouvernement du Reich, en dépit de la brutalité croissante des événements, restaient à leur poste. Selon mes observations — en laissant de côté le fait que le Führer ne souffrait aucune démission, particulièrement en temps de guerre, où cela eût été assimilé à une désertion — parce que les « ministres bourgeois » pensaient que leur départ eût amené au pouvoir des hommes absolument inexpérimentés. Ils ne voulaient pas nuire aux intérêts intrinsèques de leur département ni aux intérêts personnels de leurs subordonnés. »
L’affidavit n° 2 est celui de l’ancien ministre du Reich Darré. Je cite :
« Les questions importantes de politique étrangère, si j’ai bonne mémoire, n’étaient jamais discutées par le cabinet. En aucun cas, dans les séances du cabinet, il n’y au eu de déclaration ou de discussion pouvant nous faire croire qu’on envisageait une guerre d’agression. »
Plus loin, il dit encore :
« J’affirme n’avoir eu connaissance d’aucun plan d’agression contre la Pologne et que je n’ai reçu aucune directive dans ce sens en ma qualité de ministre de l’Agriculture. »
Darré expose ses divergences de vues avec Hitler et dit à ce propos :
« Lors d’une conversation avec Hitler là-dessus, avant la publication de la loi — on avait discuté au sujet d’une loi à appliquer dans les territoires occupés — nous en arrivâmes à une violente discussion au cours de laquelle j’offris ma démission. Hitler me répondit que j’étais sous la loi de la guerre, que je ne pouvais démissionner que si cela lui plaisait, à lui, Hitler, et non pas si cela me plaisait à moi. »
Comment alors on chassa Darré de son poste, c’est ce qui est expliqué dans la dernière partie de l’affidavit. Darré aurait dit à Hitler, je cite :
« Pour le commun des mortels, je devais être malade. Officiellement, on devait avoir l’impression que j’avais dû abandonner ma charge pour des raisons de santé. Je refusai de passer pour malade : je reçus l’ordre de m’éloigner de Berlin. Depuis, j’ai vécu dans un blockhaus abandonné dans la Schorfheide. En réalité, j’ai porté le titre de ministre du Reich jusqu’à la défaite, bien qu’à maintes reprises j’aie demandé au Dr Lammers de me faire retirer le portefeuille et que le Dr Lammers en ait discuté avec Hitler. »
Le troisième affidavit est celui de l’ancien ministre du Reich, le comte Schwerin von Krosigk. Schwerin von Krosigk décrit à un certain moment sa rencontre avec le Chancelier Brüning en 1932. Je cite :
« J’étais en partie d’accord avec Brüning qui, quelques semaines avant sa démission, me déclara, à Baden où nous faisions tous deux une cure, qu’il serait temps de mettre les nationaux-socialistes au pied du mur. On ne pouvait pas continuer à gouverner avec des décrets du Président du Reich et on ne pouvait pas non plus laisser longtemps le parti le plus fort dans l’opposition. L’agitation perpétuelle des nationaux-socialistes n’aurait de résultats que s’ils étaient amenés à prendre leurs responsabilités. »
Plus loin, dans cet affidavit, Schwerin von Krosigk précise qu’il a vu Hitler pour la première fois de sa vie le 30 janvier 1933. Je cite :
« Mon entrée dans le cabinet de Hitler était motivée par le fait que, d’accord avec les ministres bourgeois, je voulais faire contrepoids à la dictature totalitaire dans le cabinet. »
Sur les premiers temps du cabinet, l’affidavit s’étend longuement. Je cite une phrase :
« Il arrivait alors que, grâce à l’opposition des ministres bourgeois, des amendements à certaines mesures fussent acceptés et même quelquefois que certaines mesures proposées au sein du cabinet fussent rapportées. »
Au sujet de la réunion des charges de Chancelier du Reich et de Président du Reich, l’affidavit dit entre autres :
« Il fut impossible aux ministres bourgeois de s’opposer au désir de Hitler de réunir ces deux charges sur sa propre personne et de faire ainsi le dernier pas vers la dictature. En effet, dès ce moment, il était évident qu’une prise du pouvoir totale par Hitler était conforme au désir du peuple allemand tout entier. »
Plus loin, l’affidavit dit encore à ce sujet :
« Je tiens à faire ici la remarque que Hitler avait pu faire accepter la réunion des deux charges sur sa tête par le cabinet, parce qu’il n’envisageait pas cette solution comme définitive et pensait qu’on pourrait, dans l’avenir, rendre à nouveau ces deux charges distinctes. »
Dans sa conclusion, l’affidavit déclare que le Gouvernement du Reich n’avait aucune influence politique et ne gouvernait pas réellement. Il était encore moins le conseiller de Hitler. C’était un cercle de personnalités choisies par lui personnellement pour servir ses desseins.
