DEUX CENT DOUZIÈME JOURNÉE.
Mardi 27 août 1946.
Audience du matin.
Monsieur le Président, je ne retiendrai le Tribunal que deux minutes ; hier, à la fin de l’interrogatoire du témoin Schreiber, on m’a envoyé une communication écrite selon laquelle les recherches dans le domaine bactériologique avaient été expressément, et sur ordre, restreintes exclusivement au domaine défensif et, deuxièmement, déclarant que l’Inspection sanitaire de l’Armée avait, à l’automne 1943, demandé que tous les moyens offensifs fussent utilisés, mais que ce service s’était heurté à un refus catégorique de l’OKW et en particulier du maréchal Keitel, précisant que cela était interdit et ne saurait être mis en question.
Cette communication a été posée hier sur ma table, et je n’en ai pris connaissance qu’hier soir. Ces deux points dont je demande expressément qu’ils fassent l’objet d’un témoignage, pourront être confirmés par le colon zel d’État-Major Birkhoff qui se trouve actuellement au camp de Dachau. Je demande que le témoin soit interrogé et confronté avec le témoin Schreiber. Je suppose même que cet officier est celui qui présidait la conférence secrète dont a parlé le témoin Schreiber. Le témoin se trouve actuellement à Dachau et pourrait venir ici demain ; 20 minutes me suffiraient pour l’interroger. Je considère ce témoignage comme de première importance pour la recherche de la vérité et j’ai formulé une demande écrite au Tribunal.
Le Tribunal examinera votre demande. Peut-être serait-il bon que le Tribunal entende ce que le Ministère public a à dire au sujet de la demande présentée par le Dr Laternser. Il aimerait également voir le rapport et la lettre auxquels a fait allusion le Dr Laternser.
Un instant, je vous prie, Monsieur le Président, je voudrais consulter le colonel Smirnov.
Certainement. Docteur Laternser, de qui est cette lettre ?
La lettre est du général Warlimont, qui se trouve actuellement à Nuremberg. Il l’a écrite le 23 août ici, à Nuremberg, et elle m’est arrivée hier. Je l’ai trouvée sur ma table en remontant après l’interrogatoire ; je l’ai mise dans ma serviette sans la lire et n’en ai pris connaissance qu’en arrivant chez moi. Je me permets d’indiquer au Tribunal que cette lettre rapporte que, quand ces intentions relatives aux recherches bactériologiques eurent été communiquées à la radio, ce colonel Birkhoff, dont j’ai parlé, se rendit auprès du général Warlimont, qui se trouvait à Dachau et lui a relaté les faits dont je viens de parler. Il y a quelques jours, le général Warlimont a été transféré à Nuremberg. Voilà les faits.
De qui est le rapport ?
Je me suis référé, Monsieur le Président, à cette lettre du général Warlimont, dans laquelle il me rapporte directement les déclarations que le colonel Birkhoff lui a faites il y a quelques jours au camp de Dachau. Ces indications sont portées entre parenthèses et je suis prêt à remettre cette lettre au Tribunal.
Monsieur le Président, il y a deux points à examiner : d’abord si le Dr Laternser nous montrait la lettre, il serait peut-être possible d’abréger l’affaire, en déclarant recevables les déclarations faites dans cette lettre. Sinon, il serait peut-être utile de voir un affidavit de cet officier pour que nous sachions ce qu’il a l’intention de dire avant que le Tribunal ne consacre du temps à son interrogatoire. Si le Dr Laternser est d’accord pour que la lettre soit traduite et examinée par le Ministère Public, nous pourrions lui faire une communication et, si besoin est, en faire une au Tribunal dans le courant de la journée.
Il semble en effet que ce soit la meilleure façon de procéder, étant donné surtout que le Tribunal compte clore toute la procédure cette semaine et certainement samedi soir ; il sera par conséquent très difficile d’obtenir un affidavit du colonel Birkhoff avant ce moment-là. C’est pourquoi, si le Ministère Public consentait à ce que le témoin dépose, ce serait peut-être la meilleure manière de traiter la question.
Comme il plaira au Tribunal ; si donc le Dr Laternser veut bien nous remettre la lettre, nous la ferons traduire et l’examinerons dans le courant de la journée.
Oui.
Monsieur le Président, s’il était possible d’appeler le témoin par téléphone, je pourrais lui faire établir un affidavit ou l’interroger brièvement ; ce serait la solution la plus rapide ; si au contraire, je dois d’abord écrire au camp pour obtenir l’affidavit, cela prend plus de temps ; je crois que les communications téléphoniques permettraient d’appeler Dachau aujourd’hui encore pour demander la venue du témoin ; après quoi il sera possible de discuter de la façon dont cette preuve sera apportée.
Nous verrons d’abord ce que dira le Ministère Public quand il aura vu cette lettre.
Monsieur le Président, je voudrais dire au Tribunal que j’ai essayé de confronter le témoin Schreiber avec le témoin du Dr Latemser. Cela n’est malheureusement plus possible car le témoin Schreiber est déjà reparti pour son camp de prisonniers de guerre ; les témoins ne pourront donc être confrontés car le Dr Latemser a fait sa demande trop tard.
Le Ministère Public soviétique considère comme inutile de faire comparaître le témoin demandé par le Dr Latemser d’autant plus que ce témoin ne conteste pas le fait qu’un conseil secret de l’OKW ait eu lieu. Voilà pourquoi je considérerais comme nécessaire de faire connaître au Tribunal la position du Ministère Public soviétique.
Le Tribunal attendra la communication du Ministère Public et décidera ensuite. Docteur Gawlik, vous avez la parole.
Messieurs les juges, j’en étais resté hier à la question de savoir s’il était possible de déterminer les éléments constitutifs du délit, nécessaires pour que l’organisation. fût déclarée criminelle. Je continue : Il devrait résulter de ce que j’ai dit précédemment qu’il est impossible de prouver sommairement la culpabilité, en concluant, à partir du nombre des crimes et du domaine dans lequel ils ont été commis, que tous les. membres en avaient connaissance et étaient conscients de leur caractère illégal. Au contraire, il est nécessaire que cette connaissance dies actes et de leur illégalité soit prouvée au moyen d’une procédure particulière pour chacun des membres des organisations, car les circonstances sont particulièrement importantes et il faut que chacun de ces membres puisse avoir l’occasion de prendre position à ce sujet.
Même si les membres de ces organisations devaient avoir eu connaissance de certaines actions répréhensibles, il n’est pas prouvé pour cela qu’ils savaient que l’organisation dont ils faisaient partie y avait participé.
Je passerai maintenant au point suivant : De plus, le principe nulla pœna sine lege s’oppose à la condamnation des organisations. Ce principe a déjà été examiné dans le détail par les défenseurs dies principaux accusés. Je n’ai pas l’intention de répéter ici ce qu’ils ont dit, et je ne ferai que rappeler les quelques points suivants : Dans son exposé du 20 novembre 1945, M. le Procureur Général américain a déclaré que les accusés ne pouvaient arguer de ce principe, car ils l’avaient eux-mêmes méconnu. Ceci n’est absolument pas valable pour les membres des organisations, car ils n’avaient aucune influence sur les lois, mais faisaient au contraire eux-mêmes l’objet de la législation.
M. le Procureur Général soviétique, dans ses conclusions du 29 juillet 1946, a déclaré, en exposant ce principe, que le Statut du Tribunal Militaire International était immuable et devait absolument être mis en application.
Ce n’est cependant pas violer le Statut, c’est même l’appliquer que de s’inspirer du principe nulla pœna sine lege en écartant la condamnation des organisations car le paragraphe 9 du Statut n’est qu’une prescription facultative. De plus, le Procureur Général soviétique a fait valoir que le Statut exprimait des principes adoptés par de nombreux accords internationaux et par la législation de tous les peuples civilisés.
Cependant, il résulte simplement des accords internationaux et des lois des peuples civilisés que les actes punissables doivent être réprimés individuellement.
Le Droit international en vigueur jusqu’à présent ne connaissait pas le principe de la condamnation collective des communautés. Au contraire, comme nous l’avons déjà vu, ce principe est rejeté par le diroit des gens.
Jusqu’à la première guerre mondiale, on avait coutume d’inclure dans les traités de paix des clauses d’amnistie pour les crimes de guerre qui avaient été commis. Après la première guerre mondiale, se développa le principe général suivant lequel des individus, ressortissants des puissances belligérantes, pouvaient être rendus personnellement responsables, après la guerre, des violations aux lois de la guerre (cf. Fenwick, International law, 1924, p. 578).
La déclaration des chefs d’État des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques du 2 novembre 1945, citée par M. le Procureur Général soviétique, dispose expressément que des individus doivent être rendus responsables. Cette déclaration ne renferme aucune disposition permettant de condamner collectivement ’des communautés.
Ainsi, l’article 9 du Statut ne formule pas un principe juridique international reconnu, mais plutôt, il crée un nouveau droit et ne peut donc pas être appliqué rétroactivement ni pour l’époque qui a suivi 1921, comme le propose le Procureur Général américain, ni pour celle qui s’est écoulée après 1933, comme l’a demandé le Procureur Général soviétique dans son exposé final du 29 juillet 1946.
La condamnation des organisations est donc contraire au principe nulla pœna sine lege.
Au cours du chapitre 2 de la première partie, je soulèverai les questions de procédure qui résultent de l’article 9 du Statut.
Au point de vue de la procédure, l’article 9 du Statut permet de déclarer criminels une organisation ou un groupement : a) Dans un procès contre un membre de l’organisation ou groupement, et
b) En liaison avec une action quelconque pour laquelle l’accusé est condamné.
Les deux conditions doivent être remplies. Parmi les principaux accusés, seul l’accusé Kaltenbrunner, chef de la Police de sûreté et du SD peut être pris en considération en tant que membre du SD.
On pourrait déduire des mots « en liaison avec une action quelconque pour laquelle l’accusé est condamné » que chacun des actes du membre de l’organisation ou du groupement suffit pour déclarer criminels l’organisation ou le groupement. Ceci ne peut être le sens ni le but de cette disposition, ainsi que je voudrais l’expliquer à la lumière de la lai américaine du 28 juin 1940, que j’ai déjà citée.
Si des personnes, appartenant à une des associations indiquées dans la loi du 28 juin 1940, sont appelées devant différents Tribunaux, il faudrait, pour chaque procédure, procéder à une présentation de preuves, probablement importante et dont les résultats seraient ’douteux, afin de déterminer si l’association à laquelle appartient la ’personne remplit les conditions exposées dans la disposition légale précitée.
Il pourrait se produire alors qu’il soit constaté, au cours d’une de ces procédures, que l’association a poursuivi le but indiqué dans la loi du 28 juin 1940, tandis que dans d’autres procédures, le résultat de la présentation des preuves serait considéré comme insuffisant.
Pour éviter ces difficultés, on pourrait ordonner, par une disposition. légale, que la procédure soit engagée contre un ou plusieurs membres de l’organisation, que l’on donne la possibilité aux membres non encore accusés d’être entendus et que le Tribunal constate, avec effet pour tous les membres de l’association, que celle-ci remplit le but mentionné dans la loi du 28 juin 1940, si un membre est condamné pour appartenance à une association dans l’esprit de la loi du 28 juin 1940.
Une telle disposition permettrait :
1° De ne procéder qu’une seule fois à la présentation des preuves relatives aux buts, aux tâches et à l’activité de l’organisation, et
2° D’éviter que soient prises des décisions contradictoires sur les tâches objectives, les buts et les activités de l’organisation.
Ce but semble également pouvoir être atteint au moyen de l’article 9 du Statut. Il faut éviter que les tribunaux militaires des diverses zones d’occupation, dans les procédures engagées contre les membres des organisations accusées, aient à étudier à chaque fois, sur une présentation de preuves étendue, la question du caractère de l’organisation et qu’ils puissent arriver à des décisions contradictoirœ. Il serait en tous cas suffisant, pour atteindre ce but...
Docteur Gawlik, voulez-vous dire que, si un individu quelconque est accusé en application de cette loi de juin 1940, dans ce cas la décision prise par ce tribunal en vertu de l’article 9 aurait un effet sur les procédures engagées en application de la loi de juin 1940 ? Est-ce là ce que vous voulez dire ?
Non, Monsieur le Président. Je voulais simplement éclairer les dispositions de l’article 9 à la lumière de la loi de juin 1940. La loi de juin 1940 est quelque chose de tout à fait différent et n’est pas liée à l’article 9. Je voulais simplement expliquer, à l’aide de cette loi die juin 1940, qui a été ciltée par le Procureur Général américain, quelle était la portée d’une des dispositions édictées par l’article 9.
En quoi consiste sa portée, selon vous ?
La portée de l’article 9, comme je vais l’indiquer par la suite, est la suivante : Un membre doit être accusé pour avoir appartenu à une organisation qui a commis des crimes, selon l’article 6 du Statut. Il faudra alors, dans ce procès engagé contre un membre, traiter de tous les faits relevés contre cet accusé en raison de son appartenance à l’organisation, après quoi les faits constatés au sujet des buts, des tâches et des activités des organisations pourront, si l’on procède à une condamnation, être utilisés dans les procédures engagées contre les autres membres ; mais seulement les faits objectifs, et non pas la culpabilité qui est personnelle.
Puis’je donner un exemple au Tribunal ? Il faudrait par exemple prendre un membre du SD et l’accuser — je m’étendrai encore sur ce point — en raison de son appartenance au SD, à une organisation qui a commis des crimes contre la paix, contre les lois de la guerre et contre l’Humanité ; si l’on punit ce membre pour son appartenance à une telle organisation, — en établissant objectivement que le SD est une organisation de ce genre — on pourra utiliser ces éléments objectifs, ces constatations sur les buts, les tâches et les activités du SD, dans les procédures engagées contre les autres membres du SD.
Je crois comprendre votre argumentation, basée sur le premier paragraphe de l’article 9. C’est bien sur votre interprétation du paragraphe 1 de l’article 9 que repose votre argumentation ?
Oui.
Voulez-vous dire qu’une décision prise par le Tribunal à ce sujet aurait une influence sur une procédure engagée en application de la loi de 1940 ?
Non, ce n’est qu’un exemple.
La loi de 1940 est la loi sur la sédition. La loi sur la sédition de 1940 ?
Oui.
Vous dites que le Ministère Public s’est appuyé sur cette loi dans son argumentation pour montrer que ce type de condamnation collective a été utilisé dans d’autres pays ? C’est bien dans ce sens que le rapprochement a été fait ?
Oui, je sais...
Et vous dites qu’il n’y a pas de véritable analogie ?
Oui.
Et la raison pour laquelle vous le dites, c’est que si un individu était jugé en vertu de la loi de 1940... Vous me suivez ?
Oui.
... il serait en premier lieu nécessaire de prouver qu’il appartenait à une organisation dont le but était de renverser le Gouvernement par la force ou par la violence ; est-ce exact ?
Oui.
Ensuite, le Tribunal aurait alors à déterminer en premier lieu quels étaient les buts de cette organisation ?
Oui.
Vous dites également que, si un second individu, à une époque ultérieure, était jugé en vertu de cette loi, le Gouvernement devrait prouver une nouvelle fois...
Oui.
... que l’organisation avait pour buts de renverser le Gouvernement par la force ou par la violence. Est-ce exact ?
Oui.
Et que, par conséquent, l’analogie n’est pas exacte parce que les constatations, faites au sujet des organisations au cours du premier procès intenté au premier individu, n’auraient pas d’effet...
Oui.
... sur le second procès intenté au second individu ; et que ce principe est propre au Droit anglo-saxon, parce que la constatation d’un fait relevé contre un individu ne peut pas affecter la procédure engagée contre un second individu. Est-ce là votre argumentation ?
Oui.
Il serait en tous cas suffisant pour atteindre ce but, que les effets de la loi ne s’étendissent qu’à la constatation Objective des tâches, des buts et des activités de l’organisation et que la constatation de la culpabilité fût laissée aux procédures suivantes.
En considération de la loi numéro 10, la condamnation des organisations selon l’article 9 du Statut comporte, comme je l’ai déjà dit, non seulement la détermination objective des buts, des tâches et des activités des organisations, mais aussi, et en outre, la constatation de la culpabilité des membres.
L’article 9 du Statut a donc, en dehors de la constatation matérielle et juridique des éléments objectifs et subjectifs des faits, une importance du point de vue du Droit pénal.
Ce but, que poursuit manifestement l’article 9 du Statut, ne pourra cependant être atteint que si cette disposition est interprétée de la façon suivante : le membre sera condamné à cause de son appartenance à une organisation dont les buts ou les moyens sont considérés criminels selon l’article 6 du Statut et non à cause d’un acte quelconque.
Une autre interprétation n’aurait ni sens ni but.
La condamnation seule de l’accusé Kaltenbrunner pour appartenance à une organisation de cette sorte pourrait, par conséquent, justifier la condamnation du SD suivant l’article 9 du Statut. Si je considère ces explications, les conditions formelles posées à l’application de l’article 9 du Statut ne me semblent pas être remplies.
Il faudrait que l’accusé Kaltenbrunner ait été poursuivi pour appartenance au SD en tant qu’organisation criminelle au sens du Statut et qu’au cours de cette procédure contre l’accusé Kaltenbrunner soit examiné le caractère du SD. Dans ce cas seulement on disposerait d’un acte, en vertu duquel le caractère criminel du SD pourrait être examiné, ainsi que l’a exposé le Procureur Général américain.
Mais cette accusation n’a pas été élevée contre l’accusé Kaltenbrunner.
L’accusé Kaltenbrunner n’est pas accusé d’avoir appartenu au SD en tant qu’organisation criminelle ; il doit être jugé pour d’autres actes punissables.
On doit donc, en se basant sur les déclarations de M. le Procureur Général américain, considérer comme irrecevables pour l’examen de la culpabilité criminelle du SD les preuves qui n’ont aucun rapport avec les actes punissables imputés à l’accusé Kaltenbrunner.
Il reste enfin à examiner quel doit être le rapport entre la période pendant laquelle le membre accusé ;a appartenu à l’organisation et la période pour laquelle l’organisation est déclarée criminelle. Cette question de pure procédure’ est absolument différente de celle de la période pendant laquelle une organisation a accompli des actes criminels. Il s’agit là uniquement de ceci : peut-on, au cours d’une procédure contre un de ses membres accusé, déclarer criminelle une organisation, même pour la période pendant laquelle il n’appartenait pas à l’organisation ?
D’après les ’déclarations de M. le Procureur Général américain, la culpabilité de l’organisation doit être purement et simplement évaluée d’après les actes d’un accusé. La preuve de la culpabilité de l’organisation est limitée par l’action de l’accusé, et cela également dans le temps. Les preuves apportées au cours de la procédure contre un membre accusé ne peuvent justifier le verdict rendu envers l’organisation que pour la période pendant laquelle l’accusé a appartenu à l’organisation.
Cette limitation dans le temps se justifie par les raisons suivantes : celui qui doit être jugé a le droit d’être entendu. L’exercice de ce droit n’est pas satisfait par les déclarations faites devant le Tribunal. Il implique bien plutôt le droit de prendre part à la procédure toute entière. Du paragraphe 9 du Statut, il ressort que le droit de prendre part à la procédure ne doit manifestement pas être supprimé, mais doit être, dans l’intérêt du déroulement du procès, simplement limité à un membre de l’organisation désignée ; ceci afin d’éviter que les déclarations d’autres membres, relatives aux buts, aux tâches et à l’activité de l’organisation ne soient cumulatives. Un membre qui n’a pas appartenu à l’organisation pendant toute la période pour laquelle elle est déclarée criminelle ne peut faire de déclarations sur les buts, les tâches et les activités de l’organisation que pour la période pendant laquelle il en a été membre. Selon ce principe du droit à être entendu, il est donc nécessaire que prenne part à la procédure, en temps qu’accusé, un individu qui a été membre de l’organisation pendant la période pour laquelle celle-ci doit être déclarée criminelle.
C’est également pour ces raisons de procédure que l’organisation ne peut être déclarée criminelle que pour la période pendant laquelle l’accusé en a été membre. Si une organisation doit être déclarée criminelle pour toute la période pendant laquelle elle a existé, on devra accuser un individu qui a appartenu à l’organisation pendant toute cette période.
Le SD ne pourrait par conséquent, pour des raisons de procédure, être déclaré criminel que pour la période pendant laquelle l’accusé Kaltenbrunner était chef de la Sipo et du SD, par conséquent depuis janvier 1943.
Les crimes imputés aux services III et IV devraient donc avoir été commis au cours ’d !e cette période.
Je passerai maintenant à l’appréciation des faits positifs, sur la base des résultats de la présentation des preuves. Ceci constitue la seconde partie de mon exposé et je traiterai d’abord des questions d’ordre général.
Le Ministère Public a présenté un grand nombre de documents dans lesquels mention est faite du SD, et par là, il a voulu prouver la responsabilité des services III et VI. Mais le Ministère Public a lui-même dit que dans l’usage courant et même dans les ordonnances et décrets, le terme « SD » a été employé comme abréviation pour « Sipo » et « SD ». Je me réfère sur ce point au dossier d’audience contre la Gestapo et le SD, page 19 du texte allemand et au procès-verbal de l’audience du 3 janvier 1946, matin. (Tome IV, page 336.)
