DEUX CENT HUITIÈME JOURNÉE.
Mercredi 21 Août 1946.
Audience du matin.
Un instant, Monsieur Pelckmann. Vous pouvez peut-être me venir en aide. Étant donné la lettre qui a été adressée au Tribunal, signée par la plupart des avocats des organisations mais non, je crois par le Dr Servatius, lettre datée du 15 août 1946, le Tribunal serait heureux de savoir de la part des défenseurs des organisations, combien de temps ceux qui doivent encore présenter leurs documents et déclarations sous serment prévoient pour cette opération, dans quel ordre ils ont l’intention de prononcer leurs plaidoiries et s’ils sont ou seront prêts lorsque le moment sera venu de les prononcer. Le Tribunal est très désireux de ne pas remettre à une date ultérieure la présentation de ces plaidoiries, et il n’est pas du tout disposé à les remettre. Par conséquent, nous croyons qu’il est bon dès maintenant de s’assurer, dans la mesure du possible, si les plaidoiries seront prêtes en temps voulu. Je vois que M. Kubuschok n’est pas là. Mais M. Pelckmann est là. Peut-être pourra-t-il nous renseigner en ce qui le concerne, et le Dr Servatius également.
Je pense, Monsieur le Président, que mon exposé aujourd’hui prendra peut-être encore deux heures. Sans vouloir empiéter sur l’exposé de mon confrère, le Dr Laternser, je crois pouvoir dire toutefois qu’il estimait qu’il lui faudrait une journée. En ce qui concerne les SA, je ne sais pas combien de temps il faudra au défenseur de cette organisation. Quant à la question de savoir où nous en sommes en ce qui concerne les plaidoiries, je ne puis dire en principe que ce qui est dit dans cette lettre.
Naturellement le travail que nous ont occasionné la présentation des preuves, l’audition des témoins jusqu’à ces jours derniers, puis ensuite la présentation des documents et des affidavits, nous a pris tout notre temps. Mais je crois que nous pourrons tous, à partir de la semaine prochaine, donc à partir de lundi, commencer à présenter nos plaidoiries. Autant que je sache, mon confrère le Dr Servatius — je ne sais pas s’il est ici — serait déjà prêt dès maintenant, en principe, à prononcer sa plaidoirie.
Dans notre lettre, nous avions annoncé que nous pourrions présenter nos plaidoiries à la fin de cette semaine comme on nous l’a demandé. Si nous pouvons compter environ trois jours pour les traductions et le tirage sur ronéo, et si l’un ou l’autre de mes collègues pouvait déjà remettre sa plaidoirie vendredi, on pourrait commencer lundi. Quant au Dr Servatius, il pourrait commencer déjà à la fin de la semaine. Personnellement, si je puis parler pour moi, je ne serais pas prêt à plaider avant lundi.
Vous serez prêt lundi ?
Pas avant lundi.
Je crois, devoir faire remarquer aux avocats des organisations que la lettre a été adressée au Tribunal le 15 août, c’est-à-dire il y a six jours, si bien qu’ils ont eu six jours depuis ce moment pour préparer leurs plaidoiries ; et j’ai également fait remarquer à chacun d’eux en particulier qu’il est tout à fait inutile, et que cela entraîne une perte de temps pour le Tribunal, de prendre tant de temps à faire les commentaires sur les déclarations sous serment et autres documents. Ils auraient mieux fait d’employer ce temps à préparer les plaidoiries. Mais d’après ce que vous dites, je crois comprendre, et peut-être le Dr Servatius serait-il à même de dire au Tribunal, s’il est d’accord avec nous, ainsi que le Dr Laternser, que les avocats des organisations seront en toute probabilité prêts à prononcer leurs plaidoiries lundi et à ne plus demander d’autre délai après cette date.
Monsieur le Président, je me permettrai de dire une chose encore. Si nous commentons les documents et les affidavits, peut-être un peu plus longuement que le Tribunal ne l’estime nécessaire, cela s’explique parce que le Tribunal a dit, si je me souviens bien, que, lorsque les plaidoiries ont été limitées à trois heures on a déclaré en même temps : « Que les avocats auront occasion de faire tout leur développement, en ce qui concerne les faits, au moment où ils présenteront leurs documents, de sorte que les trois heures fixées pour leurs plaidoiries resteront pour les autres explications ». Nous en avons conclu que nous avions la possibilité de procéder à la critique des preuves dès maintenant, lors de la présentation des documents et des affidavits.
Oui, mais les avocats des organisations doivent comprendre que nous possédons un résumé écrit de toutes ces déclarations sous serment. Par conséquent, s’ils répètent simplement ces documents que nous avons sous les yeux, cela n’a aucune utilité.
En l’absence du Dr Laternser qui, je vois, n’est pas là, vous avez dit que vous pensiez qu’il prendrait une journée pour ses documents ?
Oui, c’est justement ce qu’il m’a dit hier. Il m’a dit qu’il prendrait probablement une journée.
Je vois qu’il est là maintenant ; par conséquent nous pourrons entendre ce qu’il a à dire. Docteur Laternser, en votre absence j’ai dit que le Tribunal avait reçu cette lettre du 15 août, qui a donc été écrite il y a six jours et que le Tribunal aimerait savoir combien de temps les avocats des organisations envisageaient de prendre pour la présentation de leurs documents et s’ils seraient prêts à prononcer leurs plaidoiries aussitôt après. En réponse, M. Pelckmann m’a dit qu’il lui faudrait encore deux heures et qu’il vous avait entendu dire qu’il vous faudrait sans doute un jour. Je crois que le Tribunal serait très peu enclin à vous écouter pendant un jour entier au sujet des documents.
Monsieur le Président je crois qu’il me faudra certainement une journée. Je vous prie de bien vouloir tenir compte de ce qui suit à ce propos. Le Ministère Public américain, pour présenter ses preuves, a utilisé deux journées. Le Ministère Public soviétique a pris de nombreuses journées pour présenter ses preuves contre l’État-Major général et je crois que s’il y avait déjà de grandes difficultés pour présenter, dans le cadre que l’on m’a déjà fixé, mes preuves documentaires et que, de plus, je n’ai qu’une journée, par conséquent une simple fraction de ce qui a été pris par le Ministère Public pour présenter ces preuves contre l’État-Major général, je crois qu’alors ce ne sera pas excessif.
Mais, Docteur Laternser, vous omettez entièrement le fait que nous avons établi les commissions et le fait que vous avez comparu devant ces commissions et que vous avez parlé non seulement une journée mais plusieurs.
Monsieur le Président, j’ai présenté les affidavits devant la commission et là, la présentation des affidavits avait un caractère plutôt formel. Ce que je poursuis par la présentation de mes preuves, c’est plutôt le dessein d’apporter un certain ordre dans la présentation des preuves pour que le Tribunal se rende compte à quel point particulier de l’accusation correspondent les affidavits individuels.
Monsieur le Président, j’aimerais faire remarquer au Tribunal que le Dr Laternser a parlé pendant neuf à dix jours devant les commissions au sujet de l’État-Major général et qu’il a appelé en outre des témoins ici devant le Tribunal, deux ou trois, je ne me souviens pas exactement du nombre.
Monsieur le Président, ce n’est pas tout à fait exact. J’ai pris plusieurs journées pour entendre des témoins, donc simplement pour réaliser cette audition et non pas pour présenter des documents. Il faut tout de même que je sois en mesure, par la présentation de ces preuves, de soumettre au Tribunal ces preuves écrites dans un certain ordre, car sans cela ces preuves ne peuvent pas avoir d’effet.
Vous dites que vous n’êtes pas à même de les présenter dans un certain ordre. Personne ne vous demande de présenter les affidavits dans l’ordre dans lequel ils sont numérotés comme documents. Mais vous pouvez, je pense, les classer au moins en groupes, à moins qu’ils ne traitent tous de questions différentes. J’ai cru comprendre que vous aviez un très grand nombre d’affidavits et je suis tout à fait convaincu qu’un grand nombre de ces affidavits s’occupent de la même question. Par conséquent, dans un temps très réduit, à peu près une heure, on pourrait parcourir la liste de ces affidavits et voir lesquels traitent le même sujet et les classer ensuite par groupes. C’est pourtant simple, et en aucune circonstance le Tribunal ne sera disposé à ce que l’on prenne plus d’une demi-journée de son temps pour la présentation des documents, de votre organisation ou d’aucune autre organisation.
Monsieur le Président, puis-je dire quelque chose encore sur ce point ?
Oui.
Je prie le Tribunal de bien vouloir considérer qu’en particulier le Ministère Public soviétique a élevé pendant plusieurs journées les reproches les plus graves contre le Haut Commandement de l’Armée et je vous prie de m’accorder une possibilité à peu près égale de répondre à ces reproches.