A la fin, Schwerin von Krosigk conclut :
« En considérant tout cela après coup, il me faut constater que Hitler n’a pas moins déçu ses ministres qu’il n’a déçu le peuple allemand et le monde entier. Les explications qu’il avait l’habitude de donner à ses ministres n’étaient pas différentes de celles qu’il donnait ouvertement. Que sa volonté fût toute différente, c’est ce dont on ne pouvait se rendre compte tant ses paroles étaient puissamment convaincantes. Il en revenait toujours à sa volonté de paix. Quand on me dit aujourd’hui que Hitler, dès novembre 1937, pensait à la guerre pour atteindre ses buts en politique extérieure, je répondrai que ceci est en opposition absolue avec ce qu’il m’a dit au début de 1939 et ce qu’il m’a fait dire expressément par le secrétaire d’État Reinhardt : « Je n’ai pas besoin de me faire de « souci quant à la question de l’armement, car pour l’instant une « longue période de paix nous attend et nous allons devoir réduire « nos fabrications ».
Sous le numéro 4, j’ai encore un affidavit de l’ancien ministre du Ravitaillement, Rudolf Harmening. Harmening parle d’un ordre de Hitler au secrétaire d’État au ministère du Ravitaillement, Backe, concernant les préparatifs pour la guerre contre la Russie. Il est expressément dit par Hitler que le ministre Darré lui-même devait être tenu dans l’ignorance de ces préparatifs. Je cite :
« Quelques mois avant la déclaration de guerre à la Russie, on prit au ministère du Ravitaillement du Reich des mesures telles que la mise en place de machines agricoles et de main-d’œuvre agricole, dans une région déterminée (après le début de la guerre ce fut ouvertement en territoire russe). Backe a reçu cet ordre directement de Hitler ou de Göring, sans passer par le ministre du Ravitaillement Darré de qui il dépendait. Ces mesures devaient être absolument ignorées du ministre lui-même. »
C’est tout ce que j’avais à dire au sujet des affidavits. Maintenant, j’ai là un recueil de 68 documents. Dans leur ensemble, ils traitent des motifs et des points de vue officiels quant aux lois promulguées à cette époque en particulier. Ces motifs officiels étaient joints aux projets de lois qui étaient présentés aux différents ministres. Chacun était ainsi averti des motifs rendant nécessaires les lois dont les projets lui étaient exposés. L’examen de ces raisons montrait comment se justifiaient ces projets de lois.
Parmi les documents déjà transmis, je voudrais encore vous faire remarquer le document SD-3. C’est la proclamation du Gouvernement du Reich du 1er février 1933, contenant les directives pour la politique du cabinet. Le document SD-9 contient des déclarations officielles des chefs de partis qui s’étaient dissous d’eux-mêmes au cours de l’année 1933. Les chefs de partis, dans cet appel, reconnaissent le nouveau Gouvernement et demandent à leurs adhérents de suivre ce Gouvernement et de le soutenir.
Je vous fais remarquer, pour terminer, le document SD-63 : une déclaration du ministre de la Guerre d’alors, von Blomberg, sur le problème du service militaire obligatoire en Allemagne.
Sur les questions restant à considérer, en particulier celles qui concernent les travaux et l’organisation du cabinet, les témoins Lammers, Weizsäcker, Göring et von Neurath se sont déjà expliqués. Je vous prie de prendre en considération ces témoignages pour le cas du Cabinet du Reich.
J’ai terminé.
Nous allons suspendre l’audience.
Docteur Pelckmann !
Monsieur le Président, Messieurs du Tribunal, je m’occuperai tout d’abord des procès-verbaux des auditions de témoins par la commission qui ont été certainement déjà présentés au Tribunal. Il y a 29 témoins.
Je commence par la présentation des documents. J’ai classé les documents en plusieurs groupes, ce qui me permet d’espérer en finir rapidement avec l’exposition.
Il y a lieu tout d’abord de grouper les documents 1, 2, 3, 5 et 84. Les trois premiers se rapportent à ce qu’on a appelé « les idéaux » des SS. C’est de cette sorte de mystique qu’il est question ici. Il y est parlé de cette communauté de vues et il est prouvé qu’elle était enseignée dès l’école.
Le document n° 5 précise que les SS, dans l’ensemble, exerçaient leur profession civile normale et que leur service dans les SS étaient, pour eux, une activité secondaire.
Le document 84 prouve clairement que les Allgemeine SS étaient des formations du Parti et que, contrairement aux autres formations SS — ce que je montrerai plus tard — elles étaient, en cas de plainte, représentées par la NSDAP.
Dans le document n° 6 (USA-441), sur lequel je reviens encore une fois, sont exposés les principes fondamentaux des SS qui sont les mêmes que pour tous les hommes : caractère sacré de la propriété, nécessité de l’épargne, etc. Je suis bref sur ce sujet que je développerai plus longuement dans ma plaidoirie finale.
Les documents 4 et 103 forment un tout. Le document 4 montre que les membres des SS prêtaient serment, un serment qui ne différait pas de celui du fonctionnaire mais bien de celui du soldat, en ce que, aussi curieux que cela puisse paraître, le soldat prête serment d’obéissance absolue, mais non pas le SS.
Le document n° 103 précise que ce serment est fait en invoquant Dieu ; Himmler dit à ce sujet : « J’estime qu’un homme qui ne croit pas en Dieu est un homme présomptueux, mégalomane, et un imbécile. Il n’est pas digne d’être reçu parmi nous ».