Suivant les propres termes du Ministère Public, un document dans lequel il est question du SD ne fournit donc aucune preuve que cet acte ait été nécessairement commis par des membres des services III et VI. Il peut aussi s’agir d’actions de la Sipo. Ceci est également démontré par les preuves qui ont été présentées.
Le Tribunal a entendu le témion von Manstein, l’un des chefs militaires les plus hauts placés de l’ancienne Wehrmacht allemande. Ce témoin, au cours de ses interrogatoires devant le Tribunal et la commission, a parlé à plusieurs reprises du SD. Lorsque j’ai demandé au témoin ce qu’il entendait par SD, il a déclaré qu’il ne le savait pas exactement. Comme je lui demandais encore s’il entendait par là les services III et VI, il m’a répondu que non. (Audience du 10 août 1946, matin, tome XX, page 669 ( Au lieu des services III et IV mentionnés par erreur, 11 faut substituer les services III et VI. ).
Lors de l’interrogatoire de l’accusé Jodl, il a été question de l’exécution de troupes de commando en Norvège. On a dit à l’accusé Jodl que les prisonniers avaient été fusillés par le SD.
Sur quai, l’accusé a déclaré : « Pas par le SD, ceci est faux, mais par la Police de sûreté ». (Procès-verbal de l’audience du 6 juin 1946, après-midi, tome XV, page 507.)
Je me réfère en outre à l’affidavit de l’accusé Keitel SD-52, qui a déclaré sous la foi du serment que ce n’est qu’au cours du Procès de Nuremberg qu’il s’est aperçu que l’idée que l’on se faisait couramment dans les milieux militaires de la compétence et des tâches du SD en tant qu’organe exécutif de la police n’était pas exacte. Ainsi dans le langage militaire, et dans les ordonnances, il avait souvent été question du SD alors qu’on voulait parler de l’organisme de police compétent en matière executive. Keitel a déclaré en outre qu’à l’égard des compétences du SD, il régnait des conceptions erronées qui avaient conduit à un emploi abusif de l’abréviation SD.
A ce propos, je me référerai encore à la déclaration faite sous la foi du serment par l’ancien chef d’État-Major de la Luftwaffe, Koller (document Jodl-58, pages 179 et suivantes du livre de documents Jodl). Koller parle dans cet affidavit d’une conférence sur la situation qui eut lieu chez Hitler. Lors de cette conférence, Hitler aurait donné l’ordre de remettre tous les équipages des bombardiers alliés au SD et de les faire liquider par le SD. Puis, Koller rapporte une conversation qu’il eut avec Kaltenbrunner à la suite de cette conférence. Au cours de cette conversation, Kaltenbrunner déclara, d’après Koller : « Le Führer a des conceptions complètement fausses. Les tâches du SD, elles aussi, sont toujours mal comprises. De telles choses ne sont pas l’affaire du SD ».
Le Ministère Public français a présenté un grand nombre de documents dans lesquels il est fait mention du SD. J’ai soumis ces documents au témoin Knochen qui a été entendu devant la Commission. Knochen était le Commandant en chef de la Police de sûreté et du SD en France. Il a déclaré, en ce qui concerne ces documents, qu’il s’agissait là d’une confusion de termes et que par SD il faut entendre la police de campagne. A ma question : « Que veut dire : remise au SD ? », le témoin Knochen a répondu : « Cela signifie remise à la section executive IV de la Police de sûreté ».
Devant la commission, j’ai présenté au témoin Dr Hoffmann le document PS-526. Hoffmann était fonctionnaire de la Police de sûreté et n’a jamais appartenu au SD. Le document PS-526 traite de l’application du Kommandobefehl dans un fjord norvégien. Dans ce document, il est dit : « Ordre du Führer exécuté par SD ».
J’ai demandé au témoin Hoffmann ce qu’il fallait comprendre par SD et il m’a répondu : « Puisqu’il s’agit, selon toute évidence, d’une mesure executive, il faut comprendre par SD la Police de sécurité, car la Wehrmacht confondait souvent les deux notions ».
Puis, le Ministère Public a présenté le document PS-1475. Il s’agit d’un rapport du commandant de la prison de Minsk, du 31 mai 1943, qui communique que le SD et plus précisément le Hauptscharführer Rübe a livré à la prison des Juifs auxquels on avait enlevé leurs bridges, plombages et couronnes en or. A ce sujet, j’ai présenté l’affidavit SD-69 de Gerty Breiter, sténo-dactylo au bureau du commandant en chef de la Police de sûreté et du SD à Minsk. Gerty Breiter a certifié que Rübe était un fonctionnaire de la Police d’État, qu’à Minsk, le SD n’avait rien à voir avec les questions juives. L’activité du SD à Minsk consistait uniquement à rédiger des rapports sur l’état d’esprit général et l’opinion publique. A Minsk, il n’y avait pas de prison du SD.
Cette confusion de langage provient visiblement du fait que les membres de la formation spéciale SD des SS, qui était, comme je l’ai expliqué dans mon préambule, quelque chose de tout à fait différent du service de renseignements SD, portaient l’uniforme des SS avec l’insigne SD.
Dans les territoires occupés par l’Allemagne, tous les membres du RSHA, et donc tous les membres de la Stapo et de la Kripo, même s’ils n’étaient pas membres des SS ou candidats aux SS, portaient l’uniforme SS avec l’insigne SD. C’est pourquoi tous les membres de la Sipo ont été désignés sous le vocable SD et les mesures exécutées par la police de sécurité considérées comme mesures prises par le SD. Je me réfère en particulier au procès-verbal de la commission, pages 446 à 448 du texte allemand et au procès-verbal de l’audience du 1er août 1946, après-midi. (Tome XX, pages 221, 223.)
Avez-vous dit que tous les membres des SS, y .compris la Kripo et la Sipo, portaient, au cours de leurs missions à l’Est, l’uniforme SS avec l’insigne SD ?
Oui, Monsieur le Président. Cela a été confirmé par le témoin.
Continuez.
A ce sujet je souligne qu’environ 90% de tous les membres des services III et VI étaient des membres bénévoles, dont une petite partie seulement appartenait aux SS ou étaient candidats aux SS (affidavit SD-32). Pendant la guerre, une grande partie des membres du SD, services III et VI, étaient des femmes. Ces personnes n’avaient pas le droit de porter l’uniforme de la formation SD des SS.
Je traiterai maintenant, en suivant l’ordre du dossier établi contre la Gestapo’ et le SD, des points suivants :
a) L’accusation de complot ;
b) Les crimes contre la paix ;
c) Les crimes de guerre ;
d) Les crimes contre l’Humanité.
Je passe au complot. Il me manque encore la preuve III du dossier britannique contre la Gestapo et le SD.
Les bureaux III et IV sont accusés d’avoir participé à un complot en vue de commettre des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité.
Il existe trois possibilités pour une organisation d’entrer en rapport avec un cercle de conspirateurs : Premièrement : l’organisation peut faire partie du cercle de conspirateurs.
Ceci suppose que tous les membres de l’organisation ont pris part à l’accord ou au plan secret en vue de commettre des actions illégales ou d’exécuter des actes légaux par des moyens illégaux.
Il est donc nécessaire d’apporter la preuve que : a) Un tel plan a existé ; b) Que tous les membres ont connu et ont accepté ce plan (Archibold, p. 1426).
Deuxième possibilité : l’organisation peut avoir comme but et comme objectif, de soutenir les participants à un complot. Pour cela, il faut : a) Qu’il existe un plan secret ou un accord ; b) Que l’organisation ait objectivement poursuivi le but d’apporter son aide à un ou plusieurs participants, pour l’exécution du plan, et
c) Que tous les membres de l’organisation l’aiient connu et approuvé.
Troisième possibilité : l’organisation peut être objectivement utilisée par des conspirateurs pour exécuter le plan commun, sans que les membres en aient connaissance.
Dans ce cas, il ne peut être question d’une participation répréhensible de l’organisation, car il manque les faits permettant d’établir la culpabilité. L’organisation n’est qu’un instrument non punissable et ne peut être déclarée criminelle.
En ce qui concerne le premier point : Le Ministère Public a déclaré que tous n’avaient pas participé à la conspiration, mais que tous avaient contribué au délit (procès-verbal de l’audience du 20 décembre 1945, tome IV, page 236.) Il en résulte que le Ministère Public ne veut pas affirmer que les organisations ont participé au complot. Je ne m’occuperai donc pas davantage de cette question.
L’appui coupable consenti à une conspiration, deuxième cas, exige également : a) L’existence d’un plan secret ; b) Le fait que tous les membres soient au courant.
Par conséquent, il faut également que soient prouvées l’existence d’un plan secret et la connaissance qu’en avaient les membres.
En aucune manière, il n’a été démontré avec certitude qu’un tel plan en vue ’de commettre des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité a effectivement existé. Les défenseurs des principaux accusés l’ont déjà montré de façon détaillée, et je ne désire pas répéter leurs arguments, mais je voudrais brièvement indiquer les points de vue suivants : L’existence d’une conspiration ne peut être considérée comme étant prouvée, aussi longtemps que l’on n’a pas prouvé :
1. Quand ;
2. Où ;
3. Entre quelles personnes cet accord commun avait été conclu et
4. Quelle était sa teneur.
Même en admettant qu’un tel plan ait existé, il n’est nullement prouvé que les membres du SD en avaient connaissance et que par leurs activités, ils poursuivaient le but de soutenir une telle conspiration. Le Ministère Public a conclu à la conspiration en se basant particulièrement sur les faits énumérés dans ce qu’on a appelé les « documents-clés ». Cependant, les faits mentionnés dans ces documents étaient strictement tenus secrets et n’étaient connus que des personnes directement intéressées. Les membres des organisations intéressées n’en avaient aucune connaissance, fait qui peut être supposé connu du Tribunal.
Si donc, les « documents-clés » font ressortir l’existence d’un plan secret en vue de commettre des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité, les membres du SD ignoraient ce fait, et n’avaient donc pas l’intention de soutenir par leur activité un tel cercle de conspirateurs.
Les faits présentés par le Ministère Public dans le but de’ prouver que les membres du SD avaient connaissance d’une conspiration ne peuvent être considérés ni comme de fortes présomptions (violent assumptions), ni comme des suppositions probables, mais tout au plus comme des présomptions légères ou mal fondées (light or rasfa assumptions), qui sont sans importance. (Archbold : Pleading, Evidence, Practice, 1938, pages 404, 405).
Du reste, je pense que l’audition des témoins et les affidavits ont apporté la preuve que les membres du SD ignoraient l’existence d’un plan secret en vue de commettre des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’Humanité, de sorte que le SD n’avait pas l’intention d’appuyer par son activité un tel cercle de conspirateurs.
Par conséquent, le SD ne peut être condamné pour avoir participé à une conspiration, car on n’a pas de preuve : a) Qu’un cercle de conspirateurs ait effectivement existé ; b) Que les membres du SD en avaient connaissance et qu’ils voulaient par leur p.ctivité soutenir un cercle de conspirateurs.
Donc, dans ce Procès devant le Tribunal Militaire International, la question n’est pas de savoir si le SD a soutenu les SS, la Gestapo, le Parti ou des personnalités dirigeantes de l’État, tant que le Ministère Public n’aura pas prouvé que les conditions que j’ai formulées sont remplies, à savoir : a) L’existence d’un plan secret en vue de la commission de crimes, suivant l’article 6 du Statut ; b) La connaissance de ce plan par tous les membres du SD. Du reste, l’exposé du Ministère Public concernant la collaboration du SD avec les SS, avec la Gestapo ou avec d’autres personnes nécessite une mise au point.
J’ai déjà exposé que le SD ne faisait pas partie des SS et que le service des renseignements intérieur et le service de renseignements étranger étaient : des organisations indépendantes. Les organisations indépendantes du SD ont-elles soutenu l’organisation indépendante des SS dans l’accomplissement de ses buts et de ses tâches ?
Le Ministère Public l’a affirmé.
A cette affirmation, j’opposerai la déposition du témoin Hoeppner et l’affidavit SD-27 d’Albert, qui ont indiqué que c’est seulement jusqu’à la fin de 1933, ou au début de 193j, que l’on doit considérer le SD comme un service de renseignements comparable aux SS mais que cette tâche avait cessé à cette date, et que le SD devint l’organe de renseignements général de l’Etat et du Parti.
Ces indications ont été confirmées par les témoins Ohlendorf, Hoeppner, ainsi que par les témoins des SS, Pohl, Hauser et Reinecke.
En ce qui concerne les rapports du SD avec lia Police, le Ministère Public a affirmé que le SD était une partie d’un système policier unifié et qu’ils avalent été réunis tous deux en un système de police puissant et politiquement centralisé (procès-verbal de l’audience du 19 décembre 1945, tome IV, pages 191 à il93 et 198).
En particulier, la nomination de Himmler au poste de représentant du chef de la Gestapo en Prusse, la nomination de Heydrich au poste de chef de la Sipo et du SD en juin 1936, et la création du RSHA en septembre 1939, n’ont pas fait du SD un élément de la Police ou d’un système policier.
J’indique à ce propos les dépositions des témoins Hoeppner, Rössner, Wisliceny et Best.
Il y a lieu d’opposer à cela la constatation que le SD n’a jamais été un élément de la Police (affldavits SD nos 2, 27, 28, 33, 34, 35, 61, 63).
De plus, le SD n’a jamais eu à effectuer d’enquêtes policières dans les différents domaines d’activité de la population (déposition Hoeppner, documents SD-2, 18, 63).
Les rapports d’organisation entre le SD et la Police de sûreté étalent différents dans tel Reich et d’ans les pays occupés. Je me réfère ici au Manuel du Quartier Général d’es Nations Unies, que j’ai déposé sous le numéro SD-70, dans lequel l’organisation des services III et VI est décrite avec exactitude, ainsi qu’aux dépositions des témoins Best, K. H. Hoffmann, Hoeppner, Dr Ehlich, Dr Knochen, Straub et aux affidavits SD-25 et 26.
Il en résulte ce qui. suit : Dans l’intérieur au pays, les services du SD, Amter III et VI, ont toujours été Indépendants de la Police.
Aucun lien entre le SD et la Police de sûreté n’a été établi, ni par les chefs supérieurs des SS et de la Police, ni par les inspecteurs de la Police de sûreté et du SD. Ces derniers réunissaient en une personne le pouvoir d’inspecter les services de la Police de sûreté et ceux du SD. C’est la raison pour laquelle ils étaient mis au courant d’une partie des décrets intéressant l’un des services qui dépendaient d’eux. On ne peut cependant pas, du simple fait qu’ils ont publié ou reçu une disposition quelconque, conclure que toute disposition de ce genre relevait également de la compétence du SD. Le fait déterminant est plutôt ici, comme dans le cas de toutes les dispositions prises par le chef, les inspecteurs, les commandants en chef et les commandants de la Police de sûreté et du SD, de savoir si elles ont été élaborées par les sections III et VI. On le voit d’après les références. Seules, les dispositions portant les références III et VI étalent du ressort du service de renseignements intérieur ou du service de renseignements étranger et pourraient être mises à la, charge du SD. Pour les chefs supérieurs des SS et de la Police, je renvoie à l’affidavit SD-34 ; pour les inspecteurs de la Police de sûreté et du SD à l’affidavit SD-35 et à la déposition de Hoeppner.
Dans les territoires occupés par l’Allemagne, la Police de sûreté et le SD étalent, au point de vue de l’organisation, réunis en union personnelle sous l’autorité des commandants en chef ce la Police de sûreté et du SD. Le service de renseignements intérieur était assuré par la section III, celui de l’étranger par la section VI, la Police criminelle la section V.
On ne peut donc parler d’une organisation unifiée des services III et VI dans le Reich et à l’étranger.
Il y avait bien plutôt des organisations différentes : le service de renseignements Intérieur en Allemagne, le service de renseignements étranger en Allemagne et, dans les territoires occupés, les activités de la Police d’Etat, de la Police criminelle et du SD groupées au point de vue des services sous les ordres des commandants en chef de la Police de sûreté et du SD.
Il faut encore une fois tenir compte ici du fait que, du point de vue des tâches à accomplir, l’autonomie des sections III et VI à l’étranger a été maintenue (affidavit SD-56).
Il y a lieu encore de discuter à part la question des rapports du SD et de la Gestapo. Le Ministère Public a affirmé que la Gestapo et le SD avalent travaillé en étroite collaboration, la Gestapo étant l’organe exécutif et le SD l’organe d’espionnage (procès-verbal de l’audience du 19 décembre 1945, tome IV, page 193.)
Sous cette forme, la description des rapports entre le SD et la Gestapo est inexacte. H n’est sans doute pas possible d’établir d’une façon claire et non équivoque les rapports entre la Gestapo’ et le SD’ pour toute la période de 1931 à 1945. Les rapports entre la Gestapo et le SD variaient suivant le temps et le lieu. 11 a été déjà montré qu’il ne peut y avoir eu de rapports entre Gestapo et SD pendant la période qui s’arrête en 1934, car à cette époque-là, le SD était un service de renseignements’ des SS.
Le décret portant séparation des fonctions, publié vers le milieu de l’année 1936, est d’une importance décisive ; en plus de la lutte contre les adversaires, il assigne à la Gestapo la tâche de fournir des renseignements sur ces adversaires. Ainsi l’activité du service qui était alors la subdivision principale II/1 du SD-Hauptamt, chargé des renseignements sur l’adversaire, n’avait plus de raison d’être contrairement à ce qui était le cas pour la subdivision principale 11/2 qui était chargée de la surveillance des divers domaines de la vie. La subdivision principale II/l du SD-Hauptamt fut donc dissoute (affidavit SD-27).
L’Amt III du RSHA, qui est l’objet de l’Accusation, était l’ancienne subdivision principale II/2, service d’e renseignements sur les divers domaines de la vie (affidavit SD-27).
L’activité de la subdivision principale II/1, service de renseignements sur l’adversaire, ne peut pas être imputée à l’Amt III, objet de l’accusation.
Les tâches et les buts de la subdivision principale II/l étaient totalement différents des tâches et buts de l’Amt III Incriminé. La’ subdivision principale II/l n’a jamais fait partie de l’Amt III. On ne peut pas non plus la considérer comme le prédécesseur de l’Amt III. Le service qui a précédé l’Amt III est la subdivision II/2 du SD-Hauptamt. C’est l’histoire de cette évolution du SD et la modification des tÊches prescrites qui expliquent indubitablement les Indications contradictoires données par des témoins au sujet de la collaboration entre SD et Gestapo. La collaboration entre l’Amt III, qui est sorti de la subdivision principale II/2, et la Gestapo n’a été ni plus étroite ni plus étendue qu’avec d’autres autorités.
Mais, même la subdivision principale II/l n’était pas un service de renseignements de la Gestapo ; elle travaillait en indépendance complète par rapport à cet organisme (affidavits SD-16 à 19, 27, 55).
Le Dr Best, témoin de la Gestapo, a peut-être exprimé ces rapports d’une manière exacte, lorsqu’il a déclaré que : « l’on a constamment fait des expériences avec le SD au cours de ces années. »
Afin de prouver l’étroite collaboration entre la Police d’Etat et le SD, l’Accusation s’est appuyée en premier lieu sur le livre du Dr Wemer Best « La Police allemande » (1940), document PS-1852. L’auteur du livre, le Dr Best, qui a été entendu ici, a déclaré à ce propos que ce livre était une œuvre personnelle sans aucun caractère officiel. Best a déclaré en outre qu’il n’avait fait que décrire une évolution qu’on s’efforcerait d’atteindre dans l’avenir.
De plus, le Ministère Public s’est référé aux documents PS-1956 Das Archiv et PS-1680, l’article Dix .ans de Sipo et de SD et à une déclaration de Heydrich au congrès de la Police allemande.
En outre, le Ministère Public a cité le document PS-1638, décret du ministère de l’Intérieur, en date du 11 novembre 1938, sur la collaboration des services de l’administration générale et intérieure avec le SD. En vue de réfuter l’interprétation que le Ministère Public a donnée de ce décret, je renvoie le Tribunal aux dépositions des témoins] Best et Hoeppner ainsi qu’à l’affidavit SD-36.
En ce qui concerne les dépositions des témoins Albath, Oldach, Huit (affidavit du 15 juin 1946, doc. F-964), je renvoie le Tribunal à l’affidavit SD-71 de Schrapel et aux affidavits SD-36, paragraphe 4 c, et SD-28.
En ce qui concerne les rapports de la Stapo et du SD, je me réfère en outre aux dépositions Ehlich, Rossner, Hoeppner, ainsi qu’à l’affidavit SD-70, section 6.
Pour le document RF-1540, je me réfère au témoignage de Rossner.
Pour montrer qu’il n’est peut-être pas du tout inexact que, comme les témoins l’ont dit devant le Tribunal et la commission, ou dans leurs affidavits, la tâche du SD n’a pas consisté à fournir à la Gestapo les documents permettant de persécuter des adversaires politiques, je citerai deux preuves émanant de personnes qui n’ont pas la moindre raison de prendre le SD sous leur protection.