Docteur Laternser, M. Dodd vient de faire remarquer que vous avez pris neuf ou dix jours devant la commission ; en outre, vous avez déjà parlé ici pendant deux jours. Nous avons sous les yeux par écrit le très bon et très consciencieux travail des juges de la commission. En ce moment, j’ai sous les yeux un document... je ne sais pas si les numéros se suivent, mais en tout cas, ils vont jusqu’au n° 3172. Ce sont des affidavits qui ont été résumés. Quoi qu’il en soit, cela fait un très gros dossier d’affidavits qui ont été résumés par les juges siégeant à la commission.
En tant que défenseur des organisations, vous avez eu l’occasion de lire le rapport rédigé par le Président des juges de la commission, et, autant que je sache, vous n’avez pas présenté d’objections contre aucun des exposés de ce rapport. Le Tribunal a tous ces documents sous les yeux. J’estime que le Tribunal a donné aux organisations la possibilité la plus complète et tout à fait suffisante de se faire entendre. Le Tribunal croit qu’il a assez entendu parler de cette question. Il s’en tiendra donc à la décision que je viens de faire connaître. Poursuivez.
Plaise au Tribunal. Je résume maintenant le dernier groupe des affidavits individuels. Je présenterai tout d’abord un affidavit n° 108. Il montre...
Monsieur le Président, je m’excuse d’interrompre, mais la question n’est pas encore entièrement éclaircie. Sir David et moi pensons qu’il peut y avoir un malentendu sur la situation de M. Pelckmann. Nous comprenons, après l’avoir entendu, que lundi il présentera seulement sa plaidoirie à la traduction tandis que le Tribunal a compris qu’il serait prêt à prononcer sa plaidoirie lundi. Celle-ci serait ainsi retardée de trois jours.
Certainement. Si je vous ai bien compris, Monsieur Pelckmann, vous seriez prêt à prononcer votre plaidoirie lundi. Il n’est pas absolument certain que ce sera lundi, parce que le discours du Dr Servatius viendra naturellement avant le vôtre, et à moins que vous n’ayez fait d’autres arrangements entre vous, les plaidoiries seront probablement prononcées dans l’ordre dans lequel les documents ont été présentés et les témoignages entendus. Évidemment vous pouvez faire des arrangements entre vous. Le Tribunal ne sera que trop heureux d’accepter ce qui est prêt si certains avocats ne sont pas prêts. Mais à condition évidemment que cela n’entraîne pas de retard.
Moi aussi, Monsieur le Président, je crois que cela ira. Comme nous l’avons déjà annoncé dans notre lettre, nous pourrons présenter nos manuscrits aux fins de traduction et de reproduction à la fin de la semaine. Par conséquent je crois que, si je présente mon document vendredi après-midi, je pourrai parler lundi après-midi par exemple et le Dr Servatius...
Attendez un instant. C’est très bien, mais la section de traduction n’est qu’humaine et je ne vois aucune raison pour qu’elle travaille dimanche. Je crois me rappeler — je peux me tromper — que vous avez des aides qui vous assistent dans votre travail et qui, je suppose, vous aident depuis le 15 août, date à laquelle ce document a été remis ; comme je l’ai fait remarquer, il y a donc six jours de cela. Certaines parties du discours devraient être prêtes dès maintenant et remises à la section de traduction.
D’après la liste qui m’a été remise, je vois que vous avez quatre assistants ; M. Babel, quatre assistants et quatre secrétaires. Vous avez aussi un adjoint à la Défense et une secrétaire. Je ne comprends pas pourquoi la plaidoirie ou même seulement des parties de celle-ci ne seraient pas déjà prêtes et remises à la traduction. On peut en dire autant des autres avocats des organisations.
Mais, Monsieur le Président, nous en sommes encore à la présentation des preuves. C’est ce que je voudrais indiquer. Il ne m’a pas été possible encore de bâtir une plaidoirie complète avant la fin de la présentation des preuves. Toutes les expériences pratiques que j’ai pu faire jusqu’ici me confirment dans cette attitude. Mais puis-je vous faire une proposition, Monsieur le Président, pour fixer cela d’une manière absolument certaine ? Je suis en mesure de remettre mon manuscrit pour la plaidoirie à la section de traduction vendredi après-midi et je pourrai très probablement en donner une partie importante avant cette date déjà.
Au nom du Tribunal, je ne demanderai pas à la section de traduction de travailler davantage que ne le jugera nécessaire l’officier chargé de cette section. Le Tribunal désire que les plaidoiries soient prononcées sans aucun retard. Est-ce clair ?
Je traitais justement de l’affidavit SS-108. Par ce document, il est établi que les SS n’avaient rien à faire avec l’action qui avait pour but de recruter la main-d’œuvre.
Les affidavits 102 et 103 prouvent que ce que l’on a appelé l’autodéfense volontaire (FS, Freiwilliger Selbstschutz, en abrégé), organisation qui est considérée comme Cinquième colonne par le Ministère Public, n’avait pas de liaison avec les SS en Slovaquie et dans les Sudètes et n’a jamais été armée.
Les affidavits 106 et 111 traitent de la nature du Manuel de l’organisation du parti national-socialiste et également de l’Annuaire national-socialiste.
L’Accusation a cité des extraits de ces ouvrages en tant que preuves à l’appui des opinions officielles du Parti. Toutefois, ces affidavits déclarent que le livre de l’organisation et l’annuaire NS n’étaient pas des publications officielles et que, par conséquent, elles ne peuvent pas fournir de preuves se rapportant à des questions d’organisation.
L’affidavit SS-109 répond aux accusations du Ministère Public selon lesquelles les crimes des SS auraient été couverts, par le régime. Cet affidavit prouve qu’avant l’institution d’une juridiction spéciale des SS en 1939, lorsque des actes répréhensibles étaient commis, dans la mesure où ils étaient portés à la connaissance de la direction, les services dirigeants des SS ont veillé à ce qu’aucune entrave ne soit apportée aux suites judiciaires normales.
Enfin, il y a un autre groupe d’affidavits qui réunit les numéros 30, 90, 91 et 92. L’affidavit n° 30 n’est traduit jusqu’ici qu’en français. C’est une réponse à l’allégation du Ministère Public selon laquelle l’ensemble de l’organisation des SS et ses membres savaient ou auraient dû savoir que les SS étaient une organisation criminelle. Ces affidavits répondent, et je cite à titre d’exemple, qu’entre le corps diplomatique étranger et les SS il y avait des relations excellentes, de sorte que les membres de SS qui en entendaient parler ne pouvaient pas supposer que cette organisation fût criminelle.
Je m’occuperai brièvement encore des affidavits que j’ai mentionnés au début et dont il n’existe pas de résumé.
Qu’avez-vous voulu dire en disant qu’il y avait un groupe d’affidavits que j’ai noté comme étant 90, 31 ou 30 ou peut-être les deux, et 92 ? D’après les documents que j’ai sous les yeux, les affidavits 90, 91 et 92 ont été retirés. Est-ce là une erreur ?
Devant la commission, j’avais fait la demande d’admission de ces documents et le Ministère Public n’avait pas voulu les admettre. Pour autant que je m’en souvienne, aucune décision n’a été prise par la commission à ce sujet. On a ajourné cette décision. Il est vrai, toutefois, qu’il y a deux jours j’ai appris que le colonel Neave, qui présidait, je crois, la commission, aurait noté que ces documents avaient été rejetés définitivement. C’est là un fait nouveau pour moi et si tel était le cas, je demanderai la décision du Tribunal pour savoir si ces affidavits peuvent être admis. Cette décision ne doit pas nécessairement être prise tout de suite.
Vous venez de les citer comme formant un groupe. Est-ce qu’ils ont un rapport quelconque avec le numéro 30 dont vous avez dit qu’il se rapportait aux relations entre les SS et le corps des diplomates étrangers ? Et ceux-là, 90 et 92 ? S’y rapportent-ils aussi ?
Oui, le numéro 30 a été admis et il existe dans la version française. La traduction anglaise...
Bien. Nous examinerons la demande et nous supposons que 90 et 92 parlent de la même question ; est-ce exact ?
Oui, à peu près.
Cela suffit. Nous ne voulons pas en entendre davantage.
Je reviens encore une fois sur les affidavits 68, 64 et 69. Je dois réfuter l’affirmation du Ministère Public selon laquelle le système des mauvais traitements, des meurtres individuels et des exterminations collectives dans les camps de concentration doit être imputé à la charge des SS tout entières, parce que, comme l’affirme le Ministère Public, tous ces actes auraient été connus de la grande masse des SS.
Les dossiers très révélateurs des procès menés par les tribunaux militaires alliés contre les personnes qui faisaient partie des Kommandanturen dans les camps de concentration et également contre les gardiens, tels que par exemple les procès de Belsen, Mauthausen, Dachau, Neuengamme, Celle et Rastatt, ces dossiers, je n’ai pas pu les recevoir. Or, un examen systématique des témoignages et d’une partie des affidavits des camps m’a permis de constater des faits qui sont de nature à réfuter les allégations du Ministère Public.