Le document 84 que j’ai déjà cité montre que les SS-Verfügungstruppe et les Totenkopfverbände ne faisaient pas partie des Allgemeine SS. Les membres de ces formations n’exercent pas d’autre activité. Ce sont des fonctionnaires de l’État, et lorsque des plaintes sont portées contre eux ou contre les unités dans leur ensemble, ces plaintes doivent être adressées au ministère de l’Intérieur ; ceci est très important, en ce qui concerne la question des camps de concentration.
Suivent les documents 8, 9, 10 et 11, et 42. Les Waffen SS furent créées pendant la guerre. Les Waffen SS reçoivent une instruction spéciale : on leur apprend à combattre d’une manière chevaleresque et honnête, à ne pas commettre d’actes punissables en pays ennemi contre la population civile et à avoir des égards pour les prisonniers de guerre.
Les lois fondamentales des Allgemeine SS ne régentent pas les Waffen SS (document 42), sauf lorsqu’un membre des Waffen SS est en même temps membre des Allgemeine SS. Cela vaut, par exemple, pour ce que l’on a appelé l’ordre de mariage. Cette conception n’est pas applicable à l’homme des Waffen SS. Par conséquent, les volontaires des Waffen SS n’étaient pas soumis aux lois spéciales des SS.
Les documents 13, 14, 15 : Les SS ont été accusés d’avoir institué la légalité du pillage dans les territoires occupés de l’Est. Ces documents montrent que les lois en question sont l’œuvre du délégué au Plan de quatre ans, de Göring, ou du représentant du ministère de l’Intérieur, Frick.
Le Commissaire du Reich pour le Volkssturm et l’Agence nationale allemande avaient pour but le rétablissement et le rapatriement des Allemands de l’étranger. Ceci est montré par les documents 15, 16, 17, 18, 19, 20, 22 et 23.
Les documents 25, 26, 30, 33, et 34, 40 et USA-674 prouvent que la loi sur les fonctionnaires, les décrets-lois, la constitution d’associations d’étudiants, les accords entre le Reichsführer SS et le Reichsführer de la jeunesse, le Reichsführer pour le travail et le ministre des Finances du Reich, constituaient des mesures coercitives qui permettaient de faire rentrer des Allemands dans les Allgemeine SS, les Waffen SS, les Totenkopfverbände, les Verfügungstruppe. Même des auxiliaires féminins des états-majors de la Police ont été incorporés de force dans les corps auxiliaires féminins SS.
Les documents 28, 30, 31 et 32 peuvent être résumés. Ils donnent, dans le détail, des exemples de ces incorporations forcées dans les Allgemeine SS, les Waffen SS et la SS-Verfügungstruppe.
Les documents 29, 36, 38 et 39 montrent que des citoyens de pays étrangers, d’origine allemande, si lointaine fût-elle, n’étaient pas mobilisés dans leur armée nationale mais dans les Waffen SS. Cette mesure était appuyée par des accords entre États.
Ces documents montrent, de plus, comment des groupes plus ou moins grands de personnes étaient placés de force sous la juridiction SS, sans qu’ils fussent membres des SS. Ils continuaient à exercer leur ancienne profession au nom de laquelle était ajoutée la mention SS.
Le document 43 traite d’une question non encore éclaircie par le Ministère Public : c’est la question des membres bienfaiteurs. Ceux-ci n’avaient que des rapports financiers avec les SS. Leurs cotisations alimentaient les caisses des Allgemeine SS. La qualité de membre bienfaiteur n’impliquait en aucun cas qu’on appartînt de façon active aux SS.
Les documents 48, 53, 54, 57, 59 et 60 traitent de la pression plus ou moins forte exercée sur des fonctionnaires pour les forcer à entrer dans les SS. La proposition se faisait dans ces termes :
« J’en conclus par conséquent que le candidat... entrera dans les SS ». De continuelles enquêtes suivaient, ayant pour but de savoir si le « candidat » s’était inscrit.
L’entrée dans les SS des membres de la Police d’ordre (Ordnungs-polizei) était également recherchée avec des moyens de pression plus ou moins forts. On insistait également auprès des officiers de police et des médecins, ainsi qu’auprès de jeunes officiers et officiers de paix. Il ressort des documents 52 à 56 que les membres de la Police entrés dans les SS de cette manière n’étaient astreints à aucun service SS. Ils étaient également dispensés de l’instruction SS. Le seul signe de leur qualité de SS était le suivant : lorsqu’ils étaient promus à un grade supérieur dans leur fonction, ils l’étaient également d’office dans les SS.
Enfin, avec les documents 65, 66, 67 et 68, je traiterai de la désignation SS qui se rapportait d’une manière purement extérieure à des formations de Police. Les bataillons et régiments de pompiers, par exemple, voyaient ajouter à leur désignation la mention SS « comme un signe extérieur de reconnaissance », disaient les ordonnances. A titre d’exemple, le second bataillon de gendarmerie devint le second bataillon de gendarmerie SS ; le régiment de police « Alpenland » devint le régiment de police SS, etc.