Il s’agit tout d’abord de l’affidavit du professeur bien connu d’histoire moderne à l’Université de Fribourg, le Dr Ritter. Le professeur Ritter était un adversaire du national-socialisme. Il n’a jamais été membre du Parti ou d’une organisation. Il faisait partie de l’entourage de Gördeler et avait été pressenti comme ministre des cultes dans un cabinet Gördeler, après le 20 juillet 1944.
Les cours du professeur Ritter ont constamment été surveillés par le SD, Amt III. Il ressort cependant de l’affidavit du professeur Ritter que le SD n’a pas livré à la Gestapo le matériel chargeant le professeur Ritter, adversaire notoire du régime. Car lorsque après le 20 juillet 1944 le professeur Ritter fut arrêté, les déclarations qu’il fit à la Gestapo auraient pu être réfutées par la documentation que l’Amt possédait à son sujet, chose qui ne s’est pas produite.
J’ai en outre soumis sous le numéro SD-71, une lettre qui se réfère au document de l’Accusation R-142, qui’ a été discuté à plusieurs reprises au cours de ce procès. Il s’agit de la lettre du service extérieur de Kochem, dans laquelle on signale que le référendum du 10 avril 1938 à Simmern. a été surveillé et que l’on a constaté que le prêtre Wolferts avait voté non : Le prêtre Wolferts est décédé entre temps. Il ressort cependant de la lettre de sa fille que, pour avoir voté non, le prêtre Wolterts n’a été l’objet d’aucune mesure ni de la part du SD ni de la part de la Gestapo.
Cette activité du SD n’avait donc pas pour but de fournir à la Gestapo des éléments lui permettant de persécuter des adversaires politiques.
A propos de ce document, je renvoie en outre aux témoignages de Hoeppner et Rossner. A ce sujet, j’indique qu’il appartenait au SD dei coopérer avec toutes les autorités. Ceci ressort des documents que j’ai transmis sous les numéros SD-3 à 8.
En ce qui concerne les rapports du SD avec le Parti, le témoin Hoeppner a fait une déclaration détaillée.
Certes, le SD était chargé d’informer le Parti. Mais il n’y a pas eu de liaison directe entre Parti et SD. Ceci ressort nom seulement des déclarations des témoins du SD, mais en particulier également des dépositions de témoins du Parti. Je me réfère ici aux déclarations de Kühl, von Rödern, Biedermann, Schneider, Lauterbacher, Hirth, Wolt. Le témoin Meyer-Wendebom a déclaré que le SD avait eu une évolution autonome et n’avait reçu aucune espèce d’instructions. Je renvoie en outre à la déclaration du témoin Kaufmann, Gauleiter à Hambourg, qui a déclaré avoir su ce qui se passait dans son Gau à l’exception de ce qu’y faisaient la Police d’Etat et le SD.
Pour soutenir son affirmation, d’après laquelle le SD aurait marqué secrètement les bulletins de vote afin d’être à même d’établir l’identité des personnes qui votaient non ou remettaient des bulletins nuls au cours du référendum, le Ministère Public a présenté un autre document du service extérieur d’Erfurt, de mal 1938 (document GB-541). Pour ce document également, il convient d’indiquer qu’il s’agit d’un service extérieur, donc d’un service subordonné ; si l’on considère le document que j’ai présenté sous le numéro SD-69, on peut donc supposer également qu’absolument rien n’a été entrepris contre les personnes qui avaient voté non. C’est pourtant cela seul qui est d’une importance décisive.
Ces deux documents ne sont donc nullement suffisants pour apporter la preuve que le SD avait pour tâche générale de surveiller les élections en vue de neutraliser les adversaires d’un complot. La preuve qu’il s’agit, en ce qui concerne les mesures prises par les services extérieurs d’Erfurt et de Kochem, d’activités tout à fait extérieures aux activités du SD. est apportée par l’affidavit d’Albert. SD-27. qui était employé à la centrale de Berlin et a déclaré n’avoir jamais donné d’instructions quelconques en vue de taire marquer en secret les bulletins de vote dans les scrutins et les référendums.
Entre les documents Erfurt et Kochem il n’existe d’ailleurs aucun lien. Erfurt demande que lui soient signalées avant les élections les personnes dont on suppose qu’elles voteront non. Kochem fait un rapport après les élections, disant que des personnes du comité électoral d’une petite localité relevant de son territoire ont marqué des bulletins de vote. Ce comité n’a rien ’de commun avec le service extérieur du SD.
Je me réfère en outre aux 196 affidavits que j’ai réunis dans la liste collective pour tout le territoire du Reich ; il y est dit que le SD n’avait pas pour tâche de marquer des bulletins de vote ou d’entreprendre des actions analogues afin de déterminer les personnes ayant voté non, et que la centrale n’a jamais donné de telles instructions ou de tels ordres.
Le Ministère Public a ensuite affirmé que le SD aurait eu une influence directe sur le choix des chefs nazis, et a présenté pour preuve de cette allégation l’affidavit du Dr Höttl, doc. PS-2614. Dans l’affidavit complémentaire que j’ai déposé sous le numéro SD-27, Höttl a déclaré que le SD n’avait exercé aucune influence directe sur le choix des chefs nazis. Je me réfère, de plus, aux affidavits rassemblés dans la liste collective (SD-70).
Le Ministère Putoli a en outre prétendu que le SD aurait contrôlé la fidélité et le degré de confiance qu’on pouvait accorder aux fonctionnaires de l’Etat. Je me réfère à ce propos à la déclaration des témoins Hongen, Rössner et aux affidavits SD-3, 7, 8, 9, 61, 63 ainsi qu’au document SD-14 et aux affidavits rassemblés dans la liste collective SD-70.
Pour ce qui est des buts, tâches et méthodes de l’Amt III accusé, je me réfère à l’exposé figurant dans le Manuel du Quartier Général des Nations Unies en date d’avril 1945 que j’ai déposé sous le numéro SD-70. Il y est dit :
« Le SD entretenait pour accomplir ses missions un réseau d’agents de renseignements dans tous les domaines de la vie allemande » — il manque quelques mots — « Ces hommes étaient recrutés dans toutes les couches sociales et toutes les professions. Les informations fournies par les agents étaient utilisées pour la rédaction de rapports sur la situation...
« Ces rapports sont extraordinairement francs et contiennent un exposé complet, sans fard, du moral et de l’attitude des Allemands... »
Ces indications reproduisent exactement les faits réels : c’est ce qui ressort des 649 affidavits, que j’ai rassemblés dans la liste collective et qui émanent d’anciens collaborateurs réguliers ou bénévoles, et d’hommes de confiance pour l’ensemble des territoires du Reich ou pour certaines parties de ces territoires.
Les buts, tâches et activités de l’Amt VI ressortent des affida-vits SD-61, 62 et 66 et du document SD numéro 1. Pour l’Amt VI, je renvoie en particulier à l’affidavit SD-66.
Je passerai à la section B : Crimes contre la paix (Statement of evidence V) du dossier britannique contre la Gestapo et le SD.
En ce qui concerne les crimes contre la paix, le SD est accusé d’avoir, avant le début de la guerre, créé artificiellement de prétendus incidents de frontière, pour donner à Hitler un prétexte de commencer la guerre. Le Ministère Public n’a cependant présenté qu’un seul incident de frontière auquel aurait participé le SD. Il s’agit de la prétendue attaque du poste émetteur de Gleiwitz.
Le Ministère Public s’est référé à ce propos à la déclaration sous la foi du serment d’Alfred Naujocks, en date du 21 novembre 1945. C’est le document du Ministère Public PS-2751. L’auteur de ce document, Alfred Naujocks, a été interrogé devant la commission ; au cours de son interrogatoire, il a déclaré que l’exécution de l’attaque du poste de Gleiwitz n’appartenait pas aux buts ni aux tâches des services III et VI. Le témoin a de plus affirmé qu’aucun élément des services III et VI n’avaient été utilisé et que les hommes qui, avec lui, avaient exécuté l’attaque contre le poste de Gleiwitz, n’appartenaient pas au SD, service III. Le témoin a de plus déclaré qu’en employant, dans son affidavit du 20 novembre 1945, l’expression « hommes du SD », il ne voulait pas désigner des membres d’un quelconque service du RSHA, mais que cette expression désignait, dans le vocabulaire du RSHA, des membres de tous les services placés sous l’autorité de Heydrich.
Le témoin a, de plus, indiqué que ce n’est pas en raison du fait qu’il appartenait au service VI et de l’activité qu’il y exerçait, qu’il avait été chargé de l’exécution de l’incident de Gleiwitz, mais que seuls des motifs personnels avaient déterminé ce choix. Le témoin a déclaré qu’à la suite de son entretien avec Heydrich, il avait eu l’impression que celui-ci l’aurait chargé de cette mission, même s’il n’avait pas appartenu à l’Amt VI, ni aux SS. L’ordre d’exécution de cette mission n’a pas été donné au témoin Naujocks en suivant la voie hiérarchique par les chefs des services III et VI. Les chefs des services III et VI n’avaient aucune connaissance de cette activité. Les membres du SD, services III et VI, n’eurent aucune connaissance du fait que cette attaque avait été exécutée par Naujocks, membre du service VI. En particulier, même les membres du service directeur du SD et du service extérieur du SD, localement compétents pour Gleiwitz, n’eurent aucune connaissance de son activité, et ne pouvaient en avoir connaissance, car il était interdit à Naujocks de prendre contact dans ce domaine avec quelque membre du SD et de quelque manière que ce soit.
Les déclarations de ce témoin ont été confirmées par le témoin Somman et l’affidavit SD-11 du Dr Marx. J’ai présenté en outre 215 déclarations sous la foi du serment pour le service du RSHA, ainsi que pour tous les domaines des services directeurs et services du SD, en particulier pour les régions de Katowice, Dantzig et Saxe. Dans ces déclarations sous la foi du serment il est déclaré que les membres du SD n’eurent à aucun moment qui puisse être pris en considération, connaissance d’incidents de frontière créés de toutes pièces ou d’une participation du SD à ces incidents de frontière.
La déclaration faite sous la foi du serment par le témoin Dr Mildner (PS-2479) est réfutée par la déposition du témoin Naujocks et par l’affidavit SD-11 du Dr Marx.
Les faits tels qu’ils se présentent ne permettent pas de déclarer criminel le SD car dans ce cas, il faudrait prouver que le SD en tant qu’organisation a été utilisé pour l’agression et que ses membres en ont eu connaissance.
Le Ministère Public a en outre présenté le document URSS-509 pour prouver que le SD a pris part aux préparatifs tendant à une solution de force des problèmes de Tchécoslovaquie. La première lettre, portant la référence III 225, est un projet ne portant ni référence officielle ni date, et qui n’est signé que par le rapporteur qui ! l’a rédigé. Ses supérieurs n’ont pas signé ce projet et l’ont rejeté.
L’autre lettre ne paraît pas être importante pour l’organisation SD, ne serait-ce que parce qu’on n’a pas prouvé que ces activités ont été connues de tous les membres. Il ressort de cette lettre que cela n’était visiblement pas le cas.
Le Ministère Public, au cours de l’audience du 2 août 1946, a affirmé que dans ce document les préparatifs concernant les liquidations sont également prévus. Ceci n’est pas exact, ainsi qu’il ressort de la page 7 de la première lettre du document.
Pour résoudre la question de savoir si le SD peut être déclaré criminel en raison de l’activité des Einsatzgruppen, il importe d’examiner les points suivants : Premièrement : Les Einsatzgruppen A, B, C et D, engagées à l’Est auprès des groupes d’armées, faisaient-elles partie de l’organisation des services III, VI ou VII ?
Deuxièmement : Des éléments de cette organisation ont-ils été utilisés dans ces Einsatzgruppen ?
Troisièmement : Des ordres ont-ils été donnés par les services III, VI ou VII aux Einsatzgruppen, en vue de commettre des crimes contre les lois de guerre et contre l’Humanité ?
Quatrièmement : Les membres du service de renseignements intérieur, service III, ou ceux du service de renseignements étranger, service VI, avaient-ils connaissance d’une activité des Einsatzgruppen, qui soit criminelle au sens du Statut ?
Il me faut d’abord corriger une erreur. Dans ce Procès et devant la commission, et cela jusqu’à ce jour, les Einsiatzgruppen ont été souvent appelées Einsatzgruppen du SD. Je cite particulièrement en exemple les procès-verbaux Keitel, Dr Best, Hauser et von Manstein. Cette appellation est fausse.
Les quatres Einsatzgruppen engagées à l’Est, portaient les désignations A, B, C et D. Les Einsatzgruppen qui leur étaient subordonnées portaient les numéros 1 à 12. Le mot SD n’apparaît donc ni dans la désignation des Einsatzgruppen ni dans celle des Einsatzkommandos. Il n’y avait d’ailleurs aucune raison pour cela, car d’après l’état numérique présenté par le Ministère Public, 3% seulement de leurs membres étaient fonctionnaires du SD’, service III ou VI. Les membres du SD n’occupaient, quant au nombre, que le huitième rang. Je renvoie à ce sujet à l’état figurant dans le document L-180.
La désignation des Einsatzgruppen ressort aussi de la liste des destinataires du document D-569. On peut y voir leur hiérarchie. A l’Einsatzgruppe A étaient subordonnés les Einsatzkommandos 1a, 1b, 2, 3 ; à l’Einsatzgruppe B étaient subordonnés les Einsatzkommandos 7a, 7b, 8, 9, Moscou ; à l’Einsatzgruppe C : 4a, 4b, 5, 6 ; à l’Einsatzgruppe D : 10a, 10b, 11a, 11b et 12.
La création des Einsatzgruppen n’a pas été ordonnée par les services III, VI ou VII, mais par Himmier, sur la base d’un accord avec l’OKH. Je renvoie à ce sujet aux dépositions du Dr Best, de Schellenberg, d’Qhlendorf, au document USA-557 et aux affidavits SD-41 et 46. De plus, la présentation des preuves a démontré que les Einsatzgruppen et les Einsatzkommandos n’étaient pas subordonnés aux services III, VI ou VII. Je me réfère sur ce point au document USA-557, aux affidavits SD-41, 44, 46, au procès-verbal de l’audience du 3 janvier 1946 (Tome IV, pages 318 et 350) et au document L-180, page 2 et 3, au procès-verbal de l’audience du 5 juin 1946 et au document PS-2620.
Si l’on tient compte de l’organisation des Einsatzgruppen, telle qu’elle ressort du procès-verbal de l’audience du 20 décembre 1945 (Tome IV, page 227), on est obligé de reconnaître, comme le témoin Hoeppner l’a déclaré, et comme le témoin Bendt le confirme dans l’affidavit SD-41, qu’il s’agit ici d’un groupement de caractère particulier, n’appartenant pas aux organisations des services III, VI ou VII.
Mais la présentation des preuves a en outre montré qu’aucun élément de l’organisation des services III, VI ou VII n’a été employé dans les Einsatzgruppen et les Einsatzkommandos et que les services III, VI et VII n’ont donné aucun ordre concernant les mesures d’extermination en masse exécutées par les Einsatzgruppen. Je me réfère sur ce point à l’affidavit SD-61, à l’affidavit SD-41 et en particulier aux réponses aux points 6 et 9, et à l’affidavit SD-44, points 4 et 5.
Il s’agit, dans le cas des Einsatzgruppen et des Einsatzkommandos, d’unités spéciales, qui, en ce qui concerne leur composition, étaient complètement étrangères à la structure de la Police de sûreté et du SD dans le Reich. Je me réfère sur ce point à la déposition des témoins Ohlendorf et Hoeppner et aux affidavits SD-41 et SD-46. Le témoin Best (procès-verbal de l’audience du 31 juillet 1946) a déclaré à ce propos : « c’étaient des unités de Police de sûreté ayant un caractère spécial ».
Il n’y a eu, et le fait est d’importance capitale pour savoir si l’organisation peut être déclarée criminelle, aucun élément du SD, service III, VI ou VII, qui ait été utilisée dans les Einsatzgruppen, mais seulement des fonctionnaires de ces bureaux qui ont été envoyés isolément dans ces Einsatzgruppen, en vertu d’une ordonnance légale. A ce sujet l’affidavit de Höttl, du 10 avril 1946, me paraît particulièrement important. Je souligne qu’il s’agit ici d’un document de l’Accusation. Dans cet affidavit, Höttl a déclaré que les membres du SD étaient considérés comme détachés de leur organisme pendant le temps où ils appartenaient aux Einsatzgruppen.
Dans la mesure où les membres des services III, VI et VII ont été détachés en vertu de dispositions légales pour faire partie d’Einsatzgruppen et d’Einsatzkommandos à l’Est, je me réfère, en ce qui concerne leurs tâches et leurs activités, aux dispositions du Dr Ehlich, de von Manstein et à l’affidavit SD-69.
Le choix des membres du SD pour les Einsatzgruppen et les Einsatzkommandos ne résultait pas de leur fonction et de leur activité exercée antérieurement à l’intérieur du Reich. Je me réfère sur ce point à la déposition d’Ohlendorf (procès-verbal de l’audience du 3 janvier 1946, tome IV, pages 331 et 332) et aux affidavits SD-41 et SD-45.
J’arrive ainsi aux conclusions suivantes : Premièrement : Les Einsatzgruppen A, B, C et D n’anpartenaient pas au service des renseignements intérieur, service III. au service de renseignement étranger, service VI, ni au service VII.
Deuxièmement : Ce ne sont pas des éléments de cette organisation qui furent utilisés à cet effet, mais des membres détachés individuellement aux Einsatzgruppen.
Troisièmement : Le statut juridique de ces affectés était le même que celui, par exemple, des appelés pour le service armé. Leur appartenance aux services III, VI ou VII était suspendue. Ils n’étaient plus placés sous l’autorité du service qui les employait à l’intérieur du pays.
Je ne donnerai pas lecture des pages suivantes, 64, 65, 66, 67. Les pages 68 à 71 ont trait aux Einsatzkommandos dans les camps de prisonniers »
Docteur Gawlik, le Tribunal comprend que les SS, la Gestapo et le SD nient tous être responsables des Einsatzgruppen. Pourriez-vous dire au Tribunal, qui, en fait, porte la responsabilité des Einsatzgruppen ?
Les Einsatzgruppen étaient subordonnées... La responsabilité résulte des explications que j’ai données à la page 61. Je renvoie ici aux déclarations du Dr Best, de Schellenberg, d’OhIendorf, et au document...
Docteur Gawlik, le Tribunal aimerait savoir qui, d’après vous, était responsable des Einsatzgruppen ? Le Tribunal ne veut pas que vous le renvoyiez à une multitude de documents ou de témoins. Il désire connaître votre opinion.
Les Einsatzgruppen étaient à mon avis des organisations d’un caractère particulier qui, d’une part, étaient placées directement sous l’autorité de Himmier ; pour le reste, les déclarations des témoins divergent sur le point de savoir dans quelle mesure les Einsatzgruppen dépendaient des commandants en chef. Certains témoins ont déclaré qu’ils étaient sous l’autorité des commandants en chef, d’autres le contestent. Je ne peux pas prendre position sur cette question.
Était-il possible, à votre avis, que Himmler contrôle ces Einsatzgruppen indépendamment de toute organisation, et sinon quelle était l’organisation qui les contrôlait ?
Les Einsatzgruppen avaient un chef ; cela ressort du document L-180, le rapport Stahlecker. Stahlecker était chef de l’Einsatzgruppe A et a adressé directement à Himmier le rapport qui a été trouvé ; de sorte que j’admets que les chefs des Einsatzgruppen étaient directement sous l’autorité de Himmler. C’était une organisation complémentaire, en marge du RSHA, pour les territoires occupés.
Pouvez-vous dire au Tribunal de quels hommes étaient composées les Einaatzgruppen ? Étaient-ce des SA, des SS ou des hommes du SD ou de la Wehrmacht ?
Monsieur le Président, la composition de ce corps figure au procès-verbal de l’audience du 20 décembre 1945, tome IV, page 227. Je ne m’en souviens plus exactement. Je sais simplement qu’il y avait des membres des ; Waffen SS, de la Police criminelle, de la Police d’État, du SD...
Vous parlez trop vite. Waffen SS ?
Waffen SS, Police criminelle, Police d’État, SD ; il y avait également, si je me souviens bien, des chauffeurs et je crois des interprètes, mais je ne peux pas le dire exactement. Les différents groupes sont indiqués à cette page. C’est...
J’ai noté en dernier lieu NSKK. Qu’avez-vous dit ensuite ?
Non, Monsieur le Président, pas NSKK.
Waffen SS, Police criminelle...
Oui.
Police d’État ?
Oui.
SD ?
Oui.
NSKK ?
Non, des chauffeurs.
Bien, j’ai barré NSKK.
C’est une erreur, Monsieur le Président, la NSKK n’en faisait pas partie.
J’ai barré NSKK. Y a-t-il autre chose ? La Gestapo, par exemple ?
Oui, la Gestapo, Monsieur le Président, la Police d’État et la Gestapo constituent le même organisme. Il y avait des interprètes aussi, selon le document. C’étaient les principaux groupes, mais je ne peux pas le dire avec certitude en ce moment ; je cite de mémoire.
Je vous remercie.