M. le Président a déclaré, au cours de l’audience du 29 janvier, qu’il s’attendait à ce que la Défense présentât des preuves et des documents tout particulièrement en ce qui concerne les accusations au sujet des camps de concentration. Le même jour, M. le Président, sur la question posée par le Procureur français Mr. Dubost demandant si le Tribunal était persuadé que la même terrible situation existait dans tous les camps, ainsi que l’avaient dit, jusque là, deux témoins, la réponse suivante fut faite : « Si vous voulez démontrer cela, M. Dubost, alors il sera nécessaire de citer un témoin de chacun de ces camps, et il y en a des centaines ». A ce propos, je renvoie au procès-verbal des débats. C’est dans ce but, et pour prouver le contraire, que j’ai fait établir pour la Défense un certain nombre d’affidavits de gardiens, de membres des Kommandanturen et de détenus des camps et également des affidavits rédigés par des personnes qui avaient visité les camps de concentration.
Maintenant, je m’en réfère simplement à un affidavit qui me paraît très important, le numéro 68.
Pourquoi ne nous dites-vous pas quels sont ces affidavits ? C’est ce que nous voulons que vous nous disiez. Vous pouvez nous dire en groupe à quoi se rapportent les affidavits. Vous dites maintenant, en vous référant à une déclaration que j’ai faite en janvier dernier, que vous êtes procuré des affidavits d’un grand nombre de camps. Quels sont ces affidavits ? Vous pouvez bien nous indiquer facilement quels sont ces groupes d’affidavits, n’est ce pas ?
Ces groupes, Monsieur le Président, je les ai mentionnés hier déjà. Je voulais simplement souligner encore une fois l’importance...
Si vous en avez parlé hier, pourquoi revenez-vous là-dessus encore aujourd’hui ?
Pour souligner l’importance de l’affidavit n° 68, ce que je vais commenter en détail à l’instant.
C’est un affidavit rédigé par un commandant de camp de concentration, et je peux comprendre qu’en raison de l’état d’esprit général, le Tribunal sera très méfiant en ce qui concerne ce commandant de camp de concentration. Mais, malgré cela, je prie le Tribunal de bien vouloir lire cet affidavit très détaillé.
Cet affidavit traite justement des problèmes d’organisation qui sont importants pour la question de savoir qui a participé aux traitements des détenus des camps de concentration et aux crimes commis contre eux, et qui a pu avoir connaissance de ces crimes. C’est pour ces questions que ce document est très important.
Cet affidavit montre par exemple la situation du service central, économique et administratif, section D. Étant donné la difficulté de ces titres et de ces noms, je prie de ne pas confondre cette section D avec le Service central de la sécurité du Reich (RSHA). Il y a déjà eu des confusions également lorsqu’on a procédé au résumé des témoignages devant le Tribunal. Je voudrais à ce propos montrer simplement par cet exemple combien il est important de vérifier encore une fois les questions d’organisation en ce qui concerne les camps de concentration en se servant de cet affidavit n° 68. Mais les autres paragraphes de cet affidavit sont très importants eux aussi. Les autres affidavits importants sont les numéros 64 et 69. Ce sont des déclarations qui proviennent également de juges SS. Les juges SS qui, tout comme le témoin Morgen, participaient aux enquêtes contre des crimes commis dans les camps de concentration. Le témoin Morgen est l’auteur des affidavits 65, 66 et 67.
Pourquoi a-t-il fait deux déclarations sous serment le même jour ?
Excusez-moi, je ne vous ai pas compris, Monsieur le Président.
J’ai dit : Pourquoi a-t-il fait deux déclarations sous serment le même jour ? Pourquoi pas une seulement ?
Pendant ces journées-là où s’accumulait le travail, il y avait des audiences de la commission et des interrogatoires de témoins. Le témoin Morgen n’était arrivé que vers la fin et je devais veiller à ce que les affidavits fussent présentés aussi rapidement que possible et c’est la raison pour laquelle j’ai fait traiter l’ensemble de ce thème par lui dans différents affidavits.
Très bien, continuez.
C’est une raison purement technique, Monsieur le Président.
Par conséquent, en ce qui concerne les enquêtes faites dans les camps de concentration, ce qui est extrêmement important à mon avis pour juger la question de l’organisation des camps de concentration et la culpabilité du reste des SS, je prie le Tribunal de joindre encore, à titre de complément, ces deux déclarations sous serment qui ont été rédigées par des juges SS. J’en traiterai encore dans ma plaidoirie.
Enfin, je prie le Tribunal de bien vouloir examiner et lire complètement l’affidavit n° 70 qui a été traduit en entier et qui comprend de nombreuses pages. Jusqu’ici il n’y a ni traduction anglaise ni traduction française. Cet affidavit donne une vue d’ensemble de la moyenne d’un camp où sont détenus 2.800 SS et ces détenus comprennent des représentants de la plupart des services, de la plupart des Standarten (régiments) des Allgemeine SS de toutes les régions d’Allemagne et des représentants d’environ 30 divisions, d’états-majors et d’unités de réserve des Waffen SS.
De plus, cet affidavit donne un bon aperçu moyen des effectifs à différentes époques, ce qui est important et même décisif, si l’on considère la décision du Tribunal du 14 janvier. Les grades les plus élevés ne sont pas représentés ; ceux qui sont représentés dans ce camp sont les petites gens.
Étant donné que l’audition des preuves par l’affidavit doit s’appliquer à la grande masse des SS, je prie le Tribunal de bien vouloir prêter une oreille attentive à l’appréciation et à l’utilisation des quelque 136.000 affidavits que j’ai résumés.
En ce qui concerne la valeur à accorder à ces affidavits et en particulier au crédit à leur accorder, il y a un fait important, qui est que ces affidavits ont été rédigés très tôt, sans explications préalables juridiques ou autres. Les membres des SS ne traitent en général que d’un ou de plusieurs points qui leur paraissaient particulièrement importants, qui les touchaient de plus près. Le fait qu’un certain nombre de points n’aient pas été traités dans ces affidavits s’explique parce que le troupier SS n’avait naturellement qu’un horizon très restreint et ne pouvait pas juger en ce qui concerne quantité de faits. En conséquence, il ne pouvait rien écrire sur de telles questions.
M. Jackson a déclaré que les nombreux affidavits des SS ne peuvent être considérés que comme l’expression de l’intérêt qu’ils portent à leur propre sort, mais ce résumé s’oppose à une telle explication. Le champ de vision de l’individu est limité en général. Étant donné que l’individu ne peut déclarer plus qu’il ne sait, ces affidavits, en raison même de la somme de ces petits détails individuels, prennent cette grande valeur, cette valeur que je leur attache comme défenseur de la masse des SS et non de quelques grands chefs. Ils donnent une image claire des idées qu’éveillaient dans les têtes de la masse les discours, les commentaires et l’idéologie qu’on leur présentait et les actions qu’ils en faisaient découler.
Cette image et cette coupe moyenne montrent dans quelle mesure on peut parler d’une criminalité collective en ce qui concerne les SS, si un tel terme peut être imaginé en Droit, et cela est important aussi en ce qui concerne la question ’du complot. Ce résumé non plus, je dois encore une fois le dire, n’est pas traduit jusqu’ici.
Ce résumé est constitué par différents groupes. Le groupe n° 1 traite des motifs de l’entrée volontaire dans les SS, en distinguant l’entrée avant 1933 et après 1933 dans les Allgemeine SS et l’entrée volontaire dans les Waffen SS.
En ce qui concerne l’entrée avant 1933, il y a à ce sujet 12.749 affidavits. 12.671 affidavits sur ce nombre assurent que le motif qui a poussé à entrer dans les SS est uniquement l’idéalisme et l’amour de la patrie. 78 affidavits donnent divers ; autres motifs ; transfert d’autres formations par exemple, transfert d’associations hippiques de province dans la cavalerie SS, etc. Le fait que 804 personnes seulement parlent des motifs de leur entrée dans les SS après la prise du pouvoir montre que ces gens n’entraient déjà plus dans les SS par idéalisme, et d’une façon véritablement volontaire, comme avant le 30 janvier 1933.
Pour l’entrée dans les Waffen SS, il y a très peu d’affidavits. Sur 488 hommes, 406 disent qu’en ce qui concerne les Waffen SS il s’agissait d’une troupe d’élite, d’une troupe jeune ; d’autres disent qu’il leur fallait bien faire le service militaire de toute façon et qu’ils avaient préféré les Waffen SS.