Il ressort, par ailleurs, des documents, que, malgré tout, ces régiments de police SS continuèrent à faire partie de l’Ordnungs-polizei qui leur fournissait leur équipement et s’occupait de tout ce qui les concernait. Les hommes de ces régiments n’étaient membres ni des Allgemeine SS ni des Waffen SS, bien que la formation dans laquelle ils servaient eût reçu la désignation SS.
Enfin, les documents suivants sont consacrés à la question de savoir dans quelle mesure les membres des SS ont eu connaissance et ont voulu les crimes à eux imputés par le Ministère Public.
Les documents 70, 71, 73, 75 76 et 79 forment un tout. Par des discours constants, Hitler affirmait sa volonté de paix. Le Gouvernement du Reich lui aussi déclarait constamment qu’il voulait maintenir la paix. Le journal Das Schwarze Korps a écrit que les SS n’aimaient pas la guerre, et ce journal donne des détails circonstanciés sur cette aversion qu’éprouvent les SS pour la guerre. Les documents 7 et 78 montrent comment les évêques autrichiens et le Gouvernement britannique furent tous deux trompés à ce sujet en 1938. La déclaration pacifique germano-britannique de 1938 est connue et c’est dans cette déclaration que s’exprime le désir des deux peuples de ne plus jamais se faire la guerre.
Document 80 : de déclarations officielles sur la nature et le caractère des SA et des SS, il ressort que ni les SA ni les SS ne possédaient d’armes ou n’apprenaient à s’en servir et qu’ils ne recevaient aucune formation militaire. Quant à moi, je ne l’affirme que dans la mesure où cela concerne les SS.
Le document 81 dit, pour en finir, que le 16 avril 1934 le Gouvernement allemand offrit au Gouvernement britannique la possibilité de contrôler par lui-même que les SA et les SS ne possédaient pas d’armes et n’étaient pas soumis à une instruction militaire. Ces affirmations ne valaient pas seulement en ce qui concernait le service extérieur mais en ce qui concernait le service intérieur des SS. Ce fait est prouvé par le document SS-82. C’est le décret secret du Führer de 1938. Ce décret affirme que les SS, en tant qu’organisation politique de la NSDAP, ne sont pas une formation militaire, qu’elles n’ont pas besoin d’éducation militaire et que, d’ailleurs, elles ne possèdent pas d’armes. Dans ce décret, il est dit, de plus, que les membres des Allgemeine SS n’étant pas armés seront, en cas de guerre et en application de la loi de défense nationale, mis à la disposition de la Wehrmacht et non des Waffen SS.
Un petit exemple de la manière dont on s’y est pris pour tromper les masses sur les buts de paix est donné par le document 92. D’après ce document, qui est une loi du Gouvernement du Reich, toute participation à la guerre civile espagnole, sous quelque forme gué ce soit, est punie d’emprisonnement, alors qu’au même moment les milliers d’hommes combattaient en Espagne sur l’ordre de Hitler.
Les documents 87, 88, 90 et 99 montrent ce qui suit : Par suite des différentes lois sur les activités clandestines et la propagande défaitiste, la loi interdisant d’écouter les radios étrangères, la diffusion de la vérité — par exemple la diffusion de rumeurs sur les camps de concentration — était devenue pratiquement impossible. Cette politique fut poursuivie avec une rigueur particulière pendant la guerre.
Pour le prouver, je cite le document 99. C’est le discours bien connu de Himmler à Posen en 1943, PS-1919. Il suffira d’une seule phrase, dans laquelle Himmler déclare : « Celui qui devient infidèle, ne serait-ce qu’en pensée, sera chassé des SS et on veillera à ce qu’il disparaisse du monde des vivants ».
En ce qui concerne la question juive, elle est traitée dans les documents 93 et 95. En février 1934, le ministre de l’Intérieur du Reich, Frick, a déclaré devant le corps diplomatique qu’on envisageait simplement de restreindre l’activité des citoyens allemands de religion juive en proportion de leur importance numérique vis-à-vis des autres Allemands. En même temps, on démentait formellement que des mesures de contrainte fussent envisagées à l’égard de cette catégorie de citoyens.
Le document 95 montre qu’en 1942, alors que l’extermination en masse des Juifs était déjà en cours d’exécution, on parlait encore d’une loi créant une colonie juive à Theresienstadt. Cela servait, consciemment ou inconsciemment, à tromper l’opinion publique sur ces mesures d’extermination et à tromper, par conséquent, les membres des SS.
Les événements du 30 juin 1934 sont le sujet des documents 83, 100, 74, 105 et 106. L’opinion publique n’a pas été informée de la vérité. Dans des télégrammes du Président du Reich Hindenburg, adressés à Hitler et à Göring, Hitler était remercié pour son intervention. Ces télégrammes ont été publiés dans tous les journaux. Dans son discours du 13 juillet 1934, Hitler décrit en détail les préparatifs faits par Röhm en vue d’un soulèvement, de quelle manière il était en relations avec l’étranger et comment un Führer SA — nommément désigné — avait préparé un attentat contre lui ; il présente la situation comme si grave que seule une intervention immédiate, sans souci de légalité, pouvait y mettre bon ordre. De plus, ce discours promet la répression des excès injustifiés qui se seraient produits au cours de cette action.