Je m’excuse, Monsieur le Président. Vouliez-vous parler des chefs ou des membres des Einsatzgruppen ?
Je voulais parler des membres.
Oui, c’est exact, Monsieur le Président. Je voudrais encore dire qu’il y avait dans l’ensemble 1.000 à 1.200 hommes dans ces 4 Einsatzgruppen.
Combien avez-vous dit ?
1.000 à 1.200 hommes environ. Du SD il y en avait environ 3%, selon le document L-180, qui donne la composition entière.
Nous allons suspendre l’audience.
Monsieur le Président, je me vois obligé de rectifier sur un point mes indications en ce qui concerne les Einsatzgruppen. Je me suis procuré le document L-180 pendant la suspension d’audience. Le total des effectifs de l’Einsatzgruppe A s’élevait à 990 hommes, et la composition était la suivante : Waffen SS 34% ; Chauffeurs 17% ; Administration 1,8% ; SD 3,5% ; Kripo 4,1% ; Stapo 9% ; Police auxiliaire 8,8% ; (ces derniers étaient probablement des policiers recrutés parmi les indigènes occupés.) ; Police régulière 13,4% ; Employées femmes 1,3% ; Interprètes 5,1% ; Télétypistes 0,3% ; Radios 0,8%.
Ceci pour l’Einsatzgruppe A, autant que je sache. Il n’est pas question des Einsatzgruppen B, C et D dans les documents, mais les témoins ont déclaré que les Einsatzgruppen B, C et D comprenaient probablement les mêmes effectifs.
Donc l’effectif est presque quatre fois plus important que ce que vous avez dit ?
Oui.
Pouvez-vous indiquer la date de la création du groupe A ? A quelle date se rapportent ces pourcentages ?
L’Einsatzgruppe D fut créée avant le début de la campagne, avant juin 1941.
Mais lorsque vous parez de 0,3 %, cela doit être pour une certaine date ? Il n’est pas possible que ce pourcentage soit resté le même tout le temps ? Ou bien ces chiffres sont-ils des moyennes ?
Je ne comprends pas très bien, Monsieur le Président. De quels 0,3% voulez-vous parler ?
Je voulais dire : télétypistes 0,3 %, radios 0,8% ; ces pourcentages sont-ils restés les mêmes pendant toute la guerre ?
Je le suppose, Monsieur le Président, il n’y a pas de documents à ce propos.
Ces pourcentages sont donc des moyennes ?
Ce sont là des pourcentages moyens, Monsieur le Président. Il est fort possible qu’ils se soient modifiés légèrement, soit en plus, soit en moins.
Très bien.
Je vous prie de m’excuser, Monsieur le Président, mais je ne me souvenais plus du chiffre que j’avais indiqué avant la suspension d’audience. Je me basais sur les Einsatzkom-mandos pour établir ces chiffres.
Les pages 68 à 71 traitent des Einsatzkommandos dans les camps de prisonniers de guerre (Statement of Evidence VI B du dossier d’audience britannique contre la Gestapo et le SD) ; les pages 72 à 75 au décret Kugel (Statement of Evidence VI C du dossier d’audience britannique contre la Gestapo et le SD) ; les pages 76 à 79 aux camps de concentration (Statement of Evidence VI D du dossier d’audience britannique contre la Gestapo et le SD) ; les pages 80 à 83 à la déportation (Statement of Evidence VI E du dossier d’audience britannique contre la Gestapo et le SD) ; les pages 84 à 89 au Kommandobefehl (Statement of Evidence VI F) ; les pages 90 à 93 se rapportent au décret Nuit et Brouillard (Statement of Evidence VI G du dossier d’audience) ; les pages 94 à 96 des tribunaux d’exception (Statement of Evidence VI H) ; les pages 97 et 98 à la responsabilité de la famille (Statement of Evidence VI I) ; les pages 99 et 100 à l’exécution des prisonniers dans les prisons de la Sipo et du SD à Radour (Statement of Evidence VI J) ; les pages 101 et 102 à la réquisition forcée (Statement of Evidence VI K) ; les pages 103 et 104 aux interrogatoires au troisième degré (Statement of Evidence VI L du dossier d’audience).
Je poursuis à la page 105, à la section D, crimes contre l’Humanité (Statement of évidence VII du dossier contre la Gestapo et le SD).
Les tâches et activités, dans la mesure où elles sont visées par l’Accusation comme tâches d’exécution, n’étaient pas incluses dans les missions des Amter III, VI .et VII (affidavits SD n« 41, 42, 45, 46).
Si, dans le document PS-3428, 11 est constamment question du chef du SD et constamment du SD, il est évident, ainsi qu’il ressort des exposés précédents, qu’il s’agit de la Police de sécurité et du SD. A ce sujet, je me réfère en particulier à la déclaration sous la fol du serment Breiter SD-69.
Dans bon nombre de documents présentés par l’Accusation, par exemple UBSS-1, URSS-6, URSS-119, il est question du SD. Là encore, il peut être considéré comme prouvé, d’après le résultat de l’examen des preuves, que ce ne sont pas l’es offices du SD III, VI, c’est-à-dire le service des renseignements à l’intérieur, service des renseignements à l’extérieur, ni l’office VII qui peuvent être visés.
Sous ce rapport, je me réfère également au document PS-2992, déclaration de Gräbe. Gräbe a déclaré qu’au cours de l’exécution des hommes, femmes et enfants juifs sur l’aérodrome de Rowno, un SS porteur de l’uniforme SS avec l’insigne SD sur le bras gauche était assis sur le bord du fossé. Ce fait ne suffit pas pour établir qu’il s’agissait sans aucun doute d’un membre des Amter III, VI ou VII, cft, dans les territoires occupés, tous les membres des groupes spéciaux et le commandant de la Police die sécurité et du SD, particulièrement les fonctionnaires de la Gestapo et de la Kripo, portaient le même uniforme avec insigne SD. Il s’agissait là de l’uniforme de la formation spéciale SD des SS et non de l’uniforme porté par les membres des offices III et VI. Le SS-Sturmbannführer Pütz dont il est fait mention dans le rapport Gräbe n’était pas membre du SD, mais conseiller de gouvernement et fonctionnaire de la Gestapo. Sur ce point, je me réfère à l’affidavit Wanninger SD-50.
Le Ministère Public a présenté en outre le document PS-501 concernant l’utilisation des véhicules à gaz. Il y a lieu de constater ici que l’office III n’a pas donné d’ordres quant à l’utilisation des véhicules à gaz, ainsi que l’a déclaré le témoin Dr Ehlich. Le document PS-501 présenté par l’Accusation démontre également par sa référence Il quel les questions de voitures à gaz étalent traitées dans le service II du RSHA. Le SS-Obersturmbannführer Rauff n’était pas membre des services III et VI incriminés, mais chef de groupe dans le service I du RSHA. Il avait alors sous ses ordres le service des transports automobiles. Je me réfère ici aux déclarations des témoins Ohlendorf, Hoeppner et aux 60 déclarations sous la foi du serment venant ; de l’ensemble du territoire du Reich et des territoires occupés au cours des années 1941 à 1945, dont il résulte que le SD n’avait rien à voir avec l’utilisation des voitures à gaz. Au sujet du document du Ministère Public PS-1475, je me suis de là référé à l’affidavit SD-69. Dans le document du Ministère Public L-180, le rapport Stahlecker, il est mentionné à l’annexe 8 que la section SD de Tilsit a pris part à la liquidation des communistes et des Juifs. A ce sujet, je me réfère à l’affidavit Ziebs SD-12. Ziebs faisait partie de la section de direction de Koenigsberg qui, d’après le rapport, était sous les ordres de la section du SD de Tilsit. Ziebs a déclaré qu’un ordre semblable n’avait jamais été donné par la section de direction de Koenigsberg et que cette dernière n’avait jamais rien su des événements relatés dans le rapport Stahlecker. Il considère donc cette indication comme une erreur de lieu et de fait. Si les membres de la section du SD de Tilsit avaient pris part à l’exécution de Juifs et de communistes, ce que Ziebs considère personnellement comme impossible, cette activité eût été hors du ressort de la section du SD de Tilsit et en tous cas n’aurait pas été publiée.
Les membres du service d’e renseignements de l’intérieur, du service de renseignements de l’extérieur et de l’office VII n’avaient aucune connaissance de l’activité des Einsatzgruppen, en particulier des exécutions par fusillade.
Il ressort du document PS-3867 présenté par l’Accusation que, dans le tableau des destinataires, aucun service du SD (offices III, VI ou VII ou services annexes) n’est mentionné. Ainsi qu’il ressort de la référence IV A I, les rapports ont été groupés dans un bureau de l’office IV, Gestapo.
Le témoin Hoeppner a déclaré devant le Tribunal que les rapports des Einsatzgruppen n’étaient pas transmis aux services subordonnés de l’intérieur du Reich, que les membres des services du SD n’avaient aucune connaissance du contenu des rapports et, par conséquent, ignoraient les exécutions de Juifs et communistes. Un petit nombre seulement de membres de l’office III, qui avaient partie liée avec le service d’information des territoires de l’Est, ont reçu ces rapports.
Je me réfère à ce sujet aux affidavits SD-44, 47, 41, 48, 49, 61, au document PS-2752, ainsi qu’aux dépositions des témoins Ehlich et Hoeppner.
J’ai présenté en outre 127 déclarations sous la foi du serment portant sur toutes les parties du Reich et la période allant de 1941 jusqu’à la fin de la guerre, du contenu desquelles il ressort en substance que :
1) Par suite de l’uniformisation de la tenue avec l’insigne SD, tous les membres des Einsatzgruppen furent communément appelés SD.
2) Une participation de membres du SD aux exécutions en masse était ignorée des membres du SD appartenant aux formations du territoire du Reich.
3) Les collaborateurs, membres d’honneur du SD, n’avaient aucune connaissance de l’activité des groupes et commandos spéciaux de l’Est.
On accuse en outre le SD d’avoir entretenu dans les camps de prisonniers de guerre des formations chargées de trier et d’exécuter les personnes Indésirables au point de vue racial et politique.
Il ressort des documents SD-18 et 22 qui m’ont été remis, que ce n’est pas le SD qui était compétent pour cela, mais uniquement la Police d’Etat. De ces documents, il ressort aussi en particulier que ces commandos n’étaient pas désignés sous le nom de « commandos spéciaux du SD », comme l’a indiqué le témoin Lahousen.
L’accusé Jodl a confirmé que les prisonniers de guerre n’étaient pas remis au SD pour le traitement spécial, car le SD était chargé d’une toute autre mission. L’accusé Jodl a déclaré que les prisonniers de guerre ont tout au plus été remis à la Police de sûreté. On peut donc considérer qu’il est prouvé que le SD n’a pas participé à ces agissements et qu’on n’en a pas fait usage à cet effet.
Si le témoin Warlimont indique dans sa déclaration sous serment que les fonctionnaires politiques devaient être remis au SD, il peut s’agir là aussi d’une erreur de termes : étant donné la déposition de l’accusé Jodl, il voulait peut-être dire Gestapo.
Les documents présentés par le Ministère Public ne prouvent pas le contraire.
Si le témoin Lahousen parle du SD dans sa déclaration sous serment du 14 novembre 1945 (document PS-2846), il veut évidemment parler de la Police de sûreté. Cela ressort nettement d’une déclaration qu’il fit le 30 novembre 1945 devant le Tribunal. D’après les procès-verbaux sur la conférence qui a eu lieu au sujet de l’institution de ces commandos entre le général Heinecke et Müller au cours de l’été 1941, il parle de l’Obergruppenführer Müller du service de sûreté. Or, le Tribunal sait que Müller n’a jamais fait partie du SD, service III ou VI, mais que jusqu’à la fin il a été chef du service IV de la Gestapo. Le témoin Lahousen a donc, de toute évidence, voulu dire par service de sûreté non pas le SD, service III ou VI, mais la Gestapo.
Il ressort nettement de la déposition du témoin Lahousen la compétence de la Police d’Etat. Le témoin. Lahousen a déclaré à la page 417 que Müller avait participé à la conférence parce qu’il était compétent pour les questions d’exécution dans les camps de prisonniers de guerre.
Le document PS-502 ne montre en aucune façon une participation du SD ; il prouve plutôt que seule la Gestapo était compétente pour ces mesures, car il est dit au quatrième paragraphe avant la fin, que le chef des commandos spéciaux devait se mettre en relations avec le chef du service, local le plus proche de la Police d’Etat en ce qui concerne les exécutions del prisonniers et autres mesures. Le document PS-1165 de l’Accusation prouve lui aussi que seule la Gestapo était compétente pour ces mesures, car cette instruction qui a trait aux exécutions effectuées fut adressée par Millier, chef de service de la Gestapo, à tous les services de la Gestapo. Si le SD, service III ou VI, avait participé d’une manière quelconque à ces mesures, cette Instruction eût dû aussi lui être adressée.
Dans le document R-178, on parle sens cesse à tort des commandos spéciaux du chef de la Police de sûreté et du SD, qui étaient chargés du triage ; en réalité, seuls les services de la Police d’État de Munich, de Ratisbonne et de Nuremberg-Fürth ont exécuté ce triage avec leurs propres commandos spéciaux, ainsi qu’il ressort de l’ensemble du document. Le capitaine Dr Wölzl, nommé à la page 21 du document R^l78, a déclaré sous serment que le SD n’a rien eu à voir’ avec ces commandos de triage.
A cette occasion, je me réfère au document PS-2884. Il s’agit d’une instruction du 12 mal 1941 de Warlimont, ancien adjoint au chef d’Etat-major de l’Etat-Major d’opérations de la Wehrmacht, concernant l’exécution de prisonniers de guerre britanniques. Dans ce décret, Warlimont désigne les commandos spéciaux sous leur nom exact de commandos » spéciaux de la Police de sûreté.
Il ressort de la déclaration sous serment de Lindow (PS-2542) que seule la Gestapo était compétente pour l’exécution des prisonniers de guerre. Lindow a déclaré qu’un service avait été annexé au bureau IV A 1, service que dirigeait le SS-Hauptstormführer Franz Königshaus, d’abord Regierungroberinsipektor, puis Regierungsamtmann. Ce service étudiait les questions relatives aux prisonniers de guerre. Ce service exécutait, aussi les décrets et les ordres de Himmler de 1941 et 1942, selon lesquels les commissaires politiques soviétiques prisonniers et les soldats juifs devaient être exécutés. Königshaus préparait les ordres d’exécution, puis 11 les soumettait à Millier, chef du service IV. Au début de 1943 le service fut dissous et réparti entre les bureaux régionaux du service IV B. Lindow a déclaré en particulier que les commandos spéciaux des camps de prisonniers de guerre étaient dirigés par des membres de la Gestapo (PS-2542).
Pour prouver que le SD, service III, n’a pas participé à ces mesures, je me réfère encore à l’affidavit Fromm (SD-56). Dans cet affidavit Fromm a déclaré que le SD n’avait pas de formations spéciales dans le Gouvernement Général. En ce qui concerne la France, le témoin Knochen a déclaré devant la commission qu’il n’y avait pas de formations spéciales du SD dans les camps de prisonniers de guerre en France. Je renvoie en outre aux dépositions que le témoin Ehlich a faites devant la commission et selon lesquelles ces mesures n’entraient pas dans les tâches et les activités du SD, service III.
Quant au service VI, je rappelle la déclaration sous serment SD-61, dans laquelle le témoin Schellenberg a dit que là non plus, le service VI n’était pas compétent et qu’on ne l’a pas utilisé à cet effet. Le témoin Dittel a fait la même déposition au sujet du service VII (SD-63).
J’ai présenté en outre 266 déclarations sous serment, d’où il ressort qu’en Russie, en Pologne, en Alsace, en Italie, en Yougoslavie, en Tchécoslovaquie, en Lorraine, ainsi que dans les régions suivantes de l’Allemagne : le Hanovre du Sud-Brunswick, la Sarre, le Palatinat, Munich-Haute-Bavière, Cologne, le Wurtemberg, la Prusse Orientale, le Danube supérieur. Vienne, la Vile région militaire, la Bavière, la Prusse Occidentale, la Styrie, les Sudètes, Hambourg, la Haute-Silésie, le Tyrol, l’Allemagne centrale, les marches bavaroises de l’Est, la Westphalie, Magdebourg-Anhalt, Berlin-Brandebourg, la Souabe, la Silésie, la Franconie moyenne, le pays de la Warthe, la Thuringe, Brême, le Holstein, la Hesse, la Saxe, et dans un nombre important de villes, le SD n’avait pas de commandos dans les camps de prisonniers de guerre pour le triage et l’exécution de prisonniers de guerre indésirables au point de vue racial et politique. Les déclarations s’étendent sur une période allant de 1939 à 1945.
Le service III du SD à l’intérieur de l’Allemagne n’était pas compétent pour l’exécution du décret Kugel et n’a pas été utilisé dans ce but. La responsabilité et la compétence à propos de ce décret ont déjà été exactement situées par le défenseur de l’accusé Göring (plaidoirie Göring). Il a été prouvé qu’en l’absence de Keltel, Hitler a donné l’ordre d’exécution à Himmler qui le transmit à son tour directement à Müller et Nebe. Müller était chef de service de la Gestapo ; Nebe était chef de service de la Police criminelle. Il en résulte que l’exécution de cet ordre incombait à la Police d’État et à la Police criminelle.
Cela est indubitablement prouvé par le document D-569 et par son annexe. Il s’agit d’un décret du chef de la Police de sûreté et du SD du 11 décembre 1941 ainsi que d’une ordonnance du Haut Commandement de la Wehrmacht du 22 novembre 1941. Il est stipulé, dans le décret du 11 décembre 1941, que les prisonniers de guerre soviétiques étaient à prendre en charge par les services directeurs de la Police d’Etat ou bien par les Einsatzcommandos. Le décret du 22 novembre 1941 du Haut Commandement de la Wehrmacht stipule que des prisonniers soviétiques en fuite devaient en tout cas être remis au service le plus proche de la Gestapo. La remise à la. Gestapo devait être signalée au plus proche service d’information de la Wehrmacht.
Je renvoie en outre au télétype de Müller du 4 mars 1944, RS-1650 (USA-246). qui ne s’adresse qu’aux services de la Police d’État et aux inspecteurs de la Police de sûreté et du SD. Le texte télétypé mentionné donne l’ordre aux services de la Police d’Etat de rendre compte de l’exécution de ce décret. L’article 2 spécifie expressément que les prisonniers de guerre étaient à remettre au service de Police locale le plus proche. Dans l’article 3, il est question de mettra sous la surveillance d’un service de la Police d’État les officiers britanniques et américains évadés et les sous-officiers refusant de travailler. L’article 5 stipule que les autorités locales et les autorités de Police ont été informées de cet ordre. Les services III et VI n’ont pas été informés, chose qui eût été nécessaire s’ils avaient participé à ces mesures.
Le Ministère Public a vu la participation du SD dans le fait que le chef du service de la Gestapo, Müller, a promulgué ce décret en qualité d’adjoint du chef de la Police de sûreté et du SD, et qu’il l’a communiqué aussi aux inspecteurs de la Police de sûreté et du SD. Mais on ne peut conclure à une participation du SD du fait de ces titres.
Le Ministère Public s’est en outre référé à la lettre du commandant de la 6e région militaire, du 27 juillet 1944 (PS-1514). Ce document non plus ne prouve pas la participation du SD. En tête, avant l’article 1, on parle expressément de la remise des prisonniers à la Gestapo. Sous l’article 1a, on mentionne que le chef de camp doit remettre ces prisonniers à la Gestapo. Dans l’article le, on dit que les officiers repris doivent être remis à la Gestapo. L’article Id stipule que des officiers soviétiques refusant de travailler doivent être remis au service le plus proche de la Police d’Etat. Dans les articles e, g, 3, 4, on ne parle que de remettre les prisonniers à la Gestapo. Le document ne contient pas d’ordres prouvant la participation du SD. L’article if mentionne les commandos en vue de la sélection que l’on désigne ici sous le nom d’Einsatzkommandos de la Police de sûreté et du SD. J’ai déjà mentionné plus haut que le SD n’avait rien à voir avec ces groupes d’intervention. Indubitablement, il s’agit donc là d’une inexactitude de terme. La déclaration sous la foi du serment de Willi Litzenberg (PS-2478), prouve que c’est uniquement la Police de sûreté qui participait à ces mesures. Le SD, les services III, VI et VII, ne sont même pas mentionnés dans cet écrit. Les témoignages quil ont été produits devant le Tribunal ont prouvé que le décret Kugel a été exécuté par la Gestapo et la Police criminelle, et que le SD n’a pas participé à ces exécutions. A ce sujet, je renvoie particulièrement aux déclarations du général Westhoff (audience du 10 avriil 1946). Je renvoie aussi à la déclaration du conseiller supérieur du Gouvernement et de la Police criminelle, Max Wielen, qui a été interrogé sur l’exécution des 50 officiers aviateurs anglais du camp de Sagan.
Wielen a déclaré que l’exécution a été pratiquée par les agents de la Gestapo (audience du 10 avril 1946). A ce sujet, je renvoie encore aux déclarations de Keitel. Keitel a déclaré que Hitler avait ordonné de ne pas remettre les prisonniers à la Wehrmacht, mais de les laisser à la Police.