De nombreux affidavits font ressortir que les Waffen SS avaient l’impression qu’ils formaient la quatrième arme de la Wehrmacht. D’autres, également nombreux, font ressortir qu’ils étaient étrangers de race allemande et que les étrangers de race allemande, ainsi que je l’ai montré hier par des documents, ne pouvaient effectuer leur service militaire que dans les Waffen SS. Un certain nombre d’entre eux se présentaient aux Waffen SS parce qu’ils voulaient être employés plus tard après la guerre dans les services de la Police.
J’ai résumé le groupe 2 en rapport avec la question de la contrainte légale en vue de l’entrée dans les Allgemeine SS et l’incorporation dans les Waffen SS.
Ici, 67 affidavits déclarent que par suite de l’assimilation des grades, le grade qu’ils avaient dans la Police avait eu pour conséquence qu’ils avaient obtenu un grade dans les Allgemeine SS. Du reste, les autres affidavits ont été établis par des étudiants, par des professeurs de l’enseignement supérieur, par des membres du service de protection des postes, de la corporation paysanne du Reich, par des employés d’administration, par l’association des Victimes de la guerre, et des éducateurs, des instituteurs, etc. Il y avait également d’autres personnes à titre honorifique.
En ce qui concerne la mobilisation dans les Waffen SS,, il y a 4.042 déclarations. Sur ce nombre, il y a 1.806 étrangers, Allemands de race, et 1.826 personnes qui avaient été l’objet d’une mutation d’autres services de la Wehrmacht ou de la Police dans les Waffen SS. C’étaient donc des gens qui étaient mutés, c’est-à-dire détachés de force dans ces unités.
Il y a une question qui est intéressante, c’est celle de l’appartenance aux Allgemeine SS en ce qui concerne les membres des Waffen SS. Suivant cette statistique, 246 membres des Waffen SS ont été mobilisés dans les Waffen SS par le Wehrbazirkskommando, c’est-à-dire par les commandants des subdivisions de régions de la Wehrmacht normale. Un cinquième seulement sur ce nombre appartenait aux Allgemeine SS.
D’autres constatations importantes sont les suivantes : par exemple, dès 1939, des commandants de subdivisions de régions procédaient à des recrutements d’appelés dans les Waffen SS. Le témoin Brill a fait une déclaration à ce sujet. Et, de même, ces commandements de subdivisions de régions ont procédé à des recrutements pour la garde des camps de concentration par appel dans les Waffen SS. De plus, on recrutait par appel des gens du Service du travail que l’on faisait entrer dans les Waffen SS. La garde des camps de concentration fut assurée d’une autre manière encore par les offices du travail. Par réquisition dans le service de secours contre les catastrophes, ceux-ci amenaient les gens à devenir des gardiens de camps de concentration et, de là, on les faisait entrer obligatoirement dans les Waffen SS. Il y a des points de détail qui sont par exemple le transfert forcé des fonctionnaires des postes comme auxiliaires du front du service des postes allemandes et de la poste de campagne SS.
Le groupe III comprend dans sa première subdivision tous les affidavits qui se rapportent à l’idée que pouvaient avoir les membres des SS des buts et des intentions de leurs chefs.
Monsieur Pelckmann, est-ce que vous vous occupez toujours du groupe I ?
Non, Monsieur le Président, j’en suis au groupe III. Le groupe II....
Où le groupe II a-t-il commencé ?
Je vais vous le dire. Le groupe II a commencé avec le résumé intitulé : « Contrainte légale pour l’entrée dans les Allgemeine SS » et...
Mais ce n’est pas ce que vous avez dit. La traduction telle que je l’ai entendue me faisait mettre au groupe 1 tous les nombres que vous avez indiqués et j’ai cru qu’ils faisaient tous partie du groupe I.
Je vous prie de m’excuser, Monsieur le Président, je crois l’avoir dit. Peut-être la traduction n’a-t-elle pas été complète.
Maintenant vous en êtes au groupe III, n’est-ce pas ?
Oui.
Poursuivez.
Ce groupe traite de l’éducation des membres des SS. 55.303 membres des SS déclarent que dans cette éducation ils ne peuvent pas trouver d’indice établissant un but criminel. Il se serait agi d’une éducation en vue d’en faire des caractères propres, en vue d’en faire des hommes honnêtes, en vue de la camaraderie et en vue d’une vie exemplaire. Ce qui est remarquable, c’est que dans tout cela aucun des SS ne cite, à propos de l’éducation, le livre de Hitler, Mein Kampf . La statistique montrera que la grande masse des SS ne l’a même pas lu.
289 affidavits parlent de la valeur à accorder à la théorie raciale. 283 n’y voient pas une éducation en vue de la destruction d’autres races ou de la création d’une race de seigneurs, mais ils n’y voient qu’une exigence se rapportant à la séparation des races les unes des autres.
57 affidavits voient dans ces théories le but de sélectionner les meilleurs dans le peuple. D’autres insistent sur le fait que la théorie raciale incluait le respect des autres peuples.
Le problème de la colonisation et de la germanisation n’est mentionné dans aucun des affidavits comme étant un problème de ce qu’on a appelé l’éducation générale. De très nombreux affidavits traitent de la question de savoir si les Allgemeine SS ont été éduquées en vue de faire de leurs membres des soldats politiques.
20.010 affidavits sont à la disposition à ce sujet.
15.461 affidavits n’attribuent aux Allgemeine SS aucun caractère militaire. Ils indiquent par exemple les raisons suivantes : ils n’auraient jamais reçu de préparation militaire dans les Allgemeine SS. Les grades dans les Allgemeine SS n’étaient pas reconnus dans la Wehrmacht. Il n’y avait pas d’armes. Les jeux dits tactiques, les exercices sur la carte étaient interdits. On n’effectuait de tirs qu’avec des armes de petits calibres ; il n’y avait pas suffisamment de fusils.
1.053 affidavits confirment les déclarations de divers témoins selon lesquels, au cours de la guerre, il n’y en a plus eu du tout.
En ce qui concerne la préparation psychologique à la guerre, 3.304 affidavits confirment qu’on ne pensait ni ne croyait à la guerre.
Dans différents affidavits, on déclare que dans les écoles d’aspirants on enseignait une attitude négative à l’égard de la guerre parce qu’elle provoque ce que l’on appelle une « sélection négative ». Également dans l’affaire de la Verfügungstruppe, ce qu’on a appelé le service en campagne, c’est-à-dire un service plutôt militaire, ne fut institué qu’après l’introduction du service militaire obligatoire.
127 affidavits confirment qu’on n’exigeait pas d’obéissance particulière des Allgemeine SS, c’est-à-dire pas de serment qui, d’après sa forme, aurait obligé ceux qui le prêtaient plus que la Wehrmacht ou les fonctionnaires.
En ce qui concerne l’éducation des hommes des SS, 2.674 affidavits en parlent.
Dans 3.138 affidavits on assure que des ordres contraires à l’humanité n’auraient pas été portés à leur connaissance et encore moins été donnés.
La seconde subdivision de ce groupe III doit répondre à la question de savoir ce que les membres pouvaient reconnaître comme étant le but véritable de leurs chefs. La question tend à reconnaître s’il y a eu contradiction entre la formation théorique et la manière d’agir pratique de la direction et si cette différence était reconnaissable.
688 affidavits traitent de la question de savoir si le pouvoir en Allemagne devait être obtenu par la suppression des adversaires politiques. C’est là également que se pose la question de savoir si l’extermination des Juifs pouvait être reconnue comme un but de leurs dirigeants par les membres SS.
Sur 1.637 affidavits qui touchent ce problème, 1.593 attestent que le problème juif ne pouvait pas être résolu par l’assassinat ou par la solution dite « solution finale », et qu’ils n’avaient pas connaissance de ces intentions de leurs chefs. Ils indiquent qu’il était interdit aux SS d’entreprendre des actions individuelles contre les Juifs. De nombreux membres se réfèrent, à titre de preuve, au fait qu’il y a eu de nombreuses condamnations à mort ou aux travaux forcés infligés à la suite de crimes commis contre des personnes juives ou contre des biens juifs.
Une autre question est de savoir si les membres des SS pouvaient reconnaître qu’effectivement le but de leurs dirigeants était de dominer l’Europe par la guerre.
12.596 affidavits assurent qu’il n’y a eu ni déclarations de la Direction SS ni déclarations de Hitler indiquant que la domination de l’Europe était le but qu’on poursuivait.
Un groupe qui me paraît important est le groupe suivant, IV. Il rassemble les affidavits qui parlent de participation de membres des SS aux crimes allégués dans l’Accusation. La première question est celle de la participation aux camps de concentration. 2.866 affidavits ont été rédigés à ce sujet. Ils proviennent surtout de gardiens. Certains d’entre eux, également, anciens détenus des camps de concentration. Quelques-uns proviennent du personnel des cuisines ou des ateliers. Ils parlent du traitement des détenus et de l’attitude du personnel chargé de garder ces camps. Ils montrent naturellement comment les gardiens voyaient la situation des camps de concentration et la vie des détenus de leur point de vue. Ils donnent une vue d’ensemble se rapportant à presque tous les camps de concentration et de travail. Ils donnent une vue claire et cohérente de l’impossibilité de se rendre compte de la situation, même pour ceux qui travaillaient dans le voisinage de camps et des détenus. Ils donnent une vue d’ensemble sur le degré d’ignorance de la situation dans les camps et également sur les raisons de cette ignorance, à savoir les ordres de garder le secret le plus absolu.