Le document 104 est une simple ébauche destinée à compléter la déposition du témoin von Eberstein qui apportait des éclaircissements sur la situation effective du Chef supérieur des SS et de la Police.
J’ai encore un document, SS-107, que je n’ai malheureusement pas pu remettre au Ministère Public ce matin et que je prie le Tribunal de bien vouloir accepter car je viens seulement de le trouver dans un recueil de décrets. C’est un décret du Reichsführer SS du 27 août 1942. Il établit expressément que la commission pour la consolidation de la nation allemande (Volksdeutsche Mittelstelle) n’est pas une institution SS mais une organisation d’État. Cette question est importante pour établir la responsabilité des SS dans ce qu’on a appelé le « programme de germanisation ». Ce document n’est pas encore traduit, mais je m’efforcerai d’apporter la traduction au Tribunal aussi rapidement que possible.
J’en ai fini, Monsieur le Président, avec ma présentation de documents.
Je passe maintenant aux affidavits.
Dans les interrogatoires devant la commission, et avant tout pour les interrogatoires des cinq témoins devant le Tribunal, je ne pouvais convoquer que des témoins qui, en raison de leurs hautes fonctions, pouvaient donner au Tribunal une vue d’ensemble sur des questions importantes. Avec les affidavits, la Défense s’est efforcée de présenter un nombre aussi grand que possible de déclarations se rapportant, dans la mesure du possible, à l’ensemble de l’accusation, pour renseigner le Tribunal sur ce que pensait et faisait la grande masse des petites gens. J’ai cherché à le faire sous la forme d’affidavits individuels sur certains points et sous la forme d’un résumé de déclarations empruntées à l’opinion courante sur certains groupes de questions et sur certains thèmes.
Je présenterai d’abord 114 affidavits individuels. Ce sont les affidavits SS allant de 1 à 60, 63, 64, 68, 69, et de 71 à 118.
L’affidavit 70 est rédigé par deux membres des SS et contient l’essentiel de l’ensemble des affidavits des SS du camp 73, qui portent sur tous les points soulevés par l’Accusation contre les SS.
Je présente ensuite un ensemble de 136.213 affidavits individuels et collectifs, sous les numéros 119 à 122 ; je les ai réunis dans une déclaration d’ensemble.
Pour terminer, j’ai le compte rendu d’un questionnaire adressé à tous les camps et qui forme un exposé statistique sous le numéro 123.
Je regrette de ne pouvoir présenter aujourd’hui au Tribunal le texte anglais de ces affidavits ; je sais que tous ces affidavits ont été traduits en français et je m’efforcerai d’obtenir aussi rapidement que possible la traduction anglaise. Je présenterai maintenant la traduction française.
De plus, je présente les affidavits du Dr Morgen, 65 à 67. Personnellement, je considère que les affidavits SS-64, 68, 69 et 70 sont excessivement importants.
Quels sont ces affidavits si importants ?
64, 68, 69 et 70.
Bien, vous pouvez continuer, Monsieur Pelckmann.
J’insisterai tout particulièrement sur la nécessité de les traduire. Je n’ai pas fourni de résumé à la commission car le numéro 70 est très important. Il est aussi important que l’ensemble des 136.000 affidavits.
Pour abréger mon exposé, j’ai groupé les affidavits individuels et j’espère donner au Tribunal, en indiquant les numéros, une vue d’ensemble des différents groupes.
Le groupe 1 comprend les affidavits se rapportant à la question de savoir si les SS étaient une unité assermentée dans laquelle aucune distinction ne peut être faite, ni d’après l’ensemble, ni d’après l’ordre chronologique (Édition allemande de l’exposé des charges, pages 9 et 10).
L’affidavit Pétri (116) prouve que l’ordre du Führer du 17 août 1938 (USA-443) n’avait pas pour but de créer un lien organique entre les SS et les Totenkopfverbände et les Verfügungstruppe, mais au contraire de séparer les différentes branches des SS.
Je groupe maintenant une série d’affidavits 13, 52, 49, 48, 42, 56, 55, 54, 46, 97, 98, 53, 50, 51 et 38. Je me permettrai de faire remarquer à Monsieur le Président, en ce qui concerne ces affidavits, qu’une traduction anglaise a été faite ; elle porte le numéro 52 et sera distribuée. Je vous demande pardon, il s’agit d’une traduction en français. Par ces affidavits, je démontre ce qui suit : Certains groupes sont accusés avec l’ensemble des SS. Cependant, on ne peut les accuser d’avoir pris part à un complot car ils n’avaient que des rapports très vagues ou pas de rapports du tout avec les SS. Ce sont les membres bienfaiteurs des SS, les chefs paysans, les membres d’honneur, les ouvriers du Front du Travail, les brigades SS de construction de chemins de fer, les groupes de protection des postes, les institutions d’éducation politique nationales, les Führer du Reichskriegerbund (Association des combattants du Reich, analogue au Stahlheim), les communautés sportives SS, les sociétés hippiques intégrées au SS qui sont connues sous le nom. de SS-Reiter-Stürme, qui ont les mêmes caractéristiques et dont la formation est analogue à celle des SA-Reiter-Stürme, les étudiants recrutés par la force.