En outre, les témoins Rössner et Ehlich ont déclaré que non seulement le SD n’a pas participé à l’exécution du décret Kugel, mais qu’il n’en a même pas eu connaissance. La même déclaration a été faite pour le service VI par l’ancien chef de service Schellenberg, sous le numéro SD-61 et, pour le service VII, par le chef de service adjoint Dittel sous le numéro SD-63. Je me réfère également à l’affidavit 56, dans lequel Fromm a fait les mêmes déclarations pour l’e Gouvernement Général, et aux dépositions de Knochen, qui en a fait de même pour la France.
J’ai en outre déposé 288 déclarations sous la foi du serment, stipulant que dans l’ensemble du territoire allemand ainsi que dans les territoires russes occupés français, lorrains, italiens, tchèques, yougoslaves et polonais, le SD n’a rien eu à faire avec l’exécution du décret Kugel. Ces déclarations concernent la période courant de 1939 à 1945.
Camps de concentration
On reproche encore au SD, sous le numéro VI D de l’exposé des Charges contre la Gestapo et le SD, d’avoir eu la responsabilité de l’institution et de lia répartition des camps de concentration, ainsi que de lai déportation de personnes indésirables au point de vue racial et politique dans les camps de concentration et d’anéantissement, pour le travail forcé et l’assassinat en masse.
Dans l’exposé des charges contre les SS, on reproche au SD d’avoir été utilisé par les conspirateurs pour asseoir leur puissance grâce aux camps de concentration et pour terroriser leurs adversaires,
Le représentant du Ministère Public américain a soutenu le 19 décembre 1945 que le SD et la Police de sûreté ont participé à l’activité des camps de concentration en recherchant les victimes et en les arrêtant. Cependant, on n’a produit aucune preuve à l’appui de ces affirmations. Dans tout le paragraphe VI D de l’exposé des charges, le SD n’est absolument pas mentionné, excepté dans le titre. Le Ministère Public soutient même, en se référant aux documents de l’Accusation PS-2108, qui se trouve dans mon dossier sous la référence SD-36, et PS-1723, dans le paragraphe VI D, page 43 de l’exposé des charges, que la Gestapo détenait à titre exclusif les pleins pouvoirs pour mettre des personnes en détention de protection, et que la Gestapo était en possession d’ordonnances l’autorisant à instituer des camps de concentration, à transformer des camps de prisonniers de guerre en camps de concentration, à instituer des camps du travail et à instituer des divisions spéciales pour les détenus du sexe féminin. Je crois donc que je puis traiter ce paragraphe en peu de mots.
Il résulte en outre de l’exposé du Ministère Public que la Police secrète d’État était compétente pour l’institution et la répartition des camps de concentration et que les autorités locales de la Police d’État ont entrepris des arrestations (audience du 2 janvier 1946).
Les débats ont permis en outre de conclure sans contestation possible que toute l’administration des camps de concentration (ravitaillement, logement, discipline des camps) était subordonnée au service principal économique et administratif des SS, qui était dirigé par Pohl. J’attire votre attention en particulier, à ce sujet, sur la déclaration de Kaltenbrunner (audience du 11 avril 1946). L’inspecteur des camps de concentration dépendait directement de Himmler. Je me réfère en outre à la déposition du témoin Hess. Cela résulte aussi des documents présentés par le Ministère Public. Les documents de l’Accusation D-50 et D-46 permettent de conclure à la compétence exclusive de la Police secrète d’État. Ces documents proviennent du service IV du Service principal de la sécurité du Reich, et sont signés par le directeur du service. Müller. Les services III, VI et VII n’ont jamais eu connaissance officiellement de ces décrets. De l’indication IV portée sur le document PS-1063 a découlé également la compétence exclusive de la police secrète d’État. Le fait que ce document ait été établi par Heydrich, en sa qualité de chef de la Police de sûreté et du SD, est sans importance ici. Ce fait seul ne permet pas de conclure à la compétence du SD. D’après les destinataires, on peut voir que le SD n’y a participé en aucune façon. Aucun des autres documents PS-2477, PS-1531, L-358, L-215, PS-1472, PS-1063 d, L-41, PS-1063 e, PS-701 et PS-2615 mentionnés dans les pages 44 à 46 de l’exposé des charges, ne permet de conclure à une participation du SD à liai mise en détention de protection ou à l’internement dans des camps de concentration ou de travail.
Il résulte donc de l’exposé même du Ministère Public et des documents qu’il a produits, que le SD n’avait rien à voir avec l’institution et la répartition des camps de concentration, et avec la déportation de personnes indésirables au point de vue racial et politique dans les camps d’anéantissement pour le travail forcé et l’assassinat en masse.
Si l’on parle dans le document PS-3012 de la fuite de prisonniers du SD, il résulte des références de la pièce qu’il s’agit ici de détenus du groupe spécial IV A, qui n’avait avec le SD (bureaux III, VI et VII) aucun lien administratif. Je vous renvoie en outre à la déclaration de Kaltenbrunner (audience du 11 avril 1946), à la déclaration du Dr Mildner (livre de documents Kaltenbrunner 1), à la déposition de Knochen, à la déposition de von Eberstein, d’où il résulte également que le SD n’avait rien à voir avec les camps de concentration. Schellenberg et Dittel ont déclaré dans les dépositions SD-61 et SD-63 que les bureaux VI et VII n’avaient rien non plus. à voir avec l’installation, la répartition et l’affectation dans les camps de concentration. Je vous renvoie en outre à la déclaration faite sous la foi du serment par Fromm (affidavit SD-56), qui a déposé sur l’ancien Gouvernement Général, et à la déposition Laube (affidavit SD-54), qui a déposé sur la France ; d’où il résulte que le SD n’a participé ni à la déportation de personnes dans les camps de concentration, ni à l’administration de ces camps. Ce fait a été confirmé, pour la France, par le témoin Knochen.
En raison des documents R-112, USA-309, produits par le Ministère Public, je me réfère aux dépositions du témoin Dr Ehlich. Je présente en outre 289 déclarations sous la foi du serment faites pour tout le domaine du Service principal du SD ainsi que pour tout le territoire du Reich et de nombreux territoires occupés. Ceux qui ont fait sous la foi du serment ces déclarations qui embrassent la période de 1934 à 1945, ont déclaré que, dans ces territoires, lei SD n’avait rien à voir avec l’institution et la surveillance des camps de concentration ainsi qu’avec l’envoi de personnes dans ces camps.
Déportation
Le Ministère Public a cité comme nouvelle accusation, à la page 1743 du procès-verbal d’audience allemand, le fait que le SD avait pris part à la déportation en masse de citoyens des pays occupés, afin de les utiliser en vue du travail forcé. D’autre part. la Gestapo et le SD auraient également été chargés des sanctions contre les travailleurs forcés.
Le Ministère Public a prétendu que la part ; importante que le SD avait prise aux côtés de la Gestapo dans l’arrestation d’individus pour les envoyer dans le Reich pour le travail forcé ressortait des documents suivants : L-61, PS-3012, PS-1573, PS-10631). Ces documents prouvent cependant déjà que le SD n’était pas compétent pour ces mesures d’ensemble et qu’il ne les a pas non plus exécutées.
Le document L-61 est une lettre en date du 26 novembre 1942, de l’accusé Simckel aux présidents des offices régionaux du travail, dans laquelle il signale que le chef de la Police de sûreté et du SD, c’est-à-dire Heydriich, avait fait savoir que, dans le courant du mois de novembre, on avait commencé la déportation des Polonais du district de Lublin. Il ne ressort cependant nullement de cette communication de Heydrich, que ce dernier ait utilisé pour cette déportation — si même elle a été effectuée, ce qui n’est absolument pas établi — les services III. VI et VII. C’est, au contraire, peu probable, car la déportation n’entrait pas dans les buts et les devoirs de ces services.
Le document PS-3012 est une lettre du chef du commando spécial IV A aux chef de commandos de son commando extérieur. J’ai déjà démontré que les Einsatzgruppen constituaient, par rapport aux services III, VI et VII, des organisations entièrement indépendantes. Ce document ne peut donc pas être considéré comme une charge pour l’un quelconque des services mentionnés.
Il ressort d’ailleurs du document que la déportation n’a pas été exécutée par le SD ’mais par la Police de sûreté. Il y est dit en effet :
« En considération de la situation politique actuelle et, en particulier, dans l’industrie d’armement du pays, les mesures policières de sûreté devront être subordonnées dans une large mesure, à l’emploi de la main-d’œuvre en Allemagne.
Il n’est d’ailleurs question dans ce document que de mesures qui doivent être exécutées par la Police de sûreté.
Il ressort clairement d’un autre document à charge, PS-1573, que la compétence pour l’exécution des mesures contre les travailleurs étrangers appartenait à la Police d’État et que ces mesures étaient également exécutées par elle. Ce document porte la référence IV ; il est signé par Müller et simplement adressé aux services de la Police d’État. Le SD n’est même pas mentionné pour information dans ce document. Il eût dû être adressé cependant au SD également si, comme l’a prétendu l’Accusation, le SD avait été utilisé pour ces mesures.
En ce qui concerne les camps d’éducation par le travail, il ressort clairement du document de l’Accusation PS-1063 b, que la Police de sûreté était exclusivement compétente en cette matière. Il est dit dans ce document :
« Le Reichsführer SS a autorisé, en dehors des camps de concentraition qui sont subordonnés à l’Office principal d’administration et d’économie des SS, la création de camps d’éducation par le travail, pour lesquels la Police de sûreté est exclusivement compétente.
Le Ministère Public a présenté au cours de l’audience du 12 décembre IB45 un ordre secret de Hlitler en date du 20 février 1942 (PS-3040), concernant les travailleurs en provenance de l’Est et les mesures de coercition à employer contre eux. Il a prétendu que cet ordre avait été donné à des officiers de police du SD alors qu’il n’y en a jamais eu. Le SD n’avait pas d’officiers. Seule, la Police avait des officiers. Il ressort clairement et sans doute possible du contenu du document mentionné, que la Police secrète d’État était exclusivement compétente pour ces mesures.
Il est dit dans ce document :
« L’indiscipline, qui se manifeste également par le refus de travailler qui est contraire au devoir et par la négligence dans le travail, est exclusivement combattue par la Police d’Etat allemande. Les cas moins graves sont réglés par le chef du service de surveillance après avis des services directeurs de la Police d’Etat. Dans les cas graves, le service directeur de la Police d’Etat devra intervenir avec les moyens dont il dispose. »
En réponse à l’affidavit du Dr Wilhelm Höttl, présenté par l’Accusation (PS-2614), j’ai produit l’affidavit complémentaire SD-37, et l’affidavit Gahrmann, SD-38. D’autre part, afin de prouver que le SD n’a, d’aucune manière, pris part aux déportations, je me réfère tout d’abord à la déposition du témoin Ehlich devant la commission, ainsi qu’à l’affidavit SD-56 de Fromm et à l’affidavit SD-54 de Laube. L’affidavit Fromm, en particulier, contredit également le document de l’Accusation, L-61.
D’autre part, en ce qui concerne la France, le témoin Knochen a fait connaître que le SD n’avait pas pris part à l’a déportation. Il ressort d’autre part du document à charge PS-1063, que les camps d’éducation par le travail n’étaient pas non plus sous les ordres du SD, services III, VI ou VII. Il est dit expressément dans ce document qu’en matière de camps d’éducation par le travail, la Police de sûreté était exclusivement compétente. Je me réfère particulièrement à la déposition, devant la commission, du témoin Albath qui a confirmé ce fait. D’autre part, j’ai présenté 276 déclarations sous la foi du serment, dans lesquelles des membres du SD ont fait connaître que, au cours des années 1939 à 1945, dans les territoires alors occupés par l’Allemagne d’Alsace, de Russie, de Pologne, de France, de Belgique, d’Italie, de Yougoslavie, de Tchécoslovaquie, et dans l’ensemble du territoire du Reich, le SD n’a pas été utilisé pour la déportation en vue du travail forcé ainsi que pour la surveillance des camps de travail forcé.
En ce qui concerne les services VI et VII, je me réfère également aux déclarations sous la foi du serment de Schellenberg (SD-61) et de Dittel (SD-63), d’où 11 ressort que ces services, eux non plus, n’ont pas collaboré à la déportation et n’ont pas exercé la surveillance des travailleurs forcés.
On déclare d’autre part, dans l’exposé des charges contre les SS, sous le numéro III G, que des centres d’émigration seront installés pour procéder à l’évacuation, sous le contrôle des chefs de la Sipo et du SD et du chef du RSHA. Le Ministère Public s’appuie à ce sujet sur le document L-49, déclaration sous la foi du serment de Otto Hoffmann. Je me réfère enfin à la déposition du témoin Dr Ehlich et à l’affidavit Sandberger (SD-64).
Ordre concernant les commandos
Un autre reproche fait au SD d’avoir collaboré à l’exécution de l’ordre concernant les commandos, repose sur le fait que les organismes militaires ont employé par erreur l’abréviation SD, pour Police de sûreté. Je me réfère à ce propos à ce que j’ai déclaré au début de mes explications. C’est cette confusion permanente dans l’emploi des termes qui explique l’emploi de l’expression SD dans des documents et dans les interrogatoires de témoins, quoiqu’on n’ait pas voulu désigner, pari là, les services III et IV.
Cela vaut, tout d’abord, pour le document PS-498 (USA-501). Il résulte d’une façon irréfutable du schéma de répartition de ce document, que le terme SD ne désignait pas le service de renseignements (service Il ou VI), mais la Police de sûreté. D’après ce schéma de répartition, le Reichsführer SS, chef de la Police allemande, avait reçu simultanément, pour le service principal de la Poilce de sûreté, les seizième et dix-septième exemplaires. Les services III et VI ne sont pas mentionnés dans le plan de répartition. Si le SD de l’intérieur (service III) ou le SD de l’extérieur (service VI), avaient été compétents en la matière, cet ordre aurait dû être transmis également à ces deux services puisque, sans cela, ils ne pouvaient évidemment l’exécuter.
Le fait que ce n’était point le SD, service III ou service VI, qui était compétent pour l’exécution de cet ordre, mais bien la Police de sûreté, résulte de la lettre de Müller, en date du .17 juin 1944. document P.S-1.276 (USA-520), destinée au Haut Commandement de la Wehrmacht. Cette lettre concerne l’ordre de Hitler du 18 octobre 1942 et parle de son exécution. Dans cette lettre, il est dit entre autres :
« Il ne faut envisager la remise à la Police de sûreté que lorsque de tels membres de commandos de la Wehrmacht ne sont pas au combat... »
D’autre part il est question, au dernier alinéa, de mesures de la Police de sûreté. Il résulte de la référence IV et du fait que la lettre a été rédigée par Müller et non pas par l’un des chefs des services III et VI, .d’une façon irréfutable que ces mesures ont été exécutées par la Police de sûreté et non pas par les services III et VI.
Ce document est justement une preuve de la confusion constante dans l’emploi des termes SD et Police de sûreté. Cette lettre prouve d’une façon irréfutable que l’expression SD a été employée comme abréviation pour Police de sûreté. Quoique dans le texte de la lettre il ne soit employé que le terme « Police de sûreté » et qu’il soit dit expressément que les groupes de commandos doivent être remis à la Police de sûreté, et que les services de la Police de sûreté doivent collaborer aux interrogatoires auprès des unités de la Wehrmacht, la lettre contient une remarque manuscrite du rédacteur du Haut Commandement de la Wehrmacht : "... donc arrêtés par le SD ".
Une autre confusion dans l’emploi des ternies, habituelle dans les services de la Wehrmacht, est constituée par le fait que l’amiral Wagner, en parlant de l’incident de Trondhjem lors de son interrogatoire du 14 mai 1946 devant le Tribunal, ne cesse d’employer le terme SD.
Le même emploi erroné du terme SD se trouve dans le document de l’Accusation PS-532 (RF-361), lettre du Commandant en chef de la région Ouest, en date du 26 juin 1944, ainsi que d’ans les documents PS-531, PS-551, D-649, GB-26. PS-728, PS-735, D-774, D-780. Cet emploi erroné du terme SD est devenu, de toute évidence, si coutumier dans la Wehrmacht et dans les .autres services que Raeder, Keitel et Donitz eux-mêmes parlent de remises au SD, quoique le SD n’eût pas été compétent pour cette mesure.
Le Ministère Public s’est référé ensuite à l’ordonnance du 4 août 1942, document PS-B53 (USA--500). Cependant, il résulte de cette ordonnance, d’une façon irréfutable, que la Police de sûreté était compétente pour l’exécution de cet ordre. Dans cet ordre, il n’est pas dit qu’il fallait remettre les parachutistes au SD, mais il a été ordonné qu’ils devaient être remis aux services du chef de la Police de sûreté et du SD. Cela vaut également pour le document D-864 (GB-457), dans lequel il n’est question que du service compétent du commandant de la Police de sûreté et du SD. C’est tout à fait autre chose. Le chef de la Police de sûreté et du SD était en même temps chef du Service central de la sécurité du Reich, et dirigeait les services 1 à VII. Par conséquent, cette dénomination ne prouve pas que les services III et VI aient été compétents. Cependant, il résulte encore de l’ordonnance du 4 août 1942, qu’il ne pouvait s’agir ici que des services IV et V, c’est-à-dire de la Gestapo et de la Police criminelle, car il est dit sous le chiffre 11 :
« Dans toutes les régions où des services de la Police de sûreté et du SD existent en tant qu’organes d’exécution, la lutte contre des parachutistes isolés... »
Il faut remarquer ici les termes "en tant qu’organes d’exécution". Seules, la Gestapo et la Police criminelle étaient les services d’exécution compétents. Le SD n’était pas organe d’exécution.
L’audition des preuves devant les commissions a établi, de façon Irréfutable, que ces ordres ont été exécutés par la Police de sûreté même si, dans de nombreux documents, par suite de la confusion des termes, il est question du SD au lieu de la Police de sûreté. Je renvoie tout d’abord au document PS-526 (USA-502) du Ministère Public : l’affaire secrète de commandement du 10 mal 1943, dans lequel il est dit que l’ordre du FUhrer avait été exécuté par le SD. Le témoin Dr Hoffmann a déclaré sur ce point, le 27 juin 1946, devant la commission, que puisqu’il s’agissait d’une mesure d’exécution, il fallait entendre par SD « Police de sûreté », du fait que la Wehrmacht confond très souvent les deux termes. L’exactitude des déclarations du témoin Hoffmann est confirmée aussi par la déposition de l’accusé Jodl devant le Tribunal.
Le Ministère Public a présenté ensuite le document C-176 (GB-228). Il s’agit de l’opération de commando près de Bordeaux, à propos de laquelle on rapporte, à la page 713, que les deux Anglais prisonniers avalent été fusillés par ordre du Führer en présence d’un officier du SD. D’après la déposition du témoin Knochen, le terme SD signifiait ici agent de la Gestapo.
Le fait que la compétence pour l’exécution de l’ordre sur les commandos appartenait vraiment à la Police de sûreté et que, dans les ordres des 4 août 1942 et 19 octobre 1942, il fallait entendre par SD la Police de sûreté, résulte aussi de la déclaration formelle du Dr Mildner du 16 novembre 1945 (PS-2374). Mildner a affirmé, dans cette déclaration sous la foi du serment, que l’ordre avait été donné à la Wehrmacht de remettre tous les membres de groupes de commandos anglais et américains à la Police de sûreté. La Police de sûreté, dit-il, devait interroger ces hommes et les fusiller ensuite. Mildner a déclaré ensuite que l’ordonnance avait été transmise par le chef du service I, Müller, aux commandants et aux inspecteurs de la Police. Si le SD, service III ou service VI, avait été compétent, l’ordre eût été transmis aux services de ces organisations et non pas par le chef du service IV (Gestapo), mais par les chefs des services III et VI.
Je renvoie d’autre part à la déclaration sous la foi du serment de Walther Huppenkothen (affidavit Gestapo-39), ancien Regierungsdirektor du service IV E du RSHA, qui a déclaré, en parlant de l’accord intervenu entre le service IV et l’OKW au sujet du traitement des agents ennemis, que ces personnes devaient, en principe, être remises à la Gestapo et que, fréquemment, les services de la Wehrmacht avaient désigné de façon erronée la Gestapo par le terme SD.
Le Ministère Public prétend, en outre, que la protection de civils qui avaient lynché les aviateurs alliés faisait partie des buts et activités du SD. Pour cela, on a présenté les documents R-110, USA-333, PS-2990 et PS-745.
Le document de l’Accusation B-110 s’adresse uniquement à la Police et non pas au SD. D’après la déclaration formelle de Schellenberg en date du 18 novembre 194E (document PS-2990), l’accusé Kaltenbrunner a déclaré, dit-on, que tous les services du SD et de la Police de sûreté devaient être informés du fait qu’ils n’avaient pas à intervenir lors de pogroms organisés contre des aviateurs terroristes anglais et américains. A cet égard, Schellenberg a déclaré dans l’affidavit complémentaire SD-51 présenté par mes soins que, dans sa déclaration, Kaltenbrunner n’avait pas voulu parler du SD mais seulement de la Police de sûreté.