2.385 affidavits déclarent qu’on a constamment donné des instructions sur l’attitude du personnel de surveillance. On cite des exemples de punitions infligées pour infraction à ces instructions et en particulier pour brutalité. Ce qui est très significatif dans ces affidavits c’est qu’on indique que les relations entre les gardiens et le personnel de la Kommandantur étaient non seulement froides, mais même très tendues. Les prisonniers eux-mêmes, dans les affidavits présentés, déclarent que la grande responsabilité des mauvaises conditions appartenait à des prisonniers qui étaient eux-mêmes souvent des criminels.
La question de la participation des membres des SS à ce qu’on a appelé l’extermination en masse, c’est-à-dire aux camps d’extermination, qu’il convient de distinguer très soigneusement des camps de concentration, n’est pas touchée du tout dans les affidavits.
Nous avons, en effet, entendu ici différents témoins déclarer que ces camps avaient une vie toute particulière et qu’il n’y avait dans ces camps que très peu de SS ou, d’hommes vêtus d’uniformes SS.
J’en viens maintenant à un autre point, à une vue d’ensemble portant sur toutes les divisions connues des Waffen SS. Elle peut être déduite de 8.242 affidavits au sujet du traitement des prisonniers de guerre contrairement aux lois et coutumes internationales.
4.306 affidavits confirment qu’il y a eu constamment des instructions données au sujet d’une attitude correcte à observer et cela avant chaque affectation au travail.
De nombreux affidavits confirment en particulier des exemples de traitements particulièrement bons réservés aux prisonniers de guerre.
13.613 affidavits traitent de la question du traitement contraire au Droit international de populations civiles dans les ; territoires occupés. A ce sujet, il n’y avait pas d’ordre. On donna d’une façon permanente des instructions prescrivant une attitude correcte. La masse des membres des SS ne peut parler que de bonnes relations avec la population civile des territoires occupés. Dans aucun des affidavits on ne parle de la participation des SS à l’expulsion ou à la déportation pour le travail forcé. Dans quelques déclarations, peu nombreuses, on indique que le recrutement forcé pour le travail n’est pas l’affaire des SS. Quelques rares affidavits seulement touchent la question des expériences de biologie. Ils proviennent de personnes appartenant au personnel des camps de concentration. Ces quelques personnes disent qu’elles ont entendu raconter que les détenus s’étaient présentés volontairement pour des expériences.
1.271 affidavits parlent de ce qu’on appelle le putsch Röhm. Les Allgemeine SS n’auraient pas participé à ces événements. Une partie aurait été en état d’alerte, mais n’aurait été ni armée ni utilisée.
A propos du 9 novembre 1933, il y a 4.407 affidavits qui donnent une vue d’ensemble sur les unités différentes des SS, Oberabschnitte, Abschnitte et régiments. Cela couvre presque toutes les villes d’Allemagne et toutes les régions. Avec une insistance toute particulière, on déclare que justement les SS n’ont pas participé à ces excès.
Monsieur Pelckmann, je suppose que vous ne faites que lire votre résumé de ces 136.000 déclarations sous serment, n’est-ce pas ?
Oui, Monsieur le Président.
Textuellement ?
Oui, Monsieur le Président.
Je vous demandais si vous les lisiez textuellement ?
De même que la traduction...
Ce n’est pas une réponse à ma question. Je vous ai demandé si vous lisez textuellement.
Non, Monsieur le Président, je ne donne qu’un résumé.
Je crois qu’il faut maintenant suspendre l’audience.
Monsieur le Président, je regrette infiniment que la traduction surtout de ce résumé ne figure pas ici. Le Tribunal comprendrait naturellement mieux et pourrait classer plus facilement cette matière.
Le groupe V s’occupe d’établir l’ignorance de la masse des membres des SS.
96.257 affidavits sont à notre disposition. Ils disent que la masse des membres des SS ne connaissaient pas les crimes reprochés avant la capitulation. Ils le disent d’une façon générale, mais aussi individuellement, en prenant position à l’égard des groupes généraux de crimes.
Un fait importe surtout, et il est particulièrement souligné : au moment où ces crimes prirent des proportions plus grandes et plus généralisées, notamment pendant la guerre, la masse des membres des SS se trouvait au front et déjà, en raison de ce fait, ils ne pouvaient pas avoir connaissance de ces événements, car justement l’horizon du soldat au front était particulièrement limité.
Le groupe suivant est le groupe VI ; il traite de l’affirmation du Ministère Public selon laquelle les SS auraient constitué une unité. La première question demande si les organisations affiliées formaient une unité véritable.
5.700 affidavits prennent position à ce sujet. La première moitié laisse apparaître que l’on n’avait pas conscience qu’il y eût un rassemblement en vue de l’exécution d’un complot ; l’autre moitié indique que justement les Waffen SS ne se recrutaient pas en principe dans les Allgemeine SS, et souligne donc la séparation entre les Allgemeine SS et les Waffen SS.
La seconde question est de savoir si les membres des différentes organisations affiliées étaient informés au sujet de l’activité des autres groupes affiliés. La signification de cette question ne pouvait être comprise par les membres SS sans explication et c’est pour cela que très peu d’affidavits traitent de cette question. Les rares affidavits qui en parlent confirment que l’activité des différents services centraux des SS était complètement distincte et que l’union n’existait que par la personne de Himmler.
Quelques affidavits indiquent que, par exemple, justement parmi les gardes des camps de concentration, ces troupes se composaient des éléments les plus divers.
Beaucoup d’affidavits soulignent que le secret avait été imposé par l’ordre du Führer n° I, si souvent cité, et que des prescriptions particulières exclurent l’information des .différentes parties entre elles.
Dans une autre partie des affidavits, il est dit que les Allgemeine SS d’un côté et la Police et le SD de l’autre, ne formaient pas une unité. Ce que disent les affidavits au sujet de la composition de la Leibstandarte en 1934 est très significatif : moins de 10 % des membres de la Leibstandarte étaient en même temps membres des Allgemeine SS. Une grande partie de ces déclarations sous serment affirment que pendant la guerre il n’y a pas eu pratiquement d’Allgemeine SS.
342 affidavits traitent de nombreux groupes secondaires des SS. Ces groupes, en réalité, n’avaient que des activités strictement limitées, spéciales, techniques ; ils ne s’occupaient pas de l’exécution des prétendus ; buts des SS et n’avaient que des rapports très superficiels avec les Allgemeine SS. Ces groupes sont : les SA Reitersturm, qui se livraient au sport équestre, les groupes motorisés, c’est-à-dire les automobilistes, les auxiliaires féminines SS qui, comme les auxiliaires de la Wehrmacht, n’étaient occupées qu’en temps de guerre pour le service des transmissions. Les communautés sportives de SS, les unités sanitaires pour les premiers secours faisaient aussi partie de ces groupes,, ainsi que les unités de la Fronthilfe des postes allemandes, unités de renseignements et de transmissions, etc.
Le groupe VII marquait la position des SS à l’égard de l’Église. 3.174 affidavits ont été produits qui, à l’aide de différentes constatations positives, concluent d’après leurs convictions que la Direction des SS ne désirait pas une persécution de l’Église.
Sous le groupe VIII, il y a 127 affidavits réunis qui donnent témoignage du fait que beaucoup d’administrations de Himmler n’avaient rien à voir avec les SS et, en outre, qu’entre Himmler et les SS, notamment au cours de la guerre, des divergences auraient surgi.
435 affidavits sont réunis sous le chiffre IX. Ils traitent de l’attitude de nos adversaires pendant la guerre et après la capitulation. Ces affidavits contiennent, en raison des événements personnellement vécus par les SS, des constatations au sujet des violations du Droit international intervenues au cours du combat du côté des ennemis, en citant des lieux, les théâtres d’opérations, la nationalité de l’adversaire et la forme de la violation. L’énumération doit prouver que de tels excès pendant la guerre ne peuvent être évités et qu’il ne faut pas conclure de ce fait qu’un système en est la base. Ces documents doivent servir à montrer que, s’il y a eu des actes isolés contraires au Droit international, actes qui, ainsi que le disent les affidavits, ont été punis, on ne peut pas reprocher aux troupes allemandes, et en particulier aux Waffen SS, un système.