Les deux affidavits suivants, 118 et 101, traitent de l’association « Lebensborn ». Ils montrent que les tâches de cette association se rapportent uniquement à l’assistance aux familles nombreuses, l’assistance aux mères et aux enfants, y compris les enfants illégitimes et les filles-mères, mais que cette association n’avait pas pour but d’encourager les naissances illégitimes pour fournir des enfants à l’État comme l’a prétendu le Ministère Public.
L’affidavit SS-47 pourrait fournir un complément précieux à la déclaration du témoin Lieblicht, médecin SS qui a témoigné devant la commission. Ce document montre que les médecins SS étaient recrutés uniquement en raison de leur capacité professionnelle ; des médecins connus, des sommités du monde médical, furent incorporés dans les SS pour augmenter son prestige. Il est affirmé dans ce document que l’activité des médecins des Allgemeine SS était reconnue par leurs confrères étrangers et que certains étaient cités comme exemples d’autorités internationales.
Les affidavits suivants, 95 et 96, montrent que les auxiliaires féminines des SS n’étaient ni membres des SS ni membres bienfaiteurs. Ces jeunes filles avaient les mêmes activités que les auxiliaires féminines des services de renseignements des états-majors de la Wehrmacht, et il convient donc de ne pas les confondre avec les surveillantes dans les camps de concentration où étaient détenues des femmes.
Suit un groupe important d’affidavits se rapportant à la question de la germanisation qui constitue un reproche grave et très complexe le l’Accusation. Ce sont les affidavits 2, 112, 114 et 113, 110, 115, 14, 71, 73, 75, 77, 79, 71, 43, 72, 74, 76, 78 et 80.
Dois-je signaler que, lorsque je réunis un groupe aussi important, ces affidavits individuels ne sont pas cumulatifs mais qu’ils se complètent les uns les autres ? C’est de cette manière seulement qu’ils donnent une image complète des points soulevés par les accusateurs et les défenseurs.
Ces documents montrent que la Volksdeutsche Mittelstelle et l’État-Major général du Commissariat du Reich pour la consolidation de la nationalité allemande ne dépendaient pas des autorités SS mais des services administratifs de l’État. C’est la position formelle de la Défense ; la position matérielle ressort d’une autre partie des documents que je viens de citer. Les SS n’étaient pas chargés des mesures d’évacuation, de germanisation et de colonisation allemande dans les territoires occupés.
L’affidavit 89 montre, en ce qui concerne le chef du service des prisonniers de guerre, même après la nomination de Himmler, que, c’était un poste dépendant essentiellement de la Wehrmacht. La nomination de Himmler ne changea rien à cette organisation, ce qui prouve que les SS n’avaient aucune influence sur le traitement des prisonniers.
Je me permettrai encore de distinguer et de résumer le groupe suivant qui contient deux affidavits traitant de l’affirmation du Ministère Public selon laquelle il y aurait unité d’organisation entre SS et Police. Ce groupement aurait été placé sous les ordres d’un « Chef supérieur de la Police et des SS ». Cette affirmation du Ministère Public se trouve à la page 12 et 16 de l’exposé des charges en langue allemande, et dans le procès-verbal des 19 et 20 décembre. Les affidavits dont je vais lire les numéros réfuteront cette affirmation : 86, 87, 88 et 90.
J’attire l’attention du Tribunal sur le numéro 87.
Ces affidavits montrent que le Chef supérieur des SS et de la Police, dans le territoire du Reich, n’avait pas de pouvoir en ce qui concerne la Police d’ordre (Ordnungspolizei) ou la Police de sécurité. Ces services de police recevaient leurs ordres du chef de la Police d’ordre ou du chef de la Police de sécurité directement, sans passer par le Chef supérieur des SS ou de la Police.
L’explication donnée par le Dr Best, dans son document PS-1852, ne correspond pas à la réalité mais peut être considérée comme l’expression d’un désir.
Le troisième groupe d’affidavits comporte les documents destinés à réfuter l’affirmation du Ministère Public selon laquelle les SS auraient été le point d’appui d’une race de seigneurs ; ils auraient été dressés à la haine raciale et auraient été préparés physiquement et psychologiquement à la guerre, affirmation contenue dans l’exposé des charges, page 6. Il s’agit des affidavits 57, 58, 59, 60 et 83. Ils montrent que les SS n’ont pas été dressés à la haine raciale et encore moins préparés pour l’extermination de certaines races ; de même que les SS n’ont pas été entraînés à la guerre, ni physiquement, ni moralement.