Il ne résulte pas non plus de la lettre du SD du secteur de Coblence, adressée à l’inspecteur de la Police de sûreté et du SD, que le SD ait eu la mission de favoriser la justice du lynch ou le SD, en quelque manière que ce soit, eût collaboré à ces mesures. La lettre contient uniquement l’information du SD du secteur de Coblence, selon laquelle l’OKW avait donné un ordre semblable à celui de Himmler et Bormann, et que cet ordre avait été distribué jusqu’aux chefs de compagnies en vue de sa communication aux troupes. On ne saurait, par conséquent, déduire de cette lettre que le SD a, de quelque façon que ce soit, collaboré à la justice du lynch ou qu’il l’a favorisée.
Je renvoie encore également au document PS-057, l’ordre de Bormann, qui, lui aussi, ne s’adresse qu’à la Police et aux organisations du Parti.
L’ordre de Kalitenbrunner du 5 avril 1944, PS-3855 (USA-80’6), provient du service IV, c’est-à-dire de la Gestapo.
Le témoin Hoeppner a déclaré le 1er août 1946 ; « Le SD n’avait pas reçu d’instructions de Himmler pour ne p’as intervenir à l’occasion de rencontres entre la population allemande et les aviateurs anglo-américains. Puisqu’il ne remplissait pas de fonctions de police, la question d’une intervention ne se posait même pas ». Il résulte des déclarations formelles de Schellenberg (affidavit SD-60) et de Dittel (affidavit SD-63), que les services VI et VII n’étaient pas non plus compétents pour l’exécution de l’ordre sur les commandos et qu’ils n’ont pas été employés à cette tâche.
J’ai présenté en outre 284 déclarations sous la foi du serment provenant de l’ensemble du territoire du Reich et concernant la période qui va de 1939 à 1945. Il en résulte que le SD n’a, en aucune façon, participé à l’exécution ou aux mauvais traitements infligés aux parachutistes alliés.
Le décret « Nuit et Brouillard ». — Un autre point de l’Accusation contre le SD est constitué par la participation à l’exécution du décret « Nuit et Brouillard ». La compétence pour l’exécution du décret « Nuit et Brouillard était partagée entre les services de la Wehrmacht et de la Police secrète d’Etat. Cela. résulte du document L-90. Les services de la Wehrmacht ont reçu l’ordre de condamner à mort tous les civils non allemands ayant commis des actions punissables au détriment du Reich et de la puissance occupante. Dans le cas, toutefois, où une telle punition ne pouvait pas intervenir, ces civils devaient être transportés en Allemagne par la Police secrète de campagne (paragraphe IV de la première ordonnance réglant l’exécution des directives, document 91) pour y être pris en charge par un service de la Gestapo. Je renvoie, en outre, à une ordonnance du commandement supérieur de la Wehrmacht du 2 février 1942 (L-90), référence « Az. Amt. Aus/Abw/Abt.Abw Il n° 570/1, 42 g (ZR/III C 2 »). Il en résulte que pour l’exécution du décret « Nuit et Brouillard", c’était l’Office principal de la sécurité du Reich (en la personne du Dr Fischer, directeur des services criminels) qui était compétent.
Il résulte du document de l’Accusation L-185, constitué par le plan de répartition du travail de l’Office principal de sécurité du Reich du 1er mars 1941, que c’était le Dr Fischer, directeur de la section des affaires criminelles à l’Amt IV, qui a établi le rapport IV E 3 — Abwehr West — .
L’exposé ci-dessus est confirmé par le deuxième document de l’Accusation, PS-833, du 2 février 1942, signé par Canaris, le chef du service de contre-espionnage de l’OKW. Ces directives prescrivent que les ressortissants de pays étrangers qui tombent sous l’e coup d’e l’ordonnance « Nuit et Brouillard » doivent être jugés par les conseils de guerre compétents dans les territoires occupés par l’Allemagne, dans le cas où : a) le jugement prononce la peine de mort ; b) le jugement est rendu dans les huit jours après l’arrestation.
Dans tous les autres cas, ce sont les services de contre-espionnage qui doivent fixer la date de l’arrestation. Les services de contre-espionnage doivent signaler les arrestations intervenues à l’Office principal de sécurité du Reich, aux soins du Dr Fischer, directeur des services criminels. L’Office principal de sécurité du Reich désigne un service de la Gestapo qui o’oit prendre en charge les détenus. Il résulte également des noms contenus dans le tableau de répartition, que les Ämter III, VI et VII n’ont rien à voir avec ce travail.
Il résulte également d’une façon indiscutable d’un autre document de l’Accusation, portant le numéro PS-668 et qui est constitué par la lettre du chef de la Police de sûreté et du SD, datée du 24 juin 1942, que c’est la Police secrète d’État qui est seule compétente. La lettre émane de l’Amt IV (rapport IV D 4). Si l’exécution de l’ordonnance « Nuit et Brouillard » avait été de la compétence du SD, cette lettre aurait dû provenir des Ämter III, VI ou VII.
Je renvoie en outre à la déposition du témoin Dr Ehlich devant la commission, et à celle du Dr Knochen. Tous les deux ont confirmé, d’une façon unanime, que le SD n’était pas compétent pour l’exécution de l’ordonnance « Nuit et Brouillard » et qu’il n’y a pas participé.
En ce qui concerne l’ordonnance du commandement supérieur de la Wehrmacht du 18 août 1944, signée par Keitel, on y indique, il est vrai, que les civils doivent être remis au -SD.. A ce sujet, je me réfère toutefois à l’affidavit Keitel SD-52.
La même observation s’impose pour l’ordonnance de Westerkamp du 13 septembre 1944. Ici également il ne peut être question que de la Gestapo.
Dans le document D-762 (GB-892), le SD n’est pas mentionné sous le chiffre 1 : il y est, uniquement question de la Wehrmacht, des SS et de la Police. Le texte sous chiffre est inexact. Au lieu de « du plus proche service local de la Police de sûreté et du SD », il aurait fallu dire : « du chef de la Police de sûreté et du SD ».
Dans le document D-764 (GB-299), on indique à juste titre « service de la Police de sûreté et du SD » sous le chiffre 4. En parlant, sous le chiffre 5 a, du SD, il résulte par conséquent clairement du contexte qu’on a uniquement en vue le service de la Police compétent.
On peut constater en outre, en consultant le tableau de distribution, que le SD n’a même pas été avisé en l’espèce. On a établi le document D-764 en onze expéditions : les dix premières expéditions ont été transmises aux commandants en chef da la Wehrmacht, et c’est le service de la Police secrète d’Etat qui a reçu la onzième. Si le SD avait été compétent, il aurait fallu lui signifier cette ordonnance.
A propos des ordonnances signées par Keitel, dans lesquelles on mentionne qu’il fallait remettre certaines personnes au SD, je renvoie aux déclarations de Keitel, lors de l’audience du 11 avril 1946, d’après lesquelles la désignation « SD » a été employée par erreur à la place de « Police ».
J’ai présenté en outre 270 déclarations sous la foi du serment, d’où il résulte que dans les territoires occupés de Pologne, de Yougoslavie, de Lettonie, la Tchécoslovaquie, de Russie, de Lorraine, de Belgique, d’Eupen et Malmédy, de même que dans les régions suivantes de l’Allemagne : Munich, Haute-Bavière, Provinces rhénanes, la Styrie, la Thuringe, le pays des Sudètes, la Haute-Silésie, le Tyrol, la Saxe, le Grand-Duché de Bade, l’Allemagne centrale, la Westphalie, la Prusse Orientale, la Hesse, la Moselle, le Holstein, la Souabe, la Prusse Occidentale, le SD n’avait rien à voir à l’exécution de l’ordonnance « Nuit et Brouillard ». Ces déclarations comprennent la période de 1941 à 1945.
Il résulte des déclarations faites sous la foi du serment par Schellenberg (affidavit SID-61) et par Dittel (affidavit SD-63), que même les Ämter VI et VII n’étaient pas compétents pour l’exécution d’e l’ordonnance « Nuit et Brouillard ». (Chapitre VI H de l’exposé des charges anglais contre la Gestapo et le SD).
Procédure sommaire
Le SD n’était pas non plus compétent pour l’exécution de la procédure sommaire. Ici, j’attire l’attention sur la contradiction suivante : dans le titre de l’alinéa VI H, le Ministère Public prétend que le SD a arrêté, jugé et puni des ressortissants de pays occupés suivant une procédure sommaire. Il est exposé dans cet alinéa que cette procédure pénale spéciale était appliquée par la Police.
Tous les documents produits ne concernent que la Police secrète d’État (Gestapo). Je rappelle à ce sujet les comptes rendus allemands d’audience (audience du 2 janvier 1946), où il n’est question que de tribunaux de la Police et de cours martiales de la Gestapo.
La seule compétence de la Police ressort également des documents produits par le Ministère Public. Le document PS-654 reproduit simplement la substance d’un entretien préliminaire entre Thierack et Himmler sur l’intention de transférer les procédures intentées contre des Juifs, des Polonais, des Tziganes, des Russes et des Ukrainiens, des tribunaux réguliers à des tribunaux du Reichsführer SS. L’autre document, L-316, du Ministère Public, publié par le Service central de la sécurité du Reich RSHA II, le 5 novembre 1942, contient seulement l’annonce que ces procédures doivent être transférées de la Justice à la Police.
Les procédures criminelles contre les Juifs sont transférées de la Justice à la Police. Je rappelle, à ce sujet, le document SD-56 que j’ai déposé. En ce qui concerne les procédures contre les Polonais, les Tziganes, les Russes et Ukrainiens, il n’a pas été ordonné qu’ils ne soient pas jugés par la Justice, mais par la Police. Cela ressort également de la déposition du témoin Lammers devant le Tribunal (audience du 9 avril 1946).
Le fait que le SD n’avait pratiquement rien à faire avec le jugement de ces personnes ressort de la lettre du Premier président de la cour d’Appel et du Procureur général de Katowice, du 3 décembre 1941, au ministre de la Justice du Reich (document PS-674). Dans ce rapport, il est signalé que 350 membres d’une organisation de haute trahison ont été pendus par la Police en vertu d’une ordonnance du directeur de la Police d’État à Katowice.
Je rappelle également, la réponse à la question n° 5 de la déclaration faite sous la foi du serment par Mildner, le 29 mars 1946 (audience du 11 avril 1946). Mildner y a déclaré que ces sanctions et ces exécutions avaient été décrétées par Himmler et transmises par Kaltenbrunner et Müller aux commandants de » camps de concentration.
Le témoin Hoeppner a déclaré le 1er’ août 1946 devant le Tribunal, qu’il n’était pas du ressort du SD de former des cours martiales.
Il ressort également des déclarations faites sous la foi du serment par Schellenberg et Dittel (affidavits SD-61 et SD-63), que les Ämter VI et VII n’étaient pas compétents pour l’application de la procédure sommaire.
J’ai en outre, pour la période de 1939 à 1945, présenté 209 déclarations faites sous la foi du serment, relatives au RSH, Amt III, pour une quantité de territoires du Reich ainsi que de territoires occupés de Russie, de Tchécoslovaquie, d’Italie et de Pologne, d’où il ressort que le SD n’a jamais participé en aucune manière à des procédures spéciales sommaires pour le jugement et l’exécution de ressortissants de pays occupés.
Responsabilité familiale
Comme preuve de l’affirmation que le SD a exécuté ou interné dans un camp de concentration des personnes pour des crimes dont leurs parents s’étaient, dit-on, rendus coupables, le Ministère Public s’est référé au document L-37 (USA-506). De la référence de ce document : « IVB/b — 5/44 GRS-, il résulte, de façon irréfutable, que cette affaire fut perpétrée par la Gestapo. Le document suivant de l’Accusation, L-215, qui est l’acte original de la déportation de ressortissants luxembourgeois au cours de l’année 1944, établit la preuve que ce fut l’œuvre de la Police’ secrète d’État. Je renvoie à la référence IV des différentes lettres. De plus, ce recueil renferme différentes lettres des services de la Police d’État IV. Aucune des lettres établissant la participation du SD ne se trouve dans le recueil.
Le témoin Hoeppner a déclaré, le 1er août 1946, que le SD n’avait rien à voir avec la responsabilité familiale. De plus, je renvoie à la déclaration sous la foi du serment de Fromm (affidavit SD-56), qui a déclaré que le SD, Ämter III et VI, n’avait rien à voir avec les mesures dont il est question dans le document de l’Accusation L-37.
D’autre part, Schellenberg et Dittel ont indiqué dans leurs déclarations sous la toi du serment (affidavits SD-61 et SD-63) que les Ämter VI et VII n’avaient pas participé aux mesures concernant la responsabilité familiale.
Je me réfère encore aux 210 déclarations sous la foi du serment qui m’ont été remises, d’où il ressort que dans les pays anciennement occupés par les Allemands de 1939 à 1945 : Russie, Italie, Tchécoslovaquie, Yougoslavie, Pologne, le SD n’a jamais pris part à de telles mesures.
Exécution de prisonniers dans les prisons de la Sipo et du SD à Radom
A cet effet, le Ministère Public a présenté le document L-53, une lettre du commandant de la Police de sûreté et du SD à Radom, en date du 21 juillet 1944. Il ressort également du numéro d’ordre de cette lettre qu’il s’agissait ici purement d’une affaire de la Gestapo.
Je renvoie aussi à la déclaration faite sous la foi du serment par Fromm (affidavit SD-56), qui a déclaré que le SD ne possédait pas de prisons dans le Gouvernement Général, qu’il fallait entendre par prisons de la Sipo et du 9D les prisons de la Gestapo, et que l’affaire mentionnée dans le document L-53 n’avait pas été élaborée par le SD.
Le fait qu’il n’y a pas eu de prisons du SD est confirmé aussi par la déposition d’Ehlich devant la commission.
Je renvoie en outre à la déclaration du Dr Laube, qui a annoncé que le SD n’a jamais créé ni entretenu de prisons ou d’établissements pénitentiaires. Le Dr Laube a aussi particulièrement confirmé ce fait pour la France. Les déclarations du Dr Laube, dans la mesure où elles se rapportent à la France, sont confirmées par la déclaration faite sous la foi du serment par Wolibrandt (SD-14). Pour Minsk, cela a été confirmé par Gerty Breiter (SD-69).
Il ressort des déclarations faites par Schellenberg (SD-61) et Dittel (SD-63) que les Ämter VI et VII n’étaient pas non plus compétents en la matière.
D’autre part, j’ai déposé pour l’ensemble du Reich, la Russie, la Pologne et la Tchécoslovaquie, pour la période de 1939 à 1945, cent quatre-vingt-neuf déclarations faites sous la foi du serment, dans lesquelles il est dit qu’aucune instruction n’avait été donnée par la Gestapo ou à la Gestapo d’avoir à exécuter des prisonniers dans les prisons pour les soustraire à la libération par les troupes alliées et que le SD n’a’ jamais participé à de telles actions.
D’autre part, j’ai présenté pour la période de 1935 à 1945, la liste de vingt-deux déclarations faites sous la foi du serment, d’où il ressort que le SD n’a, à aucun moment ou en ’aucun lieu, procédé à des. arrestations et qu’il n’y a jamais eu ni prisons, ni détenus du SD dans les territoires occupés de Russie, Eupen-Malmédy, Italie, Belgique, Lettonie, ainsi que dans les territoires de Brunswick, Hanovre du Sud, Aix-la-Chapelle, Prusse Occidentale, Prusse Orientale, Bavière, Sarre, Palattoat, Province rhénane, Wurtemberg, Vienne, Haut-Danube, Styrie, Tyrol et Pays des Sudètes.
Réquisition forcée
Il ressort, sans conteste, du document PS-1015, que l’Etat-Major spécial Rosenberg était compétent pour la réquisition des biens publics et privés dans tous les territoires occupés.
Le Ministère Public s’est appuyé sur les documents R-101, PS-071 et PS-2620. Il ressort du document R-101 que la réquisition était ordonnée et exécutée par le service principal de commission pour l’Est. On ne trouve, dans le document PS-2620 concernant les Einsatzgruppen A, B, C, D et les Einsatzkommandos, aucun point permettant d’affirmer que les Amter III ou VI aient procédé à quelque réquisition que ce soit de biens publics ou privés.
Il apparaît, à la lecture du document PS-071, que la réquisition d’objets d’art devait être effectuée par la Police. Il est expressément question de la « réquisition effectuée par la Police ». Il est dit plus loin que les documents et les œuvres historiques sont réclamés par la « Police ». Il est, d’autre part, question du matériel que la Police a réquisitionné de plein droit pour l’exécution de ses tâchés policières et politiques. Ce document ne constitue à nouveau que la preuve du fait que sous le mot -SD », il faut entendre la Police, car il est dit que les réquisitions étaient effectuées par le SD ou la Police. Il ressort de ce qui suit que les réquisitions n’ont été effectuées que par la Police. Si donc il est question du SD dans ces documents, cela ne peut vouloir désigner que la Police.
Il ressort déjà du matériel de preuves produit par le Ministère Public que le SD n’a pas pris part à ces activités qualifiées coupables par l’Accusation. Je me réfère d’autre part à la déposition du témoin Dr Rössner.
D’autre part, le témoin Franz Straub pour la Belgique, et le témoin Knochen pour la France, ont fait connaître que la réquisition de trésors artistiques n’a pas été effectuée par le SD.
D’autre part, je me réfère à la déclaration sous la foi du serment de Klauke (SD-15), qui a fait connaître que l’Amt III n’a jamais réquisitionné de biens appartenant, à des Juifs, des communistes, des francs-maçons ou autres adversaires politiques. De plus, Kutter a déclaré sous la foi du serment (SD-20) qu’il était absolument interdit au SD d’entreprendre sur le territoire du Reich des mesures d’exécution quelles qu’elles fussent, parmi lesquelles comptent également les réquisitions.
En ce qui concerne les Ämter VI et VII, Schellenberg (SD-61) et Dittel (SD-63) ont déclaré que ces deux services n’avaient, eux non plus, exécuté aucune réquisition de biens publics et privés.
J’ai, d’autre part, présenté 495 déclarations sous la foi du serment d’où il ressort que, de 1934 à 1945, le SD n’a pas été utilisé dans tout le territoire allemand ainsi que dans les territoires, occupés d’Alsace, de France, de Russie, d’Eupen et Malmédy, de Pologne, d’Italie, de Lorraine, du Luxembourg et de Tchécoslovaquie, pour la réquisition et la répartition de biens publics et privés.
Interrogatoire du troisième degré
Le SD n’était pas non plus compétent pour les interrogatoires du troisième degré.
Afin de prouver cette affirmation, l’Accusation s’est référée au document PS-1531, Il ressort des déclarations et des documents qui me sont soumis que le SD n’avait pas de pouvoirs d’exécution et, par conséquent, ne pouvait pas procéder à des interrogatoires, même pas à des interrogatoires du troisième degré. Il ressort des documents de l’Accusation PS-1531 et L-89 que, seule, la Police d’Etat était compétente pour procéder à des interrogatoires approfondis. Les dispositions contenues dans le document PS-1531, des 26 octobre 1939 et 12 juin 1942, portent la référence IV et sont signées par Müller. Les Ämter III, VI et VII ne sont même pas mentionnés pour information dans cette lettre. De même, la lettre du commandant de la Police de sûreté et du SD pour le district de Radom, du 24 février 1944, émane de l’Amt IV A. Les ordres contenus dans cette note sur la pratique des interrogatoires plus serrés, sont simplement adressés à la Police de sûreté du Gouvernement Général, ainsi qu’il est expressément mentionné dans le texte même de la note. En outre, il est expressément ordonné, dans cette note, que la pratique et l’étendue des interrogatoires serrés seront de la compétence des chefs des services IV et V, par conséquent de la Police d’Etat et de la Police criminelle.
Le témoin Hoeppner a déclaré que le SD ne procédait jamais à des interrogatoires. Il ne pouvait, par conséquent, entreprendre des interrogatoires du troisième degré.
Il ressort de la déclaration sous la foi du serment de Kutter (SD-20), qu’il était, par principe, défendu à tous les membres du SD de procéder sur le territoire du Reich à n’importe quel interrogatoire. Pour la France, je renvoie au procès-verbal de l’interrogatoire du témoin Knochen, qui a déclaré que le SD en France n’avait pas le droit d’interroger. Schellenberg et Dittel ont déclaré, dans les affidavits SD-61 et SD-C3, que même les Ämter VI et VII n’avaient pas le droit de procéder à des interrogatoires quelconques.
D’autre part, j’ai présenté une liste de soixante-seize déclarations, faites sous la foi du serment, pour la période de 1934 à 1945, concernant le territoire allemand, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et la Russie, dont il ressort que le SD n’a procédé à aucune sorte d’interrogatoire, par conséquent à aucun Interrogatoire du troisième degré.
Pouvez-vous dire au Tribunal ce qu’à votre avis le SD avait à voir avec les camps de concentration ?