Le dernier groupe est le groupe X. Il comporte 57 affidavits qui reflètent les impressions réelles, personnelles, d’étrangers au sujet des SS. Grâce à la reconnaissance justement de ces personnalités étrangères qui connurent des milieux SS, on déduit que l’attitude générale des SS ne pouvait être considérée comme criminelle. et que le monde n’avait pas fait d’objection contre cette attitude. On cite certaines personnalités en raison d’événements particuliers et on décrit les opinions d’Américains, d’Anglais et de Russes, des personnalités connues, Daladier, Chamberlain, Lord Rothermere, Chaim Weitzmann, et d’autres.
Et finalement je remets, sans la commenter, une statistique qui a été composée en raison d’une circulaire.
Je suis ainsi arrivé à la fin de mon exposé d’affidavits et de documents.
Est-ce que vous venez ensuite, Docteur Laternser ?
D’abord, je remets la liste de ces 14 témoins dont les déclarations devant la commission me serviront, ainsi que les procès-verbaux de leurs interrogatoires. En outre, j’ai fait établir une liste complète des affidavits remis à la commission, et j’ai transmis cette liste. Cette liste se trouve dans un volume que le Tribunal a sous les yeux, en traduction anglaise. C’est la liste que Mr le Président a déjà citée ce matin une fois. J’ai rangé la liste d’après les différentes questions, et je l’ai pourvue d’un sommaire. On y trouve les numéros des affidavits, le nom. du témoin qui dépose, etc. C’est ainsi qu’à mon avis cette documentation abondante et particulièrement précieuse peut être utilisée d’une manière satisfaisante.
La base des appréciations portées contre le groupe de personnes accusées était la structure du Commandement en chef de la Wehrmacht ; c’est pour cela que je remets le document Mil n° 2 que vous trouverez à la page 12 et 13 du premier tome de documents du croquis à la page 13 résulte la situation hiérarchique au sein lu Commandement suprême de la Wehrmacht. La production de ce document est devenue nécessaire comme preuve contraire car le schéma produit par le Ministère Public au sujet de la structure du Commandement suprême USA, pièces 531 et 532, est insuffisant en différents points et ce fait a amené des malentendus. Au sujet de la compétence pour la Direction de la guerre, je remets le document Mil. n° 3. Il s’agit d’un croquis plus important.
Est-ce que vous parlez du croquis de la page 13 ? Est-ce le même que celui de la page 13 ?
Le croquis de la page 13 montre la structure, et je veux ainsi montrer la définition des responsabilités entre les chefs militaires et les autres organismes de la Direction de la guerre. Par ces croquis, vous pouvez voir tout d’abord une séparation précise de la Direction militaire de la guerre, dont les chefs militaires étaient responsables, et de la direction de la guerre idéologique et politique, qui était dirigée par Hitler et ses organistes. Les compétences militaires sont dessinées en bleu, la direction idéologique et politique en rouge. Le croquis prouve, en second lieu, la répartition des pouvoirs de commandement et, par suite, de la responsabilité entre les chefs politiques et les chefs militaires. La répartition technique de ces pouvoirs démontre les problèmes posés aux chefs militaires ; ils sont dessinés en bleu, et les tâches qui se trouvaient entre les mains des autres, dessinées en rouge. Ce croquis montre, en outre, quelles étaient les tâches à assumer par d’autres facteurs, et par conséquent pas par les chefs militaires, même sur des théâtres d’opérations placés sous la souveraineté territoriale de l’Allemagne. Donc, diminution de l’autorité des chefs militaires, même dans les zones d’opérations.
La répartition territoriale des pouvoirs et, par conséquent, de la responsabilité, ressort également de ce croquis. Des chefs militaires ne dépendaient que des zones d’opérations strictement délimitées, c’est-à-dire les pays et parties de pays dans lesquels des opérations militaires étaient exécutées, et pour la durée de ces opérations uniquement.
Dans tous les autres territoires, le pouvoir exécutif se trouvait entièrement entre les mains de la Direction politique, dessinée en rouge.
Encore une indication au sujet de ce croquis. Les territoires dessinés en noir et les responsabilités des chefs de la Wehrmacht et des chefs militaires ne touchent pas le groupe de personne accusées, parce que ces chefs militaires et de la Wehrmacht ne tombent pas sous le coup de l’accusation.
L’exactitude du croquis est certifiée sous la foi du serment par le général Winter du Wehrmachtsführungsstab (État-Major d’opérations de la Wehrmacht).
Après avoir indiqué la base de la structure de la Wehrmacht j’en viens maintenant au groupe de personnes accusé, et à sa composition. Le Ministère Public a...
Docteur Laternser, le Tribunal aimerait savoir si les trois couleurs indiquées sur ce schéma ont des significations différentes, à savoir : bleu pour l’Armée, rouge pour le forces politiques et une couleur indéfinissable, mélange de rouge de bleu et de noir pour une partie indéfinie, mi-politique, mi-militaire.
Oui, Monsieur le Président. C’est exact, la, troisième couleur devrait être noire, et ces territoires dessinés en noir montrent les territoires des commandants de la Wehrmacht et des commandants militaires. Ce ne sont pas des commandants en campagne, mais ce sont des commandants militaires ayant un certain pouvoir territorial, et je me suis permis d’ajouter que cette catégorie de chefs dont les territoires sont dessinés en noir ne fait pas partie du groupe de personnes incriminé.
Voulez-vous dire que dans la partie que vous avez dessinée en noir sont compris également les services militaires de l’arrière qui ne participaient pas aux opérations ? cela ne veut donc pas dire que le noir ait quelque chose à voir avec les influences politiques ?
Monsieur le Président, ceux qui avaient ces pouvoirs ne sont pas visés par l’accusation contre le groupe de personnes incriminé, car le Ministère Public a rassemblé le groupe, de personnes inculpé dans une liste, USA-778. Vous trouverez ce document aux pages 15 à 22 de mon recueil de documents. Elle comprend 129 personnes. Je remets maintenant le document Mil-4 .ans lequel vous trouverez trois tableaux joints qui ont été élaborés à l’aide du document américain 778.
Voulez-vous, s’il vous plaît, voir d’abord le tableau n° 1 à la page 24 du recueil de documents. Ce tableau prouve, par exemple, que tout d’abord le 1er mars 1933 il n’y avait qu’un seul chef tombant sous l’accusation, qui occupait un poste élevé. En deuxième eu, le 1er mars 1938, il n’y avait que sept chefs, dans ce cas, et enfin en troisième lieu, le 1er septembre 1939, donc au début des hostilités, il n’y en avait que 22. Quatrièmement, il est intéressant de noter, comme il ressort de la colonne 8, qu’en novembre 1944 le nombre le plus élevé était atteint, avec 52 chefs. Cinquièmement, il n’y avait que neuf généraux et amiraux pendant toute la guerre, dans une des positions incriminées.
Le tableau n° 2, page 25, est un graphique montrant la durée pendant laquelle les généraux visés par l’accusation ont appartenu à ce prétendu groupe. Vous voyez par les colonnes 2 à 5 qu’une longue durée était rare. Vous voyez en, outre par la colonne n° 9 qu’au maximum 21 personnes ont occupé pendant une période de deux ans à deux ans et demi un poste tombant sous le coup de l’accusation, alors qu’au total 61 personnes ont fait partie pendant le période de moins d’une année du groupe de personnes incriminé. Ce chiffre de 61 provient de l’addition des colonnes 12 à 18. Le tableau n° 3, à la page 26 du recueil de documents, démontre surtout par les colonnes 4 et 5 que, sur 129 généraux et amiraux, 100 occupèrent des positions importantes pendant moins de deux ans, c’est-à-dire la grande majorité des chefs militaires accusés.
Je dépose maintenant le document Mil-6 dont une copie se trouve ; la page 27 à la page 33 de mon premier recueil de documents. Le document comporte une liste nominative de tous les chefs incriminés. Vous verrez par cette liste combien de ces chefs militaires occupaient des fonctions visées par l’accusation au moment d’événements importants. Le Tribunal verra à la page 27 et à la page 29 fut d’abord que le 1er mars 1933, c’est-à-dire à l’époque de la prise du pouvoir, il n’y avait qu’un seul général. Puis, le 5 février 1938, la journée-clé pour l’accusation contre ces chefs militaires — il n’y avait que six généraux et le 1er septembre 1939, 23 généraux, parmi les personnes énumérées dans la liste de l’Accusation, USA-778 — se trouvant dans les fonctions incriminées.
Il faut remarquer surtout que, le 1er novembre 1944, c’est-à-dire à un moment où il s’agissait encore surtout de la défense des frontières du territoire, le chiffre maximum est atteint ; il s’agit de 49 généraux.