Le quatrième groupe contient les affidavits traitant de l’accusation portée par le Ministère Public selon laquelle les Waffen SS étaient une unité indissolublement liée à l’ensemble des SS, selon laquelle le service dans les Waffen SS aurait été, en principe, à quelques exceptions près vers la fin de la guerre, volontaire ; selon laquelle enfin les Waffen SS auraient combattu d’une manière cruelle et contraire au Droit.
L’affidavit 84 montre que les Waffen SS, dans leur ensemble, n’avaient aucune idée du monde des idées de Himmler. Avant tout, les Waffen SS qui ne dépendaient pas directement de Himmler en avaient à peine entendu parler. Himmler ne commandait pas les Waffen SS militairement mais avait la direction du personnel, de l’armement, de l’équipement.
Quatre documents sont groupés ensuite : 36, 37, 38 et 40 et montrent que des parties importantes des Waffen SS et des groupes spéciaux, comme les services des douanes, les escadrons de transport motorisés SS, les postes auxiliaires aux armées, ont été incorporés de force dans les SS.
Les affidavits : 1, 31, 32, 33, 34 et 81 prouvent ce qui suit : les Waffen SS ont, à plusieurs reprises, reçu des ordres d’avoir à respecter les lois de la guerre et, en fait, toutes les lois de la guerre ont été respectées et toutes les violations de ces lois ont été sévèrement punies.
Les affidavits 82 et 83 traitent des régiments de police SS comme les documents déjà cités tout à l’heure ; ils montrent que ces régiments de police SS étaient des régiments de l’Ordnungspolizei sans rapport avec les SS ; de même les divisions de police qu’il convient de distinguer des régiments de police ne dépendaient aucunement, jusqu’en avril 1942, des SS ; ce n’est qu’après cette date que ces unités ont été obligatoirement intégrées aux Waffen SS.
La brigade Dirlewanger est citée ici à plusieurs reprises ; l’affidavit 35 y est consacré. Il déclare que cette brigade n’était pas une unité SS, mais une unité constituée directement par Himmler et qui groupait des criminels de Droit commun de toutes catégories dans le but de les éprouver.
Le groupe suivant contient les affidavits 3 et 4 démontrant la fausseté de l’affirmation du Ministère Public selon laquelle les SS auraient participé à l’écrasement des SA le 30 juin 1934. Les Allgemeime SS, à Francfort et à Berlin par exemple, ont été simplement alertées, mais n’ont procédé ni à des arrestations, ni à des exécutions. A ce sujet, je me permets de signaler dès maintenant qu’un matériel de preuves très important provenant de toute l’Allemagne est réuni dans l’affidavit 70 qui comporte le compte rendu d’une enquête dans un camp d’internés et qui sera présenté dans le résumé général.
Le groupe suivant traite d’une autre accusation du Ministère Public ; la participation des SS au pogrom des Juifs du 9 novembre 1938. Ce sont les affidavits 7, 8, 9, 6, 104 et 105 qui montrent que les SS à Nuremberg, Offenburg, Hambourg, Berlin et Ulm n’ont pas participé à des pogroms, mais qu’on a fait appel à eux le 10 novembre seulement par mesure de protection. Sur la question particulièrement importante de savoir s’il y a eu un ordre supérieur de participation à ces pogroms, j’ai l’affidavit 5. Il est signé d’un certain Schallermeier. D’après ce que l’on vient de me dire à l’instant, nous le possédons en anglais et je serais très reconnaissant au Tribunal s’il me permettait de le lire.
Cela a-t-il déjà été fait devant la commission ? Est-ce que cela figure au procès-verbal ?
C’est résumé dans le procès-verbal. Je ne voudrais pas lire l’ensemble du document mais seulement un alinéa particulièrement important :
« Vers 3 heures, le 10 novembre (dit Schallermeier), le Reichsführer SS m’a dicté un procès-verbal, dans ma chambre. Voici le contenu du procès-verbal :
« J’étais allé chez le Führer, le 9 novembre, lorsque vers 23 h. 30 « le Gruppenführer Wolff est venu me trouver et m’informer des « ordres publiés par l’Office de la propagande du Gau de Munich. »
Je souligne qu’il s’agit de l’Office de propagande du Gau de Munich. « J’ai demandé au Führer quels ordres il avait à me donner. Le « Führer a répondu que les SS devaient se tenir à l’écart de cette action. Les services de la Police d’État devaient veiller à la mise en sécurité des biens juifs et à la protection des Juifs. Les Allgemeine SS qui étaient cantonnés dans les casernes ne devaient être appelés que pour des mesures de protection si cela s’avérait nécessaire. J’ai transmis cet ordre au Gruppenführer Heydrich pour les services de la Police d’État et aux différents Oberabsdmittsführer pour les Allgemeine SS. Lorsque j’ai posé la question au Führer, j’ai eu l’impression qu’il ne savait rien de ce qui s’était passé. L’ordre était venu de la Direction de la propagande du Reich et je suppose que Goebbels était à l’origine de cette action, étant donné sa soif de puissance et le manque de scrupules qui le caractérisent, juste au moment où la situation politique extérieure était la plus inquiétante ».