Monsieur le Président, le SD n’avait rien à voir avec les camps de concentration. Il faut faire une distinction entre l’internement dans un camp de concentration en vertu d’un ordre de détention de protection donné par la Gestapo et auquel le SD restait étranger, et l’administration des camps de concentration. Ces derniers dépendaient du service principal de l’économie et de l’administration de l’Obergruppenführer Pohl. C’était une organisation indépendante du RSHA. Lorsque la Gestapo avait lancé l’ordre d’internement, l’interné dépendait à ce moment du service principal de l’économie et de l’administration. Ce service, comme le RSHA, relevait directement de Himmler.
Vous dites donc que le RSHA, l’organisation de Pohl et les Einsatzgruppen étaient complètement indépendants les uns des autres et dépendaient de Himmler ? C’est bien cela ?
Oui.
Et comment s’appelait l’organisation de Pohl ?
Service principal de l’économie et de l’administration.
De l’économie et ?
Service principal de l’économie et de l’administration. La voie hiérarchique dans les camps de concentration était la suivante : Himmler, Pohl et les commandants des camps de concentration.
Et vous prétendez qu’aucun fonctionnaire des SS, du SD, de la Gestapo ou de la Sipo n’a été affecté au service principal de l’économie et de l’administration ?
Il n’y avait pas d’hommes du SD à ce service, tout au moins appartenant aux Ämter III et VI. Si je suis bien renseigné, quelques membres de la Gestapo...
Personne ne travaillait dans les camps de concentration avec un brassard du SD ?
Je ne puis le dire avec exactitude, Monsieur le Président. Je le crois, mais ne puis l’affirmer.
Vous vous souviendrez qu’un nombre imposant de preuves a été produit sur le fait que des gens du SD travaillaient dans les camps de concentration. Et le Tribunal aimerait avoir votre opinion sur ces preuves.
Je me rappelle simplement, Monsieur le Président, les déclarations du témoin Milch. Il a déclaré, si mes souvenirs sont exacts, que le commandant appartenait au SD. Ce ne peut être qu’une erreur, car les Ämter III et VI n’avaient rien à voir avec cela. Il est possible que les gens des camps de concentration aient appartenu à la formation spéciale SD des SS. Je ne puis répondre à votre question en toute certitude, Monsieur le Président. Je puis seulement...
Qu’était-ce que cette formation spéciale des SS appelée SD ?
C’étaient tous les membres du RSHA, des sept Ämter : Amt I, Amt II, Amt III (service de renseignements à l’intérieur), Amt IV (Gestapo), Amt V (Kripo), Amt VI (service de renseignements à l’étranger), et Amt VII. Ces membres, qui appartenaient aux SS ou étaient sur le point d’y entrer, ont été rassemblés dans la formation SD des SS, afin de n’avoir aucune prestation de service à fournir dans les sections locales des SS.
Si je vous comprends bien, vous dites que des membres des SS, désignés sous le nom de SD, faisaient partie des services du RSHA ?
Dans la mesure où ils étaient membres des SS. Quand un fonctionnaire de la Gestapo était membre des SS, il appartenait à la formation spéciale SD des SS.
Continuez, je vous prie.
Monsieur le Président, il me faut encore ajouter quelque chose : à l’étranger et dans les territoires de l’Est, tous les membres de la Police de sûreté, même s’ils n’étaient pas membres des SS, portaient l’uniforme SS avec l’insigne du SD.
J’en arrive maintenant aux crimes contre l’Humanité et à la persécution des Juifs (chapitre VII de l’exposé des charges anglais contre la Gestapo et le SD).
La poursuite pénale contre des particuliers à cause de crimes contre l’Humanité était jusqu’ici inconnue en Droit international. On reconnaissait uniquement que la violation des principes d’Humanité par un État autorisait d’autres États à intervenir. Je cite ici comme exemple les interventions de l’Angleterre, de la France et de la Russie contre la Turquie en 1827, contre les États balkaniques en 1878, et l’intervention provoquée par les atrocités commises en Arménie et en Crète dans les années 1891 et 1896. (Fenwick : International Law, 1924, pages 154 et suivantes).
Ce droit d’intervention pour des crimes commis contre l’Humanité n’était pas reconnu d’une manière générale. C’est ainsi que, par exemple, Oppenheim (International Law, tome I, pages 229 à 237), considère comme contestable une intervention pour mettre fin, en temps de guerre comme en temps de paix, à des persécutions religieuses et à des atrocités, dans l’intérêt de l’Humanité. D’après Oppenheim, il faut considérer comme une règle que si les interventions dans l’intérêt de l’Humanité sont admissibles, elles devraient cependant avoir lieu sous une forme collective. Étant donné le principe général du Droit international selon lequel seuls les États sont des sujets de Droit international, cette intervention ne se dirigeait que contre l’État sur le territoire duquel les crimes contre l’Humanité avaient été commis.
Le Statut apporte maintenant quelque chose d’absolument nouveau lorsqu’il ordonne la poursuite pénale de particuliers, du fait de crimes contre l’Humanité. Mais d’après l’article 6 c du Statut, la persécution pour des raisons politiques, raciales ou religieuses ne constitue pas une infraction indépendante. Il est, au contraire, nécessaire que cette persécution ait lieu en exécution d’un crime ou en connexion avec un crime pour lequel le Tribunal est compétent. Il ne suffit donc pas que le Ministère Public affirme, à la page 53 de l’exposé des charges contre la Gestapo et le SD, que l’une des fonctions du SD a été d’apporter à la Gestapo des renseignements sur les Juifs. Il est au contraire nécessaire que l’on établisse dans quel but ces renseignements ont été donnés.
En ce qui concerne l’étude des questions juives par le SD, on a entendu devant la commission les témoins Wisliceny et le Dr Ehlich. Wisliceny a déclaré que l’Amt III du Service principal de la sécurité du Reich n’a pas eu de section des affaires juives. Il y a eu au SD, de 1936 à 1939, dans la division centrale II-1 une section juive. Cette section des affaires juives n’avait pas pour but de préparer l’extermination des Juifs. Le Dr Ehlich a déclaré, en outre, que même à l’Amt III il n’y a pas eu de section qui se soit chargée de l’étude des questions juives, pas même l’Amt III B 3. L’ordonnance définissant les attributions de l’Amt III et les attributions de l’Amt IV avait établi que toutes les questions juives ne devaient être réglées que par l’Amt IV.
En outre, j’attire votre attention sur les déclarations SD-27, SD-16 et SD-17. Pour les Âmter VI et VII, Schellenberg (SD-61) et Dittel (SD-63) ont déclaré que même ces bureaux n’avaient rien à voir avec la persécution des Juifs. En outre il y a 259 déclarations d’anciens membres du SD pour tout le territoire du Reich et pour la période de 1933 à 1945.
Un instant. Ces affidavits sur lesquels vous vous appuyez ont-ils été traduits ?
Non, Monsieur le Président. Seul le résumé a été traduit.
Cependant, quelques-uns de vos affidavits ont été traduits ?
Oui, quelques-uns sont traduits. Mais ces 259 ne le sont pas. Ils sont contenus dans mon résumé SD-70.
Pour une participation du SD à la persécution des Juifs en 1939, le Ministère Public a produit trois télétypes relatifs à des mesures antisémites du 10 novembre 1938 (document PS-305). A ce sujet, je vous renvoie aux dépositions SD-27, SD-16 et SD-53, que j’ai présentées et d’où il résulte que le SD n’a aucunement participé au pogrom de novembre 1938. Je vous renvoie, en outre, aux 107 déclarations faites sous la foi du serment et provenant de tout le territoire du Reich, d’où il ressort que le SD n’a pas participé au pogrom.
Si l’affidavit Gestapo-14 mentionne que les membres du service du SD de Magdebourg ont été arrêtés, punis et envoyés dans un camp de concentration pour avoir participé aux excès, cela signifie que : 1. le SD n’avait pas reçu d’ordres pour prendre part au pogrom, et 2. que là où cela s’est produit, des sanctions ont été prises contre les membres du SD qui y avaient participé.
L’exposé des preuves n’a pas non plus établi que le SD, les Ämter III et VI du Service principal de la sécurité du Reich, aient participé à l’anéantissement de millions de Juifs. Toutes les affaires juives étaient réglées par l’Amt IV et, pour préciser, par la section Eichmann. Eichmann appartenait à l’Amt IV et il était le directeur de la section IV B 4. Cela résulte des plans de répartition du travail du Service principal de la sécurité du Reich du 1er janvier 1941 et du 1er octobre 1942, document L-185 et document L-219 qui ont été présentés par le Ministère Public. La voie hiérarchique pour l’assassinat en masse des Juifs passait par Hitler, Himmler, Müller, Eichmann. Nul témoignage ne permet de dire que les Ämter III, VI et VII ou les services ce ces bureaux aient participé à l’anéantissement des Juifs. Je vous renvoie, à ce sujet, aux déclarations de Wisliceny en particulier, d’où il résulte qu’aucun lien n’existait entre la section Eichmann et les Ämter III, VI et VII, et au procès-verbal du Dr Hoffmann. Hoffmann déclare que l’Amt IV était compétent pour la déportation et qu’Eichmann était chargé de la responsabilité d’apporter une solution définitive à la question juive.
Il en était de même dans les territoires occupés où toutes les affaires juives étaient traitées par l’Amt IV, section Eichmann. Du document RF-1210 présenté par le Ministère Public, il résulte (référence IV J) que les questions juives en France ont été traitées par un service de l’Amt IV. Ce fait est confirmé par les déclarations du témoin Knochen et par la déposition Laube (SD-54) que j’ai présentée. Il en résulte, en particulier, que le Hauptsturmführer Dannecker envoyé en France par Eichmann, appartenait en même temps à l’Amt IV et recevait directement ses instructions d’Eich-mann. Mais il n’existait aucun lien entre les Ämter III et VI et la section Eichmann.
Le témoin Dr Hoffmann a déclaré dans son témoignage sur le Danemark et la Hollande que la déportation des Juifs de ces territoires avait été préparée par le seul service Eichmann.
En outre, Wisliceny a fait, devant ce Tribunal, le 3 janvier 1946, des déclarations étendues d’où il ressort que la déportation des Juifs des pays balkaniques a été poursuivie par la section Eichmann.
La procédure n’a démontré en aucune façon que le SD Amt III, VI ou VII eût soutenu d’une manière quelconque le service Eichmann.
Un instant. Ce service Eichmann est encore une organisation directement responsable devant Himmler ? Vous nous avez indiqué le RSHA, l’organisation Pohl, et une troisième dont j’ai oublié le nom... oui, les Einsatzgruppen. Ce sont trois organisations qui étaient en dehors des SS, du SD ou des SA. Vous nous en nommez une nouvelle : le service Eichmann.
La situation juridique est différente de ce qu’elle était pour les trois autres. Quoi qu’il en soit, Eichmann était à l’Amt IV. Il est peut-être préférable que mon confrère le Dr Merkel réponde à la question. Je ne voudrais pas prévenir les intentions de mon confrère le Dr Merkel, défenseur de la Gestapo. Eichmann avait un service à l’Amt IV de la Gestapo.
Continuez, je vous prie.
Il est toutefois exact qu’Eichmann et une série d’autres personnes qui ont travaillé dans sa section à l’Amt IV ont auparavant exercé une activité dans le SD. Wisliceny a déclaré à ce sujet devant le Tribunal que ces personnes ont été, en partie, affectées à l’Amt IV, mais qu’elles ont été aussi en partie mutées. Elles recevaient leurs ordres de l’Amt IV exclusivement. Le témoin Hoffmann a déclaré qu’Eichmann avait été muté du SD à la Gestapo.
Le fait que des personnes aient été employées au SD avant d’avoir exercé leur activité dans la section Eiehmann ne devrait, en aucune façon, permettre de déclarer que le SD est une organisation criminelle. Par leur prise en charge, mais déjà aussi par leur affectation à l’Amt IV, ces personnes étaient complètement détachées de l’activité du SD.
La question décisive est de savoir si l’anéantissement des Juifs faisait partie des buts et des attributions des Amter III, VI ou VII. Le fait, justement, que ces personnes quittaient leur activité au SD et qu’elles étaient prises à l’Amt IV, amène à la conclusion logique que cette activité n’appartenait pas aux buts et aux attributions du SD. Du reste, il s’ajoute encore à cela que la plus grande partie du personnel des Amter III, VI et VII ignorait que des personnes qui étaient auparavant en activité dans le SD étaient dorénavant employées à travailler à la solution définitive de la question juive à l’Amt IV.
J’en viens maintenant aux persécutions contre l’Église.
L’Accusation a rapporté, en outre, que la Gestapo et le SD étaient les organismes dirigeants de la persécution de l’Église, que, par le truchement d’un simulacre de procédure, le SD avait poursuivi des buts cachés à rencontre des Églises, que le SD avait collaboré avec la Gestapo, que le SD avait traité l’Église en tenant compte de son hostilité à l’égard de l’État nazi, que la persécution de l’Église avait été un des desseins fondamentaux du SD. (Audience du 3 janvier 1946).
A mon avis, ces affirmations générales ne sauraient suffire pour déclarer le SD criminel à cause de la persécution de l’Église. L’article 6 c du Statut ne parle pas de persécution de Église mais de persécution pour des raisons religieuses.
Les documents présentés par le Ministère Public, qui ne contiennent que des affirmations d’ordre général, ne sauraient prouver que les Églises ont été persécutées. Il aurait fallu établir que ces persécutions avaient lieu pour des raisons religieuses.
En outre, la notion de persécution nécessite une explication. On ne saurait comprendre par là toute mesure prise par l’État contre les adeptes des religions. On s’écarte en l’occurrence bien davantage de la conception des droits de l’homme. Le Statut ne définit pas ce qu’il faut entendre par violation des droits de l’homme du fait de la religion. Un certain nombre d’auteurs de Droit international, par exemple : Bluntschli, Martens, Bonfils et autres, entendent par là le droit à l’existence, le droit à la défense de l’honneur, de la vie, de la santé, de la liberté, de la propriété et du libre exercice de la religion. Je renvoie à ce propos à Oppenheim, International Law,, tome I, page 461. Seule une violation...
Prétendez-vous que l’Allemagne avait le droit, en dehors de s’es frontières, de traiter les Églises locales comme elle l’entendait, par exemple en Russie, dans l’Union Soviétique ? Prétendez-vous que l’Allemagne pouvait traiter l’Église et la propriété de l’Église comme bon lui semblait, même si ces faits étaient contraires au Droit international ?
Il faut distinguer entre les conditions qui existaient en Allemagne et les conditions qui existaient à l’étranger. A l’étranger, valaient les principes généraux du Droit international. Mes explications portent sur les conditions existant en. Allemagne. On a reproché au SD, en particulier dans le document PS-1815, qui émane d’Aix-la-Chapelle, la persécution des Églises en Allemagne. Il faut, à mon avis, faire une distinction très nette, et ce que je disais ne concernait que les conditions qui régnaient en Allemagne. Seule, une violation de ce droit pour des raisons religieuses pourrait tomber sous le coup de cette prescription pénale.
L’administration des preuves a donné les résultats suivants relativement à ce point de l’Accusation : Le témoin Rössner a déclaré que, depuis la création d’e l’Amt III, aucune question confessionnelle mais uniquement des questions d’ordre général concernant la vie religieuse ont été étudiées. On tenait compte des courants religieux, des desiderata et des besoins de toutes les classes de la population, sans porter de jugement sur les ’convictions religieuses dans : le sens de persécution de l’Église et sans provoquer ou encourager des mesures de police. Le témoin a également déclaré tout particulièrement que le SD n’avait pas eu recours à un simulacre de procédure en ce qui concerne la persécution de l’Église. Le témoin Dr Best, un témoin de la Gestapo, a déclaré que le règlement par la Police de cas isolés intéressant des ecclésiastiques entrait dans les attributions de la Police d’État. D’après les déclarations du témoin Rössner, le décret du 12 mai 1941 prescrivant que les questions concernant l’Église passaient entièrement de l’Amt III à l’Amt IV, n’était que la consécration d’un état de fait existant depuis longtemps.
Pour la période antérieure à 1939, je me réfère aux déclarations sous la foi du serment de Fromm (affidavit SD-19) et, en particulier, au document SD-66 de Théo Gahmann. Je fais remarquer, en outre, à ce sujet, que le recueil de documents britanniques H qui traite des questions de persécution de l’Église ne renferme aucune espèce de charge à rencontre. du SD. Les documents D-75, D’-lOl, D^-145, PS-848, PS-1164, PS-1481, PS-1521, étaient de nature strictement policière.
Continuez, je vous prie.
Le Ministère Public a présenté le document PS-1815. Avant tout, 11 y a lieu de prendre en considération que ce document ne rapporte qu’un événement purement local du ressort du bureau de la Police d’Etat d’Aix-la-Chapelle. Il n’existe pas de point de repère suffisant permettant de conclure que ces événements d’Aix-la-Chapelle se sont généralisés à l’intérieur du Reich. Tous les faits exposés dans ce document proviennent du bureau de Police d’Etat local d’Aix-la-Chapelle ou de l’Amt IV à Berlin. Ce recueil ne contient aucun document en provenance ou à destination du SD. Ce fait suffit à démentir une collaboration entre le SD et la Gestapo, car cet événement Important aurait tait naître des textes quelconques donnant des ordres et des Instructions au SD. Le document ne contient absolument pas de textes, de ce genre. Le fait que des membres du SD ont été mutés Individuellement dans l’Amt IV pour y être chargés de la question de l’Eglise prouve la délimitation des tâches. Le décret du 12 mai 1941, contenu dans le document 1815 (cf-déclaration Rössner), et l’incident mentionné à la page 24 du dit document d’après lequel, en août 1941, c’est-à-dire après la mainmise opérée par la Gestapo sur le SD, l’ordre aurait été donné à de nombreux bureaux de la Police d’Etat de mener à bien la création d’un service d’informations approprié, démontrant clairement que le SD Amt III n’avait pas à s’immiscer dans les questions des Eglises, que le service d’informations transmis par le SD à la Gestapo était inutilisable pour des tâches de police au sens de la persécution de l’Eglise et que, avant comme après cette date, le SD n’a jamais servi d’auxiliaire à la Gestapo.
J’ai présenté, en outre, 259 déclarations sous la fol du serment, émanant de membres du SD de toutes les parties du Reich, et concernant la période de 1935 à 1945, d’où il ressort que le SD n’a pas persécuté les Eglises.
Je crois avoir démontré que la condamnation collective prononcée par l’Accusation contre l’ensemble des membres des Ämter III et VI n’est pas justifiée par les misions et l’activité des Ämter III et VI.
Toutefois, si malgré mes déclarations le Tribunal en vient à prononcer la condamnation du SD, il y aura lieu, eu égard à la loi n° 10, de délimiter avec exactitude le nombre des personnes atteintes par la condamnation. La désignation générale « SD » ne peut suffire, étant donné la diversité de la signification de ce mot. Il y a lieu de préciser si les personnes suivantes seront atteintes par la décision :
1. Seuls les membres des Ämter III et VI et VI fondes en septembre 1939, ou bien aussi ceux appartenant au Département central II/I du service principal du SD ;
2. Seuls les membres actifs ou bien les membres honoraires ;
3. Parmi les membres honoraires, seuls les collaborateurs ou bien également les hommes de confiance ;
4. Parmi les hommes de confiance, seuls ceux qui étaient toujours présents ou bien également ceux qui fournissaient des rapports occasionnels ;
5. Également le personnel technique, employés de bureaux, chauffeurs, téléphonistes, etc.
Messieurs les juges ! Votre décision sera une pierre angulaire dans l’histoire du Droit. Elle pourrait être aussi une pierre angulaire dans l’histoire de l’Humanité !
Les efforts des peuples tendent vers la paix. Les hommes politiques qui font autorité, aussi bien qu’a les représentants de la science juridique sont d’accord sur ce point : à savoir que ce vœu de l’Humanité ne peut être réalisé que par un tribunal indépendant qui soit au-dessus des États. James Brown Scott, président de l’Institut américain de Droit international, a déclaré dans un exposé que l’histoire de l’Humanité n’est que l’histoire des individus à une plus grande échelle. Dans l’histoire des individus, par suite d’accord entre les parties, le droit à la justice personnelle a fait place à la procédure d’arbitrage et, partant de celle-ci, la procédure judiciaire s’est elle-même développée par la nomination de jugea et l’exécution de leurs jugements. La violence est la violence, que celle-ci s’exprime entre hommes armés ou bien entre des peuples entiers qui, dans le cas d’une guerre, mettent en oeuvre les dernières ressources de leur Gouvernement.
Si l’on compare leur évolution à celle des individus, les peuples se trouvent aujourd’hui à la période de transition qui relie la procédure d’arbitrage à la procédure judiciaire. La nature se répète de jour en jour, de génération en génération, que cela se manifeste chez des individus ou parmi des groupes d’individus que nous appelons État ou Nation. La procédure d’arbitrage international sera la base de la procédure judiciaire de la communauté internationale, placée sur un plan supérieur à celui des États, comme à l’intérieur de chaque nation la procédure judiciaire a évolué en partant de la procédure d’arbitrage.
Nous sommes à la veille du début de l’époque de l’Histoire des peuples qui signifiera la fin des conflits armés et réalisera ainsi les vœux de tous les peuples. Le Tribunal Militaire International ne pourra remplir cette mission dans l’Histoire du monde...