Avec le document Mil-7, dont la copie se trouve aux pages 34 à 40 du recueil de documents, je désire donner un autre aspect des personnes incriminées. La deuxième liste des pages 36 à 40 démontre l’appartenance au soi-disant groupe pendant, les différentes périodes. Dans la première colonne, vous pouvez voir qu’avant juin 1941, 33 généraux occupaient des positions incriminées. De ce groupe, 21 seulement sont encore en vie. Jusqu’à la chute de Stalingrad, en février 1943, donc pendant la période où se poursuivaient encore les opérations offensives, 27 autres généraux occupèrent des fonctions accusées aujourd’hui. De février 1943 jusqu’à la fin de la guerre, donc à un moment où il ne s’agissait plus que de défensive stratégique et plus tard de défensive tout court...
Docteur Laternser, vous avez parlé d’un certain nombre de ces personnes qui seraient encore en vie, mais ce n’est pas dit dans le tableau, n’est-ce pas ?
Ce fait sera démontré dans un tableau ultérieur que j’indiquerai, Monsieur le Président.
Je disais que pendant la dernière période, de février 1943 jusqu’à la fin de la guerre, 69 autres chefs militaires furent nommés à des fonctions aujourd’hui incriminées. Je désire prouver par ce document que tout d’abord, parmi les 129 officiers visés, il n’y en avait que 33 au total, c’est-à-dire 25%, qui ont pu prendre part : la préparation de la guerre et participer à son début. Secondement que 69 généraux, c’est-à-dire plus de 50% des intéressés, ne peuvent avoir participé à des projets d’agression. En troisième lieu, que 4 généraux, c’est-à-dire 30%, n’ont été nommés à des fonctions incriminées qu’au moment où il ne s’agissait plus que de la défense des frontières du pays.
Du document n° 5, page 35, vous verrez que parmi 129 généraux 80 avaient été auparavant officiers d’état-major, 49 ne l’avaient pas été.
J’en viens maintenant au document Mil n° 8 se trouvant au pages 41 à 48 du recueil de documents n° 1. Par ce document je désire prouver différentes choses au Tribunal. Tout d’abord les trois premières colonnes de la liste n° 3 de la page 43 jusqu’à la page 48, indiquent le nombre des morts, le nombre des accusés individuels et le nombre des officiers qui n’étaient chargés que du commandement d’une armée, donc n’occupaient pas une fonction définitive tombant sous l’accusation. La somme de ces trois colonnes donne le chiffre 56 figurant à la page 41 et qu’il faut retrancher du chiffre de 129. On diminue ainsi également les effets en pratiques d’un jugement qui n’engloberait que 73 personnes.
Deuxièmement, les deux dernières colonnes de cette liste montrent le nombre des officiers qui, avant la fin de la guerre, avaient quitté leur fonction soit par ordre, soit par suite de décès ou de captivité. Il y a 70 généraux et amiraux sur l’ensemble de 129. Je voudrais à ce propos attirer l’attention du Tribunal...
Je ne crois pas que cela ait beaucoup d’importance, mais la dernière colonne qui contient le motif ne me semble pas être en accord avec les témoignages qui ont été faits devant nous jusqu’à présent. Je ne sais pas — c’est peut-être une erreur de traduction — mais le Generalfeldmarschall von Brauchitsch n’a pas donné la raison indiquée à la dernière colonne. Il semble que cette raison nous ait déjà été donnée.
Oui, Monsieur le Président. Je commenterai ces deux colonnes plus tard et j’indiquerai au Tribunal ce qui doit tomber sous la notion de disgrâce. J’avais prévu de donner cette déclaration au Tribunal. Je voulais attirer l’attention du Tribunal sur le fait que des dernières colonnes, vous déduirez que rien que pour des raisons de graves divergences de vues avec Hitler, et en partie aussi pour des raisons de résistance active, 36 généraux ont quitté leurs fonctions, ainsi qu’il résulte des déclarations sous serment qui sont jointes à cette liste pour explication. Il faut entendre par la mention de disgrâce une divergence de vues grave entre ces officiers et Hitler...
Tout ce que je voulais dire, c’est qu’aucune question de cette sorte n’a été posée au Feldmarschall von Brauhitsch lorsqu’il se trouvait à la barre des témoins.
Monsieur le Président, je crois pouvoir me souvenir qu’il a parlé de graves divergences de vues entre Hitler et lui.
C’est un mot anglais, et il ne me semble pas pertinent, Continuez.
Dans ce chiffre de 36 généraux ayant quitté leurs fonctions pour divergences de vues se trouvent également, comme on peut le voir dans cette liste, entre autres le général Höppner condamné à mort pour avoir pris part aux événements du 20 juillet. C’est ce même général qui, d’après l’opinion de l’auteur du rapport du document n° 1, avait collaboré...
Docteur Laternser, je vois que le même mot s’applique à l’accusé Raeder, et mon observation s’applique également à lui.
Puis-je exposer brièvement ce point de vue après la suspension ?
Certainement. Vous pouvez continuer maintenant.
J’ai souligné que dans cette liste se trouvait le nom du général Höppner qui, pour la participation au 20 juillet, a été condamné à mort. Cela est indiqué dans les deux dernières colonnes, et je désirais indiquer au Tribunal que c’est le même général qui, d’après l’avis de l’auteur du rapport du document L-180, aurait eu une collaboration particulièrement étroite avec l’Einsatzgruppe A.
Je remets maintenant le document Mil. n° 9 se trouvant aux pages 49 à 54 du recueil de documents n° 1. J’indique simplement que sur cette liste vous ne verrez que les 31 officiers qui n’occupèrent que moins de six mois une fonction tombant sous le coup de l’accusation. La plupart de ces officiers, ainsi qu’il résulte également de cette liste, n’avaient pas été nommés commandants en chef, mais uniquement commandants par intérim.
J’en viens maintenant au document Mil-10 que je voudrais particulièrement signaler à l’attention du Tribunal. Il se trouve aux pages 55 à 61 du recueil de documents n° 1. Par ce document, le Tribunal verra quels étaient les grades de chacun des différents officiers incriminés au moment de certains événements particuliers, par exemple au début de la guerre. Cette récapitulation permet des conclusions précises pour savoir jusqu’à quel point les officiers incriminés ont pu avoir une influence décisive sur ces événements importants.
Ainsi que la première colonne de la liste n° 5, pages 58 à 61 le prouve — vous trouverez ce résultat à la page 55, 1° — le 1er septembre 1939, c’est-à-dire au début de la guerre, sur tous les généraux et amiraux encore vivants, et il y en a 107, 47 occupaient encore les fonctions d’officiers d’état-major, c’est-à-dire commandants, lieutenants-colonels ou colonels. 48 étaient des généraux d’un rang inférieur, et sur ces 107 généraux tombant sous le coup de l’accusation, sept seulement occupaient des grades de commandants en chef ; cinq avaient le grade de Generaloberst et deux celui de Feldmarschall. Pour cinq des officiers encore vivants aucune indication précise n’est donnée.
En ce qui concerne les autres tableaux relatifs à des événements antérieurs, dont il est parlé aux pages 56 et 57, je me borne à les mentionner.
En ce qui concerne la composition des prétendus groupes, je dois encore attirer l’attention sur les points suivants : L’accusation est portée même contre les occupants du poste de sous-chef de l’État-Major général de la Wehrmacht, manifestement d’après l’affidavit n° 6 du général Halder, USA-533. En ce qui concerne les missions et l’importance de cette fonction, je me borne à renvoyer à l’interrogatoire contradictoire de Halder, page 3309 du procès-verbal. D’après cet interrogatoire, les titulaires de ce poste n’ont pas eu à décider de questions stratégiques. Leur fonction était également loin d’avoir l’importance qu’avaient les autres fonctions incriminées.
J’ai ainsi terminé en ce qui concerne les preuves relatives à la composition du groupe de personnes incriminé.
Le Ministère Public est d’avis que le groupe de personnes incriminé aurait formé un groupement ressemblant à une organisation. Les affidavits produits à ce sujet par le Ministère Public, n° 1 du général Halder (USA-531) et n° 2 du Feldmarschall von Brauchitsch (USA-532) n’ont pas le sens que leur donne le Ministère Public. J’indique à ce sujet tout d’abord le contre-interrogatoire du général Halder auquel j’ai procédé devant la commission, et je prie le Tribunal de m’autoriser à lire un passage de cet interrogatoire afin que ce point figure en entier au procès-verbal.
A la page 3298 se trouve l’indication suivante, et je cite :
« Question posée par le Dr Laternser
Dans votre affidavit n° 1, vous vous servez quatre fois du terme « groupe ». Est-ce que ce terme est de vous-même ?
Réponse
Non, il se trouvait dans le texte souvent modifié et je l’ai laissé dans ce texte.
Question
Cette expression « groupe », vous en étiez-vous servi auparavant dans un cas analogue, c’est-à-dire que vous avez désigné les chefs militaires comme « groupe » ?
Réponse
Non.
Question
Quel sens donniez-vous à ce mot « groupe » lorsque vous avez signé la déclaration ?