Je dois corriger une erreur : en disant que c’était une citation de Schallermeier, j’ai commis une erreur. Cette citation est dictée par Himmler. Himmler a dicté ce paragraphe et, plus loin, l’auteur de l’affidavit ajoute :
« J’ai dû taper cela personnellement à la machine ».
Je dois ajouter que cette déclaration de Himmler a été enfermée dans un coffre-fort et mise en sécurité.
Le Tribunal pourra également avoir une vue d’ensemble sur la non-participation des SS aux événements du 9 novembre pal l’affidavit 17 qui est également un résumé des affidavits signés par les internés d’un camp.
Le groupe suivant comprend les affidavits 14, 15, 16, 19, 20, 21 23 et 25 qui traitent de la condition des détenus ; dans les camp de concentration. Ces affidavits prouvent que les détenus des camps de concentration étaient, d’une manière très générale, traités d’une façon très satisfaisante. Les mauvais traitements infligés à des détenus étaient sévèrement réprimés. L’affidavit 70 contient des exemples très nombreux sur ce sujet ; il en est de même d’un autre document : l’affidavit collectif 119 à 122.
En ce qui concerne la subordination des camps de concentration et le rôle qu’ils jouaient dans le cadre de l’ensemble de l’organisation des SS, il faut se référer aux affidavits 99 et 100 qui montrent que les recettes des camps de concentration provenant du travail des détenus n’étaient pas versées aux SS et que, par conséquent elles n’étaient pas en particulier versées aux Waffen SS. Ces recettes étaient utilisées dans le budget du Reich allemand. La comptabilité en était tenue.
Le groupe suivant comprend les affidavits qui se rapportent à des expériences faites sur des êtres humains vivants. Je considère qu’ils n’ont de valeur que touchant la question de savoir ce que la grande masse des SS savait de ces expériences.
L’affidavit 17 doit montrer qu’à Dachau les détenus s’étaient volontairement mis à la disposition pour des essais à basse température, après avoir subi au préalable un examen médical et après avoir bénéficié d’une nourriture plus recherchée.
L’affidavit 107 parle également de ces expériences.
Les affidavits suivants 18, 22, 27 et 28 forment un autre groupe traitant du secret observé en ce qui concerne les crimes et en particulier les crimes dans les camps de concentration. Ce groupe de documents réfute l’accusation du Ministère Public (audience du 28 janvier 1946 après-midi, tome VI, pages 262-263 ) selon laquelle l’ensemble de la population allemande, et par conséquent les SS, auraient été au courant des atrocités des camps de concentration.
Ces quatre affidavits montrent que toutes les personnes qui avaient un rapport quelconque avec les camps de concentration étaient tenues de garder le secret. Il est démontré que les équipes de gardiens des camps n’avaient aucune possibilité de voir ce qui se passait à l’intérieur des camps et que, même au sein des Kommandanturen, on n’avait aucune idée dans les différents services de ce qui se passait dans les autres. Toujours en ce qui concerne cette question, je considère comme particulièrement important l’affidavit 24. Himmler, en avril 1944, sur la demande expresse d’un Führer des Waffen SS qui s’était présenté chez lui, avait déclaré que tout était en ordre dans les camps de concentration et que les détenus étaient traités d’une manière satisfaisante. Himmler a fait la même déclaration devant le corps des officiers de la 17e division SS.
L’affidavit 117 montre que le secret le plus absolu était observé dans le Quartier Général du Führer et que cela allait si loin que l’on n’y a rien su sur les crimes dans les camps de concentration ni sur les Einsatzkommandos, ni sur les persécutions contre les Juifs.
Là encore, je groupe trois affidavits : 63, 93 et 94. Il ressort également de ces documents qu’on gardait le secret le plus absolu dans le cadre des services placés sous les ordres de Himmler et en particulier sur les visites faites dans les camps de concentration.
L’important discours de Himmler à Posen en octobre 1943 est bien connu du Tribunal. Il contient des instructions à des Obergruppenführer SS. L’affidavit 29 de Schneider montre que celui-ci avait été exhorté par Himmler lui-même à garder, en toute circonstance, le silence au sujet de ce discours, s’il tenait à la vie.
L’affidavit 41 montre que le WVHA était le service compétent pour l’administration des camps de concentration par l’intermédiaire de son Amtsgruppe D. Cet affidavit insiste sur le caractère extraordinairement secret de cette administration.
L’affidavit 12 rapporte que l’adjoint du chef du personnel SS avait adressé une demande au RSHA et au WVHA, Amtsgruppe D, dans l’année 1943, pour savoir si les rumeurs qui couraient sur les assassinats de Juifs étaient fondées. Les services que je viens de mentionner ont répondu qu’elles étaient dénuées de fondement et qu’il s’agissait là d’une propagande ennemie.
Nous allons suspendre l’audience. Ferez-vous encore longtemps le résumé de ces affidavits ?
Non, Monsieur le Président, cela ne me prendra plus beaucoup de temps, mais j’ai un résumé des affidavits collectifs que, me semble-t-il, je dois présenter ici pour que le Tribunal puisse se rendre compte des questions qui y sont traitées. Cela durera un peu plus longtemps.