Docteur Gawlik, j’ai devant moi la traduction de votre plaidoirie. A la page 113, vous faites allusion sous le numéro 1 au service principal du SD. Je voudrais savoir ce que vous entendez par là. Vos pages concordent-elles ?
Oui, Monsieur le Président. Le Service principal du SD a subsisté jusqu’en 1939. On le désignait sous l’abréviation II 1, en fait le service de recherche des adversaires, qui est passé à la Gestapo au moment de la création du RSHA.
Le Service principal du SD a fait partie de la Gestapo ?
Non, pas le Service principal tout entier, Monsieur le Président. Jusqu’en 1939, il y a eu un Service principal du SD. Et en septembre 1939 fut créé le RSHA. Celui-ci existe depuis septembre 1939. Auparavant, il y avait le Service principal du SD, avec diverses sections dont l’une passa à la Gestapo au moment de la création du RSHA ; c’était la section II 1.
Le Service principal du SD cessa donc d’exister après 1939 ?
Oui. Il cessa d’exister et la section II 2 passa à l’Amt III du RSHA.
Vous dites donc que la section II 1 du Service principal du SD passa au RSHA, au service II, à l’Amt II du RSHA ?
Non, Monsieur le Président. La section II 1 alla à l’Amt IV du RSHA, c’est-à-dire à la Gestapo ; la section II 2 devint l’Amt III du RSHA.
Le Service principal du SD cessa donc d’exister et tout fut réparti entre les divers services du RSHA ?
Oui.
Oui.
Nous sommes à la veille de l’époque de l’Histoire des peuples qui signifiera la fin des conflits armés et réalisera ainsi les vœux de tous les peuples. Le Tribunal Militaire International pourra remplir cette mission dans l’Histoire du monde s’il fait connaître, par sa décision, qu’il veut être le Tribunal souhaité par les hommes politiques et la jurisprudence et qui soit au-dessus des nations. Ce but ne sera cependant pas atteint par la condamnation collective des membres de l’organisation puisque, de ce fait, des innocents seront aussi condamnés. Ce Tribunal ne peut s’appuyer que sur des principes de justice : pas d !e châtiment avant d’avoir établi la culpabilité individuelle.
Je ne crois pas que le Tribunal ait établi l’ordre à venir, et j’ignore où en est la traduction des différentes plaidoiries. Mais les avocats des organisations peuvent peut-être nous dire si leurs plaidoiries sont traduites et s’ils sont prêts à les prononcer.
Le Dr Laternser est-il là ?
Oui, Monsieur le Président.
Nous allons donc entendre maintenant le Haut Commandement.
Si je suis bien renseigné, la traduction anglaise de ma plaidoire est complètement terminée. La traduction française est sur le point de l’être. J’en ai un exemplaire sous les yeux. Quant à la traduction russe, je ne sais rien d’elle.
Très bien. Vous avez la parole, Docteur Laternser.
Il n’est pas rare que dans l’Histoire des peuples, après une guerre, les chefs militaires de la partie vaincue aient été exécutés. Si l’on ne pouvait reprocher aux chefs militaires ou aux généraux vaincus leur incapacité ou la négligence de leurs devoirs militaires, on les a accusés de trahison, soupçonnés de visées politiques ou bien on leur a reproché d’avoir transgressé les règles de la guerre ou leurs pouvoirs politiques. En tout cas, on doit remarquer une chose : dans l’ensemble, ces procédures et jugements étaient l’initiative de l’État lui-même et non de l’ennemi victorieux. Pour trouver des exemples de ce dernier cas, il faut déjà revenir sur deux mille ans d’Histoire. Les Romains ont étranglé leur ennemi Jugurtha dans sa prison et poursuivi Annibal de leur vengeance jusqu’à ce qu’ils pussent lui mettre dans la main, à la cour de son hôte et ami, la coupe empoisonnée. Dans l’Histoire moderne, un seul exemple : Napoléon Ier , qui mourut à Sainte-Hélène, exilé par les puissances victorieuses. Mais les États victorieux ne lui demandèrent pas de rendre d’es comptes parce qu’il avait servi son pays comme général français, mais parce qu’il était empereur des Français et, par conséquent, chef politique de son pays. Hitler, Chef du Reich et Chef suprême de la Wehrmacht, s’est soustrait à la responsabilité par la mort. Comme on ne peut plus l’atteindre, l’Accusation met les grands chefs militaires à la place du Commandant suprême de l’Armée et du Chef de l’État, en fait ainsi, sans hésiter, des chefs politiques et cherche à leur faire rendre des comptes. Cette procédure est sûrement unique dans l’histoire des peuples et sera, certes, considérée par tous les soldats du monde avec des sentiments particuliers.
Si l’audition des preuves — je reviendrai sur ce point en, détail — a jeté sur quelque chose une clarté complète, c’est bien sur le fait que les chefs militaires allemands n’ont pas dominé leur pays et ne l’ont pas poussé à la guerre. Ils ne furent pas ’des hommes politiques, mais uniquement et peut-être trop uniquement — c’est ici le tragique — des soldats. S’ils avaient été des hommes politiques, l’Allemagne ne serait pas tombée dans cet abîme. Si l’on pense à cela, il devient clair que ces hommes ne sont, en vérité, devant ce Tribunal, que parce qu’ils ont servi leur pays en soldats.
Le général Taylor, représentant du Ministère Public, cherche à prouver que Hitler n’aurait pu mener ses guerres sains le secours de la Wehrmacht, et c’est incontestable. Personne n’a encore pu faire la guerre sans soldats. Ce que dit Carlyle vaut pour les chefs militaires allemands comme pour tous les soldats : « Lorsque quelqu’un devient soldat, il appartient corps et âme à l’officier qui le commande. Il ne doit pas décider si la cause pour laquelle il part en guerre est bonne ou mauvaise. Ses ennemis sont choisis pour lui et non par lui. Son devoir est d’obéïr et non de questionner ».
Si les chefs militaires allemands se tiennent aujourd’hui devant ce Forum comme une organisation qu’on prétend « criminelle », cette accusation ne les concerne pas seuls mais elle vise, quoiqu’elle puisse aussi le nier extérieurement, elle vise en vérité le principe du soldat ou, du moins, le principe du commandement militaire en général.
L’Accusation, en citant devant le Tribunal le chef militaire qui remplit, en obéissant aux ordres de son Gouvernement, son devoir de soldat, parce qu’elle déclare illégale l’action de son Gouvernement, fait de lui un responsable de cette action, lui attribue le devoir d’examiner la légalité de la politique de son pays et fait enfin le chef militaire juge de la politique de son État. Ce ne peut être mon rôle d’exposer les suites d’un tel bouleversement moral pour les soldats du monde entier. Je ne peux que prier le Haut Tribunal de bien vouloir examiner, avec un soin particulier et en pleine conscience d’e sa responsabilité, ces circonstances particulières, en appliquant les principes du Statut aux soldats qui ont effectivement une position juridique particulière. Lorsqu’au cours d’une introspection minutieuse le juge se rendra compte que toutes sortes de raisons pourraient l’entraîner à avoir du parti pris contre l’accusé, ce juge, dans sa noblesse, se verra contraint à vérifier particulièrement et à toujours contrôler s’il agit en connaissance de cause ou s’il suit une opinion dictée par le sentiment.
Ici donc, où un adversaire en juge un autre, le Ministère Public nomme cela modestement une faute de goût ! Ici, où les juges n’appartiennent qu’aux peuples contre lesquels les accusés ont levé les armes, on demande au juge ce qui est presque humainement impossible, c’est-à-dire qu’il se libère, dans l’intérêt de l’avenir de l’Humanité, de tous les sentiments que font naître la lutte terminée et les passions excitées. Je mène la défense avec la confiance que ce Tribunal n’usera pas de représailles contre les chefs militaires allemands que je représente ici, mais parlera au nom de la vérité et dans le sens suprême du Droit.
Toute l’accusation tend, sous la double désignation d’État-Major et d’OKW, à réunir en un « groupe » juridique et affectif, 129 officiers supérieurs de l’Armée allemande qui avaient en mains certains services de la hiérarchie militaire.
Avant de m’expliquer juridiquement sur les ’prétendues caractéristiques du groupe, je dois m’occuper de la désignation « État-Major général et OKW ».
A l’époque de Hitler, il n’a jamais existé d’État-Major général pour la Wehrmacht toute entière, comme l’Accusation l’entend manifestement dans le sens du « Grand État-Major » de l’ancienne armée impériale.
La Manne de guerre n’avait ni Amirauté, ni officiers de l’État-Major de la Marine. La Direction des opérations navales, créée à l’automne 1938, n’avait rien qui ressemblât à un état-major général. La Marine de guerre ne participait aux missions de l’Armée de terre et de l’ensemble de la Wehrmacht que dans des cas isolés, où une collaboration relative aux opérations était nécessaire.
La Luftwaffe avait un état-major général propre, se composant du chef de l’État-Major général et des officiers de l’État-Major général. Son rayon d’action était cependant nettement séparé de l’État-Major général de l’Armée de terre et limité au domaine indépendant de la Luftwaffe. Ce n’est que pour l’exécution d’opérations communes qu’a eu lieu une collaboration entre les deux organismes.
L’État-Major général de l’Armée de terre même n’était pas non plus, comme l’Accusation semble le croire, une autorité centrale, mais se composait pareillement du seul chef de l’État-Major général et des officiers de l’État-Major général.
La position de cet État-Major général correspond bien peu au tableau tracé par l’Accusation : une première preuve en est que son premier chef, le Generaloberst Beck, ne fut reçu que deux fois par Hitler pendant toute sa période d’activité, de 1935 à 1938.
Les « États-Majors généraux » de l’Armée de terre et de l’Armée de l’air, qui existaient réellement, n’ont absolument rien à voir avec toute l’accusation. En effet, les 129 officiers accusés ne représentaient pas comme entité ces deux États-Majors généraux ; mais, parmi eux, appartenaient seuls à ces États-Majors généraux le Generaloberst Jodl, chef de l’État-Major d’opérations de la Wehrmacht, le sous-chef de cet État-Major et les chefs des États-Majors généraux de l’Armée de terre et de l’Armée de l’air. Quant aux autres généraux, ils n’étaient pas officiers id)’éta1>-major général mais chefs d’unité. Une bonne partie d’entre eux, à savoir 49 officiers sur 129, n’ont même pas appartenu autrefois à l’État-Major général. Quand l’Accusation donne cependant à l’ensemble le nom d’« État-Major général », c’est à peu près la même chose que si, dans l’Église catholique, on accusait l’ordre des Jésuites alors que les cardinaux sont visés.
La dénomination « État-Major général » ne s’applique donc pas aux 129 officiers accusés mais à tous ceux des officiers de l’État-Major général qui n’ont rien à voir avec l’accusation. Elle est erronée et arbitraire. Une condamnation mentionnant la dénomination « État-Major général », désignerait une institution dont les membres ne sont nullement accusés.
L’OKW n’avait surtout pas la signification d’un centre de commandement indépendant. Comme on l’a clairement prouvé au cours de ce Procès, c’était seulement l’état-major de travail de Hitler en matière militaire et il n’avait pas compétence pour donner des ordres de lui-même. Seules, 4 des 129 personnes ont appartenu à l’OKW. La dénomination ne s’applique donc absolument pas aux autres.
La double appellation « État-Major général et OKW » n’arrange rien. Ce qui est désigné ici comme État-Major général et OKW représente en réalité la totalité des officiers qui, au cours de la guerre, occupaient les postes les plus importants. Ils n’étaient rien d’autre que les sommets de la hiérarchie militaire, nettement distincte dans les trois parties de l’Armée. La seule chose qui unissait ces officiers de haut grade, c’était les rapports hiérarchiques militaires, le même idéal professionnel et la camaraderie, comme c’est le cas dans toutes les armées.
La dénomination « État-Major général et OKW » est donc un cumul de dénominations fausses — arbitrairement choisie pour simuler une fusion qui n’en a jamais été une et ne peut en être une. Pour ces cent vingt-neuf officiers, ni le nom d’« État-Major général » ni l’appellation « OKW », ni l’alliance ’dies deux dénominations « État-Major général et OKW » ne donnent une idée d’analogie et de validité pour toutes les personnes.
La dénomination, inexacte à elle seule, n’empêcherait peut-être pas une condamnation dans la mesure où elle pourrait être remplacée par une dénomination exacte. L’expression fréquemment employée par le Ministère Public, « chefs militaires » les plus élevés ou la dénomination, « détenteurs des grades suprêmes de l’Armée allemande » s’appliquerait mieux, d’un point ’de vue objectif, à la totalité des officiers accusés que la fausse dénomination « État-Major général et OKW ». Mais les deux dénominations ne seraient aussi que des circonlocutions et l’allusion claire à une multiplicité de personnes purement effective ; elles ne seraient jamais la preuve de l’existence d’une fusion quelconque de ces nombreuses personnes. Il n’y a pas d’autres dénominations probantes. Au contraire ; justement le fait que l’on doive chercher et chercher encore pour trouver une dénomination quelconque et que l’on trouve seulement une expression valable pour les cent vingt-neuf individus, mais nullement significative d’une fusion organisée, ce fait amène obligatoirement à la conclusion qu’il n’y a jamais eu de formation de droit ou de fait, quelque nom qu’on lui donne.
La fausseté de l’appellation et l’impossibilité de choisir une dénomination convenable sont déjà de puissants arguments contre l’hypothèse d’un « groupement ou organisation « ; toutefois, il faut encore examiner les motifs juridiques qui ont dû être fournis pour que les cent vingt-neuf officiers accusés aient pu être considérés comme un « groupe » ou une « organisation », même si aucun nom ne peut leur être donné.
Le Statut ne définissant pas le concept « groupe » et « organisation », expliquons brièvement ce que l’on entend par là : il se pose tout d’abord la question de savoir si la dénomination « groupe » doit signifier autre chose que celle « d’organisation » ou si les deux concepts sont identiques. Le Statut employant les deux concepts l’un à côté de l’autre, voire dans la même phrase, on doit en conclure que le ’choix des deux ’dénominations a été raisonné et qu’il est destiné à souligner une différence effective entre elles. L’article 9 du Statut laisse, il est vrai, surgir des doutes justifiés sur le point de savoir si l’on devait en fait, différencier les deux représentations, car, d’après cet article, le Tribunal est seulement habilité à déclarer que les groupes et organisations sont des « organisations criminelles ». Le Tribunal ne peut donc pas déclarer un « groupe » « organisation criminelle », si ce groupe ne possède pas les caractéristiques adéquates, c’est-à-dire s’il n’est pas aussi lui-même une « organisation » ! Car alors, aux termes de l’article 9, le groupe en soi serait insignifiant du point de vue juridique et un groupe non organisé ne pourrait pas être déclaré criminel.
Néanmoins, la question de la « formation de groupe » nécessite un examen. Pour définir le concept, il faut, avec le Procureur Général américain, partir de l’usage courant du mot dans la langue. La caractéristique principale de l’existence d’un « groupe » d’hommes, c’est la réunion dans l’espace d’une multiplicité de personnes. On parle d’un « groupe » en peinture, lorsque plusieurs personnes sont représentées l’une à côté de l’autre, d’un « groupe de curieux » lorsqu’un certain nombre de gens placés, l’un auprès de l’autre observent un événement. Il s’ensuit que pour avoir un « groupe », il faut aussi que le rassemblement de personnes soit simultané. Ces deux caractéristiques manquant dans le cercle des grands généraux et amiraux cités par l’Accusation — ces officiers, occupant les postes plus divers, ne furent jamais, ni avant ni pendant la guerre réunis dans l’espace ou occupés en commun simultanément — il ne peut être question d’un « groupe », du seul point de vue linguistique et effectif.
Si l’on ne doit pas considérer ce cercle d’officiers comme un « groupe », à défaut de bases effectives, il reste encore à savoir s’il n’était peut-être pas un « groupe ressemblant à une organisation » ou même une « organisation ». Si là encore, on part de l’usage courant du mot dans la langue, il appartient avant tout à une organisation d’être « organisée ». Mais une association d’hommes n’est « organisée » qu’au cas où elle possède des organismes propres pour assurer la liaison, l’organisation, la compétence et l’activité reposant sur une sorte de constitution quelconque. Eh outre, cette association — qu’elle soit soumise à des conditions juridiques ou qu’elle existe seulement comme simple fait sociologique — doit se développer selon sa propre volonté et au moyen de ses propres organismes. Une association organisée doit posséder une « entité », « Wesenhäftigkeit », « Entity ». Le Ministère Public le reconnaît.
Cette entité ne doit certes pas posséder des contours si précis qu’elle apparaisse comme un sujet de droit particulier, mais elle doit montrer extérieurement tout au moins les caractéristiques qui viennent d’être mentionnées et être en outre, de par son essence, une réunion sciemment consentie et volontaire de plusieurs personnes désirant poursuivre des buts communs.
D’après cette définition, la caractéristique principale d’une « organisation » c’est le « but intérieur » de l’association. La forme extérieure n’est pas la, seule condition sine qua non de son existence ; bien plutôt, une multiplicité de personnes unies entre elles ne sera une « organisation » que si elle a pour but intérieur d’arriver à des fins communes.
Pour le cercle d’officiers visé, les conditions juridiques et matérielles manquent totalement, qui puissent justifier l’hypothèse d’un groupe du genre organisation ou d’une organisation. La condition la plus marquante déjà n’est pas remplie, celle de l’adhésion volontaire.
Ces officiers n’ont pas été volontaires pour ces postes et ils n’y sont pas restés de leur plein gré. Or le Tribunal a déjà fait connaître, en définissant les éléments sur lesquels devaient porter les preuves importantes, que le volontariat dans l’adhésion était indispensable ; le Ministère Public a, lui aussi, indiqué que cette condition était essentielle. Les chefs militaires ont, il est vrai, choisi volontairement la carrière militaire. Volontairement encore, ils sont allés en 1920 dans la Reichswehr et ils se sont ainsi obligatoirement engagés à servir pendant vingt-cinq ans. Mais ils ont été appelés aux postes visés par l’Accusation uniquement en raison de leurs capacités, sans qu’ils aient rien fait d’eux-mêmes pour cela. Pour se retirer, ils ne pouvaient invoquer la fin de leur engagement aussi longtemps qu’ils étaient encore capables de servir, et surtout pas en temps de guerre, car cela leur était alors expressément interdit. Ces circonstances, ces faits, se passent de preuve car il en est de même, ou à peu près, dans toutes les Armées du monde. Ils reposent d’un côté sur le pouvoir militaire de donner des ordres et de l’autre sur le devoir militaire d’obéissance. La preuve est ainsi fournie que l’« État-Major général et l’OKW » n’ont jamais été une association de personnes reposant sur la base de l’adhésion volontaire. Il ne peut non plus s’agir d’une « organisation » parce qu’une autre condition a manqué : la conscience pour ces officiers, d’être entrés dans une association au moment où ils étaient appelés à leur poste.
Tout citoyen qui entre volontairement dans une quelconque organisation sait au moins que l’organisation existe et qu’il y entre. Or ces officiers reçurent, sans qu’on leur demandât leur avis, l’ordre d’occuper ces postes que l’Accusation réunit maintenant seulement sous une forme arbitraire, dans une « formation », un « groupe » ou une « organisation ». Comment donc pourraient-ils avoir été conscients de ce que leur appel aux postes les plus divers signifiait leur adhésion à une sorte d’association ?
Le Ministère Public a prétendu qu’il aurait déjà existé une collusion analogue des officiers d’État-Major général au sein de la « Schlieffengesellschaft ». Cette allusion est dépourvue de signification pour l’appréciation juridique qui est recherchée ici. La Schlieffengesellschaft qui ne se réunissait qu’une fois par an, pour une conférence et un rapport, avait pour but exclusif le culte de la camaraderie entre les anciens officiers de l’État-Major général et ceux qui étaient encore en activité. Les officiers d’activé, Allemands et Autrichiens, qui provenaient des armes les plus diverses des parties de la, Wehrmacht, n’avaient aucune raison de fonder, pendant la guerre, une telle association.
La fondation d’une communauté politique était déjà impossible du fait de l’orientation apolitique traditionnelle de tout le corps des officiers allemands. La pensée suivant laquelle un dessein criminel, comme voudrait le prétendre l’Accusation, a été le but de cette collusion, est réellement absurde.
Si donc ces officiers n’avaient pas occupé leur poste volontairement, ni n’avaient conscience d’adhérer à un groupement ou de s’associer d’une manière organisée, le fait d’avoir occupé les postes visés par l’Accusation ne peut pas fonder, à lui seul, la présomption d’une « organisation ».
Mais les faits suivants parlent contre un projet de collusion et l’existence d’une « organisation ». Un grand nombre des officiers considérés ne se connaissent même pas les uns les autres, et seuls certains de ces officiers sont alors entrés en contact officiel les uns avec les autres.
Toute homogénéité interne manquait à ce cercle d’officiers supérieurs que l’on prétend avoir été si unis. Ce sont justement ces débats qui, mieux que tout le reste jusqu’à présent, ont jeté un rayon de lumière sur les profondes divergences de vues et les oppositions internes qui existaient entre les hauts chefs militaires.
Nous allons maintenant suspendre l’audience.