Réponse
Je n’ai pas beaucoup réfléchi à ce mot. Groupe veut dire nombre.
Question
Vous voulez donc dire plusieurs généraux, ou vouliez-vous dire un certain milieu, ou des personnes groupées dans un but déterminé ?
Réponse
Un certain nombre de généraux que l’on pourrait peut-être dénommer généraux en chef.
Question
Le Ministère Publie, après coup, interprète le mot « groupe » qui figure dans votre déclaration comme si une organisation des chefs militaires avait existé. Est-ce qu’il a jamais existé un tel groupe organisé, comme on le prétend ainsi ?
Réponse
Non.
Secondement : Le Feldmarschall von Brauchitsch a été interrogé par moi au sujet de l’affidavit n° 2, ici, devant ce Tribunal. L’Accusation, afin de prouver que les commandants en chef du front auraient été les conseillers réels du Commandement suprême de la Wehrmacht, a produit l’affidavit n° 5 du général Blaskowitz, USA-537. Je renvoie à l’affidavit traduit où le général Blaskowitz, à ma demande, donne une déclaration détaillée au sujet de l’affidavit produit par le Ministère Public. D’après cet affidavit qu’il m’a remis, les commandants en chef n’étaient pas un cercle de conseillers, mais uniquement comme dans chaque armée, des conseillers individuels dans leur propre compétence. L’interprétation que le Ministère Public donne de l’affidavit n° 5 n’est donc pas exacte. J’indique en outre les affidavits n0s 1 à 55 qui prouvent également que les services supérieurs militaires ne formèrent pas un « groupe » organisé. Je prie surtout d’accorder une attention spéciale aux affidavits 1 à 4 dans cette liste. Ces affidavits ont été traduits, mais je n’en citerai pas de passage.
Que la Marine et l’Aviation ne formèrent pas de « groupe » avec les généraux de l’Armée, c’est ce qui est prouvé par les affidavits 3145, 12 et 309.7, que l’amiral Schniewind et les généraux Stumpff et Koller ont déposés. Et surtout en ce qui concerne l’affidavit 3145 de l’admirai Schniewind, le Tribunal y trouvera tout ce qui est nécessaire pour juger.
Je me réfère en outre aux témoignages de tous les généraux devant la commission qui nient l’existence d’un « groupe ».
Ce qui me paraît particulièrement important, c’est l’interrogatoire du général von Buttlar, aux pages 11, 285 et 286 du procès-verbal en anglais ; celui-ci déclare de quelle façon des nominations aux fonctions incriminées par l’Accusation furent effectuées.
C’est ainsi que je termine mon exposé des preuves au sujet de la question de savoir s’il a existé un « groupe » ou non.
J’en viens maintenant, brièvement, à la présentation des preuves au sujet de l’attitude des généraux incriminés. L’attitude générale affirmée dans le réquisitoire fondamental de M. Justice Jackson a une base peu solide. M. Justice Jackson se réfère au document PS-1947. Dans ce document PS-1947 ayant un caractère constructif pour ce discours, il s’agirait d’une prétendue lettre du général von Fritsch adressée par lui le 11 décembre 1938 à la baronne von Schutzbar-Milchling et dans laquelle il aurait dit que trois batailles devaient être gagnées, tout d’abord contre les ouvriers, en deuxième lieu contre l’Église catholique et enfin contre les Juifs.
Malgré diverses demandes, je n’ai pu recevoir ni l’original ni une photocopie de ce document. J’ai reçu l’information qu’on me le transmettrait si on le trouvait. J’indique en réponse au Tribunal l’affidavit traduit n° 180 de la baronne von Schutzbar-Milchling déclarant que la prétendue lettre du général von Fritsch ne lui est jamais parvenue. Si ce document-clé PS-1947 ne peut être produit jusqu’à la fin de la procédure je souligne que jusqu’à présent il n’a pas été soumis mais qu’on s’en est servi — il faudrait, et je le demande expressément ici, que la partie du réquisitoire de M. Justice Jackson ayant trait à ce document qui n’a pas été versé, soit biffée.
Si le document n’a pas été soumis, le Tribunal ne le prendra pas en considération. S’il n’a pas été versé au dossier, il est absolument inutile de fournir un document niant son existence, nous n’en prendrons pas acte.
Je comprends que vous dites que M. Justice Jackson a mentionné une lettre, et que cette lettre n’a pas été versée au dossier. Si elle n’a pas été versée au dossier, le Tribunal ne prendra pas acte de ce que M. Justice Jackson a dit à ce sujet dans ; son réquisitoire. Il est tout à fait inutile que vous produisiez un affidavit qui nie l’existence de cette lettre. Est-ce clair ?
Oui, mais on s’en est servi, Monsieur le Président. M. Justice Jackson a...
Mais vous venez de nous signaler qu’on n’aurait pas dû l’utiliser, parce qu’elle n’était pas versée au dossier. Nous désirons être stricts à cet égard, et nous n’autoriserons des références à des documents que si ces documents ont été versés au dossier.
Au sujet de la méfiance que Hitler témoignait à la Direction militaire, il a déjà été donné de nombreuses preuves au cours de ces débats. J’indique au Tribunal l’affidavit n° 200, établi par le général Engel. Cet officier a été pendant longtemps dans l’entourage de Hitler et il a pu observer cette méfiance croissante. Je ne désire rien citer de cet affidavit, et à ce groupe, j’indique en outre l’affidavit n° 3182 du général Warlimont qui transmet également des propos très significatifs de Hitler, et je me borne à m’y référer pour abréger.
Au sujet de l’attitude des chefs militaires à l’égard du Parti et de ses méthodes, je souligne simplement à titre d’exemple, l’affidavit traduit n° 175, dans lequel l’officier compétent de l’époque, le général Seegers décrit la lutte qui, du côté militaire, était menée afin de laisser à leur poste les officiers juifs.
J’indique en outre le contenu des affidavits 160 à 177 d’où l’on peut déduire un grand nombre de détails relatifs à la situation non-politique de la Direction militaire.
Au sujet de la question du réarmement, je ne désirerais parler, à titre complémentaire, que de l’affidavit n° 127 dans lequel le général Berlin confirme que l’État-Major général a fait rayer du programme de 1933 et 1934 l’augmentation de l’artillerie lourde de très gros calibre à tir courbe, en soulignant expressément que l’Allemagne ne désirait pas mener des guerres d’agression.
J’indique en outre l’affidavit n° 127 du général Hesselbarth déclarant qu’au début des hostilités, les armes et le matériel nécessaires pour les unités constituées à la mobilisation n’existaient pas en chiffre suffisant. En outre, je renvoie à tout le contenu de ce document intéressant. Le Ministère Public, afin de prouver les intentions de réarmement de l’Aviation, a produit un document L-43 (GB-29), dont on pourrait déduire les prétendues intentions de développer l’Aviation. J’indique l’affidavit n° 101 de l’ancien chef d’Etat-major de l’Aviation, le général Stumpff, qui témoigne expressément qu’il s’agit là d’une étude personnelle d’organisation du général Kammhuber. J’indique le contenu des affidavits n° 102 à 152. Par de nombreux faits isolés ayant trait aux sujets les plus différents, vous pouvez déduire que tout au moins du côté de la Direction militaire, lors de l’exécution du réarmement, des guerres d’agression n’étaient pas sérieusement prises en considération.
J’indique en outre le contenu des affidavits 181 à 205 desquels également, par de nombreux détails, vous pouvez déduire que des officiers étrangers prirent part aux cours de perfectionnement et d’instruction allemands et à des exercices, que lors des Kriegsspiele et des voyages d’instruction, les situations envisagées n’étaient orientées que vers la défensive, que le programme de l’académie militaire s’occupait essentiellement de la défense.
En ce qui concerne la participation consciente des chefs militaires à des guerres d’agression, le Ministère Public désire prouver que les chefs militaires ont été informés très tôt des intentions de Hitler, et cite, à cet effet, le protocole Hossbach du 5 novembre 1937, PS-386 (USA-25). J’indique la déclaration sous serment de l’auteur de ce procès-verbal, le général Hossbach lui-même, au sujet de l’élaboration de ce document. Le général Hossbach, dans l’affidavit n° 120 qu’il m’a envoyé, indique expressément que lors de cette conférence il n’avait pris aucune note et qu’il a procédé à la rédaction de documents seulement quelques jours plus tard. Le document a été traduit.
Dit-il, dans cet affidavit, si on lui a montré une copie des notes ou s’il avait des observations à faire à ce sujet ?
Monsieur le Président, je dois avouer qu’en raison de l’abondance des documents, je ne puis le dire pour l’instant. De toute façon, je vous demanderai de suspendre l’audience maintenant. Je pourrai le dire ensuite au Tribunal quand je l’aurai vérifié. Je désire également procéder à quelques coupures maintenant, afin de gagner du temps par la suite.
Très bien.